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De Rome au royaume de France : patronages, inscriptions spatiales et médiations sociales (XVIe-XVIIIe s.)
Introduction au dossier « France »
p. 413-458
Texte intégral
Le terrain de l’enquête
1La carte de travail (fig. 1) qui inscrit dans l’espace du royaume l’ensemble des bénéficiaires français de reliques romaines ne se lit pas d’emblée. Tout d’abord, si elle fixe les principaux éléments de notre terrain d’enquête1, force est d’observer que celui-ci se présente à la manière d’un puzzle dont chacune des pièces s’insère dans des configurations territoriales plus vastes. Un simple coup d’œil sur la carte européenne des distributions permet ainsi de resituer l’axe Saône-Rhône, bien visible, à l’intérieur de ce que René Taveneaux, étudiant les prémices de la Réforme tridentine, a appelé une « dorsale catholique » qui irait des Flandres à la péninsule italienne, selon un axe lotharingien, « où l’Église établit à la fois sa ligne de défense et son front de reconquête ». Au-delà du fait que cette longue bande étirée est un des grands axes de circulation de l’Europe continentale, joignant deux espaces maritimes aux voies intensément parcourues par les vaisseaux marchands, l’historien lorrain faisait remarquer que cette « dorsale court à travers un ensemble d’États fidèles sans réserve à Rome, mais d’États modestes par l’étendue et l’influence »2.
2D’une certaine façon, nous retrouvons l’empreinte territoriale de la dorsale, avec la densité de bénéficiaires situés dans l’extrême Nord (anciennes provinces des Pays-Bas qui sont en continuité avec l’espace des Pays-Bas tenus par la maison de Habsbourg) et en Franche-Comté, province périphérique, elle aussi, acquise à la France seulement en 1678. On remarque alors le rôle central de l’axe rhodanien où le Comtat Venaissin, territoire pontifical (et point de départ de la Réforme catholique en France), tient une place éminente, mais aussi la métropole lyonnaise à laquelle se joint étroitement l’archidiocèse de Vienne : chef d’une province ecclésiastique qui s’étend jusqu’à Genève, ce territoire est également celui où se situe, au carrefour des grandes routes pèlerines de Rome et Saint-Jacques, l’abbaye Saint-Antoine-de-Viennois, sanctuaire réputé depuis des siècles et très fréquenté, mais aussi siège et chef d’un ordre anciennement répandu dans toute la catholicité, l’ordre hospitalier de Saint-Antoine, plus communément appelé des antonins, chanoines réguliers de Saint-Augustin dont l’abbé relève directement de Rome. Située à un point de jonction pour le passage des Alpes et de la vallée du Rhône, cette abbaye figure parmi les tout premiers bénéficiaires de corps saints des catacombes en France, ce qui n’avait pas échappé aux contemporains qui eurent accès à la riche sacristie où l’on gardait « les saintes reliques, parmi lesquelles on voit plusieurs corps tirez des Catacombes, que les religieux de S. Antoine ont pû avoir facilement, dautant que la vigne de leurs confreres de Rome est située dans un ancien cimetiere »3.
3Par-delà cette géographie du versant français de la Réforme catholique et de ses frontières extérieures, à laquelle on peut rattacher la Provence, on observe une seconde orientation, très nette : elle prend la forme d’un croissant intérieur qui part du rebord sud-est du Massif central, rejoint, en passant par Montpellier, Lodève et Béziers, Toulouse et Bordeaux, puis remonte vers Angoulême et Poitiers. Cette sorte d’écharpe correspond à la plus forte densité d’implantations d’églises réformées dans le royaume, comme si, ici aussi, par l’installation d’un corps saint romain, se définissait un catholicisme de frontière. Anne Bonzon souligne, à partir des sources languedociennes, l’importance de l’enclave avignonnaise et du Comtat comme porte d’entrée des reliques, le caractère ouvertement antiprotestant des translations opérées par les filières bénédictines ou capucines de la région, ainsi que le rôle de certains évêques, comme François Bosquet, ancien intendant, devenu successivement titulaire des sièges de Lodève, puis Montpellier, ou la famille de Bonzi, elle-même d’origine florentine et qui a fourni cinq de ses membres au trône épiscopal de Béziers. Le cumul de fonctions politiques, diplomatiques et épiscopales, pour certains des donateurs, n’est certainement pas étranger à cette large distribution que recoupent aussi des liens de famille dans un territoire marqué par la réalité et la mémoire des destructions iconoclastes, du temps où, comme l’exprime parmi d’autres l’historien et antiquaire dauphinois Nicolas Chorier, « les reliques révérées si religieusement durant tant de siècles ont été le jouet du calvinisme »4. Par contraste, le Massif central, môle de catholicité, paraît être quasi vide de corps saints des catacombes.
4On ne saurait guère s’étonner que Paris, capitale d’un royaume centralisé et nœud de circulations internationales, soit en même temps l’une des destinations privilégiées, mais aussi un espace de transition et d’acclimatation des corps saints romains. Après l’Édit de Nantes, la capitale est le lieu d’une invasion dévote dont des générations d’historiens, depuis Henri Bremond, ont retracé le développement : les monastères d’ordres nouveaux (maisons jésuites, couvents de minimes, carmélites de la réforme thérésienne, visitandines, ursulines, etc.) ou anciens (bénédictines du Val-de-Grâce de fondation royale) s’y sont multipliés au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Les Grands de la cour, les financiers et les parlementaires, dont filles et fils, neveux ou nièces s’engagent justement dans ces ordres de la reconquête catholique, y résident. Ils figurent aux premiers rangs des bienfaiteurs de ces maisons religieuses où l’on cherche activement, et même passionnément, comme le montrent les Mémoires de Paul Beurrier étudiés par Isabelle Brian, à se constituer ou à enrichir des trésors de reliques. Aussi, parmi la cour des protecteurs célestes de ces couvents parisiens, les martyrs des catacombes romaines ont très tôt figuré en bonne place aux côtés des reliques des saints modernes. Leur promotion fut conjointe et, pour ce qui est des corps romains fraîchement importés, elle fut non seulement assurée par des fêtes de translation largement relayées dans les années 1650-1680 par la presse périodique officielle5, mais aussi par leur insertion dans l’espace public des dévotions parisiennes. Leur visibilité atteint son maximum en 1700, date au-delà de laquelle les « Corps-Saints des Cem. de Rome » (2 corps célébrés en 1652, 15 en 1672, 37 en 1691, 39 en 1697 et 42 en 1700)6 ne sont plus présentés comme tels dans les Almanachs spirituels de Paris dont ils finiront par disparaître presque complètement tout au long du XVIIIe siècle, soit parce qu’ils ne sont plus exposés (cas général), soit parce que devenus ultra-minoritaires, ils sont désormais quasiment indistincts dans la masse des saints « gallicans » : en 1775, parmi les quelque 492 expositions de reliques et anniversaires de translation, on ne reconnaît plus guère de romain que « La Réception d’un Corps saint, auquel on a donné le nom de saint Ovide », celle de « Ste Constance, V. & Mart. », de « S. Hippolyte, Martyr à Rome », de « saint Victor, Martyr », de « saint Épiphane » et, toujours sans en préciser l’origine, de « S. Félicissime »7.
5La carte des translations de corps saints des catacombes mentionnées par la Gazette et le Mercure Galant au XVIIe siècle (fig. 2) montre par ailleurs nettement que la capitale s’est trouvée au centre de cette promotion, à la fois politique et apologétique, de la dévotion nouvelle dont les relais médiatiques se sont concentrés dans le Bassin parisien et ses régions environnantes, à Abbeville dès 1652, Beauvais, Château-Thierry et Dieppe en 1656, Dinan en 1659, Le Havre, Chaumont et Troyes en 1663, Soissons et Blérancourt en 1666, Caen, Chartres et Gerberoy en 1671.
6La diffusion en France des récits et des cérémonies de translation est le lieu d’une invention de l’hagiographie des corps tirés des catacombes, de leur popularisation – ainsi la cérémonie parisienne où l’on distribua des images de saint Hyacinthe « gravées par Giffart en petit in-4° où ce saint est représenté en habit de chevalier romain »8 (fig. 3), mais aussi de leur critique savante. On sait en effet que la multiplication de telles cérémonies, comme par exemple celle organisée à Rouen en juin 1697 pour accueillir le corps de sainte Colombe (voir la contribution d’Anne Bonzon), est au point de départ de la réponse du romain Eusèbe au français Théophile par laquelle s’ouvre la fameuse lettre de Dom Mabillon sur « le culte des saints inconnus » : « Parce que vous êtes scandalisé, dites-vous, non seulement de la pompe avec laquelle on transporte dans les Eglises ces corps tirés des Cimetières de Rome, mais encore de ce qu’on célèbre tous les ans leurs fêtes pendant huit jours consécutifs, avec une solemnité que l’Eglise n’accorde qu’à peine aux Saints les mieux reconnus & les plus considérables »9. Localisées à Paris, Pontoise, Tours et Toulouse, les cibles françaises du bénédictin de Saint-Maur se situent toutes dans cette conjoncture médiatique des années 1650-1680 (voir la contribution de Dominique Julia et Stéphane Baciocchi).
7Entre la capitale et les Flandres, dans une région qui jouxte la province Gallo-Belge où les jésuites ont précocement introduit le culte des corps saints romains10, les premières distributions ont bénéficié de ce voisinage mais aussi, nous l’avons dit, d’une publicité des périodiques parisiens. La densité des distributions observées sur la carte générale, c’est-à-dire à partir de l’ouverture du registre de Mgr sacriste, est cependant liée à l’activité intense de deux prélats devenus cardinaux, tous deux diplomates, en charge des affaires politiques et religieuses du Royaume : Toussaint de Forbin-Janson et Henri-Pons de Thiard de Bissy.
8Ils présentent la double particularité d’être bien introduits à la cour de France et d’avoir manifesté vis-à-vis de Rome une fidélité sans faille. Issu d’une maison puissante de Provence, Toussaint de Forbin-Janson, évêque-comte et pair de Beauvais, a succédé au très janséniste Nicolas Choart de Buzenval. Il est en même temps chargé de missions politiques : envoyé à Florence en 1673 pour une impossible réconciliation entre Côme III de Médicis et son épouse Marguerite-Louise d’Orléans, il poursuit son voyage jusqu’à Rome où il est reçu par le pape Clément X, et, à cette occasion, il figure une première fois sur le registre de Mgr sacriste. Surtout, dès son élévation au cardinalat (1690), Louis XIV l’envoie négocier avec le pape Alexandre VIII pour régler l’affaire de la régale et l’envoi des bulles de nomination aux évêques auxquels elles avaient été jusque-là refusées après la déclaration des Quatre Articles formulée par l’Assemblée du Clergé de 1682. Après la mort d’Alexandre VIII, il contribue lors du conclave de 1691 à l’élection d’Innocent XII, termine en 1693 le différend qui opposait Versailles et Rome et demeure dans la Ville éternelle comme chargé d’affaires jusqu’en 1697. Il revient dans celle-ci une nouvelle fois à l’occasion du conclave de 1700 et y reste après sa conclusion, toujours comme chargé des affaires de la France, jusqu’en 1706. Les nombreuses attributions de reliques qu’il obtient coïncident avec ces séjours diplomatiques. À la cour du roi de France, le duc de Saint-Simon, qui estime qu’il est « l’un de ces hommes rares et illustres qui méritent de s’y arrêter », lui rend un hommage appuyé dans ses Mémoires : il « a réussi en perfection dans toutes ses négociations, et a mieux servi le Roi à Rome qu’aucun autre qui y ait été chargé de ses affaires »11. L’autre prélat est Henri-Pons de Thiard de Bissy, successeur de Bossuet sur le siège de Meaux depuis 1704 : élevé au cardinalat en 1715 et nommé abbé de Saint-Germain-des-Prés la même année, il est l’un des plus fervents zélateurs de la Constitution Unigenitus et l’un des adversaires acharnés du cardinal de Noailles, archevêque de Paris, appelant de cette bulle. Il participe à trois conclaves en 1721, 1724 et 1730 et profite de chacun de ses passages à Rome pour obtenir des corps saints auprès de la custode de Mgr sacriste (voir la contribution de Mickaël Wilmart). Saint-Simon, qui ne l’aime pas, dresse de lui un portrait au vitriol : il
était à vendre et dépendre corps et âme, pour sa fortune, aux jésuites [...] et il s’était d’autant plus attaché à eux depuis sa translation à Meaux, que la confiance déclarée de Mme de Maintenon en lui le leur rendait très considérable, comme eux à lui, en supplément, à Rome, des moyens d’arriver qui lui étaient retranchés par sa translation12.
9Enfin, la géographie des distributions bretonnes n’obéit pas à la même logique. D’une part, d’après les registres romains, elle se concentre surtout sur les sièges épiscopaux et sur quelques centres urbains moyens ; on peut d’ailleurs repérer ici l’activité missionnaire des capucins qui, comme leurs confrères venus des quatre coins du monde catholique, profitent régulièrement de leur passage au chapitre général de leur ordre à Rome pour se munir d’un petit trésor qu’ils redistribuent auprès de leurs propres couvents ou des monastères féminins dont ils sont les directeurs spirituels. D’autre part, les enquêtes de Nadège Lemoine, de Sophie Vergnes13 ainsi que les dépouillements systématiques, par l’abbé Paris-Jallobert, des anciens registres paroissiaux de Bretagne permettent de saisir la dissémination paroissiale des reliques romaines, essentiellement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle14. Il n’est pas inintéressant de noter que celle-ci se fait très majoritairement dans la Haute-Bretagne francophone, les exceptions se manifestant surtout dans le Vannetais (fig. 4). Tout se passe comme si ce territoire n’avait aucun besoin des reliques romaines : les nombreuses reliques de la Vraie Croix et les indulgences obtenues de la Papauté pour ses saints locaux semblent suffire au pays des pardons15.
Acteurs et territoires de l’importation des reliques romaines
10La description d’une répartition globale se fait au risque d’un aplatissement des résultats obtenus, en leur refusant toute profondeur chronologique : car la carte générale fait ressortir une logique d’accumulations localisées, sans pour autant restituer les dynamiques d’un mouvement et de moments où se combinent jeux d’échelles et catégories d’acteurs. En effet, en distinguant les périodes marquées par les principaux « pics » d’affluences françaises au guichet de Mgr sacriste (en 1671, 1685, 1700 et 1719), on observe une géographie mouvante et relativement complexe (fig. 6).
11Au cours d’une première période (1657-1671), où les bénéficiaires laïcs sont les plus nombreux, et parmi eux les femmes surreprésentées – il s’agit d’une aristocratie de cour et de quelques « seigneurs » et « gentilshommes » français décrits comme tels dans la source romaine16 –, les distributions transitent par les grands centres urbains que sont Paris, Lyon et Avignon. Dans cette même phase, c’est Saint-Antoine-de-Viennois qui, pour les réguliers, assure la plus grande part de la distribution, cependant que les autres filières régulières (essentiellement les augustins, les franciscains, les minimes et les carmélites) s’éparpillent plutôt dans l’Ouest et le Sud-Ouest de la France. Chez les séculiers, très minoritaires, deux foyers principaux se dégagent : d’une part le Comtat-Venaissin (avec Vaison et Carpentras), Paris d’autre part.
12La seconde phase (1671-1685), qui est aussi celle de la plus importante distribution en France, est portée par la montée en puissance des filières régulières qui tendent à monopoliser l’essentiel des acheminements. Alors que les donations de reliques aux Grands laïcs semblent être très largement concentrées dans la capitale du royaume – la duchesse de Créqui et le duc de Mazarin qui obtiennent chacun un corps entier les 7 novembre 1679 et 18 septembre 1683 sont ici emblématiques –, la distribution au sein des ordres manifeste sans doute, elle aussi, une prépondérance de la capitale suivie immédiatement par la filière Saint-Antoine-de-Viennois / Lyon (et, dans une moindre mesure, Amiens), mais voit surtout l’accentuation de l’orientation ouest – sud-ouest qui suit le sillon, déjà évoqué, de la plus grande densité de populations réformées, comme si les abbayes plantaient là des sentinelles romaines chargées de marquer les points d’arrêt de la progression de l’hérésie. Les demandes séculières (pour l’essentiel des évêques et des chanoines) se concentrent quant à elles autour d’une douzaine de sièges épiscopaux, au premier chef Paris, mais aussi Lyon, Vienne et Grenoble qui font la jonction entre le passage des Alpes et ce croissant (anti)-protestant au sud-ouest du Massif central.
13La troisième phase (1686-1700), ainsi que la suivante (1701- 1719), sont marquées par un haut niveau des demandes mais surtout par l’élargissement sans précédent de l’espace de réception (fig. 6). C’est, pour la France, autour de l’Année sainte 1700, la phase normale d’une diffusion massive des reliques romaines à travers les filières ecclésiastiques déjà identifiées.
14Dans un premier temps de cette période qui est aussi celle, en France, de l’apogée de la mise en œuvre de la Réforme tridentine (1670-1720), les demandes séculières des chanoines et des évêques viennent diversifier les implantations, notamment dans le nord du Bassin parisien, tout en précisant, dans ce moment immédiatement postérieur à la révocation de l’Édit de Nantes, le croissant antiprotestant qui est désormais l’espace des « nouveaux convertis ». Les filières régulières, capucins en tête (tant du point de vue du nombre que de l’intensité des demandes), viennent renforcer cette inscription géographique qui prélude à la généralisation des implantations au tournant du siècle et fait nettement apparaître la Franche-Comté, un territoire frontière de catholicité désormais inclus dans le royaume17.
15Pour complexes qu’elles puissent paraître, les transformations observées s’opèrent suivant deux lignes de force qui sont aussi des glissements sociaux et des changements d’échelle. La première pente est celle qui voit l’importance relative des principales catégories de bénéficiaires (les laïcs, les réguliers, les séculiers, les paroisses) se transformer au fil du temps (fig. 7)18 :
16On passe, par glissements successifs, d’un premier moment où les laïcs (les femmes d’abord, puis les hommes) sont particulièrement actifs, à une période de transition, 1672-1685, où les religieuses et les religieux gouvernent les distributions avant que les séculiers et les paroisses, au début du XVIIIe siècle, prennent le relais. Ce mouvement, schématique mais robuste en ce qu’il concerne l’ensemble des bénéficiaires français (n=3 314), s’accompagne d’un changement d’échelle dans les distributions. C’est la seconde ligne de transformation, homothétique à la première : la destination des reliques, lorsque celle-ci est précisée, évolue sensiblement d’une définition circonscrite à un couvent, un monastère ou à une terre seigneuriale (« terra di ») à une définition élargie à une congrégation, une province ecclésiastique ou un pays tout entier. Vient ensuite le temps des diocèses et des cathédrales19, puis, en fin de parcours, celui des paroisses.
17À ce stade, les histoires de reliques romaines à l’échelle paroissiale ne manquent pas, même s’il est vrai qu’elles échappent largement à notre observation depuis la sacristie pontificale. Les registres de Mgr sacriste s’étiolent dans les années 1710-1720, au moment même où les simples curés et autres pèlerins sans qualités commencent véritablement à y faire leur apparition. Il faut alors se tourner, mais ce serait une autre enquête, soit vers les registres du vicariat, soit vers les registres paroissiaux. Dans le premier cas, comme le montre un dépouillement partiel du registre du vicariat pour les années 1780, on observe des motifs récurrents dans la gamme des énoncés par lesquels sont formulées les demandes de reliques « pour l’église paroissiale »20 : « pour augmenter le culte et la gloire des martyrs dans son pays », « pour l’église de sa paroisse et la dévotion des fidèles », « pour en faire don à une chapelle de son pays », « pour la nouvelle église paroissiale », « pour la consécration d’une nouvelle église », « pour la consécration d’un autel » ou « pour leur nouvelle chapelle ». Formules locales s’il en est, truffées de termes possessifs, qu’il faut comprendre comme autant de modalités ou de déclinaisons d’une appropriation alignée sur des liens sociaux de proximité : « pour leur paroisse » (groupe de laïcs demandeurs), « pour lui et pour son église », « pour leurs parents et amis », pour sa « dévotion privée ». La formule type oscille entre celle de ce « pèlerin français », resté anonyme, qui obtient le 4 avril 1783 un petit lot de reliques « pour une église du diocèse » et celle de cet autre quidam qui, le même jour, demande des reliques en « souvenir de ce pèlerinage ».
18Dans le second cas, c’est du côté des annotations en marge des registres de baptêmes, mariage et sépulture que se trouve la source fondamentale pour la connaissance des arrivées de reliques dans les paroisses, aussi minuscules soient-elles. Lorsque l’on sort de l’ordinaire des circuits de redistribution de seconde main, par fragmentation des reliques déjà présentes dans quelque église plus importante, il arrive parfois que l’on croise des arrivées de reliques jugées suffisamment extraordinaires pour mériter une inscription sur le registre de la communauté. Ce sont ces mentions « pour servir de Monument à la postérité » qui permettraient de dresser un tableau documenté de l’installation des reliques romaines dans les paroisses françaises d’Ancien régime.
19Chacune des phases considérées a laissé son empreinte morphologique spécifique, faite d’une combinaison singulière d’échelles territoriales et de catégories d’acteurs qu’il importe de considérer dans leurs interactions micro-historiques (souvent complexes, comme nous le verrons), mais aussi suivant un cadre et une chronologie plus larges que ceux définis par le seul registre de Mgr sacriste. En amont de ce registre, dans un moment qu’il faudrait qualifier de première réception des reliques romaines en France, moment de porosité territoriale où les acteurs transnationaux sont très présents, se mettent en place des connexions, des circulations et des fonctionnements qui seront cruciaux pour la suite21. Un exemple significatif de ces transformations est celui de l’abbaye Saint-Antoine de Viennois évoquée à plusieurs reprises. Il manifeste comment un sanctuaire ancien, situé à un carrefour de routes de pèlerinages, peut jouer, grâce à sa position éminente de chef d’ordre, un rôle pivot dans les acheminements et les redistributions de reliques romaines, en amont et en aval de l’ouverture du registre de la sacristie pontificale.
Saint-Antoine-de-Viennois
20Les guerres de religion ont dévasté, en 1562, son trésor qui, d’après l’inventaire d’Aymar Falco, daté de 1534, en comportait cent neuf22. La châsse en argent doré des reliques du saint thaumaturge avait alors été détruite et ne fut remplacée qu’en 1648 par un don de Jean du Vache, président en la chambre des comptes de Grenoble23. L’abbaye, où réside l’abbé supérieur général, est en liaison constante avec Rome où existe une maison, l’hôpital et église de Saint-Antoine, situés sur le mont Esquilin près de la basilique de Sainte-Marie Majeure. À partir des années 1650, le vicaire qui préside aux destinées de cette maison, tout comme le procureur général de l’ordre, qui réside à Rome, se chargent d’alimenter régulièrement Saint-Antoine de Viennois en corps saints.
21Nous sommes ici en présence d’une filière d’approvisionnement directe, les voyages des chanoines entre Rome et Saint-Antoine, par Turin, étant suffisamment fréquents pour assurer la connexion : cinq corps saints transitent ainsi en 1657. En 1658-1661, ce sont au moins dix-sept reliques réparties en six boîtes qui sont énumérées soit dans l’authentique romaine en provenance du vicariat, soit dans les reconnaissances faites en présence du procureur général de l’ordre ou du définiteur par devant le notaire de Saint-Antoine. Réalisées en présence de laïcs qualifiés (le seigneur, les notaires royaux et quelques marchands de la ville), ces opérations locales de recognition et de réception permettent d’entrevoir les pratiques d’extraction des pères antonins qui, pourvus de permissions du vice-gérant, n’hésitent pas à descendre eux-mêmes dans les catacombes pour en tirer des corps saints. Ainsi, en 1660, le père Paul Masson « affirme par son serment presté mettant la main sur sa poitrine » reconnaître l’identité des reliques « pour avoir esté présent et s’estre aydé lui mesme a les tirer des scimitières de Priscille et Siriaque, ensuitte de la permission a luy donnée par led. illme vice-gérand, et par luy remizes de sa propre main dans lesd. boittes, plyées et enveloppées de papier et coton, fors deux corps desd. sainctz envelopez de taffetas rouge »24.
22Lorsque les bollandistes Godfried Henschen et Daniel Papebroch passent en juin 1662 à l’abbaye, toutes les châsses leur sont présentées, dont trois nouvelles en bois sculpté, recouvert de feuille d’or ou d’argent ; ce ne sont pas moins de vingt-quatre martyrs romains qu’ils dénombrent déjà : quatorze corps entiers et autant d’insignes reliques, ce qui laisse supposer que leur arrivée est antérieure au moment où débute le registre de Mgr sacriste. Ils se livrent sur place à un travail d’appariement hagiographique et liturgique cherchant à relier les noms des corps saints à ceux déjà répertoriés dans le martyrologe romain, fixant ainsi la date de la célébration ; mais pour ceux qui leur sont inconnus, la date de la fête est mise au jour qui semble le plus approprié et le moins importun pour l’Office ordinaire diocésain25.
23Les authentiques se multiplient ensuite : quatre « corps ou parties principales » en décembre 1662, neuf en juin 1664, deux en juillet 1665, six en avril 1666, onze en mars 1683, ces dernières en provenance de la sacristie pontificale où, comme le montrent les comptages réalisés sur les registres romains, les antonins de Vienne ont trouvé une nouvelle et très abondante filière d’approvisionnement (fig. 8).
24L’inventaire de 1735 recense 9 grandes châsses remplies de reliques de martyrs romains, la plus grande n’en comptant pas moins de 31, et 12 plus petites, contenant des chefs, soit au total 81 reliques et 21 crânes, sans compter 27 autres bustes qui, chacun, contiennent des reliques. Le trésor, détruit par les huguenots, a bel et bien été reconstitué tout au long du XVIIe siècle, cette fois dans une fidélité intacte au seul centre de la catholicité. Surtout, ce qu’il convient de souligner, comme nous le verrons plus avant, c’est que la filière directe établie par l’abbaye de Saint-Antoine ne bénéficie pas au seul monastère.
Les premières réceptions
25Identifier les filières et le volume des arrivées de reliques romaines avant l’ouverture du registre de Mgr sacriste en 1656-1657 relève de l’exploit, car les mentions que l’on peut retrouver sont d’abord des bonnes fortunes archivistiques repérées au fil de l’enquête. La plus ancienne trace que nous ayons croisée renvoie à Jean Arnault, seigneur de Chérelles (c.1551-1637), pieux bienfaiteur des minimes du couvent de la Place Royale auquel il « a fait present de quelques ossemens qu’il a eut permission de tirer des catacombes etant à Rome et dont on lui a donné attestation datée du 26 janvier 1604 »26. On sait aussi, par les chroniques conservées encore aujourd’hui dans un autre monastère, que le Carmel de Pontoise dispose très tôt, dès le début des années 1610, d’un os de martyr romain, probablement un saint Victor. Mais cette relique ne lui est pas directement venue d’Italie. Elle lui a été donnée par le docteur Francisco de Quesada, chanoine de Cadix qui a contribué à l’établissement des carmélites castillanes en France : on sait que ce dernier, peu de temps avant le voyage des religieuses en France, s’était rendu à Rome27. Il n’est pas exclu que, dans ce temps des fondations entre France et Pays-Bas espagnols, où les religieuses sont encore très mobiles du fait de la nécessité de pourvoir aux installations de nouveaux monastères, des circulations similaires aient pu se développer. Notons en tout cas que c’est dans ce même moment que les premières reliques nouvellement extraites des catacombes arrivent nombreuses dans les établissements de la province jésuite Gallo-Belge, tout entière située dans ces mêmes Pays-Bas où les cérémonies de translation se font bruyantes et triomphales : dès 1614 à Valenciennes et 1615 à Douai, puis rapidement dans les autres établissements de la Compagnie28. Sur ce front, la relique romaine s’installe comme sur un boulevard, au sens militaire du terme, dans un territoire qui a été déchiré par la guerre contre l’hérétique et qui n’est en paix que depuis peu.
26Mais le général Acquaviva ne limite pas ses nombreux dons à la seule Compagnie de Jésus qui, comme on le sait, dispose d’un privilège d’extraction depuis une ouverture située « dessoubs une maison appellée la Pariole, que le College Romain a aux champs, une petite demy lieue hors de Rome, via Salaria »29 : en son nom, les corps de sancti Carcedonii martyris et de sancta Felicitatis martyris ont été transmis en mai 1613, par l’intermédiaire d’un obscur jésuite dénommé Claudius Bugnectus30, au cardinal de La Rochefoucauld, abbé commendataire de l’abbaye Sainte-Geneviève du Mont à Paris. Acteur majeur de l’introduction et de la mise en œuvre de la Réforme tridentine en France31, ce dernier se révèle être l’un des principaux destinataires de reliques tirées des catacombes au cours de ces années 1600-1640, ce qui témoigne de la connexion étroite entre les deux phénomènes.
27La même année 1613, le cardinal de La Rochefoucauld reçoit deux reliquaires contenant trente-six reliques extraites du cimetière de Calixte par le Frère Antoine de Saint-Vincent, moine portugais, ancien prieur du monastère de la Consolata à Turin devenu vicaire et assistant du père général des feuillants32, et, du même donateur et la même année, cinquante-cinq autres reliques dans un « livret couvert de velours cramoisi »33. En 1620, c’est le supérieur général des pères de la Doctrine chrétienne, Antoine Vigier, originaire de l’enclave pontificale du Comtat-Venaissin – il s’est rendu au moins huit fois à Rome au cours des différentes responsabilités qu’il a exercées34 – qui lui remet vingt-six corps saints : il les tient de « diverses personnes ». En 1625, c’est au tour du cardinal Francesco Barberini, grand dispensateur de reliques durant sa légation en France35, de lui apporter dix-neuf corps saints. En 1636, Michel Baudry, bénédictin, prieur de l’abbaye de Lagny-sur-Marne déclare lui avoir donné les reliques de saint Vit et sainte Eulalie, vierge et martyre, tirées du cimetière de Saint-Calixte. Elles lui ont été « baillées » par le père Pilos de la maison professe de Rome avec une attestation de deux notaires apostoliques romains datée de 1627 : l’original de l’attestation se trouve dans l’abbaye bénédictine de Saint-Augustin de Limoges, ce qui laisse entendre que ce couple de reliques a déjà été au moins fragmenté entre deux maisons religieuses.
28Le cardinal redistribue ensuite les corps saints déjà accumulés ou nouvellement arrivés : ainsi en 1629 à Gilles de Souvré, évêque d’Auxerre, et, à une date non identifiée, un ossement de saint Zénon à Madame de Marillac qui le transmet ensuite aux minimes de la Place Royale36, à l’abbaye bénédictine de Saint-Jean-d’Angély et à la paroisse de Cessenon-sur-Orb37. La destination de ces deux derniers dons n’est pas anodine, puisqu’on peut reconnaître ici un sanctuaire et des territoires dévastés par les guerres de religion. Dès ce premier moment, il est donc possible d’identifier trois éléments principaux : le rôle joué à Rome par la Compagnie de Jésus – le général et ses factotums – dans l’envoi des reliques romaines, la place des supérieurs majeurs d’ordres ou de congrégations dans leur première réception – ainsi le cardinal de La Rochefoucauld lui-même (dont il ne faut pas oublier qu’il fut, à Rome, le vice-protecteur des affaires de France de 1610 à 1613)38 et le supérieur des pères de la Doctrine chrétienne – ainsi, enfin, que le rôle des maisons religieuses des nouveaux ordres fondés (ou réformés) comme réceptacles privilégiés des corps de martyrs devenant des sortes d’emblèmes de la Réforme tridentine. Ajoutons que les voyages pour aller chercher des reliques à Rome peuvent servir de couverture à une mission diplomatique : le père Bach, provincial des minimes de Champagne « qui est allé quérir des reliques » reçoit ainsi à la fin de janvier 1637 une instruction détaillée sur les conditions que met le roi de France pour faire la paix. Le but de la mission est que l’envoyé puisse s’entretenir avec un minime espagnol qui transmettrait les informations reçues à Gaspar de Guzmán, comte duc d’Olivares. Les Espagnols pourraient d’ailleurs par la suite adresser en France un minime « bien instruit de leurs intentions, et mesme porteur de pouvoirs, si on l’estime à propos, pour terminer les différens, sous pretexte d’apporter des reliques conjointement avec le P[ère] B[ach] »39.
29Il convient néanmoins, dans cette première période où l’importation de reliques romaines se fait par le haut des hiérarchies ecclésiastiques, à l’avant-garde de la Réforme tridentine, de ne pas négliger le rôle des laïcs, tout particulièrement des diplomates et du personnel politique du royaume. Nous avons déjà aperçu le pieux conseiller du roi Arnault, seigneur de Chérelles, dont la « busy career »40 entre Paris, Londres, Rome et Malte est sans doute au principe de sa position de pionnier dans la diffusion française de l’innovation romaine. Sa contribution est certes modeste, « quelques ossements » tirés des catacombes, mais caractéristique de ces mobilités internationales qui, le temps d’une ambassade à Rome41, sont l’occasion d’obtenir et de faire acheminer au pays d’origine des reliques romaines.
30Charles de Neufville, marquis d’Halincourt (ou Alincourt), fils de Nicolas de Neufville de Villeroi, secrétaire d’État, est envoyé comme ambassadeur ordinaire du roi à Rome de 1605 à 1608 (il y a déjà été ambassadeur extraordinaire en 1600 pour remercier le pape d’avoir fait annuler le mariage avec Marguerite de Valois). Au moment de son départ, en 1608, il obtient de Paul V, à la suite d’une supplique présentée par son épouse, née Jacqueline de Harlay, la concession d’un corps entier de martyr pour le transférer de Rome à Lyon. Celui qui lui est fourni, Gabinus, provient des cryptes de l’église Saint-Sébastien et est donné, l’année suivante, par le nouveau gouverneur et lieutenant général de Lyon à l’église du collège jésuite de la Trinité42. Il y est exposé publiquement le 19 février 1612, « jour de sa fête, avec indulgence plenière octroyée par sa saincteté à ceux qui la visiteront à tel jour »43. De même, à son retour d’Italie, Noël Brulart, commandeur de Sillery, qui fut ambassadeur ordinaire à Rome de 1622 à 1624 et est le frère du chancelier Nicolas Brulart, fait don aux visitandines du monastère de la rue Saint-Antoine des reliques de saint Zénon et ses compagnons martyrs dont on célèbre la fête le 9 juillet. D’après les Annales du monastère, « par un privilège particulier », il « alla lui-même prendre ces précieuses reliques dans le caveau ou chapelle souterraine où ces glorieux confesseurs ont été martyrisés et il en tira l’attestation de ceux qui avaient la charge de les garder »44. Jules Mazarin, qui reçoit ses lettres de naturalité française en 1639, et arrive à Paris le 3 janvier 1640 pour devenir le principal collaborateur de Richelieu (avant de lui succéder) a, quant à lui, reçu du pape Urbain VIII le corps entier de saint Saturnin, extrait en 1639 du cimetière de Saint Calixte. Il l’offre à Marie Le Camus, épouse de Michel Particelli d’Emery, qui est alors intendant des finances à Paris (bientôt contrôleur général des finances) et auquel il est très lié depuis 1629. Celle-ci destine le corps à la chapelle particulière des Particelli, placée sous le patronage de saint Michel, à l’intérieur du couvent des minimes de la Place Royale. L’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, procède aux vérifications canoniques le 25 août 1641 et promulgue le lendemain une ordonnance pour en fixer la fête liturgique au 29 novembre, celle de la translation elle-même étant placée au dimanche qui suit la fête de saint Louis45 ; la Gazette, signalant la « Translation de Saint Saturnin Martir envoyé de Rome par Sa Saincteté » dès son numéro daté du 31 août, élargit son retentissement dans l’espace public et marque le début des signalements médiatiques relatifs à l’arrivée des corps romains en France.
31Par ces trois exemples, on repère bien que la donation de reliques participe d’un cérémonial diplomatique qui entretient et renforce les liens de fidélité entre le roi très-chrétien et le souverain pontife. La figure même de Jules Mazarin, bienfaiteur du couvent « italien » des théatins de Sainte-Anne-la-Royale à Paris46, pourrait être symbolique de ce Janus bifrons puisqu’avant de se mettre au service de la France, il a longtemps été un agent diplomatique de la Papauté, avant de s’apercevoir que les perspectives de carrière (celle de nonce ordinaire à Paris, par exemple) lui étaient refusées.
32Les repérages faits à partir des inventaires imprimés des archives départementales (séries G et H issues des confiscations révolutionnaires) montrent qu’à partir de 1645 les arrivées de reliques romaines se multiplient47. Seul un dépouillement systématique à l’échelle nationale aurait permis de proposer, en dehors de la source romaine, une chronologie assurée. On se contentera donc ici de trois remarques.
33Tout d’abord, par rapport aux données de la source romaine, la chronologie des arrivées de reliques peut s’affiner : il est bien probable qu’il faille rattacher la multiplication relevée à l’expansion des ordres religieux de la Réforme catholique au cours de la première moitié du XVIIe siècle. En 1644, à la mort de la dernière religieuse espagnole demeurée en France, Isabelle des Anges, il y a déjà 55 couvents de carmélites ; en 1654, l’ordre de la Visitation dispose au total de 124 monastères, soit 72 % des établissements qu’il tiendra sous l’Ancien Régime. Chez les minimes, on dénombre 112 couvents dès 1623 et 153 en 1673 dans les limites de la France actuelle48. Ce dernier ordre, qui manifeste, dans cette période, une fidélité sans failles à la monarchie, selon un modèle dévot où l’ordre terrestre est à l’image de l’ordre céleste49, bénéficie aussi d’une filière d’approvisionnement spécifique grâce à la présence, à Rome, d’un couvent français, celui de la Trinité des Monts, ce qui explique les libéralités dont il est généreusement pourvu50. Les jésuites ne sont pas en reste avec l’arrivée du corps de saint Paulin à l’église du collège de Mauriac en 1651 : extrait du cimetière de Cyriaque et donné, le 25 juin 1648, par le suppléant (ou vice-gérant) du cardinal vicaire Ascanio Rivaldo au père Pietro Gravita, jésuite, le corps est immédiatement remis à un confrère, le père Bernardin Bauguil qui est procureur de la Compagnie pour l’Assistance de France et qui se charge de l’adresser à Mauriac ; la reconnaissance publique par les vicaires généraux de l’évêque de Clermont a lieu dans la cathédrale le 25 novembre 1650 ; puis le 22 juillet 1651, la châsse est accueillie dans l’église du collège, les sceaux, une fois reconnus, sont rompus ; la caisse est ouverte, les ossements sont scrupuleusement visités par un médecin et un chirurgien, cependant qu’un motet à la louange du saint est entonné par un chœur :
tout le monde prenant plaisir d’entendre et de goûter la suavité de ce saint nom : et la fanfare des trompettes du roy venus d’Achon, pour honorer la feste, succédant à ce concert, porta par tout le voisinage l’agréable nouvelle de l’ouverture de la célébrité, qu’on fit entendre plus loing par le bruit redoublé des pieces à feu, qui tiroient du haut du clocher. De sorte que toute la Ville fût à mesme temps avertie du lever de cet astre, & des heureux commencemens de ce jour solennel.
34Le lendemain, les ossements sont déposés dans une châsse de bois doré, cependant qu’une petite partie en est prélevée pour être mise dans un reliquaire d’argent « qu’on devait donner à baiser au peuple »51.
La circulation des reliques
35Le tournant de la moitié du XVIIe siècle peut donc être considéré pour les congrégations et ordres religieux comme un moment de maturité où les monastères fondés s’occupent de se constituer un trésor de reliques, souvent par l’intermédiaire de leurs bienfaiteurs, dont les fils et filles, nièces ou neveux sont entrés dans la vie religieuse. Cette augmentation est en outre liée à l’apparition d’un second acteur dans la distribution des reliques : le cardinal vicaire lui-même et son vice-gérant des reliques auxquels s’adressent les demandeurs. Il conviendrait donc de considérer comme un seul bloc la période 1645-1670 et d’y rattacher l’ouverture du registre de Mgr sacriste52.
36La seconde remarque que l’on voudrait faire concerne l’intense circulation de corps saints que révèlent les inventaires de trésors et les cartulaires rédigés au XVIIe siècle. Les Annales du couvent des minimes de la Place Royale attestent que les reliques des saints (romains, mais aussi locaux) arrivent dans le trésor non seulement par le canal de la Trinité des Monts, mais aussi par celui d’autres couvents de l’ordre53, d’autres communautés ou même d’évêques. Le monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine reçoit ainsi en 1646 d’Anne Budes de Guébriant les reliques des martyrs Euticette, Nicolas, Filin et de sainte Victoire octroyées par le cardinal vicaire Ginetti : la donatrice est en réalité Mademoiselle de Guébriant, fille d’honneur de la reine, qui a accompagné, cette même année, dans son voyage en Pologne, sa tante, la maréchale de Guébriant, elle-même dame d’honneur de la reine chargée en tant qu’ambassadrice extraordinaire de conduire au roi Stanislas IV la princesse Louise-Marie de Gonzague que celui-ci avait épousée par procuration. Les reliques reçues sont données au monastère de la Visitation de Chaillot54. En septembre 1658, François Pallu, chanoine de Saint-Martin de Tours, qui a été promu évêque d’Héliopolis en juin précédent et est chargé comme vicaire apostolique de l’administration de la Chine de l’Ouest, reçoit du cardinal vicaire Ginetti les corps des saints Jules et Victorin, saintes Julle et Emiliane, extraits du cimetière de Cyriaque. Il partage ces restes entre plusieurs institutions auxquelles il est attaché : le chapitre de Tours reçoit le 9 juin 1659 le corps de saint Victorin55 ; le monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine reçoit le 20 septembre de la même année « les deux coudes de ste Emiliane, deux vertèbres des lombes, deux vertèbres du col, deux os du tarce, trois costes vrayes et deux faulces et un os du carpe de la mesme ste »56. Le 6 septembre précédent, François Pallu avait également donné à dame Jacqueline-Eugénie Marin, femme de Charles Bonneau Du Plessis, conseiller du roi en ses conseils, un ossement du bras de saint Marcelin et une vertèbre du même et celle-ci reçoit l’autorisation de les faire enchâsser et orner dans un reliquaire pour les offrir à la vénération des fidèles. Il s’agit, là aussi, d’une dame pensionnaire du monastère de la Visitation et ces ossements ont été extraits d’une donation reçue à Rome le 26 avril 1658 par un autre canal, celui de Tommaso Candido, grand dispensateur de reliques, auquel Marcello Anania évêque de Sutri et Nepi, vice-gérant du cardinal vicaire avait octroyé en 1654 les corps de saints Flavien et Marcelin (voir en fin de ce volume le texte Candide, ou les voyages immobiles).
37Il faut enfin accorder – et c’est la troisième remarque – toute sa part à la personnalité et à la spiritualité des supérieur(e) s. Louise Eugénie de Fontaines (1608-1694), née calviniste, gouverna, avec des alternances imposées par la règle, pendant trente-trois ans le monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine. Elle avait, dit sa biographe, un zèle « incomparable » pour honorer les saintes reliques,
et comme elle étoit fort connuë, chacun s’empressoit de luy faire de ces sortes de présens, qu’on sçavoit luy être extrémément agréables. [...] Notre Mère a fait faire quantité de chasses pour le maître autel et pour la chapelle du dedans de son saint fondateur. Elles sont trés belles et magnifiques, et comme elle avoit beaucoup d’invention, elle y a fait faire un parement où l’on void à travers des cristaux une multitude de saintes reliques qui font de ce saint lieu un sacré catacombe57.
38Du père François Giry (1635-1688), ancien provincial des minimes pour la province de France, ordre dans lequel il était entré en 1652, son biographe écrit
qu’il avoit un fort grand respect pour les reliques des saints, sur lesquelles il étoit cependant un peu exact pour ce qui en regarde la vérité, puisque je decouvre dans ses lettres que quand on lui en donnoit quelque partie considerable, il en demandoit les attestations bien conditionnées, mais ayant pris ces mesures il rendoit le veritable culte qui est dû à ses précieux ossemens : il avoit souvent recours à ceux dont ils avoient été parties sur la terre, ne doutant point de leur crédit auprés de Dieu après avoir merité la couronne et la palme au prix de leur sang et de leur vie58.
39À lire ces biographies destinées à l’édification des fidèles, on saisit aussi l’impulsion personnelle que les supérieurs des monastères ont pu donner à la venue des reliques des catacombes. Cette impulsion fut très vite propagée à l’intérieur des différentes communautés spirituelles par l’intermédiaire de leurs réseaux de bienfaiteurs, comme le montrent le cas de l’abbaye de Port-Royal des Champs et celui du couvent des carmélites de Notre-Dame de la Compassion de Lyon par lesquels nous conclurons.
40Les deux inventaires des reliques de l’abbaye de Port-Royal des Champs, l’un établi entre 1672 et 1676, l’autre après 1692, dressent la liste de chaque châsse avec le nom précis des donateurs de chacune des reliques59. La plupart de celles-ci ont été apportées par des bienfaiteurs qui fournissent en même temps les reliquaires ou les châsses destinées à les accueillir. Le premier fonds en a été légué à l’abbaye par l’abbé Pierre Le Roy de la Poterie (mort en 1670), celui-là même qui, en 1656, avait fourni une relique de la Sainte Épine pour l’obtention de la guérison miraculeuse de Marguerite Périer. D’où, à sa mort, l’installation à Port-Royal-des Champs, d’une « chapelle des reliques ». Ce cousin de la famille Arnauld « depuis quelques années a eu dévotion particulière de rechercher plusieurs saintes reliques pour les révérer en sa chapelle, et Dieu a tellement agréé sa dévotion qu’il a inspiré à quantité de personnes de lui en donner de très assurées »60.
41À ne retenir ici que les seules reliques de martyrs provenant de Rome, se dessine une communauté spirituelle, celle du réseau des amis qui gravitent autour du monastère, mais aussi sociale, où la grande noblesse de cour figure au premier rang. Ainsi Marie du Cambout, duchesse d’Epernon, fille aînée de Charles de Cambout, marquis de Coislin, mariée en 1634 à Bernard de Nogaret de La Valette, et morte au Val-de-Grâce en 1691, a-t-elle donné « deux petites chasses de bois noir avec toutes les reliques qui sont dedans » où il y a dix ossements de martyrs et deux autres de saints, ainsi qu’un « grand reliquaire en auvale de cuivre dans lequel il [y] a les reliques que Mgr François Paul de Gondy, Cardinal de Retz apporta de Rome et qu’une des femmes de Mme de Lesdiguières à qui il les confia à son retour a données à ce monastère en l’année 1684 avec attestation ». Le portrait que dresse la Grande Mademoiselle (1627-1693) de la duchesse d’Epernon est à cet égard éloquent, lui faisant dire : « J’aime les chapelets, mais je ne sais si c’est parce que j’aime les bijoux ou si c’est que j’aime les reliques ; car je suis une grande bijoutière et je suis trop heureuse d’avoir de quoi m’occuper ; j’aime les jolies Heures et les Images ; voilà bien des dépendances de la dévotion »61. Parmi les donateurs, on trouve également son frère, Sébastien-Joseph du Cambout de Coislin dit l’abbé de Pontchâteau, qui par ses voyages incessants assure les liens tant avec l’Église de Hollande qu’avec la cour de Rome pour défendre la cause de la morale augustinienne : c’est lui qui apporte en 1678 les corps de saint Vincent et sainte Célestine, don de Monseigneur sacriste, évêque de Porphyre, avec les authentiques de Rome. Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville, fille de Henri de Bourbon, prince de Condé et de Charlotte-Marguerite-Marie de Montmorency, a fourni les reliques des saints Célestin (« très belle ») et des saints Placide et Innocent, tous martyrs avec des attestations de Rome et du prieur de Saint-Germain-des-Prés « qui fit l’ouverture dans laquelle elles avaient été envoyées ». L’évêque d’Angers, Henry Arnauld (1597-1692), frère des mères Agnès et Angélique (et qui fut, de 1645 à 1648, avant sa promotion à l’épiscopat, envoyé extraordinaire de Mazarin à Rome) a fourni une cinquantaine de reliques. Marguerite Valentine Gigot (morte en 1688) qui fut un moment novice à Port-Royal de Paris, sans aller jusqu’à prononcer des vœux, a donné « un os tres considerable de S. Sévère […] avec l’authentique de Rome ». De même Jean Bourgeois (1604-1687), docteur de Sorbonne et abbé de La Merci-Dieu en Poitou – retiré aux Granges de 1669 à 1679, il y fut le confesseur des religieuses – , envoie en 1683, par l’intermédiaire d’un « acolite du diocèse de Rouen », un lot de quatorze reliques, principalement de martyrs. L’abbé Jacques-François de Sufflet de Valois, docteur en Sorbonne et prieur de Valle-Priond, qui apporte en novembre 1684 « une boîte scellée et fermée pleine de reliques fort considérables » (six martyrs) et, au mois de décembre suivant, quatre autres reliques de martyrs, avec dans les deux cas les authentiques de Rome, est le frère de Marie Magdeleine de sainte Gertrude, religieuse qui prend l’habit en 1677. Le décompte pourrait aisément se poursuivre : clercs, tels l’archevêque de Tours, Victor Le Bouthillier, Michel Hénault qui est l’aumônier de l’évêque de Beauvais Nicolas Choart de Buzenval, Léonor Foy de Saint-Hilaire, chanoine de Beauvais et précepteur dans des familles très proches de l’abbaye, l’abbé Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, ou encore Henri Duhamel, curé de Saint-Merry, paroisse où résident bien des amis du monastère, devenu chanoine de Notre-Dame ; religieuses telles les ursulines de Rouen ou les bénédictines anglaises du faubourg Saint-Victor à Paris ; les familles parisiennes Benoise (dont est membre la religieuse entrée à l’abbaye en 1669 sous le nom d’Hélène de Sainte-Démétriade) et Hamelin, apparentées entre elles, ou bien Françoise Le Fèvre-Chantereau, veuve d’un conseiller à la grande chambre de Paris, qui prononce ses vœux définitifs en 1672 sous le nom de Françoise de Sainte-Paule.
42À travers cette énumération, c’est tout un réseau de liens spirituels qui s’organise et, à ces quelques exemples, on mesure la complexité de la dissémination qui s’opère tout au long du XVIIe siècle, puisqu’entre l’extraction à Rome et la réception finale une série d’intermédiaires se sont interposés. Certains participent de cette ferveur à l’endroit des corps saints dont témoigne l’abbé de La Poterie ou le « dévot frère Fiacre »62 : ainsi Henri Duhamel ou Léonor Foy de Saint-Hilaire sont de véritables chasseurs de reliques. Ce dernier spécifie à sa sœur, religieuse à l’abbaye sous le nom de Françoise de Sainte-Béatrice, l’authenticité de celles qu’il lui a apportées :
Je vous envoie, ma chère sœur, la part que je vous avois réservée des Reliques et Reliquaires de Rome, vous pouvez sans crainte rendre à ces Saintes Reliques le respect qu’on leur doit. Celles de Rome m’ayant esté données par le cardinal Ginnetti, Vicegerent du Pape et ayant moy mesme pris ou fait prendre mes autres dans des lieux tres asseurez comme vous verrez63.
43À ce stade, constatons deux points : la véracité de la transaction repose sur la crédibilité, « la très grande probité », est-il dit, des acteurs et leur témoignage oculaire ; les opérations de division des reliques reçues commencent dès l’arrivée, dans la capitale, du bénéficiaire qui répartit ce qu’il a reçu entre les diverses maisons religieuses qu’il protège, ce qui n’empêche pas celles-ci à leur tour, de distribuer telle ou telle partie du trésor accueilli.
Le carrefour lyonnais
44Présentons enfin le cas du couvent des carmélites de la Compassion, puisque la publication partielle des authentiques du Trésor nous permet de bien cerner la dynamique de réception au sein d’une autre communauté religieuse, très active dans le milieu lyonnais. La chronologie qui se dégage de cette liste datée de 1782 fait apparaître deux moments bien distincts.
45Au cours de la phase antérieure au registre de Mgr sacriste, il faut noter d’abord le don fait en 1628, par le chapitre de Lyon, du corps de saint Faustin, l’un des douze rapportés de Rome par le cardinal-archevêque Denis Simon de Marquemont, le chapitre ayant pris le parti d’opérer une distribution de ces corps dans les diverses communautés régulières de la ville64. Le mode de transmission de ces reliques, à cette date précoce, est tout à fait révélateur des enjeux de la Réforme tridentine. En effet Mgr de Marquemont les tient d’Innocenzo de’ Massimi, évêque de Bertinoro, nonce désigné pour l’Espagne : celui-ci avait adressé une supplique au pape Grégoire XV pour qu’il « luy soit permis de prendre luy-mesme, ou de faire prendre les corps de quelques saints et sainctes aux Cimetière de Sainct Vincent et Sainct Anastase, aux Eglises de Sainct Paul, de Sainct Laurent, de Sainct Sebastien, aux Catacombes et aultres monastères et lieux sacrés tant dans les murs de la Ville que dehors ». Le but explicite de la requête de l’ambassadeur qui va « trouver le roy d’Espagne » est que « la dévotion des fidelles Chrestiens soit excitée envers les Sainctes Reliques et qu’on les aye en plus grande veneration »65. La faculté d’extraction demandée vise en réalité à court-circuiter le monopole que détiennent les Jésuites du Collegium Germanicum-Ungaricum qui ont reçu du pape Grégoire XIII la propriété de campagne La Pariola construite sur les catacombes de Sant’Ermete, via Salaria. La pleine faculté d’extraire a été obtenue pour un seul mois (ad unum tantum mensem duret) et le nonce pouvait en user per se vel per alium seu alios66, et nous connaissons même par l’acte notarié conservé à Lyon le nom de l’un des fossoyeurs auxquels a eu recours le nonce, Bartolomeo Rogiero67. En tous les cas, l’arrivée du corps de saint Faustin chez les carmélites de Lyon était rien moins que probable : destinées à la péninsule ibérique, les reliques sont pour une partie d’entre elles prélevées dès leur extraction par l’archevêque de Lyon qui se trouve être aussi chargé d’affaires à Rome de 1617 à 1619, puis de 1622 à 1626, date à laquelle il meurt dans la Ville éternelle68 : on peut imaginer que les liens diplomatiques ont joué dans cette délivrance. Dans les années 1652-1656, ce sont encore des relations de même type qui permettent l’arrivée de reliques au couvent puisqu’elles proviennent du don de deux membres de la famille Barberini, la princesse Lucrezia et le jeune cardinal Carlo Barberini, petit neveu d’Urbain VIII.
46La chronologie du second moment se concentre en réalité sur un quart de siècle (1669-1693), si l’on excepte un don précoce, celui effectué en 1655 par le jeune cardinal Carlo Barberini en faveur de la mère Marie-Françoise du Saint-Sacrement de La Rivière69, et deux dons tardifs de 1703 et 1704 en provenance du vicariat mais attribués d’abord à des laïcs et qui sont passés par plusieurs mains avant d’aboutir au couvent70. Ce ne sont pas moins de dix-huit arrivées de reliques que l’on peut repérer pendant ces années, se répartissant à peu près également pour la provenance entre le vicariat (8) et Mgr sacriste (8), deux origines restant imprécises, au total plus d’une cinquantaine de reliques dont plusieurs corps entiers.
47Les circuits qui se dégagent de ces entrées sont complexes. Un premier cercle des donateurs est constitué par les parents des religieuses. Ainsi la marquise de Pourcelet, qui apporte en 1669 « une caisse pleine de saintes reliques », qu’elle a reçue à Rome d’un M. Aubertin « selon le pouvoir qu’il avait de les distribuer » de la part de Mgr sacriste, est très certainement liée à la sœur Thérèse de Jésus, née Louise de Lestang de Parades, native d’Arles, fille de Robert gentilhomme provençal et de Jeanne de Pourcelet71. Mathieu Pécoil, marchand et conseiller au présidial de Lyon qui, en 1677, a reçu du vicariat les reliques de sept martyrs, extraites des catacombes de Callixte, est le père des sœurs Catherine de La Croix (qui a prononcé ses vœux en novembre 1671 à l’âge de 17 ans) et Marie-Anne de Sainte Agnès (qui les prononce un an plus tard au même âge)72. De la même façon, André Compain, prêtre séculier, qui donne en 1680 une cassette de quatre reliques reçue du sacriste est vraisemblablement parent de la sœur Anne-Marie de Sainte-Thérèse (qui a fait profession en novembre 1671), née à Lyon Anne-Marie Compain et fille de Pierre, banquier expéditionnaire en cour de Rome73. Luc de Regnauld de Bellescize, qui reçoit du cardinal vicaire le chef de saint Clément martyr, est un maréchal de camp devenu conseiller d’honneur de la reine douairière de Pologne, Marie Casimire de La Grange d’Arquien, veuve de Jean III Sobieski, laquelle s’est retirée à Rome ; il donne la relique en 1707 au couvent des carmélites de Lyon où sa tante, Marie-Thérèse de Jésus a prononcé ses vœux en 165674.
48On retrouve ensuite, dans un second cercle, des relations entre couvents qu’il n’est pas toujours possible de documenter. En 1682, la mère Maria Jozzi, dominicaine du monastère Santa Maria Maddalena de Rome75, fournit le corps de sainte Faustine, reçu directement de Mgr sacriste76. En 1685, la mère prieure du couvent Notre-Dame de la Compassion de Lyon reçoit une relique du corps de saint Alexandre, extrait du cimetière de saint Pontien, de la part du cardinal vicaire de Rome, par l’intermédiaire d’un certain Sebastiano Cipriani, qui pourrait être le tout jeune architecte d’origine siennoise, déjà arrivé à Rome77. En 1693, la mère Placide Agnès de Jésus, prieure du couvent des carmélites Regina Carmeli de Rome a reçu, du même cardinal vicaire, un os de la jambe d’un autre saint Alexandre, celui-là tiré du cimetière de sainte Priscille ; l’intermédiaire est ici un carme, dont le nom de religion est le père Angelo de Saint-François, carme déchaux de la province d’Avignon78. Les circuits peuvent être plus complexes encore : en 1680, Martial Chanut, abbé d’Issoire et visiteur général des carmélites de France atteste que l’évêque d’Amiens, François Faure, en vertu des pouvoirs que lui avait conférés l’archevêque de Paris, a détaché un tibia et un péroné « d’une partie notable du corps de saint Victor donné, quelques années auparavant », au monastère parisien des carmélites de la rue du Bouloy par le cardinal Pierre de Bonzi, pour les envoyer au Carmel de Lyon. L’association spirituelle entre les deux monastères de Paris et de Lyon engage ainsi le cardinal-archevêque de Toulouse, puis de Narbonne, grand-aumônier de la reine et diplomate de Louis XIV, que nous retrouverons dans le dossier sur Montpellier79.
49Il faut aussi faire toute sa place au circuit de distribution de Saint-Antoine de Viennois. On en connaît au moins quatre mentions dans la liste d’authentiques. Tel religieux envoie en 1672 à la mère Jeanne de la Mère de Dieu, sa tante, des « reliques tres asseurées, pour les avoir receus immédiatement des mains de notre Révérendissime Abbé Général » :
Il y eust sammedy dernier huit jours que l’estant allé trouver dans sa chambre pour ce faict, qu’incontinent il me donna un ossement de sainte Dorothée qu’il tira d’une chasse dorée où repose son sainct corps. Il le destine et moy aussi pour la Reverende Mere prieure ; nous en faisons l’office, double, dans notre eglise le vingt quatriesme de mars, qui est le jour que nous luy avons destiné. En suite il me donna un ossement de Sainct Pie, martyr, dont le corps repose dans une chasse d’argent avec celuy de Sainct Juste ; et nous faisons leur feste, double, le 16 de juillet. Vous trouverés ceste sainte relique plié dans un papier. Je vous envoie aussi deux dens, l’une de sainct Vital, et l’autre de sainct Felicien qu’il a tiré de leurs chefs qui reposent dans une chasse de cristal. Je crois que vous ferez grand cas de ces sainctes reliques ; nous faisons la feste de ces deux derniers saincts le vingt quatriesme de septembre. Priez ces saincts pour moy, je vous en supplie80.
50Témoigne encore de cette redistribution par les religieux de Saint-Antoine le don que fait le 4 août 1683 le père Claude Colabaud, un des grands pourvoyeurs de l’ordre, d’une « relique insigne » du corps de saint Clair : il l’a reçue directement de Mgr sacriste, comme il est indiqué dans le registre de celui-ci. De manière analogue, le 9 juin 1685, l’abbé et vicaire général de l’ordre, Mathieu David, confie à sa sœur Marie, religieuse carmélite au même couvent de Lyon, des ossements de huit saints renfermés « dans une cassette de bois couverte d’un papier peint, liée d’un ruban de soie rouge » et scellée du sceau de l’évêque de Porphyre, préfet de la chapelle apostolique. Il renouvelle sa générosité en 1692 par l’envoi d’un os du bras de saint Clair : ici se croisent réseaux de parenté, communication spirituelle, fidélité aux origines chrétiennes dans un usage liturgique commun qui est d’ailleurs spécifié par le niveau du rite adopté81.
51Il est vraisemblable que ce type de transfert n’est pas isolé et que les autres monastères de la capitale des Gaules ont largement bénéficié du circuit de l’abbaye de Saint-Antoine. Au reste, sa situation géographique la met en contact direct avec la péninsule (et plus précisément avec le « front » le plus actif de distribution des reliques des catacombes en Italie82) et ce serait une étude à part entière qu’il conviendrait de mener, comme nous l’avons tenté pour le cas de Paris, pour identifier l’ensemble des réseaux qui l’ont alimentée. La place des reliques romaines y est sans doute d’autant plus grande qu’en 1562 les ossements des martyrs autochtones ont été jetés pêle-mêle lors de la dévastation de l’église de Saint-Irénée. Au XVIIe siècle, le prieur génovéfain Claude Grollier avait fait restaurer la crypte, rassembler les ossements épars dans une chapelle de celle-ci qu’il fit murer, mais la grille de fer qui permet une exposition des ossements ne date que de 1685 : or « ces sacrés Catacombes [avant la dévastation] étoient en si grande veneration, que le procureur du Roy assure dans le Verbal qu’il fit apres cette abominable prophanation, que personne n’entroit dans l’Église souterraine que les pieds nus, à cause, dit-il, de la saincteté de ce lieu »83. On peut alors assez bien imaginer que l’éradication à laquelle ont procédé les huguenots a d’autant plus amplifié la demande de sacralités martyriales romaines de la part des ordres réguliers.
52Soulignons enfin, pour rendre sa complexité à ce tableau lyonnais, la présence parmi les donateurs des grands intermédiaires pourvoyeurs de reliques que sont, outre les antonins, le lieutenant Ludwig Pfyffer (frère de Johann Rudolf)84, la mère Maria Jozzi et le cardinal Bonzi. Cette présence atteste, s’il fallait achever de s’en convaincre, l’importance des liens et des milieux romains dans l’inscription locale des corps tirés des catacombes « en quelque lieu que ce soit de la Chrestienté»85.
Annexe
Annexe Deux figures individuelles : Gaspard Chappe et Chérubin de Noves
À côté des introducteurs éminents de reliques romaines apparaissent des figures plus modestes. Alors même que les acteurs de haute volée sont passés à autre chose et que les corps saints des catacombes connaissent une relative dévalorisation, ces figures perpétuent la filière et maintiennent les circuits d’introduction. À une échelle plus locale, elles poursuivent donc des pratiques collectives, des investissements institutionnels et des réseaux romains comparables aux grands « pics » de diffusion antérieurs. Deux personnages du XVIIIe siècle constituent d’excellents exemples de ce temps long des transferts et montrent également la façon dont la spécificité des parcours individuels des passeurs de reliques va de pair avec des points communs distinguant leurs biographies et le sens qu’ils attribuent aux ossements de martyrs.
Gaspard Chappe, de Rome à sa « patrie »
Saint-Marcellin est un gros bourg actuellement situé dans le département de l’Isère. Le premier recensement, en 1793, lui attribue 3 013 habitants86. La commune compte donc plusieurs églises et établissements religieux dont les responsables se trouvent tous réunis en l’église paroissiale, le 15 septembre 1703, pour une cérémonie peu commune : devant le notaire Robin, les ossements de Bénigne, Clémence, Donat, Dydier, Emerite, Justine, Flovide, Fortuné, Vital et Maxime, tous « martyrs » romains, ainsi que les authentiques qui les accompagnent, sont examinés, vérifiés et reconnus « sur le grand autel ». La procédure comporte tous les éléments habituels et l’acte notarié qui en est dressé87 n’omet jamais de préciser que la « boette » renfermant chacun de ces saints était bien fermée, scellée – « entourée d’un ruban de soie rouge et cachetée en cinq endroits » précise le texte pour saint Vital – et la présence de « Charles Lignet, docteur-médecin juré » et de « Claude Giroud, maître-chirurgien juré dudit Saint-Marcellin » permet de vérifier l’adéquation entre les os mentionnés par les authentiques et ceux trouvés dans les « boettes », nourrissant ainsi l’exactitude de la description effectuée par l’acte notarié. Les catégories romaines de classification des reliques sont parfaitement connues : pour Clémence, Emerite, Justine et Maxime il ne s’agit que d’« ossements » ou d’« os », les reliques insignes sont en revanche situées dans l’anatomie – « une partie de la teste » pour saint Flovide, « une partie de la jambe » pour Donat et Benigne, « l’os presque entier de la jambe » pour Dydier, « l’os de la jambe » pour Fortuné dont il est précisé que c’est son « propre nom ». Enfin, un corps entier se distingue, celui de Vital, « avec une petite ampoule de verre cassée de son sang ».
À cette hiérarchie des restes correspond la hiérarchie des églises qui reçoivent toutes ces reliques. En ce 15 septembre 1703 en effet, défilent les dignitaires de plusieurs maisons ecclésiastiques locales : le prieur des carmes, qui vient faire reconnaître Bénigne, Clémence et Justine ; le gardien des récollets, pour Dydier. Mais ce sont avant tout des antonins, dont l’importance apparaît ici encore, qui reçoivent les reliques les plus insignes. L’un d’eux vient pour les visitandines, dont il est le « directeur ordinaire », et qui accueillent Donat, Flovide (une tête), Maxime et Emerite ; l’autre est le directeur des ursulines, pour qui il fait reconnaître Fortuné, « de nom propre ». Enfin, le corps entier de Vital, destiné à « être exposé et conservé dans l’église paroissiale de Saint-Marcellin » est présenté par Guilheaume Costé, « supérieur des Révérends Pères de Saint-Antoine, chanoine régulier de Saint-Augustin, dudit lieu de Saint-Marcellin ». Antonin aussi, le supérieur général, l’abbé Jean Dauthon qui, par délégation de Mgr de Montmorin archevêque de Vienne procède à la recognition et a convoqué le notaire Robin pour en dresser l’acte. Le curé de la paroisse, François de la Forest, est relégué dans un second rôle, celui de simple témoin appelé à signer le document.
Les antonins tiennent donc le devant de la scène ; ce ne sont pourtant pas eux qui fournissent le personnage principal, cité six fois dans l’acte comme donateur de toutes les reliques romaines : « le sieur Gaspard Chappe, natif de la ville, chevalier des ordres de N.D. du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem ».
Gaspard Chappe ne ressemble en rien aux grands distributeurs, laïques ou épiscopaux, qui assurent la première diffusion des corps saints des catacombes – en France comme sur les autres terrains de l’enquête. Pourtant, et pour ce que nous parvenons à savoir de lui, il partage avec eux quelques traits qui, plus largement, sont exemplaires des voies privilégiées d’accès aux reliques de la Ville sainte. D’abord et avant tout, c’est un familier de l’élite ecclésiastique romaine. Lorsqu’il est à Paris, il se fait adresser son courrier chez le nonce88. C’est de Paris ou d’Avignon, cité pontificale, qu’il adresse les cinq lettres dont nous reparlerons. Mais, comme il le dit lui-même, c’est à Rome qu’il demeure89. Qu’y fait-il ? Nous savons qu’en 1671 son père l’a donné en apprentissage à deux maîtres chirurgiens pour apprendre leur métier90. Mais c’est bien comme « gentilhomme romain » qu’il est reçu chevalier des ordres de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem le 6 novembre 1702 ; il effectue alors sa prestation de foi entre les mains du cardinal Pietro Ottoboni91. Dans une lettre de juillet 1703, Chappe précise que « celui qui m’a donné ce corps saint […] est Mgr le cardinal Ottobon »92. Ce prélat romain né en 1667, vice-chancelier pontifical (1689- 1740), est un des plus importants demandeurs de reliques des catacombes que l’on puisse trouver dans les registres de Mgr sacriste : il y apparaît à vingt-cinq reprises entre 1665 et 1737 – entre autres pour Vital et son vase de sang, le 29 juin 1699, qu’il a donc transmis à Chappe. Ce dernier, en revanche, est lui-même le bénéficiaire direct des ossements de Bénigne et Clémence93. Que lien précis existait-il entre Gaspard Chappe et le cardinal Ottoboni, nous ne le savons pas – secrétaire et chirurgien ? La protection cardinalice est toutefois assez puissante pour faire obtenir à Chappe en 1690 le gouvernement du château de Séguret, dans le Comtat venaissin, et les revenus afférents94.
À Saint-Marcellin, Gaspard Chappe fait donc figure d’enfant prodigue, et sa prodigalité s’exprime en reliques. Son père Jean, que l’on croise plusieurs fois dans les archives communales, était un petit notable : constamment désigné comme hôtelier ou « hoste », il a acquis un fonds noble pour lequel il paie le franc-fief mais seulement à hauteur de sept sols95 et il figure en 1666 au sein de la confrérie des pénitents de Notre-Dame du Confalon, mais pas parmi les dignitaires96. En revanche, le frère de Gaspard, Étienne, est lui aussi entré au service du pape : en 1690, il est soldat de la cavalerie en Avignon97 et dans une de ses lettres Gaspard Chappe en parle comme de son « frère, le mareschal des logis de gardes de Sa Sainteté en Avignon»98. Nous apercevons un réseau familial modeste, où Gaspard conserve son ancrage fort à Saint-Marcellin ; celui-ci le mobilise dans l’acheminement des reliques de Rome vers cette localité.
Car il s’agit bien pour Gaspard Chappe d’inscrire dans sa cité natale la nouvelle éminence que lui vaut sa carrière romaine. Ses lettres le répètent : il souhaite donner les reliques « à la parroisse de ma patrie d’où j’en conserve toujours un entier souvenir »99 ; « ayant toujours aymé ma patrie comme debvoir »100. Mais il s’agit aussi, quelques mois après son élévation au titre de chevalier, de faire jouer autour de son don la notabilité de Saint-Marcellin. Les autorités temporelles : parmi les destinataires de ses cinq lettres apparaît deux fois Jean Folhion qui figure aussi parmi les dix témoins signant l’acte de recognition en tant qu’« avocat en la Cour, conseiller et procureur du Roy en l’eschevinage de ladite communauté » ; autres témoins : le lieutenant général de police et « maire perpétuel » de Saint-Marcellin, le consul, le marguillier. Signe également le destinataire de deux autres lettres, supérieur des antonins et récipiendaire du corps entier de Vital, Guillaume Costé, tête locale d’un réseau antonin qui a facilité la succession des procédures101 ; Chappe lui écrit par ailleurs : « Tous vos messieurs de Rome et de Marseille vous saluent en moy »102. Ce qui se joue le 15 septembre 1703 en l’église paroissiale de Saint-Marcellin est donc aussi une reconnaissance sociale, en présence des élites locales : celle d’une réussite romaine, située à une échelle modeste, mais qui lie ensemble la prééminence ecclésiastique locale des antonins, l’ambition d’une famille qui brigue une agrégation nobiliaire (titre de chevalier, fonds noble), et la valeur relationnelle de la relique – il est sous cet angle révélateur que ce soient les antonins qui demandent au notaire de joindre copie des lettres de Gaspard Chappe annonçant l’envoi des reliques à l’acte de recognition lui-même103.
D’un coup, Chappe inscrit sa trace romaine dans les trésors reliquaires des maisons religieuses de Saint-Marcellin. Il ne s’arrête d’ailleurs pas là : une autre authentique délivrée en sa faveur, cette fois par le custode du vicariat, et datée du 14 janvier 1704, est endossée par Chappe au profit des carmes de Saint-Marcellin le 26 mai 1708104. Mais comment être assuré que ce coup d’éclat s’inscrive dans la durée, dévotionnelle et sociale ? Une phrase qu’il écrit au procureur Folhion ne relève pas seulement de la modestie de rigueur et illustre une inquiétude réelle : « quoyque le don semble de peu de conséquence, une semblable relique ne saurait être trop estimée »105. Cette estime se construit : Chappe insiste donc à plusieurs reprises sur la nécessité d’organiser une fête de translation à la hauteur de ses espérances : « il faudra recevoir la Relique avec toute la magniffisance possible »106 ; et à Costé : « à cette fin […] que vous fassiez les préparatifs que vous jugerez nécessaires pour faire la fonction le plus solennellement et avec le plus de magnificence qu’il sera possible »107. Nous ne savons pas si ces fêtes furent magnifiques, ni si Chappe put y assister.
Il prend d’autres précautions encore pour assurer la pérennité du culte : il précise qu’il a demandé une indulgence plénière au pape108, il suggère de placer le corps (celui de Vital) « soubz le grand autel»109 et il fournit les éléments d’une légende aux antonins : « Vous trouverez ci-joint un memoyre en latin que je vous prie, Messieurs, de vouloir bien le faire graver sur une pierre ou de marbre ou de pierre grise, et l’enchâsser dans la muraille de l’église, près du corps saint »110. Ces précautions visent à préserver ses dons de la banalisation de reliques nombreuses et trop anonymes. Le même objectif se retrouve dans l’acte de recognition lui-même : par deux fois (pour les visitandines et pour les ursulines – indice de l’activité de conditionnement des reliques, traditionnellement dévolue aux moniales, et qui s’accompagnerait d’une diffusion non contrôlée ?), est exprimée l’interdition « d’en donner et distribuer la moindre partie », avec « déffense dés rien diverthir »111.
La distribution des reliques romaines, dans le cas de Gaspard Chappe, garde toute sa valeur sociale. Elle n’a toutefois pas l’éclat des grands dispensateurs de corps des catacombes. Les reliques non plus, que guette l’insignifiance. Seul Vital est un corps entier – et c’est à son seul propos que l’indice d’un acclimatation réussie dans les cœurs dévots de Saint-Marcellin nous est parvenu : dans les archives de la confrérie des pénitents blancs, deux Vital apparaissent, en 1724 et 1726 ; tous les deux nommés Robin, comme le notaire qui, le 15 septembre 1703, a consigné la reconnaissance de Vital et de ses compagnons, arrivés de Rome vers Saint-Marcellin.
Chérubin de Noves, la fortune reliquaire112
Le capucin Chérubin de Noves (Charles Ricard, 1688-1767) passe une bonne partie de son existence à Rome et côtoie des têtes couronnées de toute l’Europe, mais revient toujours dans son premier couvent, celui de Tarascon, dans le diocèse d’Avignon, auquel il offre non seulement des reliques, mais aussi des tableaux et des livres précieux. À l’image des reliques qu’il affectionne et collectionne, il est à la fois à Rome et à Tarascon.
D’abord théologien du cardinal de Polignac, ambassadeur de France, il occupe ensuite différentes fonctions, tant dans les congrégations qu’au service de son ordre : qualificateur du Saint-Office, consulteur de la Congrégation de l’Index, de celle des Indulgences et des Reliques, mais aussi Assistant général pour les capucins de France, puis Définiteur général de l’Ordre.
Les Annales du couvent de Tarascon (diocèse d’Avignon) permettent de retracer les différentes étapes de la constitution de sa collection de reliques. Le 10 juin 1734, le Provincial des capucins de la Province de Saint-Louis procède à l’ouverture d’une caisse de bois envoyée de Rome par Chérubin de Noves, contenant le corps entier de saint Clément (la tête, les gros os des bras et des jambes, « et une grande quantité d’autres ossements détachés, que nous jugeons selon l’authentique, être les parties ou ossements d’un corps entier ») qui a été donné au capucin par le cardinal Antonio Biancheri, lequel l’a reçu du cardinal-vicaire113.
Le 28 mai 1741, est célébré le retour triomphal du P. Chérubin à Tarascon après 18 ans d’absence ; à Rome, il a occupé différents offices, notamment celui de consulteur de la Congrégation des Indulgences et des Reliques ; il n’en revient pas les mains vides. Il rapporte trois corps saints donnés par les papes, ainsi que « plusieurs magnifiques reliquaires d’or, d’argent, de cristal de roche, remplis des rares reliques dont la feue pieuse reine Marie Clémentine Soubieski, des éminentissimes cardinaux et illustres prélats luy ont fait présent, et autres boëtes remplies aussi d’ossemens des Saints Martyrs »114.
Ce retour qu’il croit définitif se marque, trois mois plus tard, par la pose de la première pierre de la chapelle des reliques et son cortège de festivités qui intéressent la ville entière : Te Deum, feu d’artifice, procession. La bénédiction de la sainte chapelle a lieu le 3 novembre 1741. L’archevêque a fait publier dans les paroisses un mandement qui accorde quarante jours d’indulgence aux fidèles qui la visiteront à cette occasion. Dédiée aux saints martyrs mais aussi à saint François d’Assise, la chapelle réalise, à l’image de la carrière de son promoteur, l’union entre Rome et le couvent des capucins, tout en s’ouvrant à la ville et à ses environs : le livre des capucins évoque les onze jours de festivités, avec exposition du Saint-Sacrement, sermon, bénédiction, processions, communions : « Il y eut, dans tous les onze jours, de 7 à 8000 communions ; et le T.R.P. Chérubin donna à tous les communiants une médaille à laquelle sont attachées des indulgences plénières aux principales fêtes de l’année. Toutes les villes voisines, et surtout Beaucaire, vinrent visiter la sainte Chapelle »115.
L’entreprise est couronnée, en 1743, par une guérison miraculeuse lors d’une visite aux reliques116. L’année précédente, le P. Chérubin a été élu gardien du couvent de Tarascon. Mais en mars 1744, nommé définiteur général de son ordre, il quitte à nouveau la Provence pour un séjour de 11 ans à Rome, durant lequel il continue à envoyer des reliques à son couvent.
Afin de donner plus d’éclat à sa chapelle, il obtient du pape l’autorisation de célébrer tous les ans, à un jour désigné par l’Ordinaire, une fête spéciale des saintes reliques avec office et messes propres. L’année suivante, une indulgence de 100 jours est accordée à tous ceux qui assisteront aux litanies des saints dans la sainte chapelle. Le P. Chérubin ne revient définitivement à Tarascon que le 19 juillet 1754.
Ce personnage, qui est à la fois à Rome et à Tarascon, fait donc en sorte que son couvent et sa ville bénéficient des gratifications obtenues de par les positions qu’il a occupées au contact direct des grands de ce monde117. Bien que frère mineur, et donc astreint à la pauvreté intégrale, il imprime sa marque personnelle à tous les objets dont il gratifie sa communauté. Qu’il s’agisse de tableaux, de livres ou de reliques, la logique semble la même. Ainsi, sur l’un des tableaux qu’il commande à Charles Van Loo en 1730, Saint François recevant les stigmates, il se serait fait représenter sous les traits du fondateur. Et lorsqu’il commande, lors de son deuxième séjour romain, un cycle de l’histoire de sainte Marthe, c’est au peintre Joseph-Marie Vien, lauréat du prix de Rome en 1743, dont il est le confesseur, qu’il s’adresse118. On sait par ailleurs que le P. Chérubin finance de nombreuses réparations et fait don à son couvent de livres précieux pour sa bibliothèque, pour une somme de 30 000 L. Dans chacun de ces livres, qui sont mis à disposition d’un public plus large que celui des religieux du couvent, il fait inscrire son nom. Bernard Dompnier a présenté cette politique d’acquisition de livres pour le couvent comme une réponse à l’interdiction faite aux capucins de posséder des biens en propre. Pour les reliques comme pour la bibliothèque, Chérubin de Noves parvient à concilier appropriation individuelle et possession collective. Et lorsqu’il fait décorer la bibliothèque avec les portraits de ses bienfaiteurs, le duc d’Orléans, le duc de Noailles, le cardinal de Polignac119, la logique de sa démarche est la même. Bernard Dompnier écrit :
le P. Chérubin, qui a commencé sa vie religieuse au couvent de Tarascon et y exerce la fonction de gardien pendant deux ans entre deux emplois romains, désire aussi y finir ses jours et y être enterré ; il entreprend donc d’exercer une sorte de patronage sur cette maison, tout à fait à la manière dont des personnages importants se faisaient les protecteurs de couvents, dans un style peut-être plus italien que français120.
On ne peut non plus exclure l’idée que ce mécénat ait eu pour ambition de contrebalancer la très « folklorique » course de la Tarasque qui se déroulait à la Pentecôte, et de renforcer l’orthodoxie du culte de sainte Marthe, déjà manifesté le jour de la Sainte-Marthe (29 juillet) par l’importance de la procession à la tête desquels figuraient les capucins121.
Au-delà du couvent, le personnage fait en sorte que ses bienfaits profitent à un public plus large. Le parallèle s’impose entre la bibliothèque du couvent dont une salle de lecture, aménagée en 1755, est ouverte aux séculiers, et la chapelle dans laquelle sont exposées les reliques romaines. L’appropriation locale de ce trésor de reliques passe aussi par l’intermédiaire des confréries : en 1755, les pénitents gris de Tarascon demandent et obtiennent l’autorisation de venir en procession à l’église des capucins le dimanche dans l’octave de l’exaltation de la sainte croix, pour y vénérer les reliques de la vraie croix ; en 1764, le P. Chérubin distrait de son trésor quelques reliques pour les pénitents blancs de la ville.
Il ne se contente pas de commander, d’offrir et de décorer : il organise aussi. Un catalogue ordonné de ses reliques imprimé sous la forme d’une page in-folio aurait été réalisé par Chérubin de Noves122, tandis que sa version manuscrite, dressée le 30 octobre 1741, est conservée avec les reliques123. Il est réimprimé en 1793 en annexe d’une vie de sainte Marthe, patronne de la ville de Tarascon, au moment où les reliques de sa sainte chapelle sont transférées dans la paroisse Sainte-Marthe. Ce catalogue raisonné — marque du connaisseur — recense d’abord les objets (linges, table), puis les quatre corps entiers, les restes des apôtres, et enfin les autres saints, classés par ordre alphabétique. En 1793, les reliques auraient été cachées dans le tombeau du maître-autel par le curé et un orfèvre marguillier pour en être extraites en 1809. C’est du moins ce qu’écrit, en 1866, le curé de Saint-Marthe, qui projette de réaménager dans son église la chapelle des reliques, et notamment de faire réaliser une effigie de cire pour la châsse du corps entier de sainte Victoire124.
Notes de bas de page
1 Notre petit collectif d’enquête a travaillé sur archives à Rome (Dominique Julia), Paris (Anne Bonzon, Isabelle Brian, D. Julia, Stéphane Baciocchi), Rouen, Nîmes, Montpellier et Beauvais (A. Bonzon), Meaux et Melun (Mickaël Wilmart, S. Baciocchi), Blois (D. Julia, S. Baciocchi), Besançon, Dijon, Grenoble et Mende (S. Baciocchi). Nous avons bénéficié du travail de transcription de Françoise Le Hénand sur les archives romaines et parisiennes.
2 R. Taveneaux, Les prémices de la réforme tridentine, dans Revue d’histoire de l’Église de France, 75-194, 1989, p. 206-207.
3 Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la Congrégation de Saint Maur..., Paris, 1717, p. 261. Les antonins avaient montré à Dom Edmond Martène et Dom Ursin les « phioles de verre & des lampes d’argile, qu’on avoit trouvées dans ce cimetiere, & apparemment avec les corps dont ils sont en possession » : ces « phioles de verres pleines de sang », notent les bénédictins, « sont des marques indubitables du martyre de ceux auprès desquels elles se trouvent », tandis que « les lampes & les pots d’argile étoient des vaisseaux dans lesquels on mettoit des aromates, qu’on enterroit avec les chrétiens ».
4 Les Recherches du sieur Chorier sur les antiquités de la ville de Vienne, Lyon-Vienne, 1659, Livre 1, p. 99.
5 Nous nous appuyons ici sur F. Le Hénand, Les translations de reliques en France au XVIIe siècle, dans P. Boutry, P.-A. Fabre, D. Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, 2009, I, p. 313-369.
6 Ibid., p. 318 et L’Almanach spirituel de Paris pour l’année M.DCC, Paris, 1700.
7 Voir « La réception du corps de S. Félicissime » (30 avril, au couvent des petits augustins du faubourg Saint-Germain), l’exposition des reliques de « Ste Constance, V. & Mart. » (12 juillet, au couvent des chanoinesses de St. Magloire rue Saint-Denis), « La Translation d’une Relique de S. Hippolyte » (1er août, dans la paroisse du faubourg Saint-Marcel), « La Réception du corps de saint Epiphane » (27 août), « La Réception du Corps de saint Victor, Martyr » (31 août, au Val-de-Grâce) et, le même jour, aux capucins de St. Honoré, « La Réception d’un Corps saint, auquel on a donné le nom de saint Ovide », dans Almanach spirituel pour l’année M.DCC. LXXV..., Paris, 1775.
8 Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), ms fr 11761, Mémoire historique et instructif touchant les corps saints apportés de Rome, février 1717, fol. 149. La cérémonie s’est déroulée à Paris en mai 1673 : « Le 19 de ce mois, les Augustins Dechaussez terminèrent ici en leur Eglise avec une pompe singulière l’Octave de la Translation qui s’y estoit faite du Corps de S. Hyacinthe Martyr du 4e siècle : Les Panégyriques ayans esté commancez par Dom Hierome Feuillant et terminez par le Père du Castel, Prestre de l’Oratoire avec un tres grand applaudissement », Gazette, 27 Mai 1673, p. 484.
9 Traduction de la lettre d’Eusèbe Romain à Théophile François sur le culte des saints inconnus, Paris, 1698, p. 2.
10 Voir la contribution d’A. Delfosse dans le présent volume.
11 Saint-Simon, Mémoires, Y. Coirault éd., IV, 1711-1714, Paris, 1985, p. 633- 636 (citations p. 633 et 634).
12 Ibid., IV, p. 43. Voir aussi p. 641 : « Bissy dont l’âme était forcenée d’ambition sous le pharisaïque extérieur d’un plat séminariste de Saint-Sulpice, était de tout temps abandonné aux jésuites comme à ceux dont il attendait tout pour sa fortune, et sans lesquels il sentait qu’il ne pouvait rien se promettre par lui-même ». Selon le mémorialiste, la promotion au cardinalat de Bissy est due à une « ténébreuse intrigue » de Mme de Maintenon et du Père Le Tellier, confesseur du roi, « que Rome reçut avidement comme de celui dont elle ferait le plus grand usage, et qui pour elle foulerait tout aux pieds » (ibid., p. 643).
13 N. Lemoine, Le culte des reliques en Bretagne entre 1680 et 1790 : les exemples des diocèses de Dol-de-Bretagne, Rennes, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Tréguier et Vannes, Rennes, 2001 ; S. Vergnes, Dévotion, fêtes de reliques et reliquaires en haute Bretagne, Rennes, 1997.
14 « Tableau 4 – La répartition chronologique de l’arrivage des reliques (1680- 1790) », dans N. Lemoine, Le culte... cit., p. 21 (qui situe l’essentiel du phénomène dans les années 1750-1770).
15 G. Provost, La fête et le sacré. Pardons et pèlerinages en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1998, p. 142-159, p. 297-333.
16 Par exemple François Pidou, seigneur de Saint-Olon (septembre 1661), Joseph d’Aimar, seigneur de Montsalier (août 1665) ou la duchesse de Nevers (mars 1672).
17 Pour une enquête de première main, voir N. Cardot, Le culte des reliques en Franche-Comté au XVIIIe siècle, Besançon, 2009.
18 Les principales catégories et sous-catégories d’acteurs sont de tailles différentes, les séculiers forment une minorité de 11,2 %, les hommes dominent aussi bien parmi les laïcs que chez les réguliers qui représentent l’essentiel des bénéficiaires (respectivement 45 % et 43 % de l’ensemble). C’est la raison pour laquelle il convient d’observer non seulement les effectifs, absolus et relatifs, mais aussi, pour chaque catégorie et sous-catégorie, les écarts relatifs à la moyenne.
19 Mabillon avait perçu ce décalage temporel dans l’implantation des « cultes nouveaux » : les « abus », écrit-il en 1698, sont « très communs, non seulement en quelques Eglises de France […], mais encore de Flandre, d’Allemagne, & même d’Italie. Exceptons de ce nombre les Cathedrales de France, & quelques Eglises considerables qui n’ont point encore reçu ces cultes nouveaux, comme beaucoup d’autres, dans lesquelles on honore ces Saints Inconnus », Traduction de la lettre d’Eusèbe... cit., p. 7.
20 Cet énoncé, ainsi que les suivants, ont été relevés sur les registres du custode des saintes reliques conservés aux archives du vicariat de Rome : Custodia d˜SS. Reliquie dell’Emo Sig. Card. Vicario di N.S., Corpi e Reliquie de SS. Martiri donati.
21 Deux exemples de ces résiliences seront exposés en annexe sous les figures individuelles du chevalier Gaspard Chappe et du capucin Chérubin de Noves (infra).
22 L’ensemble du dossier de réception des reliques romaines à Saint-Antoine-de-Viennois peut être reconstitué à partir de Lagier, qui publie les documents essentiels tirés des archives de la fabrique et des minutes du notaire Gabriel Fournet chez qui sont enregistrées les réceptions et reconnaissances de reliques venues de Rome : A. Lagier, Les Saintes Reliques de l’Église de Saint-Antoine, dans Annales dauphinoises, 3, 1902, p. 289-296, 341-348 et 371-376 ; 4, 1903, p. 65-73, 136-144, 225-231, 246-258 et 282-291.
23 G. Godefroy et R. Girard, Les orfèvres du Dauphiné, Genève, 1985, p. 212, 534-535.
24 A. Lagier, Les Saintes Reliques... cit., 1903, pièce D, p. 18-19 et 65-66. C’est le vice-gérant Marcus Antonius Oddi qui, le 12 décembre 1658, délivre l’authentique pour le lot de reliques que le procureur général Joseph Chardon (et le P. Masson lui portant secours) ont tirées eux-mêmes des catacombes, à savoir « les os du corps » des saintes et saints Victor (un os), Laurence (le corps), Prime (des os avec un « verre ou fust ramassé son sang plié avec du papier »), Bebio (des os avec « la palme, signe de son martire, sur de la chau vive, et sa lampe »), Asello (des os avec « son verre et ses dens »), Septimio (les os), Romain (ses os, « son verre et ses dens ») et Saturnin (les os).
25 Ils se montrent, en revanche, réservés sur les reliques des triplés Speusippe, Eleusippe et Melasippe : ils ont retrouvé la trace d’un office de leur fête au monastère d’Ellwangen en Souabe, où les restes de ces saints sont honorés, dans le recueil des Vies des saints de Surius, mais souhaitent avoir une information plus fournie. Le 18 mai 1682, l’abbé de Saint-Antoine extrait de la châsse de ces « frères jumaux et gentilshommes de Langres, qui ont esté martyrisés dans la ville dud. Langres » un « ossement considérable » qu’il destine au curé de la paroisse Saint-Martin de Langres « pour estre déposée dans un reliquaire et exposée dans lad. Esglize Sainct-Martin à la vénération des paroissiens et autres personnes qui visiteront icelle » (ibid., 1903, p. 138). Voir L.-S. Le Nain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 2e édition, III, Paris, 1701, p. 603-608.
26 « Mr de Cherel » suivant l’inventaire des « Reliques qui sont dans notre eglise et dans la deuxième sacristie », Annales de l’Ordre des religieux Minimes, et en particulier de la province de France [...] et du couvent des Minimes de Paris ou de la Place Royale, par le fr. J.F.D.R.M., Paris, 1758, BnF, Ms fr. 23126, fol. 121. Nous avons identifié ce bienfaiteur dans une lettre datée de Paris, le 30 mars 1603, par laquelle le nonce Innocenzo Del Bufalo recommande au cardinal Aldobrandini « M. de Chérelles » qui, se rendant à Malte où il est envoyé par le roi de France, devra s’arrêter à Rome. Voir B. Barbiche (éd.), Correspondance du nonce en France Innocenzo Del Bufalo, évêque de Camerino (1601-1604), Rome et Paris, 1964, p. 442. Les relevés d’É. Raunié et M. Prinet (Épitaphier du vieux Paris..., IV, Paris, 1894, p. 118) donnent une courte nécrologie de notre pieux bienfaiteur enterré à Paris en l’église paroissiale de Saint-Eustache : « Cy Gist Jehan Arnault, vivant escuyer, seigneur de Cherelle, conseiller du Roy en ses Conseil d’Estat et privé, lequel, apres avoir fidelement servy les Roys Henry III et Henry IV et Louis XIII, en Pologne, Rome et Angleterre, et temoigné en ses emplois et durant le cours de sa vie une piété et charité singuliere, a rendu son ame a Dieu, le 18e juillet 1637, et la 86e année de son age. Priez Dieu pour luy ».
27 Quintanadueñas. Lettres de Jean de Brétigny 1556-1634, P. Sérouet éd., Louvain, 1971, p. 51-52. Francisco de Quesada est le cousin de Jean de Brétigny et le frère de Marie de Quesada, veuve de Hubert Le Prévost du Pucheuil qui tous deux ont fait le voyage d’Espagne pour aller quérir les religieuses. La fille de cette dernière, Charlotte Le Prévost du Pucheuil fit profession le 4 mai 1606 au Carmel de Pontoise sous le nom de sœur Thérèse de Jésus, sous le priorat de la mère espagnole Isabelle de Jésus. Voir J.-D. Mellot, Histoire du Carmel de Pontoise, Paris, 1994, I, p. 54 et 83.
28 Sur les coulisses, la précocité et l’importance de cette importation de reliques romaines dans la province jésuite Gallo-Belge, voir dans ce volume la contribution d’A. Delfosse. Pour la diffusion rapide au sein des collèges jésuites, P. Delattre, Les établissements des jésuites en France depuis quatre siècles. Répertoire topo-bibliographique, Enghien-Wetteren, 1955 : Lyon (1612), Lille (1612-1655), Douai (1614), Roanne et Saint-Omer (1615), Moulins (1623-1629), Armentières (1634), Maubeuge (1647), Mauriac (1650), Cambrai et Dunkerque (1655), Bordeaux (1679) et Aire-sur-la-Lys (1688).
29 M. Van Cutsem, Une lettre inédite du P. Gazet sur la catacombe de Saint-Hermès, dans Analecta Bollandiana, 52, 1934, p. 334-342, p. 340.
30 Bibliothèque Sainte-Geneviève (désormais BSG), ms 714, fol. 16 (authentique sur parchemin) et fol. 15 (copie), attestation de reliques tirées du cimetière de Sainte Priscille. Pour tout ce dossier, voir les fol. 8-23, 30 et 33.
31 Sur le rôle du cardinal de La Rochefoucauld, J. Bergin, Cardinal de La Rochefoucauld. Leadership and Reform in the French Church, New Haven-Londres, 1987.
32 B. Pierre, La bure et le sceptre. La congrégation des Feuillants dans l’affirmation des États et des pouvoirs princiers (vers 1560-vers 1660), Paris, 2006, p. 324, 329.
33 BSG, ms 714, fol. 8 et 11 : deux attestations datées de Rome, le 13 janvier 1612.
34 J. de Viguerie, Une œuvre d’éducation sous l’Ancien Régime. Les Pères de la doctrine chrétienne en France et en Italie 1592-1792, Avrillé, 1976, p. 67-68, 95. Trois seulement des voyages sont documentés : 1608, 1616, 1620.
35 Ainsi, par exemple, à Fontainebleau, le 13 septembre 1625, où le légat « a baillé des reliques » extraites des églises et cimetières de Rome à Melchior Mitte de Chevrières, comte de Miolans, marquis de Saint-Chamond, qui les installe dans la collégiale mise en place par son père Jacques, un des vétérans de la Ligue, sur sa seigneurie. Voir Attestation de M. le cardinal Barberin, légat en France, contenant le nom des sainctz dont il a baillé des reliques audict messire Melchior Mitte, signée de sa main et de son sceau, à Fontainebleau, en date du 13me septembre 1625, dans Inventaire des reliques de la collégiale rédigé en 1643 et partiellement édité par M. de Boissieu, L’église collégiale de Saint-Jean-Baptiste à Saint-Chamond, son chapitre, ses reliques. Notice historique accompagnée de pièces justificatives, Lyon, 1880, p. 237-238.
36 H. Cocheris, Notes et additions, dans Id., Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris par l’abbé Lebeuf, nouvelle édition annotée et continuée jusqu’à nos jours, Paris, 1867, III, p. 512-513. Cocheris s’appuie sur les Annales des Minimes de la province de France [...], par le Fr. G.F.D.R.M. Paris, 1756, Bibliothèque Mazarine, ms 2429. Il est précisé que cette relique a un certificat de La Rochefoucauld. Quant à « Madame de Marillac », il pourrait s’agir soit de Marie de Saint-Germain, seconde épouse du garde des Sceaux de France, Michel de Marillac, soit de Marie de Creil, épouse de René de Marillac, fils aîné du précédent.
37 Nous savons par ailleurs que l’abbé de Sainte-Geneviève de Paris donna en 1646 au prieuré de Sainte-Barbe (diocèse de Lisieux) une partie des os du crâne de sainte Barbe que le cardinal de La Rochefoucauld avait rapporté de Rome : Anon., Prieuré de Sainte-Barbe (en Auge), ou de Saint-Martin d’Écajeul, de l’ordre de S. Augustin, dans Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, 7, 1834, p. 129 (n° 338).
38 O. Poncet, La France et le pouvoir pontifical (1595-1661). L’esprit des institutions, Rome, 2011, p. 262, 729-732, 814.
39 Lettres, Instructions diplomatiques et Papiers d’État du cardinal Richelieu, M. Avenel éd., V, 1635-1637, Paris, 1863, p. 738-742.
40 J. Bossy, Under the molehill. An Elizabethan spy story, New Haven-Londres, 2001, p. 19-28.
41 Voir B. Barbiche (éd.), Correspondance du nonce... cit., p. 442 : lettre de Paris, 30 mars 1603, par laquelle le nonce recommande au cardinal M. de Chérelles qui, se rendant à Malte où il est envoyé par le roi de France, devra s’arrêter à Rome où il compte faire visite au cardinal.
42 H. Albi, S.J., La vie du très illustre martyr sainct Gabin, neveu de l’empereur Diocletian, soubs lequel il souffrit la mort avec son frère le Pape Caie, et sa fille saincte Suzanne, le 19 de Fevrier 296, Lequel repose maintenant dans l’Eglise du Collège de Lyon de la Compagnie de Iesus, Lyon, 1624, p. 40-42, lettres testimoniales du cardinal Scipion Borghèse datées de Rome, 7 juin 1608.
43 Ibid., p. 39. Voir Y. Lignereux, Lyon et le roi, De la « bonne ville » à l’absolutisme municipal (1594-1654), Seyssel, 2003, p. 279, 342, 408-409, 763.
44 Les Annales du monastère de la rue Saint-Antoine sont conservées au monastère des visitandines de l’avenue Denfert-Rochereau. Copie de l’attestation d’authenticité aux Archives nationales (désormais AN), LL 1716, fol. 12. Voir M.-A. Duvignacq-Glessgen, L’ordre de la Visitation à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1994, p. 228. Le commandeur de Sillery est l’un des insignes bienfaiteurs, reconnu comme « fondateur », du monastère puisqu’il fait édifier à ses frais l’église construite par François Mansart, ibid., p. 29-35.
45 H. Cocheris, Histoire de la ville... cit., III, p. 512 ; F. Giry (ancien provincial des minimes de la province de France), Vies des saints dont on fait l’office et de plusieurs autres dont la mémoire est plus célèbre parmi les fidelles..., Paris, 1696, col. 1720.
46 La liste des reliques données par Mazarin comporte une trentaine de numéros. Elle est publiée par E. Picard, Les théatins de Sainte-Anne-la-Royale (1644-1790). Une acculturation manquée ?, Rome, 1980, p. 346-347. On sait que le cardinal Mancini, bénéficiaire de corps saints auprès de Thomas Candide (voir la notice collective en épilogue du présent volume), avait conservé par devers lui deux corps entiers « pour les présenter à Monseigneur le duc de Mazarin et à quelques autres de mes illustres parents », A. Piette, Bernard Potier. Le château, le couvent des feuillants & l’hospice des orphelins de Blérancourt, dans Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 11, 1880, p. 199- 257, p. 229.
47 Ainsi au sanctuaire de Notre-Dame de Rochefort de Grâce (Gard), confié en 1637 aux bénédictins de Saint-Maur : arrivée de reliques romaines en 1645 et 1656 par l’intermédiaire d’ambassadeurs de la ville d’Avignon auprès du pape. Voir abbé J.-B. Petitalot, Notre-Dame de Rochefort-du-Gard, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, Lyon, 1910 ; R. Sauzet, Pèlerinage panique et pèlerinage de dévotion. Notre-Dame de Rochefort au XVIIe siècle, dans Annales du Midi, 77, 1965, p. 375-397. Au prieuré des bénédictines de Blye, à Lyon, en 1646, Archives départementales (désormais AD) Rhône, H 753. Le 24 février 1647, le dominicain Jean Ichard, du couvent des jacobins d’Albi, reçoit du supérieur d’un couvent des trinitaires à Rome un fragment d’os de saint Vincent, martyr, pris dans le cimetière de Calixte, AD Tarn, H 448. Le 20 novembre 1647, les reliques des saints Valentin, Amat, Fulgence etc. sont remises à un père dénommé Justin, originaire d’Orliénas, par le vice-gérant du cardinal vicaire, BM Avignon, Ms 2154, fol. 62, authentique.
48 P.J.S. Whitmore, The order of Minims in seventeenth-century France, La Haye, 1967, p. 13-55 et D. Dinet, L’installation et la diffusion des Minimes en France, dans B. Pierre et A. Vauchez (dir.), Saint François de Paule, les Minimes en France de la fin du XVe au XVIIIe siècle, Tours, 2010, p. 13-22.
49 B. Pierre, Servir Dieu et le Roi : les Minimes et le pouvoir royal des Guerres de religion à la Guerre de Trente Ans, dans B. Pierre et A. Vauchez (dir.), Saint François de Paule... cit., p. 67-86.
50 Le couvent des minimes de la Place Royale reçoit en 1648 du père François Noël, minime français résidant à Rome, le corps de saint Maur, dont les authentiques ont été visées par l’archevêque de Paris et, en 1649, il accueille les corps des martyrs Jacinthe et Prothais ainsi que celui de sainte Justine vierge et martyre, l’archevêque, après avoir vérifié les authentiques, donnant l’autorisation de les transférer dans des châsses et de les exposer à la vénération publique. La cérémonie a lieu le 13 juin 1649, Annales du couvent des minimes de la Place Royale citées par H. Cocheris, Histoire de la ville... cit., III, p. 512 ; BM Reims, collection P. Tarbé, carton XIV, n° 38, Authentique des reliques de saint Faustus dont le corps a été extrait des catacombes et donné au père François Noël à Rome le 16 juin 1649 ; Archives hospitalières de Lille, n° 2165, attestation, datée du 31 mai 1650, par laquelle le frère Pierre, de Lombardie, supérieur du monastère Saint-François-de-Paule situé sur l’une des collines de Rome, affirme avoir reçu d’Ascanio Rivaldo, noble romain, référendaire des deux signatures, suppléant le cardinal vicaire de Rome, plusieurs reliques des saints martyrs (Juste, Félix, Pie et autres), avec pouvoir d’en disposer comme bon lui semble, et, usant de cette faculté, déclare donner lesdites reliques à frère Jacques Maschalier oblat de l’ordre de Saint-François-de-Paule.
51 Voir abbé J.B. Chabau, Le Trésor de Notre-Dame-des-Miracles à Mauriac, Évreux, 1892, p. 42-52, qui publie les pièces authentiques tirées de L. Belleau, L’histoire de la translation de S. Paulin, martyr, Clermont, 1655.
52 La première demande pour la France est celle d’une « comtesse Française », sans autre précision, qui obtient en 1657 un corps entier anonyme. Elle est immédiatement suivie de celle du « Comte Borsier ».
53 H. Cocheris, Histoire de la ville... cit., III, p. 512-513.
54 AN, LL 1716, fol. 153v-155. L’attestation retranscrite sur le cartulaire est du 3 juillet 1646. La donatrice étant absente c’est un prêtre français qui est l’intermédiaire. La maréchale de Guébriant est une dame pensionnaire et bienfaitrice du monastère où elle a fait aménager ses appartements.
55 L. Baudiment, François Pallu, principal fondateur de la société des missions étrangères, Paris, 1934, p. 66-67.
56 AN, LL 1716, fol. 184-185.
57 [J.M. Du Plessis, dame Bonneau], la Vie de la Venerable Mère Louise Eugénie de Fontaine, Religieuse du Monastère de la Visitation de sainte Marie, rue saint Antoine, morte le 29 septembre de l’année 1694, s.l., 1695, p. 159-164.
58 C. Raffron, La vie du Reverend Pere François Giry, ancien provincial des religieux minimes de la province de France, et directeur general des ecoles charitables du S. Enfant Jesus, de l’institution de feu le R. P. Barré religieux du même ordre, & de la même province, Paris, 1691, p. 141.
59 BnF, Ms fr. 19706, fol. 1 s. Memoire des Saintes Reliques qui sont en ce Monastere de Port-Royal des Champs, les noms des personnes qui nous les ont données et dans quels reliquaires elles sont enchassées, (1672 et 1676) ; ibid. fol. 13 sq., Inventaire des reliques de Port-Royal des Champs, s.d. (après 1692).
60 Lettre de la mère Angélique Arnauld à la reine Louise-Marie de Gonzague, 5 mai 1656, publiée dans B. Pascal, Œuvres complètes, J. Mesnard éd., III, Paris, 1991, p. 882. La Sainte-Épine vient d’un don de Marie de Médicis qui l’a fait extraire de la Sainte-Chapelle.
61 Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, fille de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, Roi de France, nouvelle édition, VIII, Amsterdam, 1735, p. 145 ; Il est à noter que Marie du Cambout reçoit le 9 mai 1645 les pièces d’orfèvrerie et bijoux provenant de la succession de son beau-frère, le cardinal Louis de La Valette, AN, MC/ET/XXXV/227, fol. 303.
62 BnF, ms fr, 11761, Mémoire historique et instructif touchant les corps saints apportés de Rome, février 1717, fol. 100 et 121-122. Fervent détenteur de reliques, le frère Fiacre de Sainte-Marguerite (Denis Antheaume), augustin déchaussé de Paris, avait notamment obtenu de la duchesse de Créqui le corps de saint Cyriac « avec cette condition que si dans l’année il plaisoit à Dieu de donner un fils à cette dame, elle feroit ajouter au nom qu’on lui donneroit au batême, celui de Cyriac et qu’elle seroit tenue de venir faire son action de grace en notre église devant la relique de ce saint martyr ». D’après l’authentique romaine, le corps saint avait été tiré des catacombes le 27 mars 1665.
63 Bnf, Ms fr. 19706, n° 12, Extrait de la lettre de monsieur Foy a ma sœur Françoise de Sainte Beatrice sa sœur qui peut servir d’attestation de la certitude des Saintes Reliques qu’il nous a données.
64 Les reliques trouvées dans la succession du cardinal Marquemont furent distribuées par le Chapitre : aux ursulines (le corps de saint Porphyre) ; à Mme de Chevrières (le corps de saint Anastase) pour en remettre une partie dans l’église de l’Annonciade de Lyon et l’autre dans l’église des minimes de Saint-Chamont fondée par cette pieuse bienfaitrice. Les carmélites reçurent le corps de saint Faustin sur la demande de M. de Halincourt, gouverneur de Lyon. Voir L. Niepce, Les trésors des églises de Lyon (suite), dans La Revue lyonnaise, 8, juillet 1884, p. 46-47 et note 1 (qui s’appuie sur le registre capitulaire, liv. LXXVIII, fol. 22).
65 J.-J. Grisard, Documents pour servir à l’histoire du couvent des Carmélites de Notre-Dame de la Compassion de Lyon, Lyon, 1887, p. 160-161. Le document est daté du cinquième des Calendes d’avril, l’an troisième du Pontificat, c’est-à-dire le 28 mars 1623.
66 La licence a été publiée par G.B. de Rossi, Sulla questione del vaso di sangue (1862), éd. A. Ferrua, Rome, 1944, p. 130-150.
67 J.-J. Grisard, Documents... cit., p. 160 : traduction de l’attestation du corps des saints martyrs Faustin, Jovien, Théodore, Léon, Porphyre, Pontain et Anasthase, délivrée à Rome le 25 avril 1624 (sic), remise aux carmélites avec le corps de S. Faustin en 1628.
68 O. Poncet, La France... cit., p. 240.
69 J.-J. Grisard, Documents... cit., p. 167. Native de Paris, cette mère est fille de François Pélisson de La Rivière, bourgeois de Paris, et a fait profession en 1653 à l’âge de 23 ans (ibid., p. 302).
70 Ibid., p. 169 et p. 302. En 1703, Luc de Regnauld de Bellescize, fils de François et de Marguerite Allemand de Montmartin, qui vit à Rome comme attaché auprès de la reine douairière de Pologne (veuve de Jean III Sobieski), reçoit du cardinal Carpegna, cardinal vicaire de Rome et évêque de Sabine, le chef de saint Clément, tiré du cimetière de Cyriaque. Il est le frère de la mère Marie-Thérèse de Jésus qui a fait profession le 2 février 1656 à l’âge de 28 ans et qui vit toujours à la date du don (6 avril 1707). En 1704, Jacques Mayoud reçoit du même cardinal un ossement du bras de saint Modeste, tiré du même cimetière. En 1720, François Camille de Neufville de Villeroy, marquis d’Halincourt (ou Alincourt) donne des os du corps et le vase de sang de saint Bénigne, l’authentique a été délivrée à Rome le 27 janvier 1718 à sa tante Marie-Madeleine Eléonore de Jésus de Villeroy, religieuse carmélite (ibid, p. 171).
71 Ibid., p. 156 et 299.
72 Ibid., p. 155 et 304.
73 Ibid., p. 155 et 303-304.
74 Ibid., p. 169 et 302. La mère Marie-Thérèse de Jésus (Marie de Regnauld), qui prononce ses vœux le 2 février 1656 est fille de François et de Marguerite Allemand de Montmorin. Luc de Regnauld est fils de Gaspard, frère de Marie.
75 Voir, dans le présent volume, la contribution de J.-M. Ticchi qui qualifie cette religieuse, par ailleurs très mal connue, de « recordwoman » des prises de reliques (53) pour son monastère.
76 J.-J. Grisard, Documents... cit., p. 165-166.
77 Ibid., p. 170.
78 Ibid., p. 170-171.
79 Ibid., p. 154-155.
80 Ibid., p. 157-158, lettre signée J.J. Poissuel « religieux indigne ».
81 Ibid., p. 154. Tous deux sont enfants de Nicolas David, marchand à Lyon (ibid., p. 304). Marie de Jésus David, âgée de 23 ans a fait sa profession le 24 février 1673.
82 Voir la carte présentée dans la contribution de J.-M. Ticchi au présent volume (fig. 2).
83 Voir J.-J. Grisard, Documents... cit., p. 161-165, « authentique attestation de la verite des sacrés ossements des martyrs de Lyon déposés aux Carmélites de ladite ville par ordre de Monseigneur l’archevêque Paul de Neufville », 28 juin 1720 (citation p. 165). Une châsse contenant les reliques des martyrs de Lyon est arrivée le 19 mai 1719 au couvent des carmélites.
84 Sur cette famille voir la contribution de C. Duhamelle et S. Baciocchi sur la Suisse dans le présent volume.
85 J.-J. Grisard, Documents... cit., p. 160.
86 http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select_resultat=33155.
87 Chambres des notaires de Saint-Marcellin, minutes Robin (déposées aux Archives départementales [désormais AD] de l’Isère, 3E1385), fol. 267r-268v. Le dossier comprend également (fol. 271-273v) les lettres dont il sera question ensuite et qui ne seront référencées ci-dessous que par le numéro de fol. De ces archives, que nous avons consultées, des copies ont été effectuées par L. Maillet-Guy, Les paroisses antoniennes de l’ancien diocèse de Vienne, dans Bulletin de l’Académie delphinale, 3, 1909, p. 227-396 ; transcriptions partielles modernisées dans J. Crozat, Historique de la relique insigne de saint Vital en l’église de Saint-Marcellin, dans La Semaine religieuse du diocèse de Grenoble, annales ecclésiastiques du Dauphiné, 35-12, 30 octobre 1902, p. 188-190, 35-13, 6 novembre 1902, p. 201-203, 35-14, 13 novembre 1902, p. 218-221.
88 « Je vous prie bien de vouloir bien me faire réponse à Paris, chez Mgr le Nonce ordinaire de Sa Sainteté », lettre du 27 juillet 1703 au père Costé, fol. 270.
89 « demeurant à Rome », lettre du 27 juillet 1703 « à Messieurs de Saint-Marcellin », fol. 272r.
90 Archives communales déposées, Saint-Marcellin, AD Isère, 4E370.
91 Liste des chevaliers de l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel de 1610 à 1786, dans Revue nobiliaire historique et biographique, n.s. 4, 1868, p. 366-381 (pour la période 1690-1711), p. 376.
92 Lettre du 27 juillet 1703 « à Messieurs de Saint-Marcellin », fol. 272v.
93 Original de l’authentique délivrée par Mgr sacriste, le 9 mai 1703 : AD Isère, 3H124, couvent de Saint-Marcellin, reliques conservées dans les chapelles de l’église des P. Carmes, 1671-1704.
94 Archives communales de Séguret, BB-13, fol. 71 s.
95 Archives communales déposées, Saint-Marcellin, AD Isère, 4E370/CC31, rôles de taille de 1672 et 1674. La taille proprement dite due par Jean Chappe est de quatre livres en 1672, quatre livres et deux sols en 1674.
96 Ibid., 4E370/GG30.
97 Archives communales de Séguret, BB-13, fol. 71 s.
98 Lettre du 15 mars 1703 à Folhion, fol. 271v.
99 Ibid., fol. 271r.
100 Lettre du 27 juillet 1703 à « Messieurs de Saint-Marcellin », fol. 272r.
101 Dans ses lettres, Gaspard Chappe exprime d’abord sa volonté de faire reconnaître directement les reliques à Vienne par l’archevêque. Cette solution s’étant avérée impossible, il a obtenu une procuration donnée par ce prélat, jointe à l’acte notarial (fol. 267), et autorisant comme on l’a vu le supérieur général Jean Dauthon à effectuer la reconnaissance officielle.
102 Lettre du 27 juillet 1703 à Costé, fol. 270v.
103 Le notaire précise dans l’acte de recognitio qu’au corps de Vital les antonins de Saint-Marcellin ont joint « des lettres qui ont estés envoyées par ledict sieur Chappe, tant auxdits sieurs religieux dudict Saint-Anthoine, qu’aux officiers de la communauté dudict Saint-Marcellin, qui seront aussi enregistrées » ; fol. 268v.
104 AD Isère, 3H124, couvent de Saint-Marcellin, reliques conservées dans les chapelles de l’église des P. Carmes, 1671-1704.
105 Lettre du 15 mars 1703, fol. 271r.
106 Ibid.
107 Lettre du 27 juillet 1703, fol. 270r.
108 Lettre du 15 mars 1703, fol. 271r et v.
109 Lettre du 30 août 1703 à Costé, fol. 270v.
110 Lettre du 27 juillet 1703 à « Messieurs de Saint-Marcellin », fol. 272v.
111 Fol. 267v et 268r.
112 Source principale : H. de Grèzes (éd.), Archives capucines recueillies, coordonnées et annotées par le RP H de G. Province de Provence. Le couvent de Tarascon (1612-1790), Lérins, 1891. Biographie par le P. Calixte, capucin de Marseille, dans le Dictionnaire de la Provence et du Comté-Venaissin, Marseille, 1786, III, p. 174-176.
113 H. de Grèzes (éd.), Archives capucines... cit., p. 317. Les registres de Mgr sacriste mentionnent à trois reprises le « P. Cherubino da Noves » : en mars et juin 1726 et surtout en août 1728, date à laquelle il obtient lui aussi un corps entier. Il utilise donc les deux circuits d’approvisionnement.
114 D’après la lettre du vice-légat au P. Chérubin d’octobre 1741 (H. de Grèzes (éd.), Archives capucines... cit., p. 314-315). S’agit-il des corps qui figurent dans les registres de Mgr sacriste ? L’éditeur précise que ce sont les papes Benoît XIII (1724-1730) et Clément XII qui lui auraient donné des reliques.
115 H. de Grèzes (éd.), Archives capucines... cit., p. 130-133.
116 Ibid., p. 140.
117 Sa biographie précise qu’outre les papes qui l’honorèrent de leur confiance, il est en bonne relation avec Clémentine Sobieski, épouse de Jacques Stuart prétendant au trône d’Angleterre, Stanislas, roi de Pologne, qui le choisit pour théologien, ainsi qu’avec les ducs d’Orléans, de Noailles, plusieurs cardinaux et prélats (R. Vignal, Le Père Chérubin de Noves et Tarascon au XVIIIe siècle, dans Bulletin de l’association des amis du vieux Tarascon, 1980, p. 2).
118 Ibid.
119 Monumens de l’eglise de Sainte-Marthe à Tarascon, avec un essai sur l’apostolat de sainte Marthe, et des autres saints tutélaires de Provence, Tarascon, 1835, p. 110.
120 B. Dompnier, Entre possession collective et usage individuel. Le livre chez les capucins français des XVIIe et XVIIIe siècles, dans B. Dompnier, M.-H. Froeschlé-Chopard (dir.), Les religieux et leurs livres à l’époque moderne, Clermont-Ferrand, 2000, p. 213-233.
121 Voir L. Dumont, La Tarasque. Essai de description d’un fait local d’un point de vue ethnographique, Paris, 1951, p. 92-93, 122-133.
122 Catalogue des sacrées reliques duement authentiquées, qui se trouvent dans la sainte chapelle des capucins de la ville de Tarascon, 1741, 1 fol.
123 Procès-verbal dressé par le curé Bondon, le 8 août 1839, Mémoire concernant les saintes reliques qui étaient autrefois dans la chapelle du couvent des capucins, et qui se trouvent actuellement dans l’église paroissiale de Sainte-Marthe, à Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, Tarascon, 1866, p. 10.
124 Ibid., p. 12.
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Reliques romaines
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- Denzey Lewis, Nicola. (2020) The Early Modern Invention of Late Antique Rome. DOI: 10.1017/9781108646826
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