Le peuple et l’argent
|Chapitre 3 – Les apories du gouvernement aristocratique
Texte intégral
- 1 Nicolet 1983a, p. 19-21 ; Ferrary 1984, p. 87-88 et 90-92 ; Hahm 2009, p. 190-196 ; Zecchini 2011, (...)
1Une autre hypothèse encore permettrait d’expliquer les failles structurelles des finances publiques républicaines, les principes mêmes du fonctionnement institutionnel et politique de l’Vrbs. Les auteurs antiques s’accordaient à voir dans la cité romaine une « constitution mixte » à coloration aristocratique1. Le système de checks-and-balance vanté par Polybe pourrait avoir eu pour corollaire le recoupement des sphères de compétence des différentes instances institutionnelles et l’existence de conflits entre magistrats et Sénat. Par ailleurs, l’éthique aristocratique propre aux milieux sénatoriaux représenta peut-être un obstacle au perfectionnement du gouvernement des finances publiques : l’idéal d’excellence des dirigeants romains n’incluait pas nécessairement les capacités techniques en matière financière et il est même envisageable qu’il ait récusé la légitimité d’opérations de contrôle.
2Afin d’éprouver la validité de ces propositions, il s’agit de fixer à qui revenait, dans la cité romaine, le gouvernement des finances publiques, et de déterminer si le système institutionnel prévoyait, en matière financière, un contrôle efficace des responsables publics.
1. Le gouvernement des finances publiques
3Si l’on se réfère aux catégories du droit public actuel, les deux opérations essentielles qui président aux mouvements de fonds publics sont d’une part l’autorisation, qui ressortit de la décision politique, et d’autre part l’exécution, qui, elle, relève des actes administratifs. L’application aux réalités romaines de ces notions, avec la distance requise, se révèle relativement opératoire afin de préciser quelles étaient les instances compétentes en matière financière, comment se déroulaient les procédures qui aboutissaient à une entrée ou une sortie de fonds publics, et sur quels principes se fondaient les choix faits par les autorités. Dès lors, on pourra vérifier si le système romain était en mesure de répondre efficacement aux besoins, qu’ils soient ordinaires ou exceptionnels, de la cité.
La prise de décision en matière financière : l’autorisation
- 2 Coudry 1989, p. 11 relève que chez Polybe, au livre VI des Histoires, c’est l’exercice du pouvoir (...)
4Dans la Rome républicaine, quelles étaient les instances institutionnelles responsables de la prise de décision financière ? En d’autres termes, sur quels principes la répartition des tâches entre les magistrats, le Sénat et les assemblées populaires s’effectuait-elle2 ? Dans quelle mesure est-il par ailleurs possible de reconstituer la procédure suivie lors du vote d’une disposition financière ?
- 3 Cic. Vatin. 36. Les autres sources qui évoquent l’autorité du Sénat sur le Trésor sont Cic. Sest. (...)
- 4 Plb. 6, 13, 1 et 14, 2.
- 5 Willems 1885, II, p. 438 ; Humbert 1886, I, p. 28 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 323 et 340-341 ; De (...)
- 6 Cette option est en général admise par les historiens des années 1920-1970, qui estiment que le Sé (...)
- 7 Willems 1885, II, p. 341, 360, 362. Cf. De Martino 1972-1975, II, p. 206.
- 8 Willems 1885, II, p. 356 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 338.
- 9 Willems 1885, II, p. 366-367 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 324 ; O’Brien Moore 1935, col. 737, pour (...)
- 10 Willems 1885, II, p. 341-342 et 344 ; Marquardt 1888, p. 193, 311, 317 ; Mommsen 1889-1896, VII, p (...)
- 11 Willems 1885, II, p. 362 (à propos de l’organisation des provinces) ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 3 (...)
- 12 Willems 1885, II, p. 341 (à propos des portoria) et 344 (pour les contrats de 209 concernant l’age (...)
- 13 Mommsen 1889-1896, VII, p. 337-338.
- 14 Mommsen 1889-1896, VII, p. 325 et 336 ; O’Brien Moore 1935, col. 737 (les dons ou legs faits au pe (...)
- 15 Pour Mommsen 1889-1896, VII, p. 324, les actes ordinaires de l’administration étaient accomplis pa (...)
- 16 Plb. 6, 13, 2-3. Mommsen 1889-1896, VII, p. 341, n. 1 avait relevé que Polybe consacrait « peu de (...)
- 17 Willems 1885, II, p. 329.
5L’historiographie des XIXe-XXe siècles a fait de la curie l’autorité habilitée à décider des recettes et des dépenses, sur la foi d’un passage de Cicéron, qui évoque l’aerarii dispensatio du Sénat3, et surtout du fameux excursus polybien consacré aux institutions romaines. Lorsqu’il définit la méris (sphère de compétence) du méros (« partie » du système politique romain) qu’est le Sénat, Polybe commence en effet par évoquer la kyria tou tamieiou, qui consiste selon lui en un kratos sur les eisodoi et les exodoi4. L’idée qu’un sénatus-consulte était indispensable au déblocage de fonds publics fait dans l’ensemble consensus5. En revanche, le contrôle du Sénat sur les recettes est plus discuté6. P. Willems, dans sa monographie sur le Sénat républicain, écrivait que la curie n’avait pas le pouvoir d’établir de nouvelles rentrées fiscales7, qu’il ne lui revenait pas de décider la levée des impôts8, que les recettes irrégulières9 et l’adjudication des uectigalia publica10 lui échappaient. Les rares interventions du Sénat sur ces différents sujets s’expliquaient par son rôle institutionnel traditionnel, qui consistait à ratifier les actes du magistrat11, à les rendre permanents12 et à discuter en amont la loi13 ; par l’inclusion de dispositions financières dans les dossiers diplomatiques, qui revenaient aux sénateurs14 ; ou par le caractère extraordinaire des décisions prises15. De fait, Polybe, lorsqu’il détaille son propos après avoir évoqué le kratos du Sénat sur les eisodoi et les exodoi, ne mentionne plus que les dépenses publiques16. Il se pourrait donc que l’équivalence généralement établie entre eisodoi et « recettes » ne soit pas tout à fait exacte. P. Willems17, d’ailleurs, traduisait Polybe 6, 13, 1 par « [le Sénat] dispose de tous les revenus de l’État ». Polybe aurait voulu signifier que le Sénat avait autorité sur les sommes qui avaient déjà conflué dans les caisses publiques, autrement dit pouvait décider de leur affectation. Dès lors, il convient de revenir sur la documentation disponible, afin de voir quelles étaient les compétences exactes des sénateurs, respectivement à celles des magistrats.
Un magistrat pouvait-il émettre unilatéralement une autorisation de dépense publique ?
6Comme, dans le système institutionnel romain, le magistrat était toujours à l’origine des procédures, plusieurs options s’offraient théoriquement à lui. S’il voulait agir seul, sans coopérer avec le Sénat, il pouvait par exemple émettre un édit ou faire le choix de s’appuyer uniquement sur une assemblée populaire. Dans quelle mesure, cependant, ce type d’actes est-il réellement attesté ?
- 18 Entre 246 et 189 av. J.-C., une part non négligeable des temples et de leurs ornamenta fut érigée (...)
- 19 Liv. 23, 30, 16-17 ; 27, 6, 19 ; 40, 59, 6-8.
- 20 Lange 1876-1879, I, p. 798 ; Madvig 1881-1882, I, p. 393 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 132 ; Kunkel (...)
- 21 Plb. 6, 12, 8 et 6, 13, 2, dans sa description de la politeia romaine, attribue aux consuls la fac (...)
- 22 Liv. 34, 53, 3-7 ; Per. 39, 1 et 46, 15 ; Cic. Verr. II 1, 130 ; Catil. 3, 20.
- 23 Cic. de orat. 2, 269 ; D.S. 34-35, frg. 29 ; Vell. 2, 6, 5 ; Val. Max. 9, 4, 3 ; Plu. CG 17, 3 ; A (...)
- 24 Les historiens du XIXe siècle débattaient de la position du dictateur. Zonar. 7, 13, dans l’excurs (...)
- 25 Liv. 22, 57, 11 ; Zonar. 9, 2.
- 26 Cic. Arch. 25 ; Sen. prov. 3, 8 ; Plu., Sull. 31, 7 et Cato Mi. 17, 5 ; App. BC 1, 442. Cf. Suet. (...)
- 27 En 217, le dictateur Q. Fabius Maximus avait conclu avec Hannibal un accord qui prévoyait que les (...)
- 28 Caes. Gall. 7, 55, 3.
- 29 Zonar. 9, 17 ; Liv. 34, 19, 2-11 ; Plu. Cato Ma. 10, 1 et Apopht. Caton. 24 : à proprement parler, (...)
- 30 Vell. 1, 13, 4.
- 31 D.S. 37,18, 1 ; Liv. 25, 18, 15 ; 26, 48, 14 ; Val. Max. 4, 3, 10 ; App. Mith. 51 ; Caes. civ. 3, (...)
- 32 App. Hisp. 115 ; Liv. 30, 15, 11 ; 34, 12, 7 et Liv. 27, 3, 5 (un praemium accordé à des dénonciat (...)
- 33 Suet. Iul. 26, 3.
- 34 Plu. Cato Ma. 6, 2 (mais Liv. 32, 27, 2-4, s’il se réfère bien au même contexte, parle de dépenses (...)
- 35 Cic. Arch. 11 ; Plu. Cato Ma. 6, 2.
- 36 Cic. Flacc. 45.
7Les sources font état de dépenses qui semblent a priori avoir dépendu uniquement de la volonté d’un responsable public : elles étaient effectuées aussi bien domi que militiae, et domi tant par des magistrats inférieurs que par des magistrats supérieurs. À Rome même, les magistrats inférieurs en question étaient les édiles, dans leurs activités touchant aux travaux publics18 et à l’organisation des jeux19, tandis que du côté des magistrats supérieurs on voit agir les censeurs, surtout pour des travaux publics réalisés par le biais de locationes20 ; les consuls21 – principalement dans le cadre d’opérations édilitaires22 et de l’octroi d’un praemium23 ; et le dictateur24, dans le contexte d’abord de la deuxième Guerre punique25, puis des proscriptions syllaniennes26. Militiae, ce sont, logiquement, les titulaires de l’imperium qui semblent avoir disposé des fonds publics. Entre 264 et 49 av. J.-C., on en a trace une fois pour un dictateur27, six fois pour un consul en charge, deux fois pour un préteur, et neuf à douze fois pour un magistrat supérieur prorogé. Les dépenses en question correspondirent d’une part à des équipements militaires28, au paiement de « mercenaires »29, à la passation d’un marché public concernant le transport du butin de guerre30, à des dona militaria31 ou des présents à des alliés32 et à un changement pérenne du montant de la solde33 ; d’autre part aux frais d’équipement des gouverneurs de province34, à des « beneficia »35 et à une somme versée au titre du blé public36.
- 37 Il paraît certain que depuis 366 av. J.-C., le financement des ludi magni organisés par les édiles (...)
- 38 Pour les locationes censoriales, à sept reprises, les sources ne font pas état de l’intervention d (...)
- 39 C’est le cas pour les locationes censoriales de 204 av. J.-C. (Liv. 29, 37, 2 et 36, 36, 4) et 184 (...)
- 40 L’acquisition par Caton, lors de son départ pour l’Hispanie, de deux esclaves supplémentaires dest (...)
- 41 Trisciuoglio 1998, p. 103 a relevé que les SC qui établissaient le principe d’une locatio en matiè (...)
- 42 Aberson 1994, p. 117 et 171, dans son étude sur le financement des temples républicains, a suggéré (...)
- 43 Aberson 1994, p. 106 et 113 remarque que les SC sont omis quand un même individu effectue un uotum (...)
8Toutefois, dans bon nombre de cas, il paraît vraisemblable que l’autorisation de dépense publique fut en fait subordonnée à l’adoption d’un SC. Soit des sources indépendantes affirment clairement que la procédure requérait alors un vote de la curie37 ; soit un nombre à peu près équivalent d’attestations fait allusion à un iter institutionnel incluant un SC et à un processus qui impliquerait uniquement un magistrat38 ; soit des textes parallèles évoquent un même épisode, les uns en citant une décision sénatoriale et les autres en la passant sous silence39 ; soit le contexte ou le vocabulaire employé suggèrent qu’un SC fut bien voté40. Il faut probablement en déduire que les sources textuelles n’accordent le plus souvent pas d’intérêt particulier aux procédures institutionnelles, ou passent sous silence les SC de routine41, ou bien que la mention des SC chez les historiens antiques variait en fonction des sources qu’ils utilisaient42 ou du type de situation institutionnelle évoqué43.
- 44 Willems 1885, II, p. 371 et 396 ; Mommsen 1889-1896, I, p. 275 ; De Ruggiero 1925, p. 217 établiss (...)
- 45 Les sommes nécessaires à une distribution consécutive à un triomphe semblent avoir été préalableme (...)
- 46 Voir les temples érigés par les consuls suite à un vœu passé sur le champ de bataille : Liv. 34, 5 (...)
- 47 Cic. Verr. II 3, 81 ; leg. agr. 2, 56 ; Plu. Crass. 2, 4.
- 48 Roth 1999, p. 242 juge que ce type de situation donnait lieu à la passation d’un marché public, ce (...)
- 49 Le statut des dépenses de César durant la Guerre des Gaules est en fait discuté, entre les tenants (...)
- 50 Cosme 2007, p. 63.
- 51 Harmand 1967, p. 267.
9Le cas des dépenses édiliciennes effectuées de multis pourrait signaler une exception, où l’on aurait laissé au magistrat la disposition des recettes qu’il avait contribué à faire rentrer44. L’explication vaudrait également pour les sorties financées sur la praeda45 ou les manubiae46, auxquelles on pourrait assimiler les praemia distribués par Sylla sur les bona proscriptorum : le dictateur avait en effet déclaré que ces derniers constituaient son butin de guerre47. Il faudrait alors souligner la spécificité de la position de César à l’époque de la Guerre des Gaules. L’achat à son initiative, en 52, de chevaux destinés à l’armée48 dut s’insérer dans une stratégie de « financement de la guerre par la guerre49 », motivée par le fait que le Sénat cessa de lui attribuer des crédits après 56. Le « doublement de la solde » doit également avoir été assuré par la praeda gauloise50 ou le tribut imposé à la région vaincue51.
- 52 Les incertitudes concernent surtout l’origine des fonds utilisés par les magistrats supérieurs hor (...)
- 53 Mommsen 1889-1896, IV, p. 136 et 145, invoquait plusieurs arguments en ce sens : les censeurs n’av (...)
- 54 Nicolet 1988b, p. 47.
- 55 Cic. Verr. II 1, 36 pourrait certes suggérer que sur la pecunia attributa aux gouverneurs de provi (...)
10Dans un certain nombre de cas, il est impossible de trancher entre l’hypothèse d’une simple utilisation par le magistrat de sommes débloquées en amont par le Sénat et celle du recours à des ressources qu’il aurait récoltées52. Au total cependant, il faut probablement conclure que l’autorisation de dépense publique n’appartenait pas aux censeurs53. En outre, dans la mesure où l’on n’a aucune attestation sûre d’un paiement de fonds publics opéré domi par un consul sans avis préalable du Sénat, il me semble qu’il faut simplement voir dans Polybe 6, 12, 8 l’indication du fait que les sorties récurrentes ou fixées par la loi pouvaient être « automatiquement » ordonnancées par un édit consulaire, sans que le Sénat ne fût appelé à les reconfirmer. Pour sa part, le récit livien de l’échange de prisonniers opéré par le dictateur Q. Fabius Maximus en 217 – les sénateurs refusèrent de ratifier la solution négociée par le magistrat, en arguant qu’ils n’avaient pas été préalablement consultés et Fabius, pour tenir son engagement vis-à-vis d’Hannibal, dut financer sur ses fonds propres le rachat des prisonniers – montre que les initiatives dictatoriales susceptibles d’entraîner des dépenses militiae étaient soigneusement encadrées par le Sénat. Probablement faut-il penser, avec Cl. Nicolet54, que le dictateur se voyait accorder en une fois les moyens nécessaires à la mission qu’il avait à accomplir et que toute « rallonge » devait faire l’objet d’une négociation avec la curie. Par conséquent, à Rome comme sur les théâtres d’opérations extérieurs, l’autorisation de dépense publique appartenait bien au Sénat. Il faut toutefois relever que l’affectation des fonds alloués aux magistrats en poste dans les provinces paraît ne pas avoir été précisée strictement55, ce qui leur laissait en bonne part les mains libres. Puisque l’autorisation de dépense publique, sauf exceptions ponctuelles, n’était pas émise par les seuls magistrats, les responsables publics qui ne voulaient ou ne pouvaient pas s’appuyer sur la curie se prévalaient-ils systématiquement du vote d’une assemblée populaire ?
Les magistrats légitimés par le vote d’une assemblée populaire
- 56 Nos dépouillements n’ont pris en compte que les attestations explicites de dépenses (il est bien e (...)
- 57 Liv. 42, 1, 6.
- 58 Münzer 1926b, n° 8, col. 1657.
- 59 Manzo 2002, p. 146-147, suivant une hypothèse de F. De Martino, estime que ce plébiscite ne fut pa (...)
- 60 Bleicken 1955, p. 64 rapporte le plébiscite de 172 à l’initiative du consul de 173, L. Postumius A (...)
- 61 Sur la signification de la rupture de 133, Bleicken 1975, p. 315-319.
- 62 On mentionnera également la lex Sempronia sur l’équipement des légions (Stockton 1979, p. 137 ; Pe (...)
- 63 Financement de la lex Sempronia agraria de 133 (Stockton 1979, p. 67-69 ; Roldan Hervas 1982, p. 2 (...)
- 64 Loi de C. Gracchus, rogatio de 119 av. J.-C., indirectement loi Gabinia, lex Clodia frumentaria. S (...)
- 65 Ferrary 2012c, p. 469. Lois Gabiniae (Groebe 1910, p. 374-377) ; loi Manilia (Torelli 1982, p. 3-4 (...)
- 66 D.C. 38, 1, 3-4 et 5, 2. Rotondi 1912, p. 387 ; Ferrary 2012a, p. 10.
- 67 Plu. Caes. 14, 2 ; Cato Mi. 32, 2.
- 68 D.C. 38, 1, 5 et 5, 2.
- 69 Thommen 1989, p. 46 et 52.
11Les magistrats à imperium qui disposaient du droit de convoquer une assemblée du peuple, ainsi que les tribuns de la plèbe, pouvaient théoriquement jouer du iussum populaire pour imposer une dépense à un Sénat récalcitrant56. Parce qu’elle semble avoir complété un SC de l’année précédente57, et parce qu’elle fut émise par le frère d’un préteur tout juste élu58, la rogatio tribunicienne de 172 av. J.-C.59, qui appela les censeurs à procéder à la locatio de l’ager Campanus, ne doit pas relever de ce cas de figure60. Cette solution institutionnelle, en revanche, fut, à partir du dernier tiers du IIe siècle av. J.-C., le propre des tribuns populares, puis de ceux qui servirent d’instrument aux imperatores61. Elle fut par conséquent privilégiée principalement62 dans le cadre de la législation agraire63, de la législation frumentaire64 et des collations d’imperia exceptionnels65. De son côté, le seul consul qui fit voter uniquement par le peuple une série de dépenses fut César, en 59 av. J.-C., lors de l’adoption de sa loi agraire66. Plutarque67 analyse ce comportement comme le calque, par un consul popularis, d’une attitude typiquement tribunicienne. Toutefois, Dion Cassius68 souligne que le financement de la loi avait fait l’objet d’un accord entre César et Pompée, qui portait sur l’utilisation du butin et des nouveaux uectigalia acquis grâce à la campagne d’Orient. Une fois encore s’exprimerait donc la prétention du magistrat responsable de l’acquisition d’une recette à décider de son emploi. On notera en outre que le choix de la procédure législative semble avoir souvent été considéré par ses utilisateurs eux-mêmes comme une solution de repli consécutive à une première phase de négociations infructueuses avec la curie69.
En matière de recettes
12De leur côté, les entrées dues à l’intervention d’un magistrat, agissant sans qu’il soit fait mention du Sénat, sont bien plus nombreuses que celles qui impliquent la curie. À Rome même, elles paraissent a priori émaner essentiellement des responsables publics dépourvus de l’imperium, dans leurs activités juridictionnelles et administratives ordinaires. La capacité des mêmes magistrats à mettre en place des recettes fiscales semble pour sa part avoir été une innovation du dernier quart du IIe siècle. En la matière, on ne peut attribuer aux consuls et aux dictateurs que des interventions exceptionnelles. En revanche, les magistrats supérieurs, dans l’exercice des commandements militaires et provinciaux, alimentèrent la cité républicaine dans ce qui fut longtemps sa source majeure de revenus, le butin et les indemnités de guerre. Le rôle qu’ils jouèrent dans le sens d’une régularisation de la fiscalité provinciale doit par conséquent être examiné.
L’action des magistrats domi
13Les activités des magistrats inférieurs et des censeurs – agissant, à première vue, indépendamment du Sénat – qui donnaient lieu à des entrées pour les caisses publiques consistaient dans les procédures juridictionnelles susceptibles d’aboutir à une amende, dans l’organisation de conlationes, la vente de blé public et la uenditio de terres publiques.
- 70 N’ont été recensées que les attestations qui faisaient explicitement allusion à une condamnation p (...)
- 71 Baltrusch 1989, p. 19.
- 72 Cato In L. Furium de aqua, frg. 73-79 Malcovati ; Liv. 43, 16, 2-16. Becker 1843-1867, II/2, p. 23 (...)
- 73 Liv. 39, 44, 2-3 ; Plu. Cato Ma. 18, 2-3 ; Val. Max. 8, 1. damn. 7 ; Vell. 2, 10, 1. Nicolet 1976b (...)
- 74 Val. Max. 1, 1, 2 ; Liv. 37, 51, 1-5 ; Liv. 40, 42, 8-11 ; Per. 47, 1 ; Cic. Phil. 11, 18. Karlowa (...)
- 75 Édiles plébéiens : Gell. 10, 6, 2-4 ; Ov. fast. 5, 282-294 ; Liv. 27, 6, 19 ; Liv. 30, 39, 10 ; Li (...)
- 76 Plb. 1, 52, 3 ; Cic. nat. deor. 2, 7 ; div. 2, 71 (248 av. J.-C.) ; Frontin str. 4, 1, 45 ; Vir. I (...)
- 77 Plut. TG 10, 8. Mommsen 1889-1896, I, p. 181 ; III, p. 34 ; Kunkel 1995, II, p. 571.
- 78 Liv. 27, 37, 8-10.
- 79 Liv. 30, 26, 6 ; 31, 4, 6 ; 31, 50, 1-3 ; Virlouvet 1985, p. 13 et 108 ; Daguet-Gagey 2015, p. 510 (...)
- 80 Liv. 32, 7, 3 (Sacchi 2004, p. 203, 207, 209-210) ; Cic. leg. agr., frg. 2-3 ; 1, 1-6 ; 1, 13-15 ; (...)
14Les multae70 sont rapportées par les sources à la « juridiction administrative » des censeurs71, qui réprimait l’usage abusif du patrimoine public72 ou les dépenses somptuaires des particuliers73 ; aux pouvoirs coercitifs exercés par le grand pontife sur les membres du collège sacerdotal qu’il présidait74 ; aux procès intentés par les deux catégories d’édiles75 ; aux procès tribuniciens pour amende, tenus devant le concile entre 249 et 104 av. J.-C. pour des faits de perduellio, de mauvais exercice de sa charge par un magistrat et de pecunia capta76 ; au droit des tribuni plebis d’infliger unilatéralement des amendes77. Par ailleurs, les édiles se chargèrent, dans les dernières années de la deuxième Guerre punique, à la fois d’une collatio qui finança une offrande à Iuno Regina78 et de ventes de blé public aux citoyens romains79. Des uenditiones de terres publiques, enfin, furent opérées par les censeurs en 199 av. J.-C. ; la rogatio Seruilia agraria de 63 av. J.-C. prévoyait de confier la même tâche aux décemvirs qu’elle voulait mettre en place80.
- 81 Sacchi 2004, p. 119-128 juge que les différentes uenditiones de l’ager Campanus au IIe siècle av. (...)
- 82 La collecte lancée en 207 av. J.-C. auprès des matrones par un édit des édiles (Liv. 27, 37, 9) ré (...)
- 83 Bleicken 1955, p. 138-139. Liv. 37, 57, 12, pour le procès de M’. Acilius Glabrio, et Plu. Cato Ma (...)
- 84 Sur la question des institutions compétentes pour l’aliénation des terres publiques, Laffi 2012, p (...)
- 85 Cf. les procès tribuniciens de 140 av. J.-C. contre Scipion-Émilien (Gell. 3, 4, 1) et de 104 av. (...)
15Dans un certain nombre de cas, en dépit du silence des sources, il est vraisemblable qu’une décision sénatoriale fut à l’origine de l’action des magistrats, parce que le dossier avait trait aux domaines de compétence traditionnels du Sénat81 ou pour des raisons de procédure82. Quant aux procès tribuniciens pour amende, l’analyse de leur contexte politique suggère que les tribuns servirent le plus souvent de relais soit à la volonté de la curie dans son ensemble, soit aux intérêts particuliers d’un groupe de sénateurs83. Une nouvelle fois, les populares auraient initié un changement des équilibres institutionnels : la rogatio Seruilia agraria transférait aux tribuns et au concile la faculté d’aliéner les terres publiques84. En fait, c’est lorsqu’ils exerçaient leurs prérogatives ou recouraient à la voie pénale pour régler des rancunes personnelles que les magistrats paraissent avoir donné le premier mouvement aux procédures85. Il faut donc globalement conclure à une autonomie restreinte des responsables publics quant à la constitution des recettes financières.
16Les entrées examinées jusqu’à présent correspondent à des recettes ponctuelles. Dans quelle mesure les magistrats en poste à Rome se voyaient-ils reconnaître le droit d’instaurer des revenus fiscaux pérennes ?
- 86 Becker 1843-1867, II/2, p. 231 et 235, parce qu’il faisait du tributum un impôt de quotité, conclu (...)
- 87 D.C. frg. 57, 70.
- 88 Liv. 29, 15, 9.
- 89 De Laet 1949, p. 55-57 considérait que la locatio censoriale de 199 av. J.-C. évoquée en Liv. 32, (...)
- 90 Liv. 29, 37, 3 ; D.C. frg. 57, 70. Cf. Cato, frg. 77 = Serv. Auct. Aen. 4, 244. Voir chapitre 1, « (...)
- 91 Liv. 40, 51, 5 et 8. De Laet 1949, p. 57.
- 92 Liv. 40, 51, 7-8.
- 93 Je ne comprends pas comment Briscoe 2008, p. 547 peut y voir « the use of revenue by the censors »
- 94 De Ruyt 1983, p. 160, 162, 240-242, 251-252, juge p. 355 que les boutiques en question firent l’ob (...)
17Ce point a été discuté pour les censeurs86. Le stipendium annuel imposé à partir de 204 av. J.-C. aux douze colonies latines qui n’avaient pas respecté dans les années précédentes leurs obligations militaires envers Rome est présenté par Dion Cassius87 comme le produit d’une décision des seuls censeurs, mais résulte clairement, chez Tite Live88, d’un SC. Les textes susceptibles de faire allusion à l’instauration de nouvelles taxes89, si les expressions uectigalia/portoria statuere/instituere s’y réfèrent bien, sont peu nombreux : ils se limitent apparemment à la mesure concernant la vente du sel, prise par les censeurs de 204 av. J.-C.90, et aux diverses décisions des censeurs de 17991. Toutefois, la première disposition doit plus vraisemblablement renvoyer à une augmentation du prix de vente du sel, qui entraîna par contrecoup le rehaussement du niveau d’adjudication des contrats conclus avec les salinatores. Les uectigalia de 179, dans la mesure où Tite Live92 fait état de la construction par les censeurs d’un aqueduc et du retour au public de divers lieux de culte, pourraient, eux, avoir correspondu à l’instauration ou la remise en vigueur de droits d’usage93. Les initiatives des censeurs de 179 se limitèrent ainsi peut-être à la locatio des tabernae du marché aux poissons qu’ils avaient fait construire94, donc à la décision d’ériger des bâtiments de rapport.
- 95 Pour la lex Sempronia agraria, Plu. CG 5, 1 et App. BC 1, 89. Pour la rogatio Seruilia agraria, Ci (...)
- 96 Prix de vente du blé public dans la lex Sempronia frumentaria (Vell. 2, 6, 3 ; Per. 60, 7) ; redev (...)
- 97 Stockton 1979, p. 128 ; Perelli 1993, p. 205-206 ; Balbo 2013, p. 112-114 ; France 2021, p. 241-24 (...)
18À partir du tribunat de C. Gracchus, en revanche, des plébiscites proposés sans l’avis formel du Sénat95 inclurent une clause qui introduisait une nouvelle ressource pour la cité96. Ce phénomène, conséquence indirecte du développement d’une législation popularis indépendante, pourrait en fait traduire une volonté de rassurer la curie en réaffirmant, conformément au mos, le statut juridique de l’ager publicus et en garantissant une entrée pour les caisses publiques97.
- 98 Projet de provincialisation de l’Egypte en 65, initié par Crassus – probablement appuyé par César (...)
- 99 Pour l’annexion de Chypre, Fezzi 1999-2000, p. 286 ; Tatum 1999, p. 122 ; Morrell 2017, p. 117 ; D (...)
- 100 Perelli 1993, p. 207.
19Il convient donc peut-être de rapprocher ces mesures des projets de provincialisation promus entre 65 et 50 av. J.-C. par des censeurs ou des tribuns de la plèbe98. L’acquisition de nouvelles provinces avait pour effet direct l’accroissement de l’ager publicus et à terme celui des uectigalia qui y seraient perçus. Les magistrats pourraient en avoir fait un élément de compromis avec la curie, au moment où ils engageaient par ailleurs des dépenses considérables99. Toutefois, dans la mesure où elles empiétaient sur les attributions du Sénat en matière de relations extérieures et d’administration du patrimoine public, et où elles lésaient parfois certains intérêts clientélaires, ces tentatives eurent pour effet d’exacerber les tensions politiques100.
- 101 Gell. 14, 7, 10 fait allusion à la possibilité d’amendes disciplinaires levées sur les sénateurs q (...)
- 102 Liv. 26, 35, 3. Nicolet 1963, p. 424-425 et 431-432 ; Nicolet 1976a, p. 225-228 ; Nicolet 1976b, p (...)
- 103 Liv. 24, 11, 7-8.
- 104 Ce niveau pourrait correspondre soit au niveau minimum de la troisième classe servienne (Nicolet 1 (...)
- 105 App. BC 1, 447, pour les amendes à l’encontre des cités italiennes ; Plu. Sull. 33, 1 ; Caes. 1, 1 (...)
- 106 Sall. hist. 1, 55, 12 M. ; Vervaet 2004, p. 41-46 et 69.
20Consuls et dictateurs, domi, ne paraissent que très rarement avoir présidé seuls à l’établissement d’une recette. Les traces d’amendes consulaires101 sont ténues et semblent surtout avoir servi à régler des inimitiés politiques et personnelles. Par ailleurs, en 210 av. J.-C.102, eu égard aux difficultés de financement de la flotte, les consuls cherchèrent à reproduire, par voie d’édit, la solution mise en œuvre quatre ans auparavant103, c’est-à-dire l’emprunt forcé sur les patrimoines égaux ou supérieurs à 50 000 as104. L’émotion des contribuables fut si vive que les consuls en furent réduits à requérir un SC pour faire appliquer leur décision : la légitimité de mesures financières décidées unilatéralement par les magistrats supérieurs n’était apparemment pas bien grande. Les actes de Sylla accomplis durant sa dictature105, parce qu’ils furent sanctionnés par la lex Valeria et la lex Cornelia de proscriptione106, paraissent eux aussi témoigner du fait qu’un magistrat, fût-il dictateur, ne pouvait faire entrer des fonds dans les caisses publiques qu’en vertu d’un iussum populi.
21En somme, en matière de recettes, les magistrats en poste à Rome ne semblent pratiquement jamais avoir pris d’initiatives indépendantes de la curie avant la fin du IIe siècle av. J.-C., et dans ces circonstances, ils passèrent toujours par un vote du peuple, comme si l’expression de la souveraineté populaire avait été indispensable à la prise d’une décision qui normalement relevait du Sénat. En revanche, les magistrats actifs hors de la péninsule italienne, eux, paraissent avoir disposé de larges marges de manœuvre, non seulement lorsqu’ils imposaient leurs exigences aux ennemis vaincus, mais pour ce qu’ils reversaient dans les caisses publiques.
Le rôle des magistrats hors de l’Vrbs
- 107 Frank 1933, p. 127-138 et Taylor 2017, p. 161-162 pour la période 200-157 av. J.-C. ; Gruen 1984, (...)
22Les magistrats à imperium chargés d’un commandement militaire, puis les gouverneurs de province, furent concrètement responsables de l’essentiel des entrées de la cité républicaine, puisque ces dernières consistaient principalement dans les revenus de la guerre. Or, le butin et son affectation ne furent jamais totalement contrôlés par le Sénat. De plus, les magistrats qui négociaient des accords de paix paraissent avoir, dans ce contexte, disposé en pratique de la faculté d’ordonnancer à moyen terme une recette et de fixer son montant. Pour les années 264-50 av. J.-C., 153 entrées rapportées aux seuls magistrats supérieurs ont été recensées, contre 45 cas où l’on voit intervenir le Sénat. Les premières se répartissent en 108 captures de butin, 37 ou 38 impositions d’indemnités de guerre et 8 livraisons d’or coronaire ; les seconds en 22 acceptations de « dons » effectués par des alliés, 11 négociations concernant des indemnités, 2 décisions de procéder à des ventes ou des confiscations, 9 mesures portant sur des recettes fiscales et une sur le butin. La surreprésentation des informations concernant les magistrats doit, certes, être due au fait que les sources littéraires s’attardent davantage sur l’éclat des exploits militaires que sur le détail des procédures institutionnelles intérieures, mais elle reflète peut-être aussi la répartition typologique effective des entrées de la cité romaine sur la période, et les sphères de compétence que le mos avait affectées aux magistrats et aux sénateurs. Puisque les deux dossiers les mieux documentés sont la praeda et les indemnités de guerre107, c’est à partir d’eux que l’on examinera d’abord les attributions respectives des magistrats et du Sénat. On envisagera ensuite la responsabilité des gouverneurs dans la mise en place d’une fiscalité permanente, à partir du moment où les territoires conquis furent provincialisés.
- 108 Liv. 27, 7, 16 et 27, 22, 9.
- 109 App. Ill. 9. Ferrary 1988a, p. 549-551.
- 110 Karlowa 1885-1901, II, p. 5-7 ; Bona 1960, p. 130 ; Shatzman 1972, p. 188 ; Aberson 1994, p. 71 ; (...)
- 111 Coudry 2009a, p. 27: Cic. Verr. II 1, 55 (M. Claudius Marcellus, L. Cornelius Scipio, T. Quinctius (...)
- 112 Liv. 33, 27, 3 (L. Stertinius) ; Liv. 36, 36, 2 (P. Cornelius Scipio Nasica) ; Cic. Arch. 27 (M. F (...)
- 113 Cic. leg. agr. 1, 12 et 2, 59-60 ; Bona 1960, p. 167-170 ; Jonkers 1963, p. 29-30 et 100 ; Aberson (...)
- 114 Shatzman 1972, p. 183.
- 115 Cadiou 2008, p. 483-486 et 492-501.
- 116 Val. Max. 7, 6, 1c (216 av. J.-C.) ; Liv. 23, 48, 4 (215 av. J.-C.) ; Liv. 28, 25, 9 et 28, 34, 11 (...)
- 117 Plb. 15, 18, 6-7 ; Liv. 30, 16, 3 et 30, 37, 38 ; App. Pun. 131 et 219 (202 av. J.-C.). En outre, (...)
- 118 Oros. 5, 18, 26.
- 119 Coudry 2009a, p. 65-77.
- 120 Zonar. 8, 11 (258 av. J.-C.) ; Eutr. 2, 22, 2 (255 av. J.-C.) ; Zonar. 8, 20 (223 av. J.-C.) ; Plb (...)
- 121 Coudry 2009a, p. 23.
- 122 Cela semblerait avoir été le cas notamment lors du triomphe de Pompée en 61, si l’on confronte les (...)
23L’éloignement géographique laissait une large autonomie aux magistrats, en particulier quant à la décision de faire du butin. On n’a trace d’ordres explicites de pillage donnés par le Sénat qu’au cours de la deuxième Guerre punique108, puis en 167 av. J.-C109. Les pouvoirs du magistrat relativement à la praeda peuvent être appréciés sur trois points, l’importance des manubiae – puisqu’il est reconnu que cette partie du butin relevait du titulaire de l’imperium110 , la disposition qui était faite du butin sur le terrain, et l’ampleur des gratifications accordées aux troupes. Les sources évoquent souvent les manubiae versées au Trésor pour construire des exempla de responsables publics vertueux, ayant renoncé à toute appropriation personnelle du butin111. Toutefois, les occurrences de travaux ou d’ornamenta urbains réalisés de manubiis sont plutôt plus nombreuses que celles de dépôts à l’Aerarium112 : les magistrats romains utilisaient donc les manubiae pour des projets qui contribuaient à illustrer leur gloire plus que pour enrichir la communauté. Si la rogatio Seruilia agraria constitua bien la première tentative pour établir une comptabilité publique des manubiae113, ces dernières n’étaient auparavant pas contrôlées par les autorités114. Par ailleurs, les généraux romains étaient-ils libres d’utiliser le butin comme ils l’entendaient, notamment pour entretenir leurs troupes ? Fr. Cadiou115, à partir du dossier de la péninsule ibérique, a défendu l’idée que la praeda, avant les guerres civiles du Ier siècle av. J.-C., ne servait pas à financer directement la solde des légions. L’argument qu’il invoque est que l’acheminement du butin vers Rome ne cessait pas lorsque l’armée romaine, sur tel ou tel théâtre d’opérations, manquait de tout. Les indications explicites d’un prélèvement sur les vaincus destiné au stipendium sont cependant présentes dans les sources116, et on peut les compléter par les mentions d’utilisation des indemnités de guerre à cette fin117. L’épisode fameux de Cn. Pompeius Strabo118 qui, durant les mois les plus critiques de la Guerre Sociale, ignora superbement le vœu, émis par les sénateurs, que son butin servît au financement de la solde, suggère que pour la curie, cette solution s’imposait naturellement en cas de difficulté financière. La réticence du magistrat témoignerait de l’évolution des rapports des responsables publics avec la cité au Ier siècle av. J.-C., ou de la volonté du commandant des légions de se réserver la décision de l’emploi du butin. Enfin, M. Coudry119 a dressé la liste des distributions opérées au profit des soldats, sur le théâtre d’opérations comme à Rome, après le triomphe. Sur le terrain, dans près de 40% des cas, la praeda fut intégralement abandonnée aux soldats120. L’exemple déjà cité de Pompeius Strabo montre que la curie ne disposait à ce moment-là d’aucun moyen concret de contrainte sur le général121. Lorsqu’il est possible de comparer le montant versé au Trésor et celui des gratifications opérées au profit des troupes, durant la campagne ou à son issue (tableau ci-dessous), il semblerait qu’en dépit de la difficulté à mettre en perspective des valeurs exprimées en unités différentes, le total de ce qui fut remis aux soldats avoisina parfois les rentrées de l’Aerarium122.
- 123 L’estimation des effectifs militaires est tirée des tableaux récapitulatifs de Toynbee 1965, II ; (...)
Date, circonstances, source | Versement au Trésor | Montant estimé du versement aux troupes123 |
207, triomphe suite à la victoire du Métaure, Liv. 28, 9, 16-17 | 3 M HS, 80 000 as | 56 as par tête, soit 2 légions ? (Liv. 27, 36, 12, Toynbee p. 648) (légions de 4 500 hommes pour P. Brunt) |
201, triomphe suite à Zama, Liv. 30, 45, 3 | 123 000 livres d’argent | 400 as par tête, soit 2 légions (Toynbee p. 649, Brunt p. 656). |
200, triomphe sur l’Hispanie, Liv. 31, 20, 7 | 43 000 livres d’argent, 2450 livres d’or | 120 as par tête, soit 1 légion (Brunt p. 661) ou 2 |
197, triomphes sur les Gaulois des deux cos, Liv. 33, 23, 7-9 | 237 000 as, 79 000 pièces d’argent + 254 000 as, 53 200 pièces d’argent | 70 as par tête, 140 pour un centurion, 210 pour un cavalier (4 légions ?, Toynbee p. 652) |
196, triomphe sur les Gaulois, Liv. 33, 37, 11 | 320000 as, 234 000 pièces d’argent | 80 as par tête, 240 as pour les centurions et les cavaliers (2 légions ? Toynbee p. 652) |
194, triomphe sur l’Hispanie, Plu. Cato Ma. 10, 4 ; Liv. 34, 46, 2-3 | 25 000 livres d’argent, 12 3000 deniers, 540000 monnaies d’Osca, 1400 livres d’or | 1 livre d’argent par tête sur le terrain, puis 270 as par tête, et 810 as par cavalier : 3 légions |
194, triomphe de Flamininus, Liv. 34, 52, 2-12 | 43 270 livres d’argent, 84 000 tétrachmes d’argent du poids de 3 deniers, 3 740 livres d’or, 14514 philippes d’or, objets d’or et d’argent | 250 as par tête, 500 pour les centurions, 750 pour les cavaliers (2 légions ? Toynbee p. 652) |
191, triomphe sur les Gaulois, Liv. 36, 40, 10-11 | objets précieux, 1 471 torques d’or, 247 livres d’or, 22 340 livres d’argent, 234000 bigats | 125 as par tête, 250 par centurion et 375 par cavalier (2 légions ? Toynbee p. 652) |
189, triomphe de L. Scipion, Liv. 37, 59, 2-6 | objets précieux, 137 420 livres d’argent, 224 000 tétrachmes attiques, 321 700 cistophores, 140 000 philippes d’or, 1 423 livres d’argenterie, 1 023 livres de vaisselle d’or | 25 deniers par tête, 50 par centurion, 75 par cavalier ; double solde après la bataille et après le triomphe (4 légions ? Toynbee p. 652) |
187, triomphe de M. Fulvius Nobilior, Liv. 39, 5, 13-17 | 83 000 livres d’argent, 243 livres d’or, 118 000 tétrachmes attiques, 12 322 philippes, objets précieux | 25 deniers par tête, 50 par centurion, 75 par cavalier (?) |
186, triomphe de Cn. Manlius Vulso, Liv. 39, 7, 1-3 | 220 000 livres d’argent, 2 103 livres d’or, 127 000 tétrachmes attiques, 250 000 cistophores, 16 320 philippes | 42 deniers par tête, 84 par centurion et 126 par cavalier ; double solde (?) |
181, triomphe sur les Ligures, Liv. 40, 34, 8 | seulement des couronnes d’or | 300 as par tête (2 légions ? Toynbee p. 652) |
180, triomphe sur l’Hispanie, Liv. 40, 43, 6 | 31 livres d’or, argent, 173 200 monnaies d’Osca | 50 deniers par tête, 100 par centurion, 150 par cavalier, idem pour les alliés latins ; double solde (2 légions) |
179, triomphe sur les Ligures, Liv. 40, 59, 1-3 | armes | 300 as par tête, 600 par centurion et 900 par cavalier (2 légions ?) |
178, triomphes sur l’Hispanie, Liv. 41, 7, 2-3 | 40 000 livres d’argent + 22 000 | 25 deniers par tête, 50 pour les centurions, 75 pour les cavaliers ; idem pour les alliés (3 légions) |
177, triomphe sur les Ligures, Liv. 41, 13, 6-8 | 307 000 deniers, 85 702 victoriats | 15 deniers par tête, 30 pour les centurions, 45 pour les cavaliers, la moitié pour les alliés (1 légion ? Toynbee p. 652) |
167, triomphe sur la Macédoine, Liv. 45, 34, 1-7 et 40,1 et 5 | 120 M HS en or et argent | 100 deniers par tête, 200 par centurion, 300 par cavalier (le pillage de l’Épire a rapporté 200 deniers par tête, 400 par cavalier) : 4 légions ? (Toynbee p. 652) |
167, triomphe naval d’Octavius sur Persée, Liv. 45, 42, 2-3 | modeste | 75 deniers par tête, 150 pour les pilotes des navires, 300 pour les capitaines |
167, triomphe sur l’Illyrie, Liv. 45, 43, 4-8 : en tout 20 M HS | 27 livres d’or, 19 livres d’argent, 13 000 deniers, 120 000 pièces d’argent illyriennes | 45 deniers par tête, 90 pour les centurions, 135 pour les cavaliers ; autant pour les alliés latins et les marins |
69, prise de Tigranocerte, Plu. Luc. 29, 3-4 | 8 000 talents | 800 drachmes par tête |
61, Pompée, Plu. Pomp. 45, 4 ; App. Mith. 565, 570 | 75 M 100 000 drachmes / 20 000 talents | 16 000 talents en tout (1 500 drachmes par tête, plus aux officiers) |
- 124 Pour le rôle du consilium, Plb. 27, 8, 2, 6 et 13 ; Liv. 30, 31, 9.
- 125 Willems 1885, II, p. 366 et 472-476 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 379-380, 383, 385-386.
- 126 Liv. 38, 8, 9-10 et 13.
24Sur le dossier des indemnités de guerre, la répartition des tâches entre magistrat et Sénat avait été pensée par l’historiographie du XIXe siècle à partir d’un critère, le caractère provisoire ou définitif du règlement adopté. Le magistrat, secondé par son consilium124, avait toute liberté pour conclure des indutiae et conditionner à des prérequis financiers l’envoi d’une ambassade ennemie à Rome ; il pouvait négocier un accord préliminaire avec les adversaires de l’Vrbs, mais seuls le Sénat et le peuple romains étaient susceptibles de ratifier une paix125. Or, les magistrats, à partir de la deuxième Guerre punique, prirent l’habitude d’exiger des indemnités dès que leurs adversaires se trouvaient en position de faiblesse – donc hors du cadre de la conclusion d’une paix durable, et avec la possibilité de garder la maîtrise des sommes en question. Si l’on considère les négociations qui débouchèrent véritablement sur un traité, le récit livien126 des tractations, en 189, de M. Fulvius Nobilior avec les Étoliens montre qu’au fil de la discussion, le consul réduisit de moitié ses prétentions financières. Ceci suggère non seulement qu’il n’avait pas arrêté de ligne personnelle sur ce sujet, mais qu’il n’avait pas reçu de consigne stricte du Sénat. Lorsqu’on connaît les conditions financières énoncées par le magistrat sur le terrain et celles ensuite ratifiées par le Sénat (tableau ci-dessous), on observe que les sénateurs, dans la moitié des cas, suivirent l’avis du magistrat. Celui-ci, pour peu qu’il ait remporté une victoire nette et n’ait pas donné l’impression de subordonner les intérêts financiers de la cité à sa propre gloire, voyait donc ses décisions avalisées par la curie.
- 127 Schmitt 1969, p. 137-140, n° 479 ; Eckstein 1980, p. 184-192.
- 128 Schmitt 1969, p. 173-181, n° 493 ; Scardigli 1991, p. 205-243.
- 129 Schmitt 1969, p. 291-308, n° 548 ; Scardigli 1991, p. 297-345.
- 130 Walbank 1940, p. 176-180.
- 131 Texier 1975, p. 84-85 et 88 ; Gruen 1984, I, p. 291 et 455.
- 132 Gruen 1984, I, p. 26-32, 291, 293.
- 133 Taübler 1913, p. 101-105 ; Gruen 1984, I, p. 639-643 ; Grainger 2002, p. 334.
Date/événement | Conditions financières négociées par le magistrat | Clauses définitives après ratification sénatoriale |
263, paix avec Hiéron II de Syracuse127 | Plb. 1, 16, 9 ; D.S. 23, 4, 1 ; Oros. 4, 7, 3 | Plb. 1, 17, 1 : ratification par le peuple |
241, fin de la première Guerre punique128 | Zonar. 8, 17, 4 : trêve avec fourniture d’argent et de blé Plb. 1, 62, 9 ; Liv. 21, 40, 5 ; App. Sic. 2, 2 ; Zonar. 8, 17, 4 : 2 200 talents euboïques sur 20 ans : plutôt favorable aux Carthaginois |
Plb. 1, 63, 3 ; 3, 27, 5 ; Oros. 4, 11, 2 ; Zonar. 8, 17, 6 : rectificatif à la hausse par le peuple, de 1 000 talents ; somme totale à payer sur 10 ans |
203/201, fin de la deuxième Guerre punique129 : premier accord | Plb. 15, 8, 7 ; Liv. 30, 16, 10-12 ; App. Pun. 130 ; D.C. frg. 57, 74 | App. Pun. 132 ; Eutr. 3, 21, 2 : dossier renvoyé à Scipion |
deuxième accord | Plb. 15, 18, 6-8 ; Liv. 30, 37, 5 ; App. Pun. 235 : 10 000 talents sur 50 ans | Idem : Liv. 30, 43, 1-11 : intercession consulaire, vote du peuple, SC instaurant une commission de dix légats ; Oros. 4, 19, 5 : ex uoluntate Scipionis |
196, fin de la guerre contre Philippe V130 | Plu. Flam. 9, 8 : 1 000 talents | App. Mac. 9, 3 : un SC augmente la somme ; Plb. 18, 44, 1 et 7 ; Liv. 33, 30, 7 |
195, fin de la guerre contre Nabis131 | Liv. 34, 35, 11 ; 34, 40, 4 : 100 talents comptants et 50 par an sur 8 ans | D.S. 28, 13, 1. |
189, règlement de la paix avec les Étoliens132 | Plb. 21, 30, 2 et 10 ; Liv. 38, 9, 9-10 : 200 talents immédiatement, puis 6 annuités de 50 talents | Liv. 38, 11, 2-9 : conditions similaires à celles données par le consul |
188, paix avec Antiochos III133 | Plb. 21, 17, 4-5 ; Liv. 37, 45, 14 ; D.S. 29, 10 ; App. Syr. 38-39 : 15 000 talents, 500 comptants et 1 000 par an sur 12 ans | Plb. 21, 24, 12 ; 21, 42, 19 et 23 ; Liv. 37, 55, 2-5 : les légats sénatoriaux demandent la livraison de 2 500 talents avant la ratification finale de l’accord ; Liv. 38, 38, 13 ; App. Syr. 39 |
141, accord de Q. Pompeius (apparemment assisté d’une commission sénatoriale) avec Numance | App. Hisp. 341-342 : 30 talents | App. Hisp. 344 : refus du Sénat |
113 ?, accord de Calpurnius Bestia avec Jugurtha | Sall. Jug. 29, 5-6 : versement d’une petite quantité d’argent | Per. 64, 1 : non-approbation par le Sénat |
Les gouverneurs pouvaient-ils instituer des recettes fiscales ?
- 134 France 2021, p. 264-265.
- 135 Caton pour les mines d’Hispanie en 195 av. J.-C. : Liv. 34, 21, 7 ; M. Fonteius, pour le portorium (...)
- 136 Lex de prouinciis praetoriis, copie de Cnide, col. IV, l. 25-30 = Crawford 1996, I, n° 12, p. 242. (...)
- 137 Les pouvoirs de L. Calpurnius Piso en Macédoine découlaient de la lex Clodia de prouinciis consula (...)
- 138 Willems 1885, II, p. 707-708. Les tensions concernant la ratification des acta de Pompée en Orient (...)
25Enfin, les gouverneurs de province disposaient-ils du pouvoir d’instituer de leur propre chef des taxes pérennes134 ? Rapportées uniquement à un magistrat, l’expression uectigalia/portoria instituere/constituere, la mention selon laquelle un territoire fut rendu stipendiarius pour la première fois, ou l’évocation du fait qu’à partir d’un certain moment, une somme fut exigée in annos singulos135 peuvent-elles être interprétées en ce sens ? Globalement, les analyses qui ont été proposées des textes en question concluent plutôt que les magistrats agirent en vertu d’un SC136 ou d’une loi137, ou pour le moins qu’il était attendu que leurs actes fussent ratifiés en aval par un SC138. En somme, si les responsables publics en poste à l’extérieur de Rome se voyaient reconnaître une large initiative quant aux recettes irrégulières, la maîtrise de l’instauration des recettes fiscales semble être restée au Sénat.
- 139 Mommsen 1889-1896, I, p. 336-337 et n. 1, puis p. 338-339 évoquait une évolution chronologique qui (...)
- 140 Plb. 6, 15, 4 ; 6, 15, 6 ; 6, 15, 7-8.
- 141 Biscardi 1987, p. 55 souligne que l’organe institutionnel détenteur de l’auctoritas ne disposait d (...)
26Globalement donc, la prise de décision financière du magistrat était bien circonscrite. La souscription de 210 av. J.-C., pour exceptionnel que soit son contexte, démontre que les responsables publics souffraient d’un déficit de légitimité et que l’autorisation de recette et de dépense publique appartenait au Sénat. Celui-ci semble avoir mis un point d’honneur, au moins à l’époque médio-républicaine, à exercer pleinement ses prérogatives, notamment lorsqu’il s’agissait d’accorder un « supplément budgétaire ». Les magistrats ne disposaient d’une relative marge de manœuvre que dans un domaine « administratif » et juridictionnel limité, qui recouvrait l’ordonnancement des dépenses mineures récurrentes et l’imposition, en vertu de leurs pouvoirs coercitifs, de sanctions pécuniaires. À partir de l’époque gracchienne, la sphère d’intervention du peuple s’élargit, mais elle ne semble jamais, y compris pour ceux qui y eurent recours, s’être totalement substituée à la sanction sénatoriale. Avant les grands imperatores du Ier siècle, il est vraisemblable que c’est faute d’accord avec les sénateurs, et en espérant trouver à terme un terrain d’entente avec eux, que les tribuns firent adopter par le concile des dispositions financières. Le point faible du système républicain paraît donc avoir résidé dans la liberté laissée aux magistrats d’user comme ils l’entendaient des recettes qu’ils avaient assurées et des crédits qui leur avaient été accordés139. On a ainsi l’impression que les moyens de pression du Sénat sur les magistrats titulaires de commandements militaires et provinciaux, tels qu’ils sont évoqués par Polybe140, avaient une efficacité limitée141.
Les compétences sénatoriales
- 142 Mommsen 1889-1896, VII, p. 365, 367-368, 379 ; Mispoulet 1882-1883, I, p. 173 et 175 ; De Sanctis (...)
- 143 Mommsen 1889-1896, VII, p. 227-228, 233 et 457, tout en admettant que leurs limites étaient diffic (...)
- 144 Willems 1885, II, p. 341 et 344 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 379 et 382-383. De Martino 1972-1975, (...)
27La sphère d’intervention du Sénat républicain, respectivement à celle des magistrats supérieurs, a été définie par les ouvrages de droit public du XIXe siècle suivant trois hypothèses : on a pensé que les sénateurs œuvraient dans le cadre de « domaines réservés », notamment les relations extérieures142, que l’intervention de la curie était indispensable dès lors qu’un acte ne rentrait plus dans les limites de l’administration ordinaire143, ou quand il s’agissait de donner un caractère de permanence à une disposition144. L’examen des SC qui ouvrirent à une recette ou une dépense permet-il de privilégier l’une ou l’autre de ces options ?
- 145 Liv. 26, 23, 3.
- 146 Liv. 27, 23, 6-7. Gagé 1955, p. 281 considère que les deux passages renvoient à différentes étapes (...)
- 147 L’enquête a porté, dans la BTL, sur les expressions quotannis, in annos singulos et in perpetuum, (...)
28À ma connaissance, un seul épisode, transmis par Tite Live, rapporte la pérennisation d’une mesure financière à un SC, et encore est-ce indirectement. Il s’agit, en 211 av. J.-C., de la décision de célébrer désormais les ludi Apollinares chaque année, ce qui impliquait l’instauration d’une dépense récurrente145. Or, le récit livien évoque, pour l’année 208 av. J.-C., une nouvelle opération dans le même sens, qui confia cette fois à la loi le soin de donner permanence aux jeux d’Apollon146. Le recours à la souveraineté populaire s’explique-t-il par le fait que la pérennisation d’une décision s’opérait préférentiellement par la loi ? Le relevé des mesures financières qui firent l’objet d’un acte destiné à les rendre perpétuelles amène à conclure que c’était en effet la voie législative qui était le plus souvent utilisée à cette fin147. Par conséquent, la sanction sénatoriale ne paraît pas avoir été principalement destinée à donner une validité permanente à l’acte d’un magistrat.
- 148 De Martino 1972-1975, I, p. 480.
- 149 Mommsen 1888, III/2, p. 1029 (die Einberufung der Bürger zum Kriegsdienst, respectivement à die An (...)
- 150 La répartition par catégories des recettes « extraordinaires » ratifiées par le Sénat s’établit co (...)
- 151 Dons ou récompenses, financement des guerres, achats publics de blé, remboursements et sujets vari (...)
- 152 On en a trace pour les années 210, 205, 203, 200, 197, 192, 189, 173, 172, 170, 168, 167 et 166 av (...)
- 153 De même, la détermination des provinces, leur répartition et leur ornatio étaient de toute évidenc (...)
- 154 Mommsen 1889-1896, II, p. 287 et 289-290. Ils sont attestés en 200, 191, 177 et 171 av. J.-C. (Liv (...)
- 155 William Rasmussen 2003, catalogue n° 34, 35, 40, 44, 48, 52, 53, 60, 61, 66-69, 71, 74-75, 77-78.
- 156 Liv. 36, 21, 9 (Thermopyles) ; 37, 47, 5 (Myonnèse) ; 37, 52, 2 (Magnésie) ; 45, 2, 8 (Pydna).
- 157 De tels actes sont très rarement rapportés à des magistrats. Liv. 37, 7, 2-3 fait état d’une tenta (...)
- 158 App. Hisp. 182-183 (154 av. J.-C.) ; Oros. 5, 13, 3 (121 av. J.-C.) ; Bell. Hisp. 42, 2 (62 av. J. (...)
- 159 Plb. 6, 17, 5 ; Cic. Verr. II 3, 168 ; peut-être Liv. 39, 44, 8 ; Plu. Cato Ma. 19, 2 et Flam. 19, (...)
- 160 Plb. 21, 3, 3 ; D.S. 28, 15, 1 ; App. Syr. 23 et Mac. 9, 5 (191 av. J.-C.). Cf. Liv. 37, 25, 12.
29F. De Martino148 avait pour sa part critiqué la thèse mommsénienne d’une compétence spécifique du Sénat sur les actes de l’administration extraordinaire : la gestion de l’ager publicus, dont selon lui découlait l’essentiel des attributions financières de la curie, ne pouvait relever de cette catégorie. En tout cas, la classification mommsénienne des actes du magistrat se révèle problématique, puisqu’elle conduit à considérer par exemple que « l’appel des citoyens au service militaire » était un acte ordinaire, mais « l’ordre de former l’armée » et son corrolaire, le recours au tributum, une décision extraordinaire, qui par là même exigeait la coopération du Sénat149. Comme il s’agit de deux étapes d’une même procédure, la distinction mommsénienne de la sphère extraordinaire et de la sphère ordinaire semble en fait recouper celle de la « décision politique » et de l’« exécution administrative ». Si l’on tente donc d’établir une typologie des SC à contenu financier, en séparant simplement les décisions votées annuellement de celles prises au cas par cas, il apparaît que près de 90% des SC relatifs à des recettes furent des mesures exceptionnelles, parce qu’ils répondaient aux vicissitudes d’un contexte de guerre150. Un peu plus d’un tiers des 145 décisions sénatoriales que nous avons recensées et qui engagèrent des sorties se rapportent également à des dépenses extraordinaires151. Certes, sur la période couverte par les sections conservées des troisième, quatrième et cinquième décades de Tite Live, la récurrence des dépenses d’ordre diplomatique152 et religieux suggère qu’elles devaient en pratique être votées tous les ans, même si les sources n’en n’ont pas au sens strict gardé trace pour chaque année153. Or, ces deux types de sorties correspondent à la moitié du total. À bien regarder, cependant, à côté des sacrifices d’entrée en charge des consuls154, les dépenses religieuses paraissent souvent avoir consisté dans des offrandes ou des victimes destinées à procurer des prodiges155 ou à célébrer des victoires de la cité romaine156. Les SC qui en décidaient répondaient donc à des événements jugés majeurs pour la collectivité, mais ne témoignent pas réellement d’une prise en compte prévisionnelle et régulière du financement du culte public. Par ailleurs, jusqu’à la dictature de Sylla, le Sénat semble bien avoir eu le monopole des actes financiers dérogatoires157. On en a mention relativement aux recettes fiscales provinciales, sous la forme d’octrois ou de retraits d’exemptions158 ou de révision des contrats censoriaux159, et relativement à la clause d’un traité portant sur des indemnités de guerre160. En l’occurrence, il semble que le Sénat exerçait simplement le droit de rectifier ses actes antérieurs inscrits dans une lex prouinciae ou un traité. Au total, s’il est possible de caractériser les actes financiers du Sénat comme extraordinaires, c’est parce qu’ils s’efforçaient de répondre au coup par coup aux événements décisifs pour la cité.
- 161 Coudry 1989, p. 13. Cic. Sest. 137 ; rep. 2, 56 ; leg. 3, 28.
- 162 Coudry 1989, p. 15 et 768.
30Par conséquent, est-il possible de rattacher l’activité du Sénat à des domaines de compétence qui lui seraient propres ? M. Coudry relève que ce n’est jamais en ces termes que raisonnent les textes théoriques de Cicéron sur le Sénat161. De fait, le classement typologique des SC financiers indique clairement qu’ils portaient sur les sujets les plus variés. En pratique, la fonction du Sénat était de garantir la pérennité de la res publica162, ce qui explique qu’il ait eu à agir dès que la pax deorum menaçait de se rompre ou dès qu’une menace ennemie mettait en jeu l’existence de la communauté.
- 163 En 238 et 189 av. J.-C. en particulier (Plb. 3, 27, 8 ; 21, 32, 8-9).
- 164 Voir l’inventaire des richesses des temples en 212 av. J.-C. (Liv. 25, 7, 5-6), la décision de pro (...)
- 165 Cf. la suppression du uectigal versé par les bénéficiaires de la lex Sempronia agraria, à l’initia (...)
31Pour sa part, le renforcement d’un SC à contenu financier par le vote d’une loi paraît avoir été utilisé, avant l’époque gracchienne, dans deux cas de figure, la ratification d’un traité163 et la mise en œuvre d’une disposition jusque-là inédite, qui engageait le patrimoine civique164. Par la suite, le courant optimate semble avoir instrumentalisé le vote du peuple, dans les phases de tension politique, pour asseoir la légitimité de ses propres initiatives face aux plébiscites promus par les populares165.
La procédure de la prise de décision financière au Sénat
- 166 Coudry 1989 ; Ryan 1998.
- 167 Coudry 1989, p. 454 (il n’est pas rare que les sénateurs aient sollicité le magistrat pour faire m (...)
- 168 Il faut cependant relever l’existence de divergences entre les positions de M. Coudry et de F. X. (...)
32Notre connaissance du fonctionnement du Sénat républicain a été notablement renouvelée dans les années 1980-1990 par les monographies de M. Coudry et F. X. Ryan, qui l’une et l’autre se sont intéressées à la question de l’initiative166. Elles ont notamment mis en évidence l’influence exercée par les sénateurs sur le magistrat qui présidait leurs débats167 et la possibilité pour les rangs les moins élevés de la curie non seulement de s’exprimer, mais d’emporter la partie168. L’analyse des séances du Sénat où furent abordées les questions financières – calendrier, initiative, méthodes utilisées pour assurer l’information des sénateurs, processus de prise de décision – confirme-t-elle ces conclusions ?
Le calendrier des débats financiers
- 169 Coudry 1989, p. 262-267, 274, 283, 313 et 318, 320-324.
- 170 Rafferty 2019, p. 87-100.
- 171 Jusqu’à Sylla, les élections consulaires se tenaient en novembre, et les consuls rejoignaient leur (...)
33À partir des indications des livres XXI-XLV de Tite Live, M. Coudry169 a établi que le travail du Sénat républicain s’articulait autour d’une date-charnière qui était celle de l’entrée en charge des consuls, donc le 15 mars jusqu’en 153 av. J.-C., puis le 1er janvier. Les demandes de triomphe étaient généralement débattues en fin d’année, après le retour des consuls à Rome pour les comices électoraux, tandis que l’année civile s’ouvrait par le traitement des questions religieuses, le vote du SC organisant la campagne militaire, éventuellement la conclusion d’un règlement de paix et la réception des ambassades étrangères. Or, le triomphe donnait lieu au dépôt au Trésor Public du butin, qui constitua durant la plus grande partie de l’époque républicaine la principale recette des caisses publiques, tandis que l’ornatio prouinciarum170 conditionnait les crédits de guerre, c’est-à-dire la sortie la plus importante. En outre, on a trace à plusieurs reprises au IIe siècle av. J.-C. du fait que des ambassades de puissances alliées proposèrent aux Romains leur aide matérielle, alors que ces derniers s’engageaient dans un conflit d’envergure, et ce juste après l’adoption du SC sur la guerre. Les séances du Sénat comprises entre novembre et avril171 équivalaient-elles par conséquent à une sorte de « débat budgétaire » où les sénateurs, après avoir pris connaissance de l’encaisse disponible, décidaient des dépenses pour l’année ?
- 172 18 des 30 années pour lesquelles on a mention de plusieurs SC à caractère financier.
- 173 La deuxième Guerre punique, la guerre contre Antiochos III de Syrie, la troisième Guerre de Macédo (...)
- 174 Les choses pourraient avoir évolué à partir de l’époque gracchienne, Rafferty 2019, p. 88, 94-96, (...)
34Pour apprécier si les Romains connaissaient l’unicité de la décision budgétaire, il faut donc, sur un récit historique continu tel que celui de Tite Live, établir si la décision de dépense publique s’opérait en une fois et à un moment précis de l’année, ou si elle se faisait « au fil de l’eau », en fonction des aléas. Les Ab Vrbe condita libri incluent, pour 38 des 50 années correspondant à la période 217-167 av. J.-C., des indications concernant le vote de SC à caractère financier, mais ce n’est que pour 30 de ces 38 années que plusieurs décisions de la curie sont connues et datables. Il en ressort qu’on laissait aux magistrats suprêmes de la cité la convocation des séances sénatoriales susceptibles d’ouvrir à une dépense publique. Une bonne moitié de ces dernières fut votée entre l’entrée en charge des consuls et leur départ pour leurs provinces, et 20 % supplémentaires à leur retour à Rome, en fin d’année. Les sorties décidées au printemps portaient principalement sur les cérémonies religieuses accompagnant le début de l’année civile, ainsi que sur l’équipement des légions ; les dépenses de fin d’année étaient plus variées mais fréquemment liées à la clôture de la campagne militaire (sacrifices de victoire, paiement de la solde, présents diplomatiques). Toutefois, dans pratiquement les deux tiers des cas172, la période estivale voyait l’adoption d’une seconde série de SC financiers, le plus souvent dans le cadre d’une séance présidée par le préteur urbain. La nature des dépenses engagées et le contexte des années concernées suggèrent que l’échelonnement du vote des sorties caractérisait généralement une guerre extérieure majeure173, et donc répondait aux nécessités stratégiques ou logistiques du moment. Aux IIIe-IIe siècles av. J.-C., le calendrier des séances du Sénat ne paraît donc pas avoir prévu davantage que le regroupement en début d’année civile de l’engagement des dépenses les plus immédiates, et avoir ensuite fait prévaloir la souplesse dans l’inscription à l’ordre du jour de telle ou telle question174.
L’initiative
35Par ailleurs, à qui l’initiative en matière financière revenait-elle ? À côté du magistrat qui présidait la réunion du Sénat, voit-on d’autres individus intervenir pour porter devant la curie des dossiers susceptibles de déboucher sur une recette ou une dépense publique ?
- 175 Consuls : Val. Max. 4, 4, 6 ; Val. Max. 7, 6, 1a ; sans doute, indirectement, Liv. 24, 7, 10 ; Liv (...)
- 176 Mommsen 1889-1896, VII, p. 347-350.
- 177 Liv. 28, 38, 14 ; 39, 5, 7-11 ; 40, 44, 8-12.
- 178 Pour preuve, la séance du Sénat où Scipion, en 205 av. J.-C., se vit refuser les fonds nécessaires (...)
36L’inscription d’une question financière à l’ordre du jour de la curie est très majoritairement rapportée par les sources à un magistrat en exercice175. T. Mommsen176 opposait les SC de pure forme, requis par un responsable public susceptible d’adresser ensuite directement un ordre de paiement aux questeurs, et les SC votés à l’initiative des magistrats dépourvus de cette capacité : dans ce second cas, la force obligatoire de l’acte émanait du Sénat. Selon l’historien allemand, la première situation correspondait aux fonds demandés par un consul pour lui-même, c’est-à-dire essentiellement aux dépenses militaires, tandis que la seconde recouvrait les situations où l’ordonnateur et le bénéficiaire ne se confondaient pas. En pratique, les distinctions mommséniennes ne semblent pas totalement opératoires, puisqu’elles supposent qu’un consul cessait d’exercer la plénitude de ses prérogatives dès lors qu’il agissait dans l’intérêt d’un autre que lui-même. Si l’on s’en tient au cas des consuls, on observe que la documentation se répartit également entre relationes concernant une dépense militaire et relationes ayant trait à une dépense civile, et que les unes comme les autres pouvaient bénéficier à des personnes différentes du consul lui-même. L’usage voulait notamment que les consuls saisissent le Sénat avant de célébrer des ludi, pour obtenir le déblocage des sommes, réservées à cette fin sur le butin, qui avaient été déposées à l’Aerarium177. Il n’y avait donc pas de SC formels178 : puisque l’accord de la curie était indispensable pour qu’une somme sorte des caisses publiques, les magistrats, quand ils voulaient accomplir un acte qui réclamait un financement, devaient en référer au Sénat.
- 179 Coudry 1989, p. 454.
- 180 Liv. 29, 15, 1-5 (204 av. J.-C. : règlement du sort des colonies latines qui n’avaient pas rempli (...)
- 181 Coudry 1989, p. 476.
- 182 La disposition est interprétée par Nicolet 1976a, p. 210 ; Buraselis 1996, p. 165-166 ; Briscoe 20 (...)
37Quel était alors le rôle des sénateurs eux-mêmes ? Des 15 relationes suscitées par une initiative des sénateurs et recensées par M. Coudry179, cinq avaient un caractère financier ou des implications financières immédiates180. Comme le souligne M. Coudry181, le contexte du débat put dans certaines circonstances favoriser l’intervention des sénateurs. Les initiatives de ces derniers, en 204, semblent ainsi s’être placées durant la séance destinée à déterminer l’ornatio des provinces, c’est-à-dire lors du principal débat à caractère financier de l’année. Le cas de la mesure de 187 av. J.-C., prise à l’initiative des amis du triomphateur Cn. Manlius Vulso et financée sur son butin, afin, déclare Tite Live, d’entretenir sa popularité182, suggère que des groupes de pression se constituaient ponctuellement à l’intérieur de la curie pour obtenir un SC satisfaisant leurs objectifs. L’exemple du remboursement de l’emprunt de 210 av. J.-C. est le mieux connu. Ce fut l’implication du consulaire autrefois responsable de l’adoption de la mesure, M. Valerius Laevinus, qui permit la réouverture du dossier. Ceci indiquerait ou que les magistrats sortis de charge veillaient à assurer le « suivi » des questions dont ils s’étaient occupés durant leur mandat, ou qu’un responsable public qui s’était en quelque sorte personnellement engagé par devers un groupe de citoyens relayait ensuite leurs intérêts devant la curie, en tentant de faire adopter un SC en leur faveur.
- 183 Liv. 31, 13, 2.
- 184 Il semble que le manceps qui avait souscrit un contrat public se voyait reconnaître un droit d’acc (...)
- 185 Nicolet 1976b, p. 77 ; Buraselis 1996, p. 159 ; Saccoccio 2004, p. 323 et p. 341, n. 29.
- 186 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17. Badian 1972, p. 100, 103-104, 111 ; Shatzman 1975, p. 377 ; Marshal (...)
38Certains priuati paraissent en tout cas avoir eu une influence suffisante pour que le Sénat, à leur demande, mette à son ordre du jour un sujet financier. On en a trace en 200 av. J.-C.183, toujours pour le remboursement de l’emprunt de 210, puis en 61 av. J.-C., pour les publicains qui réclamèrent la révision des contrats fiscaux concernant l’Asie184. En 200, il est vraisemblable que les personnages qui sollicitèrent le Sénat étaient au moins pour partie des sénateurs eux-mêmes185. En 61, Cicéron précise que les prétentions des publicains furent encouragées par Crassus, qui pourrait avoir investi dans leur societas186. L’initiative des membres de la curie pourrait par conséquent avoir visé à garantir leurs propres intérêts politiques ou financiers.
L’information des sénateurs
39Était-il prévu que les sénateurs fussent éclairés sur les différents dossiers financiers qu’ils avaient à traiter ? S’il faut répondre par l’affirmative, leur information était-elle officiellement assurée par la fourniture d’éléments matériels ou par l’audition de rapports oraux ? Enfin, dans cette seconde option, la relatio du magistrat présidant la séance jouait-elle le rôle principal, ou voyait-on intervenir certains sénateurs, les services de l’Aerarium, des « experts » ou des particuliers ?
- 187 Liv. 31, 13, 3.
- 188 Rhet. Her. 1, 21. L’usage de l’Aerarium Sanctius en 209 (Liv. 27, 10, 11-13) suggère que l’on sava (...)
- 189 D.C. 38, 5, 2. Cf. Gabba 1973, p. 443-447 ; Smith 1957, p. 82-85 ; Marshall 1972, p. 43-52 ; Amela (...)
- 190 Liv. 22, 57, 11.
40Le souci que les mesures financières soient votées en connaissance de cause, de sorte à être effectivement mises en œuvre, paraît avoir été relativement fluctuant. Lorsque se posa en 200 av. J.-C. la question du remboursement de l’emprunt de 210187, le refus initial des consuls suggère qu’ils avaient vérifié auprès du Trésor si la cité était en mesure d’assumer cette dépense. La Rhétorique à Herennius évoque également une séance du Sénat où les questeurs firent savoir que l’état du Trésor Public ne permettait pas de financer la lex Appuleia frumentaria188. En revanche, aux dires de Dion Cassius189, la lex Plotia agraria, initialement approuvée par les sénateurs, ne fut pas appliquée faute de fonds : soit on n’avait pas pris la peine de contrôler au préalable l’encaisse de l’Aerarium, soit on n’avait pas considéré l’importance des dépenses de guerre qui s’imposaient dans le même temps. Quoi qu’il en soit, la livraison aux sénateurs de compléments d’information semble avoir généralement porté sur l’état général des caisses civiques, qui devait logiquement être dressé par les questeurs, appuyés par les services de l’Aerarium. Ce n’est qu’à propos de l’achat des uolones en 216 av. J.-C.190 que l’on a éventuellement trace – le texte de Tite Live ne rapporte pas le propos à un acteur historique précis – d’une présentation comparative de deux mesures possibles, envisagées du point de vue de leur coût.
- 191 Solde et fournitures militaires : Liv. 23, 21, 1-6 ; 23, 48, 4-49, 4 ; 26, 2, 1 ; 44, 16, 1-4 ; Pl (...)
- 192 Liv. 40, 35, 4, là aussi pour refuser le versement.
- 193 Liv. 40, 46, 16 ; 44, 16, 8-10.
- 194 Les débats qui avaient trait aux demandes de triomphes permettaient par exemple aux magistrats de (...)
- 195 Le financement de la flotte mise sur pied en 214 av. J.-C. (Liv. 24, 11, 2-6) semble avoir reposé (...)
41Les demandes des magistrats en poste hors de Rome, relatives à l’envoi de la solde et de l’approvisionnement destinés aux légions, ou à des questions d’indemnisation, étaient soit formulées par courrier191, soit transmises par des messagers192. À Rome même, on voit les censeurs prendre la parole devant la curie au sujet des travaux publics193, et des données concernant les recettes à venir étaient vraisemblablement présentées aux sénateurs par les magistrats supérieurs194. Il semble donc que la République ait privilégié la forme orale pour l’exposé des dossiers financiers, même si les interventions des magistrats s’appuyaient sur des documents écrits. Ces pièces, au regard des sources disponibles, consistaient, à côté des courriers et des contrats publics, surtout dans les « registres questoriens »195, mais les listes du cens servirent au moins en 214 av. J.-C., pour répartir l’effort de financement de la flotte. Il est donc vraisemblable que les scribes questoriens préparaient, à partir des documents conservés dans les archives comptables, des synthèses à l’intention du magistrat présidant le Sénat.
- 196 Liv. 42, 3, 10-11.
- 197 Liv. 21, 62, 8-9 ; 22, 1, 7 ; 22, 9-10 ; 25, 12, 11-12 ; 31, 12, 9 ; 36, 37, 5 ; 37, 3, 6 ? ; 42, (...)
- 198 Liv. 22, 9, 7-10, 7.
- 199 Cf. Liv. 31, 6, 9-10. Un vœu prononcé par un magistrat devait à l’origine préciser le coût des cér (...)
- 200 Liv. 26, 34, 12 ; 38, 44, 4-5 ; Van Haeperen 2002, p. 253. Les éléments de butin profanes étaient (...)
- 201 Cic. dom. 1 et 100-141 ; Att. 4, 1, 7 ; 4, 2, 3 ; 4, 3, 2 = SB n° 73-75 ; Pis. 52. Stroh 2004, p. (...)
42Outre les magistrats en exercice, d’autres personnages étaient apparemment susceptibles de contribuer à l’information du Sénat. On a mention de redemptores196, mais surtout de membres des collèges sacerdotaux. Dans le récit livien, les dépenses correspondant à des sacrifices publics et des offrandes sont fréquemment engagées suite à une consultation des Livres Sibyllins par les décemvirs197, mais les événements de 217 av. J.-C.198 suggèrent que c’était le collège pontifical qui fixait les modalités concrètes de l’exécution des dispositions, et donc leur coût, sur la base des précédents199. Les pontifes intervenaient également pour déterminer le caractère sacré ou profane d’objets appartenant à la praeda, ce qui à terme avait une incidence sur le montant des entrées de l’Aerarium200. Enfin, on les voit impliqués dans le dossier de la domus de Cicéron, en 57 av. J.-C.201 : l’avis préalable du collège ne porta que sur la validité de la dédicace effectuée par Clodius, mais il ouvrit la possibilité d’une indemnisation. Les « experts sacerdotaux » qui prenaient la parole au Sénat sur des dossiers à caractère financier étaient sollicités en vertu de préoccupations rituelles plus que de considérations proprement financières, mais leurs avis avaient une incidence sur les entrées et les sorties du Trésor Public.
La prise de décision
43Enfin, lors des débats de la curie et du vote de dispositions financières, discerne-t-on des éléments qui indiqueraient comment s’effectuait la prise de décision ? En particulier, quel était le poids du magistrat présidant la séance, et quel était le rang des sénateurs qui emportaient la partie ? A-t-on trace, par ailleurs, des arguments qui permettaient à une sententia de s’imposer, ou du raisonnement suivi par les sénateurs ? Observe-t-on, dans certains cas, un consensus de la curie ?
- 202 26 fois lorsque la séance du Sénat concerne le vote d’une dépense, et 8 fois lorsqu’il s’agit d’un (...)
- 203 Liv. 31, 9, 6-10. Sur l’épisode, Van Haeperen 2002, p. 248-250 ; Franchini 2008, p. 291-294 ; Lund (...)
- 204 Van Haeperen 2002, p. 250.
- 205 Liv. 28, 41, 12 et 45, 14 ; Plu. Fab. 25, 3-4.
- 206 Dans le discours que lui prête Tite Live, Scipion se montre incapable d’avancer des contre-argumen (...)
- 207 Coudry 1982, p. 200-212.
44On connaît dans 34 cas202 l’identité du magistrat qui avait convoqué la curie et l’issue du débat. Dans à peu près la moitié des occurrences (18), le responsable public obtint le financement qu’il demandait, ce qui suggère que sa position même lui assurait une influence sur les sénateurs. Ainsi, en 200 av. J.-C.203, lorsque le grand pontife émit des réticences sur les modalités de financement d’un vœu consulaire, le magistrat réussit à obtenir des patres la saisine du collège pontifical. Ce dernier se prononça en faveur du consul : il faut probablement en déduire que le magistrat avait des relais chez les pontifes qui étaient également sénateurs204. A contrario, le gigantesque « raté » du début du premier consulat de Scipion205 – lors du débat sur la répartition des commandements et l’ornatio prouinciarum, il n’obtint aucun financement pour la flotte d’Afrique – s’explique par l’outrecuidance du jeune magistrat, qui avait laissé entendre qu’il se ferait si nécessaire donner par le peuple ce que le Sénat lui aurait refusé ; par une certaine faiblesse rhétorique de sa part206 ; et sans doute par son âge, qui le plaçait en position d’infériorité par rapport aux principes de la curie207.
- 208 Liv. 29, 16, 2 ; Oros. 4, 17, 14.
- 209 Liv. 31, 9, 8 (200 av. J.-C., pour le grand pontife Licinius, à propos des jeux et de l’offrande v (...)
- 210 Liv. 39, 7, 4.
- 211 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17 (61 av. J.-C., Metellus Celer).
- 212 T. Manlius Torquatus, consul 235 et 224 (Liv. 22, 60, 5) ; Q. Fabius Maximus Cunctator, consul 233 (...)
- 213 Liv. 30, 21, 10.
- 214 Sur ce point, Coudry 1989, p. 633-634. Plu. Cato Mi. 18, 2 évoque toutefois les interventions de C (...)
45Pour saisir qui étaient les membres du Sénat dont la sententia pouvait recueillir l’assentiment, deux méthodes sont envisageables, identifier les sénateurs désignés comme auctores d’un SC, ou dresser la liste des débats sénatoriaux dont on connaît les intervenants et la conclusion. A priori, la précision qu’un sénateur fut auctor d’une décision de la curie pourrait signifier soit qu’il œuvra pour que la question soit mise à l’ordre du jour, soit que son avis fut retenu à la fin. La première option correspondrait à l’action du consul M. Valerius Laevinus, en 210, en faveur du lancement d’un emprunt208. En revanche, dans le Pro Flacco, 30, le rôle attribué à Pompée en 62 av. J.-C. dans l’équipement d’une flotte destinée à protéger l’Italie, alors qu’il ne rentra à Rome qu’à la fin de l’année, suggère que le vainqueur de Mithridate fut consulté sur la situation « géopolitique » du moment, mais qu’il ne put matériellement être à l’origine du débat sénatorial. Les autres occurrences du terme auctor, dans le contexte d’une discussion à la curie, vont dans ce second sens209. Dans les rares cas où l’on dispose d’informations sur un SC à caractère financier, il semble que ce soit l’avis de personnages de rang consulaire qui l’ait emporté. Ces résultats sont confirmés par le relevé des figures nommément citées comme déterminantes dans les récits des débats sénatoriaux : à l’exception des « amis du consul » Cn. Manlius Vulso, dont le rang n’est pas précisé210, il s’agit ou d’un consul désigné211, ou de consulaires212, ou de sénateurs présentés comme les plus âgés, donc vraisemblablement d’anciens magistrats supérieurs213. La pecunia publica semblerait donc avoir été une prérogative des sénateurs du rang le plus élevé. On notera, toutefois, que 12 exemples sur 15 se rapportent à des séances sénatoriales datées du IIe siècle av. J.-C., et que la documentation disponible ne traduit donc pas le rôle plus important assumé par les plus jeunes sénateurs au Ier siècle214.
- 215 Sur la dimension rhétorique des discours insérés dans les œuvres des historiens antiques, qui cond (...)
- 216 Liv. 22, 61, 1 (rachat des prisonniers de Cannes en 216 av. J.-C.) ; 28, 41, 11 (coût de l’expédit (...)
- 217 Liv. 39, 5, 7 et 7.5 (financement de ludi et mesure concernant le stipendium, en 187).
- 218 Nécessité pour Rome de susciter la disciplina de ses citoyens, en 216 av. J.-C. (Liv. 22, 57, 11, (...)
- 219 Liv. 23, 48, 6.
- 220 Liv. 23, 48, 7-9. On commença par examiner les ressources susceptibles d’être fournies par les pro (...)
46Les arguments qui suscitèrent l’adhésion ne sont évoqués par les sources que dans 14 cas215. Les considérations proprement financières – coût trop important d’une mesure216, possibilité de financer une disposition par le versement de butin au Trésor Public217 – étaient apparemment moins souvent invoquées que les justifications d’ordre politique, religieux ou moral218, mais ce peut être un effet des normes rhétoriques propres au genre historique. Le résumé du débat sénatorial de 215 av. J.-C., qui suivit la réception de la lettre envoyée par les Scipions pour demander le versement des sommes nécessaires à la solde et aux fournitures militaires, retrace pour sa part un iter de la prise de décision financière extrêmement rationnel, qui consiste à établir une estimation prévisionnelle et maximale des dépenses219, puis une comparaison avec les revenus disponibles220, pour aboutir à une solution technique, le paiement public à crédit.
- 221 Liv. 26, 36, 10 et 12.
- 222 Liv. 30, 21, 10 (203 av. J.-C.) ; 42, 3, 10-11 (173 av. J.-C.).
47L’unanimité des sénateurs, ou du moins leur adhésion massive à une proposition, n’est attestée que lors du lancement de l’emprunt de 210 av. J.-C.221 – illustration, chez Tite Live, du consensus civique en tant de guerre – et de l’adoption de mesures visant à garantir la pax deorum222. Il semblerait donc que la norme ait plutôt été la vivacité des débats.
- 223 Pour le financement de la flotte en 214 av. J.-C. (Liv. 24, 11, 2-6), il fallut évaluer le nombre (...)
48La prise de décision financière au Sénat, en définitive, semble être demeurée, au moins au IIe siècle, aux mains du magistrat qui convoquait la curie et des plus importants membres de l’assemblée. La procédure paraît s’être caractérisée par une grande souplesse, voire un certain degré d’improvisation, et les choix effectués n’avoir pas mis au premier plan les considérations proprement financières, mais quelques indices suggèrent que les options retenues par les sénateurs nécessitaient, soit pour susciter l’assentiment, soit pour être mises en œuvre, un travail technique sophistiqué qui devait, logiquement, revenir aux services du Trésor Public. Divers épisodes de la deuxième Guerre punique, relatifs à l’invention d’expédients destinés à faire face à la détresse des caisses publiques, le supposent en tout cas223.
49Par ailleurs, on peut soupçonner que certains SC furent votés davantage pour satisfaire des intérêts particuliers que pour répondre aux besoins supérieurs de la cité, ce qui soulève des interrogations sur l’éthique des responsables publics.
La liquidation
- 224 Willems 1885, II, p. 434 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 137 et n. 4 et VII, p. 315.
- 225 Liv. 31, 9, 7-10.
- 226 Bernstein 1998, p. 99.
50Dans le contexte de la prise de décision financière, la fixation du niveau de la recette ou de la dépense publique – opération nommée, techniquement, « liquidation » – détermine l’importance de l’acte et exprime donc au premier chef les choix politiques. Les historiens du XIXe siècle224, réfléchissant essentiellement à partir de l’exemple des fonds confiés aux censeurs, avaient conclu que l’usage voulait que les sénateurs républicains ne votassent que des crédits limitatifs, en d’autres termes un montant précis, désigné par l’expression pecunia certa, et non des crédits évaluatifs, c’est-à-dire la somme, laissée indéterminée, qui serait nécessaire à telle réalisation. Sur ce point, l’année 200 av. J.-C. aurait représenté un tournant relevé par Tite Live225 : le montant des ludi et du donum voués par le consul chargé de la conduite de la Guerre de Macédoine, pour la première fois, n’aurait pas été chiffré226.
- 227 Liv. 22, 10, 7 (217 av. J.-C.) : eiusdem rei causa ludi magni uoti aeris trecentis triginta tribus (...)
- 228 Ce second cas correspond aux épisodes de 187 et 179 av. J.-C. Aberson 1994, p. 23-25 pense que les (...)
- 229 Ceci, en cas de difficultés financières, permettait d’adapter le montant de la dépense aux autres (...)
- 230 Liv. 31, 9, 7.
- 231 Coudry 1989, p. 402 et 410 estime apparemment qu’il s’agissait là d’une mesure ad hoc, limitée à l (...)
- 232 Coudry 1989, p. 411.
- 233 En pratique, cela devait correspondre à un montant limitatif, car le magistrat utilisait probablem (...)
51De fait, le dossier du financement des ludi uotiui est le seul qui permette de suivre d’éventuelles évolutions en œuvre entre la fin du IIIe siècle et le début du IIe227. À première vue, on pourrait lire les faits comme un processus de « laïcisation » de la prise de décision financière. Le collège pontifical aurait progressivement renoncé, entre 200 et 187 av. J.-C., à s’exprimer sur les aspects qui ne concernaient pas spécifiquement la religio, et le Sénat en aurait profité pour introduire le principe des crédits évaluatifs. En pratique, il faut probablement distinguer deux situations, suivant que le vœu des ludi était prononcé à Rome même, sous le contrôle du Sénat, ou militiae, à l’initiative du magistrat228. Dans le premier cas, l’année 200 av. J.-C. paraît bien avoir correspondu à un changement, mais pas nécessairement à une fluctuation des sommes dorénavant consacrées aux ludi : Tite Live note pour l’année 194 qu’on employa la somme « habituelle ». Il se pourrait alors que l’innovation de 200 av. J.-C. ait eu un caractère principalement technique. La formula du vœu précisa que le montant serait décidé par le Sénat au moment où le uotum serait acquitté. On aurait donc décidé de ne plus engager une dépense plusieurs années à l’avance, mais de concentrer la prise de décision financière sur l’année où elle serait exécutée229. Une autre interprétation semble toutefois envisageable. Le discours prêté au grand pontife P. Licinius Crassus230 suggère qu’avant 200, les sommes destinées aux jeux votifs étaient incluses dans l’ornatio prouinciarum, mais qu’elles étaient rendues indisponibles pour la guerre en étant mises de côté par les services de l’Aerarium. Pour ce faire, il fallait donc que leur montant fût déterminé à l’avance. Après 200, ces crédits auraient été considérés comme une catégorie distincte des dépenses de guerre, et les contraintes pesant sur eux auraient ainsi été levées. Quoi qu’il en soit, il faut souligner qu’une autre modification importante de la procédure eut lieu en 171 av. J.-C., puisqu’un quorum (correspondant à la moitié des sénateurs) devint apparemment nécessaire pour la fixation du montant des crédits consacrés aux ludi uotiui231. M. Coudry232 considère que ce principe visait à empêcher que le magistrat qui accomplirait les cérémonies n’obtînt, par le vote d’une poignée de sénateurs, une somme considérable qui lui aurait permis de se couvrir de gloire. La volonté sénatoriale de réguler la compétition aristocratique apparaît également perceptible dans le second cas de figure, celui des ludi voués militiae par des magistrats à imperium. Ces derniers semblent, à leur retour à Rome, avoir tenté d’obtenir du Sénat l’autorisation de célébrer ces jeux, en arguant qu’ils étaient en mesure de les financer grâce aux contributions fournies par les vaincus. En fixant, pour tous les magistrats, un même maximum de dépense autorisée233, les sénateurs les plaçaient tous sur le même plan et récupéraient par la même occasion le surplus des sommes pour les caisses publiques. Il semble donc, au total, que le Sénat ait tendu à privilégier le principe d’un montant précis et récurrent par type de dépense.
- 234 On trouve soit mention du montant d’une dépense ponctuelle (par exemple pour les offrandes : Liv. (...)
- 235 Liv. 40, 46, 16 et 44, 16, 8-10.
- 236 Lange 1876-1879, I, p. 817. En revanche, Astin 1990, p. 26 juge que cette pratique correspondit à (...)
- 237 Mommsen 1889-1896, IV, p. 136-138.
- 238 L’épisode des censeurs de 174 av. J.-C. (Liv. 41, 27, 11-12) montrerait que le statut d’un éventue (...)
52La mise en série des données concernant d’autres dossiers que les ludi uotiui incite en effet à conclure que la curie votait très majoritairement des dépenses et des recettes certae. Certes, les sources ne livrent pas systématiquement ces montants, ce qui pourrait a priori être interprété comme un indice en sens contraire, mais les éléments sont suffisamment nombreux et concordants pour le suggérer234. Les crédits alloués par SC aux censeurs pour les opérations édilitaires ne faisaient pas exception, quand bien même les dépenses engagées par ces magistrats, puisqu’elles dépendaient de la passation de marchés publics, ne pouvaient être précisément chiffrées au départ. Deux passages de Tite Live235 montrent que les fonds accordés aux censeurs correspondaient à une proportion des uectigalia de l’année en cours236. La curie affectait probablement aux travaux publics un pourcentage des entrées fiscales prévues par les contrats censoriaux tout juste conclus, et déjà portées dans les « registres comptables » de la cité237. Le système paraît donc avoir reposé sur l’octroi aux magistrats d’une ligne de crédit dotée d’un « plafond », à charge pour eux de décider de l’emploi effectif des sommes en question238.
- 239 Indemnisation du temple de Locres en 204 puis 200 (Liv. 29, 19, 5 ; 31, 12, 1-4) ; indemnités vers (...)
53On ne connaît que trois exemples de délégation à des magistrats de la tâche de fixer le montant d’une dépense votée par le Sénat239. Les trois dossiers portaient sur des procédures d’indemnisation, et dans deux cas, il est certain que des liens personnels unissaient les magistrats responsables et les bénéficiaires. Il semblerait donc que ces exceptions aient, sur des sommes qui n’étaient d’ailleurs pas très importantes, tendu à favoriser les intérêts des indemnisés, tout en démontrant la rectitude et la générosité de la res publica.
- 240 Pour le plébiscite Gabinien de 67, qui donnait 6000 talents à Pompée, App. Mith. 428 ; Groebe 1910 (...)
54À partir du moment où la dépense publique put également être engagée par le biais d’un plébiscite, les usages présidant à la liquidation furent-ils infléchis ? Le volet financier des mesures législatives qui, au Ier siècle av. J.-C., octroyèrent aux imperatores leurs grands commandements est mal documenté, mais ces textes semblent eux aussi avoir fixé un plafond de crédits sur l’Aerarium ou d’autres caisses provinciales contenant des fonds publics240, donc avoir privilégié le principe des crédits limitatifs.
- 241 Marquardt 1888, p. 122 et 147-148 ; Frank 1933, p. 325-330. Dépenses militaires : Plu. Luc. 13, 4 (...)
- 242 Kay 2014, p. 300-301.
- 243 La mesure frumentaire de Caton correspondait à peu près à l’ornatio des deux provinces hispaniques (...)
55En définitive, à partir des chiffres transmis par les historiens antiques, il apparaît qu’au Ier siècle, les trois postes de dépenses les plus importants consistaient dans le financement des campagnes militaires, l’approvisionnement de Rome et les frumentationes241 : ces domaines correspondaient donc aux enjeux jugés décisifs pour la communauté politique. Il y eut vraisemblablement un phénomène d’inflation de la dépense publique sur la période242, notamment du fait des mesures législatives populares, mais, comparés les uns aux autres, les montants ne semblent pas déraisonnables243.
2. L’exécution des recettes et des dépenses
56Enfin, suivant quels principes l’exécution de la recette ou de la dépense publique était-elle mise en œuvre ? Trois points doivent être examinés, les rapports entre ordonnateur et comptable ; l’identité des magistrats compétents pour la mise en œuvre de l’exécution et la procédure suivie ; l’hypothèse que l’exécution ait pu modifier ce qui avait été prévu par l’autorisation.
La République romaine a-t-elle connu le principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable ?
- 244 Madvig 1881-1882, II, p. 348-349 ; Karlowa 1885-1901, I, p. 258 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 244 ; (...)
- 245 Willems 1872, p. 259-260 ; Willems 1880, p. 299 ; Karlowa 1885-1901, I, p. 262 ; Madvig 1881-1882, (...)
- 246 Ordre des consuls : Oros. 4, 17, 13 ; SC : Liv. 39, 19, 3 ; 44, 16, 8-10 ; 45, 14, 6 ; plus indire (...)
- 247 Liv. 33, 42, 2-4.
- 248 Briscoe 1973, p. 329.
- 249 Toynbee 1965, II, p. 174-175, n. 5 ; Buraselis 1996, p. 170 ; France 2021, p. 78.
- 250 Voir chapitre 2, « La passation de marchés publics ».
57L’historiographie du XIXe siècle, raisonnant sur la base des règles de la comptabilité publique qui lui étaient contemporaines, estima que la République romaine connaissait et respectait le principe de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable244. Les secondes auraient été assumées par les questeurs245, dans lesquels il ne fallait donc pas voir des ordonnateurs secondaires, agissant par délégation. Il convient donc, dans un premier temps, de s’assurer de la validité de cette conception. Trouve-t-on trace d’une quelconque activité des questeurs comme ordonnateurs, c’est-à-dire comme agents d’autorité investis de l’exécution d’une recette ou d’une dépense ? Le relevé des épisodes où l’on voit un questeur dans l’exercice de ses fonctions montre qu’il agissait régulièrement sur ordre d’une autre instance246. Une éventuelle compétence d’ordonnateur pourrait apparaître dans deux types de circonstances. D’une part, en 196 av. J.-C., les questeurs, agissant apparemment de leur seule initiative, ordonnèrent le recouvrement d’arriérés du tributum qui n’avaient pas été versés par les augures et les pontifes durant la deuxième Guerre punique247. J. Briscoe248 juge que les questeurs, dans la mesure où ils étaient dépourvus de l’imperium, intervinrent nécessairement sur l’instruction des consuls. Cependant, comme les sommes récupérées en 196 étaient sans doute destinées au remboursement en numéraire des citoyens qui avaient prêté de l’argent à la res publica en 210 av. J.-C. et avaient jusque-là reçu compensation en trientabula249, il faut conclure que ce fut probablement le Sénat qui fut à l’origine de l’ordre donné aux questeurs. D’autre part, on sait que ces magistrats supervisaient la passation de différents contrats publics250 : la part d’appréciation qui leur était laissée dans la fixation des sommes versées au Trésor ou déboursées par lui est-elle assimilable à une compétence d’ordonnateur ? Il semble là encore prudent de répondre par la négative, ne serait-ce que parce que les questeurs agissaient là le plus souvent en vertu d’un ordre consulaire ou d’un SC.
- 251 Plu. TG 10, 8 indique que cette activité pouvait tomber sous le coup de l’intercession tribunicien (...)
- 252 Plb. 23, 14, 5 ; D.S. 29, 21 ; Liv. 38, 55, 13 ; Val. Max. 3, 7, 1 f ; Plu. Apopht. Scipio. 9 = Mo (...)
- 253 Walbank 1957-1979, III, p. 244 ; Briscoe 2008, p. 196.
- 254 La tentative de Bellomo 2014, p. 72 de rattacher les faits au premier consulat de Scipion ne paraî (...)
58Au sens strict, le paiement émanait, dans la Rome républicaine, des deux questeurs du Trésor251, mais un épisode concernant Scipion l’Africain252 témoignerait d’une exception. Les questeurs se voyaient dans l’impossibilité d’effectuer un paiement, en raison d’une loi qui prescrivait la fermeture de l’Aerarium : Scipion aurait alors ouvert lui-même le Trésor. Aucune source ne permet de dater les faits, mais F. W. Walbank et J. Briscoe253 les rapportent au second consulat de Scipion, estimant que celui-ci ne peut avoir agi que dans l’exercice d’une magistrature254. J. Briscoe est ainsi amené à écarter le témoignage de Valère Maxime qui qualifie Scipion de priuatus, et le montre donc intervenir comme sénateur, c’est-à-dire membre de l’instance institutionnelle responsable de l’ordonnancement. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où l’exceptionnel prestige de Scipion l’amena à une désinvolture certaine envers les procédures financières, l’anecdote semble témoigner d’un refus, au moins d’une fraction de l’aristocratie romaine, de considérer comme fondamentale l’autonomie des « services comptables ».
Les magistrats chargés de l’exécution et la procédure suivie
- 255 18 occurrences pour des dépenses, 4 pour des recettes. Par ailleurs, on constate que ce sont les c (...)
- 256 15 occurrences.
- 257 4 occurrences.
- 258 Mommsen 1889-1896, III, p. 267.
59Le magistrat chargé de l’exécution d’une dépense prévue par SC est connu à 55 reprises, et 11 fois lorsqu’il s’agit d’une recette. Il est clair que cette tâche revenait aux détenteurs de l’imperium, en premier lieu les consuls255, mais aussi, pratiquement dans la même proportion, aux préteurs en poste à Rome pour les dépenses256, et aux préteurs en fonctions dans les provinces pour les recettes257. Le rôle des préteurs urbain et pérégrin s’explique par leur utilisation comme substituts des consuls, lorsque ces derniers étaient en campagne et donc absents de Rome258 ; celui des préteurs provinciaux, en premier lieu le préteur de Sicile, par leur implication dans le recouvrement fiscal.
- 259 Liv. 39, 29, 6-7 suggère que pour une recette, le gouverneur de province ordonnait à son questeur (...)
- 260 Liv. 24, 11, 2-6 (214 av. J.-C.). Ce devait être aussi le cas pour le prélèvement du tributum.
- 261 Liv. 25, 15, 4 (212 av. J.-C.) ; 36, 3, 1 (191 av. J.-C.) ; 42, 27, 8 (172 av. J.-C.), pour des lé (...)
- 262 Val. Max. 7, 6, 1 a (215 av. J.-C.) : rogatio tribunicienne afin d’élire des triumvirs qui procède (...)
- 263 Liv. 31, 12, 1-4 (200 av. J.-C.) ; 42, 27, 1-6 (172 av. J.-C.), et pour les recettes, les doubles (...)
60La procédure suivie n’est éclairée que par quelques allusions des sources. Comme on l’a vu plus haut, il est possible qu’entre le vote d’un SC à caractère financier et son exécution par le magistrat supérieur se soit inséré un travail conséquent des services de l’Aerarium, pour préciser les modalités concrètes de l’application de la mesure. En général, le titulaire de l’imperium devait ensuite simplement adresser un ordre d’exécution à un questeur259, et lorsque la participation des citoyens à une recette était sollicitée, émettre un édit260. Cependant, parfois, des opérations supplémentaires s’ajoutaient. D’une part, il semble que les questeurs aient pu se voir préciser qu’ils devraient eux-mêmes remettre les fonds à des responsables nommés par le Sénat261 ou élus par le concile262 ; d’autre part, le consul transférait quelquefois directement le dossier à un préteur en poste hors de Rome263, parce qu’il était le plus proche géographiquement de l’endroit où il fallait réaliser l’acte financier, et qu’il était en mesure de l’effectuer sur les ressources dont il disposait.
Les magistrats responsables de l’exécution pouvaient-ils apporter des retouches à l’autorisation ?
- 264 Voir supra, « La République romaine a-t-elle connu le principe de séparation de l’ordonnateur et d (...)
- 265 Cic. Ver. II 3, 165 (les sommes destinées au frumentum emptum auraient été déposées chez les publi (...)
- 266 Cic. Ver. II 3, 195.
- 267 Plu. Cato Ma. 5, 7 et 6, 2-3 et Liv. 32, 27, 2-4 (Caton l’Ancien, comme préteur de Sardaigne puis (...)
- 268 Caton (Liv. 34, 9, 12), Lucullus (Plu. Luc. 29, 10).
61La phase d’exécution pouvait-elle donner lieu, de la part du magistrat qui en était chargé, à une modification des dispositions voulues par l’ordonnateur, que ce soit dans l’affectation ou le montant des crédits utilisés ? Si l’on se limite au dossier des dépenses, le seul cas de refus d’exécution par les questeurs, à ma connaissance, serait le fameux épisode impliquant Scipion l’Africain264. Les possibles occurrences d’un changement de destination des crédits, à l’initiative d’un responsable public, sont quant à elles extrêmement problématiques, dans la mesure où elles apparaissent dans les plaidoyers cicéroniens dirigés contre d’anciens gouverneurs de province, et où Cicéron interprète les faits comme des détournements de fonds265. Une allusion du De frumento266 suggère toutefois qu’une très large liberté était laissée aux gouverneurs quant à l’utilisation de certaines des sommes qui leur étaient allouées : il était admis, par exemple, que l’argent attribué pour le frumentum in cellam ne fût pas dépensé pour cela. La décision de ne pas procéder à l’exécution d’une dépense est également rapportée à des magistrats exemplaires, qui n’utilisèrent pas la pecunia publica mise à leur disposition et vécurent sur leurs fonds propres durant leur mandat provincial267, ou qui mirent un point d’honneur à nourrir la guerre par la guerre268. En définitive, il est difficile d’apprécier à quel degré les magistrats chargés d’exécuter la dépense publique respectaient les dispositions financières du Sénat : le petit nombre de cas contraires suggère que c’était généralement la norme, mais les titulaires de l’imperium, quand ils étaient loin de Rome, étaient pratiquement libres de leurs actes.
62Au regard de ce qui précède, le gouvernement des finances publiques, dans la Rome républicaine, peut-il être qualifié d’efficace ? Le système institutionnel distinguait-il clairement les sphères de compétence des différents acteurs de la vie publique et permettait-il la résolution d’éventuels conflits politiques ayant trait à la pecunia publica ? Sur le plan strictement financier, les décisions sénatoriales autorisèrent-elles la République à répondre aux défis qu’elle rencontra entre le IIIe et le Ier siècles av. J.-C. ? Enfin, la qualité des responsables publics, en termes de compétence et d’éthique, était-elle satisfaisante ?
- 269 En 184, Caton, dont les leges locationis rigoureuses avaient été annulées par le Sénat suite aux p (...)
63Il est net que les finances publiques, jusqu’à la fin du IIe siècle av. J.-C., relevèrent de la compétence exclusive du Sénat, et que cette prérogative n’était pas contestée par les magistrats. Lorsque responsables publics et sénateurs se trouvaient ponctuellement en désaccord sur une mesure financière, la curie ne parvenait pas toujours à imposer ses vues, mais ses interlocuteurs se soumettaient, au moins formellement, à son avis269. Le point faible du système résidait toutefois dans le fait que les magistrats supérieurs en poste militiae, responsables de l’orientation vers l’Aerarium des profits de la guerre, se trouvaient en pratique très largement indépendants de la curie. Cette dernière n’avait donc pas les moyens d’éviter la déperdition, au profit des légions, de sommes qui auraient dû confluer vers le Trésor. Comme on pouvait s’y attendre, le véritable tournant chronologique, dans l’histoire des finances publiques républicaines, correspondit à l’époque gracchienne. Le recours au plébiscite, puis à la loi comitiale à partir de César, permit aux magistrats de s’affranchir des décisions sénatoriales, et exacerba les tensions d’abord à l’intérieur des cercles dirigeants, puis à l’intérieur de la cité, puisque les magistrats et les sénateurs, pour influencer le vote des citoyens, furent amenés à porter leurs divergences devant les contiones.
- 270 Liv. 23, 38, 12 (en 215 av. J.-C., utilisation des sommes destinées à rembourser Hiéron II pour le (...)
- 271 Liv. 40, 46, 16 et 44, 16, 8-10 ; App. Mith. 22. Cf. Plu. Luc. 4, 1. Lange, 1876-1879, I, p. 817.
- 272 Astin 1990, p. 25.
- 273 Liv. 26, 35, 3.
- 274 Plb. 1, 59, 6-7 ; Buraselis 1996, p. 160-161.
- 275 Nicolet 1963, p. 417-436. Voir également Andreau 2006, p. 101-114.
- 276 Pour l’équipement de navires : Plb. 1, 59, 6-7 ; Zonar. 8, 16 ; Liv. 24, 11, 2-6 ; Liv. 26, 36, 3- (...)
- 277 Hiéron II fut sur ce plan l’interlocuteur privilégié des Romains au IIIe siècle : Eckstein 1980, p (...)
- 278 Zonar. 9, 6 ; App. Mith. 22 ; Cic. leg. agr. 1, 2 ; 2.34-35, 37, 47-48.
- 279 Ce furent les principes appliqués par Caton le Jeune (Plu. Cato Mi. 18, 2 et 36, 4), et qui repren (...)
- 280 D.C. 38, 5, 2.
64Sur le plan strictement financier, la valeur des mesures prises par les pouvoirs publics romains peut être appréciée à partir de trois critères, souplesse, capacité d’innovation, et aptitude à atteindre les objectifs fixés. La gestion des finances publiques paraît avoir été caractérisée par une certaine rigidité. Les sénateurs, comme on l’a vu, tendaient à voter des dépenses fixes et récurrentes. Les attestations de réaffectation d’une somme à un autre objet sont extrêmement rares270. Plusieurs textes laissent entendre que la Rome républicaine méconnaissait le principe de la non affectation prédéterminée des recettes271, et donc que la « politique financière » des Romains visait avant tout la recherche de l’équilibre272. Les modalités initialement choisies pour le financement de la flotte en 210 av. J.-C.273 furent identiques à celles de 214, et peut-être inspirées de ce qui s’était fait durant la première Guerre punique274. Est-ce à dire que les Romains étaient inaptes à trouver des solutions financières inédites lorsque le besoin s’en faisait sentir ? Cl. Nicolet275 avait souligné que l’époque de la deuxième Guerre punique correspondit à l’adoption d’innovations financières importantes, inspirées de modèles grecs, et qui consistèrent notamment dans l’acceptation du principe de la dette publique. Toutefois, en dépit de l’indéniable technicité réclamée par la mise en œuvre de certaines de ces mesures, on est frappé, de façon générale, par la simplicité des dispositions financières privilégiées par les sénateurs, et par leur fréquente similitude avec les usages en vigueur pour la gestion des patrimoines privés. Quand la cité était à court d’argent, elle faisait appel aux fortunes des plus riches de ses citoyens276 ; ou bien, comme un priuatus, elle empruntait277 ou se séparait de certaines de ses terres278 ; en temps normal, elle veillait à vendre ses ressources au plus haut et à dépenser le moins possible279. Lorsque des questions financières étaient débattues à la curie, les sénateurs pouvaient donc raisonner dans les grandes lignes en se référant à leur expérience de propriétaires fonciers, et laisser les services de l’Aerarium régler les aspects techniques. En définitive, la République semble être parvenue, même dans les années de guerre les plus difficiles, à financer globalement ses dépenses. Seule la lex Plotia agraria semble avoir été abandonnée faute de fonds280, mais la détresse des caisses publiques fut peut-être un prétexte avancé par ses adversaires politiques.
- 281 Cic. leg. 3, 41. Dyck 2004, p. 540 juge que les différents points évoqués par Cicéron font référen (...)
- 282 La geometria correspondait à la fois à la géométrie à proprement parler, au calcul et à la comptab (...)
- 283 Cic. Verr. II 1, 60 ; Cael. 17.
- 284 Plu. Brut. 3, 1-4. Calvelli 2020, p. 213-217.
- 285 Gell. 17, 9, 1 ; Cic. Att. 13, 52, 1 = SB n° 353, qui évoque précisément une scène de vérification (...)
- 286 Sur la tendance au gaspillage des fonds publics, et à l’indifférence à cet égard, Plu. Cato Ma. 3, (...)
- 287 Voir le dossier des trientabula, ou l’implication de Crassus dans la révision des contrats publics (...)
65La faille la plus importante du système romain des finances publiques résidait peut-être dans la compétence et le comportement des élites politiques. Cicéron, dans le De Legibus281, exigeait des sénateurs qu’ils connussent l’état du Trésor, mais l’intérêt de Caton le Jeune pour les dossiers financiers est présenté par Plutarque comme exceptionnel. L’apprentissage de la comptabilité relevait, au Ier siècle av. J.-C., de l’éducation primaire282, et comme tout pater familias tenait un codex accepti et expensi283, les jeunes aristocrates pouvaient, en observant leur père, se familiariser avec les techniques comptables. Leur formation se poursuivait sans doute ensuite sur le terrain, comme contubernales de leurs parents magistrats, mais on ne sait dans quelle mesure l’exemple de Brutus, chargé par son oncle Caton de l’inventaire des biens royaux de Chypre284, est représentatif. Les sénateurs spécialistes des finances, comme les Cornelii Balbi, apparaissent à l’époque césarienne285, à la faveur de l’entrée à la curie de nouveaux venus issus des milieux équestres. Par ailleurs, la plus haute aristocratie romaine ne paraît pas avoir développé un sentiment de responsabilité très aigu à l’égard de la pecunia publica286. Peut-être parce qu’en vertu de l’égalité géométrique qui régissait la société politique romaine, ils étaient les premiers appelés à soutenir l’Aerarium dans les moments de crise, les sénateurs paraissent n’avoir eu guère de scrupules à considérer l’argent public comme le leur287. Dès lors, l’existence de procédures de contrôle paraît déterminante pour le fonctionnement équilibré du système.
3. Le contrôle des responsables publics
- 288 Humbert 1886, I, p. 73. C’était déjà l’opinion de Willems 1885, II, p. 463.
- 289 Humbert 1886, I, p. 32, 42, 64. Dans le même sens, Mispoulet 1882-1883, II, p. 236.
- 290 Humbert 1886, I, p. 33-34, 55 et 58 pour le rôle des questeurs ; p. 36 pour l’intercessio.
- 291 Humbert 1886, I, p. 63-66 et 69-71.
- 292 Humbert 1886, I, p. 60 et 64.
66G. Humbert avait vu dans l’incapacité des autorités romaines à mettre en place des instances de contrôle financier l’une des causes de la chute de la République288. Le contrôle législatif était inexistant. Le contrôle « administratif » ne reposait que sur le travail de la curie289, la distinction de l’ordonnateur et du comptable – le questeur se limitant d’ailleurs à vérifier les pièces justificatives lors de l’acquittement d’un paiement public – ou éventuellement l’intercessio d’un autre magistrat290. En l’absence de tribunal financier ou de service assimilable à une « inspection des finances », le contrôle judiciaire dépendait d’une action, de repetundis, de peculatu ou de pecunia residua, engagée par un priuatus291. Toutefois, les Romains se seraient montrés aptes à organiser un système de reddition de comptes, destiné notamment à encadrer les magistrats en poste dans les provinces292.
- 293 Cerami 1972, p. 774 estime que la notion moderne de contrôle financier recoupe, au moins en partie (...)
- 294 Cette distinction est caractéristique des finances publiques modernes, mais elle peut aider à étab (...)
67Si l’on part du principe que la faiblesse essentielle du système républicain des finances publiques résidait dans les marges de manœuvre laissées aux magistrats et à leur entourage, c’est sur ce dossier qu’il faut apprécier la capacité des cercles de gouvernement à s’autoréguler et à élaborer des catégories permettant la protection de la pecunia publica293. Il convient par conséquent d’examiner par quelles procédures, et à partir de quand, furent pris en compte et réprimés les détournements de fonds publics. Après avoir établi si le contrôle était placé en amont ou en aval294 de la manipulation effective des fonds par les magistrats, on analysera la nature des opérations de contrôle, afin d’apprécier leur efficacité.
Le contrôle financier était-il effectué a priori ou a posteriori ?
68Les pouvoirs publics romains tentèrent-ils de contrôler les actes financiers des magistrats au moment où ils avaient lieu, ou optèrent-ils pour une procédure chronologiquement détachée des faits, et consécutive à la sortie de charge ?
- 295 Zonar. 8, 6.
- 296 Plu. Cato Mi. 17, 3-4 : ἔπειτα γράμματα πολλῶν οὐ προσηκόντως ἀναφερόντων, καὶ δόγματα ψευδῆ παραδ (...)
- 297 Cf. Val. Max. 3, 7, 1f.
- 298 Coudry 1989, p. 570-573 ; Fezzi 2003, p. 51-53, n° 15 et p. 75-78, n° 23 (pour la période postérie (...)
- 299 Donc, a priori, des sénateurs de rang supérieur à la questure, ou éventuellement des membres impor (...)
- 300 Face à un magistrat à imperium qui n’aurait pas respecté la procédure, un questeur pouvait invoque (...)
- 301 Plu. Cato Mi. 17, 3. Dans une société fondée sur la fides, les mots avaient plus de poids que l’éc (...)
- 302 Plu. Cato Mi. 18, 7.
- 303 Plu. Cato Mi. 18, 2.
- 304 Donc le Sénat, soit en la personne du magistrat relator, soit les sénateurs globalement ; ou bien (...)
- 305 Trisciuoglio 1998, p. 39 : chez Plutarque, telè rend généralement uectigalia.
- 306 Plb. 6, 17, 5 ; Liv. 39, 44, 8 ; Plu. Cato Ma. 19, 2 ; Flam. 19, 6. Becker 1843-1867, II-2, p. 232 (...)
- 307 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17 ; 1, 18, 7 = SB n° 18 ; 1, 19, 6 = SB n° 19 ; Suet. Iul. 20, 3 ; App (...)
- 308 Cic. Verr. II 3, 81-82 ; Gell. 18, 4, 4 ; peut-être Cic. Mur. 42. Hinard 1985, p. 187-188 et 194.
- 309 Nous nous sommes limités aux cas décidés domi. Mispoulet 1882, p. 177 ; Willems 1885, II, p. 363 ; (...)
- 310 Oros. 5, 13, 3 (en 121 av. J.-C., pour la cité de Catina frappée par une éruption de l’Etna) ; App (...)
- 311 Cic. Att. 2, 16, 1 = SB n° 36, pour la loi Caecilia de 60 av. J.-C., qui supprimait les portoria e (...)
- 312 App. BC 1, 364. On ne sait si la mesure fut ensuite confirmée par SC ou par la loi qui ratifiait a (...)
- 313 Voir l’action du consul Cicéron face à la rogatio Seruilia agraria.
- 314 Groebe 1905, p. 230 et 233 ; De Libero 1992, p. 16-17 ; Görne 2020, p. 232-233 et n° 133 p. 279.
- 315 Cic. Vatin. 16-17, pour le plébiscite Vatinien. Reduzzi Merola 2007, p. 80.
69La distinction de l’ordonnateur et du comptable, en soi, est un élément de contrôle a priori. Trouve-t-on en outre trace dans les sources de mesures visant à prévenir tout manquement de ces deux responsables ? Si l’on commence par le comptable, on rappellera que les questeurs recevaient à leur entrée en charge un sceau qui permettait probablement de certifier, entre autres, les documents financiers qu’ils émettaient295. Cet usage avait peut-être un effet dissuasif, puisque les magistrats savaient qu’en cas de poursuites, il y aurait moyen de déterminer leur responsabilité. La biographie de Caton d’Utique296 suggère par ailleurs que les questeurs étaient susceptibles de faillir parce qu’ils étaient soumis ou à des tentatives de fraudes – consistant soit dans le non-respect de la procédure297, soit dans la production de faux SC298 – ou à des pressions psychologiques exercées par des personnages puissants299 afin d’inscrire des individus sur la liste des créanciers du Trésor. Le contrôle, en l’occurrence, tenait seulement à la fermeté d’âme du questeur300 ; pour la vérification des documents, à sa décision de requérir des témoignages oraux301 ; et éventuellement à l’aide d’un collègue302. Le même passage de Plutarque303, certes en partie en raison de son caractère favorable à Caton, impute plutôt à l’ordonnateur304 les dérives en matière de remises de sommes dues à la cité (sont évoqués des ophlèmata et des telè305) et de « faveurs » (doseis) inconsidérées. De fait, différents textes306 suggèrent que le Sénat acceptait régulièrement de réviser les contrats publics au bénéfice des societates publicorum, mais l’épisode le mieux connu, celui des années 61-59 av. J.-C.307, atteste pour la première fois d’une utilisation, par un magistrat supérieur, de la loi comitiale pour briser les réticences du Sénat. Par ailleurs, Sylla avait concédé des « arrangements » aux acquéreurs des biens des proscrits308. On a également trace d’immunités ou allègements fiscaux309 « de faveur » octroyés soit par SC310, soit par voie législative311, soit par Sylla durant sa dictature312. Quant aux doseis, on ne sait trop à quoi renvoie le texte de Plutarque, et s’il faisait allusion aux praemia, aux procédures d’indemnisation sur fonds publics, ou au montant exorbitant des gratifications distribuées à l’entourage de certains gouverneurs de province. Quoi qu’il en soit, pour contrer ces pratiques, un sénateur ne pouvait compter que sur sa force de persuasion, mise en œuvre lors des contiones ou à la curie313 ; recourir à l’obstruction, comme le fit Caton au Sénat314 ; ou encore, s’il était augure ou magistrat, invoquer des signes défavorables315.
- 316 Plb. 6, 56, 14 : παρὰ δὲ Ῥωμαίοις κατά τε τὰς ἀρχὰς καὶ πρεσβείας πολύ τι πλῆθος χρημάτων χειρίζον (...)
- 317 Sur ce dernier, introduction, n. 46.
70En somme, le contrôle en amont paraît avoir été très léger, et avoir été laissé aux acteurs mêmes du gouvernement des finances publiques, ce qui était en soi problématique. Un texte de Polybe316 suggère qu’un serment était exigé des magistrats quant à l’emploi des fonds publics : peut-être s’agissait-il d’une clause du iusiurandum prononcé lors de l’entrée en charge317. En ce cas, la République se serait contentée de remettre à la fides des responsables publics la sûreté de la pecunia publica.
La teneur des procédures de contrôle
- 318 Cic. Verr. II 3, 81 ; off. 3, 87, pour le retour sur les largesses fiscales syllaniennes, promu pa (...)
- 319 Gell. 18, 4, 4, contre les dispositions syllaniennes favorables aux acheteurs des biens des proscr (...)
71Il faut conclure de ce qui précède que les procédures de contrôle, si elles existaient, se plaçaient plutôt a posteriori. L’annulation de SC ou de lois pourvues de clauses financières fut, à partir de la fin du IIe siècle av. J.-C., pratiquée par le Sénat318, et le vote d’une nouvelle disposition législative pouvait également rectifier une loi antérieure319. Toutefois, ce genre de mesure ne permettait pas de corriger les éventuels abus d’un magistrat concernant le maniement des deniers publics. Ceux-ci faisaient-ils l’objet d’une vérification par le biais d’une procédure de reddition de comptes, comme le pensait G. Humbert ?
L’absence de reddition de comptes orale
- 320 Willems 1885, II, p. 461.
- 321 Plu. Cic. 17, 2-4 : λέγεται δὲ καὶ τὴν ἐπίκλησιν αὐτῷ γενέσθαι τὸν Σούραν ἐξ αἰτίας τοιαύτης. ἐν τ (...)
- 322 Plb. 23, 14, 7-9 : πάλιν δέ ποτε λόγον ἀπαιτοῦντός τινος ἐν τῷ συνεδρίῳ τῶν χρημάτων ὧν ἔλαβε παρ᾽ (...)
- 323 Selon Plb. 23, 14, 7, Scipion aurait asséné qu’il n’était pas contraint de rendre des comptes.
- 324 Coudry 2009a, p. 60. La position de Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 86-87, 90, 171, 173, 179 n (...)
72P. Willems320 estimait que quand le maniement des fonds publics par un magistrat faisait clairement difficulté, le Sénat pouvait être saisi de l’affaire. Il invoquait sur ce point une allusion de Plutarque321 : l’un des questeurs urbains de l’année 81, P. Cornelius Lentulus Sura, aurait été sommé par Sylla, devant la curie, de rendre raison de ses négligences. Un siècle plus tôt, la première phase du procès des Scipions322 pourrait également avoir pris la forme d’une demande de production de comptes devant le Sénat. Toutefois, dans l’un et l’autre cas, le responsable public mis en cause ne se plia pas aux injonctions qui lui étaient faites323, ce qui suggère qu’il n’était tenu par aucune obligation légale. Le plus vraisemblable est donc que les magistrats n’avaient pas à rendre oralement compte devant la curie324.
Le dépôt des comptabilités à l’Aerarium
73En revanche, différents textes font état de l’obligation imposée à certains magistrats de présenter un bilan comptable écrit (rationes reddere, deferre ou referre) au Trésor Public à l’issue de leur mandat.
- 325 Willems 1885, II, p. 458.
- 326 Mommsen 1889-1896, II, p. 385-389 ; VII, p. 356-357.
- 327 Mommsen 1889-1896, II, p. 388.
- 328 Pour un questeur ou un proquesteur provincial : Cic. Verr. II 1, 36-37 et Ps. Ascon. ad loc. p. 23 (...)
- 329 Plu. TG 6, 2.
- 330 Fallu 1973, p. 211 ; Fallu 1974, p. 247 : l’argument est que la lex repetundarum épigraphique (Cra (...)
- 331 Contrairement à ce qu’écrivent Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 171-172, Cic. Verr. II 1, 36-37 (...)
- 332 Cic. Sest. 135 ; Pis. 50 ; Rab. Post. 12 ; Schol. Bob. Sest. 135, p. 140 St. ; Vatin. 29, p. 149 S (...)
- 333 Oost 1956, p. 20-22 ; Fallu 1970, p. 194-196.
74P. Willems325 estimait que n’étaient concernés que les responsables publics qui avaient été amenés à manipuler effectivement la pecunia publica : les censeurs, ainsi, auraient été dispensés de remettre des comptes, dans la mesure où ils ne disposaient que d’une ligne de crédit sur l’Aerarium. Selon T. Mommsen326, les magistrats soumis à la nécessité de rendre compte étaient tous les personnages chargés de l’administration d’une caisse publique, donc les questeurs du Trésor et les magistrats titulaires des arcae « détachées » de l’Aerarium, gouverneurs de province et questeurs provinciaux. Toutefois, il remarquait que « par une bizarrerie singulière, cet acte [la remise des comptes des quaestores du Trésor] ne para[ît] jamais être cité »327. En fait, le dépôt des comptabilités au Trésor n’est attesté que pour les magistrats en poste dans les provinces328 : comme les « registres comptables » de l’Aerarium étaient précisément ceux des questeurs, une éventuelle remise de la comptabilité de ces derniers au Trésor Public n’aurait pas eu de sens. La plus ancienne allusion à la nécessité, pour un questeur provincial, de remettre ses comptes apparaît dans la biographie plutarchéenne de Ti. Gracchus329, à la date de 137 av. J.-C. É. Fallu330 a donc pensé que cette disposition avait pu être introduite par une loi de peu antérieure, la loi Calpurnia de pecuniis repetundis de 149 av. J.-C. Cependant, ses arguments sont ténus, et il n’est pas certain que la législation de repetundis ait inclus des normes concernant les bilans comptables331 antérieurement à la lex Iulia de pecuniis repetundis332 de 59 av. J.-C333.
- 334 Cic. Pis. 61 : Rationes ad aerarium continuo, sicut tua lex iubebat, detuli, neque alia ulla in re (...)
- 335 Il est donc possible que l’original du magistrat soit resté entre les mains de ce dernier.
- 336 Cic. Verr. II 1, 99 ; fam. 5, 20, 1-2 = SB n° 128.
- 337 Cic. div. in Caec. 28 (quod isdem litteris illius praetura et tua quaestura consigna sit, asportar (...)
- 338 Cic. Verr. II 1, 98.
- 339 Cic. Verr. II 1, 36-37 : Videamus rationes quem ad modum rettulerit : iam ipse ostendet quam ob re (...)
- 340 Willems 1885, II, p. 459 ; Coudry 2009a, p. 59. Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 86-87 ne peuve (...)
75Le seul texte qui décrive la procédure de remise des comptes à l’Aerarium même est un extrait du Contre Pison, qui se rapporte à une situation régie par la loi Iulia, et présente un caractère nettement polémique, puisqu’il impute à Pison l’appropriation de fonds publics334. Le scribe de service, apparemment hors de la présence de tout questeur, semble avoir eu pour tâche de perscribere rationes, c’est-à-dire probablement réaliser une copie conforme des comptes du gouverneur pour archivage335. Le questeur provincial devait également remettre un bilan comptable, mais il semble que le magistrat supérieur et son questeur n’avaient pas à le faire en même temps336. On sait qu’à l’époque syllanienne, un exemplaire des documents publics établis par le préteur et son questeur devait demeurer dans la province337, et qu’un délai légal était fixé pour le dépôt des comptes338. Le croisement du Contre Pison et des passages des Verrines qui évoquent la remise des comptes du questeur Verrès339, trente ans plus tôt, suggèrent en outre que leur remise ne s’accompagnait pas nécessairement du retour à l’Aerarium d’un éventuel reliquat. L’opération n’avait par conséquent rien d’une reddition de comptes, qui d’ailleurs en toute logique ne pouvait être assumée par des magistrats inférieurs comme les questeurs, et encore moins par des appariteurs340.
- 341 La rédaction du bilan se dit rationes conficere. Sur ces aspects, Berrendonner 2014, p. 175-179 et (...)
- 342 Cic. fam. 5, 20, 1-2 = SB n° 128.
- 343 Toute la difficulté réside dans le fait que les informations les plus claires concernant le bilan (...)
- 344 Cic. Pis. 61. De Ste-Croix 1956, p. 46.
- 345 Cic. Pis. 90, qui reproche à Pison d’avoir falsifié ses comptes, évoque l’inscription de sommes do (...)
- 346 Du moins à partir de 59 av. J.-C. : Cic. fam. 5, 20, 7 = SB n° 128. Les bénéficiaires potentiels é (...)
- 347 Cic. Verr. II 1, 36. Rappelons que l’on trouve la même chose dans les comptes épigraphiques de Tau (...)
- 348 Cic. Verr. II 1, 37 : tibi pecuniam, rem frumentariam… commisit.
- 349 Cic. Verr. II 1, 36 montre qu’existaient les chapitres du stipendium, du frumentum, des legati, du (...)
76Sur le plan formel, les rationes consistaient dans un bilan qui réordonnançait les données portées dans les « registres comptables » tenus de façon séparée, durant leur mandat, par le gouverneur et par le questeur341. S’il est net que les deux magistrats étaient soumis à la même obligation de dépôt, et que l’élaboration du bilan réclamait la confrontation de leurs « registres » respectifs342, il est très probable que les deux documents déposés finalement au Trésor n’étaient pas exactement équivalents343. Au milieu du Ier siècle av. J.-C., en tout cas, le bilan comptable du gouverneur se présentait comme un texte rédigé, non comme des listes de chiffres344 ; un reclassement thématique des articles était vraisemblablement opéré345 ; enfin, les comptes s’accompagnaient de documents internes ou annexes, comme la liste nominale des bénéficiaires de gratifications, qui pouvait apparemment figurer ou dans les comptes questoriens ou dans ceux du gouverneur346. La comptabilité questorienne, pour sa part, ne paraît avoir concerné que la pecunia attributa au gouverneur. Son bilan était semble-t-il structuré en trois parties (accepi, dedi, reliqui), suivant un usage attesté dans les comptes épigraphiques de diverses cités antiques347 ; dans la section des entrées, les comptes en argent étaient distingués de ceux en nature348 ; dans celle des sorties, les articles étaient regroupés thématiquement349.
Les limites de la législation de repetundis
- 350 Cic. fam. 8, 8, 3 = SB n° 84.
- 351 Venturini 1979, p. 471 et 501.
- 352 Cic. fam. 2, 17, 4 = SB n° 117 ; fam. 5, 20, 2, 6 et 8 = SB n° 128 ; Att. 6, 7, 2 = SB n° 120 ; Pi (...)
- 353 Cic. fam. 2, 17, 1 = SB n° 117 ; fam. 5, 20, 2 = SB n° 128 ; Pis. 61 : continuo, soit dès le retou (...)
77Peut-on préciser la teneur des obligations légales concernant le dépôt des bilans comptables au Trésor ? La lex Iulia de pecuniis repetundis, composée d’au moins 101 capita350, élargissait la définition du crimen de repetundis351 et contraignait le gouverneur et son questeur à remettre leurs rationes en trois exemplaires concordants et certifiés conformes, les deux premiers dans des cités de leur province à leur convenance, le troisième à Rome, à l’Aerarium352. Le dépôt des comptes devait être effectué dans un délai imparti353, mais 30 jours supplémentaires étaient concédés pour l’éventuel ajout d’un document annexe, les beneficia accordés par le gouverneur.
- 354 Lex repetundarum (Crawford 1996, I, n° 1, p. 69, l. 34) ; Cic. Balb. 11 ; Cic. Att. 1, 16, 4 = SB (...)
- 355 Cic. Verr. II 1, 96 et 1, 99.
- 356 Sur la litis aestimatio, Zumpt 1871, p. 395-411 ; Greenidge 1901, p. 502-503 ; Mommsen 1907, III, (...)
- 357 Mantovani 2000, p. 667 et 668 n. 63. Cic. Rab. Post. 9 suggère qu’on se fondait principalement sur (...)
- 358 Bérenger 2010, p. 186 juge que la « décentralisation » de l’archivage des documents publics qui dé (...)
78Pourquoi la loi Julia demandait-elle la livraison de leurs rationes par les magistrats ? Diverses sources tant épigraphiques que littéraires354 indiquent que, lors des procès pour concussion, les comptabilités servaient à l’établissement de la conviction du jury. L’archivage dans la province des rationes du gouverneur et du questeur permettait donc peut-être à d’éventuelles victimes de préparer leur dossier en ayant connaissance des données qui seraient présentées par la partie adverse. En cas de condamnation du magistrat, ses comptes étaient également probablement consultés lors de l’étape suivante de la procédure. Dans La Préture urbaine355, lorsqu’il parle de bilans comptables, Cicéron cite en effet les extraits des procès-verbaux de la litis aestimatio356 du procès de Dolabella. Les rationes du magistrat étaient donc utilisées pour parvenir à la fixation du montant des « dommages et intérêts » versés aux victimes357. La remise au Trésor Public des bilans comptables des magistrats en poste dans les provinces n’aurait donc apparemment pas été destinée à fournir aux « services centraux » de l’administration financière des instruments d’évaluation ou de décision : elle aurait simplement offert aux priuati qui intentaient une action pour concussion le moyen d’accuser358.
- 359 Cic. fam. 5, 20, 7 = SB n° 128, dix ans après le vote de la loi Julia de repetundis, déclare ingén (...)
- 360 Venturini 1979, p. 464-471. Ferrary 1983a, p. 72 n’excluait pas que la loi gracchienne eût pris en (...)
- 361 Cic. Verr. II 1, 36 suggère cependant qu’il fallait dire où se trouvaient, physiquement, les fonds
- 362 Cic. fam. 5, 20, 9 = SB n° 128.
79L’efficacité des dispositions correspondant à la remise des bilans comptables, au plan du contrôle financier, paraît par conséquent avoir été plutôt limitée. Si l’on met de côté la question du respect même de la législation de repetundis359, cette dernière ne paraît pas avoir envisagé la responsabilité de l’entourage du gouverneur360 ; elle n’imposait vraisemblablement pas de norme stricte quant au retour au Trésor de reliquats361 ; elle admettait l’appropriation par le gouverneur d’une partie des fonds récoltés dans sa province362. Faut-il en déduire que ces points étaient encadrés par d’autres pans de la législation romaine ?
L’invention du péculat
- 363 Plaut. Cist. 72 ; Persa 555.
- 364 Lex repet., l. 68-69 = CIL I², 583 = Crawford 1996, I, n° 1, p. 72 ; lex Cornelia de XX quaestorib (...)
- 365 Gell. 11, 18, 18 : Sed enim M. Cato in oratione, quam De praeda militibus diuidenda scripsit, uehe (...)
- 366 Ce semble avoir été le principe en fonction duquel Alexander 1990 a identifié les procès pour pécu (...)
- 367 Voir le procès de L. Licinius Lucullus (Gruen 1968, p. 177-178 ; Alexander 1990, p. 35-35, n° 69), (...)
80À l’époque cicéronienne est attestée l’existence d’une quaestio permanente chargée de juger les affaires de péculat. Le terme peculatus apparaît au début du IIe siècle av. J.-C., sous forme imagée, dans les comédies de Plaute363, et, à partir de l’époque gracchienne, dans les lois épigraphiques, à travers l’expression sine malo pequlatu364. Le peculatus pourrait, au IIe siècle av. J.-C., avoir été qualifié de furtum publicum365. Les commentateurs modernes ont généralement estimé que les sources grecques rendaient peculatus par klopè366, mais il semble que l’on puisse de la sorte confondre les causes pour péculat et de repetundis367. Pour étudier la répression du péculat, la prudence incite donc à ne prendre en considération que les procès qui portèrent explicitement sur le numéraire et les biens meubles précieux de la cité. Dès lors, il s’agit de déterminer si ce fut par le biais de la procédure judiciaire pour péculat que s’effectua le contrôle financier des responsables publics romains, et quelles furent les étapes de l’élaboration, dans la pensée juridique, du crimen peculatus.
81S’il est clair qu’à partir des années 70 av. J.-C. fonctionna une quaestio peculatus permanente, la date de création de cette dernière est discutée. De même, la présence au Digeste d’un titre évoquant une lex Iulia peculatus a été interprétée aussi bien comme une allusion à une disposition césarienne qu’à une mesure augustéenne. Est-il par conséquent possible de préciser la chronologie des lois qui organisèrent la répression du péculat ?
La quaestio peculatus
- 368 Cic. nat. deor. 3, 74 : Cognosce alias quaestiones, auri Tolosani, coniurationis Iugurthinae ; rep (...)
- 369 Van den Bruwaene 1970, p. 6 ; Lassandro – Micunco 2007, III, p. 12-13.
- 370 Gnoli 1975, p. 340-341 ; Ferrary 1991, p. 426 et n. 42 = Ferrary 2012d, p. 83-84.
- 371 Lengle 1931, p. 304 ; Kunkel 1963, col. 739 ; Gruen 1968, p. 177, 244, 262-263 ; Gnoli 1975, p. 34 (...)
- 372 Rhet. Her. 1, 22 : Si quis peculatus accusatur quod uasa argentea puplica de loco priuato dicatur (...)
- 373 Achard 1989, p. VI-VII et XII-XIII ; Caplan 1954, p. XXVI ; Cancelli 1993, p. 270-271.
82La plus ancienne mention explicite d’une cour permanente chargée des affaires de péculat se trouve dans le De Natura Deorum368, dialogue situé par Cicéron entre les années 77 et 75 av. J.-C369. Comme, dans le texte, lege noua ne paraît porter que sur la dernière des quaestiones citées370, les autres cours, dont celle qui jugeait les causes de péculat, doivent être antérieures à Sylla371. En outre, un passage de la Rhétorique à Herennius372, eu égard au vocabulaire qu’il emploie, paraît susceptible de faire allusion à une quaestio, ainsi qu’à une casuistique sur la nature du crimen peculatus (tenait-il au statut juridique des objets dérobés ou à celui du lieu dont ils avaient été ôtés ?) : or, l’ouvrage semble avoir été composé entre 88 et 82 av. J.-C373.
- 374 Plu. Pomp. 4, 1-6. Gruen 1968, p. 244 et Hillman 1998, p. 177-180 et 191 datent les faits de 86 av (...)
- 375 Plu. Pomp. 4, 4.
- 376 Plu. Pomp. 4, 1.
- 377 Le Dig. 48, 13, 16 (Papinianus) indique que les actions pour péculat étaient transférables sur les (...)
- 378 Hillman 1998, p. 185-186 : Vell. 2, 26, 2 qualifie Antistius d’aedilicius lors de sa mort en 82 av (...)
- 379 Plu. Pomp. 4, 2.
- 380 Shatzman 1972, p. 195, critiqué par Rosenstein 2011, p. 135.
- 381 Bur 2018, p. 334, contra Lintott 1978, p. 137.
83Le premier procès connu devant la quaestio peculatus pourrait avoir été celui auquel fut soumis Pompée peu après la mort de son père374. L’existence d’une quaestio peculatus permanente pourrait être déduite du fait que, selon Plutarque, un préteur – P. Antistius – présida la cour375, que l’accusation porta sur la klopè de dèmosia chrèmata376, et que Pompée fut poursuivi pour des actes commis par son père, particularité que l’on retrouve dans la jurisprudence postérieure sur le péculat377. Toutefois, comme P. Antistius semble en fait être mort avant d’avoir exercé la préture, Plutarque pourrait avoir arbitrairement situé le procès de Pompée dans un cadre institutionnel similaire aux réalités post-syllaniennes378. De plus, Pompée paraît s’être vu reprocher de détenir des objets provenant du butin fait par Pompeius Strabo à Asculum en 89379, ce qui avait conduit I. Shatzman à nier toute crédibilité au passage, l’usage des manubiae ne pouvant selon lui donner lieu à des poursuites380. Cl. Bur381 a récemment proposé d’identifier la loi qui instaura la quaestio peculatus avec la loi latine de Bantia : comme le président de la quaestio qui y est évoquée est désigné par le terme ioudex, ce pourrait avoir été le titre porté par Antistius en 86.
- 382 Les seuls cas vraiment sûrs sont ceux où il est clairement dit que l’accusation fut de péculat ; o (...)
- 383 Cic. Verr. I 39 ; Rein, 1844, p. 689 ; Alexander 1990, p. 81, n° 162 et p. 87, n° 175.
- 384 Cic. Rab. perd. 8 ; Rein 1844, p. 690 ; Alexander 1990, p. 64, n° 123.
- 385 Cic. Cluent. 94 ; Ascon. Corn. p. 57-58 St. ; Rein 1844, p. 690 ; Gruen 1971, p. 56-57 ; Alexander(...)
- 386 Cic. nat. deor. 3, 74.
- 387 Quint. inst. 5, 13, 17 ; Sall. hist. 3, 59 M. ; D.C. 36, 40, 3-4 ; Ps. Ascon. Cic. Verr. II 1, 50, (...)
- 388 D.C. 37, 44, 1 ; Rein 1844, p. 690.
- 389 Plu. Luc. 37, 1 ; Gruen 1971, p. 57-58 ; Jones 1972, p. 5 jugeait qu’on ne pouvait déterminer si l (...)
- 390 Cic. Cluent. 147 ; Mur., 42. Mommsen 1907, III, p. 68.
- 391 Cic. Cluent. 94 ; probablement le cas de Pompée.
- 392 Cic. Mur. 42.
- 393 Cic. Mur. 42 ; Mommsen 1907, III, p. 78 ; Kunkel 1963, col. 745 ; Gnoli 1973, p. 467. Si les règle (...)
- 394 Q. Sosius (Nicolet 1966-1974, II, p. 1024-1026, n° 328) ; C. Curtius (Nicolet 1966-1974, II, p. 86 (...)
- 395 Cic. Mur. 42.
- 396 Strachan Davidson 1912, I, p. 167.
- 397 David 2012, p. 272 ; David 2019, p. 230.
- 398 Cic. Verr. II 1, 11. Cf. Lex Tarent., l. 2 = CIL I², 590 = Crawford 1996, I, p. 304, l. 2.
- 399 Cic. Verr. II 1, 11 ; 4, 88.
- 400 Cic. Verr. II 1, 11. Cf. Quint. inst. 5, 13, 17.
- 401 Voir, peut-être, l’expression chez Sall. Jug. 31, 25, peculatus aerari.
84Les procès tenus devant la quaestio peculatus permanente382 furent donc ceux de Pompée, de C. Popillius et C. Herennius383, de C. Curtius384, de Faustus Sulla385, peut-être ceux de L. Alenus ou Aienus (et Q. Sosius ?)386, de P. Oppius387, de Q Lutatius Catulus388 et éventuellement de M. Licinius (Terentius Varro) Lucullus389. Si l’on s’aventure, à partir de ces quelques données, à tenter de reconstituer la procédure suivie devant la quaestio peculatus, on conclura que la cour, sans doute à partir de Sylla, fut présidée par un préteur390 ; le même tribunal jugeait les affaires de péculat et de pecuniae residuae391 ; le recours à des indices était possible392 ; le procès en lui-même était suivi d’une phase de litis aestimatio393. Les accusés paraissent avoir été de rang sénatorial, mais dans le groupe des cas incertains on trouve peut-être des chevaliers394, et un passage du Pro Murena395 fait état de poursuites menées contre un scribe. J. L. Strachan Davidson396 jugeait qu’une procédure « de droit commun » existait en parallèle de celle qui concernait les sénateurs ; J.-M. David397 estime de son côté que les appariteurs étaient dans certaines circonstances passibles des quaestiones perpetuae. Enfin, il semble que la quaestio peculatus ait été amenée à juger des affaires de rétention de pecunia publica et de destruction de documents publics. Si l’on utilise les passages des Verrines dans lesquels Cicéron menace Verrès d’une accusation de péculat pour identifier les termes qui qualifiaient le premier volet du crimen, il se pourrait qu’il ait répondu au fait d’auertere398, auferre399 et detrahere400. Par conséquent, à partir du moment où la quaestio peculatus fut instituée, il semblerait que la protection des objets conservés à l’Aerarium – fonds publics et archives – ait été garantie par la loi401, et que la question des reliquats en particulier ait pu être réglée, dans la limite de la récupération sur le patrimoine de l’accusé de la valeur de sommes soustraites aux caisses publiques.
La lex Iulia peculatus
- 402 Rein 1844, p. 692 et 695-696 et Kunkel 1963, col. 773 pensaient à une unique loi ; Mommsen 1907, I (...)
- 403 Gnoli 1979, p. 25. Mommsen 1907, III, p. 68 optait pour une chronologie césarienne sur la base d’u (...)
- 404 Gnoli 1973, p. 442-444 et 470 : le titre du Digeste est intitulé Ad legem Iuliam ; le Dig. 48, 13, (...)
- 405 Dig. 48, 13, 1 (Ulpianus libro quadragensimo quarto ad Sabinum) ; 48, 13, 10 (Venuleius Saturninus (...)
- 406 Gnoli 1973, p. 440.
- 407 Piazza 1991, p. 143 et 151 relève que la différence entre péculat et falsum était liée au caractèr (...)
- 408 Ferrary 2009, p. 231 ; Ferrary 2012b, p. 581. Cf. Kunkel 1963, col. 773. On peut peut-être aussi i (...)
- 409 Kunkel 1963, col. 745 ; Bur 2018, p. 335.
85Une loi Julia, en outre, compléta à une date inconnue les dispositions déjà existantes sur le péculat. Connue par le titre 48, 13 du Digeste, intitulé Ad legem Iuliam peculatus et de sacrilegis et de residuis, elle soulève trois difficultés. D’une part, les romanistes se sont demandé si les mesures concernant la pecunia sacra et la pecunia residua étaient contenues dans des lois différentes, ou étaient comprises dans la lex Iulia peculatus402. D’autre part, puisque le Digeste se présente comme une compilation de la jurisprudence sur le sujet jusqu’à l’époque impériale avancée, il faut dégager la strate initiale de la législation des développements postérieurs. Enfin, la chronologie de la lex Iulia peculatus n’est pas fixée, aucun élément dirimant ne permettant à première vue de trancher entre les époques césarienne et augustéenne403. Sur le premier point, F. Gnoli a, en dernier lieu, défendu de façon convaincante l’idée d’une loi unique404. Sur le second, il semble qu’une position de prudence consiste à ne retenir que les mentions explicites de la loi405. Il faudrait en déduire que le texte prohibait la soustraction, l’interception et le détournement suivi d’appropriation (auferre, intercipere, in rem suam uertere, subripere ?) des valeurs (pecunia et peut-être praeda) rentrant dans la catégorie des biens publics406 ; en relation avec les points précédents, l’altération des monnaies407 et la falsification et la destruction de documents publics ; qu’était également interdite la retenue par un responsable public d’une somme dont il avait assuré le recouvrement ou qui lui avait été affectée pour dépense. Dans ce dernier cas, la condamnation donnait lieu à une sanction pécuniaire correspondant au montant en question augmenté d’un tiers. En d’autres termes, la loi semble avoir encadré l’activité des magistrats en charge d’une arca, tant à Rome que dans les provinces. Pour ce qui est de la chronologie de la loi Julia peculatus, J.-L. Ferrary jugeait qu’il fallait préférer l’option augustéenne, dans la mesure où toutes les lois Iuliae à caractère pénal, à l’exception de la lex de pecuniis repetundis, semblent avoir été des dispositions du premier Princeps408. Par conséquent, la législation républicaine sur le péculat paraît avoir été succincte, se limitant à la loi constitutive de la quaestio perpetua, et probablement à la loi syllanienne qui confia à un préteur la présidence de la cour409.
La nature des procès pour péculat avant la création d’une quaestio permanente
- 410 Les sources sont rassemblées par Coudry 2009a, p. 78-79.
- 411 Val. Max. 5, 3, 2 a. Les autres sources sont D.S. 14, 117, 6 ; Liv. 5, 32, 8 ; D.H. 13, 5, 1 ; Pli (...)
- 412 Vir. Ill. 50, 1 ; Fab. Pict. 28 P. = 18 Chassignet = 26 Cornell ; Frontin str. 4, 1, 45.
- 413 Liv. 38, 55, 5 ; Val. Max. 5, 3, 2 c ; Gell. 6, 19, 8. La Per. 38, bien que lacunaire, semble avoi (...)
- 414 D.H. 7, 63, 2-3 ; 7, 64, 2-6 ; Plu. Cor. 20, 5.
- 415 Liv. 37, 57, 12-14 ; 38, 58, 1 ; Fest. p. 268 L.
- 416 Oros. 5,15, 25 ; Str. 4, 1, 13 ; D.C. frg. 90.
- 417 Coudry 2009a, p. 48-49.
- 418 Plin. nat. 34, 13. Pour Kunkel 1962, p. 35, les questeurs seraient intervenus en leur qualité d’ad (...)
- 419 Liv. 38, 54, 3-38, 55, 13 ; Oros. 5, 15, 25.
- 420 L’exil de Coriolan doit être mis à part, dans la mesure où il s’insère dans un récit étiologique d (...)
- 421 Mommsen 1864-1879, II, p. 449 ; Coudry 2009a, p. 48.
- 422 Coriolan : D.H. 7, 63, 2 (laphura signifie souvent praeda chez D.H. : Coudry 2009a, p. 25) ; Camil (...)
- 423 Coriolan : D.H. 7, 63, 2 (si l’on préfère donner à laphura le sens de manubiae) ; Plu. Cor. 20, 5 (...)
- 424 M’. Acilius Glabrio, Q. Servilius Caepio.
- 425 Liv. 38, 55, 6 (pour L. Scipio) ; peut-être Liv. 37, 57, 12 (pour M’. Acilius Glabrio).
- 426 Cf. Pompée et Faustus Sulla.
86Reste à éclaircir la mention dans les textes de procès pour peculatus antérieurs à la création d’une quaestio permanente410. Ils auraient concerné Camille411, M. Livius Salinator412 et L. Cornelius Scipio413, auxquels on peut éventuellement adjoindre, au regard des chefs d’accusation invoqués, Coriolan414, M’. Acilius Glabrio415 et Q. Servilius Caepio416. Coriolan et Camille ont toutes les chances d’être les protagonistes de récits étiologiques : il semblerait donc que ce soit à partir de l’époque de la deuxième Guerre punique qu’une norme de péculat ait été définie417. Mis à part le cas de Camille, pour lequel est également évoquée une accusation questorienne418, et ceux de L. Cornelius Scipio et Q. Servilius Caepio, où l’affaire pourrait avoir été traitée par une quaestio temporaire419, les procès pour péculat sont tous décrits par les sources comme des procès tribuniciens pour amende420. L’enjeu de toutes ces causes fut le butin de guerre, et à proprement parler son statut de propriété publique421, mais les versions divergentes transmises par les différentes sources font que l’on détermine mal s’il y eut soupçon d’appropriation individuelle de la praeda422, poursuites liées aux modalités de distribution des manubiae423, répression de la négligence dans le transport du butin vers Rome424 ou accusation de residuis portant sur le versement au Trésor des indemnités de guerre425. Dans les procès pour péculat du Ier siècle av. J.-C. apparaît encore, en filigrane, la question du butin426, mais l’accusation paraît en ce cas soit avoir cherché à faire rentrer à l’Aerarium des sommes dont il avait besoin, soit à mettre en débat la légitimité politique des actes de Sylla. La définition du crimen peculatus pourrait par conséquent avoir subi une inflexion notable à l’époque tardo-républicaine : d’un sujet circonscrit aux magistrats à imperium et au statut de la principale recette du Trésor Public, on serait passé à une notion plus large de protection du patrimoine public et en particulier du contenu de l’Aerarium. Les Romains semblent donc s’être montrés capables d’élaborer une catégorie juridique nouvelle aux fins de préservation des res publicae. Pour sa part, la lex Iulia peculatus, si elle est bien augustéenne, chercha peut-être essentiellement à encadrer les gouverneurs dans la nouvelle architecture des prouinciae prévue par le Princeps.
87En définitive, l’administration des finances publiques, dans la Rome républicaine, semble avoir fonctionné de façon paradoxale, oscillant entre deux extrêmes qui étaient la souplesse, voire l’improvisation, du gouvernement sénatorial, et la technicité poussée dont pouvaient apparemment faire preuve les services de l’Aerarium. Les sénateurs prenaient leurs décisions au coup par coup, suivant la situation : la notion de budget leur était donc étrangère. Ils ne semblent le plus souvent avoir été éclairés sur le sujet du jour que par l’exposé préliminaire du magistrat qui les avait convoqués, et n’avaient par ailleurs pas d’autres compétences en matière comptable que la rédaction de leurs propres codices accepti et expensi. Les réunions de la curie étaient susceptibles de se perdre en débats interminables, dès lors que des divergences s’exprimaient ou qu’un sénateur pratiquait l’obstruction, comme Caton dans la fameuse affaire des publicains de 61-59. Dans la plupart des cas, la dimension financière des dossiers passait apparemment au second plan, derrière les considérations proprement politiques. Cependant, le mos maiorum, qui amenait à prendre des décisions similaires dans des cas de figure identiques, et par exemple à voter des montants récurrents pour les dépenses, avait pour effet d’accélérer les procédures et sans doute de produire le consensus.
88Le point faible du système romain ne résidait pas vraiment dans l’architecture de son système institutionnel : celui-ci, en effet, réserva au Sénat, jusqu’à la fin du II e siècle av. J.-C., le gouvernement des finances publiques, et cette prérogative fut globalement respectée par les magistrats. Seuls les titulaires de l’imperium en poste dans les provinces, parce qu’ils avaient la haute main sur le butin et étaient susceptibles de s’affranchir des consignes du Sénat dans la phase d’exécution de la dépense publique, représentaient une potentielle menace. À partir de l’époque gracchienne, l’utilisation du concile par les magistrats de la plèbe, pour introduire de nouvelles recettes ou engager des dépenses non voulues par le Sénat, coïncida, en revanche, avec un tournant majeur, qui correspondit visiblement à une érosion du respect, par les magistrats, des usages qui sous-tendaient le régime républicain.
- 427 Rawson 1973, p. 351.
89C’est donc bien dans l’éthique aristocratique que se trouvaient les failles de la res publica. Le choix de certains magistrats « exemplaires » en poste dans les provinces de ne pas user des fonds mis à leur disposition par le Sénat montre qu’eux-mêmes ne se sentaient aucunement liés par les décisions de la curie. Les mesures financières adoptées par les sénateurs témoignent à plusieurs reprises d’un souci de servir leurs intérêts particuliers ou ceux de leurs clients. La République ignora jusqu’au bout le principe de la reddition de comptes des responsables publics, mais à partir du IIe siècle, les juristes romains élaborèrent une notion nouvelle, le peculatus, qui visait à garantir la protection du patrimoine civique. Toutefois, il n’est pas certain que les sénateurs romains aient été très préoccupés par cet aspect : lorsque dans le De Legibus (3, 7 et 11) Cicéron proposait de confier aux censeurs la tuitio du Trésor Public et la custodia des lois qui y étaient archivées, il cherchait probablement à rationaliser les institutions républicaines427 et à renforcer l’autorité des magistrats préposés à l’administration des finances, mais il ne posait pas la question de leur contrôle.
Notes
1 Nicolet 1983a, p. 19-21 ; Ferrary 1984, p. 87-88 et 90-92 ; Hahm 2009, p. 190-196 ; Zecchini 2011, p. 527.
2 Coudry 1989, p. 11 relève que chez Polybe, au livre VI des Histoires, c’est l’exercice du pouvoir de décision qui constitue le critère permettant de définir la nature d’une politeia.
3 Cic. Vatin. 36. Les autres sources qui évoquent l’autorité du Sénat sur le Trésor sont Cic. Sest. 66 (pour la dépense publique) et Val. Max. 3, 7, 1e.
4 Plb. 6, 13, 1 et 14, 2.
5 Willems 1885, II, p. 438 ; Humbert 1886, I, p. 28 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 323 et 340-341 ; De Sanctis 1907-1957, IV/1, p. 516 ; De Martino 1972-1975, I, p. 481 ; Nicolet 1974, p. 238-239 ; Nicolet 1979a, p. 379. Les rares exceptions se seraient limitées au droit qu’avaient quelques magistrats supérieurs de puiser d’eux-mêmes dans le Trésor (Willems 1885, II, p. 333 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 350 et 354 ; De Martino 1972-1975 II, p. 212-213), aux sommes tirées des théoriques caisses des pontifes et des édiles (Willems 1885, II, p. 388 ; Humbert 1886, I, p. 46 ; Marquardt 1888, p. 101 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 259. Sur ce point, voir chapitre 2, « Entre combien d’arcae les fonds publics étaient-ils répartis ? »), et aux dépenses fixes prévues par les textes de loi (Willems 1885, II, p. 381 et 389). À partir des années 130-120, la loi concurrença le SC dans l’autorisation des dépenses : Willems 1885, II, p. 383 et 424 ; Marquardt 1888, p. 145-147 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 361 ; O’Brien Moore 1935, col. 740 ; De Martino 1972-1975, II, p. 497 et 528.
6 Cette option est en général admise par les historiens des années 1920-1970, qui estiment que le Sénat était systématiquement appelé à se prononcer sur la mise en place de nouvelles recettes fiscales (O’Brien Moore 1935, col. 739 ; De Sanctis 1907-1957, IV/1, p. 516 ; Nicolet 1976a, p. 230 ; Nicolet 1979a, p. 379), la perception du tributum (déjà Humbert 1886, I, p. 20 ; De Martino 1972-1975, II, p. 206 ; Nicolet 1979a, p. 379), l’exploitation des biens publics (Nicolet 1976a, p. 232 ; Nicolet 1979a, p. 379).
7 Willems 1885, II, p. 341, 360, 362. Cf. De Martino 1972-1975, II, p. 206.
8 Willems 1885, II, p. 356 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 338.
9 Willems 1885, II, p. 366-367 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 324 ; O’Brien Moore 1935, col. 737, pour les indemnités de guerre et le butin ; Willems 1885, II, p. 370 ; Marquardt 1888, p. 365-366, pour les amendes. Mommsen 1889-1896, VII, p. 325, pour les dons et legs faits au peuple romain par l’entremise des magistrats.
10 Willems 1885, II, p. 341-342 et 344 ; Marquardt 1888, p. 193, 311, 317 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 329 ; De Sanctis 1907-1957, IV/1, p. 518.
11 Willems 1885, II, p. 362 (à propos de l’organisation des provinces) ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 329 (pour la locatio des biens publics) et 330 (pour l’organisation de la fiscalité provinciale).
12 Willems 1885, II, p. 341 (à propos des portoria) et 344 (pour les contrats de 209 concernant l’ager Campanus) ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 382-384 (pour les contributions exigées des autres puissances).
13 Mommsen 1889-1896, VII, p. 337-338.
14 Mommsen 1889-1896, VII, p. 325 et 336 ; O’Brien Moore 1935, col. 737 (les dons ou legs faits au peuple romain sont acceptés ou refusés par le Sénat s’ils proviennent d’une puissance étrangère).
15 Pour Mommsen 1889-1896, VII, p. 324, les actes ordinaires de l’administration étaient accomplis par les magistrats, les actes extraordinaires par le Sénat.
16 Plb. 6, 13, 2-3. Mommsen 1889-1896, VII, p. 341, n. 1 avait relevé que Polybe consacrait « peu de mots » aux recettes et par conséquent avait centré la section du Droit Public Romain qui concernait les compétences financières du Sénat sur « l’autorisation des dépenses ».
17 Willems 1885, II, p. 329.
18 Entre 246 et 189 av. J.-C., une part non négligeable des temples et de leurs ornamenta fut érigée par les édiles, sur les amendes qu’ils avaient levées (Varro ling. 5, 158 ; Liv. 23, 30, 16-17 ; 24, 16, 18-19 ; 27, 6, 19 ; 30, 39, 8 ; 33, 25, 3 ; 33, 42, 8-11 et 34, 53, 3-7 ; 35, 10, 11 ; 35, 41, 9-10 ; 38, 35, 5-6 ; CIL I², 2675 c = ILLRP 45 ; Trisciuoglio 1998, p. 135 ; Piacentin 2018, p. 115) ou sur les stipes des lieux de culte (CIL I², 800 = ILLRP 39 = VI, 7 ; Estienne – De Cazanove 2009, p. 20-27, avec la bibliographie antérieure).
19 Liv. 23, 30, 16-17 ; 27, 6, 19 ; 40, 59, 6-8.
20 Lange 1876-1879, I, p. 798 ; Madvig 1881-1882, I, p. 393 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 132 ; Kunkel 1995, II, p. 402 et 457-461.
21 Plb. 6, 12, 8 et 6, 13, 2, dans sa description de la politeia romaine, attribue aux consuls la faculté « de faire sur les fonds publics toute dépense à leur gré » (trad. CUF R. Weil), et précise que la seule exception à l’obligation faite aux questeurs de disposer d’un SC pour effectuer un paiement concernait les consuls. Le privilège dont jouissaient ces magistrats aurait, selon T. Mommsen, été limité à la sphère domi, où s’exprimait avec le plus de force la continuité entre imperium consulaire et imperium royal (Mommsen 1889-1896, III, p. 152 ; VII, p. 350 ; Willems 1872, p. 204 ; Willems 1880, p. 221 et 253 ; Willems 1885, II, p. 333. L’idée est en soi un peu curieuse car c’est initialement dans la sphère domi que l’imperium consulaire subit des restrictions), ou aurait concerné les fonds destinés au consul lui-même (Mommsen 1889-1896, VII, p. 347 et 350), ou encore aurait caractérisé l’époque antérieure à Sylla (Mommsen 1889-1896, III, p. 152). De Ruggiero 1900, p. 390 et De Ruggiero 1925, p. 208, de son côté, pensait que le consul était dispensé de requérir un SC lorsqu’il devait financer une guerre (ou bien que le consul avait les mains libres pour fixer le montant des crédits de guerre qui lui seraient nécessaires).
22 Liv. 34, 53, 3-7 ; Per. 39, 1 et 46, 15 ; Cic. Verr. II 1, 130 ; Catil. 3, 20.
23 Cic. de orat. 2, 269 ; D.S. 34-35, frg. 29 ; Vell. 2, 6, 5 ; Val. Max. 9, 4, 3 ; Plu. CG 17, 3 ; App. BC 1, 119 ; Flor. epit. 2, 3, 6 ; Vir. Ill. 65, 6.
24 Les historiens du XIXe siècle débattaient de la position du dictateur. Zonar. 7, 13, dans l’excursus qu’il consacre aux pouvoirs de ce magistrat, précise en effet qu’il lui était interdit d’ordonner une dépense qui n’aurait pas été votée (on peut comprendre par là aussi bien par un SC que par une décision du peuple). Lange 1876-1879, I, p. 751 et II, p. 435 estimait que c’était précisément parce qu’il n’était pas tenu de rendre des comptes que le dictateur était contraint de convenir de ses dépenses avec le Sénat ; les consuls, en revanche, parce qu’ils avaient à justifier leur gestion en matière de deniers publics, étaient libres de puiser dans le Trésor. Humbert 1886, I, p. 44, jugeait que le dictateur passait par l’intermédiaire des consuls pour se faire délivrer des ordres de paiement. En revanche, Willems 1885, II, Paris, 1885, p. 332-336 récusait le témoignage de Zonaras, sur l’argument que le dictateur avait un imperium plus fort que le consul, et que Sylla puis César disposèrent librement de l’Aerarium. Mommsen 1889-1896, III, p. 191, allait dans le même sens, en supposant que le dictateur pouvait exercer une pression sur le Sénat lors du vote des crédits de guerre.
25 Liv. 22, 57, 11 ; Zonar. 9, 2.
26 Cic. Arch. 25 ; Sen. prov. 3, 8 ; Plu., Sull. 31, 7 et Cato Mi. 17, 5 ; App. BC 1, 442. Cf. Suet. Iul. 11, 2 et Vell. 2, 28, 3.
27 En 217, le dictateur Q. Fabius Maximus avait conclu avec Hannibal un accord qui prévoyait que les captifs surnuméraires fissent l’objet d’une indemnisation en argent pesé (Liv. 22, 23, 6-8 ; Val. Max. 3, 8, 2 ; Plu. Fab. 7, 5-8 ; D.C. frg. 57, 15 et 35). Franchini 2018, p. 500-506.
28 Caes. Gall. 7, 55, 3.
29 Zonar. 9, 17 ; Liv. 34, 19, 2-11 ; Plu. Cato Ma. 10, 1 et Apopht. Caton. 24 : à proprement parler, les sommes versées payaient la non-intervention des Celtibères.
30 Vell. 1, 13, 4.
31 D.S. 37,18, 1 ; Liv. 25, 18, 15 ; 26, 48, 14 ; Val. Max. 4, 3, 10 ; App. Mith. 51 ; Caes. civ. 3, 53, 2 ; 3, 59, 2. On comparera avec Liv. 23, 15, 15 et Cic. Verr. II 5, 110, pour des dons accordés par un préteur.
32 App. Hisp. 115 ; Liv. 30, 15, 11 ; 34, 12, 7 et Liv. 27, 3, 5 (un praemium accordé à des dénonciateurs par un proconsul peut être assimilé à cette situation).
33 Suet. Iul. 26, 3.
34 Plu. Cato Ma. 6, 2 (mais Liv. 32, 27, 2-4, s’il se réfère bien au même contexte, parle de dépenses imposées aux alliés).
35 Cic. Arch. 11 ; Plu. Cato Ma. 6, 2.
36 Cic. Flacc. 45.
37 Il paraît certain que depuis 366 av. J.-C., le financement des ludi magni organisés par les édiles était décidé par le Sénat (Fab. Pictor frg. 16 P. = 20 Ch. = 20 Beck-Walter = 15 Cornell ; Ps. Ascon. Verr. I, 31, p. 217 St.: Romani ludi sub regibus instituti sunt magnique appellati, quod magnis impensis dati : tunc primum ludis impensa sunt ducenta milia nummum. Cf. Liv. 31, 9, 10 ; 36, 2, 3 ; 40, 44, 8-12, et le parallèle de la Lex Vrson. ch. 71 = Crawford 1996, I, n° 25, p. 403 ; Bernstein 1998, p. 73 et 143). Pour les opérations édilitaires censoriales, Plb. 6, 13, 3 déclare explicitement que les sommes dépensées par les censeurs faisaient l’objet d’une négociation au Sénat, et Liv. 41, 27, 11 montre un censeur refuser d’ordonnancer une dépense qui n’aurait été décidée ni par le Sénat ni par le peuple. Astin 1986, p. 128 en déduit d’ailleurs que la source utilisée par Tite Live doit avoir été les recueils de SC. Lorsqu’un consul faisait réaliser une voie publique ou affermait les travaux de construction d’un temple qu’il avait voué, une autorisation sénatoriale paraît avoir été nécessaire pour ouvrir au droit d’user du sol public (Aberson 1994, p. 114 ; Orlin 1997, p. 56 et n. 76 estime que dans ce cas de figure, le général romain, avant son départ de Rome, requérait un SC l’autorisant à vouer un temple ; Pina Polo 2011, p. 153 est d’avis contraire). Une clause du SC déterminait donc probablement aussi le montant des sommes mises à la disposition du magistrat.
38 Pour les locationes censoriales, à sept reprises, les sources ne font pas état de l’intervention d’une autre instance institutionnelle que les censeurs eux-mêmes (dans l’ordre chronologique des faits évoqués, Liv. 27, 11, 16 ; 36, 36, 5 ; 34, 44, 5 ; 38, 28, 3 ; 45, 15, 8-9 ; 40, 51, 4 ; D.H. 3, 67, 5), tandis que dans cinq autres cas, on a mention d’un SC (Liv. 29, 37, 2 et 36, 36, 4 ; Liv. 39, 44, 5 et Plu. Cato Ma. 19, 2 ; Liv. 40, 46, 16 et 40, 51, 2 ; 44, 16, 8-10 ; Plin. nat. 34, 30).
39 C’est le cas pour les locationes censoriales de 204 av. J.-C. (Liv. 29, 37, 2 et 36, 36, 4) et 184 (Liv. 39, 44, 5 et 7 et Plu. Cato Ma. 19, 2). L’exemple du dictateur de 216 M. Iunius Pera apparaît également à cet égard emblématique : selon Zonar. 9, 2, au lendemain de Cannes, afin de faire face à la pénurie des effectifs militaires, il aurait promis de sa propre autorité de l’argent aux alliés italiens et envoyé des émissaires en Grèce afin de recruter des mercenaires. En revanche, chez Liv. 22, 57, 11, l’emploi du verbe placuit suggère que ce fut un SC qui débloqua les fonds nécessaires à l’achat de 8 000 esclaves.
40 L’acquisition par Caton, lors de son départ pour l’Hispanie, de deux esclaves supplémentaires destinés à son service, en sus des trois qui lui étaient attribués (Apul. apol. 17), paraît faire écho à Val. Max. 4, 3, 11, qui traite des sommes accordées aux magistrats en mission. Il n’est donc pas exclu que le consul ait utilisé des fonds qui lui avaient été votés par le Sénat.
La Per. 46, 15 indique qu’en 160 av. J.-C., le consul M. Cornelius Cethegus procéda à la bonification des marais pontins parce que cette prouincia lui avait été attribuée. Comme la collation des sphères de compétence dépendait du Sénat, il est vraisemblable qu’un SC donna également au magistrat les moyens matériels de réaliser sa mission.
Dans le cas de la récompense promise par L. Opimius à qui ramènerait la tête de C. Gracchus, l’édit consulaire cité par D.S. 34-35, frg. 29 et Val. Max. 9, 4, 3 (Cf. Plu. CG 17, 3) pourrait être compris comme la mise en œuvre d’un SC complétant le senatus consultum ultimum. Willems 1885, II, p. 253 et Rödl 1969, p. 68-69, contra Guarino 1970, p. 285, estimaient qu’un SCU s’accompagnait de dispositions annexes qui prescrivaient les mesures concrètes à prendre.
S’il est permis d’extrapoler à partir du cas de la statue équestre de Sylla (App. BC 1, 451-452), les sorties, en 81 av. J.-C., semblent avoir été votées par le Sénat. La statue pourrait avoir été financée par SC (Lahusen 1983, p. 98 et 121 et Sehlmeyer 1999, p. 205), puisqu’Appien précise que le surnom Felix, qui figurait sur la dédicace, fut décerné à Sylla par la curie. Sylla, dans la logique de son projet de remise en ordre des institutions républicaines, aurait formellement respecté les prérogatives financières du Sénat (cf. Hurlet 1993, p. 156).
La locatio consulaire des travaux du temple des Castores en 80 av. J.-C. (Cic. Verr. II 1, 130) fut parachevée par une exactio confiée aux préteurs par un SC : on peut donc en inférer que la première étape elle aussi avait été décidée par un SC.
Les paiements effectués en 72 av. J.-C. à Temnos par Varinius, sans doute pour l’usage d’entrepôts qui abritaient le blé public destiné à l’Vrbs, furent vraisemblablement réalisés sur l’Aerarium (Cic. Flacc. 45 ; Nicolet 1980, p. 275-281 = Nicolet 2000, p. 211-230 ; Nicolet 1994c, p. 224 = Nicolet 2000, p. 290).
41 Trisciuoglio 1998, p. 103 a relevé que les SC qui établissaient le principe d’une locatio en matière de sarta tecta n’étaient jamais mentionnés. Par ailleurs, comme l’existence d’une arca spécifique aux édiles paraît improbable, les réalisations de ces magistrats de multis faisaient sans doute l’objet d’une autorisation sénatoriale dont les sources ne font pas état (Orlin 1997, p. 143-144 suggère que les édiles avaient peut-être besoin d’une autorisation spécifique du Sénat pour procéder à la construction d’un temple). L’hypothèse qui voudrait que seuls les magistrats soient cités quand ils utilisaient également leurs propres fonds est également envisageable, mais non vérifiable.
42 Aberson 1994, p. 117 et 171, dans son étude sur le financement des temples républicains, a suggéré que Tite Live ne faisait état des SC que lorsqu’il s’appuyait sur une source pontificale ; quand il utilisait les archives censoriales, il les passait systématiquement sous silence.
43 Aberson 1994, p. 106 et 113 remarque que les SC sont omis quand un même individu effectue un uotum puis une locatio à un stade ultérieur de son cursus, ou quand une locatio est accomplie par l’auteur d’un vœu qui occupe une magistrature régulière.
44 Willems 1885, II, p. 371 et 396 ; Mommsen 1889-1896, I, p. 275 ; De Ruggiero 1925, p. 217 établissaient sur ce point un parallèle avec la praeda récoltée par le magistrat à imperium ; Trisciuoglio 1998, p. 136.
45 Les sommes nécessaires à une distribution consécutive à un triomphe semblent avoir été préalablement retranchées de la praeda versée à l’Aerarium (Coudry 2009a, p. 32-33), ce qui suggère que le magistrat conservait la haute main sur les valeurs qu’il apportait aux caisses publiques. Toutefois, il est également envisageable que ce point ait été négocié lors de la séance sénatoriale qui décidait du droit au triomphe.
46 Voir les temples érigés par les consuls suite à un vœu passé sur le champ de bataille : Liv. 34, 53, 3-7. Aberson 1994, p. 119 ; Tarpin 2009, p. 81. Orlin 1997, p. 117-135 tend cependant à redimensionner le nombre des temples votifs construits sur les manubiae.
47 Cic. Verr. II 3, 81 ; leg. agr. 2, 56 ; Plu. Crass. 2, 4.
48 Roth 1999, p. 242 juge que ce type de situation donnait lieu à la passation d’un marché public, ce que confirmerait le parallèle de la fourniture de mules aux troupes césariennes par P. Ventidius Bassus (Gell. 15, 4, 3).
49 Le statut des dépenses de César durant la Guerre des Gaules est en fait discuté, entre les tenants d’une régularité des procédures et ceux d’un financement assumé par le général lui-même : Harmand 1967, p. 171.
50 Cosme 2007, p. 63.
51 Harmand 1967, p. 267.
52 Les incertitudes concernent surtout l’origine des fonds utilisés par les magistrats supérieurs hors de Rome. Ainsi, deux hypothèses ont été avancées quant au financement de la flotte de guerre à l’époque de la première Guerre punique, le recours aux socii nauales, qui techniquement n’entraînait pas de dépenses pour les caisses publiques romaines (Thiel 1946, p. 41 ; Lafon 2006, p. 283-286), ou l’usage de fonds publics, suivant des modalités variables (Zevi 2002, p. 34 ; Dart 2012, p. 1008). Dans la plupart des cas, les mesures concernant l’équipement de la flotte furent décidées par un SC, dont on sait parfois qu’il contenait des dispositions financières : Liv. 24, 11, 5 ; 27, 22, 12 ; 35, 20-21 ; 36, 2, 15 ; 37, 4, 5 ; 42, 27, 1-6 ; Plu. Luc. 13, 4 ; Cic. Flacc. 30. En 195 av. J.-C., le paiement de la non-intervention des Celtibères par Caton pourrait avoir été effectué sur des fonds amenés de Rome ou bien sur le butin destiné au Trésor, puisque l’apophtegme prêté à Caton fait allusion au fait que des justifications devaient être données à ce sujet. On ignore également sur quels fonds – praeda ou sommes allouées par le Sénat – furent rétribués les transporteurs auxquels L. Mummius confia l’acheminement du butin de Corinthe vers l’Italie (Vell. 1, 13, 4). Les gratifications distribuées aux soldats peuvent quant à elles avoir été prises sur le butin (Maxfield 1981, p. 56), ou payées sur les crédits de guerre octroyés au général (voir l’exemple de Scipion en 209 av. J.-C. chez Plb. 10, 19, 2).
53 Mommsen 1889-1896, IV, p. 136 et 145, invoquait plusieurs arguments en ce sens : les censeurs n’avaient pas d’arca propre, et donc ne touchaient pas, concrètement, les crédits qui leur revenaient ; ils ne rendaient pas de comptes ; ils n’avaient pas le droit de réviser d’eux-mêmes un contrat public. Cf. Becker 1843-1867, II/2, p. 235 et III/2, p. 69-70 ; Lange 1876-1879, I, p. 798 et 815-817 ; Madvig 1881-1882, I, p. 411 ; Mispoulet 1882-1883, II, p. 232-233 ; Willems 1880, p. 272 et 278 ; Astin 1990, p. 25 ; Kunkel 1995, II, p. 457 ; Trisciuoglio 1998, p. 102-103, 119-120, 124 et 127, qui pense (p. 103) que l’omission par les sources textuelles du SC qui accordait les crédits censoriaux s’explique par son caractère purement formel ou par le fait que le Sénat se prononçait globalement en début de lustre sur l’ensemble des travaux, sarta tecta comme opera faciunda, confiés aux censeurs.
54 Nicolet 1988b, p. 47.
55 Cic. Verr. II 1, 36 pourrait certes suggérer que sur la pecunia attributa aux gouverneurs de province, des postes de dépense étaient prédéterminés (solde, blé, allocations destinées aux légats, au questeur et à la cohorte). On ajoutera à cette liste, à partir de Liv. 32, 27, 2-4, les « frais généraux » des gouverneurs (cultus praetorum). Toutefois, Cic. Verr. II 2, 12 semble indiquer que Verrès décida du montant de cibaria questoriens (cf. Cic. fam. 5, 20, 9 = SB n° 128) : soit Cicéron fait en réalité là allusion à des gratifications, soit le gouverneur ventilait comme il le souhaitait des fonds appartenant à une « enveloppe » globale. Différents textes évoquent par exemple soit un montant total confié à un titulaire de l’imperium (Plb. 10, 19, 2 ; App. Mith. 428 ; Cic. Pis. 86), soit une dotation annuelle (Cic. Att 6, 3, 2 et 7, 1, 6 = SB n° 117 et 124 ; Plu. Caes. 28, 8).
56 Nos dépouillements n’ont pris en compte que les attestations explicites de dépenses (il est bien entendu que toute loi agraire par exemple comportait un volet prévoyant son financement, mais nous n’avons raisonné que sur les éléments documentés).
57 Liv. 42, 1, 6.
58 Münzer 1926b, n° 8, col. 1657.
59 Manzo 2002, p. 146-147, suivant une hypothèse de F. De Martino, estime que ce plébiscite ne fut pas mis en œuvre. Sacchi 2004, p. 121-122, est d’avis contraire. Voir également Badian 1996, p. 188-189 ; Ferrary 2003, p. 113 et n. 18 = Ferrary 2012d, p. 125 et n. 17.
60 Bleicken 1955, p. 64 rapporte le plébiscite de 172 à l’initiative du consul de 173, L. Postumius Albinus, et pense que le tribun Lucretius se contenta de reproposer le texte du plébiscite de 209 sur l’ager Campanus.
61 Sur la signification de la rupture de 133, Bleicken 1975, p. 315-319.
62 On mentionnera également la lex Sempronia sur l’équipement des légions (Stockton 1979, p. 137 ; Perelli 1993, p. 189 ; Elster 2020, p. 74-76, n° 25) et la rogatio Scribonia de Curio (Nicolet 1980, p. 272 = Nicolet 2000, p. 218 ; Fezzi 2001, p. 100).
63 Financement de la lex Sempronia agraria de 133 (Stockton 1979, p. 67-69 ; Roldan Hervas 1982, p. 232-234 et 236 ; Balbo 2013, p. 60-62 et 101-105) ; rogatio Seruilia agraria (Ferrary 1988b, p. 149-154 ; Perelli 1982, p. 175-176 ; Fontanella 2005, p. 152-155 et 164-177) ; rogatio Flauia agraria (Perelli 1982, p. 194-195).
64 Loi de C. Gracchus, rogatio de 119 av. J.-C., indirectement loi Gabinia, lex Clodia frumentaria. Sur la législation frumentaire tardo-républicaine, voir chapitre 4, notamment n. 86 et 107.
65 Ferrary 2012c, p. 469. Lois Gabiniae (Groebe 1910, p. 374-377) ; loi Manilia (Torelli 1982, p. 3-49) ; loi Vatinia ; leges Clodiae de prouinciis consularibus et de permutatione prouinciarum (Tatum 1999, p. 153 ; Fezzi 1999-2000, p. 296-299 ; Fezzi 2008, p. 66-67).
66 D.C. 38, 1, 3-4 et 5, 2. Rotondi 1912, p. 387 ; Ferrary 2012a, p. 10.
67 Plu. Caes. 14, 2 ; Cato Mi. 32, 2.
68 D.C. 38, 1, 5 et 5, 2.
69 Thommen 1989, p. 46 et 52.
70 N’ont été recensées que les attestations qui faisaient explicitement allusion à une condamnation pour amende, non la totalité des procédures susceptibles d’avoir abouti à ce résultat.
71 Baltrusch 1989, p. 19.
72 Cato In L. Furium de aqua, frg. 73-79 Malcovati ; Liv. 43, 16, 2-16. Becker 1843-1867, II/2, p. 230 ; Lange 1876-1879, I, p. 696 et 793 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 121-124, 151-152 et 154-158 ; Suolahti 1963, p. 67-70.
73 Liv. 39, 44, 2-3 ; Plu. Cato Ma. 18, 2-3 ; Val. Max. 8, 1. damn. 7 ; Vell. 2, 10, 1. Nicolet 1976b, p. 30-31, contra Madvig 1881-1882, I, p. 403 ; Baltrusch 1989, p. 26 et Briscoe 2008, p. 363-364. J. Briscoe estime que le passage se rapporte à l’instauration d’une taxe, mais l’argument selon lequel le verbe attribuere, chez Tite Live, ne pourrait faire référence à une amende n’est pas dirimant : attribuere signifie « affecter à », et ne renvoie pas nécessairement à des réalités fiscales.
74 Val. Max. 1, 1, 2 ; Liv. 37, 51, 1-5 ; Liv. 40, 42, 8-11 ; Per. 47, 1 ; Cic. Phil. 11, 18. Karlowa 1885-1901, I, p. 271 ; Mommsen 1889-1896, I, p. 164 ; III, p. 64-67 ; Van Haeperen 2002, p. 102 ; Franchini 2008, p. 400-436.
75 Édiles plébéiens : Gell. 10, 6, 2-4 ; Ov. fast. 5, 282-294 ; Liv. 27, 6, 19 ; Liv. 30, 39, 10 ; Liv. 33, 25, 3 ; Liv. 33, 42, 8-11. Édiles curules : Liv. 31, 50, 1-3 ; Liv. 35, 10, 12 ; Liv. 35, 41, 9-10. Ensemble des édiles : Liv. 38, 35, 5. Mommsen 1889-1896, IV, p. 185-191 et 197-198 ; Garofalo 1988, p. 75 ; Kunkel 1995, II, p. 490-504 ; Santalucia 1998, p. 82-83 ; Daguet-Gagey 2015, p. 166-187.
76 Plb. 1, 52, 3 ; Cic. nat. deor. 2, 7 ; div. 2, 71 (248 av. J.-C.) ; Frontin str. 4, 1, 45 ; Vir. Ill. 50, 1 ; Suet. Tib. 3, 2 (218 av. J.-C.) ; Liv. 25, 3-4 (212 av. J.-C.) ; Liv. 26, 2, 7 (211 av. J.-C.) ; Liv. 37, 57, 11-58, 2 (189 av. J.-C.) ; peut-être procès de L. Scipion en 187 av. J.-C. ; Plu. Cato Ma. 19, 2 (184 av. J.-C.) ; Liv. 43, 8, 2 et 9 (170 av. J.-C.) ; Gell. 3, 4, 1 et 6, 11, 9 (141/140 av. J.-C.) ; App. Hisp. 358 (136 av. J.-C.) ; Cic. Deiot, 31 ; Ascon. Scaur. 1, p. 24 St. (104 av. J.-C.). Greenidge 1901, p. 327-331 ; Bleicken 1955, p. 121-140 ; Kunkel 1962, p. 21-36 ; Kunkel 1995, II, p. 630-637 ; Magdelain 1987, p. 158-161 ; Santalucia 1998, p. 82-83.
77 Plut. TG 10, 8. Mommsen 1889-1896, I, p. 181 ; III, p. 34 ; Kunkel 1995, II, p. 571.
78 Liv. 27, 37, 8-10.
79 Liv. 30, 26, 6 ; 31, 4, 6 ; 31, 50, 1-3 ; Virlouvet 1985, p. 13 et 108 ; Daguet-Gagey 2015, p. 510-513.
80 Liv. 32, 7, 3 (Sacchi 2004, p. 203, 207, 209-210) ; Cic. leg. agr., frg. 2-3 ; 1, 1-6 ; 1, 13-15 ; 1, 24 ; 2, 33-34 ; 2, 36 ; 2, 38 ; 2, 40 ; 2, 47-48 ; 2, 50-51 ; 2, 55 ; 2, 61 ; 2, 63-65 ; 2, 71 ; 3, 12 ; 3, 15 (Ferrary 1988b, p. 149-154 ; Fontanella 2005, p. 152-155 et 164-177).
81 Sacchi 2004, p. 119-128 juge que les différentes uenditiones de l’ager Campanus au IIe siècle av. J.-C. furent décidées en amont par la curie. Les ventes de blé édiliciennes, interprétées par Erkamp 2000, p. 63-65 comme des mesures exceptionnelles liées à l’existence inattendue d’un surplus dans l’approvisionnement des légions, étaient certes proposées par le magistrat à imperium commandant les troupes romaines concernées (Liv. 31, 4, 6), mais l’assentiment du Sénat était très vraisemblablement requis pour l’organisation matérielle de la distribution à Rome.
82 La collecte lancée en 207 av. J.-C. auprès des matrones par un édit des édiles (Liv. 27, 37, 9) répondit à un prodige qui avait fait l’objet d’une interprétation des haruspices : la consultation de ces « spécialistes » n’avait pu être décidée que par la curie : Hänninen 1999, p. 41-50 surtout ; William Rasmussen 2003, p. 177-181.
83 Bleicken 1955, p. 138-139. Liv. 37, 57, 12, pour le procès de M’. Acilius Glabrio, et Plu. Cato Ma. 19, 2, pour le procès de Caton, montrent des tribuns relayer des groupes d’intérêt au Sénat ; le procès de Lucretius en 170 av. J.-C. semble avoir été suscité par la curie (Liv. 43, 8, 2) ; on ajoutera éventuellement celui de 136 av. J.-C. contre Aemilius Lepidus, s’il s’agit bien d’un procès tribunicien (App. Hisp. 358).
84 Sur la question des institutions compétentes pour l’aliénation des terres publiques, Laffi 2012, p. 445-447.
85 Cf. les procès tribuniciens de 140 av. J.-C. contre Scipion-Émilien (Gell. 3, 4, 1) et de 104 av. J.-C. contre M. Aemilius Scaurus (Ascon. Scaur. p. 24 St.).
86 Becker 1843-1867, II/2, p. 231 et 235, parce qu’il faisait du tributum un impôt de quotité, concluait de Liv. 39, 44, 4 que les censeurs étaient susceptibles de fixer la hauteur de la contribution de guerre, et qu’ils avaient le droit d’introduire de nouveaux uectigalia, mais en accord avec le Sénat. Willems 1885, II, p. 341-342 et 360-362 estimait de son côté que la création de portoria en Italie dépendait des censeurs, mais qu’un SC ou une loi étaient nécessaires pour les rendre permanents. Madvig 1881-1882, I, p. 412 écrivait que les censeurs disposaient d’une marge d’initiative en matière d’établissement de nouveaux uectigalia, mais que les données manquaient pour établir ce qui revenait au Sénat et aux censeurs. Mommsen 1889-1896, IV, p. 34 pensait que les censeurs fixaient les règles à suivre pour l’éventuelle perception du tributum. À l’opposé, Lange 1876-1879, I, p. 813 jugeait que les censeurs ne pouvaient créer de nouveaux portoria qu’avec l’accord du Sénat et De Martino 1972-1975, II/2, p. 268 qu’ils n’avaient pas compétence pour mettre en place de nouveaux impôts.
87 D.C. frg. 57, 70.
88 Liv. 29, 15, 9.
89 De Laet 1949, p. 55-57 considérait que la locatio censoriale de 199 av. J.-C. évoquée en Liv. 32, 7, 3 concernait des portoria préexistants mais jusque-là perçus par les cités.
90 Liv. 29, 37, 3 ; D.C. frg. 57, 70. Cf. Cato, frg. 77 = Serv. Auct. Aen. 4, 244. Voir chapitre 1, « La vente du sel ».
91 Liv. 40, 51, 5 et 8. De Laet 1949, p. 57.
92 Liv. 40, 51, 7-8.
93 Je ne comprends pas comment Briscoe 2008, p. 547 peut y voir « the use of revenue by the censors ».
94 De Ruyt 1983, p. 160, 162, 240-242, 251-252, juge p. 355 que les boutiques en question firent l’objet d’une vente, mais le verbe uendere peut signifier « louer sur la longue durée » ; Baratto 2003, p. 68. Voir le parallèle des tabernae argentariae du Forum (Vitr. 5, 1, 1-2).
95 Pour la lex Sempronia agraria, Plu. CG 5, 1 et App. BC 1, 89. Pour la rogatio Seruilia agraria, Cic. leg. agr. 2, 11-13 et 2, 36.
96 Prix de vente du blé public dans la lex Sempronia frumentaria (Vell. 2, 6, 3 ; Per. 60, 7) ; redevance due par les bénéficiaires de la lex Sempronia agraria (Plu. CG 9, 4) et de la rogatio Seruilia agraria (Cic. leg. agr. 1, 10) ; portoria établis par C. Gracchus (Vell. 2, 6, 3 ; Frank 1933, p. 255 estimait que ces portoria concernaient la province d’Asie, ce qui pourrait être conforté par l’identification, dans le Monumentum Ephesenum, d’une « strate » correspondant aux réalités des années 133-122 : Mitchell 2008, p. 199). La rogatio Scribonia de février 50 av. J.-C. (Cic. Att. 6, 1, 25 = SB n° 115), qui pour Rotondi 1912, p. 413 introduisait une taxe sur les équipages, pourrait en fait concerner un impôt somptuaire sur les esclaves (Cagnat 1882, p. 9, n. 1 ; De Laet 1949, p. 60, n. 1).
97 Stockton 1979, p. 128 ; Perelli 1993, p. 205-206 ; Balbo 2013, p. 112-114 ; France 2021, p. 241-248 voient dans les mesures de C. Gracchus sur les portoria et dans l’organisation du règlement douanier d’Asie le moyen de financer les lois frumentaire et militaire.
98 Projet de provincialisation de l’Egypte en 65, initié par Crassus – probablement appuyé par César – mais relayé par des tribuns de la plèbe (Gelzer 1926, n° 68, col. 310 ; Ward 1972, p. 244-250 ; Marshall 1976, p. 65-67 ; Ward 1977, p. 129-130) ; leges Clodiae de insula Cypro et de imperio Catonis (Badian 1965, p. 110-121 ; Russell 1979, p. 315-316 ; Tatum 1999, p. 151 et 155-156 ; Fezzi 1999-2000, p. 282-289 ; Fezzi 2008, p. 63-65 ; Ferrary 2012c, p. 467 ; Calvelli 2020, p. 25-98) ; tentative de Scribonius Curio pour réduire le royaume de Juba Ier à l’état de province (Münzer 1921d, n° 11, col. 870 ; Lacey 1961, p. 323 ; Ritter 1987, p. 127-128).
99 Pour l’annexion de Chypre, Fezzi 1999-2000, p. 286 ; Tatum 1999, p. 122 ; Morrell 2017, p. 117 ; Drogula 2019, p. 158 ; Vervaet 2020, p. 152 ; Calvelli 2020, p. 310. Rising 2019, p. 194 s’oppose à cette idée en arguant que la provincialisation de Chypre rapporta bien plus que ne nécessitait le financement de la loi frumentaire de Clodius.
100 Perelli 1993, p. 207.
101 Gell. 14, 7, 10 fait allusion à la possibilité d’amendes disciplinaires levées sur les sénateurs qui n’assistaient pas aux séances de la curie. D’autres textes évoquent des multae destinées à mater des adversaires politiques (Liv. 42, 8, 1-9, 1-6 ; Cic. de orat. 3, 2-5).
102 Liv. 26, 35, 3. Nicolet 1963, p. 424-425 et 431-432 ; Nicolet 1976a, p. 225-228 ; Nicolet 1976b, p. 71-77 ; Andreau 2006, p. 104-105.
103 Liv. 24, 11, 7-8.
104 Ce niveau pourrait correspondre soit au niveau minimum de la troisième classe servienne (Nicolet 1978, p. 258), si l’on suppose que l’architecture du système ne subit pas de modifications, soit à la tranche supérieure de la première classe (Lo Cascio 1988, p. 297 et 299-302), ceci en raison de la dévaluation de l’as à l’époque de la deuxième Guerre punique.
105 App. BC 1, 447, pour les amendes à l’encontre des cités italiennes ; Plu. Sull. 33, 1 ; Caes. 1, 1, pour la confiscation de la dot de la fille de Cinna (probablement une sanction patrimoniale a posteriori, contre des biens qui étaient perçus comme ayant appartenu à son père).
106 Sall. hist. 1, 55, 12 M. ; Vervaet 2004, p. 41-46 et 69.
107 Frank 1933, p. 127-138 et Taylor 2017, p. 161-162 pour la période 200-157 av. J.-C. ; Gruen 1984, I, p. 291, pour les indemnités exigées des puissances hellénistiques ; Ungern-Sternberg 2009, p. 255-262.
108 Liv. 27, 7, 16 et 27, 22, 9.
109 App. Ill. 9. Ferrary 1988a, p. 549-551.
110 Karlowa 1885-1901, II, p. 5-7 ; Bona 1960, p. 130 ; Shatzman 1972, p. 188 ; Aberson 1994, p. 71 ; Bradford Churchill 1999, p. 90-93 et 109 ; Coudry 2009a, p. 51.
111 Coudry 2009a, p. 27: Cic. Verr. II 1, 55 (M. Claudius Marcellus, L. Cornelius Scipio, T. Quinctius Flamininus) ; Cato frg. 169 = ORF frg. 173 = frg. 203 Malcovati (M. Porcius Cato) ; Plb. 18, 35, 4-7 ; Cic. Verr. II 1, 55 ; Cic. off. 2, 76 ; Liv. 45, 35, 6 ; Plin. nat. 33, 142 ; Plu. Aem. 28, 10-11 (Paul-Émile) ; Cic. Verr. II 1, 55 ; Cic. off. 2, 76 ; Frontin str. 3, 15 (L. Mummius) ; Plb. 18, 35, 9-11 ; Val. Max. 4, 3, 13 (Scipion-Émilien) ; Vell. 2, 40, 3 (Pompée).
112 Liv. 33, 27, 3 (L. Stertinius) ; Liv. 36, 36, 2 (P. Cornelius Scipio Nasica) ; Cic. Arch. 27 (M. Fulvius Nobilior) ; Liv. 43, 4, 6 (C. Lucretius Gallus) ; Vitr. 5, 5, 8 (L. Mummius) ; Val. Max. 2, 8, 14 (D. Iunius Brutus cos 138) ; Cic. dom. 102 et 114 (Q. Lutatius Catulus cos 102) ; Cic. de orat. 3, 10 (M. Antonius pr. 102) ; Plin. nat. 34, 93 (L. Licinius Lucullus) ; Cic. leg. agr. 2, 53 et Plin. nat. 7, 97 (Pompée) ; Vell. 2, 56, 2 et Suet. Iul. 26, 2 (César) ; CIL I², 635 = ILLRP 332 (Ser. Fulvius Flaccus) ; CIL XI, 1831 (Marius).
113 Cic. leg. agr. 1, 12 et 2, 59-60 ; Bona 1960, p. 167-170 ; Jonkers 1963, p. 29-30 et 100 ; Aberson 1994, p. 55-70 ; Tarpin 2009, p. 89. Mommsen 1907, III, p. 72, n. 5 et Bona 1960, p. 168 estimaient que la mesure de Servilius Rullus réaffirma une disposition tombée en désuétude ; Mommsen 1864-1879, II, p. 451 et Shatzman 1972, p. 200 qu’elle introduisit une innovation.
114 Shatzman 1972, p. 183.
115 Cadiou 2008, p. 483-486 et 492-501.
116 Val. Max. 7, 6, 1c (216 av. J.-C.) ; Liv. 23, 48, 4 (215 av. J.-C.) ; Liv. 28, 25, 9 et 28, 34, 11 (206 av. J.-C.) ; Liv. 40, 35, 4 (180 av. J.-C.) ; Plu. Sull. 25, 2 (86 av. J.-C.) ; Cic. Font. 13 et 26 ; Sall. hist. 2, 98 M. (74-72 av. J.-C.) ; Cic. Pis., 86-88, 90, 96 et prov. 28 (57-55 av. J.-C.).
117 Plb. 15, 18, 6-7 ; Liv. 30, 16, 3 et 30, 37, 38 ; App. Pun. 131 et 219 (202 av. J.-C.). En outre, les fournitures de blé paraissent avoir été régulièrement ponctionnées sur le terrain (Erdkamp 1998, p. 122-140 ; Roth 1999, p. 130-135 et 147-154 ; Cadiou 2008, p. 604-606).
118 Oros. 5, 18, 26.
119 Coudry 2009a, p. 65-77.
120 Zonar. 8, 11 (258 av. J.-C.) ; Eutr. 2, 22, 2 (255 av. J.-C.) ; Zonar. 8, 20 (223 av. J.-C.) ; Plb. 3, 76, 5 et 13 (218 av. J.-C.) ; Liv. 24, 16, 5 et 8 (214 av. J.-C.) ; Liv. 27, 1, 2 (210 av. J.-C.) ; Liv. 30, 7, 2 (203 av. J.-C.) ; Liv. 35, 1, 11-12 (193 av. J.-C.) ; Liv. 36, 20, 3 (191 av. J.-C.) ; Liv. 40, 16, 9 (182 av. J.-C.) ; App. Hisp. 242 (153 av. J.-C.) ; App. Hisp. 203 (152 av. J.-C.) ; D.C. frg. 94, 1 (102 av. J.-C.) ; Oros. 5, 18, 26 (89 av. J.-C.) ; Plu. Sull. 14 et App. Mith. 149 (86 av. J.-C.) ; Plu. Luc. 29, 3 et 10 ; App. Mith. 388 (69 av. J.-C.) ; Caes. Gall. 6, 3, 2 ; 7, 11, 9 ; 7, 89, 5 ; éventuellement 8, 4, 1 (53-51 av. J.-C.).
121 Coudry 2009a, p. 23.
122 Cela semblerait avoir été le cas notamment lors du triomphe de Pompée en 61, si l’on confronte les données de Plutarque et d’Appien.
123 L’estimation des effectifs militaires est tirée des tableaux récapitulatifs de Toynbee 1965, II ; Brunt 1971 et Cadiou 2008, p. 98 et 116.
124 Pour le rôle du consilium, Plb. 27, 8, 2, 6 et 13 ; Liv. 30, 31, 9.
125 Willems 1885, II, p. 366 et 472-476 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 379-380, 383, 385-386.
126 Liv. 38, 8, 9-10 et 13.
127 Schmitt 1969, p. 137-140, n° 479 ; Eckstein 1980, p. 184-192.
128 Schmitt 1969, p. 173-181, n° 493 ; Scardigli 1991, p. 205-243.
129 Schmitt 1969, p. 291-308, n° 548 ; Scardigli 1991, p. 297-345.
130 Walbank 1940, p. 176-180.
131 Texier 1975, p. 84-85 et 88 ; Gruen 1984, I, p. 291 et 455.
132 Gruen 1984, I, p. 26-32, 291, 293.
133 Taübler 1913, p. 101-105 ; Gruen 1984, I, p. 639-643 ; Grainger 2002, p. 334.
134 France 2021, p. 264-265.
135 Caton pour les mines d’Hispanie en 195 av. J.-C. : Liv. 34, 21, 7 ; M. Fonteius, pour le portorium uini en Transalpine, en 74-72 av. J.-C. : Cic. Font. 19 ; Pompée à l’issue de sa campagne d’Orient, pour le Mons Antilibanus et pour la Syrie : Cic. Att. 2, 16, 2 = SB n° 36 ; Vell. 2, 37, 5 ; L. Calpurnius Piso en Achaïe : Cic. Sest. 94 et prov. 5 ; César, pour la Bretagne : Caes. Gall. 5, 22, 4 ; D.C. 40, 3, 2 ; Eutr. 6, 17, 3 et la Gaule : Suet. Iul. 25, 2.
136 Lex de prouinciis praetoriis, copie de Cnide, col. IV, l. 25-30 = Crawford 1996, I, n° 12, p. 242. Domergue 2008, p. 193-195 estime que Caton, en 195 av. J.-C., fit ouvrir une série de mines : le rôle du gouverneur consistait alors à enregistrer les déclarations des exploitants, puis il transférait le dossier au Sénat, qui se chargeait de préciser les caractéristiques du uectigal (droit d’exploitation) dont la perception serait affermée à une société de publicains. Dans le cas de Fonteius (De Laet 1949, p. 80-81), le portorium uini pourrait avoir été l’une des mesures prises pour financer l’armée de Pompée qui combattait contre Sertorius. Il n’est donc pas exclu que le gouverneur de Transalpine ait agi sur consigne du Sénat, suite à la fameuse lettre envoyée par Pompée aux sénateurs, voire que la faculté de prendre des mesures financières ait été incluse dans le SC (Cic. Phil. 11, 18), probablement complété par un vote du peuple (Sall. hist. 2, 98 M. ; Vervaet 2009, p. 416) qui confia la Guerre de Sertorius à Pompée (Vervaet 2009, p. 419-423).
137 Les pouvoirs de L. Calpurnius Piso en Macédoine découlaient de la lex Clodia de prouinciis consularibus, qui lui octroyait la disposition de fonds publics (Cic. p. red. in sen. 18 ; dom. 23 et 55 ; Sest. 24 ; har. resp. 58 ; Pis. 37 et 86 ; Rostovtzeff 1941, II, p. 989 ; Tatum 1999, p. 153 ; Fezzi 1999-2000, p. 296 ; Fezzi 2008, p. 66). Le contenu exact des lois Manilia et Vatinia est très mal connu, et il est donc difficile de fixer quels pouvoirs elles accordaient à Pompée et César dans l’organisation fiscale des futures conquêtes.
138 Willems 1885, II, p. 707-708. Les tensions concernant la ratification des acta de Pompée en Orient révèlent qu’un SC était nécessaire (Vell. 2, 40, 5 ; D.C. 37, 49, 2-50, 1 ; App. BC 2, 9). Il est possible, enfin, que la provincialisation des Gaules et le tribut corrélatif aient été pensés par César comme des arguments à faire valoir devant le Sénat pour obtenir un second consulat.
139 Mommsen 1889-1896, I, p. 336-337 et n. 1, puis p. 338-339 évoquait une évolution chronologique qui aurait substitué à la remise en nature des objets nécessaires à l’équipement du magistrat le versement d’une indemnité fixe en argent, le uasarium : la marge de manœuvre des responsables publics en aurait été évidemment accrue. Toutefois, le terme de uasarium n’apparaît qu’une seule fois dans la littérature latine avec le sens possible d’indemnité d’un gouverneur de province (Cic. Pis. 86), et encore de façon métaphorique (Madvig 1881-1882, II, p. 59, n. 2 : quasi uasari nomine, le uasarium étant apparemment, d’après Cato agr. 145, 3, la vaisselle). Cicéron accuse L. Calpurnius Pison d’avoir, en appuyant la publicatio de ses biens prévue par la lex Clodia de exilio Ciceronis, fait entrer au Trésor une somme qui lui fut ensuite affectée, comme gouverneur de Macédoine, par la lex Clodia de prouinciis, et en sus d’avoir laissé les fonds en question à Rome, en les prêtant à intérêt. Il est donc envisageable que le « uasarium » de 18 millions de HS de Pison ne soit en fait que la dotation qu’il avait reçue pour les dépenses normales de son gouvernement provincial (Mommsen 1889-1896, I, p. 339, n. 3 ; Kunkel 1995, II, p. 351), et en conséquence qu’il n’y ait pas eu de modification des modalités des fournitures des gouverneurs avant l’époque augustéenne (Suet. Aug. 36, 1).
140 Plb. 6, 15, 4 ; 6, 15, 6 ; 6, 15, 7-8.
141 Biscardi 1987, p. 55 souligne que l’organe institutionnel détenteur de l’auctoritas ne disposait d’aucun moyen d’obliger les magistrats à suivre ses décisions.
142 Mommsen 1889-1896, VII, p. 365, 367-368, 379 ; Mispoulet 1882-1883, I, p. 173 et 175 ; De Sanctis 1907-1957, IV/1, p. 516 ; O’Brien Moore 1935, col. 737 ; De Martino 1972-1975, II, p. 196 ; Bleicken 1975, p. 241.
143 Mommsen 1889-1896, VII, p. 227-228, 233 et 457, tout en admettant que leurs limites étaient difficiles à tracer, faisait entrer dans les actes de l’administration ordinaire la justice, la guerre, le recouvrement des impôts et les opérations liées au fonctionnement institutionnel et administratif de la cité (cens, élections) ; dans les actes extraordinaires la production législative, la décision de lever le tributum et les mesures religieuses non récurrentes. Au Sénat, selon lui, revenaient également les actes dérogatoires. La sphère de compétence du Sénat procédait du caractère permanent de cette instance institutionnelle, qui contrastait avec la difficulté de convoquer le peuple (idem chez Mispoulet 1882-1883, I, p. 171-172 et 174).
144 Willems 1885, II, p. 341 et 344 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 379 et 382-383. De Martino 1972-1975, II, p. 197.
145 Liv. 26, 23, 3.
146 Liv. 27, 23, 6-7. Gagé 1955, p. 281 considère que les deux passages renvoient à différentes étapes d’un même processus institutionnel, la dernière coïncidant avec l’attribution d’un jour fixe au calendrier. Sur le financement des ludi Apollinares, Ryan 2006, p. 82-87.
147 L’enquête a porté, dans la BTL, sur les expressions quotannis, in annos singulos et in perpetuum, lorsqu’elles avaient trait à une décision d’ordre financier. Il va de soi qu’une décision d’un magistrat dont il est simplement dit qu’elle s’appliquera tous les ans peut avoir été limitée à ses années de mandat. Deux ou trois mesures sont mises en relation avec des magistrats (Caes. Gall. 1, 36, 5 ; 5, 22, 4 : César durant la Guerre des Gaules ; Liv. 25, 12, 9 : vœu des Ludi Apollinares, mais qui débouche sur l’intervention d’autres instances institutionnelles), deux avec un SC (Liv. 22, 1, 19 et 29, 15, 9), et cinq avec le vote d’une loi (Gell. 7, 5, 1 : traité de paix romano-carthaginois de 201 ; Cic. Verr. II 3, 227 : achats de blé public en Sicile suite à la loi Terentia Cassia ; Cic. prov. 5 : décisions fiscales de Calpurnius Pison en Macédoine, probablement en vertu de la lex Clodia ; leg. agr. 2, 55 : vente des terres publiques prévue dans la rogatio Seruilia agraria ; fam. 13, 4, 2 = SB n° 318 (46-45 av. J.-C.) : annulation, prévue par la lex Iulia agraria, des mesures de Sylla concernant les terres de Volterra).
148 De Martino 1972-1975, I, p. 480.
149 Mommsen 1888, III/2, p. 1029 (die Einberufung der Bürger zum Kriegsdienst, respectivement à die Anordnung der Heerbildung) = Mommsen 1889-1896, VII, p. 227.
150 La répartition par catégories des recettes « extraordinaires » ratifiées par le Sénat s’établit comme suit : SC concernant la conclusion de traités, le versement d’indemnités ou des sanctions financières imposées à des ennemis ; SC acceptant des « dons » effectués par des alliés qui envoyèrent une ambassade à Rome ; SC prévoyant des ventes ou des confiscations effectuées au profit du Trésor Public ; SC correspondant à des mesures fiscales ; dispositions variées.
151 Dons ou récompenses, financement des guerres, achats publics de blé, remboursements et sujets variés attestés à une seule reprise.
152 On en a trace pour les années 210, 205, 203, 200, 197, 192, 189, 173, 172, 170, 168, 167 et 166 av. J.-C. (Liv. 27, 4, 7-10 ; 28, 39, 19 ; 30, 17, 13-14 ; 30, 21, 5 ; 31, 9, 5 ; 31, 11, 11 ; 33, 24, 5 ; 35, 23, 11 ; Plb. 21, 18, 3 ; Liv. 42, 6, 6-11 ; 42, 14, 10 ; 42, 19, 1-2 ; 42, 19, 6 ; 42, 24, 10 ; 43, 5, 8 ; 43, 6 ; 43, 8, 7-8 ; 44, 14, 1-2 ; 44, 14, 3-4 ; 44, 15, 8 ; 45, 13, 8 ; 45, 13, 12 ; 45, 14, 6-9 ; 45, 20, 3 et Plb. 30, 3, 5 ; Liv. 45, 42, 6-12 ; 45, 44). La liste des audiences diplomatiques accordées par le Sénat romain a été dressée par Coudry 1989, p. 296-304 et Canali de Rossi 1997, p. 10-85.
153 De même, la détermination des provinces, leur répartition et leur ornatio étaient de toute évidence un acte récurrent (Coudry 1989, p. 263-265), mais le récit livien est le plus souvent muet sur le volet financier de ces opérations.
154 Mommsen 1889-1896, II, p. 287 et 289-290. Ils sont attestés en 200, 191, 177 et 171 av. J.-C. (Liv. 31, 5, 3 ; 36, 1, 2 ; 41, 14, 7 et 41, 15, 3-4 ; 42, 30, 8), mais devaient logiquement avoir lieu tous les ans.
155 William Rasmussen 2003, catalogue n° 34, 35, 40, 44, 48, 52, 53, 60, 61, 66-69, 71, 74-75, 77-78.
156 Liv. 36, 21, 9 (Thermopyles) ; 37, 47, 5 (Myonnèse) ; 37, 52, 2 (Magnésie) ; 45, 2, 8 (Pydna).
157 De tels actes sont très rarement rapportés à des magistrats. Liv. 37, 7, 2-3 fait état d’une tentative infructueuse des Étoliens auprès des Scipions afin d’obtenir une diminution de l’indemnité de guerre qu’ils devaient verser. App. BC 1, 364 (cf. Cic. Verr. II 3, 81) attribue à Sylla l’octroi d’une immunité fiscale à Brundisium. La situation de Sertorius, qui prit des mesures d’allègement de la fiscalité en Hispanie et en Asie (Plu. Sert. 6, 7 et 24, 5), présente un caractère exceptionnel puisqu’elle reflète une sécession de fait à l’égard du pouvoir central. Cicéron, enfin, accuse à plusieurs reprises ses adversaires d’avoir mis en place des exemptions fiscales ou de les avoir supprimées (Cic. Verr. II 4, 20-21 ; 5, 43, 51, 53, 136 ; peut-être Pis. 90), mais glorifie son frère et lui-même d’avoir accompli des actes similaires (Cic. Flacc. 33 ; fam. 15, 4, 2 et 7 = SB n° 106).
158 App. Hisp. 182-183 (154 av. J.-C.) ; Oros. 5, 13, 3 (121 av. J.-C.) ; Bell. Hisp. 42, 2 (62 av. J.-C.).
159 Plb. 6, 17, 5 ; Cic. Verr. II 3, 168 ; peut-être Liv. 39, 44, 8 ; Plu. Cato Ma. 19, 2 et Flam. 19, 6 ; pour l’affaire des publicains de 61-59 av. J.-C., voir infra, « L’initiative ».
160 Plb. 21, 3, 3 ; D.S. 28, 15, 1 ; App. Syr. 23 et Mac. 9, 5 (191 av. J.-C.). Cf. Liv. 37, 25, 12.
161 Coudry 1989, p. 13. Cic. Sest. 137 ; rep. 2, 56 ; leg. 3, 28.
162 Coudry 1989, p. 15 et 768.
163 En 238 et 189 av. J.-C. en particulier (Plb. 3, 27, 8 ; 21, 32, 8-9).
164 Voir l’inventaire des richesses des temples en 212 av. J.-C. (Liv. 25, 7, 5-6), la décision de procéder à la locatio censoriale de l’ager Campanus en 209 av. J.-C. (Liv. 27, 11, 8), la pérennisation des ludi Apollinares en 208 (Liv. 27, 23, 6-7).
165 Cf. la suppression du uectigal versé par les bénéficiaires de la lex Sempronia agraria, à l’initiative de M. Livius Drusus (Plu. CG 9, 4) et la loi Terentia Cassia de 73 av. J.-C. (Cic. Ver. II 3, 163 ; 5, 52).
166 Coudry 1989 ; Ryan 1998.
167 Coudry 1989, p. 454 (il n’est pas rare que les sénateurs aient sollicité le magistrat pour faire mettre un point à l’ordre du jour), 476 (la liberté de parole garantie lors de l’interrogation permettait d’aborder des sujets qui n’étaient pas prévus initialement), 508 (les mouvements d’humeur et les clameurs de l’assemblée pesaient sur le cours du débat), 521 (en définitive, le SC qui était voté reprenait la teneur d’une sententia).
168 Il faut cependant relever l’existence de divergences entre les positions de M. Coudry et de F. X. Ryan. Pour Coudry 1989, p. 617 et 633-634, l’affirmation des sénateurs les plus jeunes et les moins prestigieux résulta des lectiones syllanienne et césarienne, et elle demeura limitée : ces sénateurs se seraient contentés d’attirer l’attention de la curie sur certains sujets. En revanche, Ryan 1998, p. 126-133 et 346, 313, 324, 335, 341 considère que structurellement, les premiers inscrits sur l’album étaient souvent empêchés d’imposer leurs vues, tandis que les plus jeunes des sénateurs étaient favorisés par l’ordre d’interrogation, qui les amenait à s’exprimer juste avant le vote.
169 Coudry 1989, p. 262-267, 274, 283, 313 et 318, 320-324.
170 Rafferty 2019, p. 87-100.
171 Jusqu’à Sylla, les élections consulaires se tenaient en novembre, et les consuls rejoignaient leurs provinces en mars-avril.
172 18 des 30 années pour lesquelles on a mention de plusieurs SC à caractère financier.
173 La deuxième Guerre punique, la guerre contre Antiochos III de Syrie, la troisième Guerre de Macédoine.
174 Les choses pourraient avoir évolué à partir de l’époque gracchienne, Rafferty 2019, p. 88, 94-96, 100 ayant souligné que les tensions politiques, au Ier siècle av. J.-C., se cristallisaient autour du vote de l’ornatio prouinciarum, mais les sources ne permettent pas d’établir le calendrier de la décision de dépense publique. Dion Cassius aurait a priori pu constituer un utile contre-point à Tite Live pour le Ier siècle av. J.-C., mais il ne fait jamais état de plus d’une décision financière du Sénat romain par année.
175 Consuls : Val. Max. 4, 4, 6 ; Val. Max. 7, 6, 1a ; sans doute, indirectement, Liv. 24, 7, 10 ; Liv. 28, 38, 14 ; Liv. 31, 5, 3 ; Liv. 39, 5, 7-11 ; Liv. 39, 19, 3 ; Liv. 40, 44, 8-12 ; D.C. frg. 74, 2 ; Plu. Pomp. 1-2 ; Cic. Catil. 4, 5. Dictateur : Liv. 22, 9-10 ; Liv. 22, 57, 11. Censeur : Liv. 40, 52, 1-4. Préteurs : Liv. 25, 12, 11-12 ; Liv. 26, 23, 3 ; Liv. 30, 17, 13-14 ; Liv. 32, 26, 14 ; Liv. 36, 21, 9 ; Liv. 39, 5, 7-11. Tribuns de la plèbe : Liv. 22, 61, 7 ; Liv. 40, 29, 13 ; Plu. Cato Mi. 26, 1 et Caes. 8, 6-7. Le cas de la postulatio par les censeurs des fonds qui leur étaient nécessaires pour les travaux publics (Liv. 40, 46, 16) est sans doute un peu différent, dans la mesure où cette « demande » devait être présentée au Sénat à l’initiative des consuls (cf. Liv. 44, 16, 9) : Trisciuoglio 1998, p. 117-120.
176 Mommsen 1889-1896, VII, p. 347-350.
177 Liv. 28, 38, 14 ; 39, 5, 7-11 ; 40, 44, 8-12.
178 Pour preuve, la séance du Sénat où Scipion, en 205 av. J.-C., se vit refuser les fonds nécessaires à la campagne d’Afrique (Liv. 28, 41, 14 ; Plu. Fab. 25, 3) : le consul ne décida pas d’ordonnancer les dépenses de guerre de sa propre initiative.
179 Coudry 1989, p. 454.
180 Liv. 29, 15, 1-5 (204 av. J.-C. : règlement du sort des colonies latines qui n’avaient pas rempli leurs obligations envers Rome durant les années précédentes, et qui aboutit à la mise en place d’une sanction financière) ; Liv. 29, 16, 3 (204 av. J.-C. : remboursement de l’emprunt de 210) ; Liv. 30, 21, 10 (203 av. J.-C. : décision de procéder à des sacrifices) ; Liv. 42, 3, 10 (173 av. J.-C. : locatio du transport vers Locres des tuiles ôtées à l’initiative du censeur Q. Fulvius Flaccus) ; Cic. fam. 16, 11, 3 = SB n° 143 (janvier 49 av. J.-C. : triomphe pour Cicéron). On peut ajouter, semble-t-il, Liv. 39, 7, 4 (187 av. J.-C., décision ayant trait au stipendium, prise sous la pression des amis du triomphateur Cn. Manlius Vulso).
181 Coudry 1989, p. 476.
182 La disposition est interprétée par Nicolet 1976a, p. 210 ; Buraselis 1996, p. 165-166 ; Briscoe 2008, p. 228 ou Taylor 2017, p. 159 comme un remboursement du tributum, mais je me demande s’il ne pourrait s’agir plutôt du paiement d’un arriéré de solde, assorti d’intérêts pour le retard.
183 Liv. 31, 13, 2.
184 Il semble que le manceps qui avait souscrit un contrat public se voyait reconnaître un droit d’accès au Sénat pour y porter éventuellement réclamation : Willems 1885, II, p. 376, qui cite notamment Cic. Att. 1, 18, 7 = SB n° 18 et Liv. 39, 44, 8.
185 Nicolet 1976b, p. 77 ; Buraselis 1996, p. 159 ; Saccoccio 2004, p. 323 et p. 341, n. 29.
186 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17. Badian 1972, p. 100, 103-104, 111 ; Shatzman 1975, p. 377 ; Marshall 1976, p. 96-98 ; Ward 1977, p. 195 et 211.
187 Liv. 31, 13, 3.
188 Rhet. Her. 1, 21. L’usage de l’Aerarium Sanctius en 209 (Liv. 27, 10, 11-13) suggère que l’on savait combien il contenait, et la fixation de trois échéances pour le remboursement de l’emprunt de 210 (Liv. 29, 16, 1-3) que l’on était conscient que le Trésor ne pouvait supporter un débours équivalent à l’ensemble de la somme.
189 D.C. 38, 5, 2. Cf. Gabba 1973, p. 443-447 ; Smith 1957, p. 82-85 ; Marshall 1972, p. 43-52 ; Amela Valverde 2001, p. 69-70.
190 Liv. 22, 57, 11.
191 Solde et fournitures militaires : Liv. 23, 21, 1-6 ; 23, 48, 4-49, 4 ; 26, 2, 1 ; 44, 16, 1-4 ; Plu. Sert. 21, 8 ; Pomp. 20, 1-2 ; Sall. hist. 2, 98 M. A contrario, lettre de Lucullus indiquant n’avoir pas besoin des fonds débloqués pour la construction d’une nouvelle flotte (Plu. Luc. 13, 4). Indemnisations : Liv. 31, 12, 1-4 ; 42, 8,7. Cf. Barrandon 2010, p. 77-98.
192 Liv. 40, 35, 4, là aussi pour refuser le versement.
193 Liv. 40, 46, 16 ; 44, 16, 8-10.
194 Les débats qui avaient trait aux demandes de triomphes permettaient par exemple aux magistrats de retour à Rome de se concilier les sénateurs en annonçant le versement imminent du butin dans les caisses publiques (Liv. 39, 29, 6-7). Même si l’information du Sénat n’est pas évoquée par le texte, la lettre adressée par le préteur de Sicile aux consuls et aux questeurs urbains, relativement à l’adjudication des dîmes (Cic. Verr. II 3, 123-128) devait servir à estimer les futures rentrées fiscales.
195 Le financement de la flotte mise sur pied en 214 av. J.-C. (Liv. 24, 11, 2-6) semble avoir reposé sur une estimation du coût, probablement à partir des précédents relevés dans les « registres questoriens ». Le récit livien des prémisses de la Guerre d’Antiochus (Liv. 36, 2, 12 et 36, 3, 1), pour sa part, évoque successivement l’ordre donné au préteur de Sicile de lever une deuxième dîme et de la faire acheminer en Grèce – elle était par conséquent destinée à l’approvisionnement des légions (Erdkamp 1995, p. 176 ; Erdkamp 2000, p. 66-67) – puis l’envoi d’une ambassade à Carthage et à Massinissa, afin de leur acheter du blé qui serait lui aussi expédié en Grèce. Le Sénat disposait donc d’indications quantitatives sur la decuma, sans doute au titre des recettes fiscales, et de données concernant la dotation en blé d’une légion ou d’un homme de troupe, grâce notamment aux rationes des gouverneurs de province, qui comportaient une section sur la res frumentaria.
196 Liv. 42, 3, 10-11.
197 Liv. 21, 62, 8-9 ; 22, 1, 7 ; 22, 9-10 ; 25, 12, 11-12 ; 31, 12, 9 ; 36, 37, 5 ; 37, 3, 6 ? ; 42, 2, 7 ; 42, 20, 2-6 ; 43, 13, 7-8 ; 45, 16, 6-8. Sur la procédure suivie en ce cas, Scheid 1998, p. 13 et 17-19, qui estime, à partir du dossier des Jeux Séculaires de 17 av. J.-C., que les dispositions financières incluses dans le document rédigé au final reprenaient des précédents cherchés dans les SC conservés à l’Aerarium. On trouve également mention d’une consultation des haruspices : Liv. 24, 10, 13.
198 Liv. 22, 9, 7-10, 7.
199 Cf. Liv. 31, 6, 9-10. Un vœu prononcé par un magistrat devait à l’origine préciser le coût des cérémonies et constructions prévues, de façon à ce que les sommes nécessaires soient provisionnées et réservées à cet effet par les services de l’Aerarium : Van Haeperen 2002, p. 248. Par conséquent, on ne sait si ce type de données financières était rassemblé dans des archives propres aux pontifes (sur les livres pontificaux, North 1998, p. 51-58 essentiellement ; Delgado Delgado 2004, p. 27 juge que les archives pontificales contenaient des documents comptables) ou établi à partir de SC antérieurs.
200 Liv. 26, 34, 12 ; 38, 44, 4-5 ; Van Haeperen 2002, p. 253. Les éléments de butin profanes étaient destinés à être vendus au bénéfice des caisses publiques.
201 Cic. dom. 1 et 100-141 ; Att. 4, 1, 7 ; 4, 2, 3 ; 4, 3, 2 = SB n° 73-75 ; Pis. 52. Stroh 2004, p. 321-332.
202 26 fois lorsque la séance du Sénat concerne le vote d’une dépense, et 8 fois lorsqu’il s’agit d’une recette.
203 Liv. 31, 9, 6-10. Sur l’épisode, Van Haeperen 2002, p. 248-250 ; Franchini 2008, p. 291-294 ; Lundgreen 2011, p. 159 et 167-168.
204 Van Haeperen 2002, p. 250.
205 Liv. 28, 41, 12 et 45, 14 ; Plu. Fab. 25, 3-4.
206 Dans le discours que lui prête Tite Live, Scipion se montre incapable d’avancer des contre-arguments face à la dénonciation du coût de la campagne opérée par Q. Fabius Maximus. Il aurait du coup opté pour une position radicale, qui consistait à promettre qu’il ne pèserait en rien sur les caisses publiques.
207 Coudry 1982, p. 200-212.
208 Liv. 29, 16, 2 ; Oros. 4, 17, 14.
209 Liv. 31, 9, 8 (200 av. J.-C., pour le grand pontife Licinius, à propos des jeux et de l’offrande voués lors du début de la deuxième Guerre de Macédoine) ; 34, 44, 2 (193 av. J.-C., invocation de l’auctoritas du collège pontifical dans la décision de recommencer le uer sacrum) ; Cf. Val. Max. 2, 4, 2 (Scipion Nasica, en 154 av. J.-C., pour la vente des matériaux de construction du théâtre dont il avait demandé la destruction). Coudry 1989, p. 695.
210 Liv. 39, 7, 4.
211 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17 (61 av. J.-C., Metellus Celer).
212 T. Manlius Torquatus, consul 235 et 224 (Liv. 22, 60, 5) ; Q. Fabius Maximus Cunctator, consul 233, 228, 215, 214, 209 (Liv. 28, 41, 11 ; Plu. Fab. 25, 3 ; Liv. 29, 19-20) ; M. Valerius Laevinus, consul 210 (Liv. 29, 16, 1-3) ; P. Licinius Crassus, grand pontife et consul 205 (Liv. 34, 44, 2) ; M. Fulvius Nobilior, consul 189 (Liv. 39, 5, 7-11) ; P. Cornelius Scipio Nasica Corculum, consul 155 (Val. Max. 2, 4, 2 ; Oros. 4, 21, 4) ; L. Marcius Philippus consul 91 (Cic. leg. agr. 2, 41-42) ; Pompée, consul 70 (Cic. Flacc. 30) ; Cicéron, consul 63 (Cic. prov. 28).
213 Liv. 30, 21, 10.
214 Sur ce point, Coudry 1989, p. 633-634. Plu. Cato Mi. 18, 2 évoque toutefois les interventions de Caton au Sénat pour la préservation des caisses publiques.
215 Sur la dimension rhétorique des discours insérés dans les œuvres des historiens antiques, qui conditionne les types d’arguments susceptibles d’apparaître, Ullmann 1927, avec l’analyse de Liv. 22, 58-61 (p. 94-99) et 28, 40-42 (p. 118-120).
216 Liv. 22, 61, 1 (rachat des prisonniers de Cannes en 216 av. J.-C.) ; 28, 41, 11 (coût de l’expédition d’Afrique en 205) ; 31, 13, 3 (remboursement de la dernière tranche de l’emprunt de 210, au moment du déclenchement de la deuxième Guerre de Macédoine).
217 Liv. 39, 5, 7 et 7.5 (financement de ludi et mesure concernant le stipendium, en 187).
218 Nécessité pour Rome de susciter la disciplina de ses citoyens, en 216 av. J.-C. (Liv. 22, 57, 11, qui précise que l’achat de uolones était financièrement illogique) ; patriotisme, en 210 (Liv. 26, 36, 9) ; pax deorum, en 203 et 173 (Liv. 30, 21, 10 ; 42, 3, 10-11) ; besoin de se faire obéir des alliés, en 204 av. J.-C. (Liv. 29, 15, 2-3, pour l’indemnité régulière imposée à 12 colonies latines) ; préservation des mores, en 154 (Per. 48, 25) ; dignité de César, en 56 (Cic. prov. 28).
219 Liv. 23, 48, 6.
220 Liv. 23, 48, 7-9. On commença par examiner les ressources susceptibles d’être fournies par les provinces, avant de poser l’hypothèse du tributum ; on calcula le montant de ce dernier, apparemment à partir des listes du cens, et en tenant compte des chiffres des pertes militaires.
221 Liv. 26, 36, 10 et 12.
222 Liv. 30, 21, 10 (203 av. J.-C.) ; 42, 3, 10-11 (173 av. J.-C.).
223 Pour le financement de la flotte en 214 av. J.-C. (Liv. 24, 11, 2-6), il fallut évaluer le nombre de marins nécessaires, calculer le montant de leur solde, consulter les listes du cens de 220 av. J.-C., y relever le nombre de mancipia déclarés par les citoyens et faire une moyenne de ce qu’ils pouvaient donner, ou, à partir du prix moyen d’un esclave sur le marché, estimer la ponction sur les patrimoines privés que représentait l’achat d’esclaves par les particuliers, puis ventiler les obligations financières relatives au stipendium suivant un principe de proportionnalité sur 5 catégories (la tranche la plus basse fournissant 1, la 2e 6 fois plus, la 3e 10 fois, la 4e 14 fois et la 5e 16 fois). En 200 av. J.-C., la solution des trientabula (Liv. 31, 13, 2-9) correspondit selon Saccoccio 2004, p. 329-330, à une innovation juridique anticipant la datio in solutum, et sa mise en œuvre impliqua d’évaluer la valeur des différentes parcelles de terres publiques des environs de Rome, probablement en établissant des critères de référence par rapport aux prix du marché.
224 Willems 1885, II, p. 434 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 137 et n. 4 et VII, p. 315.
225 Liv. 31, 9, 7-10.
226 Bernstein 1998, p. 99.
227 Liv. 22, 10, 7 (217 av. J.-C.) : eiusdem rei causa ludi magni uoti aeris trecentis triginta tribus milibus trecentis triginta tribus triente, praeterea bubus Ioui trecentis, multis aliis diuis bubus albis atque ceteris hostiis. Liv. 31, 9, 5-10 (200 av. J.-C.) : Cum dilectum consules haberent pararentque quae ad bellum opus essent, ciuitas religiosa in principiis maxime nouorum bellorum, 6. supplicationibus habitis iam et obsecratione circa omnia puluinaria facta, ne quid praetermitteretur quod aliquando factum esset, ludos Ioui donumque uouere consulem cui prouincia Macedonia euenisset iussit. 7. Moram uoto publico Licinius pontifex maximus attulit, qui negauit ex incerta pecunia uoueri debere, quia ea pecunia non posset in bellum usui esse seponique statim deberet nec cum alia pecunia misceri : quod si factum esset, uotum rite solui non posse. 8. Quamquam et res et auctor mouebat, tamen ad collegium pontificum referre consul iussus si posset recte uotum incertae pecuniae suscipi. Posse rectiusque etiam esse pontifices decreuerunt. 9. Vouit in eadem uerba consul praeeunte maximo pontifice quibus antea quinquennalia uota suscipi solita erant, 10. praeterquam quod tanta pecunia quantam tum cum solueretur senatus censuisset ludos donaque facturum uouit. Octiens ante ludi magni de certa pecunia uoti erant, hi primi de incerta.Trad. CUF A. Hus : Pendant que les consuls mobilisaient les troupes et rassemblaient les ressources nécessaires à la guerre, l’État, très attentif aux rites religieux, surtout au début de nouvelles guerres, ne se borna pas aux supplications et aux prières qu’il avait déjà fait faire près de tous les lits de parade des dieux : pour ne rien omettre de ce qu’on avait pu faire autrefois dans les mêmes circonstances, il ordonna au consul qui avait obtenu la province de Macédoine de vouer à Jupiter des jeux et une offrande. L’exécution de ce vœu de l’État fut retardée par le grand pontife Licinius, qui déclara que l’on ne devait pas faire un vœu sans fixer son coût parce qu’on ne pouvait employer cet argent pour la guerre, mais qu’il fallait aussitôt le mettre de côté et ne le mélanger à aucun autre ; autrement, le vœu ne serait pas accompli régulièrement. L’argument et la personnalité de celui qui l’invoquait firent impression ; pourtant, on invita le consul à en référer au collège des pontifes, pour savoir si l’on pouvait faire régulièrement un vœu dont le coût n’était pas fixé. Les pontifes décidèrent qu’on le pouvait, et que cela était même plus régulier. Pour prononcer le vœu, le consul utilisa – sous la dictée du grand pontife – la formule traditionnellement emplyée pour les vœux quinquennaux ; il s’en écarta toutefois sur un point, s’engageant à financer les jeux et l’offrande avec la somme que le Sénat fixerait lors de l’accomplissement du vœu. Huit fois, auparavant, on avait voué les Grands Jeux en en fixant le coût ; ceux-ci furent les premiers à être voués sans que ce montant fût fixé. Liv. 34, 44, 2 (194 av. J.-C.) : Id cum P. Licinius pontifex non esse recte factum collegio primum, deinde ex auctoritate collegii patribus renuntiasset, de integro faciendum arbitratu pontificum censuerunt (à propos du printemps sacré), ludosque magnos, qui una uoti essent, tanta pecunia, quanta adsoleret, faciendos. Trad. : Comme le pontife P. Licinius avait communiqué d’abord au sein du collège, puis, en vertu de l’autorité du collège, aux sénateurs, que cela n’avait pas été fait correctement, ces derniers décidèrent, sur l’avis des pontifes, de tout recommencer entièrement et d’organiser les grands jeux, qui avaient été voués en même temps, pour le montant qui était d’usage. Liv. 36, 2, 1-5 (191 av. J.-C.) : His ita in senatu, <incerto> ad id quae cuius prouincia foret decretis, tum demum sortiri consules placuit. Acilio Graecia, Cornelio Italia euenit. 2. Certa deinde sorte senatus consultum factum est, quod populus Romanus [eo tempore] duellum iussisset esse cum rege Antiocho, quique sub imperio eius essent, ut eius rei causa supplicationem imperarent consules, utique M'. Acilius consul ludos magnos Ioui uoueret et dona ad omnia puluinaria. 3. Id uotum in haec uerba praeeunte P. Licinio pontifice maximo consul nuncupauit : 'si duellum, quod cum rege Antiocho sumi populus iussit, id ex sententia senatus populique Romani confectum erit, 4. tum tibi, Iuppiter, populus Romanus ludos magnos dies decem continuos faciet, donaque ad omnia puluinaria dabuntur de pecunia, quantam senatus decreuerit. 5. Quisquis magistratus eos ludos quando ubique faxit, hi ludi recte facti donaque data recte sunto.' Supplicatio inde ab duobus consulibus edicta per biduum fuit. Trad. CUF A. Manuelian : Telles furent les dispositions que prit le Sénat, sans que l’on sût, jusque-là, à qui irait quelle province ; c’est alors seulement qu’il décida de faire tirer au sort les consuls. À Acilius échut la Grèce, et à Cornelius l’Italie. Puis, le sort ainsi fixé, le Sénat prit la décision suivante : Puisque le peuple romain avait donné l’ordre qu’il y eût la guerre contre le roi Antiochus et les peuples qui lui obéissaient, pour cette raison les consuls ordonneraient une supplication, et le consul Manius Acilius vouerait de grands jeux à Jupiter et des offrandes auprès de tous les lits de parade des dieux. Sous la dictée du grand pontife Publius Licinius, le consul prononça ce voeu en ces termes : Si la guerre que le peuple a donné l’ordre d’entreprendre contre le roi Antiochus s’achève selon les vues du Sénat et du peuple romains, alors en ton honneur, Jupiter, le peuple romain célèbrera de grands jeux pendant dix jours consécutifs, et auprès de tous les lits de parade des dieux seront offertes des sommes d’argent dont le Sénat fixera l’importance. Quels que soient le magistrat qui célèbrera ces jeux, leur moment et leur lieu, ces jeux seront célébrés selon les règles et les offrandes seront faites selon les règles. Puis les deux consuls décidèrent une supplication de deux jours. Liv. 39, 5, 6-10 (187 av. J.-C.) : Referente Ser. Sulpicio praetore triumphus M. Fuluio est decretus. 7. Is cum gratias patribus conscriptis egisset, adiecit ludos magnos se Ioui optimo maximo eo die quo Ambraciam cepisset uouisse ; in eam rem sibi centum pondo auri a ciuitatibus collatum ; 8. petere ut ex ea pecunia, quam in triumpho latam in aerario positurus esset, id aurum secerni iuberent. 9. Senatus pontificum collegium consuli iussit, num omne id aurum in ludos consumi necesse esset. Cum pontifices negassent ad religionem pertinere, quanta impensa in ludos fieret, 10. senatus Fuluio quantum impenderet permisit, dum ne summam octoginta milium excederet. Trad. CUF A.-M. Adam : sur proposition du préteur Servius Sulpicius, on décerna le triomphe à Marcus Fulvius. Ce dernier, après avoir remercié les sénateurs, ajouta qu’en ce jour où il avait pris Ambracie, il avait voué de grands jeux à Jupiter Optimus Maximus ; dans ce but, les cités lui avaient versé une contribution de cent dix livres d’or ; il demandait donc que sur les sommes figurant dans le triomphe et qu’il déposerait au Trésor Public, le Sénat donnât l’ordre de prélever cette quantité d’or. Le Sénat ordonna au collège des pontifes de statuer s’il était indispensable de dépenser tout cet or pour des jeux. Comme les pontifes avaient répondu que la somme que l’on dépensait pour des jeux n’avait rien à voir avec les questions religieuses, le Sénat laissa Fulvius libre de la dépense, pourvu qu’il ne dépassât pas la somme de quatre-vingt mille sesterces. Liv. 40, 44, 8-12 (179 av. J.-C.) : Q. Fuluius consul priusquam ullam rem publicam ageret, liberare et se et rem publicam religione uotis soluendis dixit uelle. 9. Vouisse, quo die postremum cum Celtiberis pugnasset, ludos Ioui optimo maximo et aedem equestri Fortunae sese facturum : in eam rem sibi pecuniam collatam esse ab Hispanis. 10. Ludi decreti, et ut duumuiri ad aedem locandam crearentur. De pecunia finitum, ne maior ludorum causa consumeretur, quam quanta Fuluio Nobiliori post Aetolicum bellum ludos facienti decreta esset ; 11. neue quid ad eos ludos arcesseret cogeret acciperet faceret aduersus id senatus consultum, quod L. Aemilio Cn. Baebio consulibus de ludis factum esset. 12. Decreuerat id senatus propter effusos sumptus factos in ludos Ti. Sempronii aedilis, qui graues non modo Italiae ac sociis Latini nominis, sed etiam prouinciis externis fuerant. Trad. CUF C. Gouillart : Le consul Quintus Fulvius déclara qu’avant d’accomplir aucun acte officiel, il voulait libérer sa personne et l’État d’une obligation religieuse en accomplissant ses vœux. Il avait promis, disait-il, le jour où il avait combattu pour la dernière fois contre les Celtibères, d’offrir des jeux à Jupiter très bon et très grand et un temple à la Fortune équestre : à cette fin, de l’argent lui avait été apporté par les Espagnols. Il fut décidé de célébrer les jeux et de nommer des duumvirs chargés de mettre le temple en adjudication. On fixa une somme limite : on ne devait pas dépenser pour ces jeux un total supérieur à celui qui avait été alloué à Fulvius Nobilior lorsqu’il avait célébré des jeux après la guerre d’Étolie ; Flaccus ne devrait pas non plus envoyer chercher, imposer ou accepter de contribution pour ces jeux ni rien faire de contraire au sénatus-consulte sur les jeux qui avait été voté sous le consulat de Lucius Aemilius et Cnaeus Baebius. Le Sénat avait pris ce décret en raison des dépenses excessives faites pour les jeux de l’édile Ti. Sempronius, qui avaient constitué un fardeau non seulement pour l’Italie et les alliés de droit latin, mais aussi pour les provinces étrangères. Liv. 42, 28, 7-9 (printemps 171 av. J.-C.) : Consulibus designatis imperauit senatus, ut, qua die magistratum inissent, hostiis maioribus rite mactatis precarentur, ut, quod bellum populus Romanus in animo haberet gerere, ut id prosperum eueniret. 8. Eodem die decreuit senatus, C. Popilius consul ludos per dies decem Ioui optumo maxumo <fieri> uoueret donaque circa omnia puluinaria dari, <si> res publica decem annos in eodem statu fuisset. 9. Ita, ut censuerant, in Capitolio uouit consul, ludos fieri donaque dari, quanta ex pecunia decresset senatus, cum centum et quinquaginta non minus adessent. Praeeunte uerba Lepido pontifice maxumo id uotum susceptum est. Trad. CUF P. Jal : (le Sénat) ordonna aux consuls désignés d’avoir soin, le jour de leur entrée en charge, d’immoler, selon le rite, des victimes majeures et de faire des prières pour l’heureuse issue de la guerre que le peuple romain avait l’intention de faire. Le même jour, le Sénat décréta que le consul C. Popilius ferait le vœu de célébrer en l’honneur de Jupiter très bon et très grand des jeux d’une durée de dix jours et de déposer des offrandes sur tous les lits de parade, <si>, au bout de dix ans, l’état de la République était resté le même. Aussi, conformément au décret, le consul fit au Capitole le vœu de donner des jeux et de dépenser pour les offrandes la somme qu’aurait fixée par décret le Sénat avec un quorum de cent cinquante membres. Le grand pontife Lepidus dicta la formule suivant laquelle ce vœu fut prononcé.
228 Ce second cas correspond aux épisodes de 187 et 179 av. J.-C. Aberson 1994, p. 23-25 pense que les magistrats qui prononçaient un vœu sur le champ de bataille en avaient probablement obtenu l’autorisation avant de quitter Rome.
229 Ceci, en cas de difficultés financières, permettait d’adapter le montant de la dépense aux autres contraintes et à l’encaisse disponible.
230 Liv. 31, 9, 7.
231 Coudry 1989, p. 402 et 410 estime apparemment qu’il s’agissait là d’une mesure ad hoc, limitée à l’année en cours ; Coudry 1990, p. 131-132.
232 Coudry 1989, p. 411.
233 En pratique, cela devait correspondre à un montant limitatif, car le magistrat utilisait probablement l’ensemble de la somme mise à sa disposition.
234 On trouve soit mention du montant d’une dépense ponctuelle (par exemple pour les offrandes : Liv. 21, 62, 8-9 ; 22, 1, 17 ; 45, 16, 6-8 ou les ludi : Macr. sat. 1, 17, 29 ; Liv. 25, 12, 12 ; 40, 52, 1-4 ; pour les praemia : Val. Max. 4, 4, 10 ; Liv. 26, 27, 6 ; 32, 26, 14 ; pour les allocations versées aux ambassadeurs étrangers : Liv. 27, 4, 7-10 ; 28, 39, 19 ; 30, 17, 13-14 ; 31, 9, 5 ; 35, 23, 11 ; 37, 3, 11 ; 42, 6, 6-11 ; 42, 19, 6 ; 43, 5, 8 ; 43, 6, 10 et 14 ; 43, 8, 7-8 ; 44, 14, 1-2 et 3-4 ; 44, 15, 8 ; 45, 13, 12 ; 45, 14, 6-9 ; 45, 42, 6-12 ; 45, 44 ; Val. Max. 5, 1, 1 d ; App. Pun. 518 ; le SC de Asclepiade, l. 13 du texte latin, renvoie sur ce point à la formula amicorum, qui elle-même devait vraisemblablement donner un chiffre), soit une valeur globale, résultant selon toute vraisemblance d’une addition (pour l’équipement d’une flotte : Cic. Flacc. 30 ; Plu. Luc. 13, 4 ; pour les dépenses de guerre de 209 av. J.-C. : Liv. 27, 10, 11-13 ; pour l’ornatio des grands commandements militaires : Plb. 10, 19, 2 ; pour les achats de blé public : Cic. Verr. II 3, 163 ; Plu. Cato Mi. 26, 1 ; Plu. Caes. 8, 7 ; Cic. ad Q. fr. 2, 5, 2 = SB n° 9), soit une somme qu’il était facile d’établir par référence à un montant fixé précédemment (Liv. 29, 16, 1-3, pour le remboursement par tiers de l’emprunt de 210). Certains textes (Plu. TG 13, 3, pour l’allocation du triumvirat agraire ; Cic. Verr. II 3, 188, pour le frumentum in cellam du gouverneur de Sicile) suggèrent que la pecunia certa était établie de façon simple, en fixant un « tarif », et en opérant une multiplication (par exemple, prix d’un modius de blé pour le frumentum in cellam, et nombre maximum de modii que le gouverneur pouvait acheter). Pour les recettes, le fait que le tributum ait été un impôt de répartition (Nicolet 1976b, p. 39 et 45) implique qu’un montant global des besoins ait été initialement établi. Le même principe prévalait pour les sommes exigées des territoires vaincus (Liv. 45, 18, 3-7 : si l’ex royaume de Persée fut ponctionné pour moitié de ce qu’il versait à ses anciens souverains, c’est bien que les Romains connaissaient ce montant et qu’ils firent savoir aux Macédoniens des conditions chiffrées). Le système des redevances, enfin, reposait sur un principe de proportionnalité (par exemple paiement de telle somme par jugère d’ager publicus occupé) qui, parce qu’il devait être communiqué au contribuable, était nécessairement fixé à l’avance (Liv. 29, 15, 9 ; Liv. 31, 13, 8).
235 Liv. 40, 46, 16 et 44, 16, 8-10.
236 Lange 1876-1879, I, p. 817. En revanche, Astin 1990, p. 26 juge que cette pratique correspondit à une expérimentation sans suite.
237 Mommsen 1889-1896, IV, p. 136-138.
238 L’épisode des censeurs de 174 av. J.-C. (Liv. 41, 27, 11-12) montrerait que le statut d’un éventuel reliquat, une fois les adjudicataires des contrats publics payés, n’était pas précisément fixé.
239 Indemnisation du temple de Locres en 204 puis 200 (Liv. 29, 19, 5 ; 31, 12, 1-4) ; indemnités versées à l’inventeur des livres de Numa en 181 (Liv. 40, 29, 13) ; fixation des « dommages et intérêts » de Cicéron en 57, par les consuls assistés de leur consilium (Cic. Att. 4, 1, 7 ; 4, 2, 3 = SB n° 73-74).
240 Pour le plébiscite Gabinien de 67, qui donnait 6000 talents à Pompée, App. Mith. 428 ; Groebe 1910, p. 376 ; Jones 1950, p. 22. Pour le plébiscite Vatinien, Cic. Vatin. 36. Pour la loi Clodia qui attribuait 18 millions de HS à Pison, Cic. Pis. 86. Pour la dotation de 1 000 talents annuels donnée à Pompée en 52 pour les provinces d’Hispanie, Plu. Caes. 28, 8.
241 Marquardt 1888, p. 122 et 147-148 ; Frank 1933, p. 325-330. Dépenses militaires : Plu. Luc. 13, 4 (3 000 talents pour la flotte en 74) ; Cic. Flacc. 30 (4,3 millions de HS pour la flotte en 62) ; App. Mith. 428 (6 000 talents pour la guerre des pirates en 67) ; Cic. Pis. 86 (18 millions pour les campagnes de Pison en 57-55). Approvisionnement de Rome : Cic. ad Q. fr. 2, 5, 2 = SB n° 9 (40 millions de HS octroyés à Pompée en 57). Distributions de blé public : Cic. Verr. II 3, 163 (environ 12 millions de HS par an en vertu de la loi Terentia Cassia) ; Plu. Cato Mi. 26, 1 (1 250 talents par an pour la mesure de Caton en 62), Cic., Sest., 55 (un cinquième des uectigalia annuels pour le plébiscite frumentaire de Clodius).
242 Kay 2014, p. 300-301.
243 La mesure frumentaire de Caton correspondait à peu près à l’ornatio des deux provinces hispaniques de 52, ce qui suggère qu’elle n’épuisait pas les caisses publiques ; les crédits à première vue énormes dont bénéficia Pompée en 67 étaient le double de ceux votés en 74 pour la flotte de Lucullus, ce qui semble logique s’il fallait équiper des navires cette fois-ci à l’échelle de la Méditerranée.
244 Madvig 1881-1882, II, p. 348-349 ; Karlowa 1885-1901, I, p. 258 ; Mommsen 1889-1896, IV, p. 244 ; surtout, Humbert 1886, I, p. 32-33.
245 Willems 1872, p. 259-260 ; Willems 1880, p. 299 ; Karlowa 1885-1901, I, p. 262 ; Madvig 1881-1882, II, p. 349 ; Humbert 1886, I, p. 34 et 45 ; De Martino 1972-1975, II, p. 245.
246 Ordre des consuls : Oros. 4, 17, 13 ; SC : Liv. 39, 19, 3 ; 44, 16, 8-10 ; 45, 14, 6 ; plus indirectement, Liv. 39, 7, 5 ; 42, 6, 11 ; 45, 44, 17 ; Cic. Flacc. 30. SC mis en œuvre par un ordre consulaire : SC de Narthaciensium et Melitaeensium litibus, l. 67-69 (Sherk 1969, n° 9, p. 51), SC de Prienensium et Samiorum litibus, l. 13 (Sherk 1969, n° 10, p. 56), SC de Astypalaeensibus, l. 9-11 (Sherk 1969, n° 16A, p. 95), SC de Stratonicensibus, l. 89-91 (Sherk 1969, n° 18, p. 108), SC de Asclepiade, l. 17-18 du texte latin et l. 24-26 du texte grec (Sherk 1969, n° 22, p. 126-127).
247 Liv. 33, 42, 2-4.
248 Briscoe 1973, p. 329.
249 Toynbee 1965, II, p. 174-175, n. 5 ; Buraselis 1996, p. 170 ; France 2021, p. 78.
250 Voir chapitre 2, « La passation de marchés publics ».
251 Plu. TG 10, 8 indique que cette activité pouvait tomber sous le coup de l’intercession tribunicienne.
252 Plb. 23, 14, 5 ; D.S. 29, 21 ; Liv. 38, 55, 13 ; Val. Max. 3, 7, 1 f ; Plu. Apopht. Scipio. 9 = Moralia 196 F.
253 Walbank 1957-1979, III, p. 244 ; Briscoe 2008, p. 196.
254 La tentative de Bellomo 2014, p. 72 de rattacher les faits au premier consulat de Scipion ne paraît guère convaincante eu égard à la position de l’anecdote dans les récits de Polybe et Tite Live.
255 18 occurrences pour des dépenses, 4 pour des recettes. Par ailleurs, on constate que ce sont les consuls qui le plus fréquemment assurent l’exécution de SC financiers votés lors d’une séance qu’ils avaient présidée.
256 15 occurrences.
257 4 occurrences.
258 Mommsen 1889-1896, III, p. 267.
259 Liv. 39, 29, 6-7 suggère que pour une recette, le gouverneur de province ordonnait à son questeur de porter la somme à l’Aerarium, et que le Sénat, une fois avisé, demandait à son tour aux questeurs du Trésor de réceptionner les fonds.
260 Liv. 24, 11, 2-6 (214 av. J.-C.). Ce devait être aussi le cas pour le prélèvement du tributum.
261 Liv. 25, 15, 4 (212 av. J.-C.) ; 36, 3, 1 (191 av. J.-C.) ; 42, 27, 8 (172 av. J.-C.), pour des légats chargés de procéder à des achats de blé sur fonds publics.
262 Val. Max. 7, 6, 1 a (215 av. J.-C.) : rogatio tribunicienne afin d’élire des triumvirs qui procèderaient aux achats de uolones.
263 Liv. 31, 12, 1-4 (200 av. J.-C.) ; 42, 27, 1-6 (172 av. J.-C.), et pour les recettes, les doubles dîmes levées en Sicile et Sardaigne en 191-189 (Liv. 36, 2, 13 ; 39, 50, 9-10).
264 Voir supra, « La République romaine a-t-elle connu le principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable ? ».
265 Cic. Ver. II 3, 165 (les sommes destinées au frumentum emptum auraient été déposées chez les publicains et soumises au versement d’un intérêt), 170-171, 174 (les crédits alloués par le Sénat à cette fin n’auraient pas été dépensés) ; Pis. 86 (l’allocation de 18 millions attribuée à Pison aurait été laissée à Rome et prêtée à intérêts), 88 (la solde des troupes aurait été payée par les cités de la province, ce qui suggère que les sommes attribuées à cet effet par le Trésor Public furent employées pour autre chose).
266 Cic. Ver. II 3, 195.
267 Plu. Cato Ma. 5, 7 et 6, 2-3 et Liv. 32, 27, 2-4 (Caton l’Ancien, comme préteur de Sardaigne puis comme consul en Hispanie) ; D.S. 37, 5, 1 (Q. Mucius Scaevola, comme gouverneur d’Asie) ; Cic. Verr. II 1, 16 (Cicéron, comme questeur de Sicile) et Att. 5, 10, 2 ; 5, 16, 3 ; 5, 21, 5 ; 6, 1, 2 et 21 ; 6, 4, 2 = SB n° 103, 109, 114, 115 et 118 (comme gouverneur de Cilicie).
268 Caton (Liv. 34, 9, 12), Lucullus (Plu. Luc. 29, 10).
269 En 184, Caton, dont les leges locationis rigoureuses avaient été annulées par le Sénat suite aux protestations des contractants, les renouvela pratiquement dans les mêmes termes, mais en acceptant toutefois de diminuer ses exigences (Liv. 39, 44, 8).
270 Liv. 23, 38, 12 (en 215 av. J.-C., utilisation des sommes destinées à rembourser Hiéron II pour le financement de la Guerre de Macédoine) ; Cic. dom. 23 (éventuellement attribution à Gabinius, en vertu de la lex Clodia qui lui conférait sa province, de fonds prévus pour l’achat de terres en vertu de la lex Iulia agraria).
271 Liv. 40, 46, 16 et 44, 16, 8-10 ; App. Mith. 22. Cf. Plu. Luc. 4, 1. Lange, 1876-1879, I, p. 817.
272 Astin 1990, p. 25.
273 Liv. 26, 35, 3.
274 Plb. 1, 59, 6-7 ; Buraselis 1996, p. 160-161.
275 Nicolet 1963, p. 417-436. Voir également Andreau 2006, p. 101-114.
276 Pour l’équipement de navires : Plb. 1, 59, 6-7 ; Zonar. 8, 16 ; Liv. 24, 11, 2-6 ; Liv. 26, 36, 3-8 et 11 ; pour le financement des armées : Plu. Sert. 21, 8 ; Pomp. 20, 1 et Sall. hist. 2, 98 M. ; pour le rachat de captifs : Liv. 22, 23, 6-8 et D.C. frg. 57, 15 et 35.
277 Hiéron II fut sur ce plan l’interlocuteur privilégié des Romains au IIIe siècle : Eckstein 1980, p. 183-203.
278 Zonar. 9, 6 ; App. Mith. 22 ; Cic. leg. agr. 1, 2 ; 2.34-35, 37, 47-48.
279 Ce furent les principes appliqués par Caton le Jeune (Plu. Cato Mi. 18, 2 et 36, 4), et qui reprenaient les préceptes prônés par son ancêtre le Censeur dans le De Agricultura.
280 D.C. 38, 5, 2.
281 Cic. leg. 3, 41. Dyck 2004, p. 540 juge que les différents points évoqués par Cicéron font référence à un débat sénatorial concernant une déclaration de guerre.
282 La geometria correspondait à la fois à la géométrie à proprement parler, au calcul et à la comptabilité (Cic. Tusc. 1, 5 ; Bonner 1977, p. 77-78 et 180-187), mais l’excellence en la matière atteinte par Sextus, oncle de Pompée, ne semble pas avoir été particulièrement valorisée (Cic. Brut. 175 ; off. 1, 19 ; Scholz 2011, p. 152).
283 Cic. Verr. II 1, 60 ; Cael. 17.
284 Plu. Brut. 3, 1-4. Calvelli 2020, p. 213-217.
285 Gell. 17, 9, 1 ; Cic. Att. 13, 52, 1 = SB n° 353, qui évoque précisément une scène de vérification des comptes de César en présence de Balbus ; Des Boscs-Plateaux 1994, p. 22-23 et 26-28 ; Lamberty 2005, p. 164-165 ; Rodríguez-Neila 2006, p. 147, 149, 157, 169-170.
286 Sur la tendance au gaspillage des fonds publics, et à l’indifférence à cet égard, Plu. Cato Ma. 3, 5-6 (pour Scipion, avec la phrase fameuse « Je dois compte de mes actes, non de mes dépenses »), Cic. 17, 2 (pour le questeur Cornelius Sura).
287 Voir le dossier des trientabula, ou l’implication de Crassus dans la révision des contrats publics de la province d’Asie. L’inscription CIL I², 810 = XIV, 153 = ILLRP 435 = Caldelli – Cébeillac-Gervasoni – Zevi 2006, n° 6.1, p. 85 = 2010, n° 7.1, p. 92 montre l’existence de liens entre un questeur urbain et des negotiatores, et donc peut-être d’intérêts financiers communs.
288 Humbert 1886, I, p. 73. C’était déjà l’opinion de Willems 1885, II, p. 463.
289 Humbert 1886, I, p. 32, 42, 64. Dans le même sens, Mispoulet 1882-1883, II, p. 236.
290 Humbert 1886, I, p. 33-34, 55 et 58 pour le rôle des questeurs ; p. 36 pour l’intercessio.
291 Humbert 1886, I, p. 63-66 et 69-71.
292 Humbert 1886, I, p. 60 et 64.
293 Cerami 1972, p. 774 estime que la notion moderne de contrôle financier recoupe, au moins en partie, ce qui en latin était désigné comme la dispensatio aerarii et le fait de rationes referre.
294 Cette distinction est caractéristique des finances publiques modernes, mais elle peut aider à établir à quelle étape se plaçait le contrôle, s’il existait.
295 Zonar. 8, 6.
296 Plu. Cato Mi. 17, 3-4 : ἔπειτα γράμματα πολλῶν οὐ προσηκόντως ἀναφερόντων, καὶ δόγματα ψευδῆ παραδέχεσθαι χάριτι καὶ δεήσει τῶν προτέρων εἰωθότων, οὐδὲν αὐτὸν ἔλαθε γινόμενον τοιοῦτον, ἀλλ᾽ ὑπὲρ ἑνός ποτε δόγματος ἐνδοιάσας εἰ κύριον γέγονε, πολλῶν μαρτυρούντων οὐκ ἐπίστευσεν, οὐδὲ κατέταξε πρότερον ἢ τοὺς ὑπάτους ἐπομόσαι παραγενομένους ; 18, 5-7 : Τῶν δ´ ἡμερῶν τῇ τελευταίᾳ σχεδὸν ὑπὸ πάντων τῶν πολιτῶν προπεμφθεὶς εἰς οἶκον, ἤκουσεν ὅτι Μαρκέλλῳ πολλοὶ συνήθεις καὶ δυνατοὶ προσπεσόντες ἐν τῷ ταμιείῳ καὶ περιέχοντες, ἐκβιάζονται γράψαι τινὰ δόσιν χρημάτων οὐκ ὀφειλομένην. ἦν δ´ὁ Μάρκελλος ἐκ παίδων φίλος τῷ Κάτωνι καὶ σὺν ἐκείνῳ βέλτιστος ἄρχων, αὐτὸς δὲ καθ´ αὑτὸν ἀγώγιμος ὑπ´ αἰδοῦς τοῖς δεομένοις καὶ κατάντης πρὸς πᾶσαν χάριν. εὐθὺς οὖν ὁ Κάτων ἐπιστρέψας καὶ τὸν Μάρκελλον εὑρὼν ἐκβεβιασμένον γράψαι τὴν δόσιν, ᾔτησε τὰς δέλτους καὶ ἀπήλειψεν αὐτοῦ παρεστῶτος σιωπῇ· Trad. CUF R. Flacelière – É. Chambry : En second lieu, comme beaucoup de gens présentaient des titres au Trésor de façon irrégulière, et aussi de fausses ordonnances que ses prédécesseurs acceptaient d’ordinaire pour faire plaisir à qui les en priait, aucune de ces pratiques ne lui échappa. Un jour même qu’il doutait de la validité d’une ordonnance, bien qu’elle fût attestée par plusieurs témoins, il ne s’y fia pas et refusa de la régler jusqu’à ce que les consuls vinssent la garantir par serment. […] Le dernier jour de sa questure, comme il rentrait chez lui, escorté par presque tous les citoyens, il apprit que beaucoup d’amis et de gens influents s’étaient précipités à la Questure et assiégeaient Marcellus pour l’obliger à enregistrer une reconnaissance de dettes de l’État. Marcellus était un ami d’enfance de Caton et s’était montré pour lui un excellent collègue, mais, livré à lui-même, il cédait par timidité aux solliciteurs et accordait aisément toute sorte de faveurs. Aussitôt Caton rebroussa chemin et trouva Marcellus qu’on avait contraint à avaliser le paiement. Il demanda les tablettes et les effaça en présence de Marcellus lui-même, qui gardait le silence.
297 Cf. Val. Max. 3, 7, 1f.
298 Coudry 1989, p. 570-573 ; Fezzi 2003, p. 51-53, n° 15 et p. 75-78, n° 23 (pour la période postérieure à 49 av. J.-C., p. 84-86, n° 26 ; p. 94-96, n° 28 ; p. 99-101, n° 31).
299 Donc, a priori, des sénateurs de rang supérieur à la questure, ou éventuellement des membres importants des societates publicorum.
300 Face à un magistrat à imperium qui n’aurait pas respecté la procédure, un questeur pouvait invoquer la loi, mais il n’avait pas les moyens de se soustraire à un ordre.
301 Plu. Cato Mi. 17, 3. Dans une société fondée sur la fides, les mots avaient plus de poids que l’écrit : Williamson 1987, p. 168, n. 30 ; Coudry 1989, p. 573 ; Moreau 1994, p. 143.
302 Plu. Cato Mi. 18, 7.
303 Plu. Cato Mi. 18, 2.
304 Donc le Sénat, soit en la personne du magistrat relator, soit les sénateurs globalement ; ou bien le magistrat rogator d’une loi présentée à une assemblée populaire.
305 Trisciuoglio 1998, p. 39 : chez Plutarque, telè rend généralement uectigalia.
306 Plb. 6, 17, 5 ; Liv. 39, 44, 8 ; Plu. Cato Ma. 19, 2 ; Flam. 19, 6. Becker 1843-1867, II-2, p. 232 ; Lange 1876-1879, II, p. 407 ; Pernice 1884, p. 120 ; Willems 1885, II, p. 375-376 et 402 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 330 et 337 ; De Ruggiero 1925, p. 192 ; O’Brien Moore 1935, col. 739 ; Milazzo 1993, p. 79, n. 44.
307 Cic. Att. 1, 17, 9 = SB n° 17 ; 1, 18, 7 = SB n° 18 ; 1, 19, 6 = SB n° 19 ; Suet. Iul. 20, 3 ; App. BC 2, 13 ; D.C. 38, 7, 4 ; Schol. Bob. ad Cic. Planc. 31 et 35, p. 157 et 159 St. Balsdon 1962, p. 135-137 ; Nicolet 1966-1974, I, p. 643-644 ; Badian 1972, p. 100 ; Merola 2001, p. 65-68 ; Fontanella 2002, p. 407-408.
308 Cic. Verr. II 3, 81-82 ; Gell. 18, 4, 4 ; peut-être Cic. Mur. 42. Hinard 1985, p. 187-188 et 194.
309 Nous nous sommes limités aux cas décidés domi. Mispoulet 1882, p. 177 ; Willems 1885, II, p. 363 ; Mommsen 1889-1896, VII, p. 334 ; O’Brien Moore 1935, col. 738 considéraient que l’intervention du Sénat était dans ce cas la norme.
310 Oros. 5, 13, 3 (en 121 av. J.-C., pour la cité de Catina frappée par une éruption de l’Etna) ; App. Mith. 250 ; Cic. off. 3, 87 (pour les privilèges fiscaux accordés par Sylla aux cités d’Asie, et ensuite confirmés par SC : Santangelo 2007, p. 108 et 122-123 ; Mastrocinque 1999, p. 85-93) ; SC de Asclepiade = CIL I², 588 = Sherk 1969, n° 22, p. 125-128 ; lex Antonia de Termessibus (Crawford 1996, I, n° 19, p. 333 pour le texte, p. 337 pour le commentaire).
311 Cic. Att. 2, 16, 1 = SB n° 36, pour la loi Caecilia de 60 av. J.-C., qui supprimait les portoria en Italie. Dimopoulou 2012, p. 264 donne par ailleurs l’exemple de la lex Iulia de actis Cn. Pompeii, qui confirmait le statut de cité libre et immunis de Mytilène, patrie du conseiller de Pompée Théophane (Plu. Pomp. 42, 8 ; Vell. 2, 18, 3 ; sans doute Sherk 1969, p. 143, n° 25).
312 App. BC 1, 364. On ne sait si la mesure fut ensuite confirmée par SC ou par la loi qui ratifiait a posteriori les décisions antérieures à la dictature.
313 Voir l’action du consul Cicéron face à la rogatio Seruilia agraria.
314 Groebe 1905, p. 230 et 233 ; De Libero 1992, p. 16-17 ; Görne 2020, p. 232-233 et n° 133 p. 279.
315 Cic. Vatin. 16-17, pour le plébiscite Vatinien. Reduzzi Merola 2007, p. 80.
316 Plb. 6, 56, 14 : παρὰ δὲ Ῥωμαίοις κατά τε τὰς ἀρχὰς καὶ πρεσβείας πολύ τι πλῆθος χρημάτων χειρίζοντες δι᾽ αὐτῆς τῆς κατὰ τὸν ὅρκον πίστεως τηροῦσι τὸ καθῆκον. Mommsen 1889-1896, II, p. 291 ; Cerami 1972, p. 784.
317 Sur ce dernier, introduction, n. 46.
318 Cic. Verr. II 3, 81 ; off. 3, 87, pour le retour sur les largesses fiscales syllaniennes, promu par L. Marcius Philippus. La loi coloniale de L. Appuleius Saturninus, qui prévoyait selon le Vir. Ill. 73, 5 un financement à partir de l’or de Toulouse, ne fut tout simplement pas appliquée. La loi frumentaire de M. Livius Drusus (Per. 71) avait une dimension financière : la législation du tribun fut cassée soit parce qu’elle avait été passée per uim, soit parce que n’aurait pas été respecté l’intervalle du trinundinum, soit parce que le consul Philippus, en sa qualité d’augure, aurait déclaré que le vote avait été effectué contra auspicia. La lex Iulia agraria, qui prévoyait l’achat de terres auprès de priuati sur l’argent tiré du butin de Pompée (D.C. 38, 1, 5 et 38, 5, 2), donna lieu à une tentative de Bibulus pour faire voter un SC d’annulation (D.C. 38, 6, 4), puis deux préteurs demandèrent l’examen au Sénat de l’ensemble des acta du consulat de 59 (Suet. Iul., 23, 1). Reduzzi Merola 2007, p. 7-17, 40, 53-57, 77-82.
319 Gell. 18, 4, 4, contre les dispositions syllaniennes favorables aux acheteurs des biens des proscrits.
320 Willems 1885, II, p. 461.
321 Plu. Cic. 17, 2-4 : λέγεται δὲ καὶ τὴν ἐπίκλησιν αὐτῷ γενέσθαι τὸν Σούραν ἐξ αἰτίας τοιαύτης. ἐν τοῖς κατὰ Σύλλαν χρόνοις ταμιεύων, συχνὰ τῶν δημοσίων χρημάτων ἀπώλεσε καὶ διέφθειρεν. ἀγανακτοῦντος δὲ τοῦ Σύλλα καὶ λόγον ἀπαιτοῦντος ἐν τῇ συγκλήτῳ, προελθὼν ὀλιγώρως πάνυ καὶ καταφρονητικῶς, λόγον μὲν οὐκ ἔφη διδόναι, παρεῖχε δὲ τὴν κνήμην, ὥσπερ εἰώθασιν οἱ παῖδες ὅταν ἐν τῷ σφαιρίζειν διαμάρτωσιν. ἐκ τούτου Σούρας παρωνομάσθη σούραν γὰρ Ῥωμαῖοι τὴν κνήμην λέγουσι. Trad. CUF R. Flacelière – É. Chambry : Son surnom de Sura lui fut donné, dit-on, pour la cause suivante : comme il était questeur au temps de Sylla et qu’il avait perdu et dilapidé une grande partie des fonds publics, Sylla indigné lui en demanda compte au Sénat ; Lentulus se présenta d’un air désinvolte et hautain et déclara qu’il ne rendait pas de comptes, mais qu’il offrait sa jambe, comme c’est l’habitude des enfants quand ils ont fait une faute au jeu de la balle. C’est de là que lui vint le surnom de Sura, car sura en latin signifie la jambe.
322 Plb. 23, 14, 7-9 : πάλιν δέ ποτε λόγον ἀπαιτοῦντός τινος ἐν τῷ συνεδρίῳ τῶν χρημάτων ὧν ἔλαβε παρ᾽ Ἀντιόχου πρὸ τῶν συνθηκῶν εἰς τὴν τοῦ στρατοπέδου μισθοδοσίαν, ἔχειν μὲν ἔφη τὸν λογισμόν, οὐ δεῖν δ᾽ αὐτὸν ὑποσχεῖν οὐδενὶ λόγον : τοῦ δ᾽ ἐπικειμένου καὶ κελεύοντος φέρειν ἠξίωσε τὸν ἀδελφὸν ἐνεγκεῖν : κομισθέντος δὲ τοῦ βυβλίου, προτείνας αὐτὸ καὶ κατασπαράξας πάντων ὁρώντων τὸν μὲν ἀπαιτοῦντα τὸν λόγον ἐκ τούτων ζητεῖν ἐκέλευσε Trad. D. Roussel : Une autre fois, comme quelqu’un lui demandait compte au Sénat des sommes qu’il avait reçues d’Antiochos avant la conclusion du traité, pour payer la solde des troupes, il déclara qu’il avait bien ses registres, mais qu’il n’avait de comptes à rendre à personne. Et comme l’autre insistait et le pressait de les apporter, il pria son frère d’aller les lui chercher. Lorsqu’il les eut en main, il les montra à l’assistance, puis les déchira sous les yeux de tous et invita son interpellateur à aller chercher ce qu’il lui réclamait parmi ces lambeaux ; Val. Max. 3, 7, 1e : De fiducia sui : Verum ut ad domestica eius eximiae fiduciae acta ueniamus, cum a L. Scipione ex Antiochensi pecunia sestertii quadragies ratio in curia reposceretur, prolatum ab eo librum, quo acceptae et expensae summae continebantur refellique inimicorum accusatio poterat, discerpsit, indignatus de ea re dubitari quae sub ipso legato administrata fuerat. Quin etiam in hunc modum egit : « Non reddo, patres conscripti, aerario uestro sestertii quadragies rationem, alieni imperii minister, quod meo ductu meisque auspiciis bis millies sestertio uberius feci. Neque enim adhuc puto eo malignitatis uentum ut de mea innocentia quaerendum sit. Nam cum Africam totam potestati uestrae subiecerim, nihil ex ea quod meum diceretur praeter cognomen retuli. Ne me igitur Punicae, non fratrem meum Asiaticae gazae auarum reddiderunt, sed uterque nostrum inuidia magis quam pecunia locupletior est ». Tam constantem defensionem Scipionis uniuersus senatus comprobauit. Trad. CUF R. Combès : Mais nous en venons aux actes qui, en temps de paix, ont manifesté l’extraordinaire confiance qu’il avait en lui-même, avec l’épisode au cours duquel Lucius Scipio, à propos de l’argent reçu d’Antiochus, se voyait réclamer, pour quatre millions de sesterces, des comptes dans la curie et où il avait apporté le registre contenant sa comptabilité en recettes et dépenses et lui permettant de réfuter les accusations lancées par ses adversaires : Scipion le déchira en s’indignant de ce qu’on mettait en suspicion ce qui s’était fait pendant qu’il était chargé de mission. Bien plus il soutint ainsi son point de vue : Je ne vais pas, sénateurs, rendre compte au Trésor que vous gérez de quatre millions de sesterces pour une période où je n’étais que l’adjoint de celui qui dirigeait, alors qu’en agissant au nom des pouvoirs et des auspices dont je disposais je l’ai enrichi de centaines de millions. Je ne pense pas encore en effet qu’on en soit arrivé à un tel degré de malignité qu’on doive s’interroger sur mon honnêteté. Car lorsque j’ai soumis l’Afrique entière à vos ordres je n’en ai ramené, en fait d’acquisition personnelle, qu’un surnom. Donc ni, pour ma part, les richesses puniques, ni, pour mon frère, celles de l’Asie ne nous ont rendus cupides : nous avons l’un et l’autre plus d’inimitiés que d’argent à notre disposition. La fermeté de la défense présentée ainsi par Scipion reçut du Sénat une approbation unanime. Gell. 4, 18, 7-12 : 7. Item aliud est factum eius praeclarum. Petili quidam tribuni a M., ut aiunt, Catone, inimico Scipionis, comparati in eum atque inmissi, desiderabant in senatu instantissime ut pecuniae Antiochinae praedaeque in eo bello captae rationem redderet. 8. Fuerat enim L. Scipioni Asiatico, fratri suo, imperatori in ea prouincia legatus. 9. Ibi Scipio exurgit et, prolato e sinu togae libro, rationes in eo scriptas esse dixit omnis pecuniae omnisque praedae. 10. illatum, ut palam recitaretur et ad aerarium deferretur. 11. Sed enim id iam non faciam, inquit, nec me ipse afficiam contumelia 12. eumque librum statim coram discidit suis minibus et concerpsit, aegre passus quod cui salus imperii ac reipublicae accepta ferri deberet rationem pecuniae praedatae posceretur. Trad. CUF R. Marache : Il y a de même une autre réaction célèbre de sa part. Certains Petilii, tribuns de la plèbe, disposés et poussés contre lui, à ce qu’on dit, par M. Caton, ennemi de Scipion, réclamaient avec beaucoup d’insistance au Sénat qu’il rendît compte de l’argent d’Antiochus et du butin de cette guerre. Il avait été dans cette expédition légat de son frère, Lucius Scipion Asiaticus, investi du commandement en chef. Alors Scipion se lève et, tirant de sa toge un livre, dit qu’il avait là en écrit les comptes de tout l’argent et de tout le butin ; il l’avait apporté pour qu’il fût lu publiquement et déposé au Trésor Public. Mais je ne le ferai pas, dit-il, et je ne m’infligerai pas à moi-même un affront. Aussitôt en plein Sénat, il déchira le livre de ses mains et le mit en pièces, n’ayant pu supporter qu’on demandât raison de l’argent du butin à qui on devait porter en compte le salut de la République et de son empire. (le § 10 suggère que Scipion avait rédigé préventivement une comptabilité ut palam recitaretur : peut-être a-t-on là une allusion, plus qu’à la préparation d’une procédure de reddition de comptes, à un document destiné à justifier une demande de triomphe).
323 Selon Plb. 23, 14, 7, Scipion aurait asséné qu’il n’était pas contraint de rendre des comptes.
324 Coudry 2009a, p. 60. La position de Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 86-87, 90, 171, 173, 179 n’est donc pas recevable.
325 Willems 1885, II, p. 458.
326 Mommsen 1889-1896, II, p. 385-389 ; VII, p. 356-357.
327 Mommsen 1889-1896, II, p. 388.
328 Pour un questeur ou un proquesteur provincial : Cic. Verr. II 1, 36-37 et Ps. Ascon. ad loc. p. 234 St. ; Cic. Verr. II 1, 77, 98 et 100 et Ps. Ascon. ad loc. p. 243 et 246 St. ; Cic. Verr. II 1, 99 ; Plu. TG 6, 2 ; Cato Mi. 38, 2-4. Pour un gouverneur : Cic. Verr. II 1, 57 ; 1, 98 et 100 ; 3, 167 ; Pis. 61. Pour les deux magistrats : Cic. fam. 5, 20 = SB n° 128 ; Att. 6, 7, 2 = SB n° 120. Becker 1843-1867, III/1, p. 284 ; Walter 1860, I, p. 363-364, § 248 ; Willems 1872, p. 391 ; Karlowa 1885-1901, I, p. 326, § 48 ; Cerami 1972, p. 791 ; Fallu 1973, p. 209 et 211 ; Fallu 1974, p. 247, n. 1 ; Coudry 2009a, p. 28. On ne peut absolument pas suivre Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 90, qui croient que les comptes des questeurs du Trésor étaient contrôlés par leurs successeurs.
329 Plu. TG 6, 2.
330 Fallu 1973, p. 211 ; Fallu 1974, p. 247 : l’argument est que la lex repetundarum épigraphique (Crawford 1996, I, p. 69, l. 34) prévoyait que les tabulae publicae pussent être produites comme pièces à conviction lors des procès pour concussion.
331 Contrairement à ce qu’écrivent Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 171-172, Cic. Verr. II 1, 36-37 ne dit pas que Verrès déposa ses rationes à Ariminum : il ne parle que du reliquat de la somme qui lui avait été affectée. On ne peut donc tirer de ce passage l’idée que les magistrats romains déposaient plusieurs exemplaires de leurs bilans comptables dans des villes provinciales avant la loi Julia de 59.
332 Cic. Sest. 135 ; Pis. 50 ; Rab. Post. 12 ; Schol. Bob. Sest. 135, p. 140 St. ; Vatin. 29, p. 149 St. Sur cette loi, Rotondi 1912, p. 389-391 ; Lintott 1981, p. 202-205 ; Crawford 1996, II, p. 769-772, n° 55, avec la bibliographie antérieure ; Piacente 2016.
333 Oost 1956, p. 20-22 ; Fallu 1970, p. 194-196.
334 Cic. Pis. 61 : Rationes ad aerarium continuo, sicut tua lex iubebat, detuli, neque alia ulla in re legi tuae parui. Quas rationes si cognoris, intelleges nemini plus quam mihi litteras profuisse. Ita enim sunt perscriptae scite et litterate ut scriba ad aerarium qui eas rettulit perscriptis rationibus secum ipse caput sinistra manu perfricans commurmuratus sit : " ratio quidem hercle apparet, argentum οἲχεται." Trad. CUF P. Grimal, légèrement modifiée : Les comptes, je les ai portés immédiatement au Trésor, comme l’ordonnait ta loi, et c’est bien le seul point sur lequel j’aie obéi à ta loi. Si tu prends connaissance de ces comptes, tu comprendras que personne n’a retiré de ses études plus d’avantage que moi. Ils sont en effet rédigés d’un bout à l’autre avec tant de science et de culture que le scribe du trésor qui les a transcrits, après les avoir entièrement recopiés, murmura à part lui, en se frottant la tête de la main gauche : « Le compte, par Hercule, est bien clair, mais l’argent, lui, il a filé ».
335 Il est donc possible que l’original du magistrat soit resté entre les mains de ce dernier.
336 Cic. Verr. II 1, 99 ; fam. 5, 20, 1-2 = SB n° 128.
337 Cic. div. in Caec. 28 (quod isdem litteris illius praetura et tua quaestura consigna sit, asportare te uelle ex Sicilia litteras suspicantur), cité par Coudry 2009a, p. 59. Il n’est pas sûr, cependant, que les litterae mentionnées par Cicéron soient des documents comptables : on pourrait aussi penser aux procès-verbaux des procès qui avaient eu lieu durant le mandat de Verrès.
338 Cic. Verr. II 1, 98.
339 Cic. Verr. II 1, 36-37 : Videamus rationes quem ad modum rettulerit : iam ipse ostendet quam ob rem Cn. Carbonem reliquerit, iam se ipse indicabit. Primum breuitatem cognoscite : accepi inquit, uiciens ducenta triginta quinque milia quadringentos decem et septem nummos. Dedi stipendio, frumento, legatis, pro quaestore, cohorti praetoriae HS mille sescenta triginta quinque milia quadringentos decem et septem nummos. Reliqui Arimini HS sescenta milia. Hoc est rationes referre ? hoc modo aut ego aut tu, Hortensi, aut quisquam omnium rettulit ? Quid hoc est ? quae impudentia, quae audacia ? quod exemplum ex tot hominum rationibus relatis huiusce modi est ? Illa tamen HS sescenta milia, quae ne falso quidem potuit quibus data essent describere, quae se Arimini scribit reliquisse, quae ipsa HS sescenta milia reliqua facta sunt, neque Carbo attigit neque Sulla uidit neque in aerarium relata sunt. Oppidum sibi elegit Ariminum, quod tum, cum iste rationes referebat, oppressum direptumque erat : non suspicabatur, id quod nunc sentiet, satis multos ex illa calamitate Ariminensium testis nobis in hanc rem reliquos esse. 37. Recita denuo. P. Lentulo L. Triario quaestoribus urbanis res rationum relatarum. Recita. Ex senatus consulto. Vt hoc pacto rationem referre liceret, eo Sullanus repente factus est, non ut honos et dignitas nobilitati restitueretur. Trad. CUF H. De la Ville de Mirmont : Voyons de quelle manière il a rendu ses comptes. C’est lui-même qui va montrer pour quel motif il a abandonné Cn. Carbo ; c’est lui-même qui va être son propre dénonciateur. Apprenez d’abord quelle est sa brièveté : J’ai reçu, dit-il, deux millions deux cent trente-cinq mille quatre cent dix-sept sesterces. J’en ai donné pour la solde, pour le froment, pour les légats, pour le proquesteur, pour la cohorte prétorienne un million six cent trente-cinq mille quatre cent dix-sept sesterces. J’en ai laissé six cent mille à Ariminum. Est-ce là remettre des comptes ? Est-ce ainsi que j’ai remis les miens ou que tu as remis les tiens, Hortensius ? Est-il un seul de tous les questeurs qui ait ainsi remis ses comptes ? Qu’est-ce là ? Quelle impudence ! Quelle audace ! Parmi les comptes remis par tellement de questeurs, trouve-t-on un exemple pareil ? D’autre part, ces six cent mille sesterces, dont il n’a pu, même par un état fictif, établir à qui ils ont été donnés et qu’il déclare par écrit avoir laissés à Ariminum, ce reliquat précisément de six cent mille sesterces, Carbo ne l’a pas touché, Sylla ne l’a pas vu, il n’a pas été remis au trésor. Il s’est choisi la ville d’Ariminum, parce qu’au moment où il remettait ses comptes, cette ville était opprimée et mise au pillage ; il ne soupçonnait pas – ce dont il va s’apercevoir – que de ce désastre il est resté un assez grand nombre de citoyens d’Ariminum pour déposer en notre faveur sur ce fait. 37. Qu’on fasse une seconde lecture. État des comptes remis au trésor, alors que P. Lentulus et L. Triarius étaient questeurs urbains. Qu’on lise. En exécution du sénatus-consulte. C’est pour qu’il lui fût permis de remettre ses comptes de cette manière qu’il est tout à coup devenu un homme de Sylla ; ce n’est pas pour faire restituer à la noblesse ses honneurs et ses dignités.
340 Willems 1885, II, p. 459 ; Coudry 2009a, p. 59. Pina Polo – Díaz Fernández 2019, p. 86-87 ne peuvent être suivis sur ce point.
341 La rédaction du bilan se dit rationes conficere. Sur ces aspects, Berrendonner 2014, p. 175-179 et 183-185.
342 Cic. fam. 5, 20, 1-2 = SB n° 128.
343 Toute la difficulté réside dans le fait que les informations les plus claires concernant le bilan du questeur se rapportent à Verrès, donc à une date antérieure à la lex Iulia, tandis que celles qui se rapportent au gouverneur sont majoritairement tirées de la correspondance de Cicéron, et témoignent donc de la situation prévue par la loi de César. Cic. Verr. II 1, 98 suggère que puisque des fonds étaient remis par le questeur à son supérieur, des sommes qui apparaissaient comme des sorties dans la comptabilité questorienne figuraient comme des entrées dans la comptabilité du gouverneur. Qui plus est, Cic. fam. 2, 17, 4 = SB n° 117 montre qu’au milieu du Ier siècle av. J.-C., la comptabilité de la praeda échappait au questeur, en étant confiée à un praefectus : il faut donc penser que cette section n’apparaissait que dans le bilan comptable du magistrat supérieur.
344 Cic. Pis. 61. De Ste-Croix 1956, p. 46.
345 Cic. Pis. 90, qui reproche à Pison d’avoir falsifié ses comptes, évoque l’inscription de sommes dont auraient été changés les genera.
346 Du moins à partir de 59 av. J.-C. : Cic. fam. 5, 20, 7 = SB n° 128. Les bénéficiaires potentiels étaient les tribuns des soldats, les préfets et les contubernales. La catégorie des beneficia existait peut-être déjà dans les années 80 : Cic. Arch. 11.
347 Cic. Verr. II 1, 36. Rappelons que l’on trouve la même chose dans les comptes épigraphiques de Tauromenion : Arangio-Ruiz – Olivieri 1925, p. 80-127 ; Manganaro 1988, p. 155-190 ; Migeotte 2014, p. 80.
348 Cic. Verr. II 1, 37 : tibi pecuniam, rem frumentariam… commisit.
349 Cic. Verr. II 1, 36 montre qu’existaient les chapitres du stipendium, du frumentum, des legati, du quaestor et de la cohors praetoria.
350 Cic. fam. 8, 8, 3 = SB n° 84.
351 Venturini 1979, p. 471 et 501.
352 Cic. fam. 2, 17, 4 = SB n° 117 ; fam. 5, 20, 2, 6 et 8 = SB n° 128 ; Att. 6, 7, 2 = SB n° 120 ; Pis. 61. Venturini 1979, p. 472.
353 Cic. fam. 2, 17, 1 = SB n° 117 ; fam. 5, 20, 2 = SB n° 128 ; Pis. 61 : continuo, soit dès le retour à Rome du magistrat ?
354 Lex repetundarum (Crawford 1996, I, n° 1, p. 69, l. 34) ; Cic. Balb. 11 ; Cic. Att. 1, 16, 4 = SB n° 16 ; Val. Max. 2, 10, 1 ; Fest. p. 340 L.
355 Cic. Verr. II 1, 96 et 1, 99.
356 Sur la litis aestimatio, Zumpt 1871, p. 395-411 ; Greenidge 1901, p. 502-503 ; Mommsen 1907, III, p. 24-28 ; Eder 1969, p. 208-209, n. 3 ; Venturini 1979, p. 207-217 ; Moreau 2019, p. 141-152.
357 Mantovani 2000, p. 667 et 668 n. 63. Cic. Rab. Post. 9 suggère qu’on se fondait principalement sur les preuves écrites et orales fournies par l’accusation, mais la comparaison avec les comptes du magistrat devait permettre d’établir le montant de l’indemnisation.
358 Bérenger 2010, p. 186 juge que la « décentralisation » de l’archivage des documents publics qui découla de la loi Julia était à terme susceptible d’offrir un instrument de prise de décision aux futurs gouverneurs et questeurs, mais les cas qu’elle cite dans son article orientent plutôt vers une consultation des archives par des particuliers, dans le contexte de procès.
359 Cic. fam. 5, 20, 7 = SB n° 128, dix ans après le vote de la loi Julia de repetundis, déclare ingénument qu’il ignorait de combien de temps il disposait pour remettre à l’Aerarium la liste de ses beneficia. Il peut toutefois s’agir là d’une excuse pour expliquer que Cicéron n’ait pas attendu son questeur pour déposer ses comptes à Rome. P. Vatinius et L. Calpurnius Pison auraient violé la loi Julia (Cic. Sest. 135 ; Pis. 37 et 90 ; Vatin. 29 ; Schol. Bob. Cic. Sest. 135, p. 140 St. ; Vatin. 29, p. 149 St.). Bibulus, qui pouvait à juste titre estimer que la législation césarienne était nulle et non avenue, refusa, à l’issue de son gouvernement de Syrie, de remettre un bilan comptable, plaçant du même coup son questeur dans une situation embarrassante (Cic. fam. 2, 17, 2 = SB n° 117).
360 Venturini 1979, p. 464-471. Ferrary 1983a, p. 72 n’excluait pas que la loi gracchienne eût pris en compte les légats fils de sénateurs.
361 Cic. Verr. II 1, 36 suggère cependant qu’il fallait dire où se trouvaient, physiquement, les fonds.
362 Cic. fam. 5, 20, 9 = SB n° 128.
363 Plaut. Cist. 72 ; Persa 555.
364 Lex repet., l. 68-69 = CIL I², 583 = Crawford 1996, I, n° 1, p. 72 ; lex Cornelia de XX quaestoribus, col. I, l. 2-6 = CIL I², 587 = Crawford 1996, I, n° 1, p. 294. Les deux textes, qui envisagent un paiement effectué par un questeur, semblent vouloir prévenir l’hypothèse ou que de l’argent public parvienne par erreur entre les mains d’un priuatus, ou que de l’argent public soit retenu et non versé au bénéficiaire prévu.
365 Gell. 11, 18, 18 : Sed enim M. Cato in oratione, quam De praeda militibus diuidenda scripsit, uehementibus et inlustribus uerbis de inpunitate peculatus atque licentia conqueritur. Ea uerba, quoniam nobis inpense placuerunt, adscripsimus : Fures, inquit, priuatorum furtorum in neruo atque in compedibus aetatem agunt, fures publici in auro atque in purpura = Malcovati 1953, n° 8, p. 91, frg. 224 = Sbendorio Cugusi 1982, p. 112, frg. 172. Cf. Fest. p. 232 L. ; Paul. Fest. p. 233 L. ; Fest. p. 268 L. ; Paul Fest. p. 269 L.
366 Ce semble avoir été le principe en fonction duquel Alexander 1990 a identifié les procès pour péculat.
367 Voir le procès de L. Licinius Lucullus (Gruen 1968, p. 177-178 ; Alexander 1990, p. 35-35, n° 69), dont Hillman 1998, p. 183-184 note qu’il devait s’agir plus vraisemblablement d’un procès de repetundis.
368 Cic. nat. deor. 3, 74 : Cognosce alias quaestiones, auri Tolosani, coniurationis Iugurthinae ; repete superiora, Tubuli de pecunia capta ob rem iudicandam, posteriora, de incestu rogatione Peducaea, tum haec cotidiana, sicae ueneni peculatus, testamentorum etiam, lege noua quaestiones.
369 Van den Bruwaene 1970, p. 6 ; Lassandro – Micunco 2007, III, p. 12-13.
370 Gnoli 1975, p. 340-341 ; Ferrary 1991, p. 426 et n. 42 = Ferrary 2012d, p. 83-84.
371 Lengle 1931, p. 304 ; Kunkel 1963, col. 739 ; Gruen 1968, p. 177, 244, 262-263 ; Gnoli 1975, p. 340-341 ; Brennan 2000, II, p. 367-368 et p. 771, n. 75 ; Coudry 2009a, p. 49, contre l’opinion aujourd’hui abandonnée qui attribuait la création de la quaestio peculatus à la dictature de Sylla (Zumpt 1865-1869, IV, p. 78 ; Lange 1876-1879, III, p. 166 ; Mommsen 1907, III, p. 68 ; Strachan Davidson 1912, II, p. 22 ; Rosillo Lopez 2010, p. 123).
372 Rhet. Her. 1, 22 : Si quis peculatus accusatur quod uasa argentea puplica de loco priuato dicatur sustulisse, possit dicere, cum definitione sit usus, quid sit furtum, quid peculatus, secum furti agi, non peculatus oportere. Trad. CUF G. Achard : si quelqu’un était accusé de péculat pour avoir enlevé d’un lieu privé des vases d’argent appartenant à l’État, il pourrait dire, après avoir défini vol et péculat, qu’il doit être accusé de vol et non de péculat.
373 Achard 1989, p. VI-VII et XII-XIII ; Caplan 1954, p. XXVI ; Cancelli 1993, p. 270-271.
374 Plu. Pomp. 4, 1-6. Gruen 1968, p. 244 et Hillman 1998, p. 177-180 et 191 datent les faits de 86 av. J.-C., en raison des différentes mesures prises cette année-là pour rétablir l’équilibre des caisses publiques.
375 Plu. Pomp. 4, 4.
376 Plu. Pomp. 4, 1.
377 Le Dig. 48, 13, 16 (Papinianus) indique que les actions pour péculat étaient transférables sur les héritiers.
378 Hillman 1998, p. 185-186 : Vell. 2, 26, 2 qualifie Antistius d’aedilicius lors de sa mort en 82 av. J.-C.
379 Plu. Pomp. 4, 2.
380 Shatzman 1972, p. 195, critiqué par Rosenstein 2011, p. 135.
381 Bur 2018, p. 334, contra Lintott 1978, p. 137.
382 Les seuls cas vraiment sûrs sont ceux où il est clairement dit que l’accusation fut de péculat ; on a mis à part d’autres procès dont l’objet pourrait rentrer dans la catégorie du peculatus.
383 Cic. Verr. I 39 ; Rein, 1844, p. 689 ; Alexander 1990, p. 81, n° 162 et p. 87, n° 175.
384 Cic. Rab. perd. 8 ; Rein 1844, p. 690 ; Alexander 1990, p. 64, n° 123.
385 Cic. Cluent. 94 ; Ascon. Corn. p. 57-58 St. ; Rein 1844, p. 690 ; Gruen 1971, p. 56-57 ; Alexander 1990, p. 99, n° 196.
386 Cic. nat. deor. 3, 74.
387 Quint. inst. 5, 13, 17 ; Sall. hist. 3, 59 M. ; D.C. 36, 40, 3-4 ; Ps. Ascon. Cic. Verr. II 1, 50, p. 236 St. Cf. Quint. inst. 5, 10, 69 ; 5, 13, 19-21 et 29-30 ; 6, 5, 10. Ward 1968, p. 805-808 ; Alexander 1990, p. 95, n° 187.
388 D.C. 37, 44, 1 ; Rein 1844, p. 690.
389 Plu. Luc. 37, 1 ; Gruen 1971, p. 57-58 ; Jones 1972, p. 5 jugeait qu’on ne pouvait déterminer si le procès avait eu lieu devant le peuple ou devant une quaestio ; Alexander 1990, p. 102-103, n° 204 ; David 1992, p. 753-754.
390 Cic. Cluent. 147 ; Mur., 42. Mommsen 1907, III, p. 68.
391 Cic. Cluent. 94 ; probablement le cas de Pompée.
392 Cic. Mur. 42.
393 Cic. Mur. 42 ; Mommsen 1907, III, p. 78 ; Kunkel 1963, col. 745 ; Gnoli 1973, p. 467. Si les règlements municipaux calquent bien la procédure en vigueur à Rome, on pourra peut-être tirer de la Lex Tarentina (l. 4-5) = Crawford 1996, I, p. 304 l’idée que la peine était au quadruple.
394 Q. Sosius (Nicolet 1966-1974, II, p. 1024-1026, n° 328) ; C. Curtius (Nicolet 1966-1974, II, p. 861-862, n° 127 ; Alexander 1990, p. 64).
395 Cic. Mur. 42.
396 Strachan Davidson 1912, I, p. 167.
397 David 2012, p. 272 ; David 2019, p. 230.
398 Cic. Verr. II 1, 11. Cf. Lex Tarent., l. 2 = CIL I², 590 = Crawford 1996, I, p. 304, l. 2.
399 Cic. Verr. II 1, 11 ; 4, 88.
400 Cic. Verr. II 1, 11. Cf. Quint. inst. 5, 13, 17.
401 Voir, peut-être, l’expression chez Sall. Jug. 31, 25, peculatus aerari.
402 Rein 1844, p. 692 et 695-696 et Kunkel 1963, col. 773 pensaient à une unique loi ; Mommsen 1907, III, p. 68 à une loi distincte pour la pecunia residua.
403 Gnoli 1979, p. 25. Mommsen 1907, III, p. 68 optait pour une chronologie césarienne sur la base d’un argument a silentio, l’absence de mention d’une loi sur le péculat dans le chapitre 34 de la biographie de Suétone qui traite de la législation augustéenne. Gnoli 1972, p. 332 a renversé l’argument, en relevant que la biographie de César par Suétone ne comprend aucune allusion elle non plus à une lex Iulia peculatus. Le second point qui pourrait servir de repère chronologique, l’interdiction par la loi d’altérer les monnaies d’or (Dig. 48, 13, 1), n’est pas probant non plus, puisque César comme Auguste firent frapper des monnaies d’or (Gnoli 1972, p. 333).
404 Gnoli 1973, p. 442-444 et 470 : le titre du Digeste est intitulé Ad legem Iuliam ; le Dig. 48, 13, 5, 1 ; 48, 13, 11, 6 ; 48, 13, 12 pr. fait référence à une loi, au singulier.
405 Dig. 48, 13, 1 (Ulpianus libro quadragensimo quarto ad Sabinum) ; 48, 13, 10 (Venuleius Saturninus ex libro tertio iudiciorum publicorum), peut-être 48, 13, 15 (Modestinus libro secundo de poenis). Sur la question de la pecunia residua, Dig. 48, 13, 2 (Paulus libro undecimo ad Sabinum) ; 48, 13, 5, 1-3 (Marcianus Libro quarto decimo institutionum, la fin du passage évoque en revanche des constitutions de Trajan et d’Hadrien) ; 48, 13, 11, 6 (Paulus libro singulari de iudiciis publicis). Sur la pecunia sacra religiosa, Dig. 48, 13, 4, pr.-1 (Marcianus libro quarto decimo institutionum).
406 Gnoli 1973, p. 440.
407 Piazza 1991, p. 143 et 151 relève que la différence entre péculat et falsum était liée au caractère public ou privé du responsable de l’altération de la monnaie.
408 Ferrary 2009, p. 231 ; Ferrary 2012b, p. 581. Cf. Kunkel 1963, col. 773. On peut peut-être aussi invoquer en ce sens le fait que Labeo ait apparemment commenté la loi (Dig. 48, 13, 11, 2 et 6).
409 Kunkel 1963, col. 745 ; Bur 2018, p. 335.
410 Les sources sont rassemblées par Coudry 2009a, p. 78-79.
411 Val. Max. 5, 3, 2 a. Les autres sources sont D.S. 14, 117, 6 ; Liv. 5, 32, 8 ; D.H. 13, 5, 1 ; Plin. nat. 34, 13 ; Plu. Cam. 12, 1-3 et 13, 1 ; D.C. frg. 24.4 ; Zonar. 7, 22 ; Eutr. 1, 20, 2 ; Seru. Auct. Aen. 6, 826.
412 Vir. Ill. 50, 1 ; Fab. Pict. 28 P. = 18 Chassignet = 26 Cornell ; Frontin str. 4, 1, 45.
413 Liv. 38, 55, 5 ; Val. Max. 5, 3, 2 c ; Gell. 6, 19, 8. La Per. 38, bien que lacunaire, semble avoir évoqué une accusation pour furtum.
414 D.H. 7, 63, 2-3 ; 7, 64, 2-6 ; Plu. Cor. 20, 5.
415 Liv. 37, 57, 12-14 ; 38, 58, 1 ; Fest. p. 268 L.
416 Oros. 5,15, 25 ; Str. 4, 1, 13 ; D.C. frg. 90.
417 Coudry 2009a, p. 48-49.
418 Plin. nat. 34, 13. Pour Kunkel 1962, p. 35, les questeurs seraient intervenus en leur qualité d’administrateurs du Trésor Public.
419 Liv. 38, 54, 3-38, 55, 13 ; Oros. 5, 15, 25.
420 L’exil de Coriolan doit être mis à part, dans la mesure où il s’insère dans un récit étiologique du procès capital tribunicien (David 2001, p. 249-269). L’exil de Camille n’est présenté comme une peine que chez Eutrope, alors qu’il est donné pour volontaire par toutes les autres sources. Quant à Caepio, Lengle 1931, p. 303 lie son exil non à sa condamnation pour péculat, mais à l’accusation capitale à laquelle il fut soumis suite au désastre militaire d’Orange.
421 Mommsen 1864-1879, II, p. 449 ; Coudry 2009a, p. 48.
422 Coriolan : D.H. 7, 63, 2 (laphura signifie souvent praeda chez D.H. : Coudry 2009a, p. 25) ; Camille : Val. Max. 5, 3, 2 a ; D.C. frg. 24, 4 ; L. Scipion : Zonar. 9, 20 ; M’. Acilius Glabrio : Liv. 37, 57, 12.
423 Coriolan : D.H. 7, 63, 2 (si l’on préfère donner à laphura le sens de manubiae) ; Plu. Cor. 20, 5 ; Camille : Eutr. 1, 20, 2 ; M. Livius Salinator : Frontin Str. 4, 1, 45. Shatzman 1972, p. 177 estimait que les généraux romains ne pouvaient faire l’objet de poursuites relatives aux manubiae, tandis que Vogel 1948, p. 409 et Gnoli 1979, p. 80-92 sont d’avis contraire.
424 M’. Acilius Glabrio, Q. Servilius Caepio.
425 Liv. 38, 55, 6 (pour L. Scipio) ; peut-être Liv. 37, 57, 12 (pour M’. Acilius Glabrio).
426 Cf. Pompée et Faustus Sulla.
427 Rawson 1973, p. 351.
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