L’héritage byzantin en Italie (VIIIe-XIIe siècle)
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Texte intégral
1Cette quatrième table ronde du programme consacré à L’héritage byzantin en Italie (VIIIe-XIIe siècle) a pour originalité, par rapport aux autres, de s’intéresser à des realia : l’occupation du sol, soit, plus précisément, l’habitat et le paysage rural.
2Pour cette étude, on a évidemment fait appel à des archéologues, auxquels nous sommes très reconnaissants d’avoir répondu positivement et d’apporter les résultats des recherches les plus récentes, tant au niveau régional qu’à l’échelle locale. Mais, contrairement aux documents, à la pratique juridique, aux formes du pouvoir, au décor et aux textes, ces réalités territoriales n’ont avec la présence byzantine qu’un rapport indirect, d’autant que la plupart des régions prises en compte (à l’exception des îles de Vénétie) étaient déjà bien peuplées dans l’Antiquité. La médiation des institutions publiques et de la structure sociale est nécessaire pour expliquer d’éventuelles originalités, qui d’ailleurs peuvent être des rémanences de structures remontant à la basse Antiquité.
3Dans ce domaine, la recherche se doit de bien distinguer les originalités réelles (au sens le plus fort du terme), celles qui sont purement institutionnelles, enfin celles qui sont simplement du ressort du vocabulaire. L’étude des documents écrits ne permet pas toujours d’établir une frontière nette entre ces catégories, alors que l’archéologie livre des réalités matérielles débarrassées de leur contexte institutionnel et culturel, même si elle contribue à le reconstituer.
4D’autre part, comme les autres, cette rencontre doit évidemment marquer la différence de rythme et d’orientation de l’évolution des différentes régions : au XIIe siècle, il n’y a plus de territoire véritablement byzantin en Italie, et la plupart de ceux qui l’ont été sont entrés dans des ensembles politiques plus vastes, dans lesquels ils sont en général minoritaires.
5L’une des continuités supposées – du moins dans certaines régions – concerne la grande propriété. Certes, même en territoire impérial, celle-ci n’est pas immuable : la disparition de l’aristocratie sénatoriale et des curies municipales au VIIe siècle a dû s’accompagner de bouleversements importants et rapides dans ce domaine. Mais il n’y a pas eu de rupture politique brutale ; notamment, la propriété ecclésiastique – celle de l’Église romaine pendant le haut Moyen Âge, celle de l’Église de Ravenne plus longtemps sans doute, ou encore celle de la cathédrale de Reggio jusqu’au milieu du XIe siècle, toujours liée à celle de l’État – a assuré longtemps une continuité avant de servir de relais. Jusqu’à quand observe-t-on une telle continuité ? Les grandes propriétés héritées de la basse Antiquité présentent-elles, du point de vue juridique ou dans leur organisation, des archaïsmes ou des particularités par rapport au système dominant en Occident ? Quels sont les liens précis entre propriété ecclésiastique et propriété publique ?
- 1 Andreolli 1999.
6L’autre axe de recherche, concernant une éventuelle continuité, est l’étude des contrats agraires, bien analysés par les historiens italiens du droit et de l’économie, et sur lesquels Bruno Andreolli a fourni d’importantes contributions1. Comme toutes les questions que nous allons aborder, ils présentent deux aspects : formel et juridique d’un côté, social et économique de l’autre. L’emphytéose est un contrat d’origine antique et orientale, le « livello » tire ses premières origines de la basse Antiquité et se développe pendant le haut Moyen Âge. L’Italie – non seulement byzantine, mais aussi lombarde – est certainement le pays où les rapports sociaux sont le plus marqués par les contrats écrits. Mais ceux-ci évoluent en fonction de plusieurs paramètres : la démographie, les exigences économiques, les rapports sociaux (eux-mêmes liés au type de pouvoir politique) ; de ces trois termes, seul le troisième (et, très accessoirement, le second) peuvent présenter des caractères originaux dans les zones (ou du moins certaines des zones) que nous étudions. En outre, même en Italie, les contrats ne sont pas les seuls régulateurs des rapports de production : ils coexistent avec des relations de type coutumier, parfois héréditaire, au sein de systèmes complexes.
7À côté des quatre régions qui constituent les principaux éléments de comparaison de notre recherche – Venise, Ravenne, Rome, Naples, avec en outre un exemple apulien méthodologiquement éclairant – nous avons fait une place plus importante que dans nos précédentes rencontres à des régions ayant été sous domination byzantine, mais hors du cadre de l’Exarchat de Ravenne. On parlera de l’aristocratie foncière en Sardaigne, région préservée par son long isolement. On a d’autre part mis un accent particulier sur la Sicile et la Calabre, régions très proches, mais qui ont connu des évolutions bien différentes. La Sicile, qui n’a jamais dépendu de l’exarque et a suivi, à l’époque byzantine, des voies bien différentes de celles de l’Italie continentale, est passée au Xe siècle dans le dār al-Islām ; la Calabre (du moins la Calabre méridionale) est au contraire la seule région italienne qui soit restée, pratiquement sans interruption, byzantine depuis la reconquête de Justinien jusqu’au milieu du XIe siècle. Elle a connu, semble-t-il, une évolution d’autant plus semblable à celle des régions centrales de l’Empire qu’elle s’est hellénisée (sans doute à partir du IXe siècle), adoptant le droit civil et le droit canon byzantins classiques. La Calabre méridionale byzantine et la Sicile musulmane ont été réunies, à la fin du XIe siècle, dans le comté fondé par le grand comte Roger Ier, qui leur a imposé une administration partiellement imitée du modèle byzantin. De telles relations de proximité, en dépit d’évolutions largement divergentes, sont dans notre optique du plus grand intérêt et méritent d’être analysées de près. Elles présentent en outre l’avantage de permettre d’entrevoir des réalités proprement byzantines et musulmanes, bien mieux éclairées ici que dans les autres territoires ayant appartenu à ces deux aires.
8Nous remercions donc vivement les participants pour leur présence, leur travail et la confrontation de leurs expériences : les conclusions ont pu dégager quelques éléments synthétiques de ces confrontations.
Bibliographie
Bibliographie
Andreolli 1999 : B. Andreolli, Contadini su terre di signori : studi sulla contrattualistica agraria dell’Italia medievale, Bologne, 1999.
Notes
1 Andreolli 1999.
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