Un Autre Risorgimento
|Première partie. Les recompositions de l’opposition aux Bourbons dans la sortie d’empire (1815-années 1820)
Chapitre 2. Reconstruire l’opposition politique nationale (1815-1820)
Texte intégral
- 1 Voir, sur la culture de la clandestinité, Di Mauro 2015, p. 451-517.
1Entre la chute de Murat en 1815 et le déclenchement de la révolution de 1820-1821, le royaume des Deux-Siciles voit se reconfigurer l’opposition politique au régime restauré des Bourbons. En grande partie constituée des anciens opposants de gauche au gouvernement de Murat, elle s’enrichit d’une partie non négligeable de ses anciens conseillers et serviteurs. Le service de l’État bourbonien, auquel beaucoup d’entre eux prennent part, n’exclut pas en effet la participation à des groupes d’opposition souvent locaux et clandestins, dans la stricte continuité de la période précédente1. Néanmoins, la difficulté à structurer une opposition politique cohérente s’explique par la diversité des prises de position des patriotes napolitains à l’égard de l’héritage politique laissé par la monarchie française d’occupation. La figure de l’ancien roi suscite une réprobation quasi-unanime, liée au retard avec lequel il a accordé une constitution politique à son royaume, et beaucoup de ses anciens serviteurs sont désormais employés dans l’administration et l’armée des Bourbons. Les apports du régime de Murat sont néanmoins paradoxaux : les sociétés secrètes, apportées et développées par l’occupant français, constituent toutefois l’un des principaux ressorts de l’action politique des opposants.
- 2 Bruyère-Ostells 2006a.
2Cet usage paradoxal des héritages d’Empire apparaît propre au royaume des Deux-Siciles, si l’on en croit le schéma européen établi par Walter Bruyère-Ostells : le « napoléonisme », cet attachement personnel des vétérans européens d’Empire à la figure des Napoléonides, appuyé sur leur forte présence dans la franc-maçonnerie et la Charbonnerie, n’a pas eu son équivalent dans le royaume des Deux-Siciles2. D’autre part, les héritages d’Empire n’ont pas fait l’objet de revendications uniformes et structurées. Le souvenir de la monarchie française d’occupation est à la fois l’objet d’un déni mémoriel et d’une référence systématique. L’analyse des parcours politiques des opposants dans les premières années de la Restauration constituera un premier temps de l’étude : elle montre les continuités entre deux régimes qualifiés sous la même catégorie malgoverno, qui justifient tous les deux le développement des sociétés secrètes d’opposition. J’aborderai ensuite les efforts entrepris pour fédérer l’opposition patriotique aux Bourbons, qui relève très souvent de circuits de politisation construits à l’échelle locale. J’étudierai enfin la mise en place de la révolution de 1820, qui s’appuie à la fois sur des tentatives de coordination nationales et sur le transfert inédit d’un modèle étranger d’insurrection.
A. D’un malgoverno à l’autre : contre Murat et contre les Bourbons (1815-1817)
- 3 Sur cette dernière, voir Delpu 2018c.
3Les premières années de la Restauration révèlent le déploiement d’une opposition politique hésitante, qui peine à dépasser les impasses dans lesquels l’ont placée les dernières années du decennio francese. Prise entre des projets politiques très variables, entre nation napolitaine et nation italienne, elle développe une mémoire immédiate négative du règne de Murat3, mais elle utilise les ressources de mobilisation collective apportés par l’occupant français.
1. Le consensus autour de Murat tyran
4Le déroulement de la campagne d’Italie de 1814-1815 l’a montré : l’ampleur de la crise d’autorité que connaît la monarchie muratienne dans les deux dernières années de son existence explique la difficulté pour le roi français à remobiliser ses anciens soutiens. La capacité performative limitée des proclamations italophiles s’explique par la dispersion des projets unificateurs et par la faiblesse de leur contenu politique.
- 4 Ferrari 2016, p. 214.
- 5 ASNa, Polizia generale II, b. 4502.
- 6 De Lorenzo 1984.
- 7 L’argument est évoqué par Greco 1866, p. 9.
5Le retournement politique de la Charbonnerie, qui s’effectue à partir de 1812, l’illustre. D’abord constituée dans les rangs de l’administration muratienne, elle s’est progressivement convertie en un outil de mobilisation politique hostile au gouvernement muratien, particulièrement développé dans les provinces périphériques. Son déploiement dans les Calabres, la Basilicate et dans la région rurale du Cilento en est révélateur : il s’est effectué à partir de 1813, sous l’effet de l’influence de notabilités locales attachées pour la plupart aux milieux de l’administration. Dans les Calabres, ce sont ainsi des fonctionnaires qui ont été parmi les principaux promoteurs de l’organisation comme Francesco Nicoletti et Annibale Scinti, employés d’intendance, ou Andrea Lombardi, secrétaire général de cette même institution4. Dans les premiers mois de la Restauration, la société secrète est encore très diffusée dans l’administration fiscale de la province de Cosenza, à l’image de la mine de sel du village italo-albanais de Lungro, dont 76 des 124 employés sont adhérents5. Par sa forte présence au sein de secteurs sociaux puissants à l’échelle locale, la Charbonnerie a largement contribué à canaliser le mécontentement contre la politique du decennio francese. Les acteurs de l’administration fiscale, parce qu’ils s’inscrivent à l’intersection entre les communautés politiques traditionnelles, construites à l’échelle locale, et un État centralisé encore incertain, ont joué un rôle d’hommes doubles, en orientant les mouvements de protestation contre la fiscalité nationale. Sa gestion centrale et l’augmentation des charges ont été mal comprises par une grande partie de la population, notamment dans les provinces les plus périphériques. L’impôt de la fondiaria, qui a été la principale contribution demandée aux sujets du royaume, a suscité les contestations les plus grandes6. Lorsque la Charbonnerie connaît son principal développement en 1813, elle se nourrit du mécontentement d’une grande partie des Calabrais face à des campagnes militaires dont le financement pèse lourdement sur les sujets du royaume, d’autant que la difficile circulation de l’information empêche les familles des soldats mobilisés de recevoir des nouvelles régulières de leurs proches morts au combat7.
- 8 ASNa, Borbone, b. 723, f. 85.
6Si cette politique fiscale est encore contestée en 1815, c’est parce qu’elle a été maintenue en place lors de la Restauration bourbonienne. Les besoins financiers de l’État napolitain et la nécessité de payer le tribut dû à l’Autriche ont fourni un argument à Ferdinand IV pour ne pas revenir sur la politique fiscale muratienne, pourtant fortement critiquée, et même pour augmenter l’assiette de la fondiaria. La Charbonnerie a alors canalisé les protestations : des émeutes sont régulièrement enregistrées par les sources de police contre les taxes excessives, contre la cherté et la mauvaise qualité des produits alimentaires. À l’hiver 1815, alors que l’arrière-pays de la capitale connaît un épisode de froid qui nuit aux cultures, l’inspecteur Antonio D’Afflitto fait état d’une série de révoltes dans quatre villages du versant nord du Vésuve, Cutinelli, Madonna dell’Arco, Somma et San Sebastiano, à cause du prix jugé excessif d’aliments courants comme le pain, le vin ou encore la passata8. La pénurie, loin de se limiter aux seuls hommes du peuple, aurait aussi touché des propriétaires, jusqu’à devenir un phénomène diffus dans la périphérie nord-est de la capitale. Elle a suscité des cris séditieux régicides, qui font de Ferdinand IV un tyran affamateur au même titre que Murat.
- 9 Galluppi 1820, p. 21.
- 10 Colletta 1861a.
7La comparaison, pratiquée par des catégories d’acteurs très différentes, est corroborée par la littérature mémorielle patriotique qui se développe dès la chute de Murat. D’anciens militaires, des administrateurs, des hommes d’Église pourtant réformateurs produisent en effet des mémoires, des histoires immédiates destinées à dénoncer les agissements d’un roi incapable et opportuniste. En Calabre, le prêtre Pasquale Galluppi (1770-1846), proche des réformistes modérés, dénonce les incursions des rois français Joseph et Murat dans les provinces méridionales du royaume, leurs efforts pour les soumettre à un système centralisé inadapté qui aurait brisé certains des réflexes localistes sur lesquels reposait traditionnellement la société méridionale. Murat est ainsi évoqué comme « le tyran qui a soumis la Calabre »9. Les mémorialistes se font l’écho du mécontentement que suscite le souvenir du decennio francese : dans un mémoire publié en 1816, Colletta déplore des « rumeurs malignes » qui auraient visé une partie des anciens serviteurs de Murat, une « classe haïe par la nation », considérée comme l’actrice principale d’un système politique contraignant et coercitif10. Là encore, Colletta rappelle que la centralisation et la fiscalité sont, précisément, ce qui a suscité un « mécontentement national ». C’est précisément pour contrer cette attitude partagée, qu’il impute à « l’ignorance des événements », qu’il entreprend de mettre en forme l’histoire de la dernière année du règne de Murat. La perspective qu’il développe est donc patriotique : il s’agit de servir les intérêts de la nation napolitaine. Mais la plupart des mémoires rédigés pendant la Restauration portent plutôt sur un autre des échecs de la politique muratienne, qui est précisément la volonté d’unifier l’Italie sous l’autorité du roi de Naples.
2. Les histoires immédiates de la période muratienne : l’échec de la campagne d’Italie
- 11 Les contre-révolutionnaires en font partie, mais ils ne sont pas pour autant les seuls (voir Massar (...)
- 12 Colletta 1820.
- 13 De Lorenzo 2006. Voir parmi ces textes D’Ambrosio 1899, Colletta 1816b, Blanch 1945.
8La campagne d’Italie de 1814-1815 a exacerbé les oppositions à Murat, à la fois parce qu’elle a pris place dans un contexte de crise politique et économique et parce que, pour la majorité des sujets du royaume, l’horizon italien était lointain et nébuleux. L’essentiel des textes de mémoires que des patriotes ont produits dans les lendemains immédiats de la chute de Murat s’en sont fait l’écho : ils réduisent pour la plupart d’entre eux la période du decennio francese, qu’une partie de la société napolitaine commence à envisager comme une parenthèse dans l’histoire du Mezzogiorno11, à la campagne d’Italie. Les textes sont beaucoup plus rares à évoquer les campagnes antérieures : la campagne de Russie, par exemple, n’a donné lieu à aucun écrit spécifique alors même que la participation des Napolitains y a été significative. Seul Pietro Colletta, lorsqu’il publie une biographie de Murat en 1820, envisage une séquence temporelle plus large, qui couvre la totalité du decennio francese12. Le statut des scripteurs, à la fois protagonistes et interprètes des événements, explique la très grande partialité de ces écrits : il s’agit pour la plupart d’anciens militaires comme le général calabrais Angelo D’Ambrosio, Pietro Colletta ou encore Luigi Blanch. Tous se posent en experts, et s’attachent à exposer les erreurs stratégiques commises par l’ancien roi13.
- 14 La question est notamment posée, parmi une très nombreuse littérature, par Constant 1814.
- 15 D’Ambrosio 1899, p. 5-7.
- 16 Quelques éléments sur cette mobilisation dans De Lorenzo 2010.
9Pour ces auteurs, la campagne d’Italie aurait révélé le statut d’usurpateur du roi de Naples, alors que la question de la légitimité du pouvoir marque le débat politique européen de la Restauration14. Les événements de 1814 et de 1815 se situent donc dans le portrait négatif que les mémorialistes libéraux napolitains font du souverain déchu. Ils rappellent ainsi que Murat s’est présenté comme un roi de guerre placé sur le trône par l’empereur pour ses qualités militaires, et qu’il aurait cherché à conserver sa légitimité en engageant sa campagne d’Italie en 1814 et 1815, dont le coût très important a pesé sur les populations méridionales. D’Ambrosio attribue le statut de roi de Murat « aux armes de son beau-frère » beaucoup plus qu’à ses propres qualités militaires, et rappelle que la campagne d’Italie était pour lui un moyen de conserver son pouvoir « par les mêmes moyens qui [le] lui avaient acquis »15. Même Francesco Saverio Salfi, pourtant toujours loyal à l’ancien roi, rappelle qu’il devait son pouvoir au « droit de conquête ». Tous les auteurs, à l’exception de Salfi, reprochent à Murat d’avoir été beaucoup plus un agent de Napoléon qu’un représentant de la nation napolitaine, qu’il aurait négligée en ne tenant pas compte de ses spécificités sociales et culturelles. Ces critiques, essentiellement portées par l’aile gauche des patriotes, rejoignent celles développées par les légitimistes contre les Napoléonides au lendemain du Congrès de Vienne, en faisant de l’ancien roi de Naples l’archétype du traître et de l’usurpateur16. Pour les mémorialistes napolitains, Murat n’aurait pas cherché à se rendre légitime parce qu’il n’aurait pas répondu à la volonté de la nation. C’est ce qui explique que le débat porte en grande partie sur les ambitions italiennes de Murat, jugées artificielles et opportunistes, d’autant que les allégeances patriotiques oscillaient alors fortement entre Naples et l’Italie.
- 17 Colletta 1820, p. 64-65. Pour les proclamations de Murat aux Toscans et aux Romains, voir ANP, 31 A (...)
10Que la responsabilité de l’effondrement du royaume incombe à Murat ou à ses serviteurs, les mémorialistes s’accordent à reconnaître le caractère inopportun de la campagne d’Italie de 1814- 1815, dans laquelle ils voient un dérivatif à la crise d’autorité que traversait alors le royaume plutôt qu’une réelle réponse aux ambitions italiennes des patriotes. Par-delà les échecs militaires, attribués au faible sens politique du monarque, les auteurs soulignent l’impréparation des Napolitains et, plus largement, des Italiens aux idées nationales, expliquant le très faible écho de la proclamation de Rimini. Pour Colletta, l’impression qu’elle leur a laissée est « celle qu’elle devait faire à un peuple vieilli par les révolutions ; elle réveilla beaucoup de passions, mais ne se créa que très peu de partisans », d’autant que Murat promettait aux Italiens une constitution libérale, alors même qu’il la refusait aux Napolitains. En ce sens, le projet italien de Murat est apparu paradoxal et inabouti, d’autant que dans un contexte de transition politique généralisée, il n’aurait pas suffisamment ménagé les dirigeants des autres États de la péninsule italienne. Dans les débuts de la campagne d’Italie en 1814, il s’était adressé par plusieurs proclamations aux Toscans et aux Italiens, mais n’a pas ensuite reformulé ses projets ni prévenu les chancelleries étrangères de ses projets italiens après l’effondrement du royaume napoléonien d’Italie17.
- 18 Caldora 1978, p. 423.
- 19 D’Ambrosio 1899, p. 4-6.
- 20 Blanch 1945, p. 304
- 21 Il s’agit essentiellement du Milanais Camillo Vacani et du Toscan Cesare De Laugier, dont les mémoi (...)
11Les écrits des mémorialistes confirment donc la faible capacité mobilisatrice des ambitions italiennes de Murat. Plus qu’un désintérêt des Méridionaux pour un projet italien nébuleux et inabouti, il faut y voir une prise de distance quasi-générale par rapport à la monarchie d’occupation, alors que des projets plus isolés ont rencontré un écho plus large. Dans la province de Cosenza, un jeune patriote, Domenico Valensise, avait ainsi mené le soulèvement d’une bande armée dans la plaine de Polistena, le 19 avril 1815, en opposant à la campagne de Murat le slogan Indipendenza italiana. Mais le projet politique qui réaliserait l’indépendance est défini par la négative, Per Ferdinando, Repubblica o Costituzione, à l’exclusion du gouvernement de Murat. L’initiative montre la capacité fédératrice d’autres projets italiens, même peu aboutis, puisque Valensise lève en deux jours 1 200 hommes18. Les sujets du royaume auraient donc été plus sensibles aux ambitions d’acteurs ordinaires à rayonnement local qu’à des projets imposés par une monarchie centralisatrice jugée opaque. Les mémorialistes déplorent en effet les conséquences de la campagne d’Italie sur la stabilité politique et sociale du royaume. Pour D’Ambrosio, la nation napolitaine n’aurait survécu à cette politique inopportune que par le poids maintenu des structures et des traditions locales et micro-locales, constituant « un principe de vitalité, une force morale », qu’il attribue « peut-être aux rudes institutions du Moyen Âge ». Murat n’aurait tenu compte ni de leur poids, ni de leur diversité, et aurait projeté une vision française du gouvernement et de l’administration, jacobine et centralisée, sur un royaume dont les structures auraient été peu adaptées à ces transpositions. Entouré de conseillers héritiers de la tradition locale des Lumières, il aurait ainsi négligé « les basses classes, dont il fallait cependant ménager les coutumes et les préjugés, étaient encore plongées dans l’ignorance et la barbarie »19. D’Ambrosio lui reproche ainsi d’avoir reproduit les erreurs des révolutionnaires de 1799 alors même qu’il a bénéficié de la proximité et des conseils de Vincenzo Cuoco, dont les théories sur la « révolution passive » étaient alors connues et partagées dans les milieux lettrés de la capitale. Luigi Blanch, plus conservateur, développe un point de vue comparable : l’arrivée des Français aurait déstabilisé durablement l’état moral de la nation napolitaine et aurait attisé les passions populaires en demandant au peuple des efforts fiscaux inédits20. Les mémorialistes montrent ainsi, à la différence d’autres auteurs italiens, eux aussi vétérans, qui publieront leurs mémoires dans les années 182021, qu’au lieu de créer un patriotisme péninsulaire italien, la campagne d’Italie de Murat n’aurait fait que renforcer le patriotisme napolitain. Forts de l’échec de Murat, les patriotes napolitains ajournent ainsi l’horizon de l’indépendance italienne, toujours envisagé comme une quête providentielle. La période 1815-1820 ne leur paraît pas s’y prêter : le contexte de la Restauration explique que les objectifs politiques des opposants soient réenvisagés, mettant à distance les projets républicains et indépendantistes au profit de la lutte contre la monarchie bourbonienne.
3. Les reconfigurations de la Charbonnerie : de l’horizon italien à l’opposition aux Bourbons
- 22 ASNa, Esteri, b. 3405.
- 23 ASNa, Borbone, b. 723, f. 113.
- 24 L’ancienne police napolitaine a été divisée en 1816 en Alta Polizia chargée de la sûreté de l’État (...)
- 25 Notamment des écrits mémoriels, comme ceux de Guglielmo Pepe qui couvrent la totalité de la période (...)
12Alors que la monarchie de Murat s’impose comme un contre-modèle politique et que les ambitions italiennes des patriotes sont reléguées au second plan, la Charbonnerie devient l’un des principaux canaux de l’opposition à la monarchie bourbonienne restaurée. Mais parce qu’elle est apparue pendant le decennio francese dans les rangs des serviteurs de Murat, les sources administratives identifient de manière courante les opposants carbonari au régime et la dynastie des Murat en exil. La monarchie restaurée suspecte leurs ambitions de reconquête du royaume et de propagation dans l’ensemble de l’Europe d’une révolution généralisée dont les héritiers du souverain déchu seraient les promoteurs22. Quelques sociétés secrètes se réclament effectivement de Murat, à l’instar d’une vente de Basilicate qui adresse en 1816 un catéchisme politique à « Notre Grand Maître Joachim Napoléon »23, mais elles demeurent isolées et la plupart s’opposent au governo assoluto des Bourbons en réclamant une constitution libérale plus qu’elles ne revendiquent le retour des Murat sur le trône. La confrontation des sources policières et administratives, peu nombreuses pour cette période où la police napolitaine est en cours de réforme24, avec les écrits mémoriels des libéraux25 ou encore des sources policières et judiciaires postérieures, permettent de déjouer les effets de sources et de détacher le développement de la Charbonnerie des fidélités aux Murat. Les sociétés secrètes libérales ont en effet connu l’essentiel de leur développement dans la lutte politique qui les opposait à la secte ultraroyaliste des calderari, dirigée par le prince de Canosa, ministre de la police jusqu’en 1817.
- 26 On trouvera le détail de ce suivi dans les papiers privés du général Nunziante, envoyé par le roi F (...)
- 27 Sur les fidélités d’une partie de la Charbonnerie à Murat, voir Andreotti 1874, t. III, p. 69.
- 28 Pepe 1847, p. 211. Le terme liberali, employé par Pepe en 1847, est anachronique dans le contexte q (...)
13Dès la fin mai 1815 en effet, le développement de la Charbonnerie s’est nourri de réactions convergentes à la restauration des Bourbons, dont la police napolitaine a fait un suivi attentif26. La faiblesse des outils de maintien de l’ordre explique que le phénomène se soit particulièrement concentré dans les périphéries du royaume. Le cas de la Calabre Ultérieure en est révélateur. Cette province de marge n’était que très inégalement tenue par Murat, qui y a certes imprimé sa marque en reconstruisant l’urbanisme de la principale agglomération, Reggio, mais n’est pas parvenu à réprimer le brigandage qui affectait essentiellement les secteurs montagneux de la province. La même province a vu débarquer Murat après sa fuite en France, le 10 octobre 1815 ; l’ancien roi a été fusillé dans le château du port de Pizzo trois jours plus tard. Les Bourbons ont néanmoins échoué à mobiliser l’opinion locale contre l’ancien roi, qui comptait encore quelques soutiens chez les élites lettrées, dont l’avocat cosentin Gaetano Andreotti27, même s’ils sont désormais minoritaires. Pepe rapporte dans ses mémoires que le jour du débarquement de Murat, un de ses amis, patriote de Catanzaro, le lieutenant des douanes Barba, aurait levé une petite armée de soutiens qui « lui obéissaient comme à un roi », dans le chef-lieu de la province, Monteleone, ville réputée « remplie de sentiments libéraux (ripiena di sensi liberali) »28.
- 29 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 1.
- 30 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 8.
- 31 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15
- 32 Pour la province d’Avellino, voir l’inventaire exhaustif par village dans Cannaviello 1940, ch. II. (...)
14Ces fidélités, pourtant très éparses, ont été surestimées, sans doute par peur d’un complot contre la monarchie. L’opinion de la majorité des patriotes semble avoir été défavorable à la fois à Murat et aux Bourbons. Jusqu’en 1816, la documentation poli cière fait état de signalements de riverains, mais qui ne donnent pas d’informations convergentes permettant d’établir un profil commun aux opposants. Ils suggèrent plutôt l’extrême dispersion géographique de la société secrète, qu’ils supposent peu diffusée, à part dans des lieux d’éducation comme le lycée de Reggio où sont mentionnés un prêtre et un élève appartenant à la franc-maçonnerie et proférant régulièrement des cris séditieux29. Les autorités de police en concluent, jusqu’en 1816, que la Charbonnerie n’aurait pas existé dans les Calabres, ou alors de façon très sporadique30, alors même qu’elle y a été le principal agent de l’opposition au pouvoir central dès 1813. Néanmoins l’année 1816 voit se multiplier les signalements et la perception des opposants par le pouvoir bourbon se précise. Dès avril 1816, il apparaît aux autorités policières que les sociétés secrètes agissent essentiellement à distance des routes principales et des voies télégraphiques. Pour la province de Reggio, les notations sont nombreuses à décrire la progression lente de la société secrète dans les villages. À la fin de l’année, sa diffusion est évidente : dans le village de San Giuseppe, un rapport de police signale que seuls cinq habitants n’y seraient pas affiliés31. On n’a pas retrouvé pour les Calabre de listes précises des groupes sectaires telles qu’elles existent pour d’autres provinces, comme celles d’Avellino ou de Salerne32. Néanmoins, les interrogatoires de plusieurs de ses membres supposés en confirment la très large diffusion, et permettent d’en saisir la sociologie et la géographie.
- 33 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 13.
- 34 ASNa, Borbone, b. 723, f. 55.
- 35 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15.
- 36 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 6.
- 37 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15.
15Ce mouvement apparaît relativement hiérarchisé et s’appuie sur les autorités politiques ou morales locales. Il s’est principalement structuré autour des maisons privées de propriétaires locaux, comme celle des frères Sambiasi à Parghelia près de Reggio, notée comme l’une des principales de la province33. Si les informations relatives aux affiliés non-gradés sont très rares, les interrogatoires révèlent l’existence de deux Gran Diete chargée de coordonner l’activité de la société secrète à l’échelle de la province, l’une à Monteleone, l’autre à Reggio, dans lesquelles ils signalent la très forte représentation des prêtres patriotes34. L’implication des maires de village a également été décisive, parce qu’ils ont souvent été les seuls dépositaires de l’autorité à être en contact immédiat avec les populations locales. À Santo Stefano près de Reggio, le rôle de Francesco Romeo, maire du village et descendant d’une lignée de propriétaires du village, a été déterminant dans la diffusion de la Charbonnerie, diffusée à partir de la loge maçonnique locale dont il assurait la direction. Lui et son frère Giovanni Andrea Romeo, officier de la légion provinciale, auraient été des relais majeurs dans l’implantation de la Charbonnerie dans le village. Les sources de police relient cette diffusion à leur rôle d’influence auprès des administrés, dans une province encore faiblement encadrée par l’administration centrale35. Le même schéma diffusionniste se retrouve à Spezzano Albanese, en province de Cosenza, où le maire Nicola Tarsia et le juge de paix auraient fondé une vente de la société secrète dont les réunions hebdomadaires se seraient tenues dans la casa comunale36. Les mêmes sources ne permettent pas de savoir, en revanche, comment s’est opérée la diffusion, et notamment si elle s’est appuyée sur la conflictualité locale comme en Principat Ultérieur. La répression, orchestrée par le général Nunziante en 1816, s’est en effet surtout concentrée sur les chefs carbonari, envoyés pour les uns en relégation, pour d’autres en exil intérieur comme les frères Romeo, contraints de partir pour la capitale à l’hiver 181637. L’exemple calabrais montre les circuits locaux sur lesquels s’est appuyée la société secrète, en continuité avec ses développements à la fin du decennio francese. Mais sa croissance numérique significative dans une grande partie des provinces du royaume explique la nécessité de fédérer les opposants à la monarchie bourbonienne en établissant des structures de coordination efficaces.
B. Fédérer les opposants au roi (1817-1820)
16Alors que la Charbonnerie regroupe une grande partie des opposants méridionaux à la monarchie bourbonienne restaurée, elle reste très longtemps une organisation géographiquement éclatée, construite à partir de plusieurs pôles locaux parfois coordonnés à l’échelle régionale. Mais la nécessité de réunir les opposants au roi en une force politique commune et efficace explique des efforts de structuration portés parfois par des patriotes de rayonnement national et, plus souvent, par des élites locales affiliées à la société secrète.
1. Le rôle de Guglielmo Pepe en Capitanate et dans le Principat Ultérieur (1817-1818)
- 38 Pepe 1847, p. 223.
- 39 La réflexion sur la fiscalité porte essentiellement sur la région du Tavoliere delle Puglie, entre (...)
- 40 Peu d’études récentes sur le brigandage pré-unitaire ; voir Lucarelli 1942 ou encore Cingari 1976, (...)
- 41 Sur la Charbonnerie des Pouilles, voir Di Mauro 2015, p. 457-472.
- 42 Sur le rôle des représentants en mission, voir pour la France de la Révolution Biard 2002. Sur les (...)
17Le développement et la coordination de la Charbonnerie a d’abord relevé de figures de patriotes de rang national, présents dans la société secrète depuis le decennio francese, dont le cas de Guglielmo Pepe est représentatif. Nommé en décembre 1817 au commandement de la IIIe division militaire, composée des provinces d’Avellino et de Foggia38, il est alors chargé de réprimer le brigandage endémique qui frappe les régions rurales du royaume et dont l’importance a repris avec le retour au pouvoir des Bourbons. Pepe répond aux demandes des propriétaires fonciers des deux provinces, qui réclament un effort accru porté au maintien de l’ordre en échange des lourdes taxes qu’ils paient à l’État, dans un contexte de réflexion sur la réforme fiscale39. Les confins de la Capitanate et du Principat Ultérieur, autour de Bovino, étaient particulièrement touchés par le brigandage opéré par des bandes armées (comitive) dont celles de Vardarelli et de Minotti étaient les plus importantes40. Ces brigands s’insèrent en partie dans un réseau local de sociétés secrètes désordonné et hétéroclite, dont toutes ne sont pas affiliées à la Charbonnerie et qui posent un problème d’ordre public41. L’intervention de Pepe s’inscrit donc dans une mission de maintien de l’ordre, pendant laquelle il a développé des ventes locales de la Charbonnerie comme moyen d’encadrement d’une région périphérique en proie au brigandage. Ce rôle double d’agents du pouvoir et de médiateurs d’idées politiques est propre aux parcours des représentants en mission. La singularité est d’avoir ici participé à la construction de l’opposition politique, plutôt que d’avoir renforcé les assises locales du pouvoir bourbonien42.
- 43 Pepe 1847, p. 225-227.
- 44 Pepe 1847, p. 242.
18Pepe s’est d’abord constitué, dans ces deux provinces, un réseau local de sympathisants et en s’assurant de l’appui des notables de village, maires, curés et propriétaires. Dans le district de Bovino, celui où s’est concentré l’essentiel de son action, c’est du sous- intendant qu’il a obtenu des renseignements sur l’état de la charbonnerie dans le royaume, qu’il a ensuite cherché à confirmer à l’échelon local en recourant aux curés. C’est ainsi qu’il a obtenu les noms d’« environ deux cents citoyens probes, aisés, actifs, influents, lesquels devaient être préposés au commandement des milices » qu’il enrichirait plus tard de soldats recrutés localement43. Ces émissaires sont retenus à la fois pour leurs qualités militaires et pour leur connaissance précise de la région, puisqu’ils entreprennent des tournées de recrutement. En Capitanate, le major Gaetano Basile, que Pepe présente comme l’un de ses collaborateurs les plus efficaces, a ainsi effectué, depuis Foggia, des tournées régulières dans les confins sud-ouest de la Capitanate pour lever des hommes dans les villages, alors que les voyages de Pepe se limitaient aux chefs-lieux de district. La même stratégie est utilisée dans le Principat Ultérieur, où Pepe sollicite essentiellement l’aide de Lorenzo De Concilj, jeune officier issu de l’une des grandes familles d’Avellino, nommé chef d’état-major par sa naissance à Avellino et sa connaissance de la province. L’appui de ces émissaires permet la levée de 2 000 miliciens en un an, essentiellement aux confins des deux provinces, où ils organisent la lutte contre le brigandage. Pepe a fait de ces miliciens les principaux acteurs de la conversion des brigands locaux à la Charbonnerie. Les populations albanaises de Chieuti et de Casalvecchio, au nord-ouest de la Capitanate, ont été les cibles principales de cette politique, du fait de leur réputation de « sauvages enclins au vol »44 : Basile les a alors intégrées à la milice provinciale, dans laquelle Pepe a formé deux ventes de carbonari, l’une civile, l’autre militaire. Ces pratiques ont favorisé les affiliations à la société secrète : l’intégration à cette dernière de sujets potentiellement séditieux permet de tempérer leur propension aux révoltes, alors que les deux provinces d’Avellino et de Foggia sont relativement agitées à partir de 1817.
Fig. 5 – Maintien de l’ordre et diffusion de la Charbonnerie en Capitanate et dans le Principat Ultérieur (1817-1818).

- 45 Pepe 1847, p. 232. Quelques indications sur les prêtres libéraux de la province d’Avellino dans Can (...)
- 46 Pepe 1847, p. 242.
- 47 Voir par exemple, pour le Principat Ultérieur, Cannaviello 1940, p. 32-49.
- 48 Pepe 1847, p. 242-244.
19Enfin, la construction d’un mouvement d’opposition cohérent dans les rangs de la Charbonnerie suppose de discipliner les milices. De ce point de vue, le rôle des très nombreux prêtres libéraux est déterminant, en particulier dans la province d’Avellino. Pepe oblige les nouveaux carbonari à fréquenter l’église puis à effectuer des parades militaires à la sortie de la messe, ce qu’il justifie par le service royal45. Les milices servent un roi chrétien et ne doivent pas se présenter comme sectaires au risque d’apparaître illégitimes, alors que toutes les monarchies de la Restauration se construisent sur l’alliance du trône et de l’autel. Il s’agit donc d’une démonstration de pouvoir, qui met en scène l’influence sociale et la puissance militaire de la Charbonnerie en la présentant comme l’alliée de l’Église. La pratique n’est pas isolée : à Monte Sant’Angelo dans le Gargano en 1819, les ventes militaires de la Charbonnerie font des démonstrations régulières de leur aspect martial et de leur puissance, alors qu’à Casalvecchio près de Bovino, Pepe dit être reçu par les dignitaires de la vente locale, qui allumaient des feux au sommet des montagnes et agitaient les drapeaux de la société secrète46. La très forte ritualisation des célébrations de la société secrète constituent des mises en scène de sa puissance. Elle est un puissant outil de politisation, qui facilite les ralliements. Les résultats obtenus, dès février 1819, apparaissent significatifs : Pepe signale avoir levé 10 000 hommes sur une population de plus de 800 000 habitants, chiffre que ni les sources bourboniennes ni les travaux d’historiens ne permettent de vérifier, même si tous notent l’accroissement significatif des effectifs de la Charbonnerie au début de l’année 181947. Qu’ils lui soient favorables ou non, les observateurs y voient une contre-société en formation. Les administrateurs bourboniens s’inquiètent de leur vocation conspiratrice et de leur capacité à renverser le régime, jusque dans la fonction publique où les adhésions sont nombreuses. Lorsqu’il fait l’éloge de son propre travail de discipline et de coordination, Pepe voit dans les carbonari des modèles de vertu morale48, et observe un consensus dans les villages du Principat Ultérieur. Il rappelle par exemple avoir été reçu dans le village de Frigento en libérateur par les autorités municipales, les milices et les prêtres, « tous d’une seule couleur », au point que Pepe voit dans le village de Frigento « une république », moins parce qu’il échapperait à l’autorité monarchique que parce qu’il exprimerait les intérêts du peuple, représenté par ses autorités politiques et religieuses.
2. Fonctionnaires et prêtres : le poids des élites locales
20Le cas des provinces d’Avellino et de Foggia donne à voir un scénario de politisation descendante, pris en charge par un représentant emblématique des élites patriotiques nationales. Cette implication n’est cependant pas générale et, dans la majorité des cas, ce sont des représentants des élites locales qui se sont chargés de diffuser la Charbonnerie dans les provinces.
- 49 Les sources de l’épuration qui a suivi la révolution de 1820-1821 permettent une analyse rétrospect (...)
- 50 Ces revendications se systématiseront par la suite, à partir des années 1840, où elles susciteront (...)
- 51 ASNa, Polizia generale II, b. 4502.
- 52 ASNa, Borbone, b. 723, f. 113.
21Le rôle des milieux administratifs a été déterminant, surtout dans les périphéries du royaume dont ils étaient souvent les seuls liens avec la capitale49. Leur rôle d’intermédiaires s’explique par leur connaissance du terrain régional dans lequel ils s’insèrent. Dans la province de Cosenza, où se développent depuis le decennio francese des revendications relatives à la souveraineté sur les terres communes50, les fonctionnaires de l’intendance ont constitué un foyer de recrutement privilégié de la Charbonnerie. Leur connaissance du cadastre, leur insertion dans les réseaux économiques provinciaux ont fortement déterminé leur mobilisation économique et expliquent l’influence qu’ils ont eue auprès des sujets de la province. Les sources de police montrent comment s’est constitué un réseau d’opposition au sein des milieux de l’intendance de Cosenza, sous l’impulsion du directeur des Postes, Filippo Fasano, issu de la Charbonnerie pro-muratienne. À travers des ramifications établies dans plusieurs branches, des ventes de carbonari se sont ainsi constituées dans les chefs-lieux de district, notamment à Castrovillari et à Paola. Mais l’administration de la mine de sel du village italo-albanais de Lungro, même si elle se situe en périphérie du réseau administratif provincial, a été l’un des principaux foyers de diffusion de la société secrète parmi les fonctionnaires en charge de la gestion de ce site. Les liens qu’ils entretiennent avec l’intendance de la province ont favorisé la création d’une vente de carbonari, les Liberi Spartani, à l’initiative de l’un des ingénieurs de la saline, Antonio Isnardi. La diffusion en a été rapide et s’est étendue aux employés, qui représentent dix des dix-sept fonctionnaires intronisés, parmi lesquels sept occupent des fonctions de dignitaires51. Le cas n’est pas isolé : en Basilicate, la secte des Buoni Coloni s’est elle aussi constituée dans les milieux de l’administration de l’intendance autour de Nicola Santangelo, intendant de la province et ancien fonctionnaire de Murat52.
- 53 ASNa, Borbone, b. 723, f. 75.
- 54 ASNa, Borbone, b. 723, f. 59.
- 55 Sur les positions politiques de Davide et de Roberto Winspeare et leurs parcours après 1815, voir R (...)
22Cette présence des administrateurs, des fonctionnaires, des maires dans les sociétés secrètes a été abondamment commentée dans les sources de police. Si elle a représenté un danger direct pour le maintien de l’ordre public, elle a surtout été comprise comme le signe des ambitions muratiennes alors prêtées à la Charbonnerie. Dans le quartier de Montecalvario, à Naples, la police signale ainsi, fin 1815, une vente « de nature incendiaire » (di natura incendiaria) menée par deux employés du ministère de la Justice, anciens collaborateurs de Murat, Domenico De Caro et Vincenzo Pacini, suspectés d’être des agents de Murat53. De la même manière, en 1816, les autorités de police suspectent que les très nombreux carbonari de la région montagneuse du Vallo, dans le Principat Citérieur, ne soient des soutiens de Murat54. C’est la présence des anciens serviteurs de Murat dans l’espace de la fonction publique qui attise les suspicions : en 1816 encore sont signalés « des entretiens tenus avec le capitaine de gendarmerie Taiani, lequel est beaucoup trop connu dans l’histoire des derniers temps de Murat ». Il est alors accusé de contacts séditieux : la police suspecte une correspondance régulière avec les frères Winspeare, pourtant modérés et opposés à la société secrète55.
- 56 Gargano 2009, p. 272-275.
- 57 Chiffres établis par Mario Themelly dans Minichini 1979, p. xix. Sur les prêtres carbonari, voir po (...)
- 58 ASNa, Borbone, b. 729, f. 2.
- 59 Cannaviello 1915.
23Enfin, les prêtres ont été des appuis fréquents de la Charbonnerie, en particulier dans les régions rurales et périphériques où ils ont été parmi ses principaux propagateurs. Il faut y voir l’effet d’un phénomène de politisation amorcé au moment du decennio francese, alors que les prêtres étaient nombreux à s’opposer au statut que leur imposait le pouvoir muratien, qui leur attribuait des charges d’enseignement obligatoires et très peu rémunérées en plus de leurs fonctions sacerdotales. Or, le Concordat que la monarchie bourbonienne signe avec le Saint-Siège en 1818 reconduit ces attributions56. Dès lors, la mobilisation d’une partie des curés de village dans les rangs des carbonari, qui se développe à partir de 1813, s’effectue surtout dans les premières charges de la société secrète, alors que les prêtres carbonari ont été nombreux à occuper des fonctions de dignitaires. Ils représentent ainsi 8 % des gran maestri à Naples et 15 % dans la Terre de Bari57. Dans le Cilento, des prêtres comme Rosario Macchiaroli ou Matteo Farro, tous les deux dans la paroisse de Bellosguardo, sont à partir de 1817 parmi les principaux promoteurs locaux de la Charbonnerie et envisagent des projets de coordination à plus large échelle58. À Sant’Angelo de’Lombardi, dans la province d’Avellino, l’organisation la secte la Vera Felicità, première vente du village constituée en 1817, l’illustre : elle est essentiellement structurée par trois prêtres, Salvatore D’Andrea, Francesco Saverio De Vito et le chanoine Francesco Ricciardi, tous dotés de fonctions représentatives auprès de l’administration régionale de la Charbonnerie, et appuyée par le maire du village, Antonio De Luca, lui-même ami de la famille De Concilj59. C’est à la fois par leur rôle de prêtres et d’enseignants et par leur fonction de premier ordre dans les communautés locales, dont ils sont des figures immédiates d’autorité au même titre que les maires, que les prêtres jouent un rôle dans l’expansion de la société secrète. Mais ils s’inscrivent avant tout dans des circuits locaux, ce qui explique les efforts d’une partie des patriotes pour fédérer les oppositions au roi à travers des organisations construites à large échelle et réticulées.
3. Le réseau des ventes et des diètes
- 60 ASNa, Borbone, b. 723, f. 75.
- 61 Cas cité par Di Mauro 2015, p. 473. Sur la sociabilité des cafés, voir, bien que légèrement postéri (...)
- 62 ASNa, Borbone, b. 723, f. 101.
- 63 Par exemple Gli Independenti Irpini à Avellino, Irpini e Sanniti à Apollosa, Gli Irpini al campo de (...)
24La structure hiérarchique de la Charbonnerie est d’abord locale : elle s’appuie sur les sociabilités courantes du village ou du quartier. En 1817, dans la capitale, la police bourbonienne remarque par exemple que les ventes du quartier de Montecalvario se réunissent dans des boutiques de la via Toledo dont la nature n’est pas toujours précisée. Celles du quartier San Lorenzo fréquentent le café del Giglio d’Oro, sur la même rue60. Cet usage des cafés comme lieux de politisation est alors courant : on le retrouve en proche périphérie, à Nola, où le café tenu par Montano, ancien sous-lieutenant de Murat, accueille des séances de la vente locale et les prêches du prêtre Minichini61. D’autres lieux de sociabilité existent : les divers ateliers et boutiques des frères Nobile, libraires-éditeurs à Naples spécialisés dans l’édition d’opuscules étrangers, voient affluer un nombre important de carbonari62. Les sociétés secrètes s’appuient donc sur des sociabilités locales quotidiennes, en même temps qu’elles exaltent les propriétés culturelles et historiques de leur communauté d’appartenance. Dans le cas du Prin- cipat Ultérieur par exemple, onze des 122 sectes font apparaître explicitement dans leur dénomination leur ancrage provincial ou villageois en recourant aux noms de peuples de l’Antiquité (Hirpins et Samnites), associés à un légendaire patriotique et héroïque qui répond directement aux valeurs prônées par la Charbonnerie63. Ce type de référence, déjà valorisé par Vincenzo Cuoco dans son Platone in Italia (1806), sert l’exaltation des identités locales.
Fig. 6 – Diffusion des ventes de carbonari dans la province du Principat Ultérieur (janvier-juin 1820).

Bén. = Bénévent (État de l’Église).
- 64 Voir notamment, sur ces structures, Beaurepaire 2002. Sur le lien entre structures maçonniques et c (...)
- 65 Sur les options fédéralistes des patriotes italiens, voir notamment Ferrari 2010.
25En dépit de cet ancrage local évident, la société secrète entend se doter de structures de coordination à l’échelle nationale. Plusieurs projets apparaissent, qui répondent à des pratiques politiques locales et reflètent la variété des objectifs assignés à la Charbonnerie. Tous partagent d’être fédéralistes, et reposent sur des structures hiérarchisées imitées de celles de la franc-maçonnerie, à deux ou trois niveaux64. Les ventes locales sont ainsi dirigées par des diètes régionales auxquelles on envisage parfois d’ajouter une instance régulatrice nationale. Le choix de la structure fédérale est alors très courant, inspiré du modèle que fournissent les États-Unis, renforcé par la popularité de la figure de George Washington65. Le fédéralisme reflète les préoccupations localistes des patriotes napolitains, et représente une alternative cohérente au gouvernement centralisé construit par Murat et maintenu par la monarchie restaurée des Bourbons.
- 66 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 1.
- 67 C’est le cas du diariste légitimiste Giuseppe De Jorio : « À partir de 1815, la province de Salerne (...)
- 68 ASNa, Borbone, b. 729, f. 2.
- 69 ASNa, Borbone, b. 723, f. 59. Les quatre tribus entre lesquelles est divisée la province sont la Pi (...)
26Malgré leurs ambitions nationales, ces efforts de coordination restent fortement territorialisés. La première initiative apparaît à Naples en 1816, orchestrée par un baron d’Empire et ancien intendant de la Capitanate, Antonio Nolli, la Gran Loggia Carbonara, qui prévoit de mettre en place des députations dans les provinces pour diriger les ventes locales. La même institution est également pourvoyeuse d’armes et envoie régulièrement des poignards dans les montagnes des Abruzzes, à la frontière avec l’État de l’Église, dans l’objectif de soumettre le royaume à une insurrection généralisée construite depuis ses périphéries. Si les ambitions coordinatrices de la loge sont réelles, son organisation est probablement surestimée par les sources bourboniennes, qui lui attribuent « toutes les autres loges similaires établis dans les villages de toutes les provinces du Royaume »66. Les principaux efforts d’organisation – et les plus décisifs – viennent de la province de Salerne, à laquelle les observateurs bourboniens attribuent l’initiative de la diffusion de la Charbonnerie67. À l’initiative d’une coalition d’élites locales modernisatrices, marchands, juristes ou clercs, est mise en place en 1817 la Repubblica Lucana Orientale avec l’objectif de coordonner l’opposition à l’intendant légitimiste en poste dans la province, Ignazio Ferrante. Présidée par Rosario Macchiaroli, prêtre du village de Bellosguardo dans le Cilento, et dotée d’une assemblée de conseillers propriétaires, elle envisage un plan de révolte coordonnée dans la capitale du royaume, sans envisager de substituer à la monarchie une « république », contrairement à ce que laisse à penser son appellation68. Ancien militaire qui a participé à la conjuration jacobine de 1793, Macchiaroli confie la direction de la secte aux commandants militaires, appuyés sur des notables locaux dont les frères Mazziotti de Salerne. L’organisation regroupe les ventes en tribus, toutes dotées de noms romains, dont l’une, celle de Salerne, a autorité sur les autres et organise la nomination de représentants à l’assemblée générale, la Gran Dieta69.
- 70 Cannaviello 1915.
- 71 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 1
- 72 ASNa, Borbone, b. 723, f. 47.
27L’initiative n’est pas isolée et dans la totalité du royaume, les correspondances entre ventes sont courantes. Dans le sud du Principat Ultérieur, les carbonari de Sant’Angelo Lombardi sont en contact épistolaire fréquent avec la Repubblica Lucana Occidentale, au moyen d’une correspondance codée70. Si elle ne parvient pas à fédérer l’ensemble des carbonari contre la monarchie autour d’un projet d’insurrection commun, elle s’appuie également sur des émissaires, tous gradés, notables ou militaires, envoyés dans d’autres provinces. Le général Caracciolo et le père Raffaele Menechini, tous deux membres de l’organisation salernitaine, ont de ce point de vue un rôle décisif et entreprennent des tournées dans d’autres provinces du royaume, avec le projet d’organiser des ventes de carbonari71. D’autres voyagent en Calabre, comme le Salernitain Francesco Maria Gagliardi et surtout le juge calabrais Girolamo Arcovito qui, en poste à Cosenza dès 1817, cherche à fédérer les carbonari des trois Calabres. Ces missions facilitent la circulation des modèles politiques, citant en exemple le laboratoire salernitain aux carbonari du Principat Ultérieur et des Calabres72. Militaires ou administrateurs, les missionnaires profitent de leurs réseaux professionnels pour étendre la société secrète. Arcovito profite ainsi de ses affectations successives aux tribunaux d’Aquila et de Cosenza pour étendre dans les Abruzzes et en Calabre les réseaux de la secte. Francesco Pennetti, ancien militaire de Murat installé dans les Pouilles, cherche à coordonner en 1818-1819 les carbonari de Bari, de Foggia, du Molise et des trois Abruzzes. Mais ces efforts restent partiels et localisés et très rares sont les patriotes qui arrivent à fédérer des ventes de carbonari au-delà de leur seule région. Le cas de l’ancien militaire Francesco Gagliardi qui réunit sur les ruines de Pompéi des conspirateurs salernitains, napolitains et calabrais demeure une exception et traduit à la fois le recrutement principalement élitiste des sociétés secrètes et le caractère encore imprécis de leurs objectifs politiques. Si un relatif consensus semble exister chez les carbonari sur l’utilité et la fonction de la société secrète, les objectifs idéologiques divergent. La manière dont la révolution se construit, dans les premiers mois de 1820, en témoigne.
C. Construire la révolution
28Malgré des efforts de coordination très inégaux, la construction d’une insurrection nationale s’accélère à partir du moment où éclate, en janvier 1820, la révolution de Cadix, menée par les militaires espagnols Riego et Quiroga. Elle s’impose très vite comme un modèle de révolution, revendiquée par une fraction significative des carbonari.
1. L’émergence tardive du modèle espagnol
- 73 Delpu 2014.
- 74 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 3.
- 75 Biblioteca Nazionale Centrale, Rome, Misc. Ris., f. 106.
- 76 ASNa, Interni, b. 40, ad nomen.
29À partir de janvier 1820, la révolution militaire que connaît l’Espagne fournit aux patriotes méridionaux un modèle politique cohérent. La nouvelle de ce pronunciamiento qui, depuis Cadix, a imposé au royaume d’Espagne la constitution de 1812, s’est diffusée très rapidement à partir des cercles de la Charbonnerie alors même que le texte adopté par les libéraux espagnols, pourtant traduit et publié en italien, n’était que très peu connu dans le royaume. La seule édition italienne dont on dispose, traduite pendant le decennio francese par un chanoine majorquin, Juan Francisc Masdeu, a été publiée à Rome et à Messine et n’a pas circulé dans le Mezzogiorno continental73. Les sources divergent à propos de son introduction dans la partie continentale du royaume, mais il semble avoir d’abord circulé dans le Principat Citérieur et profité des réseaux locaux de la Charbonnerie. Plusieurs rapports de police signalent ainsi qu’en mars 1820, dans plusieurs villages autour de Bellosguardo dans le Cilento, auraient été interceptées des dépêches espagnoles en provenance de Saragosse et de Madrid évoquant la mise en place de la constitution libérale et l’éclatement de la révolution74. Dans cette région montagneuse périphérique, les prêtres carbonari ont joué un rôle décisif, à l’image de Rosario Macchiaroli, et surtout de Matteo Farro, l’un des prêtres du village qui s’est rendu à Valence de 1813 à 1819, d’où il a rapporté la nouvelle de révoltes survenues sur place et des placards et journaux relatifs au modèle politique revendiqué par les libéraux espagnols75. Le cas n’est pas isolé et d’autres patriotes ont profité de voyages en Espagne pour introduire le modèle politique gaditain dans le royaume des Deux-Siciles. En Calabre, un autre prêtre, Francesco Saverio Donato, revient en janvier 1820 de Madrid où il a servi comme précepteur des enfants d’une famille noble76. L’un et l’autre ont contribué à l’établissement de contacts entre carbonari napolitains et cercles patriotiques espagnols, appuyés sur des prêtres libéraux et facilitant des circulations d’écrits principalement effectuées par colportage.
- 77 Musi 2004.
- 78 ASNa, Borbone, b. 723, f. 47.
- 79 The National Archives (Kew, noté par la suite TNA), FO 605/185, 2. 1820, Foreign. Correspondance de (...)
- 80 Di Mauro 2015, p. 478.
- 81 Pinto 2005.
- 82 Pepe 1847, p. 241.
- 83 Sur la circulation des constitutions, voir Späth 2012.
30L’écho favorable qu’a trouvé la constitution de Cadix dans la province de Salerne a probablement profité de la présence locale d’une communauté d’origine espagnole, très représentée parmi la noblesse et la bourgeoisie marchande salernitaines, comme les D’Avossa, alors que l’Espagne avait jusque-là l’image d’une monarchie absolue qui exerçait un pouvoir tyrannique sur ses anciennes possessions d’Italie méridionale. Il s’agit même, dans les premières décennies du XIXe siècle, de l’un des principaux arguments identitaires napolitains, évoqué par exemple par Vincenzo Cuoco comme l’archétype du malgoverno qu’il s’agissait de combattre77. La province de Salerne est révélatrice de cette évolution paradoxale. Dès le début des années 1820, la monarchie bourbonienne y enregistre des tentatives de complots visant à établir dans les Deux-Siciles une constitution libérale qui pourrait être celle de Cadix, sans que la nature en soit précisée. En mars 1820, un militaire membre de la Charbonnerie, Clemente Padula, aurait ainsi cherché à prendre en otage le roi et la reine de Naples pour les forcer à adopter une constitution, en utilisant l’argument de la charte concédée à leurs possessions de Sicile en 181278. De la même manière, le consul britannique en poste dans le royaume, William A’Court, s’alarme à plusieurs reprises, dès le 31 mars 1820, de l’agitation croissante des carbonari salernitains, qui réclament une constitution politique, produisant une série de manifestations comme celle qui, le 22 juin, a conduit la monarchie à changer les deux intendants en poste à Salerne79. Ancien muratien, l’intendant Nicola Lucente a en effet constitué l’un des principaux appuis des carbonari de la province80. Cette forte représentation des éléments salernitains se retrouve à Naples, où la maison de Francesco Di Clemente, sujet originaire de Padula, devient à partir de mars 1820 l’un des principaux lieux de réunions de ventes de charbonnerie, essentiellement constituées de sujets du Principat Citérieur81. C’est encore de la province de Salerne que viennent les initiatives pour fédérer les carbonari du royaume au début de l’été 1820. Plusieurs dirigeants de la société secrète envoient ainsi des émissaires à Guglielmo Pepe afin de construire un mouvement d’opposition commun qui pourrait réunir les sectaires des deux Principats, ceux des Calabres et ceux des Abruzzes, sans pour autant savoir sur quels supports et sur quels réseaux pourrait reposer cette coordination82. Quoiqu’il en soit, l’objet de la révolution est plus ou moins défini et un consensus se crée alors dans les sociétés secrètes autour de la constitution de Cadix, alors que des patriotes plus modérés comme Luigi Blanch ou Pietro Colletta lui préfèrent des institutions de type britannique, ou alors une constitution plus conservatrice sur le modèle de la Charte française de 181483.
2. Les sympathies nouvelles pour la Constitution de Cadix
- 84 Nombreuses attestations postérieures, parmi lesquels Pepe 1847, p. 240, ou encore Colletta 1834, XX (...)
31La constitution d’Espagne présente la particularité d’avoir suscité l’enthousiasme des Napolitains alors même qu’elle n’a été que très peu lue et que, jusqu’au déclenchement de la révolution, sa circulation a été uniquement clandestine. Les commentaires qu’elle suscitera sont postérieurs et la censure n’a pas permis que le texte gaditain soit publié dans le royaume avant l’été 1820. C’est plutôt parce qu’elle incarne une image de la modernité politique et d’une révolution réussie qu’elle a suscité la sympathie des patriotes napolitains84. Elle a été une référence partagée chez les libéraux du bassin méditerranéen, sensibles au modèle révolutionnaire espagnol et en quête d’un modèle positif de gouvernement, alors que les mouvements libéraux sont, jusque-là, partout relégués dans la clandestinité. Dans le royaume des Deux-Siciles, la prise de conscience des convergences entre les mouvements libéraux espagnol et napolitain a servi la diffusion de ce modèle, alors que la constitution accordée par les Bourbons à la Sicile en 1812, sous la pression des Anglais, était disqualifiée du fait de l’attachement des patriotes à la nation napolitaine.
- 85 Sur la culture politique de la constitution de Cadix, voir Luis 2013.
- 86 Sur le parcours de Cirillo, voir ASNa, Interni, b. 40, ad nomen. Sur sa mission auprès de Ferdinand (...)
- 87 Pepe 1847, p. 244.
32Chez des hommes marqués par l’échec de la révolution de 1799, qu’ils ont pour une grande partie vécue, le modèle espagnol représente surtout celui d’une révolution réalisable parce qu’à la différence de 1799, il n’évacue pas la figure royale85. On le trouve régulièrement résumé dans la formule « pour le roi et pour la patrie », et des tentatives de médiation ont lieu avant la révolution pour convaincre le roi d’accorder une constitution à son royaume, comme celle de Domenico Cirillo, envoyé auprès du souverain par Guglielmo Pepe86. Après l’échec de la révolution de 1799 et alors que les réflexions de Vincenzo Cuoco sont connues et partagées, les patriotes napolitains n’envisagent plus de construire une république sous sa forme institutionnalisée. Elle n’est dès lors envisagée qu’au sens où l’entend la constitution de Cadix, désignant la participation de tous au bien public. La « république » que décrit Pepe dans le village de Frigento (Principat Ultérieur) se caractérise par l’implication de tous à la communauté et par la fraternité, au point qu’elle puisse être considérée et célébrée comme une petite patrie87. 21 des 122 sectes du Principat Ultérieur font référence à leurs ambitions « républicaines », soit par l’utilisation explicite du terme (comme les Repubblicani decisi d’Avellino), soit par l’allusion à des figures de législateurs empruntées à l’histoire romaine, démocrates (les Gracques) ou, plus rarement, tyrannicides (Brutus et surtout Mucius Scaevola). Outre la dimension communautaire, l’horizon républicain est envisagé par les plus radicaux comme une possible évolution démocratique, en lien avec les ambitions sociales de la Charbonnerie. Mais les appels au meurtre du roi demeurent très isolés et, pour la plupart, la « république » est reliée aux projets d’« indépendance », moins envisagés comme l’unification politique de la péninsule italienne que comme l’instauration des libertés civiles et politiques.
- 88 Une seule des 122 sectes du Principat Ultérieur en fait son objectif immédiat (I seguaci di Jacopo (...)
33De ce point de vue et par les garanties libérales et égalitaires qu’elle offre, la constitution de Cadix apparaît aux patriotes méridionaux comme un compromis de circonstances. L’objectif libéral prime alors sur les visées indépendantistes italiennes, très minoritaires88, et les projets politiques sont d’abord pensés pour la nation napolitaine. Le modèle politique de l’Espagne en révolution est perçu de manière empirique, sans recours au texte de la constitution ni réflexion théorique sur les objectifs qui lui sont assignés. Il traduit un phénomène plus large, la mise à distance de l’héritage muratien au profit d’un autre modèle politique plus adapté : de la France révolutionnaire, la contestation des monarchies restaurées se détourne vers d’autres références de gouvernement. À la revendication du modèle politique espagnol s’associe la récupération de son modèle insurrectionnel : devant l’échec des réclamations au roi, la frange la plus radicale des patriotes méridionaux envisage un pronunciamiento militaire.
3. Du modèle institutionnel au modèle d’insurrection : la construction du pronunciamiento
- 89 Sur le rayonnement de la révolution espagnole, voir Castells Oliván 2004. Voir aussi, sur la pratiq (...)
- 90 Bruyère-Ostells 2006b.
- 91 Cannaviello 1940, p. 32-55.
- 92 Scalamandrè 1993, p. 18.
34Le modèle révolutionnaire choisi, emprunté à l’actualité politique espagnole, consiste à armer le peuple et à proclamer ses revendications. Le procédé est récent et n’est pratiqué que depuis 1814 ; il contribue néanmoins au rayonnement quasi-immédiat de la révolution de Riego auprès des libéraux européens89. Plutôt que d’armer la nation pour défendre la patrie comme l’ont fait les révolutionnaires français, il érige l’armée en soutien principal des revendications politiques du peuple, et profite de la très forte politisation des militaires, fortement insérés dans les sociétés secrètes depuis le decennio francese90. Du coup d’État envisagé, on ne dispose que d’évocations très sommaires, précisant sa prise en charge par des militaires soucieux de conserver les cadres institutionnels du régime, à l’exemple de Riego et de Quiroga en Espagne. Formée dans les rangs de la Charbonnerie, l’initiative se développe dans le Principat Ultérieur autour de Guglielmo Pepe, dont la valeur militaire est alors reconnue et qui dirige la fédération provinciale de la société secrète, la Gran Dieta Sannitica91. Le général de Murat s’entoure pour cela de trois officiers, Lorenzo De Concilj, Giuseppe Silvati et Michele Morelli, deux capitaines calabrais qui l’ont suivi dans son expédition contre le brigandage en Capitanate en 181892. La collaboration des quatre hommes est donc ancienne et a profité de solidarités régionales. Originaire de Catanzaro, Morelli est compatriote de Pepe et a fréquenté avec lui le collège provincial, avant de servir Murat dans la campagne de Russie aux côtés de Florestano Pepe.
- 93 Quelques éléments d’interprétation dans Fowler 2013.
- 94 Gamboa 1820, p. 90 ; sur Luigi De Francesco, voir Cannaviello 1940, p. 97.
- 95 Gamboa 1820, dont les premières pages rappellent la préparation de la révolution autour d’Avellino, (...)
35C’est donc sur un réseau humain formé dans les rangs des officiers du royaume que dans les cercles plus larges de la Charbonnerie que s’est formé le projet de pronunciamiento. Il a surtout profité de la circulation de modèles d’héroïsme, alors que les grandes lignes de l’actualité espagnole étaient connues et que les figures des militaires-libérateurs de la patrie, Riego et Quiroga, bénéficiaient d’une réputation positive dans l’ensemble des États méditerranéens ou coloniaux qui revendiquaient le modèle gaditain93. Leur influence semble avoir été décisive sur les chefs de la révolution napolitaine et les parallèles sont fréquents entre les deux généraux à l’initiative des révolutions, Riego et Pepe, et les deux officiers qui les ont déclenchées, Quiroga et De Concilj. Un des principaux dignitaires de la Charbonnerie à Avellino, le juge Luigi De Francesco, ancien jacobin exilé en France après 1799, aurait incité Pepe et De Concilj à reproduire à Naples les exemples de Riego et de Quiroga, le royaume ayant besoin d’« un militaire déterminé » pour obtenir du roi une constitution libérale94. Les ventes de carbonari ont constitué un relais majeur de l’initiative, lui apportant le soutien d’une partie des militaires en poste dans la région. Dans la chronique qu’il consacre au déclenchement de la révolution, Biagio Gamboa rappelle l’appui décisif d’un capitaine de gendarmerie, Carmine Veltri, qui aurait pris les armes aux côtés du chanoine Fabrizio Cappuccio, profitant d’un vaste réseau de prêtres libéraux qui ont levé des hommes par le biais de prêches dominicaux favorables à la constitution95.
- 96 L’événement est rapporté par De Crescenzo 1954, p. 7. Les insurgés, dont on ne connaît pas la catég (...)
- 97 Gamboa 1820, p. 9.
- 98 Rapporto del capitano Gaetano Lente a De Conciliis, Vitolano, 7 juillet 1820, cité par Gamboa 1820, (...)
- 99 On dispose d’états nominatifs précis des officiers et des soldats recrutés par De Conciliis (BSNSP, (...)
- 100 Parmi les prêtres, on retrouve le rôle majeur de Francesco Valentino, prêtre à Monteforte Irpino, e (...)
36Le maillage local des ventes de carbonari a donc été l’un des ressorts majeurs de la mobilisation d’hommes favorables à la révolution. Il a profité du rôle d’influence de notables qui y occupent très souvent des fonctions de commandement, dans des sociétés rurales et cloisonnées. Une vaste propagande locale a ainsi servi le déclenchement de l’insurrection ; elle s’est amplifiée dès le mois de mai 1820, principalement dans les secteurs reculés des deux Principats. Le 30 mai, dans le village de Mercato Cilento, carrefour local d’une région montagneuse excentrée par rapport aux routes et à la voie télégraphique, une dizaine de jeunes hommes venus des villages voisins et tous membres de la société secrète placardent dans le village une affiche incitant à l’insurrection pendant la foire locale96. C’est surtout dans le Principat Ultérieur que les efforts ont été les plus coordonnés, à l’initiative de Lorenzo De Concilj qui impose que ne puissent être soldats que « les seuls amis de la patrie »97. Par sa fonction de chef d’état-major, il envoie plusieurs militaires se charger du recrutement dans leurs villages d’origine, comme Nunziante Preziosi ou Modestino Bianchi à Mercogliano, en périphérie proche d’Avellino. À Avella, à l’ouest de la province, il avait envoyé deux autres militaires, Luciani et Pepare. Ce sont les mêmes émissaires qui imposent le drapeau révolutionnaire et la constitution d’Espagne dans des provinces voisines, comme le capitaine Gaetano Lente dans plusieurs villages de Terra di Lavoro, au nord-ouest d’Avellino98. Ils permettent de former, le 1er juillet 1820, un bataillon de patriotes locaux dont la composition est connue, 25 officiers et 94 soldats, très majoritairement militaires de métier. Ceux-ci sont principalement, mais sans exclusive, des cavaliers recrutés dans les régiments locaux des bataillons Borbone Cavalleria ou Dragoni Ferdinando (les 25 officiers y sont recrutés)99. Une portion minoritaire de ce corps armé (une dizaine d’hommes) est constituée de civils mobilisés pour la constitution dont la moitié sont des prêtres et quelques-uns appartiennent aux professions libérales100. Très majoritairement, ces hommes sont originaires de la province.
37L’origine majoritairement locale des hommes du bataillon (99 cas sur 119) contribue à renforcer sa cohésion. Elle témoigne à la fois de la capacité d’organisation d’une force de résistance à l’échelle locale, appuyée sur les ressorts traditionnels de l’influence et de l’autorité dans des villages de province (notables, militaires, prêtres), et des résistances à l’ordre centralisé hérité de Murat. Ainsi construit, ce bataillon déclenche une révolte à Avellino dans la nuit du 1er au 2 juillet, avant que celle-ci ne se répande très rapidement dans le royaume. Elle reproduit le modèle fourni par l’insurrection espagnole et impose au roi la constitution de Cadix, adoptée le 9 juillet.
- 101 Sur le contexte européen de la révolte de 1648, voir Hugon 2011, p. 25-29.
38L’opposition aux Bourbons s’est donc recomposée, de la chute de Murat au début de la révolution de 1820-1821, par l’utilisation paradoxale des héritages de la monarchie française d’occupation. La figure de Murat a fait l’objet d’un déni mémoriel immédiat, porté par ses anciens opposants de gauche, mais les ressources d’action apportées par l’occupant ont été le principal outil de cette reconstruction qui s’est principalement effectuée de façon locale et polycentrée. Les sociétés secrètes se sont données une fonction pédagogique, celle de préparer la nation napolitaine à la révolution. Très longtemps dépourvues d’un objectif idéologique précis, elles voient dans la révolution espagnole de janvier 1820 un modèle d’insurrection et de gouvernement. Le transfert d’une révolution dans le royaume par des acteurs endogènes, jusque-là inédit – la révolte de 1648, par exemple, s’était inscrite dans une vague révolutionnaire européenne, mais n’avait pas reproduit à Naples un modèle étranger, et celle de 1799 a été déclenchée par l’arrivée des Français à Naples101 – illustre les difficultés que connaissent les patriotes à passer de l’opposition au gouvernement. Le choix du modèle espagnol est apparu aux contemporains comme un aveu de faiblesse des patriotes méridionaux, incapables de construire un gouvernement révolutionnaire malgré l’existence de précédents et le poids de la culture politique française dans leur formation intellectuelle et politique. Il faut voir là l’effet des très fortes divisions sociales et idéologiques des patriotes, notamment très divisés sur le rôle à accorder aux sociétés secrètes, devenues, d’une création des administrateurs français, la principale force d’opposition à Murat puis aux Bourbons.
Notes
1 Voir, sur la culture de la clandestinité, Di Mauro 2015, p. 451-517.
2 Bruyère-Ostells 2006a.
3 Sur cette dernière, voir Delpu 2018c.
4 Ferrari 2016, p. 214.
5 ASNa, Polizia generale II, b. 4502.
6 De Lorenzo 1984.
7 L’argument est évoqué par Greco 1866, p. 9.
8 ASNa, Borbone, b. 723, f. 85.
9 Galluppi 1820, p. 21.
10 Colletta 1861a.
11 Les contre-révolutionnaires en font partie, mais ils ne sont pas pour autant les seuls (voir Massarella 1816).
12 Colletta 1820.
13 De Lorenzo 2006. Voir parmi ces textes D’Ambrosio 1899, Colletta 1816b, Blanch 1945.
14 La question est notamment posée, parmi une très nombreuse littérature, par Constant 1814.
15 D’Ambrosio 1899, p. 5-7.
16 Quelques éléments sur cette mobilisation dans De Lorenzo 2010.
17 Colletta 1820, p. 64-65. Pour les proclamations de Murat aux Toscans et aux Romains, voir ANP, 31 AP 25, 510.
18 Caldora 1978, p. 423.
19 D’Ambrosio 1899, p. 4-6.
20 Blanch 1945, p. 304
21 Il s’agit essentiellement du Milanais Camillo Vacani et du Toscan Cesare De Laugier, dont les mémoires paraissent dans les années 1820. Sur leurs écrits, voir Del Negro 2008.
22 ASNa, Esteri, b. 3405.
23 ASNa, Borbone, b. 723, f. 113.
24 L’ancienne police napolitaine a été divisée en 1816 en Alta Polizia chargée de la sûreté de l’État et Polizia generale chargée du droit commun, sans que les attributions des deux branches ne soient exclusives l’une de l’autre.
25 Notamment des écrits mémoriels, comme ceux de Guglielmo Pepe qui couvrent la totalité de la période. Les dynamiques locales apparaissent dans des reconstitutions postérieures, comme la Storia dei Cosentini de Davide Andreotti, citée plus haut, pour la Calabre Citérieure. Pour le Principat Ultérieur, on trouvera un aperçu de la fin du quinquennio dans Gamboa 1820.
26 On trouvera le détail de ce suivi dans les papiers privés du général Nunziante, envoyé par le roi Ferdinand en 1816 pour pacifier les Calabres : ASNa, Nunziante, b. 1.
27 Sur les fidélités d’une partie de la Charbonnerie à Murat, voir Andreotti 1874, t. III, p. 69.
28 Pepe 1847, p. 211. Le terme liberali, employé par Pepe en 1847, est anachronique dans le contexte qu’il évoque.
29 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 1.
30 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 8.
31 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15
32 Pour la province d’Avellino, voir l’inventaire exhaustif par village dans Cannaviello 1940, ch. II. Pour la province de Salerne, on ne dispose pas d’un relevé systématique, mais le fonds Processi politici de l’Archivio di Stato de Salerne fait apparaître une centaine de noms de sectes, celles précisément dont les membres ont été jugés lors des procès politiques des années 1820. Il semble, d’après l’historiographie locale, que l’implantation de la secte y ait été beaucoup plus large (Mazziotti 1921).
33 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 13.
34 ASNa, Borbone, b. 723, f. 55.
35 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15.
36 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 6.
37 ASNa, Polizia generale II, b. 2, f. 15.
38 Pepe 1847, p. 223.
39 La réflexion sur la fiscalité porte essentiellement sur la région du Tavoliere delle Puglie, entre le nord-est du Principat Ultérieur et la Capitanate, et prend de l’importance entre 1816 et 1817. Elle suscite les réflexions de plusieurs libéraux dont Luigi Blanch.
40 Peu d’études récentes sur le brigandage pré-unitaire ; voir Lucarelli 1942 ou encore Cingari 1976, qui évoque surtout la Calabre.
41 Sur la Charbonnerie des Pouilles, voir Di Mauro 2015, p. 457-472.
42 Sur le rôle des représentants en mission, voir pour la France de la Révolution Biard 2002. Sur les figures d’hommes doubles dans les situations d’occupation militaire et de guerres civiles, voir Chanet – Winckler 2013.
43 Pepe 1847, p. 225-227.
44 Pepe 1847, p. 242.
45 Pepe 1847, p. 232. Quelques indications sur les prêtres libéraux de la province d’Avellino dans Cannaviello 1940, p. 102-155.
46 Pepe 1847, p. 242.
47 Voir par exemple, pour le Principat Ultérieur, Cannaviello 1940, p. 32-49.
48 Pepe 1847, p. 242-244.
49 Les sources de l’épuration qui a suivi la révolution de 1820-1821 permettent une analyse rétrospective de ces liens entre milieux administratifs et patriotisme. Voir pour l’administration des finances, qui est l’institution la mieux documentée, ASNa, Polizia Generale II, bb. 4501 à 4506.
50 Ces revendications se systématiseront par la suite, à partir des années 1840, où elles susciteront une importante mobilisation armée en zone rurale (Buttiglione 2018a).
51 ASNa, Polizia generale II, b. 4502.
52 ASNa, Borbone, b. 723, f. 113.
53 ASNa, Borbone, b. 723, f. 75.
54 ASNa, Borbone, b. 723, f. 59.
55 Sur les positions politiques de Davide et de Roberto Winspeare et leurs parcours après 1815, voir Rizzo 2004, ch. 2. Davide est alors en exil à Florence et Roberto, militaire de carrière, est officier dans l’armée russe.
56 Gargano 2009, p. 272-275.
57 Chiffres établis par Mario Themelly dans Minichini 1979, p. xix. Sur les prêtres carbonari, voir pour un développement plus ample Delpu 2017b.
58 ASNa, Borbone, b. 729, f. 2.
59 Cannaviello 1915.
60 ASNa, Borbone, b. 723, f. 75.
61 Cas cité par Di Mauro 2015, p. 473. Sur la sociabilité des cafés, voir, bien que légèrement postérieur, Isnenghi 2004, p. 36-37. Mario Isnenghi rappelle que le caffè est fréquenté par la bourgeoisie alors que l’osteria l’est plutôt par les classes populaires.
62 ASNa, Borbone, b. 723, f. 101.
63 Par exemple Gli Independenti Irpini à Avellino, Irpini e Sanniti à Apollosa, Gli Irpini al campo del Gaudio à Mercogliano, I Giardinieri Irpini à Cesinale, pour ne retenir que les sectes dont les effectifs sont les plus importants. On trouvera l’inventaire exhaustif des 122 ventes de la province dans Cannaviello 1940, ch. 2. Sur la référence romaine, voir De Francesco 2013.
64 Voir notamment, sur ces structures, Beaurepaire 2002. Sur le lien entre structures maçonniques et charbonniques, voir Bruyère-Ostells 2006a.
65 Sur les options fédéralistes des patriotes italiens, voir notamment Ferrari 2010.
66 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 1.
67 C’est le cas du diariste légitimiste Giuseppe De Jorio : « À partir de 1815, la province de Salerne fut le centre d’où se diffusa la Charbonnerie ; elle se diffusa d’abord en Basilicate, puis passa en Capitanate, d’où elle fut communiquée au Principat Ultérieur » (dans Memoria del 1820, Avellino, s.d., citée par Cannaviello 1939).
68 ASNa, Borbone, b. 729, f. 2.
69 ASNa, Borbone, b. 723, f. 59. Les quatre tribus entre lesquelles est divisée la province sont la Picentina, autour de Salerne, la Pestana, à Campagna, la Consilina, à Sala et la Velina, à Vallo. Sur les structures de commandement de la secte, voir Di Mauro 2015, p. 477.
70 Cannaviello 1915.
71 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 1
72 ASNa, Borbone, b. 723, f. 47.
73 Delpu 2014.
74 ASNa, Tommasi, b. XI, f. 3.
75 Biblioteca Nazionale Centrale, Rome, Misc. Ris., f. 106.
76 ASNa, Interni, b. 40, ad nomen.
77 Musi 2004.
78 ASNa, Borbone, b. 723, f. 47.
79 The National Archives (Kew, noté par la suite TNA), FO 605/185, 2. 1820, Foreign. Correspondance de William A’Court avec le Foreign Office (19, 31 mars 1820 ; 32, 13 juin 1820 ; 34, 22 juin 1820).
80 Di Mauro 2015, p. 478.
81 Pinto 2005.
82 Pepe 1847, p. 241.
83 Sur la circulation des constitutions, voir Späth 2012.
84 Nombreuses attestations postérieures, parmi lesquels Pepe 1847, p. 240, ou encore Colletta 1834, XXIX, liii.
85 Sur la culture politique de la constitution de Cadix, voir Luis 2013.
86 Sur le parcours de Cirillo, voir ASNa, Interni, b. 40, ad nomen. Sur sa mission auprès de Ferdinand Ier, voir Pepe 1847, p. 228 et 240.
87 Pepe 1847, p. 244.
88 Une seule des 122 sectes du Principat Ultérieur en fait son objectif immédiat (I seguaci di Jacopo Ortis, à Roccabascerana), par référence au livre d’Ugo Foscolo de 1802.
89 Sur le rayonnement de la révolution espagnole, voir Castells Oliván 2004. Voir aussi, sur la pratique espagnole du pronunciamiento, Cepeda Gómez 1990, p. 148-224.
90 Bruyère-Ostells 2006b.
91 Cannaviello 1940, p. 32-55.
92 Scalamandrè 1993, p. 18.
93 Quelques éléments d’interprétation dans Fowler 2013.
94 Gamboa 1820, p. 90 ; sur Luigi De Francesco, voir Cannaviello 1940, p. 97.
95 Gamboa 1820, dont les premières pages rappellent la préparation de la révolution autour d’Avellino, sans que cette province, souvent citée comme représentative, ne témoigne de l’ampleur de la mobilisation dans la totalité du royaume. Sur les modalités et les vecteurs de la politisation, voir Delpu 2014.
96 L’événement est rapporté par De Crescenzo 1954, p. 7. Les insurgés, dont on ne connaît pas la catégorie sociale, viennent des villages d’Ascea, de San Mango et de Torchiara.
97 Gamboa 1820, p. 9.
98 Rapporto del capitano Gaetano Lente a De Conciliis, Vitolano, 7 juillet 1820, cité par Gamboa 1820, p. 35, appendice XXV.
99 On dispose d’états nominatifs précis des officiers et des soldats recrutés par De Conciliis (BSNSP, mss. 15529).
100 Parmi les prêtres, on retrouve le rôle majeur de Francesco Valentino, prêtre à Monteforte Irpino, et surtout de Saverio Jandolo, prêtre et enseignant à Picarelli, membre de plusieurs ventes de plusieurs villages autour d’Avellino. Parmi les professions libérales, on retient le rôle du médecin Luigi Sabetti et de l’architecte Gaetano Ricciardelli, tous les deux membres de la Charbonnerie à Avellino.
101 Sur le contexte européen de la révolte de 1648, voir Hugon 2011, p. 25-29.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 4 – Diffusion de la Charbonnerie dans l’ancienne province de Calabre Ultérieure (1815-1816). |
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Titre | Fig. 5 – Maintien de l’ordre et diffusion de la Charbonnerie en Capitanate et dans le Principat Ultérieur (1817-1818). |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/36655/img-2.jpg |
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Titre | Fig. 6 – Diffusion des ventes de carbonari dans la province du Principat Ultérieur (janvier-juin 1820). |
Légende | Bén. = Bénévent (État de l’Église). |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/36655/img-3.jpg |
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Titre | Fig. 7 – Origine géographique des 119 membres du bataillon de De Concilj. |
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