1 Le diocèse de Meaux connait assez peu de demandes de reliques des catacombes. Le registre de Monseigneur sacriste n’en comptabilise que onze, auxquelles il faudrait peut-être ajouter quelques reliques ayant circulé par des intermédiaires non identifiés. Ces demandes s’effectuent sur deux périodes et selon deux logiques différentes. Sous l’épiscopat de Bossuet (1681-1704), les cinq demandes sont le fruit de quatre réguliers et d’un laïc1. Sous l’épiscopat de Bissy (1705-1737), ce dernier est directement à l’origine de cinq requêtes et la sixième est présentée par son secrétaire Claude Montginot dont on peut penser qu’il agit pour son prélat2. Ces nouvelles pratiques sont-elles le signe d’une politique épiscopale particulière ? Pourtant, quand il est évêque de Toul (de 1687 à 1705), Henri Thiard de Bissy ne fait aucune demande de reliques, alors que dix-huit sont formulées sous son épiscopat. Entre temps, le personnage a changé de stature. Devenu cardinal en 1715, ses demandes correspondent chronologiquement à sa présence à Rome pour les conclaves de 1721, 1724 et 1730. Connus par ses prédications contre les protestants lorrains3, ses talents de controversiste ont également pris une autre dimension à partir du moment où il se pose en pourfendeur du jansénisme et du gallicanisme. Découlant de son expérience, les demandes de reliques prennent véritablement sens dans les distributions qu’il en fait à Meaux à son retour du conclave de 1721.

2Pour comprendre la réception des corps saints romains dans sa cité épiscopale, on dispose du récit détaillé d’un chroniqueur de Meaux. Son auteur, Claude Rochard (1682-1765), est le premier chirurgien de l’hôtel-Dieu de la ville. Peu après son installation à Meaux4, il entreprend d’écrire une histoire de la cité à partir des chroniqueurs et annalistes qui l’ont précédé et de ses propres recherches. En parallèle, il tient un journal des évènements auxquels il assiste et qu’il transforme en chronique à partir de 17415. Même si le texte est réécrit par son auteur a posteriori, il s’agit d’un témoignage de première main sur la réception des reliques par les établissements religieux qui les accueillent dans les mois suivant le retour du cardinal de Bissy. Rochard y décrit les cérémonies associées à cet évènement et indique les différents intermédiaires ainsi que les circonstances de ces distributions. La narration est si précise qu’elle a valeur d’exemple pour saisir les rouages locaux de la diffusion des corps saints des catacombes. Il nous a semblé qu’elle méritait une édition que nous proposons ici.

3Cependant, le texte ne se suffit pas à lui-même pour mesurer les enjeux liés à l’arrivée de ces nouvelles reliques. Il faut en effet contextualiser l’évènement dans un cadre local : celui d’un diocèse de Meaux, en proie aux tensions confessionnelles, qui semble synthétiser à lui seul tous les combats doctrinaux menés par le cardinal de Bissy. Ce dernier y poursuit une politique antigallicane fortement marquée dont la distribution de reliques des catacombes est bien un élément-clé.

Un diocèse sur un double front

4L’épiscopat de Bossuet et les premières années de celui d’Henri de Thiard de Bissy ont connu une nette affirmation du culte des saints locaux. Les entreprises hagiographiques se multiplient, telle la vie de saint Faron rédigée par Herbert de Rocmont en 16896. La redécouverte à Beauvais du manuscrit des œuvres de Foulcoie de Beauvais, auteur meldois du XI^e siècle, est suivie par la distribution de copies des vies de saints du diocèse. En 1705, Nicolas Le Coq, chanoine de Courpalay et auteur d’un poème à la gloire de Bossuet en 1699, se propose de traduire la vie de saint Blandin en prose7. Ces efforts sont doublés par une activité historiographique intense. La ville de Meaux avait déjà connu deux chroniqueurs/historiens laïcs à la fin du XVI^e siècle et au début du XVII^e siècle avec Nicolas Lenfant et Nicolas Bordereau8. Sous Bossuet, trois entreprises sont menées en parallèle par trois religieux : le curé de la paroisse Saint-Thibaud, Pierre Janvier (1618-1689), et ses Annales des évêques de Meaux, l’ouvrage Antiqua Ecclesiae Meldensis Monumentae rédigé par le vicaire général Jean Phélipeaux (1653-1708) et le Mémoire sur l’histoire et l’antiquité du diocèse de Meaux, qui rassemble des notes de François Ledieu (1658-1713), chanoine et secrétaire de Bossuet, auteur par ailleurs d’un journal9. Comme ceux du XVI^e siècle, tous ces écrits justifient l’antiquité du diocèse de Meaux dont la liste épiscopale remonte jusqu’à saint Denis et ses disciples, montrent la constance de l’église catholique en Brie depuis les origines chrétiennes, promeuvent les saints locaux (Faron, Fare, Fiacre etc.) et stigmatisent la blessure huguenote qui fait plonger la ville dans les guerres de religion au XVI^e siècle10. En cela, ils reprennent largement leurs prédécesseurs, surtout Nicolas Lenfant. Mais après la révocation de l’Édit de Nantes, ils glorifient aussi l’action de leur prélat venu à bout des protestants. Le cardinal de Bissy comprend parfaitement la situation. Abbé commendataire de Saint-Germain-des-Prés, il commande à l’érudit mauriste Toussaints Du Plessis une Histoire de l’Église de Meaux parue en deux volumes en 173111 et qui se termine par un nouveau front ouvert par le prélat : le jansénisme12. Farouche opposant à cette doctrine, le cardinal de Bissy n’hésite pas à entrer ouvertement en conflit avec une partie de son clergé à Meaux et surtout à Saint-Germain-des-Prés où il refuse d’assister aux offices de 1717 à 173513. À Meaux, plusieurs chanoines sont clairement jansénistes. En 1709, le projet de nouveau missel présenté par Ledieu à l’évêque provoque de lourdes suspicions de jansénisme à l’encontre de l’ancien secrétaire de Bossuet qui entend faire prononcer l’Amen du canon de la messe par l’assistance et non par le célébrant14.

5Il est donc nécessaire de contextualiser la distribution de reliques romaines à Meaux par ce double front : la cicatrice sans doute encore vive d’une forte présence réformée, suivie de l’exil et de la conversion forcée des protestants après 1685, et les tensions autour de la question janséniste à laquelle le cardinal de Bissy oppose un ultramontanisme très marqué15. L’arrivée des reliques romaines à Meaux se déroule également dans un diocèse où la piété pour les saints locaux est largement affirmée.

L’importance des reliques locales

6La distribution ne se fait pas dans une ville sans reliques. Les processions pour les biens de la terre organisées par Bossuet en 1693, du 31 mai au 7 juin, montrent l’étendue de la réserve de corps saints détenue par les églises et établissements religieux de la ville. Le chroniqueur anonyme du manuscrit Lucy, actif entre la fin du XVII^e siècle et le premier tiers du XVIII^e, présente scrupuleusement la hiérarchie sacrale qui est déployée à cette occasion16.

7Tout d’abord, l’évêque demande au chapitre cathédral de descendre la châsse contenant les reliques de saint Fiacre, « patron de la Brie » précise le chroniqueur, et de saint Kylien, évêque d’Arras mais surtout compagnon de saint Faron, évêque de Meaux du VI^e siècle. Les deux personnages sont contemporains et d’origine irlandaise. La châsse qui contient leurs restes se trouve au-dessus du grand autel de la cathédrale. Le 31 mai, elle est portée en procession dans la ville, « à la réserve du Marchée »17, par les chanoines. Deux autres châsses accompagnent les deux corps saints dans leur parcours à travers les rues de la ville : l’une contient les reliques de saint Gilbert et l’autre celles de saint Hildevert, saint Saintin, saint Rigomer, saint Ebrégisile, saint Faron et saint Antonain, tous évêques de Meaux18. Ces deux dernières châsses sont portées par les chanoines de la collégiale Saint-Saintin située dans le Marché. Seule celle de saint Fiacre est laissée à la vénération des fidèles pendant toute la huitaine. C’est pour l’honorer que l’ensemble des paroisses et monastères de la ville se rendent pendant une semaine en procession jusqu’à la cathédrale.

8La prééminence des reliques de saint Fiacre est évidente. D’ailleurs, le chroniqueur anonyme note toutes les dates de sa descente. Il donne également une version non officielle de la présence des reliques du saint dans la cathédrale. En effet, le mauriste Toussaints Du Plessis rapporte l’évènement en précisant que ce sont les religieux du prieuré de Saint-Fiacre qui, devant la menace protestante, ont transféré la châsse du saint dans la cathédrale de Meaux en 156819. Il reprend alors le livre des choses mémorables du prieuré (aujourd’hui disparu) et les notes que François Ledieu a prises sur le registre des décisions capitulaires du chapitre cathédral. Le même récit est livré par Dom Racine quand il rédige, en 1764, son Histoire du monastère et du pèlerinage de Saint-Fiacre20. Le chroniqueur anonyme affirme, quant à lui, que ce sont les « habitans de Meaux » qui « allèrent à main armée » chercher les précieuses reliques21. Cette version, sans doute véhiculée oralement, montre le processus d’accaparement des reliques de saint Fiacre par la ville de Meaux. Non seulement les chanoines refusent de rendre la châsse aux religieux du prieuré, mais la population fait preuve d’une grande piété à son égard, allant jusqu’à faire de leurs ancêtres les véritables acteurs de ce transfert.

9Le contexte de l’arrivée des reliques romaines ne se limite donc pas aux tensions confessionnelles et à la politique antijanséniste du cardinal de Bissy. La distribution des corps saints extraits des catacombes se déroule bien dans une ville marquée par la ferveur envers les saints locaux.

Les logiques de la distribution

10Toutefois, la distribution des corps saints des catacombes par l’évêque de Meaux répond aussi à des besoins locaux. Par cette action, il complète le trésor des reliques de la cité, en portant son attention sur les églises en carence, il opère une recharge sacrale de l’ancien quartier protestant et il s’intègre, ainsi que son premier valet de chambre, dans les milieux fervents de la ville.

11L’attribution des reliques se fait selon une temporalité assez longue. Le cardinal de Bissy a quitté Meaux pour Rome le 1^er avril 1721 pour participer au conclave qui débouche sur l’élection d’Innocent XIII le 8 mai. Il n’est de retour à Meaux que le 23 décembre 1721, sans doute pour assister aux cérémonies entourant Noël. Le 27 du même mois, il reçoit les membres de la confrérie de Notre-Dame de Lorette. Ayant célébré la messe dans ce sanctuaire, il devient leur confrère, ainsi que plusieurs personnes de son entourage. Son premier valet de chambre Pierre Jullien offre alors à la confrérie des reliques de saint Vincent et saint Liliose. Le 6 janvier 1722, le prélat assiste à une célébration en leur compagnie. Le 11 avril, les ossements de deux saints sont placés dans une châsse qui est déposée dans la sacristie de la chapelle de l’évêché. Il faut attendre le 28 juin pour que la translation solennelle soit organisée et la châsse transportée dans le couvent des cordeliers qui abrite la confrérie.

12Entre temps, le corps de saint Urbain, martyr, a été offert à la collégiale Saint-Saintin qui se trouve dans le quartier du Marché. C’est encore une fois le valet de chambre, Pierre Jullien, qui présente la relique aux bénéficiaires. Les deux premières distributions, si elles émanent bien sûr du cardinal de Bissy qui a fait les démarches à Rome pour obtenir ces ossements extraits des catacombes, sont attribuées à un personnage à première vue secondaire. Et si Claude Rochard prend soin de noter ce fait, c’est sans doute qu’il n’est pas si anecdotique qu’il y paraît au premier abord. Quand Rochard évoque Pierre Jullien, il sait, même s’il ne le précise pas, que le valet de chambre de l’évêque n’est pas un domestique mais qu’il a, comme lui, une fonction de chirurgien auprès du prélat22. Il y a donc, de la part de l’auteur du récit, une fierté professionnelle qui le pousse à citer ce confrère. Mais Pierre Jullien a également une position particulière dans la société meldoise. Certes, son frère est chanoine de la collégiale Saint-Saintin qui reçoit le corps de saint Urbain, mais ils n’ont tous deux aucun ancrage local. Pierre Jullien et son frère Joseph sont en fait né à Pézenas, dans le diocèse d’Agde23. Dès lors, l’honneur accordé par le cardinal de Bissy à son valet de chambre a clairement pour objectif de les intégrer à l’élite de la ville, les reliques distribuées pouvant leur procurer la reconnaissance des Meldois24.

13Toutefois, l’arrivée des reliques de saint Urbain dans la collégiale Saint-Saintin va bien au-delà d’une volonté d’insertion sociale, même si celle-ci a son importance. Située dans le Marché de Meaux, la collégiale est au cœur de l’ancien quartier protestant. D’ailleurs, aucune relique ne semble présente dans les deux paroisses qui le composent si on se réfère aux processions de 1693. Cette partie de la ville, tenue par les protestants dès les années 1540, est en outre exclue du parcours des processions générales comme le précise le chroniqueur anonyme du manuscrit Lucy : le risque d’incident est trop grand pour envisager le passage serein des châsses de la cathédrale25. La nouveauté d’une procession de reliques partant de l’évêché jusqu’à Saint-Saintin a une valeur de recharge sacrale. Le dépôt du corps du saint martyr romain marque la reprise en main du quartier par l’Église catholique. Ce n’est d’ailleurs pas le seul signe envoyé aux anciens protestants. Lors de la translation des reliques offertes à la confrérie Notre-Dame de Lorette, Rochard précise qu’en tête de la procession se trouve « un jeune enfant du Marché, nommé Bénard, âgé de sept ans, vêtu en ange » qu’il faut identifier avec le fils d’Isaïe Bénard dont le prénom vétérotestamentaire trahit son appartenance à la religion réformée26.

14Le processus de distribution des reliques ne s’arrête pas en juin 1722. En effet, le 15 novembre 1722, le couvent des trinitaires reçoit « une phalange de saint Jean de Mata », fondateur de leur ordre, que le cardinal de Bissy a obtenu du nonce apostolique en France. Même s’il ne s’agit pas ici d’une relique romaine à proprement parler, sa donation entre bien dans la politique épiscopale pour augmenter la réserve reliquaire des établissements de la ville. Enfin, le 14 mai 1723, deux ans après le voyage de Bissy à Rome, la relique du chef de sainte Constance est offerte à l’hôtel-Dieu et sa translation s’accompagne de la guérison miraculeuse d’un adolescent pris de convulsion. Doit-on rapprocher cet évènement du mouvement janséniste ? Il faudrait pour cela envisager de cerner plus précisément le parti janséniste à Meaux en dehors du chapitre cathédral, ce qui en l’état actuel des connaissances n’est pas possible.

15De ces distributions, il faut retenir trois choses. Premièrement, elles se font soit directement par le demandeur auprès de monseigneur sacriste, ici le cardinal de Bissy, soit par un intermédiaire, ici le valet de chambre Pierre Jullien. Le choix de donner directement ou de déléguer à un tiers est révélateur de pratiques de sociabilité qui ne sont pas toujours lisibles au premier abord. L’intégration des frères Jullien, étrangers à la ville, semble ici l’objectif du prélat. Dans deux autres cas à Meaux, il n’y pas d’intermédiaire, ou en tout cas Rochard n’en signale pas, et le cardinal inclue ces donations dans une politique plus vaste de libéralités qui lui assure le soutien du clergé local27. Deuxièmement, les distributions ne répondent pas toutes à la même logique : partage de dévotion avec la confrérie Notre-Dame de Lorette, lutte contre le protestantisme dans le cas de Saint-Saintin, simple libéralité envers l’hôtel-Dieu. Enfin, la temporalité de la distribution est rythmée par des impératifs qui l’étalent sur deux ans : fabrication de châsses, organisation de processions (qui ne doivent pas avoir lieu en même temps), peut-être négociations, mais aussi présence de l’évêque suivant les temps forts liturgiques (Noël, Pâques). En attendant, la chapelle de l’évêché, siège de la spiritualité épiscopale, est l’endroit de conservation des reliques avant leur dépôt auprès des communautés de la ville. Il faut cependant ouvrir une dernière question : si le bénéfice pour le prélat est immédiat puisqu’il renforce son rôle de distributeur de sacralités, qu’en est-il réellement d’un point de vue cultuel ?

Une greffe qui ne prend pas ?

16En opérant ces distributions, le cardinal de Bissy marque de son empreinte le paysage religieux meldois. Claude Rochard, qui rapporte en détail les étapes de cette répartition des corps saints, montre combien les esprits ont pu être frappés. Son récit de la grande procession générale pour les « biens de la terre » de juillet 1725 liste l’ensemble des paroisses et monastères défilant en procession. Chacun sort à nouveau ses reliques et aux côtés des saints Fiacre ou Faron, on relève les corps saints prélevés dans les catacombes à la demande d’Henri de Thiard de Bissy28. On est tenté de voir dans ce texte la manifestation évidente d’une greffe réussie. Et pourtant, le chroniqueur anonyme du manuscrit « Lucy » ne retient pas cette surenchère reliquaire. Il note sobrement que le 5 juillet 1725, l’évêque « a fait dessendre la chasse de st Fiacre qui est à la cathédrasle […] pour la porter en procession dans la ville. […] au retour de la procession fut remontée la ditte chasse à sa place ordinaire où elle fut descouverte pendant huit jours entiers »29. Quant aux autres reliques, il n’en dit pas un mot montrant, une fois de plus, la centralité du culte rendu à saint Fiacre. Le chroniqueur anonyme et Claude Rochard nous livrent des témoignages personnels, par définition biaisés par leur piété ou leur statut social. Ainsi, l’anonyme insiste particulièrement sur la châsse de saint Fiacre pour qui il a visiblement une ferveur particulière. De son côté, Claude Rochard, malgré sa posture d’historiographe et la profusion de détails qu’il donne, est loin d’être neutre. En effet, il est directement concerné par deux des distributions opérées par le prélat : celle des reliques de saint Vincent et saint Liliose à la confrérie Notre-Dame de Lorette dont il est membre30 et celle du chef de sainte Constance à l’hôtel-Dieu dont il est le premier chirurgien. La moitié des distributions de reliques opérées par Bissy entre 1721 et 1723 l’honore donc directement et les précisions qu’il livre pour la procession de 1725 sont le signe sinon d’une ferveur envers ces reliques, du moins d’une gratitude envers le prélat.

17Enfin, dans le quartier du Marché, les reliques de saint Urbain ont certes permis aux chanoines de Saint-Saintin de marquer leur reprise de possession d’un quartier largement acquis à la cause protestante, mais elles n’ont pas vraiment contenté leur soif de sacralité. Le 7 octobre 1787, après des mois de tractations, les chanoines de la collégiale organisent la cérémonie de translation des reliques de saint Saintin qu’ils ont obtenues des chanoines de la cathédrale qui avait reçu un os de la part de l’évêque de Verdun en 162231. À cette occasion, la châsse contenant les reliques de saint Saintin, saint Faron et saint Gilbert est apportée en procession jusqu’à la collégiale, puis l’os du premier évêque de Meaux est montré à la foule massée dans le chœur. Après reconnaissance, un morceau en est prélevé, placé dans un reliquaire que l’on dépose ensuite dans une chasse qui contient « une relique insigne de saint Urbain, martyr, envoyée de Rome en 1721 ». Mais l’objectif est bien de relancer la dévotion à saint Saintin, victime de la révision du bréviaire commandée par le cardinal de Bissy en 171332. En pleine lutte contre le gallicanisme assimilé au jansénisme, Bissy avait fait disparaître un certain nombre de saints locaux du bréviaire. Dès lors, la distribution de reliques romaines peut être vue comme une continuation de sa réforme diocésaine. L’action des chanoines de Saint-Saintin montre que celle-ci n’a visiblement pas pris, ou qu’en tout cas elle n’était déjà plus au goût du jour quelques années avant la Révolution.

18Mickaël Wilmart