Reliques romaines
| ,Rome et les catacombes : archéologie, institutions, distribution
Mgr sacriste et la distribution des reliques des catacombes dans l’espace italien
Texte intégral
1 La source romaine qui sert de base à la présente étude se réfère aux concessions de reliques des catacombes figurant dans le registre de Mgr sacriste, soit 34 470 mentions correspondant à des demandes satisfaites entre 1657 et 1751. Sur ce total concernant le monde entier, 17 126 reliques, soit environ la moitié, sont dévolues à l’aire italienne, grosso modo l’Italie actuelle y compris ses îles, en y ajoutant la Corse, l’Istrie et la Dalmatie.
- 1 M. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri de’ Santi Martiri e antichi cristiani di Roma, Rome, 172 (...)
- 2 Ibid., p. 692.
- 3 Ibid., p. 713, « dans laquelle on présente l’état de l’église pour laquelle elles sont demandées ».
- 4 Ibid., p. 691-692.
2Selon Marcantonio Boldetti les reliques se divisent en trois types. D’une part celles scellées par le custode dans une boîte reliquaire, munies d’une authentique. D’autre part celles fournies pour un usage privé « petits fragments non scellés et sans authentique »1, lesquelles doivent être « laissées au culte privé des personnes qui les ont obtenues »2. Enfin les reliques insignes de martyrs, chef, jambes, bras, parties où le saint a souffert le martyre qui doivent être remises à qui dispose d’une lettre testimoniale précisant « l’église pour laquelle elles sont demandées »3, sauf dans le cas où elles sont sollicitées par des princes ou des prélats de première importance « envers lesquels on doit user de davantage de libéralité »4. Trois types de reliques – trois procédures – trois catégories de destinataires. Ce que l’on désignera désormais comme le registre de Mgr sacriste concerne pour une large part les deux dernières, à savoir les reliques destinées à l’usage public d’une église ou remises à un grand prince ou un haut prélat.
- 5 A. Ferrua, Il decreto dell’anno 1668 sull’estrazione dei corpi santi dalle catacombe, dans Rendicon (...)
3Avant d’en venir à la situation respective des dons de reliques en Italie en général et à Rome en particulier, on examinera successivement les textes fixant le régime d’extraction des reliques, à l’exclusion de ceux relatifs à la querelle du « vase de sang »5, puis on confrontera ces règles juridiques à la pratique de la distribution des corps saints des catacombes par le custode désigné par le cardinal vicaire du pape dans les fonctions d’évêque de Rome et par Mgr sacriste.
Le régime de l’extraction et de la distribution des reliques et son application
Les textes relatifs aux reliques, 1649-1728
- 6 « Le pape, étant évêque du diocèse de Rome en même temps que chef de l’Église universelle, se fait (...)
- 7 Pour la période précédente voir M. Ghilardi, « Auertendo, che per l’osseruanza si caminarà con ogni (...)
- 8 Archivio Storico del Vicariato di Roma (désormais ASVR), Bandimenti, 1662-1673, fol. 185v-186v.
- 9 ASVR, Bandimenti, 1655-1662, fol. 53v-54r.
- 10 Bullarium diplomaticum et privilegiorum sanctorum Romanorum pontificum Taurinensis editio, XVII, Tu (...)
- 11 ASVR, Bandimenti, 1662-1673, fol. 235v-236r.
- 12 ASVR, Bandimenti, 1662-1673, fol. 236r-v.
- 13 ASVR, Bandimenti ab anno 1696, fol. 156r-157r.
- 14 ASVR, Bandimenti 1709-1720, fol. 84v-86r.
- 15 Ibid., fol. 167v-168v.
- 16 G. Moroni évoque en outre une bulle de Clément XI de 1704 figurant au Bollario Magno, VIII, p. 246 (...)
4Afin de connaître l’évolution de la réglementation applicable on a consulté, pour la période 1649-1728, outre le bullaire romain, les huit volumes de la série des Bandimenti de l’Archivio Storico del Vicariato de Rome qui rassemblent tous les édits du cardinal vicaire6 applicables dans la Ville7. Neuf textes y concernent les cimetières ou les reliques des catacombes : les édits des 4 juillet 1656 et 3 janvier 16688 du cardinal vicaire Marzio Ginetti9, le bref de Clément IX In ipsis pontificatus nostri primordiis du 6 juillet 1669, créant la congrégation des Indulgences et sacrées reliques10, l’édit du 8 janvier 167211 du cardinal M. Ginetti, le bref de Clément X Ex commissae nobis du 13 janvier 1672 sur le régime de l’extraction des corps saints des catacombes et les pouvoirs du cardinal vicaire et enfin les édits du cardinal Gaspare Carpegna des 30 janvier 167212 pour l’extraction, la conservation et la distribution des sacrées reliques et 19 février 170413 et 20 mars 171314 sur les cimetières des saints martyrs, ainsi que l’édit du 4 octobre 1716 du cardinal Nicola Caracciolo, pro vicaire15, pour la vénération des sacrées reliques et des Agnus Dei16.
5Les six édits des cardinaux vicaires réitèrent des interdictions qui ne sont manifestement pas correctement respectées, en particulier l’obligation de fermer les catacombes et d’en déclarer l’existence (1656, 1668, 1704 et 1713), et la nécessité de disposer de l’autorisation préalable du cardinal vicaire tant pour y accéder (1656, 1668 et 1713) que pour y recueillir des corps saints (1672). À ces règles essentielles s’ajoutent des dispositions adventices : sanctions contre les contrevenants à l’interdiction d’accès soit une amende de 100 écus et les galères selon la gravité de l’infraction et l’état de son auteur (1656), peine assortie de l’excommunication pour les visiteurs non autorisés des cimetières souterrains (1704) ; interdiction de rédiger des écritures publiques ou privées pour la donation ou la translation de corps de martyrs sans l’autorisation du cardinal vicaire (1668) ; obligation d’obtenir l’autorisation de la congrégation des Indulgences et des sacrées reliques pour admettre une relique au culte public (1668, 1672), assortie d’une amende de 500 écus et, pour les religieux, de la perte de l’état ecclésiastique et de la voix active et passive.
6Quatre autres règles essentielles sont énoncées par ces textes : l’obligation de n’effectuer de recherches qu’en présence d’un prêtre désigné par le cardinal vicaire (1672) ; la présentation préalable de lettres de l’ordinaire pour la remise de reliques destinées à un culte public (1672 et 1704), sauf dans le cas particulier des princes et des hauts prélats ; l’interdiction d’extraire de la pouzzolane des catacombes et l’obligation de déclarer la découverte d’un cimetière inconnu (1704 et 1713) ; enfin l’ordre donné au personnel chargé des portes de la Ville et de l’octroi de rechercher la présence éventuelle d’os humains dans les marchandises qui entrent dans la cité, et l’obligation de les signaler au vicariat.
7S’y ajoute une réglementation propre aux fabricants de reliquaires et destinée à ce que les reliques elles-mêmes ne fassent pas l’objet de transactions commerciales (1704).
Présentation chronologique et analytique
- 17 Leur texte figure dans M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 255-256.
8L’édit du 4 juillet 1656 renouvelle, sur l’ordre d’Alexandre VII, les édits des 23 août 1603 du cardinal vicaire de Clément VIII, Camillo Borghese, et 14 mai 1624 du cardinal vicaire Giovanni Mellini publié sous Urbain VIII17, ordonnant aux propriétaires et locataires de vignes, champs et jardins de déclarer l’existence et, sous dix jours, de fermer l’entrée des catacombes où se trouvent des sépultures ou des reliques, sous peine d’une amende de 100 écus dont un tiers pour le dénonciateur et le reste pour la Chambre apostolique, ou des galères, selon la nature de l’infraction et la qualité de son auteur. Ces dispositions s’appliquent également aux réguliers et aux séculiers. Ceux qui ne fermeraient pas les entrées des catacombes pourront, après une perquisition, voir celles-ci obturées à leurs frais. Enfin l’accès en est réservé aux personnes dotées d’une autorisation écrite du cardinal vicaire ou du vice-gérant, son adjoint.
9L’édit du 3 janvier 1668 reprend, sous Clément IX, le contenu du précédent : obligation de déclarer l’existence des catacombes et interdiction d’y pénétrer et d’y recueillir des corps saints, les dénonciateurs recevant la moitié de l’amende de 100 écus. Il prohibe de faire par aucune écriture publique ou privée des extractions, donations, remises ou translations de reliques sans l’autorisation écrite du cardinal vicaire lorsque ces reliques n’ont jamais reçu de culte public, sans l’autorisation de la Congrégation des Indulgences et sacrées reliques et sans celle – écrite – du pape. Ces reliques, ajoute-t-il, ne peuvent être exposées publiquement sans cette autorisation sous peine de la perte de leurs offices pour les responsables, assortie d’une amende de 500 écus dont la moitié à l’accusateur et, pour les réguliers, de la perte de la voix active et passive et de l’état ecclésiastique.
10Le bref de Clément IX du 6 juillet 1669 créant la congrégation des Indulgences n’évoque pas de façon spécifique les reliques des catacombes. L’édit du 8 janvier 1672 dispose, en revanche, que nul ne peut entrer dans ces souterrains pour en retirer des reliques sans l’autorisation écrite et scellée du cardinal vicaire ni, sous peine d’excommunication, en extraire hors la présence d’un clerc désigné par ce cardinal qui reconnaîtra les signes du martyre et qui, ceci fait, les mettra dans des boîtes. Les reliques insignes ne peuvent être concédées qu’aux possesseurs d’une lettre de l’ordinaire, puisque hormis les princes et les hauts prélats elles ne sont destinées qu’aux églises auxquelles elles ont été données.
11Le bref de Clément X du 13 janvier 1672 souligne quant à lui, pour que les reliques des saints martyrs soient traitées pieusement, décemment et sans rien de honteux, que nul ne pourra extraire de corps saints sans une autorisation écrite et scellée du cardinal vicaire ; l’extraction ne pourra se dérouler qu’en présence d’un prêtre délégué par ce cardinal qui reconnaîtra le lieu, les inscriptions et les signes du martyr définis par la congrégation des Indulgences et Sacrées reliques ; ces restes seront immédiatement portés au palais apostolique pour y être conservés par le sacriste ; les reliques insignes (tête, bras…) ne pourront être remises qu’aux porteurs d’une lettre de l’ordinaire indiquant où elles seront conservées (des dérogations étant possibles pour les grands princes, les hauts prélats, d’une part, et pour les petites reliques destinées au vulgus pecum, d’autre part) ; qu’elles ne pourront être exposées ni vouées à un culte public avant d’avoir été examinées et approuvées par le cardinal vicaire ou son représentant ; et qu’un registre de ces dons de reliques sera tenu.
12L’édit du cardinal Gaspare Carpegna « vicaire général et de la Sainteté de Notre Seigneur et de la Curie romaine et juge ordinaire de tout le district de Rome » du 30 janvier 1672 se réfère au bref du 13 janvier 1672 et reprend ses dispositions. Constatant à son tour, trente-deux ans plus tard, que malgré les interdictions en vigueur d’aucuns entrent dans les cimetières des martyrs sans autorisation, l’édit du 19 février 1704 renouvelle, par ordre exprès de Clément XI, ceux de Clément VIII, Alexandre VII, Clément IX et Clément X. Il interdit d’y pénétrer sous peine de confiscation du bien où se trouve l’entrée du cimetière, de 100 écus d’or à partager pour moitié entre le dénonciateur et la Chambre apostolique, ainsi que d’excommunication latae sententiae, dont les transgresseurs ne peuvent être relevés que par le pape ou in articulo mortis. Il enjoint de communiquer soit à lui-même, soit au custode, la liste des entrées des catacombes dans les dix jours de la publication de l’édit et de les faire clore sous quinzaine. Il interdit de retirer de la pouzzolane et ordonne à quiconque en extrait et trouve une catacombe d’en informer vicaire ou custode. Les responsables des portes de la ville et ceux de l’octroi sont tenus, s’ils présument que des paniers ou des boîtes en tout genre contiennent des reliques ou des os humains, d’avertir le cardinal vicaire ou son custode. Enfin les reliques des martyrs, et particulièrement les reliques insignes, devant être conservées dans les églises et non chez des particuliers, elles ne pourront à l’avenir être remises qu’au porteur d’une lettre de l’ordinaire du diocèse des églises concernées.
13Publié neuf ans plus tard, l’édit du 20 mars 1713 indique aussi que « beaucoup contreviennent aux interdictions ». Il renouvelle donc l’ensemble des prohibitions antérieures. Il reprend enfin les dispositions édictées le 19 février 1704 sur les contrôles exercés par l’octroi et les règles relatives au don des reliques insignes à des églises.
14L’édit du 14 octobre 1716 tend quant à lui notamment à préserver la vénération due aux sacrées reliques des saints, renouvelant les peines prévues à l’encontre des simoniaques, et ordonne :
qu’aucun orfèvre, faiseur de chapelets [coronaro] fournisseur, fabriquant de reliquaire ou tout autre art ou profession ciseleur [regattore] ou revendeur ou quiconque de tout état, grade et condition ose de façon publique ou privée vendre, faire vendre ou préparer à la vente dans sa maison, sa boutique ou ailleurs toute sorte de sacrées reliques ou d’Agnus Dei, y compris de petites parties d’entre elles, même si elles sont fixées dans des croix, images, statues, pendentifs, chapelets, reliquaires ou d’autres ornements de quelque forme que ce soit, et encore moins de les exposer dans les rues, places, foires, marchés, boutiques, portiques des églises ou couvents et autres lieux publics ni avec d’autres choses à vendre, en permettant seulement de conserver dans leurs maisons et boutiques pour les montrer et, dans les lieux précités, les simples ornements avec l’espace destiné à vendre simplement lesdits ornements.
15Il ajoute :
Pour la commodité publique des fidèles […], une autorisation que nous délivrerons gratuitement permettra aux artisans en reliquaires qui seront connus du custode des Sacrées reliques et approuvés par nous ou par Mgr le vice-gérant, de placer dans des ornements décents ces reliques qui seront distribuées de la même façon, gratis, par notre custode et par Mgr sacriste du palais apostolique et qui vendront la pure valeur de ces ornements, comme indiqué supra, et aussi d’accommoder les reliques et Agnus Dei qui seront apportés par des particuliers pour leur usage et conservés dans les boutiques jusqu’à ce qu’ils soient accommodés et restitués à leur propriétaire, sans jamais pouvoir les conserver en exposition ni les garnir, ni les dégarnir.
16Le même édit renouvelle et précise les règles et restrictions apportées à la production des authentiques :
Afin que l’on ne puisse pas douter de l’identité et de la vérité des sacrées reliques dont la recognition et l’approbation doivent absolument être faites par l’évêque du lieu selon la forme prescrite par ledit concile de Trente, de même, par ordre exprès de Sa Sainteté, est-il interdit à toute personne quels que soient ses position, grade et condition, de faire une attestation, un serment ou une écriture publique ou privée d’extraction, donation, remise, translation ou autre contrat dans cette matière de reliques, sans la même [?] autorisation écrite (hormis le cas où, au verso de l’authentique, on puisse écrire la donation de la même relique authentifiée) ni écrire d’autres authentiques, ni les imprimeurs en imprimer. Elles doivent, tout au contraire, être reconnues et authentifiées par nous ou par Mgr vice-gérant ou être demandées gratuitement audit custode ou aux notaires de notre tribunal, faute de quoi, outre les peines ci-après, les reliques dispensées d’une autre façon ne seront pas considérées comme authentiques.
17Outre la similitude physique des authentiques avec les lettres de change qui peuvent, elles aussi, être « endossées » pour changer de mains on note que le texte interdit à tout artisan et à toute personne, même ecclésiastique, d’ouvrir sans l’autorisation du cardinal vicaire ou hors la présence du vice-gérant ou du custode les boîtes scellées et les reliquaires des églises, même pour les accommoder dans ceux-ci ou dans d’autres reliquaires, ni de se servir desdites boîtes pour des usages profanes. Les recteurs des églises ne peuvent pas davantage concéder tout ou partie d’une relique sans en avoir reçu compétence, ni exposer une relique si celle-ci est dépourvue d’une authentique autorisant la vénération publique. Les contrevenants, même s’ils sont ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, encourent une peine de 200 écus d’or dont un quart pour les dénonciateurs, ainsi que la réclusion, l’exil ou les galères, selon la nature de l’infraction et l’état de son auteur et, pour les réguliers, la privation de la voix active et passive, sans compter d’autres peines corporelles et la privation des reliques et de leurs reliquaires.
La pratique : sacriste et custode au travail
- 18 G. Signorotto, Cercatori di reliquie, dans Rivista di storia e letteratura religiosa, 21, 1985-II, (...)
- 19 G. Lunadoro, Lo Stato presente o sia relazione della Corte di Roma già pubblicata dal cav. Lunadoro (...)
- 20 V. Falaschi, La Gerarchia ecclesiastica, Macerata, 1828, p. 37.
18Le cadre général retracé, insistons sur le fait que Mgr sacriste n’est pas, loin de là, le seul pourvoyeur institutionnel de reliques romaines. Le pape lui-même en concède à l’instar de Clément VIII qui en accorde au marchand milanais étudié par G. Signorotto18. Le sacriste conserve quant à lui, selon Lunadoro « beaucoup de reliques sacrées qu’il distribue ensuite »19. Rien n’indique, du reste, qu’il ne manie que des reliques des catacombes. L’abbé V. Falaschi, qui écrit sous la Restauration, rappelle que ce prélat est, par tradition, un augustin nommé évêque de Porphyre, assistant au trône pontifical, prélat domestique, consulteur de plein droit de la congrégation des Indulgences et Sacrées reliques et que « les souverains pontifes, par un privilège spécial, lui ont confié la garde du dépôt des S. reliques : c’est lui qui fait tirer des catacombes les corps des martyrs »20. Voici donc le dispensateur des sacrées reliques extracteur « à longue main » des corps saints des catacombes.
- 21 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione e prerogative del Vicario di Roma. Opera del canonico Nicol (...)
- 22 Ibid., p. 113. En réalité le bref de Clément X est du 13 janvier 1672 et l’édit du cardinal Carpegn (...)
- 23 Ibid., p. 113.
- 24 Magnum Bullarium romanum, XI, Luxembourg, 1741, p. 39.
19Ces éléments conduisent à lire d’un autre œil le texte du chanoine Angelo Cuggiò sur les compétences du cardinal vicaire pour l’administration du diocèse de Rome – texte dont une traduction partielle, à laquelle nous renvoyons, est publiée dans le présent volume avec l’aimable autorisation de D. Rocciolo21. Ce document souligne que le bref du 30 janvier 1672 lui a confié la délivrance des « attestations ou certificats publics »22 relatifs aux extractions de corps saints. Cette compétence a été déléguée au custode Vicenzo Guizzardi23 chargé de « veiller à ce que les cimetières sacrés ne soient en aucune manière profanés ou violés ». À cette fin il surveille les ouvriers qui creusent, se rend dans ces cimetières pour reconnaître les signes spécifiques du martyr, effectue la recognition des restes et les scelle dans des caissettes. Puis il distribue les reliques aux personnes qui, ayant présenté un mémoire au vicariat, en ont obtenu l’autorisation. Le custode délégué du vicaire à la surveillance des cimetières est donc lui aussi un distributeur de reliques. Cuggiò souligne, du reste, la confusion des pouvoirs du sacriste et du custode. Le bref du 13 janvier 1672 prévoyait en effet qu’après leur recognition les reliques seraient, une fois scellées, conservées au palais apostolique par le pro-sacriste ou par un autre désigné par le cardinal vicaire qui soit de bonnes mœurs et ait reçu le sacrement de l’ordre24. La dualité des compétences entre sacriste et cardinal vicaire résulte donc du texte même qui régit leurs activités de « chercheur-distributeur » et de « distributeur-chercheur ».
- 25 ASVR, registre 83, p. CX, examiné par D. Julia.
- 26 A. Menniti Ippolito, I Papi al Quirinale, Rome, 2004.
- 27 G. Moroni, Dizionario… cit., IX, 1841, p. 162-163.
20Alors que la custode est abritée au palais Santa Croce, près de Sancta Maria de Plancora25 jusqu’au 25 mars 1737 lorsqu’un incendie provoqué dans la boutique d’un tisserand la détruit, Mgr sacriste est logé au palais du Quirinal, la résidence pontificale26. Sa chapelle privée n’est construite que sous Clément XI, dont le sacriste Agostino Nicola Degli Abbati Olivieri est le parent, afin « qu’à l’avenir avec plus de convenance y soient gardées les reliques des saints martyrs qui se trouvent lors des fouilles des catacombes ». Le pape pourvoit en outre, en 1715, à ce qu’une lampe d’huile y brûle en permanence « en l’honneur des corps des saints martyrs qui s’y conservent »27.
- 28 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 15.
21Une concurrence survient-elle entre le sacriste, chargé de conserver et distribuer les reliques qui se met à les collecter avec ses propres troupes, et le custode, subordonné du cardinal vicaire qui, désigné pour en surveiller la collecte, les distribue sur l’ordre de celui-ci ou du vice-gérant, son adjoint ? Sans pouvoir le prouver, on pressent un conflit de compétences entre la famille pontificale, représentée par le sacriste, et l’administration diocésaine de Rome, dirigée par le cardinal vicaire, d’autant que, observe D. Rocciolo, « la juridiction du cardinal vicaire était concurrencée par divers centres de pouvoir »28.
22Boldetti, en évoquant un « dubbio » formulé par Mgr Fortunato Scacco, un sacriste d’Urbain VIII, éclaire cet aspect (conflictuel ?) des relations entre sacristie pontificale et vicariat au sujet de la répartition de la collecte et de la distribution :
- 29 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 257.
En vertu cependant du bref, le cardinal Carpegna […] créa la custode pour les sacrées reliques, dont il commença à transmettre une partie à Mgr sacriste du palais apostolique, après leur recognition et extraction des cimetières, afin qu’il les ait prêtes en cas de demande du pape, pour les distribuer avec leurs propres authentiques dans lesquelles il exposait ne pas les avoir lui-même déjà reconnues et approuvées, mais seulement qu’elles avaient été reconnues et approuvées par la sacrée congrégation sur les Indulgences et les reliques, que tel était le dire des représentants de celle-ci, à savoir Mgr le cardinal vicaire et son custode à cette fin établi, grâce aux signes déterminés par celle-ci. Mais peu de temps après on se rendit compte qu’il était d’un grave inconvénient de devoir les diviser et les transmettre à chaque fois à Mgr sacriste. Il fut décidé avec l’accord du Pontife que ce même prélat dirigerait, avec d’autres fouilleurs particuliers, la fouille à accomplir dans un cimetière qui serait cependant distinct de ceux dans lesquels ferait creuser le cardinal vicaire et qu’il les reconnaîtrait de lui-même et les extrairait en respectant les mêmes règles et signes prescrits par la Sacrée congrégation. De ce fait Mgr Scacco n’a jamais exercé, même en rêve, aucune direction (même minime) sur les cimetières, de sorte que la question évoquée par ses soins ne peut avoir aucun fondement ni aucune autorité en matière d’activité de recognition et d’extraction des reliques, car il ne l’exerça pas, cette mission ne relevant pas alors (non plus qu’aujourd’hui) de la charge de préfet de la Chapelle pontificale29.
- 30 La Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, 1819, qualifie le Tableau de la Cour de Rome (...)
23Au total, les deux centres de distribution semblent avoir fonctionné de façon indépendante comme le résume Jean Aymon30 – peu suspect de sympathie envers la papauté – dans son Tableau de la cour de Rome publié en 1725 :
- 31 J. A[ymon], Tableau de la cour de Rome […] par le Sieur J. A. prélat domestique du pape Innocent XI(...)
Après que la congrégation a prononcé son jugement sur la validité de quelques reliques et qu’elle leur a donné des noms certains, vraisemblables ou supposés à la volonté des dévots qui souhaitent les honorer sous le nom de quelque saint qu’ils indiquent comme font les parrains et les marraines en présentant les enfants au baptême […] la congrégation remet ces reliques entre les mains du vicaire et du sacristain du pape qui les distribuent à ceux qui les demandent et leur donnent des attestations ou lettres authentiques de la vérité de ces reliques, en faisant signer une espèce de reçu et de remerciement au bas de leurs registres par ceux qu’ils favorisent gratis ou à quelque prix que ce soit de quelques parcelles de ce trésor inépuisable31.
- 32 Eusebii romani sive Joannis Mabillonii ad Theophilum Gallum epistola de cultu sanctorum ignotorum, (...)
24Rien n’interdit aux demandeurs de s’adresser simultanément au sacriste et au cardinal vicaire. C’est ainsi que le cardinal Lodovico Portocarrero obtient, selon le registre de Mgr sacriste, un corps entier en 1672, l’année même où le cardinal vicaire lui délivre l’authentique dont Jean Mabillon publie le texte dans sa lettre à Théophile32, à moins qu’il ne s’agisse du même corps, authentifié par le cardinal vicaire et donné par l’évêque de Porphyre ?
- 33 Magnum Bullarium… cit., XI, p. 39.
- 34 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 691.
- 35 Le fait est d’autant plus remarquable que l’omission de la destination est monnaie courante, aussi (...)
25Abstraction faite de ceux qui les découvrent et de ceux qui les distribuent, le bref Ex commissae nobis interdit la délivrance de reliques aux personnes qui ne pourraient pas présenter des lettres de l’ordinaire. Il ordonne de tenir un registre où seront portés les noms des corps et des reliques extraits des cimetières avec les noms de ceux auxquels ils auront été donnés et ceux des églises pour lesquelles ils ont été obtenus33. Boldetti explique cette disposition par le souci qu’en cas de perte des authentiques, on puisse en établir un double de l’acte écrit34. À le lire, on se demande pourquoi près de la moitié des attributions concernant l’aire italienne sont dépourvues de destination puisque tel est précisément l’objet de l’enregistrement des mouvements de reliques, sauf à considérer que la mention du patronyme du destinataire était suffisante parce que la relique, modeste, était destinée à son usage privé35. Insistons cependant sur le fait que l’application du principe – la remise de reliques à des églises pour un culte public – est fortement limitée par son exception : le don à de grands princes ou des prélats importants – la « clientèle » de Mgr sacriste – avec lesquels il faut agir avec plus de libéralité, d’une part, et le don de reliques mineures à des fidèles, d’autre part. Rien d’étonnant à ce que les dons à des prélats et ceux à des personnages importants représentent une part essentielle du mouvement des reliques dont on souhaite à présent étudier la répartition géographique.
L’orientation géographique des dons de reliques dans l’aire italienne
Profil général
- 36 Faute d’une cartographie du territoire italien et compte tenu de l’enchevêtrement des anciennes div (...)
- 37 Marches, Romagne, Ombrie, Latium et Rome dans les États pontificaux ; Abruzzes, Campanie, Molise, P (...)
- 38 On les a rapprochés de R. Ritzler, P. Sefrin, Hierarchia catholica medii et recentiori aevi, V (165 (...)
26L’étude menée sur la base des données traitées par Françoise Le Hénand est approfondie ici pour l’espace italien en rapprochant l’origine géographique des demandes et les types de bénéficiaires – personnes physiques (hommes ou femmes, religieuses et religieux, nobles…), ou personnes morales (ordres, maisons religieuses…). En effet, 9 063 fiches sur les 17 126 que compte ce groupe sont pourvues d’une indication géographique qui, quand bien même rien ne précise si elle localise le demandeur lui-même ou la destination finale des reliques, permet cependant à l’échelle du registre d’établir une cartographie des « affinités géographiques » de plus de la moitié des destinataires ou intermédiaires. On a donc agrégé par ordre décroissant de superficie les espaces auxquels renvoie la source en délimitant tout d’abord quatre grandes zones qui recoupent les États de la péninsule : Royaume de Naples, États pontificaux, Toscane et enfin un espace du « Nord » (Émilie, Ligurie, Piémont, Lombardie et Vénétie, des contreforts des Alpes à la plaine du Pô)36. On a ensuite étudié les régions qui composent ces cinq espaces37 et les quelque 500 provinces ecclésiastiques et diocèses, cités dans le registre38 entre 1650 et 1730.
27L’évolution générale se caractérise par une diminution tendancielle depuis le plateau des années 1681 à 1690 (383 à 483 dons). Puis vient une période de tassement de 1691 à 1712 (164 à 179 dons) comprenant elle-même une phase de relance entre 1693 et 1698 (247 à 333 dons) qui précède une période de basses eaux correspondant à la guerre de succession d’Espagne (1701-1712, 170 à 179 dons). La dernière période faste couvre les années 1713-1720 (329 à 356 dons), avec un pic historique à 512 attributions en 1719. Exception faite de l’année 1725 où ils atteignent 363, les dons qui avaient diminué de 1722 à 1724 (168 à 246) se réduisent de façon continue et accélérée à compter de 1726, passant au-dessous de la centaine en 1731 (97) pour tomber à 11 en 1733. Boldetti assisterait donc à la vertigineuse diminution du nombre des reliques à destination de l’Italie. Dans sa première partie, la forme de la courbe des dons dépourvus de destination est assez voisine de celle du total des dons. Elle s’en distingue, en revanche, nettement, pour la période faste 1713-1720 où elle varie entre 104 et 56 dons.
- 39 L. Fiorani, Monache e monasteri romani nell’età del quietismo, dans Ricerche per la storia religios (...)
- 40 F. Gemini, Due parrocchie romane nel Settecento : aspetti di storia demografica e sociale, Rome, 19 (...)
28Avant d’examiner le mouvement durable de réduction des attributions de reliques qui relève d’explications structurelles, on envisagera les facteurs conjoncturels qui pourraient expliquer les ruptures de la courbe générale. Le milieu du XVIIe siècle est en effet marqué par la peste de 1656-1657 qui provoque plus de dix mille décès à Rome39. Au début du XVIIIe siècle se produisent plusieurs catastrophes : deux graves inondations du Tibre (1701 et 1702), une série de secousses telluriques (1702-1703), l’arrivée des troupes impériales (1706) et une épidémie de grippe en 1710, année où la population de la cité atteint son plus bas niveau. Enfin en 1718 surviennent sécheresse et disette40. La population croît de nouveau à compter de 1720-1736, encore qu’en 1736 éclate une nouvelle guerre, tandis que la rupture des relations diplomatiques avec Naples et Madrid entraîne le départ des Espagnols et de nombreux romains. Après les incursions des Espagnols et des Autrichiens (1742 et 1744), la paix revient avec le traité d’Aix-La-Chapelle (1748).
Fig. 1 – Ensemble des dons de corps saints réalisés par Mgr sacriste dans l’aire italienne (1657-1751).

- 41 S. Andretta, Gli anni santi del Seicento, dans A. Zuccari (dir.), La Storia dei giubilei, III, Flor (...)
- 42 G. Signorotto, Cercatori di reliquie… cit., p. 390.
- 43 Le 27 septembre ; voir S. Nanni, I giubilei del Settecento, dans A. Zuccari (dir.), La Storia dei g (...)
29Parmi les autres événements susceptibles d’influer sur les extractions et sur les dons de reliques, figurent en premier lieu les années saintes, à l’exception de celle de 1675. L’image de cette année, marquée par une médiocre affluence des pèlerins41, est brouillée par la conjoncture des années 1674-1678 où les distributions du sacriste semblent gelées. G. Signorotto signale, du reste, une difficulté analogue à se procurer des reliques lors du jubilé de 160042 du fait de la thésaurisation qui le précède. Il en va autrement en 1700 et 1725. L’année sainte 1700, marquée par la mort d’Innocent XII43, est caractérisée par une hausse des dons par rapport à 1699, lorsque était survenue une nette diminution des envois totaux, aux environs de 150, attestant aussi une thésaurisation des reliques préalable à la venue des pèlerins. La hausse pouvait aussi être liée au choix de nouveaux personnages pour la distribution du trésor des corps saints : le sacriste Paolo Mariani et le custode M. Boldetti entrent en fonction en 1700. Ces deux nominations et leurs interactions réciproques pourraient avoir désorganisé les circuits antérieurs d’extraction et de distribution.
30L’année 1725, où se déroule un synode romain, constitue une exception dans la série observée. Le nombre des envois s’y établit à environ 380 contre 150 en 1724. Mais cette hausse n’est que faiblement perceptible pour Rome (respectivement 25, 45 et 60 envois en 1724, 1725 et 1726), à moins que les pèlerins n’aient été mieux servis lors de l’année sainte que les Romains. De même la guerre de succession d’Espagne (1701-1714) a une incidence nette sans être déterminante.
31Sur les quelque 9 000 demandes pourvues d’une indication géographique, le Royaume de Naples n’en mobilise que 1 046 (12 %), dont la moitié (47 % soit 496 dons) pour la seule Campanie, environ un quart pour la capitale, Naples (26 %, 269), un cinquième pour la Sicile (21 %, 221), 15 % pour les Pouilles (160), 9 % pour la Calabre (98) et entre 3 et 1 % pour la Basilicate, une partie des Abruzzes et Molise. Les États du Saint Siège en reçoivent 53 % (4 781 dons), répartis entre 2 986 pour Rome (62 % du total de ces États), 12 % pour la Romagne (568), 10 % pour les Marches (502), 9 % pour l’Ombrie (417), le solde étant réparti entre Abruzzes (3 %), Latium (2 %) et Campanie (1 %). La Toscane, elle, reçoit 700 dons, soit 7 % du total, dont 372 pour la province ecclésiastique de Florence (évêchés de Borgo San Sepolcro, Colle di Val d’Elsa, Fiesole, Pistoia, Prato et San Miniato, soit 372 dons) et 41 % pour la capitale (285). La zone morcelée en des entités politiques diverses située au Nord de ces trois États obtient quant à elle un quart (2 294 dons) répartis entre la Lombardie qui reçoit 48 % de cet ensemble (1109), la Vénétie 21 % (490), la Ligurie 13 % (289), le Piémont 10 % (229) et enfin l’Émilie 6 % (144).
32À l’échelle de l’aire italienne c’est donc sur le « front » du Nord qu’après la paix de Westphalie l’on construit un rempart. L’exportation de reliques romaines constitue-t-elle l’une des expres sions d’une catholicité « romaine » ? Sur la carte des villes du Nord concernées par les plus nombreux envois de reliques se dessine une muraille dressée de Turin (107 envois) à Novare (73), Milan (420), Côme (155), Bergame (96), Brescia (133), Vérone (43), Padoue (59) et Venise (273). La concentration sur ce limes est telle que le total des dons pour ces neufs diocèses atteint 1 359 soit près de 17 % du total général des 8 066 dons de reliques pourvus d’une destination et près de 27 %, plus du quart des dons exception faite des 2 986 faits à Rome. L’abondance des attributions en Italie du Nord, la plus voisine des terres conquises au protestantisme, tranche fortement avec l’Italie du vide – soumise à la royauté aragonaise puis à la dynastie espagnole à compter de 1734 –, celle des diocèses de Reggio di Calabria (6), Catanzaro (4), Crotone (4), Tarente (5), ou Gallipoli (5) et Lecce modeste exception avec 17 dons, soit 9 fois moins que Côme, 17 fois moins que Venise et 25 fois moins que Milan.
- 44 Y.-M. Bercé, Lorette aux XVIe et XVIIe siècles : histoire du plus grand pèlerinage des temps modern (...)
33Dans certaines zones bien pourvues telles l’Ombrie ou les Marches, des îlots semblent cependant réfractaires aux reliques des catacombes, du fait de la présence d’un culte local d’importance mondiale, à l’instar d’Assise (12 dons) ou de Lorette (1) alors à son apogée44.
- 45 G. Moroni, Dizionario… cit., X, 1841, p. 236.
34La courbe des attributions dans Rome – sans préjudice de la destination finale de la relique compte tenu des opérations de redistribution et de circulation – se caractérise par un premier cycle « en cloche » de 1661 à 1666 qui correspond aux dernières années du pontificat d’Alexandre VII (1655-1667). Le pape investit en 1656 Mgr Landucci, son sacriste, de l’autorité nécessaire pour réaliser des fouilles dans les catacombes avec ses propres ouvriers, les conserver et les distribuer45, les registres débutant l’année suivante, en 1657.
35La forme de cette courbe concernant Rome est analogue à celles de Toscane et d’Ombrie. Elle diffère nettement de celle des territoires soumis à Venise pour laquelle, hormis un pic en 1671-1672, la première partie rend compte d’une moindre exportation de corps saints.
- 46 A. Ferrua, Il decreto… cit., p. 319.
- 47 D. Rocciolo (éd.), Della giurisditione… cit., p. 112-113, citant les édits du 25 septembre 1599, du (...)
- 48 A. Ferrua, Il decreto… cit., p. 319-324.
- 49 Les imprimés conservés dans la série Brevia et decreta, dont on a consulté les boîtes 1 à 3, de la (...)
36Les « lacunes » dans l’enregistrement des envois de reliques (1667- 1670 et 1674-1678) sont contemporaines de plusieurs événements importants pour l’extraction et la distribution. Clément IX crée, à peine élu en 1667, une congrégation ad hoc compétente en matière d’extraction et de recognition des reliques des catacombes46. Puis, le 3 janvier 1668, un édit du cardinal vicaire47 limite l’entrée dans les cimetières et les extractions. Enfin l’édit du cardinal A. Homodei, du 10 avril 1668, dispose que le vase de sang et la palme sont des signes certains des corps de martyrs, conformément à la décision de la congrégation des Indulgences qui vient d’être créée48 – circonstance qui pourrait expliquer un certain attentisme dans la distribution. La volonté de clarifier le régime d’extraction-don des corps saints est du reste surtout perceptible dans les textes publiés par le cardinal vicaire49.
- 50 Constitution Ex commissae nobis dans Magnum Bullarium… cit., XI, p. 39-40.
37Le caractère aberrant de l’année 1671 conduit à mettre en doute l’idée d’une « lacune » du registre : cette année se caractérise en effet par un rattrapage dans les envois dont le nombre n’est pas loin de tripler par rapport à 1670, tranchant avec le vide des cinq années précédentes. Enfin le 13 janvier 1672 Clément X donne compétence au cardinal vicaire pour autoriser l’extraction des reliques50. Le « creux » des années 1668-1679 serait, quant à lui, lié à ces controverses et initiatives normatives. Suit un second cycle (1680-1690) couvrant les pontificats d’Innocent XI (1676-1689) et Alexandre VIII (1689-1691), et marqué par un quasi doublement des attributions de reliques à destination de Rome (d’un niveau maximum annuel de 50 à 60 entre 1662 et 1666 à une fourchette de 60 à 100 dons entre 1684 et 1690, avec un sommet à plus de 80 attributions de corps saints entre 1685 et 1688).
Cycle du pontificat et influence de l’origine du pape
- 51 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi di martiri, Rome, 2004.
38La courbe générale des attributions de reliques dans l’aire italienne ainsi que celle spécifique aux envois à Rome invitent à s’interroger sur les transformations des canaux de demande et d’exportation qui surviennent à la fin de certains pontificats. On constate en effet une forte diminution des dons au terme du pontificat d’Alexandre VII (1667) puis pendant le bref pontificat de Clément IX (1667-1669). Le même mouvement est patent à la fin des pontificats d’Innocent XI (1676-1689) avec un net « creux » en 1690 et 1691 et d’Innocent XII (1691-1700), suivi d’une diminution en 1701. Le long pontificat de Clément XI (1700-1721) se conclut par une baisse massive en 1721, lorsque les envois de reliques se réduisent des deux tiers, de plus de 150 à 50. Enfin sous Benoît XIII (1724-1730) – le pontife qui fait re-consacrer de nombreux autels dans la Ville éternelle51 – on enregistre une nette reprise des dons du sacriste de 1725 à 1727 puis une réduction les trois années suivantes, accentuée en 1730.
39Le pontificat de Clément XII (1730-1740) se caractérise par une diminution radicale et inexpliquée : transformation des pratiques (moins de demandes ou moins d’offre ?), modification de la comptabilisation des opérations de distribution (automaticité moins absolue de l’enregistrement ?), évolution des pratiques dévotionnelles (moindre attrait des reliques romaines ?) ou encore éviction des demandes italiennes au profit de sollicitations émanant d’autres zones ?
- 52 F. Diaz, Il Granducato di Toscana. I Medici, Turin, 1976, p. 494 cité par M. Fantoni, Il bigottismo (...)
40Les flux sont-ils de surcroît liés à l’origine du pontife ou destinés à des espaces avec lesquels il entretient une affinité ? Une telle relation semble manifeste entre l’origine toscane du pape Alexandre VII Chigi (1655-1667), né à Sienne, et l’importance des envois en Étrurie sous son pontificat. Du reste, dans le cas particulier de la Toscane, la légendaire bigoterie de Côme III (1670-1723) suffirait à accréditer l’idée que les dons de reliques étaient particulièrement bien venus dans les États d’un prince occupé, selon Furio Diaz, « de couvents, de frati, de leur organisation interne et de la pureté de leurs croyances »52, sans compter le souci d’entretenir de bonnes relations avec Rome, constante de la diplomatie florentine.
41Sous Innocent XI Odescalchi (1676-1689), né à Côme, les envois en Lombardie passent au dessus de 20 par an alors que ceux vers la Toscane et l’Ombrie se rétractent nettement au dessous de dix envois annuels, tandis que le volume total des dons de reliques connaît une augmentation.
42Une relation existe bien entre l’origine du pape, la structure des clientèles qui s’organisent autour de lui et la destination des reliques. Cette relation, assez claire pour ces deux pontificats, les plus longs, renforce un mouvement structurel puisque les régions d’origine des deux pontifes ont soif de reliques. Pour le règne d’Alexandre VII Ottoboni (1689-1691, vénitien) la relation est évidente. Elle est perceptible sous Innocent XIII Conti (1721-1724), un romain, tandis que le pontificat d’Innocent XII (1691-1700) se caractérise par une nette diminution des envois destinés à Rome qui, du niveau de 80-90 par an entre 1685 et 1689, passent dans une fourchette de 20 à 50.
43Le pontificat de Clément XI Albani (1700-1721, marchesan), le plus long de la période, se divise en deux phases. De 1700 à 1712 les envois annuels se situent pour la région de Rome dans une fourchette de 30 à un peu plus de 40, sans préjudice des redistributions à partir de la Ville puisque les authentiques délivrées aussi bien par le custode que par le sacriste reconnaissent la triple faculté de les conserver (retinere), donner (donare) et transmettre hors de la ville (extra urbem transmittere), moyennant une mention au verso qui rappelle l’endossement des lettres de change. Les envois vers les principales régions d’exportation : Lombardie, États pontificaux, Toscane et Ombrie se situent quant à eux aussi à des niveaux nettement inférieurs à ceux observés antérieurement. La seconde partie du pontificat (1712-1720) est en revanche marquée par une explosion dans Rome où la distribution s’établit, à une exception près, à plus de 60 envois annuels et dépasse même 90 à la fin du pontificat. Le mouvement est analogue en Toscane où le flux se situe entre 10 et 20 de 1713 à 1719, nettement plus que dans la décennie précédente ; de même en Ombrie où les envois annuels, nuls en 1707-1708 au moment où sévit la guerre en Italie, s’élèvent progressivement jusqu’à atteindre 20 en 1719, ainsi que dans les territoires vénitiens (20 envois annuels environ). La Lombardie, première région d’importation des reliques, subit un phénomène plus intense puisque les envois annuels s’y situent entre 20 et 35 par an entre 1713 et 1721. La fin de la guerre explique-t-elle le phénomène ? Partiellement seulement s’il débute dès 1712.
44Quant aux Marches, elles ne sont pas, loin de là, les moins bien servies par le sacriste de Clément XI (1700-1721) comme l’indique le graphique suivant où l’on distingue le pic atteint sous ce pontificat.
Rôle et origine des officiers pontificaux
45La nomination des prélats doublement chargés des extractions et de la distribution a-t-elle une incidence sur le rythme et la destination des envois ? Mgr sacriste partageant la distribution de reliques avec le cardinal vicaire et le custode, tandis que le préfet de la congrégation des Indulgences est appelé à connaître de ces questions ex officio, on a rapproché les éléments biographiques concernant l’ensemble de ces personnages. Sept cardinaux vicaires entre 1629 et 1759, trois cardinaux préfets jusqu’en 1748, six sacristes de 1655 à 1741 et cinq custodes entre 1672 et 1749 ont occupé ces fonctions.
Tab. 1 – Cardinaux vicaires, cardinaux préfets de la congrégation des Indulgences, sacristes et custodes des sacrées reliques
- 53 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 99, 1860, p. 95-97.
- 54 Ibid., vol. 60, 1848, article Sagrista, p. 189-190.
- 55 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 118.
- 56 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 60, 1848, p. 189, Fr. Ambroggio Landucci (25 juillet 1655-16 févr (...)
- 57 Cette désignation est discutée, voir D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 119, note 23
- 58 Adopté en tant que neveu par Clément X.
- 59 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 60, 1848, p. 189-190, Giuseppe Eusani (9 mars 1669-23 avril 1692) (...)
- 60 Pierre Lambert Le Drou, (1692-6 octobre 1712) de Liège, professeur à Louvain et à l’université de R (...)
- 61 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 44, 1847, p. 190, Raffaele Fabretti, d’Urbino, nommé secrétaire d (...)
- 62 Ibid., p. 190, Agostino Nicola degli Abbati Olivieri, de Pesaro (26 septembre 1712-janvier 1731), c (...)
- 63 Ibid., p. 190, Tommaso Cervioni (1731-1741) de Montalcino, archevêque de Lucca.
- 64 Neveu de Clément XII.
Cardinaux vicaires53 | Préfets de la Congrégation des Indulgences | Sacristes54 | Custodes55 |
Marzio GINETTI 1629-1671, Velletri | Giambattista GABRIELLI … -1711, Città di Castello | Ambroggio LANDUCCI56 1655-1669, Sienne | Giuseppe PALAMOLLA57 |
Paluzzo Paluzzi DEGLI ALBERTONI58, 1671 | Lodovico PICO della MIRANDOLA 1712-1743, Florence | Giuseppe EUSANI59 1669-1692, L’Aquila | Vincenzo GUIZZARDI 1672-1687 |
Gaspare CARPEGNA 1671-1714, Rome | Raffaele Cosimo GIROLAMI 1713 (?)-1748, Florence | Pierre Lambert LE DROU60 1692-1712, Liège | Raffaele FABRETTI61 1687-1689, Padoue |
Nicola CARRACIOLO 1715-1717, Naples | Alessandro BONAVENTURA 1689-1700, Urbino | ||
Domenico PARRACIANI 1717-1721, Rome | Marcantonio BOLDETTI, 1700-1749 Rome | ||
Fabrizio PAOLUCCI 1721-1726, Forlì | Agostino Nicola DEGLI ABBATI OLIVIERI62 1712-1731, Pesaro | ||
Prospero MAREFOSCHI 1726-1732, Macerata | Tommaso CERVIONI63 1731-1741, Montalcino | ||
Gio. Antonio GUADAGNI64 1732-1759, Florence |
46Les dates charnières de nomination des cardinaux vicaires : 1715, 1717, 1721, 1726 et 1732 ne sont, hormis la première, pas caractérisées par des inflexions. Au contraire en 1671, lorsqu’est nommé le cardinal G. Carpegna, s’opère un quasi triplement des assignations de reliques par le sacriste qui semble avoir affaire à un rattrapage après la pénurie observée de 1667 à 1670 – à moins qu’un resserrement des conditions d’attribution par le vicariat via la custode n’ait détourné une partie de sa « clientèle » vers l’antichambre de l’évêque de Porphyre ?
47La nomination du sacriste a, en revanche, une nette incidence sur la politique de distribution en deux occasions : 1692-1693 et 1712-1713. Dans ces deux cas, en effet, la nomination d’un nouveau sacriste (1692 pour Pierre Lambert Le Drou, 1712 pour Agostino Nicola Degli Abbati Olivieri) est suivie d’une hausse du volume distribué d’environ 180 à plus de 320 entre 1692 et 1693 et de 190 à 380 entre 1712 et 1713. L’arrivée de Mgr A. Bonaventura, en 1689, correspond aussi à une inflexion dans la politique de distribution à Rome quoique son influence soit moins sensible vu la diminution tendancielle des dons de 1663-1671 à 1711.
48La personnalité du préfet de la congrégation des Sacrées reliques a aussi son importance : C’est précisément en 1689 que prend fin la préfecture de Gianbattista Gabrielli à la tête de cette congrégation et en 1712 que le cardinal Lodovico Pico della Mirandola est nommé préfet. S’ensuit une période faste conclue vers 1720, année où sont publiées les Osservazioni de M. Boldetti. La parution de cette somme, à l’initiative des autorités supérieures, marque donc la fin d’un cycle, l’amorce d’une lente décadence qui touche aussi la ville de Rome.
L’Urbs et les reliques romaines : volumes, destinataires, circuits
- 65 M.-A. Visceglia, Figure e luoghi della corte romana, dans G. Ciucci (dir.) Storia di Roma dall’anti (...)
49Pour retrouver les grands types de demandeurs de reliques ayant un lien avec Rome, on a tenté de distinguer les principales catégories utilisées par Mgr sacriste. Outre les personnes, identifiées par leur nom patronymique et leur prénom, la source fait parfois référence à leur fonction dans l’Église (cardinaux, archevêques, évêques), dans l’administration du Siège apostolique (officiers de congrégations romaines ou de tribunaux), autour du pontife (officiers du palais apostolique, membres de la famille pontificale et gardes de tous ordres) ainsi qu’à la tête ou au sein des ordres religieux (généraux, procureurs auprès de la cour de Rome, provinciaux, supérieur(e) s d’une maison). Le document se réfère aussi à l’état des personnes, spécialement à la condition des nobles : princes et princesses, ducs et duchesses, marquis et marquises qui traversent l’antichambre du sacriste ou qui y dépèchent leurs gens. Certes, ces catégories se recoupent. Certains prélats sont des religieux. La majeure partie d’entre eux sont nobles, notamment dans les couvents romains de femmes dont certains accueillent les filles de la haute aristocratie. La noblesse prévaut aussi à la Curie. Alexandre VII décide en 1659 qu’il sera nécessaire d’avoir deux parents nobles pour devenir référendaire des deux signatures, tandis qu’Innocent XII réserve les fonctions de camérier secret aux familles appartenant à l’ordre de Malte, processus que M.A. Visceglia qualifie de « fermeture et d’aristocratisation » de la Curie65. Or la prélature constitue l’armature de l’administration pontificale.
50Si l’on suit les indications données par le rédacteur du registre qui mentionne une qualité de préférence à une autre, on retrouve les catégories qu’il associe à chaque individu, ce qui revient à essayer de présenter, avec les yeux du scribe qui considère les destinataires des reliques, des images de ce monde évanoui. Du reste les mentions qu’il enregistre ne semblent pas exclusives mais cumulatives. Tentons de définir une arborescence des catégories de destinataires, compte tenu de leur proximité par rapport au pape. Apparaît en premier lieu la Rome curiale qui gravite autour de sa personne : le Sacré Collège des cardinaux (en y incluant les titulaires de sièges résidentiels qui ont eux aussi un « titre » romain), les officiers des congrégations, la famille pontificale et les officiers du palais apostolique. Ensuite viennent les autres secteurs du monde ecclésiastique avec les séculiers (église et clergé, encore que celui-ci soit rarement mentionné) et surtout les réguliers avec les monastères de femmes, ceux d’hommes et les titulaires d’importantes fonctions dans ceux-ci (généraux, procureurs…). Enfin les nobles laïcs dont beaucoup ont des parents et des alliés dans les précédentes catégories.
- 66 Une religieuse pluridemanderesse, Maria Gratia Jozzi, pourrait être la parente de Maria Innocenza J (...)
51Selon les indications du registre la distribution des corps saints reflète la structure sociale de la Rome des XVIIe et XVIIIe siècles, celle d’une population – de quelques centaines de personnes66 – qui a accès à Mgr sacriste, prélat de la famille pontificale. Une société inégalitaire où la proximité avec le pontife et l’appartenance à la prélature sont d’excellents gages pour obtenir biens, places, prébendes et reliques.
Notre Seigneur et sa famille : Le Pontife premier servi
- 67 Sans préjudice du fait que, parmi les personnes mentionnées par leur seul nom dans le registre, cer (...)
52Les personnages dont le nom est associé à des institutions gravitant autour de la personne pontificale reçoivent 1 274 dons soit 43 % du total des 2 986 liés à Rome67. Sous cette appellation générale, on range le Sacré Collège, les archevêques et évêques cités sans autre précision, les officiers des administrations du Saint-Siège (congrégations, université, tribunaux, administrations de la Ville), la famille pontificale et enfin les églises de la cité : basiliques majeures ou simples églises paroissiales. On y ajoute, pour mémoire, les laïcs qui appartiennent à la noblesse romaine et les diplomates (au total 191, 184 et 7 dons).
Tab. 2 – Institutions pontificales et dons de reliques romaines par le sacriste

- 68 Saint-Pierre de Rome, Sainte-Marie-Majeure et Saint-Jean de Latran.
Note68
- 69 Expression appliquée à la Toscane de Côme III par M. Fantoni dans Il bigottismo… cit., p. 391.
53Par cercles concentriques, de très nombreux types de prélats et d’officiers gravitant autour de « Notre Seigneur » reçoivent des reliques des mains du sacriste. Le cas des cardinaux étant traité en détail infra, qu’il suffise pour le moment de dire qu’ils obtiennent, directement ou indirectement, 534 dons – 18 % de la dotation de la Ville (2 986) : davantage que tous les membres de la famille pontificale (396 dons) et du Palais apostolique (41). Dans la famille pontificale, précisément, on voit la place importante des cubiculaires (129), gardes (39), maîtres de cérémonies (37) et chapelains (29). Le neveu du pape est destinataire de 17 attributions. Les titulaires de fonctions modestes ne manquent pas à l’appel, à l’instar du confesseur de Sa Sainteté (9), de son médecin (10), de son crucifère (13) ou de son antiquaire (2). Pourraient aussi être rattachés à l’environnement du pontife les religieux et les prélats qu’il nomme chanoines, pénitenciers ou titulaires d’un bénéfice des basiliques romaines qui figurent dans la rubrique « église séculière ». À eux seuls, les prélats nommés dans ces fonctions pour les trois basiliques majeures de Saint-Pierre, Sainte-Marie-Majeure et Saint-Jean de Latran reçoivent 73 dons, contre 51 « autres » correspondant pour l’essentiel à des personnages liés à des églises romaines. Du reste, parmi ces familiers du pape la plupart sont des nobles qui pourraient par conséquent aussi être rattachés à l’aristocratie dont les membres laïcs reçoivent 184 dons. L’extraordinaire prééminence numérique de ces catégories montre les clientèles polarisées par la personne du pape qui s’ajoutent au système bureaucratique69 de l’administration pontificale.
Au Sacré Collège : « davantage de libéralité »70
- 70 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 691-692.
- 71 Du consistoire du 10 décembre 1607 tenu par Pie V à celui du 3 juillet 1747 sous Benoît XIV, selon (...)
54En rattachant tous les cardinaux à Rome – considérant que, titulaires d’une des églises de l’Urbs, ils sont liés d’une façon particulière à la Ville même si d’aucuns ont aussi un siège résidentiel – on constate que les « porporati » interviennent dans 534 dons, que leur nom soit cité à titre principal (480 cas) ou associé à celui d’un officier de leur maison, venu se procurer ces reliques (54 cas). La distribution entre les 152 cardinaux est extraordinairement déséquilibrée. Les 26 cardinaux appartenant au premier demi décile (5 %) reçoivent 269 dons, soit plus de 50 % du total destiné au Sacré Collège pour l’ensemble de la période. Autre indicateur, le premier quart des cardinaux les mieux pourvus, soit 34 « porporati », reçoit 60 % des dons de reliques. La moitié (76 prélats) en obtient 80 %, de sorte que les 60 cardinaux (40 % d’entre eux) qui ne reçoivent qu’un seul don ne bénéficient que de 11 % de ceux faits aux membres du Sacré Collège – sans compter ceux qui ne reçoivent aucun envoi du sacriste : sur les 397 cardinaux nommés entre 1607 et 1747 qui font partie du Sacré Collège entre 1657 et 1751, 245 (62 %) ne sont pas mentionnés dans la source71.
55S’il fallait un témoignage des liens entre obtention de reliques et proximité avec le pape, il suffirait de retenir que les trois premiers noms associés aux corps saints attribués par Mgr sacriste sont ceux de membres de familles pontificales tels les Ottoboni (Piero, 31 au total), les Albani (Annibale obtient 18 dons à lui seul), ou les Rospigliosi (17 pour le seul Giulio). Au sein d’un lignage, les cardinaux permettent d’obtenir des reliques : l’ensemble des cardinaux Albani en reçoit 25, les Carafa 21, les Spinola 19, les Rospigliosi 18 et les Barberini 15, loin devant les Barbarigo avec 7 dons au total.
- 72 C. Weber, Senatus Divinus. Verborgene Strukturen im Kardinalskollegium der frühen Neuzeit (1500-180 (...)
56Comme le montre Christoph Weber72, les deux tiers du Sacré Collège sont alors alliés à un pape. Tel est, du reste, le cas de près de 100 des 150 cardinaux cités dans le registre du sacriste. Aussi la longévité dans le cardinalat, caractéristique de personnages qui reçoivent le chapeau très jeunes, ainsi que l’importance des charges occupées par la suite, sont-elles corrélées à l’obtention de reliques. Pietro Ottoboni neveu d’Alexandre VII, cardinal à 22 ans, membre du Sacré collège pendant 51 ans, qui reçoit 31 corps saints, est emblématique de cette situation que connaissent aussi Annibale Albani, cardinal à 29 ans, 40 ans de Sacré collège et 18 dons de reliques, ou Carlo Barberini, cardinal durant 51 ans (5 dons). Par comparaison Giulio Rospigliosi n’est membre de l’auguste assemblée « que » pendant 10 ans (1657 à 1667) et secrétaire d’État recevant 17 dons avant d’accéder à la chaire de Pierre en 1667.
- 73 Ils appartiennent aux promotions cardinalices désignées entre 1607 et 1647, voir note supra.
57De surcroît, l’entrée au Sacré Collège est un puissant moyen d’obtenir rapidement des corps saints des catacombes. 9 % (52 sur 534 soit un tiers des 152 bénéficiaires) des « porporati » en fonction entre 1657 et 175173 reçoivent dans les deux années suivant leur cardinalat un ou plusieurs dons.
- 74 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 716.
58Les cardinaux thésaurisent-ils ces précieuses reliques ? On ne sait quelle part ils en redistribuent dans ou hors de l’Urbs, à l’instar du cardinal Carpegna – qui, il est vrai, n’a pas à se préoccuper d’approvisionnement puisque, vicaire de Rome, il a autorité sur le custode – qui fait porter six corps entiers (d’un coup ?) sous l’autel de l’église de Santa Maria in Trastevere74.
La noblesse de Rome : le bon plaisir
- 75 G. Ciucci (dir.), Storia di Roma... cit., p. X.
59L’histoire des reliques romaines croise, dans l’antichambre du sacriste, l’histoire sociale de Rome, reflétant la « prééminence des grandes familles »75. La soif de reliques a libre cours comme l’atteste une lettre du 2 mai 1698 où Valentin Esprit Fléchier, alors évêque de Nîmes, remercie Mabillon de l’envoi de son Epistola de cultu sanctorum ignotorum :
- 76 A.-C. Valery (éd.), Correspondance inédite de Mabillon et de Montfaucon avec l’Italie, Paris, 1846, (...)
Il fallait qu’un homme aussi éclairé et aussi judicieux que vous l’êtes, nous apprît à discerner, dans l’obscurité des sépulcres, les cendres des saints d’avec celles des pêcheurs, et à régler selon les preuves évidentes ou douteuses, les honneurs que l’on rend, quelquefois indifféremment, à des ossements incertains, comme aux reliques des martyrs. Il y a longtemps que je souhaitais qu’on abolît certaines superstitions qui s’introduisent en faveur de ces corps qu’on appelle saints et qui n’ont peut être jamais été baptisés. Les peuples sont naturellement crédules. La cour de Rome est quelquefois bien libérale de tels présents. Il n’y a pas un grand seigneur qui en revienne qui n’en rapporte quelque martyr, à qui il se fait honneur de fonder une dévotion et une fête dans quelque église qu’il affectionne ; de là viennent en divers lieux, des histoires fausses et des dévotions peu solides. Votre dissertation servira beaucoup à faire connaître et à faire réprimer ces abus76.
- 77 R. Ago, Carriere e clientele nella Roma barocca, Bari, 1990, p. 176.
- 78 Ibid., p. 178.
60L’examen du registre de demandeurs de reliques montre à l’œuvre un « système de familles »77, où « l’Église et les parentés se trouvent, pour ainsi dire, les artisans d’un processus d’intégration des classes dominantes italiennes [qui], au moins à la fin du XVIIe siècle est ininterrompu »78. Ce processus concernant l’Église et la noblesse vaut aussi pour la « clientèle » de Mgr sacriste.
- 79 G. Moroni, Dizionario… cit., LX, 1853, p. 172.
- 80 Le nom de Boncompagni, patronyme de Grégoire XIII, n’a pas été retenu malgré les 33 dons concernant (...)
61Les familles « pontificales » – celles dont un membre a occupé la chaire de Pierre – sont des destinataires privilégiés pour l’évêque de Porphyre. Le fait n’est pas surprenant compte tenu des obstacles matériels qui s’interposent entre le tout venant des demandeurs de reliques et le sacristain du pape – évêque in partibus de Porphyre ayant sa résidence au palais apostolique79, en contact régulier et fréquent avec le pontife –, obstacles probablement moins grands du côté du vicariat et de sa custode pour les personnes qui, sans appartenir au « populaire », ne peuvent se targuer d’être parentes d’un pontife romain. Douze des familles alliées aux papes80 qui se succèdent de Pie V (1566-1572) à Clément XII (1730-1740), obtiennent 270 dons de reliques dont 58 corps entiers. Les parents d’un pontife, fût-il défunt, sont parmi les mieux pourvus des demandeurs. Les Barberini (47 dons, 6 corps entiers) tiennent la corde talonnés par les Albani (44 dons, 9 corps entiers), suivis par les Rospigliosi (34 dons, 6 corps entiers), Ottoboni (32 dons, 13 corps entiers), Pamphilj-Pallavicini-Maidalchini (28 dons, 2 corps entiers) et Pignatelli-Carafa (26 dons, 1 corps entier). La différence sensible entre ces familles et les autres qui enregistrent des scores plus modestes tels les Orsini (15 dons, 2 corps entiers), Borghese (11 dons, 5 corps entiers), Corsini (13 dons, 5 corps entiers) Altieri (8 dons, 6 corps entiers), atteste que l’appartenance à une famille s’avère un déterminant puissant mais non exclusif de l’accès aux reliques tout comme il l’est de la position dans la haute société romaine.
62L’examen plus détaillé de quelques grandes familles nobles montre la concentration qui résulte de l’appartenance à l’aristocratie et au Sacré Collège de plusieurs de leurs membres. On retiendra, à titre d’exemple, les Giustiniani-Barberini-Colonna, les Albani et les Borghese pour montrer l’ampleur du réseau de collecte que ces grandes familles constituent en cent ans.
63Olimpia Giustiniani (1641-1729), petite nièce d’Innocent X et petite fille d’Olimpia Maidalchini (1594-1657), est mariée à Maffeo Barberini, petit neveu d’Urbain VIII par son père, futur prince de Palestrina (1631-1685), gonfalonnier de la Sainte Église romaine (SER) qui reçoit un don en 1680. Il est fils de Taddeo (1603-1647, gonfalonier de la SER) et d’Anna Colonna. Donna Olimpia reçoit 23 corps saints entre 1684 et 1719 dont trois corps entiers en 1698, 1700 et 1701. Cette princesse est la mère de Francesco Barberini junior (1662-1738), cardinal en 1690 auquel échoient sept dons (1711, 1712 [2], 1714, 1715, 1717 et 1726) et d’Urbano Barberini (1664-1722), qui en reçoit quatre en 1686 (2), 1699 et 1703. Les ont précédés Antonio Barberini junior (1607-1671), cardinal en 1627 qui reçoit deux corps entiers en 1657 et 1662 et Carlo senior (1630-1704) cardinal en 1653 qui obtient des reliques en 1682, 87, 95 et 97. Il est le grand-oncle de Francesco junior. Au total la princesse, les trois cardinaux et les deux princes Barberini auront reçu 47 attributions (dont 6 corps entiers).
- 81 Fils de Filippo II (1663-1714), 7e prince de Paliano grand connétable, marié à Lorenza della Cerda (...)
64À la mort d’Urbano Barberini, la principauté de Palestrina passe aux Colonna di Sciarra dont Prospero (1707-1765), cardinal en 1743, reçoit un corps entier en 1747. Son cousin Girolamo Colonna junior81 (1708-1763) également cardinal en 1743 a reçu dès 1738 deux corps entiers, tout comme son grand oncle Girolamo Colonna senior (1604-1666), cardinal en 1627 auquel était échu un corps entier en 1664 et qui était l’oncle de Maria Alessandra Colonna (fille de Marcantonio Colonna, 1606-1659) – et comme Carlo Colonna (1665-1739), neveu du prince Filippo précité, cardinal en 1706, à qui le sacriste avait attribué un de ces corps en 1727. Si l’on ajoute le corps entier reçu par le prince Filippo Colonna en 1703, les treize autres dons reçus par des membres de la famille dont six pour la dominicaine Maria Alessandra Colonna du couvent de San Domenico e Sisto, la nébuleuse Colonna a donc reçu 19 dons dans l’ensemble de la période.
- 82 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi… cit., p. 43.
65Les affinités entre famille pontificale et reliques sont encore plus patentes pour les Albani. Avant 1690, date de l’élévation de Gian Francesco Albani au cardinalat, seul celui-ci en a reçu une cassette en 1688. Devenu cardinal, il en obtient cinq entre 1691 et 1700. Le relais est pris, par la suite, par les neveux du pape Clément XI qu’il est devenu le 23 novembre 1700. Annibale Albani (1682-1751), fils de son frère Orazio, cardinal le 13 septembre 1711 en reçoit cinq dont un corps entier entre 1707 et 1710 puis, en qualité de cardinal, 16 (dont quatre corps entiers) entre 1713 et 1720 (son oncle meurt en 1721) et un en 1731. Alessandro Albani (1692-1779) obtient des reliques (dont trois corps entiers) à sept reprises entre 1712 et 1715 alors qu’il est « le » neveu du pape puis à deux reprises en tant que cardinal (1724 et 1727). Rien d’étonnant, vu cette pluie de reliques, à ce que l’on constate lors des travaux réalisés à Sainte-Praxède, que « Chez les Albani il y avait un homme qui était très fort qui avait remis ensemble certains corps saints, et que [le pontife] fit aussitôt chercher ce virtuose »82 !
- 83 Créé prince du Saint-Empire le 24 octobre 1658, il achète de sa belle-sœur Olimpia Aldobrandini le (...)
66Le prince Giovanni Battista Borghese (1639-1717) fils d’Ugo Boncompagni et de Maria Ruffo, neveu de Grégoire XIII par son père, et époux d’Eleonora Boncompagni, reçoit 10 dons dont 5 corps entiers entre 1614 et 1710. Son épouse Eleonora obtient un corps entier en 1693. Avant eux les 8 religieuses augustines du même nom, vivant au couvent de Santa Marta, avaient reçu 36 dons entre 1682 et 1693, dont un corps entier (1690). La sœur du prince Giovanni Battista, Maria Virginia Borghese épouse d’Agostino Chigi83, prince de Farnese, neveu d’Alexandre VII, obtient un don en 1713. Avant elle la famille Chigi avait reçu cinq dons, dont un destiné au prince Agostino (1657), trois à Flavio (1631-1693) cardinal en 1657, neveu d’Alexandre VII dont un corps entier (1657) et deux autres en 1680 ainsi qu’un à l’oblate de Tor de’ Specchi, Angela Teresia Chigi en 1695.
- 84 J. A[ymon], Tableau de la cour de Rome… cit., p. 156-158. Parmi les 47 familles d’une noblesse de p (...)
67Les données tirées du Tableau de la cour de Rome de Jean Aymon84 montrent que les familles les plus anciennes de Rome ne sont pas les plus grandes bénéficiaires des reliques remises par le sacriste, ce qui conduit à formuler l’hypothèse que les lignages les mieux placés pour accéder à la filière de distribution du sacriste ne sont pas les plus antiques mais les plus infuents – autant dire les plus proches du pontife romain – au jour de la demande.
- 85 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 715.
- 86 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi… cit., p. 123.
68Que font les nobles de ces reliques ? Certains, comme le prince Agostino Chigi qui reçoit le corps de saint Florian, martyr de nom propre trouvé avec le vase de sang au cimetière de Priscille, l’offre « somptueusement à la vénération publique dans son fief de Farnese sous l’autel majeur de l’église paroissiale en l’an 1693 »85. La quête des reliques et de leurs destinataires conduit à des rencontres inattendues, telle Donna Petronilla Massimi (1663-1727) poétesse mariée, encore enfant, au commandant du château Saint-Ange, qui se retire au couvent de Santo Spirito en 1690 et reçoit deux dons en 1687 et 1688. Rien d’une ignorante dans cette femme cultivée, membre de plusieurs arcadies dont celle de Rome sous le nom de Fidalma Parenide. Une chose est sûre : les reliques sont désirées par la haute société. Évoquant un vol commis par un ecclésiastique chargé de reconnaître les reliques, C.-G. Coda considère que cette avidité « n’était pas absolument un phénomène lié à la superstition et à l’ignorance, mais trouvait un terrain fertile y compris dans les cercles les plus élevés et les plus cultivés de la société »86. Toutes les parties de la relique n’ont, du reste, pas la même valeur : la tête est un morceau de choix.
- 87 Ibid., p. 115, il précise que l’édit est enregistré dans le volume Banditorum, 1662-1673, fol. 185v
69Dans ce processus de transfert des reliques les notaires, gardiens de la mémoire des droits réels, ont un rôle essentiel de sorte qu’un édit du cardinal Marzio Ginetti du 3 janvier 1668 prévoit qu’aucun notaire ne pourra établir un document relatif à une extraction, donation, remise ou translation où l’on fasse mention en quelque manière que ce soit de reliques, sans une autorisation du cardinal vicaire87. L’utilisation profane des reliques est enfin attestée par Boldetti lui-même qui, en rappelant que le cardinal vicaire peut accorder la permission de conserver les reliques sous réserve qu’elles soient destinées in fine à une église constate, à regret, qu’il faut :
- 88 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 728.
déplorer l’abus introduit dans ces derniers temps de créer dans beaucoup de maisons privées de laïcs une pièce particulière de reliques, même les plus insignes et de s’en servir comme de galeries ou de musées, ce qui sert tant pour éviter la piété, il est d’autant plus dangereux d’éviter le faste, la pompe et la vanité en les mettant en exposition […] alors qu’il serait convenable […] que de telles reliques se placent dans les églises des lieux où elle se trouvent car l’expérience quotidienne démontre qu’avec le temps les mêmes reliques passant de mains en mains, et leur mémoire se perdant, restent sans culte ni honneur88,
70de sorte que certains malheurs accablent des familles qui se sont trouvées dans ce cas.
Les monastères et couvents romains
- 89 Sant’Agostino, Tre Fontane et San Vincenzo e Anastasio alle Tre Fontane, Sant’Andrea della Valle, S (...)
- 90 Archivio di Stato di Roma (désormais ASR), Congregazioni religiose, Agostiniani in Sant’Agostino, b (...)
- 91 Regina Cœli, Santa Caterina da Siena, San Domenico e Sisto, Santa Susanna, Santa Maria dell’Umiltà, (...)
- 92 ASR, Congregazioni religiose, b. 4995 / 8 S. Silvestro in Capite fol. 384- 386 [24-26].
71Les archives collectées lors des confiscations du XIXe siècle ne semblent pas très riches en ce qui concerne la place des corps saints des catacombes dans les maisons religieuses de l’Urbs. En effet, les papiers des couvents apportés à l’Archivio di Stato de la Ville à la fin du XIXe siècle et conservés dans la série « Congregazioni religiose » contiennent des informations sur les loyers, les procès, les procurations, mais la rubrique « reliques » ne figure presque jamais dans leurs inventaires. Dans ceux de treize des monastères mentionnés dans le registre du sacriste (7 masculins et 6 féminins), on ne trouve quasiment pas de documents faisant référence aux corps saints des catacombes. S’agissant des établissements de religieux89 la mention de quelques reliques figure dans un inventaire de la sacristie de Sant’Agostino où sont citées à côté de celles du bois de la croix et de sainte Monique nommées en premier lieu, « quatre boîtes de cristal contenant l’une le crâne de saint Fedele martyr, une autre les reliques des saints Celestino, Colombo et Benedetto, martyrs, une autre saint Vittorino martyr, et l’autre les saints Felice, Pio et Modesto martyrs »90. Les établissements de religieuses ne sont guère mieux lotis puisque aucun des six inventaires consultés91 ne fait référence à ces corps saints. La seule exception concerne les papiers des clarisses de San Silvestro in Capite qui contiennent la copie de la donation d’ossements de saint Mauro martyr par Giulio Cenci à sa sœur Girolama, moniale de Tor de’ Specchi, le 16 septembre 1649, devant Leonardo Leonardi, notaire public92.
- 93 C. Romano, Memorie istoriche della chiesa e convento di S. Maria in Aracœli di Roma, Rome, 1736, p. (...)
72Du reste, les inventaires publiés de trésors de reliques sont aussi elliptiques en ce qui concerne les corps saints des catacombes, concentrant l’attention sur des reliques plus insignes et moins « romaines », à preuve celui des carmélites déchaussées de Santa Maria in Ara Cœli où, dans un catalogue établi en 1732 à la demande du cardinal Alamanno Salviati, on évoque par ordre décroissant d’importance le bois de la croix, l’éponge du Christ, les reliques des apôtres, les os des saints martyrs et confesseurs Ippolyte, Sébastien et Benoît, des chefs de saints, leurs os, d’autres reliques des saints connus et enfin les « reliques d’autres saints martyrs et confesseurs dont les noms sont inscrits dans les cieux »93.
Monastères et couvents de religieuses
- 94 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 719.
73Bien que la congrégation des Évêques et des réguliers ait décrété dans une cause de Faenza le 7 mars 1627 que « les reliques ne doivent pas se conserver dans les monastères des moniales mais décemment dans leurs églises extérieures » on voit cependant, dit Boldetti, « que dans divers monastères de Rome on en conserve dans la clôture », comme à San Silvestro in Capite, Regina Cœli, Santa Teresa sul Monte Quirinale « et beaucoup d’autres, attendu que dans leurs églises il n’y a pas d’endroit adapté pour une conservation plus sûre »94. De fait Mgr sacriste en procure à nombre de ces établissements.
- 95 Voir M. Caffiero, Il sistema dei monasteri femminili nella Roma barocca. Insediamenti territoriali, (...)
- 96 B. Borello, Trame sovrapposte. La socialità aristocratica e le reti di relazione femminili a Roma ( (...)
- 97 L. Fiorani, Monache… cit., p. 70.
- 98 Ibid., p. 88.
- 99 Pour le repérage des établissements religieux féminins on a suivi les listes dressées par Maria Caf (...)
74Grandes consommatrices de reliques, beaucoup de maisons religieuses féminines romaines95 sont placées au confluent de l’aristocratie96, vu leur recrutement et leurs activités éducatives, et de la vie spirituelle. Elles constituent, selon L. Fiorani, « le territoire préféré de la dévotion, de la bienfaisance, de la vanité grandiloquente de quelques grandes familles ou de puissants personnages qui y établissent les mêmes influences [egemonie] que celles qu’ils exerc[ent] dans le cadre plus vaste de la société romaine »97. Dans certains d’entre eux, la vie se caractérise par sa « pauvreté culturelle » et par une religiosité « extrêmement simple et populaire »98. Certes, il existe aussi des monastères et des couvents pauvres mais ce ne sont pas les plus importants destinataires de reliques dont la distribution se présente comme suit99.
Tab. 4 – Distribution des reliques par le sacriste aux maisons religieuses féminines romaines

- 100 L’affectation de l’ensemble de ces dons au monastère de Santa Maria Magdalena est incertaine.
Note100
- 101 Ou 119 dons si l’on considère que Santa Maria Maddalena est un de leurs couvents.
75Seules ou collectivement – ce fait est quasiment impossible à établir –, les moniales de 41 monastères féminins ont reçu au moins une relique par l’entremise de Mgr sacriste. Les 19 maisons les mieux loties – elles mobilisent 89 % des dons (538 sur 606) – appartiennent à sept ordres qui reçoivent 95 % (575) des reliques données à des religieuses. Celles-ci sont dominicaines (230101), bénédictines (122), augustines (93). Assez nettement en retrait viennent les carmes déchaussées (65), clarisses (49), chanoinesses du Latran (18) et enfin les franciscaines (16). Les 20 autres monastères se partagent 68 dons, soit une moyenne unitaire de trois qui varie entre un (San Giuseppe des ursulines ou San Basilio des annonciades) et sept dons (Santa Suzanna des cisterciennes pour ne citer que ces exemples). Par delà la répartition entre les différents ordres le tableau 4 met surtout en évidence l’importance de quelques communautés : les oblates bénédictines de Tor de’ Specchi (76), les augustines de Santa Marta (74), les carmélites déchaussées de Regina Cœli (35) et les dominicaines de San Domenico et Sisto (29).
- 102 G. Moroni, Dizionario… cit., XLVIII, 1858, p. 197.
- 103 Il s’y rend également à l’improviste le 4 avril 1651, voir G. Gigli, Diario di Roma, M. Barberito ( (...)
76Fondé par sainte Françoise romaine, le couvent des oblates bénédictines de Tor de’ Specchi reçoit des femmes de la plus haute aristocratie. Situé au pied du Capitole dans le quartier Campitelli102, cet établissement est l’un des plus huppés de la cité, l’un des plus liés aux familles pontificales. Au XVIIe siècle, le pape Innocent X s’y rend à plusieurs reprises pour y visiter sa sœur Agata Pamphilj, par exemple le 8 mars 1645 veille de la fête de la sainte fondatrice, avant d’aller à Santa Maria Nuova où l’on conserve son corps, ou encore le 9 mars 1651, lorsqu’il se rend d’abord à l’église puis au couvent103. Les oblates vivant sans clôture, en habit séculier, ne renonçant pas aux biens de leur famille, sont placées sous la protection directe du pape. À leur tête la présidente (« presidente ») appartient le plus souvent à la meilleure noblesse à l’instar de Maria Giacinta Cesi de’ duchi di Acquasparta élue en 1653, avant que lui succède en 1663 sa sœur, Maria Cornelia Cesi, qui meurt en odeur de sainteté en 1673. Maria Angelica Ruspoli préside alors aux destinées de la communauté jusqu’en 1681 lorsque lui succède Maria Pulcheria Maffei qui reçoit le père Mabillon en 1684 et fait couronner, en 1687, l’image de Maria col Bambino Gesù dans l’église inférieure. Elle meurt le 23 septembre 1691. Après Felice Francesca Velli (1691- 1698) et Maria Maddalena Rocci († 1699), Maria Giulia Spada est élue présidente (1699-1708). Elle obtient d’Innocent XIII, lors d’une visite, des indulgences pour les jours de fête de la Sainte Croix, des saints martyrs Mercurio et Emiliano et de saint François-Xavier, en 1727. Le pontife vêt lui-même Maria Caterina Ottieri, fille du marquis Francesco Maria, son « cavalerizzo ». Après sa mort sont élues Virginia Costanza Verospi (1727-1729), Maria Francesca Lancellotti (1729-1734), puis Maria Celeste Altieri (1734-1739), nièce de Clément X. Sa successeure Marianna Amadei gouvernera pendant 39 ans le monastère. Tor de’ Specchi est donc peuplé de personnalités qui ont leurs entrées aussi bien dans les nobles palais de l’Urbs qu’à la Curie romaine.
- 104 L. Ponzileoni, Vita di S. Francesca Romana fondatrice delle Signore oblate di Maria Virgine in Torr (...)
77Dans le chapitre qu’il consacre aux oblates mortes en odeur de sainteté, L. Ponzileoni n’évoque pas les reliques des martyrs des catacombes104, alors même qu’à lui seul cet établissement en reçoit 76 entre 1680 et 1729. On s’interroge, du reste, sur la raison pour laquelle aucune relique n’y est envoyée avant la première de ces deux dates. L’essentiel est obtenu entre 1682 (4) et 1690 (5), avec un pic à neuf dons en 1688. Au total, en huit ans, alors que croissent les attributions à Rome, le monastère reçoit 36 des 76 dons (47 %) qui lui sont dévolus. Le registre qui mentionne 24 patronymes, permet de distinguer 17 personnes. Parmi les destinataires, la moniale qui obtient le plus de reliques est Constanzia Felice Vitelleschi (24,31 % du total), suivie de Maria Francesca Lancelloti (6,8 %) et de Maria Celeste Altieri (4,5 %). La répartition par famille est encore plus frappante puisque les religieuses du nom de Vitelleschi reçoivent 25 dons (33 %), les Altieri et les Massimi 7 chacune (9 %) et les Lancellotti 6 (8 %), soit 58 % du total. Dans cette pieuse compétition figurent aussi les noms d’autres membres des plus grandes familles (Cesi, Chigi, Ludovisi ou Spada, pour ne citer qu’elles). Parmi les demanderesses de reliques se trouvent deux filles des Cesi ducs d’Acquasparta, dont Giacinta, présidente de 1653 à 1663 (une attribution en 1662), précisément en qualité de chef de la communauté. On croise aussi dans le registre en 1717 le Père Oliverano qualifié de « doyen », peut-être le confesseur des moniales.
- 105 Renseignements aimablement transmis par les religieuses du monastère de Tor de’ Specchi, l’original (...)
- 106 M. Fagiolo dell’Arco, Corpus delle feste a Roma. I. La Festa barocca, et II. Il Settecento e l’Otto (...)
78La chronique du monastère est silencieuse sur les reliques des catacombes. Elle indique tout au plus qu’en 1645 les Trinitaires donnèrent à Sœur Innocenza Roberti de petits fragments de reliques105. Aussi retient-on de l’exemple de Tor de’ Specchi que les affinités entre la noblesse et les reliques obtenues de Mgr sacriste traversent la clôture et que les corps saints y font l’objet d’un culte ou d’une circulation « à bas bruit » puisque, sauf exceptions, ni la chronique ni l’histoire de cette maison religieuse n’en évoquent la mémoire. Aucune translation de reliques des catacombes ne figure d’ailleurs dans le Corpus delle feste di Roma, édité par M. Fagiolo dell’Arco106, ce qui conduit à s’interroger sur le caractère périphérique voire secondaire ou encore privé de cette forme de dévotion au sein même des maisons religieuses féminines.
- 107 R. Spiazzi, La chiesa e il monastero di San Sisto all’Appia, Bologne, 1992, p. 611.
- 108 V. Bernardini, A. Draghi, G. Verdesi, SS Domenico e Sisto, Rome, 1991, p. 14.
- 109 D. Silvagni, La corte pontificia e la società romana, Rome, 1971, II, p. 253.
79Le monastère dominicain de San Domenico e Sisto a Magnanopoli, désormais établi sur le Monte Mario sous le nom de Santa Maria del Rosario, était originellement situé sur le mont Quirinal, dans l’espace occupé par l’actuel siège de l’Angelicum107. Il fut fondé par le pape Pie V, lui-même dominicain, qui acheta en 1568 le site de S. Maria ad Nives pour y loger les religieuses qui s’y installèrent en 1575108. Bien inséré dans la vie mondaine109 de la capitale il abrita des religieuses de la très haute aristocratie. S’agissant des corps saints des catacombes, ce monastère se situe dans la moyenne des établissements romains avec 29 dons de 1673 à 1722 dont un corps entier. Par comparaison la maison sœur de Santa Caterina da Siena a Magnanopoli, qui abritait les tertiaires dominicaines, reçut de 1684 à 1728 51 dons de reliques (pas de corps entier). Aucune des religieuses qui obtinrent ces dons n’était prieure lorsqu’elle reçut ces reliques.
- 110 J.-J. Bertier (éd.), Chroniques du Monastère de San Sisto et San Domenico à Rome, Levanto, 1920, II (...)
- 111 J.-J. Bertier (éd.), Chroniques… cit., II, p. 263.
- 112 Ibid., p. 271-272.
- 113 Ibid., p. 276.
80Ces dons furent attribués à quinze moniales dont la mieux lotie est Maria Alessandra Colonna, destinataire de 7 dons entre 1673 et 1689. Viennent ensuite avec trois dons : Angela Gabriella Piroti (1684, 1687 et 1706) et Anna Constanza Caetani (1710-1711), tandis que reçoivent deux dons Maria Angela Altemps (1664 et 1681) et Maria Isabella Ruspoli (1721-1722). Les autres moniales ne bénéficient que d’un don qui consiste, pour Flavia Domitilla Capisucchi, en un corps entier. Ces six religieuses reçoivent à elles seules 18 des 29 envois de reliques. À l’échelle du monastère se manifeste donc le phénomène de concentration sur des familles qui disposent d’un accès privilégié aux corps des catacombes. Il est vrai qu’elles appartiennent à la fine fleur de l’aristocratie. Pour ne prendre que leurs exemples, Maria Alessandra Colonna, dans le siècle Vittoria, est la fille de Marcantonio Colonna, prince de Gallicano et la sœur de Maria Isabella, Maria Girolama et Maria Colomba Colonna (sœur de la fondatrice du monastère de Marino, Isabella Colonna, à laquelle elle succède)110. Pietro Altemps et la duchesse Angelica de’ Medici sont les parents de Maria Angela Altemps111. Maddalena Costanza Nunez est la fille du marquis Francesco et de Dame Girolama Gottifredi112. Enfin le prince Francesco Ruspoli et donna Isabella Cesi sont le père et la mère de Maria Isabella Ruspoli113.
81Chacune de ces sept moniales doit aussi être replacée dans son lignage. Celui des Colonna recevant 17 dons de reliques, Maria Alessandra en obtient un peu moins du tiers (6 sur 17). Anna Constantia Caetani reçoit trois des quatre dons dévolus à sa famille, le quatrième ayant été remis en 1671 au duc de Sermoneta autre membre de la même maison. Maria Angela Altemps est la mieux lotie des sept membres de son lignage destinataires de fragments – mais d’aucun corps entier – entre 1661 et 1714 puisqu’elle obtient deux dons comme le duc Pietro (1661 et 1673) sans compter celui reçu par la duchesse Elisabetta (1673). Maria Isabella Ruspoli reçoit quant à elle deux des seize dons faits à sa famille entre 1682 et 1731. Son lignage obtient cinq corps entiers : un pour la marquise Isabella Cesi épouse de Francesco Ruspoli en 1682 et un autre pour le marquis Francesco en 1686 puis un pour l’abbé Zenobio Ruspoli en 1709 et deux pour le marquis Francesco devenu prince romain ainsi que tous ses descendants en vertu d’une décision de Benoît XIII en 1721 (1724 et 1726).
- 114 Indication donnée par sœur Maria Domenica, février 2011.
- 115 Outre les fonds de l’Archivio di Stato de Rome et les archives du monasterio Santa Maria del Rosari (...)
82À quel usage les reliques données à ces religieuses sont-elles destinées ? Leur nombre relativement élevé et l’existence dans l’actuel monastère d’un laboratoire (« laboratorio sacro ») qui traite les reliques destinées à l’ordre dominicain après avoir exercé une activité analogue à une échelle plus étendue sous le contrôle du vicariat114, pourraient donner à penser que dès le XVIIe siècle le monastère « confectionnait » des reliques. Pourtant ni les archives ni les publications consultées115 ne font référence à une telle activité.
- 116 AMR, MSMSD, II.
- 117 Elle porte le n° 1049 dans ce registre.
- 118 Moroni ne signale aucun vice-gérant qui ait porté ce prénom, voir G. Moroni, Dizionario… cit., XCIX (...)
- 119 A. Zucchi, Roma domenicana : note storiche, I, Florence, 1938, p. 348.
- 120 M. Caffiero Le scritture della memoria femminile a Roma in età moderna : la produzione monastica, d (...)
- 121 Ibid., p. 251. Le « velo della Madonna » et des reliques « dei Santi Martiri » sont donnés par le v (...)
83Les biographies qui figurent en annexe au Cattalogo delle religiose vestite nel secolo decimo settimo116 ne mentionnent pas les corps saints des catacombes. Cependant le trente quatrième chapitre du second volume des Memorie storiche del monastero dei Santi Domenico e Sisto de l’Archivio del Monastero del Rosario présente une liste des reliques possédées par le monastère au XVIIe siècle qui se réfère à plusieurs de ces corps. Cette énumération débute par la mention de la croix, suivie de la main droite de sainte Catherine de Sienne, d’un os de saint André apôtre et d’un autre de saint Laurent martyr. Viennent ensuite les reliques tirées des cimetières romains : le tibia de saint Arcade et le fémur de saint Emiliano, donnés le 10 janvier 1660 par Mgr vice-gérant de Rome à la sœur Eleonora Alaleone, qui a reçu la vêture en 1640117. Puis est évoquée la donation des corps des martyrs Asselita et Felicita Pomponia, par Mgr Alfonso118 vice-gérant de Rome au Sieur Muzzi « patrizio romano », lequel les a offerts à ses deux belles-sœurs, Maria Diana et Maria Flavia, par acte notarié du 21 mai 1646, sous réserve de participer, lui et ses descendants, aux suffrages célébrés pour les bienfaiteurs. Au mois de juin 1646, les reliques ont été solennellement apportées dans des conditions que relate fidèlement la mère Salamonia, prieure, dans sa chronique. Leur entrée dans l’église conventuelle l’année même où celle-ci est consacrée par le cardinal Grimaldi le 7 août 1646 à l’occasion de l’élection de sœur Hilaria Salamonia comme supérieure n’est certainement pas un hasard119. Le fait est à rapprocher du don, par le pape Urbain VIII, au monastère de l’Incarnation des barberines – où sont entrées ses nièces Camille et Clarisse sous le nom d’Innocenza et Maria Grazia120 – des corps des saints Clément et Exupère martyrs et des têtes des martyrs Victorien et Symphorien, extraits du cimetière de Saint-Calixte. Pour M. Caffiero ce don permet de « reconstruire » la généalogie spirituelle du monastère121. À San Domenico e Sisto, l’entrée des reliques a aussi une valeur fondatrice comme le souligne l’extrait suivant des œuvres de sœur Salamonia pour l’année 1656 :
- 122 AMR, MSMSD, Erario di sagre Gioe che si conservano nel monasterio de SS.i Domenico e Sisto in Monte (...)
Quel qu’ait été le nombre de reliques insignes dont fût enrichi le monastère des saints Domenico et Sisto, on ne désira rien et on ne rechercha rien tant que d’obtenir quelque corps des saints martyrs, sentiment dévot auquel parut acquiescer la Divine Providence en faisant en sorte que M. Pietro Muzi ayant retrouvé, dans son jardin [vigna], un cimetière où étaient divers corps de saints martyrs, il offrit au monastère de faire don de l’un d’entre eux, par égard pour ses deux belles-sœurs, sœurs de sa femme Agnese Bonesi, dénommées Sœur Maria Diana et Sœur Maria Flavia Bonesi, qui y étaient moniales. C’est pourquoi, ayant fait venir des ouvriers pour creuser, ils en extrayèrent pour les moniales le corps de sainte Asselica martyre et pour la maison du même Pietro, un autre de sainte Felicità martyre, avec un enfant qu’elle avait dans le ventre quand elle fut martyrisée. Et suivant l’ordre de la puissance divine, ils décidèrent de les donner tous deux, l’enfant ayant reçu de Mgr le vice-gérant le nom de Domenico Felice, puisqu’il avait eu la chance d’être martyr avant d’être né au monde, le sang versé en offrant la vie pour la sainte foi ayant pour effet de le baptiser [rayé : de la sainte mère et sa volonté pour celle de l’enfant].
Les deux corps ayant été retirés du cimetière en présence des témoins requis et de Mgr Giovanni Battista Altieri, vice-gérant, les inscriptions de leur nom ayant été reconnues sur les tombeaux de pierre où ils étaient enfermés, où l’on avait retrouvé quelques vases pleins du sang qu’ils avaient versé pour Jésus-Christ, ils furent enfermés dans deux caissettes de bois garnies de taffetas de soie rouge, fermées et scellées par le vice-gérant et remise au Sr. Pietro Muzi lequel, vu que l’antiquité des siècles avait mis en morceaux les pierres de leurs tombeaux et défait et consumé leurs corps, les envoya en secret aux religieuses ses belles-sœurs, pour qu’il soient quelque peu recomposés et unis par quelque religieuse. Ceci ayant été fait et après qu’ils eurent été restitués audit Seigneur en présence de Mgr le vice-gérant et de MM. Martio Altieri, Diegho Cinquini et du Révérend Père…, prieur de Sainte-Sabine et confesseur des moniales et de MM. Cosimo Pietro, Girolamo Bonesi et de Dame Diane Donati mère de Mme Agnese Bonesi et belle-mère du Sr. Pietro et mère des deux moniales Maria Diana et Maria Flavia, en présence de tout le chapitre, le premier jour de juin 1646, il fit, par un instrument public, donation perpétuelle des saints corps sous réserve d’être admis dans les suffrages des bienfaiteurs du monastère, lui et ses fils, épouse, belle-mère et toute la maison Muzi et Bonesi.
On reçut avec une joie extrême ces gemmes sacrées, au son des cloches et des chants en les portant processionnellement par tous les dortoirs et cloîtres du monastère sous un baldaquin porté par les sœurs les plus âgées. Les deux caissettes contenant les corps étaient portées deux par deux par la Révérendissime Mère Cinthia Capizucchi, prieure et la Mère Antonia Leni, sous-prieure, d’une part et les plus anciennes religieuses, la Mère Girolama Conti doyenne et la Mère Artemisia Bonelli, précédées de la croix et de huit accolytes avec l’eau bénite, puis toutes les élèves et les sœurs converses, suivies de toutes les autres sœurs, deux par deux avec des lumières à la main. Finalement portées dans l’église de l’intérieur du monastère, elles furent pendant quelques jours tenues exposées à la dévotion des sœurs qui les révéraient et allumaient les cierges avec une joie indicible. Pendant ce temps, on fit deux caisses de cyprès entièrement recouvertes de velours écarlate garnies de passements d’or et de clous dorés, intérieurement garnies de taffetas de la même couleur et, à l’avant, d’une vitre par laquelle on pouvait jouir de la vue des saintes reliques. Sœur Eufrasia Caffarelli et Sœur Maria Stella Bonadies firent don de ces caisses où furent installés les corps sacrés, dans l’une celui de sainte Asselita martyre et dans l’autre celui de sainte Felicità Pomponia et de son petit enfant.
Ce jour là, M. Pietro Muzi envoya les pierres de leurs tombeaux sur lesquelles figurait l’inscription de leur nom. Dans l’une on lisait les mots suivants : Asselice binemerenti qui bixit bivco anno xiii cum coiuce anno vi ce qui signifie Asselice bien méritante fut vierge jusqu’à treize ans, après lesquels elles eut un mari et vécut six ans et dans l’autre, à laquelle il manque un morceau dans la partie supérieure on lit les inscriptions suivantes : iunus Felix Pomponiae Felicitatis coiuci carissime fecit in pace vixit in seculo anni xviii et cum coniuce mensis viii qui veulent dire Felice le très cher époux de Pomponia Felicità, fit cette pierre ou inscription à sa mort. Elle vécut dix-huit ans dans le monde et huit mois avec son époux.
Notons que leur martyre n’est pas noté sur ces pierres, car par peur des persécutions ils n’osèrent pas ordonner aux marbriers d’inscrire une telle chose sur les pierres à placer sur leurs tombes, mais à cet effet ils posaient dans leurs sépultures [rayé : pierres tombales] les vases contenant leur sang pour preuve de leur martyre comme on l’a trouvé dans celles-ci comme on l’a dit supra. On voit pourtant sur une de ces pierres au début et à la fin de l’inscription dessinés deux rameaux de palmes liés ensemble en forme de couronne. Ce sera peut être pour signifier qu’elles ont été couronnées de la palme du martyr.
Ces deux pierres ont été scellées sous l’autel du chœur dans l’église intérieure et dans le même autel a été fabriqué l’espace où l’on conserve les deux caisses contenant les reliques sacrées, dont la fête est célébrée chaque année le deuxième jour de juin.
On conserve l’authentique de la vérité de ces reliques avec la donation dans notre monastère, bien que le notaire qui l’a écrite ait mis par erreur au lieu du nom de sainte Asselice celui d’Arsenia – par inadvertance parce que sur la pierre on lit clairement Asselice – et bien qu’il ait aussi confondu les noms de Mesdames Diana Donati avec celui des deux filles moniales et sœurs de Dame Agnese qui fut la femme du Sieur Pietro Muzi le donateur de ces saints corps. Je fais ici mention de ces erreurs causées par la négligence du notaire pour éviter toute contestation qui pourrait survenir dans le futur. Les sœurs qui ont reçu d’elles diverses grâces ont dit la protection que ces saintes ont assurée.
On n’a pas réussi à obtenir d’informations sur leur martyre et l’on estime qu’il aurait eu lieu dans les premières persécutions au sujet desquelles les fidèles ne notaient rien, à la différence de ce qui a été ordonné par la suite, lorsque l’on a institué sept notaires pour faire mémoire des actes des saints martyrs. Mais pour autant que l’on puisse dire d’après les os, on pense qu’elles ont été brûlées.
En 1660 a été reçu avec procession et luminaires le corps de saint Éleuthère martyr noble romain qui y fut placé. On conserve aussi dans un riche tabernacle ce corps qui fut trouvé dans le cimetière de Saint-Cyriaque à Rome par l’Illustrissime et Révérendissime Monseigneur Ascanio Rinaldi, autrefois vice-gérant de cette ville, donné par celui-ci à une de ses sœurs, moniale dans notre monastère de San Domenico appelée sœur Florida Rinaldi, comme il résulte de l’authentique écrite que l’on conserve dans nos archives, cette sacrée relique ayant été déposée et révérée dans le chœur de l’église supérieure sous l’autel de la Vierge Marie dite des grottes, dont on célèbre la solennité le 18 avril122.
- 123 Ayant reçu l’habit en 1609, elle porte le n° 999 dans le registre.
84Outre le corps entier obtenu par le cardinal Barberini pour le monastère en 1657, la liste fait ensuite référence au corps de saint Éleuthère donné par le vice-gérant Ascanio Rinaldi le 9 mars 1660, comme l’indique l’authentique qui y est jointe, au Père Giovanni Paolo da Roma (?), mineur observant qui en fait don, le 15 avril suivant, à sœur Florida Rinaldi123 – tradition que ne rapporte pas l’inventaire précité. Ces reliques, enfermées dans une petite boîte de bois scellée sont déposées à la sacristie d’où on les retire, le 9 août 1670, pour les placer dans un reliquaire et les exposer. Les religieuses s’étant avisées qu’elles n’avaient pas suivi les règles relatives à la recognition des restes, elles obtiennent que le vice-gérant Giacomo degli Angeli établisse une nouvelle authentique sur la base du témoignage de celles d’entre elles qui avaient assisté à l’ouverture de la boîte scellée. Le chef du saint est déposé, le 25 avril 1673, dans un reliquaire d’argent en forme de rotonde ornée de chérubins, de roses et de lys, le reste étant scellé dans une urne de marbre blanc placée dans la chapelle de Sainte-Marie-Madeleine de l’église extérieure. Le 16 juillet 1704, Mgr Prato, protonotaire apostolique et « custode delle sacre reliquie » (un des collaborateurs de Boldetti ?), déplace le corps dans l’église intérieure. Enfin le 18 mai 1715 un rescrit autorise la supérieure à admettre Sebastiano Ippoliti dans la clôture « pour accommoder le corps de saint Éleuthère » les os disposés gisant dans l’espace situé sous l’autel de l’église. À compter de ce jour la fête du saint est commémorée dans l’église le 18 avril, où l’on célèbre un office de rite double.
85Parmi les autres monastères, retenons aussi celui de Santa Maria Maddalena a Montecavallo, établissement dominicain situé près du Quirinal fondé en 1582, supprimé en 1839 et détruit en 1888 dont les composantes se sont divisées entre Santa Caterina da Siena et San Domenico e Sisto a Magnapoli. Il y régnait la grande austérité voulue par la fondatrice Maria Maddalena Orsini à la mort de Lelio Cesi. Cette maison abritait vraisemblablement la « recordwoman » des dons en la personne de la vénérable mère Maria Grazia Jozzi. Sur les 72 dons au monastère, celle-ci en obtint 53 (74 %). La religieuse reçut ses reliques en trois vagues, 1679-1681, 1684- 85 et 1687-88. Elle portait le même patronyme qu’une consœur du monastère de Sant’Agnese de Rieti, dans la province romaine, qui appartenait à une famille noble de celle-ci, laquelle mériterait une étude complémentaire.
- 124 Grâce à la chronique du monastère publiée par A. Lirosi (éd.), Le cronache di Santa Cecilia. Un mon (...)
- 125 Ibid., p. 245.
86Citons enfin le monastère bénédictin de Santa Cecilia auquel 7 dons de reliques furent destinés. Deux des cinq bénédictines qui les reçurent ont été identifiées124 : Maria Angelica Lotteri, dans le siècle Maria Francesca, fille de Francesco Lotteri et de Paola Franciosoni qui a versé une dot de 1 000 écus, reçu l’habit le 15 août 1660 et fait profession le 25 août 1661. On lui remit des reliques en 1700 et 1702. Irena Giani professa le 29 septembre 1675 et reçut des corps saints en 1714. Lorsque les moniales accueillirent leurs consœurs de Turin venues fonder le monastère de Saint François de Sales à Rome en 1670 ou 1671 « leur furent montrés les reliques et tout le monastère »125.
Congrégations, ordres et établissements masculins
87La structure de la distribution des reliques entre les communautés masculines se distingue nettement de celle des maisons religieuses féminines.
Tab. 5 – La distribution des reliques par le sacriste aux réguliers
- 126 Sont ex aequo avec une relique chacun, outre San Bonaventura, San Didaco, Sant’Isidoro, Santa Maria (...)
Congrégations | Nombre de dons | Premier monastère ou couvent romain de l’ordre destinataire de reliques par ordre numérique | Nombre de dons |
Bénédictins | 83 | San Paolo | 9 |
Augustins | 62 | Sant’Agostino | 26 |
Ermites augustins | 57 | San Giorgio in Velabro | 5 |
Carmes déchaussés | 41 | San Pancrazio | 3 |
Carmes | 24 | San Crisogono | 2 |
Cisterciens | 49 | dont : Santa Croce in Gerusalemme San Vincenzio e Anastasio alle tre Fontane | 4 4 |
Franciscains | 115 | ||
dont : Franciscains observants | 48 | San Bonaventura126 | 1 |
Franciscains conventuels | 36 | San Francesco a Ripa | 1 |
Franciscains (tiers ordre ?) | 31 | Santa Maria dei Miracoli | 9 |
Jésuites | 37 | maison professe | 1 |
Dominicains | 42 | Santa Maria Sopra Minerva | 7 |
Servites | 34 | Santa Maria in Via | 8 |
Antonins | 21 | – | |
Théatins | 23 | San Silvestro a Monte Cavallo | 5 |
Augustins déchaussés | 19 | San Nicola da Tolentino | 5 |
Capucins | 19 | – | |
Barnabites | 14 | San Carlo ai Catinari | 3 |
Hiéronymites | 12 | San Vincenzo e Anastasio | 1 |
Sous-total pour les 18 premiers supra |
651 | Sous-total pour les 17 monastère supra | 94 |
Sous total 28 autres ordres | 165 | ||
Total général | 816 |
- 127 Il existe en effet des réguliers cardinaux, évêques, chanoines de basiliques ou membres de la famil (...)
88Le total des dons aux membres d’ordres religieux masculins qui n’apparaissent que sous cet aspect dans le registre127 est très considérable : 816, un tiers de plus que celui des ordres féminins. Il est aussi plus dispersé puisque 36 ordres ou congrégations figurent au registre, dont on détaille ici les 18 plus importants destinataires. Les bénédictins (83), les augustins et les ermites augustins (respectivement 61 et 57, soit au total 118, Mgr sacriste est l’un d’entre eux) et les franciscains (115 au total) reçoivent à eux seuls 316 dons, près de 39 % du total. Viennent ensuite les carmes et les carmes déchaussés avec 65 dons (respectivement 41 et 24), dans la fourchette de 20 à 40 dons les dominicains (42), servites (33), antonins (23) et théatins (22) qui réunissent ensemble 185 dons soit près de 23 % de ceux remis aux ordres masculins, suivis des augustins déchaussés, capucins, barnabites et hiéronymites qui ne reçoivent qu’entre dix et vingt dons. Le solde (165) se répartit entre 28 ordres et congrégations divers soit une moyenne de près de 6 dons par ordre qui varie entre les oratoriens (un), brigidiens et camaldules (deux chacun) et d’autres tels les mercédaires qui tournent autour de la dizaine.
89Le registre du sacriste distingue les reliques destinées à des réguliers dont le nom est associé à une maison religieuse et d’autres dont il précise la fonction. Le tableau 5 le montre à l’envi : les couvents masculins ne font pas figure de « consommateurs » excessifs de reliques – 94 en tout pour les 17 premiers soit une moyenne de 5,5 dons. Le monastère de Sant’Agostino, avec 26 dons, tient largement tête à des « challengers » dont aucun ne dépasse 10 dons. Les quelque quarante autres se partagent une poignée de reliques. Les maisons masculines n’abritent, au demeurant, pas de demandeurs multiples comparables aux « pluridemanderesses » des maisons féminines. Les principaux demandeurs qui s’y trouvent rattachés occupent plutôt des fonctions importantes au sein de leur ordre, explicitées dans le tableau 6. Il existe bien un dimorphisme sexuel dans les attributions de reliques aux religieux et religieuses.
Tab. 6 – La distribution par le sacriste des reliques aux titulaires de fonctions dans les ordres masculins

- 128 AMR, MSMSD, II, Elenco dei padri generali dell’Ordine.
- 129 Pour en dresser la liste on s’est reporté à R. Venuti, Accurata, e succinta descrizione… cit.
- 130 A.-C. Valery (éd.), Correspondance inédite de Mabillon… cit., p. 11 : Claude Estiennot à Mabillon, (...)
90En ce qui concerne les ordres masculins les plus impliqués dans la quête de reliques, les titulaires de fonctions de direction seraient les meilleurs « clients » du sacriste. Ainsi des chefs d’ordre, tels le père Antoine Cloche, un Français, 61e général des dominicains de 1686 à 1721 qui est, par exemple, visé à 7 reprises entre 1680 et 1715128. Les procureurs des ordres auprès de la cour romaine jouent également un rôle essentiel, à l’instar de Claude Estiennot, le procureur général de la congrégation de Saint-Maur dans la Ville éternelle129 qui obtient, ès qualité, des reliques à 13 reprises entre 1691 et 1698. Son prédécesseur Flambart en reçoit 4 dont deux corps entiers entre 1681 et 1684. Leur successeur, La Parre, en obtient 5 entre 1701 et 1710 dont aucun corps entier. Le cas d’Estiennot prouve que ces reliques n’étaient pas toutes destinées aux bénédictins dont le procureur général écrit à Mabillon, le 1er juillet 1698, qu’il a rencontré Mgr sacriste qui semble avoir lu la Lettre à Théophile sur les reliques, et auquel il a demandé deux petites boîtes de reliques pour les carmes et les capucins, preuve que les bénédictins étaient, en l’espèce, les pourvoyeurs d’autres ordres130 et indice supplémentaire du rôle important que les maisons masculines ont joué dans la circulation des reliques dans et entre les ordres religieux.
Conclusion
91Au total, sans méconnaître l’« effet de sources » qui résulte de l’étude des seuls registres du sacriste puisque ceux du custode ont disparu, on constate que les reliques qui passent par ses mains à destination de l’aire italienne reflètent en premier lieu la position singulière de la Ville dans la géographie spirituelle et politique de la péninsule qui connaît des régimes de distribution différents. Cette situation explique la répartition inégale des flux, le contraste entre la « voracité » du Nord et le désintérêt d’un Sud soumis à l’influence espagnole. « Partie » ou « morceau » de Rome, les reliques ne s’avèrent pas partout également les bienvenues.
92Mais les corps saints des catacombes ne sont pas seulement un article d’exportation. Dans la ville elle-même, ils définissent une position sociale, ils évoquent un statut, ils marquent l’appartenance d’un destinataire à un réseau familial et nobiliaire, d’où leur importance pour l’aristocratie. Leur cours se ressent aussi de la porosité entre noblesse et haut clergé qui s’exprime, du reste, dans le mouvement des reliques entre les différents cercles qui les demandent et les échangent. Car la carrière mondaine des reliques, n’en déplaise au cardinal vicaire qui tente en vain d’en réglementer l’extraction et d’en empêcher la simple collection dans des cabinets de curiosité, n’a rien de statique. À leur rythme propre, un rythme lent, influencé par le hasard des découvertes, les conjonctures spirituelles et les (re)fondations qu’elles permettent de dramatiser – on pense à leur installation au monastère de San Domenico et Sisto ou à celui des barberines – elles circulent.
93Au sein des familles patriciennes, dans les maisons des cardinaux, dans et entre les ordres religieux, entre l’extérieur des monastères et leur clôture – y compris dans les clôtures des maisons féminines où elles ne devraient pas se trouver – et jusque dans les familles où un frère en donne à une sœur, elles ne prennent leur place qu’après un temps de latence. Restes longtemps confinés dans une obscurité sépulcrale, les reliques sont douées de mouvement à compter de leur extraction jusqu’au jour où elles sont installées pour recevoir un culte. Passée leur solennelle intronisation, elles semblent tomber dans un relatif oubli. On en veut pour preuve le fait qu’elles ne sont que rarement évoquées dans la mémoire spirituelle des monastères étudiés : tout au plus certains de leurs inventaires y font-ils référence. Ces reliques sans autre histoire que celle de leur découverte – en témoigne l’exemple des saintes Asselita et Pomponia du monastère de San Domenico e Sisto – et des conjectures formulées au sujet de leur « martyre » auraient donc quelque peine à subsister au-delà du nom qui leur a été donné. Elles valent par leur origine sans que la vie du saint dont elles sont le corps ne puisse servir de support à une dévotion.
94Les reliques ouvrent cependant une fenêtre sur l’histoire sociale de Rome. Sans s’exagérer son influence réelle, dans la mesure où le rôle de ses services est supplétif par rapport à la custode, Mgr sacriste traite avec une foule bigarrée dont ses papiers ne disent, au fond, rien de la « densité dévotionnelle » qui s’attache aux reliques à la distribution desquelles il contribue, laissant planer un mystère sur la place réelle qu’elles ont tenue ainsi que sur la densité sacrale dont elles étaient investies dans la vie sociale et spirituelle des demandeurs qui les ont reçues, transmises, échangées et conservées.
Notes
1 M. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri de’ Santi Martiri e antichi cristiani di Roma, Rome, 1720, p. 691-692.
2 Ibid., p. 692.
3 Ibid., p. 713, « dans laquelle on présente l’état de l’église pour laquelle elles sont demandées ».
4 Ibid., p. 691-692.
5 A. Ferrua, Il decreto dell’anno 1668 sull’estrazione dei corpi santi dalle catacombe, dans Rendiconti, Atti della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, 22, 1946-1947, p. 319-324.
6 « Le pape, étant évêque du diocèse de Rome en même temps que chef de l’Église universelle, se fait représenter, pour l’administration de son diocèse, par un cardinal qui prend le titre de vicaire général de Sa Sainteté » ; toujours cardinal depuis 1558, le vicaire de Rome dispose d’une juridiction et d’une administration semblables à celles de tout autre évêque mais la nomination de ses principaux collaborateurs est réservée au pape depuis 1717 : G. Jacquemet (dir.), Catholicisme hier – aujourd’hui – demain, II, Paris, 1950, col. 544-546.
7 Pour la période précédente voir M. Ghilardi, « Auertendo, che per l’osseruanza si caminarà con ogni rigore ». Editti seicenteschi contro l’estrazione delle reliquie dalle catacombe romane, dans Sanctorum, 2, 2005, p. 121-137.
8 Archivio Storico del Vicariato di Roma (désormais ASVR), Bandimenti, 1662-1673, fol. 185v-186v.
9 ASVR, Bandimenti, 1655-1662, fol. 53v-54r.
10 Bullarium diplomaticum et privilegiorum sanctorum Romanorum pontificum Taurinensis editio, XVII, Turin, 1869, p. 805-806. Le texte en est d’autant plus précieux que, selon G. Moroni, Dizionario di Erudizione storico-ecclesiastica, Venise, 1840-1861, XVI, 1842, p. 217, on ne dispose pas d’éléments sur l’activité de la congrégation de sa création à 1710.
11 ASVR, Bandimenti, 1662-1673, fol. 235v-236r.
12 ASVR, Bandimenti, 1662-1673, fol. 236r-v.
13 ASVR, Bandimenti ab anno 1696, fol. 156r-157r.
14 ASVR, Bandimenti 1709-1720, fol. 84v-86r.
15 Ibid., fol. 167v-168v.
16 G. Moroni évoque en outre une bulle de Clément XI de 1704 figurant au Bollario Magno, VIII, p. 246 qui concerne les creuseurs (« cavatori ») de catacombes dont on n’a pas retrouvé la trace, voir G. Moroni, Dizionario… cit., X, 1841, p. 236. Peut être vise-t-il, en réalité, l’édit du 19 février cité supra ?
17 Leur texte figure dans M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 255-256.
18 G. Signorotto, Cercatori di reliquie, dans Rivista di storia e letteratura religiosa, 21, 1985-II, p. 383-418, p. 388 et 390.
19 G. Lunadoro, Lo Stato presente o sia relazione della Corte di Roma già pubblicata dal cav. Lunadoro ora ritoccata, accresciuta e illustrata da F. Zaccaria, Rome, 1774.
20 V. Falaschi, La Gerarchia ecclesiastica, Macerata, 1828, p. 37.
21 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione e prerogative del Vicario di Roma. Opera del canonico Nicolò Cuggiò segretario del tribunale di Sua eminenza, Rome, 2004.
22 Ibid., p. 113. En réalité le bref de Clément X est du 13 janvier 1672 et l’édit du cardinal Carpegna du 30 janvier suivant, voir supra.
23 Ibid., p. 113.
24 Magnum Bullarium romanum, XI, Luxembourg, 1741, p. 39.
25 ASVR, registre 83, p. CX, examiné par D. Julia.
26 A. Menniti Ippolito, I Papi al Quirinale, Rome, 2004.
27 G. Moroni, Dizionario… cit., IX, 1841, p. 162-163.
28 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 15.
29 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 257.
30 La Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, 1819, qualifie le Tableau de la Cour de Rome de ce prêtre catholique converti au protestantisme d’ouvrage « satirique et curieux ».
31 J. A[ymon], Tableau de la cour de Rome […] par le Sieur J. A. prélat domestique du pape Innocent XI, La Haye, 1707, p. 298.
32 Eusebii romani sive Joannis Mabillonii ad Theophilum Gallum epistola de cultu sanctorum ignotorum, Utrecht, 1705, p. 46-47.
33 Magnum Bullarium… cit., XI, p. 39.
34 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 691.
35 Le fait est d’autant plus remarquable que l’omission de la destination est monnaie courante, aussi bien avant qu’après le bref d’Innocent X du 13 janvier 1672 qui ordonne de tenir un tel registre.
36 Faute d’une cartographie du territoire italien et compte tenu de l’enchevêtrement des anciennes divisions politiques ou religieuses on a retenu les circonscriptions administratives actuelles. Bénévent, en Campanie, dont le futur Benoit XIII fut l’archevêque de 1686 à 1724 est une légation sous l’autorité directe du Saint-Siège. Plusieurs diocèses qui relèvent de cet îlot placé au milieu du Royaume de Naples sont situés dans des régions diverses : Telese (Terra Laboris), Trevico (Principatus ulterioris), Ascoli Satriano (Lucerin Apuliae). Le même raisonnement vaut pour certaines parties des Marches ou des Romagnes soumises à l’autorité immédiate du Siège apostolique, à l’instar de la légation de Ferrare, alors même que Ravenne, également située en Romagne est classée dans cette région. Quant aux diocèses du patrimoine de Saint Pierre (Acquapendente, Montefiascone, Viterbe…), leur situation est différente de ceux placés sous l’autorité immédiate du pape. Les inclure dans la Campanie fait perdre toute référence à la relation particulière, en termes politiques et spirituels, qui relie cette ville à la papauté à l’époque étudiée. Il en va de même pour les parties d’Ombrie placées sous l’autorité du Siège apostolique comme Amelia.
37 Marches, Romagne, Ombrie, Latium et Rome dans les États pontificaux ; Abruzzes, Campanie, Molise, Pouilles, Basilicate, Calabre et Sicile dans le Royaume de Naples ainsi que la Toscane, région-État, outre la Dalmatie et l’Istrie.
38 On les a rapprochés de R. Ritzler, P. Sefrin, Hierarchia catholica medii et recentiori aevi, V (1650-1730), Pavie, 1952.
39 L. Fiorani, Monache e monasteri romani nell’età del quietismo, dans Ricerche per la storia religiosa di Roma, 1, 1977, p. 63-111, p. 67.
40 F. Gemini, Due parrocchie romane nel Settecento : aspetti di storia demografica e sociale, Rome, 1992, p. 37-38.
41 S. Andretta, Gli anni santi del Seicento, dans A. Zuccari (dir.), La Storia dei giubilei, III, Florence, 1999, p. 10-41, p. 34.
42 G. Signorotto, Cercatori di reliquie… cit., p. 390.
43 Le 27 septembre ; voir S. Nanni, I giubilei del Settecento, dans A. Zuccari (dir.), La Storia dei giubilei… cit., p. 254-273, p. 258-260.
44 Y.-M. Bercé, Lorette aux XVIe et XVIIe siècles : histoire du plus grand pèlerinage des temps modernes, Paris, 2011.
45 G. Moroni, Dizionario… cit., X, 1841, p. 236.
46 A. Ferrua, Il decreto… cit., p. 319.
47 D. Rocciolo (éd.), Della giurisditione… cit., p. 112-113, citant les édits du 25 septembre 1599, du 23 août 1603 et du 4 août 1604.
48 A. Ferrua, Il decreto… cit., p. 319-324.
49 Les imprimés conservés dans la série Brevia et decreta, dont on a consulté les boîtes 1 à 3, de la congrégation des Indulgences à l’Archivio Vaticano ne concernent pas, pour leur part, les corps saints des catacombes. Dans la boîte 1 figure la version imprimée du bref du 6 juillet 1669 relatif à la création de la congrégation cité supra. De même dans les Decreta authentica Sacrae Congregationis Indulgentiis Sacrisque Reliquiis praepositae ab anno ad annum 1882 edita jussu et auctoritate Santissimi D. N. Leonis PP. XIII, Ratisbonne, La Nouvelle-Orléans et Cincinnati, 1883, p. 6, ne figure qu’un décret du 9 septembre sur la nécessité d’exposer un instrument du martyr trouvé dans une tombe avec le corps du martyr lui-même et non pas seul.
50 Constitution Ex commissae nobis dans Magnum Bullarium… cit., XI, p. 39-40.
51 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi di martiri, Rome, 2004.
52 F. Diaz, Il Granducato di Toscana. I Medici, Turin, 1976, p. 494 cité par M. Fantoni, Il bigottismo di Cosimo III : da leggenda storiografica ad oggetto storico, dans F. Angiolini, V. Becagli et M. Verga (dir.) La Toscana nell’età di Cosimo III. Atti del Convegno Pisa – San Donnino di Fiesole 4-5 giugno 1990, Florence, 1993, p. 389-402, p. 391.
53 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 99, 1860, p. 95-97.
54 Ibid., vol. 60, 1848, article Sagrista, p. 189-190.
55 D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 118.
56 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 60, 1848, p. 189, Fr. Ambroggio Landucci (25 juillet 1655-16 février 1669), siennois, ancien prieur de Sant’Agostino de Rome, vicaire général de la congrégation Ilicetana. C’est à lui qu’Alexandre VII concède, ainsi qu’à ses successeurs, l’autorité pour faire des fouilles dans les catacombes de Rome, ainsi que celle pour authentifier et dispenser ces reliques.
57 Cette désignation est discutée, voir D. Rocciolo (éd.), Della giurisdittione… cit., p. 119, note 23.
58 Adopté en tant que neveu par Clément X.
59 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 60, 1848, p. 189-190, Giuseppe Eusani (9 mars 1669-23 avril 1692), de l’Aquila, grand théologien et prédicateur, vicaire général de la congrégation de Pérouse, orna la chapelle de sainte Rita de Cascia à Sant’Agostino où il fut enterré.
60 Pierre Lambert Le Drou, (1692-6 octobre 1712) de Liège, professeur à Louvain et à l’université de Rome. Voir la contribution d’A. Delfosse dans le présent volume.
61 G. Moroni, Dizionario… cit., vol. 44, 1847, p. 190, Raffaele Fabretti, d’Urbino, nommé secrétaire des Mémoriaux par Alexandre VIII en 1689.
62 Ibid., p. 190, Agostino Nicola degli Abbati Olivieri, de Pesaro (26 septembre 1712-janvier 1731), cousin du précédent.
63 Ibid., p. 190, Tommaso Cervioni (1731-1741) de Montalcino, archevêque de Lucca.
64 Neveu de Clément XII.
65 M.-A. Visceglia, Figure e luoghi della corte romana, dans G. Ciucci (dir.) Storia di Roma dall’antichità a oggi, Bari-Rome, 2002, p. 39-78, p. 54-55.
66 Une religieuse pluridemanderesse, Maria Gratia Jozzi, pourrait être la parente de Maria Innocenza Jozzi une dominicaine du couvent Sant’Agnese de Rieti. On se heurte à des difficultés dans l’interprétation d’éléments lacunaires du registre : Le monastère de Sainte-Marie-Madeleine qu’il vise à 101 reprises est-il Santa Maria Maddalena al Corso (augustines), Santa Maria Maddalena delle Convertite ou, plus vraisemblablement, Santa Maria Maddalena a Monte Cavallo (dominicaines) ?
67 Sans préjudice du fait que, parmi les personnes mentionnées par leur seul nom dans le registre, certaines peuvent appartenir à ces différentes catégories.
68 Saint-Pierre de Rome, Sainte-Marie-Majeure et Saint-Jean de Latran.
69 Expression appliquée à la Toscane de Côme III par M. Fantoni dans Il bigottismo… cit., p. 391.
70 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 691-692.
71 Du consistoire du 10 décembre 1607 tenu par Pie V à celui du 3 juillet 1747 sous Benoît XIV, selon les données fournies par S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, voir www2.fiu.edu/~mirandas/cardinals.htm. Deux noms n’ont pas été identifiés. Deux homonymies empêchent d’attribuer les corps saints à leurs destinataires respectifs (Luigi et Pietro Priuli, Giambattista [†1704] et Giambattista [† 1719] Spinola).
72 C. Weber, Senatus Divinus. Verborgene Strukturen im Kardinalskollegium der frühen Neuzeit (1500-1800), Francfort-sur-le Main, 1996, passim.
73 Ils appartiennent aux promotions cardinalices désignées entre 1607 et 1647, voir note supra.
74 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 716.
75 G. Ciucci (dir.), Storia di Roma... cit., p. X.
76 A.-C. Valery (éd.), Correspondance inédite de Mabillon et de Montfaucon avec l’Italie, Paris, 1846, III, p. 7-8, Fléchier à Mabillon, 2 mai 1698.
77 R. Ago, Carriere e clientele nella Roma barocca, Bari, 1990, p. 176.
78 Ibid., p. 178.
79 G. Moroni, Dizionario… cit., LX, 1853, p. 172.
80 Le nom de Boncompagni, patronyme de Grégoire XIII, n’a pas été retenu malgré les 33 dons concernant pour l’essentiel une religieuse romaine qui était, du reste, peut-être apparentée à ce pape ; non plus que celui de Ghislieri (Pie V), 9 dons ou Ludovisi (Grégoire XV), 3 dons, car le registre n’indique pas de façon assez précise les autres éléments concernant le destinataire. On n’a, en outre, pas examiné la situation spécifique des individus qui sont doublement apparentés à un pontife.
81 Fils de Filippo II (1663-1714), 7e prince de Paliano grand connétable, marié à Lorenza della Cerda dei duchi di Medinacœli. Il se remarie avec Olimpia Pamphilj en 1697, voir P. Colonna (dir.), I Colonna. Sintesi storico illustrativa, Rome, 2010, arbre généalogique in fine.
82 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi… cit., p. 43.
83 Créé prince du Saint-Empire le 24 octobre 1658, il achète de sa belle-sœur Olimpia Aldobrandini le palais de Piazza Colonna et meurt le 12 mai 1705, voir notice d’E. Stumpo dans Dizionario biografico degli Italiani, XXIV, Rome, 1980, p. 743-745.
84 J. A[ymon], Tableau de la cour de Rome… cit., p. 156-158. Parmi les 47 familles d’une noblesse de plus de 400 ans seules les Capizucchi, Massimi, Maidalchini et Serlupi sont destinataires de reliques. Dans la noblesse de plus de 300 ans (35 familles) on ne compte que les Maffei et les Vitelleschi, dans celle de plus de 200 ans (15 familles) les Lancelotti et les Celsi. On relève en revanche parmi les 18 familles florentines les Corsini, Falconieri et Ruspoli.
85 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 715.
86 C.-G. Coda, Duemilatrecento corpi… cit., p. 123.
87 Ibid., p. 115, il précise que l’édit est enregistré dans le volume Banditorum, 1662-1673, fol. 185v.
88 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 728.
89 Sant’Agostino, Tre Fontane et San Vincenzo e Anastasio alle Tre Fontane, Sant’Andrea della Valle, Santa Croce in Gerusalemme, Santa Prassede, San Silvestro e Martino ai Monti et Santa Maria in Via.
90 Archivio di Stato di Roma (désormais ASR), Congregazioni religiose, Agostiniani in Sant’Agostino, b. 43, Inventario delle robbe che si ritrovano nella sagrestia de RR PP di S. Agostino, fol. 20.
91 Regina Cœli, Santa Caterina da Siena, San Domenico e Sisto, Santa Susanna, Santa Maria dell’Umiltà, Salesiane et les Santi Cosma e Damiano.
92 ASR, Congregazioni religiose, b. 4995 / 8 S. Silvestro in Capite fol. 384- 386 [24-26].
93 C. Romano, Memorie istoriche della chiesa e convento di S. Maria in Aracœli di Roma, Rome, 1736, p. 495-497.
94 M. Boldetti, Osservazioni… cit., p. 719.
95 Voir M. Caffiero, Il sistema dei monasteri femminili nella Roma barocca. Insediamenti territoriali, distribuzione per ordini religiosi, vecchie e nuove fondazioni, dans Dimensioni e problemi della ricerca storica, 2, 2008, p. 69-95, annexe (Tabella 1, I monasteri femminili fondati a Roma tra il 1500 e il 1748), p. 96-100.
96 B. Borello, Trame sovrapposte. La socialità aristocratica e le reti di relazione femminili a Roma (XVII-XVIII secolo), Naples, 2003.
97 L. Fiorani, Monache… cit., p. 70.
98 Ibid., p. 88.
99 Pour le repérage des établissements religieux féminins on a suivi les listes dressées par Maria Caffiero et, s’agissant des maisons masculines, établi un inventaire non exhaustif à partir du guide de R. Venuti, Accurata, e succinta descrizione topografica delle antichità di Roma dell’abate Ridolfino Venuti Cortonese presidente all’antichitá romane, e membro onorario della Regia società degli antiquari di Londra, IV, Rome, 1768.
100 L’affectation de l’ensemble de ces dons au monastère de Santa Maria Magdalena est incertaine.
101 Ou 119 dons si l’on considère que Santa Maria Maddalena est un de leurs couvents.
102 G. Moroni, Dizionario… cit., XLVIII, 1858, p. 197.
103 Il s’y rend également à l’improviste le 4 avril 1651, voir G. Gigli, Diario di Roma, M. Barberito (éd.), II, Rome, 1994, p. 450 et 629.
104 L. Ponzileoni, Vita di S. Francesca Romana fondatrice delle Signore oblate di Maria Virgine in Torre de’ Specchi, Rome, 1829, p. 379-387.
105 Renseignements aimablement transmis par les religieuses du monastère de Tor de’ Specchi, l’original est dans la clôture.
106 M. Fagiolo dell’Arco, Corpus delle feste a Roma. I. La Festa barocca, et II. Il Settecento e l’Ottocento, Rome, 1997.
107 R. Spiazzi, La chiesa e il monastero di San Sisto all’Appia, Bologne, 1992, p. 611.
108 V. Bernardini, A. Draghi, G. Verdesi, SS Domenico e Sisto, Rome, 1991, p. 14.
109 D. Silvagni, La corte pontificia e la società romana, Rome, 1971, II, p. 253.
110 J.-J. Bertier (éd.), Chroniques du Monastère de San Sisto et San Domenico à Rome, Levanto, 1920, II (1575-1920), p. 262, 264 et P. Colonna (dir.), I Colonna… cit.
111 J.-J. Bertier (éd.), Chroniques… cit., II, p. 263.
112 Ibid., p. 271-272.
113 Ibid., p. 276.
114 Indication donnée par sœur Maria Domenica, février 2011.
115 Outre les fonds de l’Archivio di Stato de Rome et les archives du monasterio Santa Maria del Rosario, on a eu recours à S. Pagano, L’archivio del convento dei SS Domenico e Sisto, Vatican, 1994 et J.-J. Bertier (éd.), Chroniques… cit.
116 AMR, MSMSD, II.
117 Elle porte le n° 1049 dans ce registre.
118 Moroni ne signale aucun vice-gérant qui ait porté ce prénom, voir G. Moroni, Dizionario… cit., XCIX, 1860, p. 174.
119 A. Zucchi, Roma domenicana : note storiche, I, Florence, 1938, p. 348.
120 M. Caffiero Le scritture della memoria femminile a Roma in età moderna : la produzione monastica, dans G. Ciappelli (dir.), Memoria, famiglia, identità tra Italia ed Europa nell’età moderna, Bologne, 2009, p. 235-268, p. 250.
121 Ibid., p. 251. Le « velo della Madonna » et des reliques « dei Santi Martiri » sont donnés par le vice-gérant Mgr Altieri au monastère sur l’ordre du pape, voir S. Possanzini, Le Barberine. Monastero carmelitano dell’Incarnazione del Verbo divino in Roma, Rome, 1990, p. 127.
122 AMR, MSMSD, Erario di sagre Gioe che si conservano nel monasterio de SS.i Domenico e Sisto in Montemagnanapoli Reggistrate da Sor Domenica Salamonia l’anno 1656 [relié dans le volume Opere della Salamonia. Memorie del monastero di S. Domenico e Sisto 5], fol. 66vo-68vo.
123 Ayant reçu l’habit en 1609, elle porte le n° 999 dans le registre.
124 Grâce à la chronique du monastère publiée par A. Lirosi (éd.), Le cronache di Santa Cecilia. Un monastero a Roma in età moderna, Rome, 2009, respectivement p. 230, 231 et 254.
125 Ibid., p. 245.
126 Sont ex aequo avec une relique chacun, outre San Bonaventura, San Didaco, Sant’Isidoro, Santa Maria in Aracœli et San Pietro in Montorio.
127 Il existe en effet des réguliers cardinaux, évêques, chanoines de basiliques ou membres de la famille pontificale qui sont agrégés, dans cette étude, aux groupes y afférents.
128 AMR, MSMSD, II, Elenco dei padri generali dell’Ordine.
129 Pour en dresser la liste on s’est reporté à R. Venuti, Accurata, e succinta descrizione… cit.
130 A.-C. Valery (éd.), Correspondance inédite de Mabillon… cit., p. 11 : Claude Estiennot à Mabillon, Rome 1er juillet 1698.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Ensemble des dons de corps saints réalisés par Mgr sacriste dans l’aire italienne (1657-1751). |
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Titre | Fig. 2 – Ca : Ls bénéficiairs e ’s pac italn, Ro e o comprie |
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Titre | Fig. 3 – Dons de corps saints réalisés par Mgr sacriste dans Rome (1657-1751). |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/40277/img-3.jpg |
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Titre | Fig. 4 – Dons de corps saints réalisés par Mgr sacriste dans les Marches (1657-1751). |
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Titre | Tab. 2 – Institutions pontificales et dons de reliques romaines par le sacriste |
Légende | Note68 |
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Titre | Tab. 3 – Mgr sacriste et les familles pontificales |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/40277/img-6.jpg |
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Titre | Tab. 4 – Distribution des reliques par le sacriste aux maisons religieuses féminines romaines |
Légende | Note100 |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/40277/img-7.jpg |
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Titre | Tab. 6 – La distribution par le sacriste des reliques aux titulaires de fonctions dans les ordres masculins |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/40277/img-8.jpg |
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