La vie politique à Marseille sous la domination angevine (1348-1385)
|Deuxième partie. Marseille au cœur de la crise des pouvoirs angevins
Chapitre 5. Les crises marseillaises du XIVe siècle
Texte intégral
- 1 Sur le questionnement des temps de crise, M. Bourin, Un projet d’enquête : « la crise de 1300 » dan (...)
1L’information et la communication autour du conseil de ville mettent nettement en évidence deux périodes de troubles aigus durant la seconde partie du XIVe siècle : le conflit des sénéchaux de 1348 à 1351 puis la guerre de succession de Jeanne de 1381 à 1385. Ces deux phases paroxystiques définissent un cycle durant lequel les pouvoirs de la ville sont placés dans une situation politique nouvelle. Il s’agit à présent de reprendre le fil des événements afin d’analyser les phénomènes de crises qui marquent ces temps et d’envisager l’ensemble de la période du point de vue des nouveaux équilibres politiques qui se mettent alors en place à Marseille1.
Une crise multiforme
- 2 É. Baratier, La démographie provençale… cit., p. 66.
2La conjoncture de crise qui marque l’occident chrétien au XIVe siècle n’épargne pas la Provence et Marseille. Les travaux d’Édouard Baratier en ont déterminé les caractères économique et démographique, avec un enlisement dans les difficultés agricoles et marchandes et une dépopulation structurelle accélérée par les épidémies de peste à partir de la fin de l’année 13472.
- 3 É. Baratier, F. Reynaud, Histoire du commerce de Marseille… cit., p. 22-62 ; É. Baratier, Histoire (...)
3Marseille est déstabilisée par le rétrécissement de l’aire du négoce maritime depuis la fin du XIIIe siècle, avec la perte angevine de la Sicile, de l’Orient, puis de Majorque après sa prise par les Aragonais. Les guerres de reconquête menées par le roi Robert durant la première moitié du XIVe siècle contrarient les flux des échanges marchands. Le grand port provençal est victime aussi du développement d’Avignon devenue pontificale, qui attire les changeurs et les représentants des grandes compagnies italiennes. Marseille décline, s’appauvrit, sa population diminue, la disette menace3.
- 4 Lettre de Robert reproduite dans l’enregistrement de la séance du 28 janvier 1331, AMM BB17 fol. 29 (...)
- 5 G. Lesage, Marseille angevine… cit., p. 165 ; É. Baratier, F. Reynaud, Histoire du commerce de Mars (...)
- 6 L. Stouff, Arles… cit., p. 99-130 ; N. Coulet, Aix... cit., p. 59-60 ; selon ces auteurs, le nombre (...)
- 7 É. Baratier, La démographie provençale… cit., p. 66 et n. 1. Id., Histoire de Marseille... cit., p. (...)
- 8 8M. Bouiron, L’évolution topographique de Marseille (XIe-XIVe s.), dans T. Pécout (dir.), Marseille (...)
4Cependant certains aspects de la crise, en particulier démographiques, sont difficiles à saisir. Le régime fiscal particulier de Marseille ne permet pas la comparaison chiffrée avec le reste de la Provence, et il faut s’en tenir à quelques preuves indirectes ne mentionnant pas l’évolution précise du nombre des feux. Ainsi, par une lettre d’octobre 1331, le roi Robert se propose d’aider la ville à remédier à son dépeuplement ; en 1342, il diligente une enquête sur le tarissement des revenus de l’annone et les témoignages de grands marchands de la ville décrivent une ville appauvrie, qui se dépeuple depuis plusieurs décennies, en raison, disent-ils, des guerres et des pertes de territoires angevins4. Ces Marseillais, soucieux de se soustraire à la fiscalité, invoquent des causes qui sont du ressort royal5. Sur ces points restés incertains, on peut observer la situation d’autres villes proches dans cette même période, que Louis Stouff qualifie pour Arles de « grand reflux », ou Noël Coulet de « temps de misères, ou, du moins, de graves difficultés », pour Aix dès avant 1348 – et faute de mieux, nous pouvons supposer que Marseille connut un effondrement démographique comparable à celui de ses voisines, sans doute un peu compensé par l’attractivité économique de la ville6. Ce sont là les hypothèses d’Édouard Baratier : comptant jusqu’à 25 000 habitants au XIIIe siècle, au temps de la plus grande prospérité commerciale, la ville aurait vu sa population décliner à moins de 20 000 à la veille de la Peste noire, peut-être encore à 15 000 après la première vague de la grande épidémie, pour atteindre seulement 10 000 au début du XVe siècle7. Les travaux archéologiques les plus récents confirment, du point de vue de l’occupation de l’espace urbain, un premier repli de la ville dès les années 1320, accentué à partir de l’épidémie de peste de 13488.
5Ainsi, les données disponibles pour définir les différents aspects de la crise du XIVe siècle à Marseille sont partielles et incomplètes. Toutefois sans en dresser un tableau exhaustif, les sources délibératives éclairent les préoccupations des hommes qui gouvernent la ville durant ces temps de marasme.
6Le caractère économique de la crise se manifeste au conseil de ville par la récurrence de certaines questions urgentes, telle que celle de l’approvisionnement. Entre août 1348 et août 1349, près de la moitié des séances traite au moins une fois de l’alimentation de la population : surveillance de la spéculation, sécurisation du ravitaillement en denrées de base, achalandage des marchés, distributions de grain etc. Les questions de solidarité et d’assistance à la population, principalement autour de la fondation et de la dotation d’hôpitaux ou de mesures de santé publique, sont quant à elles abordées lors d’une séance sur cinq en moyenne. Ce type de sujets n’occupe certes pas la plus grande partie de l’activité de l’assemblée, mais son importance relative évolue en fonction de l’acuité de la crise : on constate que lors de l’année municipale 1350-1351, moins agitée, ces questions sont nettement moins fréquemment abordées, à raison de près d’un tiers de fréquence en moins.
- 9 Séance du 4/9/1348, AMM, BB20 fol. 11r.
- 10 Séance du 17/9/1348, AMM, BB20 fol. 36r.
- 11 La vente doit se faire in annonariis ; plus loin, illa [blada] vendant ibidem personis emere volent (...)
7Au-delà de l’aspect proprement statistique, la nature des mesures prises est significative, notamment par leur aspect coercitif. Ainsi, en septembre 1348, le conseil fait crier dans toute la ville l’interdiction d’entrer dans les propriétés d’autrui pour y glaner les fruits – on approche alors des vendanges – et la fixation du poids du pain9. Les deux secteurs économiques sont liés : Marseille est traditionnellement exportatrice en vin et importatrice de blé. Or la pénurie s’installe pour les deux produits, ce que confirme la succession des séances suivantes. Treize jours après ces premières mesures, le conseil cherche à imposer la reprise de l’activité économique à diverses professions et métiers : une criée ordonne aux boulangers de cuire du pain en abondance, aux artisans de travailler, aux journaliers de respecter les engagements pris auprès des employeurs ; les possesseurs d’animaux utiles aux vendanges devront les mettre à disposition publiquement10. Au mois de novembre, la surveillance du commerce du blé est renforcée et une criée en proscrit la vente hors des endroits prévus, dans le but explicite de lutter contre la spéculation et de réserver les grains à ceux qui en sont nécessiteux11.
- 12 Séance du 1/2/1351, AMM, BB21 fol. 96r.
- 13 Séance du 8/2/1351, AMM, BB20 fol. 98.
8La situation de crise économique est bien installée en 1350-1351, lorsque reprend la série des délibérations enregistrées. Au cœur de l’hiver, le 1er février 1351, une criée interdit aux journaliers de ramasser du bois sur les possessions d’autrui, mais aussi de détruire des maisons dans le même but de chauffage12. Lors de la séance suivante, devant la hausse du prix du blé, le conseil doit renoncer à l’imposition qu’il avait établie sur la vente de ce produit et discute de la possibilité de lever une autre taxe13.
- 14 Séances du 17/5 et du 1/6/1351, AMM, BB21 fol. 126v-127r, 128-129.
9Le 17 mai 1351, les bovins semblent manquer cruellement dans la ville : le conseil les fait rechercher activement, à la fois pour en fournir la quantité suffisante aux bouchers, mais aussi pour le labour des grosses superficies. Dans une situation de pénurie généralisée, le cheptel s’est réduit au point que les cultures sont menacées. Une ordonnance adoptée deux semaines plus tard ordonne la vérification des attelages de Montolieu de Montolieu, puissant personnage de la ville et propriétaire terrien important, que l’on soupçonne d’avoir vendu son bétail malgré l’interdiction14. La question est suffisamment pressante pour que le contrôle s’applique à un personnage des plus éminents – l’économie locale est gravement déstabilisée par la crise.
- 15 Séance du 10/4/1349, AMM, BB20 fol. 114v.
10Sur le plan économique, le conseil mêle ainsi les mesures garantissant l’alimentation de la population au contrôle de l’activité marchande et productive de la ville. Lors de la séance du 10 avril 1349, le conseil ordonne d’abord une recherche de fonds par prêt volontaire ou gracieux afin d’acheter rapidement une cargaison de blé et suspend jusqu’à nouvel ordre les taxes sur la vente des viandes et autres produits alimentaires, en raison « de la conjoncture et de la nature des affaires » – attento presenti tempore et negociorum calitate – ; suivent des limitations strictes des salaires pour les travailleurs journaliers, dits « brassiers », assorties d’un serment des intéressés – a laboratoribus brasseriis – pour lequel deux prud’hommes sont élus dans chaque sizain15. Au terme de cette séance, douze membres du conseil contrôlent donc l’activité salariée, un encadrement relativement serré pour une ville comme Marseille.
- 16 F. Michaud, From Apprentice to Wage-Earner : Child Labour before and after the Black Death, dans J. (...)
- 17 B. Geremek, Les Marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1976, p. 32 ; É. Perroy, À l’or (...)
- 18 Ainsi le 16/8/1351, avec une limitation des salaires journaliers au niveau de l’année précédente, a (...)
11La crise économique est marquée par la pénurie de main-d’œuvre et la pression à la hausse des salaires16. Cette situation suscite l’inquiétude des autorités et des employeurs, devant les « exigences accrues » des salariés, leurs « appétits irréfrénables », en particulier à partir de la Peste noire17. Les mesures de contrôle du coût du travail peuvent être temporairement accompagnées de limitations des prix à la consommation : lors de la même séance d’avril 1349 par la suspension de la fiscalité indirecte, précédemment par l’interdiction de toute manipulation sur le poids du pain par les boulangers. Cela peut aller parfois jusqu’à une limitation des prix à la vente, mesure ponctuelle qui vient souvent, comme la modération de la fiscalité, en accompagnement du blocage des salaires, en une forme de compensation18.
12Le conseil apparaît donc comme le lieu du traitement, sinon de la résolution, de la plupart des difficultés économiques et sociales du moment. En ce sens, il faut concevoir toutes les ordonnances concernant l’alimentation, la prise en charge de la pauvreté, mais aussi les interventions économiques en général comme un ensemble lié par la conjoncture critique. À ce compte, très peu de séances échappent à ces préoccupations de crise : 36,9 % tout au plus en 1348-1349.
- 19 Ob deffectum peccunie ; séance du 1/2/1351, AMM, BB21 fol. 95v.
- 20 La table de la mer est la taxation des marchandises débarquées au port, principale source fiscale à (...)
13Contrainte par une conjoncture économique délabrée, la municipalité marseillaise se trouve en constante recherche de financements. Celle-ci est souvent liée aux points qui précèdent : ainsi, la prise en charge de l’approvisionnement ou de l’assistance aux nécessiteux suscitent-elles des questions récurrentes au fil des séances, très longues à résoudre. C’est le cas du paiement au négociant avignonnais François Raymond d’une livraison de blé de mille florins d’or, affaire pendante durant près d’une année à partir d’août 1348. On constate une lenteur et une difficulté similaires de financement, pour la fondation du nouvel hôpital Saint-Jacques-de Galice, pourtant doté par un important legs testamentaire du marchand Bernard Garnier : évoquée dès octobre 1348, la question de l’hôpital Saint-Jacques à construire revient à neuf reprises durant l’année municipale 1348-1349 ; les fonds qui lui étaient initialement assignés sont régulièrement affectés à d’autres urgences, parmi lesquelles la dette à acquitter auprès de François Raymond, si bien qu’en février 1351 une délibération mentionne que l’hôpital n’est toujours pas construit « faute d’argent »19. Le 17 juillet de la même année encore, le conseil cherche à reprendre la construction, dans une séance au cours de laquelle le notaire énonce que « la ville de Marseille manque d’argent en ce moment » ; par suite une avance est demandée au fermier de la « table de la mer » sur les revenus de l’année suivante, dans une procédure de cavalerie financière qui s’accélère dans les semaines suivantes20.
14Si l’on intègre ces séances où l’assemblée recherche des financements aux données statistiques d’occurrence de la crise économique et sociale, on atteint une proportion supérieure aux deux tiers des réunions – 67,1 %. À la nuance près que la recherche de revenus fiscaux et la gestion des deniers communs ne sont pas exclusivement liées à la conjoncture économique, mais aussi aux besoins militaires et aux frais d’ambassades, c’est à dire à une crise de nature politique.
15Ainsi, peu à peu la crise apparaît comme multiforme, chaque élément s’ajoutant à l’autre, dans une imbrication que traduisent bien ces séances, durant lesquelles tous les différents aspects du marasme, conjoncturels comme structurels, sont tour à tour abordés.
- 21 AMM, AA24, pièce n° 1, original parchemin, traduit et transcrit dans T. Pécout (dir.), Marseille au (...)
16Parmi eux, le recul démographique est difficilement quantifiable. Le dépeuplement touche particulièrement les parties hautes de la ville, sous l’autorité de l’évêque et du chapitre cathédral, ce qui fournit un argument pour leur unification en 134821. La pression à la hausse des salaires, liée à la pénurie de main-d’œuvre, corrobore l’idée d’une baisse de la population depuis les premières décennies du XIVe siècle, qu’accentuent l’épidémie et les troubles politiques.
- 22 J.-N. Biraben, Les Hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, Paris (...)
- 23 F. Michaud, La peste, la peur et l’espoir... cit., p. 403-413.
17La célèbre Peste noire, en tant que telle, est singulièrement absente des sources municipales marseillaises. Le port méditerranéen est pourtant bien connu pour avoir été un point de diffusion de l’épidémie à la fin de l’année 1347. La peste est présente en ville jusqu’au mois de novembre 1349, avec une réplique fin février 1350 et de nouvelles vagues en 1361, 1374, 1376.22. La date précise d’arrivée de l’épidémie, à la fin de l’année 1347, est inconnue. En revanche, l’étude systématique, faite par Francine Michaud, des testaments dressés durant l’année 1348 met en évidence un pic très net de la mortalité aux mois de février et de mars 1349, après plusieurs semaines de latence de la maladie – un printemps précoce ayant dû jouer son rôle23. On peut également observer que la cérémonie d’échange des serments entre la reine Jeanne et la population masculine, rassemblée en place publique le 29 janvier 1348, a certainement aussi facilité la propagation du bacille.
- 24 AMM, AA72, pièce n° 5, éditée et traduite dans T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 2 (...)
- 25 Michel de Piazza, Historia Secula ab anno 1337 ad annum 1361, dans Ch.-M. de La Roncière, Ph. Conta (...)
- 26 L’étude de F. Michaud, La peste, la peur et l’espoir... cit., notamment p. 420-434, se fonde sur le (...)
18En tout état de cause, dans l’instrument public issu de ces serments24, tout comme dans les enregistrements de délibérations des mois et années qui suivent, rien n’atteste de précautions particulières ou de réticences de la population à s’assembler. On est là très loin des descriptions de chroniques contemporaines, telle que celle de Michele de Piazza tenue à Messine, décrivant la fuite massive de la population et le délitement de tous les liens sociaux25. Les patients préparatifs du pèlerinage jubilaire à Rome en 1350 contredisent pour Marseille l’idée entretenue par les chroniques médiévales d’une période de panique et d’hystérie collective en Europe26.
- 27 Ad evitandum fraudes preconceptas et ad sassiandum ineffrenatam voluntatem ipsorum [...] horis et t (...)
- 28 Propter pestilentiam anno proxime lapso sustinentem altissimo decurssam in Massila, quia non erat o (...)
- 29 Suam quartam legatorum factorum ipsi hospitali a tempore mortalitatis decurrsse citra ; séance du 9 (...)
- 30 Tout au plus constate-t-on parfois l’évocation rapprochée du décès de conseillers, mais sans que l’ (...)
19Les documents issus de l’assemblée de ville ne constituent pas précisément une chronique urbaine. Quelques indices témoignent de la présence de l’épidémie, mais de façon indirecte, quasi sporadique. Le 24 janvier 1349, soit plus d’un an après le début de l’épidémie, elle est évoquée pour la première fois dans les registres de délibérations, au détour d’une ordonnance fixant un maximum sur les salaires agricoles, pour lutter contre « les fraudes et leur envie effrénée » et revenir aux dispositions « d’avant la mortalité »27. Quelques mois après, le conseil décide de diminuer d’un quart la collecte de la taxe sur les fours, en raison de la peste et de la baisse de la population qui s’en est suivie28. Deux ans plus tard, l’assemblée justifie par une formulation proche sa demande à l’évêque de Marseille de bien vouloir renoncer à un droit de perception du quart des legs à l’hôpital du Saint-Esprit de la ville29. Cependant l’augmentation de la mortalité ne donne pas lieu à des enregistrements spécifiques30.
- 31 Ne civitas Massilie et cives ob fecorem animalium recipiant infectionem ; AMM, BB21 fol. 45.
- 32 Ces tensions suivent la révocation par la reine Jeanne du sénéchal Raymond d’Agoult ; BB21, fol. 49 (...)
20Cette faible visibilité de la question de la peste ne signifie pas pour autant un désintérêt du conseil. L’ordre sanitaire de la ville occupe parfois l’activité de ses membres : le 29 septembre 1350, des mesures fiscales sont prises pour financer la venue d’un médecin, on impose aux apothicaires et épiciers d’être approvisionnés en produits médicinaux en quantité suffisante et l’on ordonne l’évacuation des animaux dont l’odeur peut répandre l’infection31. Deux ans et demi après le déclenchement de l’épidémie, la crainte de son retour se mêle sans doute à l’anticipation des dommages et blessures liées au regain de tension militaire en Provence à ce moment32.
21La rareté du thème de la peste est tout à fait représentative du document délibératif, qui n’offre pas de récit, mais constitue un outil fonctionnel au service de la politique menée par le conseil. À ce titre, la peste donne, sans doute à tort, l’impression d’un événement sur lequel l’assemblée essaie assez peu d’agir. Une fois passé le plus fort de l’épidémie, la peste apparaît pour ses conséquences indirectes, les difficultés économiques et fiscales, dont la gravité n’est en revanche pas atténuée. Les registres agissent comme un filtre retenant ce qui est de l’ordre du politique, dans le champ d’action du gouvernement de la ville et de ses habitants.
22Cette crise qui s’accentue brutalement avec l’irruption de l’épidémie affecte en effet la population marseillaise dans son ensemble et est un facteur de désordres dans la société.
- 33 Item, ad evitandum fraudem laboratorum et aliorum mercenariorum hujus civitatis, placuit dicto cons (...)
- 34 B. Geremek, op. cit., p. 293-312.
23La séance du 4 septembre 1348 en porte les symptômes : à la veille des vendanges, l’obligation faite aux conseillers de prêter serment de dénoncer toute usurpation des propriétés et de leurs récoltes, assortie de la criée dans toute la ville des « peines formidables » dont sont passibles les contrevenants, peut se comprendre de diverses façons. Ces propriétés foncières menacées sont sans doute vacantes, ou difficiles à défendre, du fait de la mortalité qui a précédé. De plus, des personnes nouvelles sont sans doute arrivées en ville, parmi ces laboratorum et aliorum mercenarium – que l’on ne peut qu’imparfaitement traduire par « laboureurs et autres travailleurs salariés » –, formant une masse encore méconnue et dont on redoute les « fraudes »33. Cette indistinction sociale renvoie à une vision des élites municipales dont la méfiance assimile volontiers le monde du travail migrant, non encadré dans les métiers, et les dangereuses marges de la société en crise34.
24Dès lors, la portée de la criée en direction de la population et du serment exigé des conseillers est multiple. Les membres de l’assemblée, notables de la ville et membres d’une institution prétendant la représenter tout entière, le consilium generale, sont ainsi responsabilisés dans un rôle de surveillance de ceux qu’ils gouvernent. Ce faisant, le serment les implique personnellement, dans un contexte troublé qui n’exclut pas forcément les soupçons internes au conseil – les délinquants pouvant agir pour le compte de personnes bien mieux établies qu’eux-mêmes.
- 35 D.L. Smail, Telling Tales… cit. Id., Hatred as a Social Institution in Late Medieval Society, dans (...)
25Ainsi, la situation de crise attise les tensions sociales, selon un schéma qui n’oppose pas nécessairement les plus démunis aux plus puissants. Le milieu du XIVe siècle connaît aussi de vives rivalités entre grandes familles marseillaises, capables de fédérer autour d’elles des individus de rang social bien moindre, en des factions aux haines durables, comme l’a démontré Daniel Lord Smail. C’est précisément dans les années 1350 que cet auteur situe le point culminant de l’affrontement entre deux clans, regroupés autour des grandes familles marseillaises Vivaud et Jérusalem35. La crise, qui permet aussi d’envisager d’occuper les positions et propriétés fragilisées ou laissées vacantes, menace de bouleverser la société. Face à ce danger, les décisions prises ce jour-là visent à consolider l’ordre social et à former autour du conseil une communauté citadine unie.
- 36 AMM, BB20 fol. 10r, 10v, 11v, 12r.
26Il convient en fait d’envisager cette séance du 4 septembre comme un ensemble cohérent, du point de vue de la capacité des dirigeants de l’assemblée à faire face à une crise aiguë, dans laquelle le danger d’usurpation des propriétés foncières et des récoltes n’est qu’une composante. Une autre source de discorde est de nature juridique et met en jeu à la fois l’institution municipale et le territoire de la ville : une délibération précédente traite de la plainte de deux officiers du ban de l’ancienne ville haute, qui s’estiment lésés par les conditions de la récente réunion à la ville basse ; ils obtiennent du conseil la reconnaissance de leurs droits, ce qui suscite en retour une protestation instrumentée d’un troisième officier bannier aux intérêts contraires36.
27Le péril principal qui ouvre la séance, est plus grave encore : le marchand avignonnais François Raymond, dont le paiement des mille florins dus au titre d’une livraison de blé tarde à venir, a obtenu de Clément VI des lettres monitoires contre Marseille, préalables à une excommunication. En réponse, le conseil décide d’une imposition d’urgence et six conseillers doivent désigner les mille maisons devant chacune payer un florin. Cette sollicitation exceptionnelle, dont le succès est incertain, fait ressurgir des plaintes et revendications restées en suspens. Elle nécessite que la réunion des conseillers y réponde et les satisfasse au mieux, manifestant par un arbitrage juste la cohésion du groupe.
- 37 Terme désignant la boisson faiblement alcoolisée obtenue en envoyant de l’eau sur le marc, une fois (...)
28La suite de la séance le confirme, avec l’adoption de mesures annonaires : le poids du pain sera soumis à la surveillance renforcée des peseurs municipaux élus sur les boulangers ; toutes les ventes se feront désormais à l’Annonerie, à jour et horaire fixes. La centralisation du contrôle contre le marché noir et la spéculation relève d’une probable prise en compte du mécontentement populaire face à la pénurie frumentaire et aux pratiques malhonnêtes réelles ou supposées des boulangers. Douze autres élus du conseil sont en outre désignés pour inspecter les celliers afin d’empêcher toute fraude sur le vin ou sur la trempa37.
29Au début de l’année municipale 1348-1349, la complexité et la tension extrême de la situation suscitent cette séance particulièrement fournie en délibérations, avec douze ordonnances adoptées, un nombre maximal – la moyenne des délibérations par séance s’établissant autour de cinq. Cette réunion montre le rôle central du conseil de ville dans la crise, qu’il cherche à juguler pour rétablir un ordre harmonieux.
- 38 M. Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris (...)
30De ce qui précède, avant même que n’aient commencé les troubles politiques entre Marseille et la Provence – qui ne tardent plus à survenir, courant septembre 1348 –, se manifeste le caractère multiforme de la crise. Les tenants et les aboutissants de celle-ci paraissent inextricablement mêlés, tel ou tel aspect surgissant tour à tour, dans un processus autonome et imprévisible de crise multisectorielle38. Mettant en cause l’harmonie sociale entre les habitants, la crise oblige le conseil de ville à réagir, à délibérer pour prendre des mesures. En cela, la crise pose le problème du gouvernement, elle crée en elle-même une situation politique, qui bientôt met en cause la hiérarchie établie des pouvoirs.
1348, le basculement dans la crise politique
- 39 É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne Ière… cit., t. I. M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, La Provence (...)
31La seconde partie du XIVe siècle provençal abonde en troubles politiques complexes, aux épisodes multiples, obligeant le conseil de ville marseillais à définir une politique. Le début du règne de Jeanne en 1343 ouvre une succession de troubles dynastiques à Naples. L’assassinat d’André de Hongrie, époux de Jeanne, en septembre 1345 suscite la tentative de conquête du royaume par son frère le roi Louis de Hongrie à partir de mai 1347. Entretemps, les menées rivales de Bertrand et Hugues des Baux et de Louis de Tarente, nouveau mari de la reine en juin 1346, divisent la cour de Naples39.
- 40 É.-G. Léonard, Un ami de Pétrarque, sénéchal de Provence : Giovanni Barrili, dans Études italiennes(...)
- 41 En octobre 1347, Clément se prononce par lettres pour que soit confié l’office de sénéchal au Prove (...)
32Les conflits autour du trône napolitain affectent indirectement Marseille et la Provence. Cette période est en effet marquée par une réévaluation des rapports de forces entre l’autorité souveraine de Jeanne et ses sujets. Au moment du second mariage royal, Hugues des Baux est remplacé dans son office de sénéchal de Provence par l’Italien Filippo di Sangineto, qui désigne à son tour de nouveaux officiers non provençaux dans l’administration du comté40 ; de là s’ensuivent de vives protestations des barons et communautés du comté, qui réclament l’indigénat des offices et obtiennent l’intervention en leur faveur du pape Clément VI, sans effet immédiat41.
- 42 Ils exercent un « droit à la vigilance », J.-P. Boyer, René et Marseille... cit., ici p. 54-55. É.- (...)
33À Marseille, l’établissement du nouveau règne de Jeanne rencontre aussi quelques difficultés. Contrairement à l’usage, la reine entend ne pas prêter en personne le serment de fidélité aux libertés et privilèges de la ville, condition de sa souveraineté sur la ville et du serment de fidélité des Marseillais prêté en retour. Elle dépêche pour la cérémonie quatre hauts personnages en octobre 1343, parmi lesquels Hugues des Baux, alors sénéchal. Les Marseillais refusent cette procuration comme un attentat contre leurs libertés, et préfèrent envoyer une ambassade à Naples, qui procède en février 1344 à un échange de serments à titre provisoire, dans l’attente du déplacement de la reine à Marseille, selon un moratoire fixé à dix ans42.
- 43 Ibid., p. 27 et n. 6, se fondant sur des sources angevines aujourd’hui disparues.
34La hiérarchie des pouvoirs sur la Provence et Marseille est ainsi peu à peu mise en cause. Elle achève d’être déstabilisée à la fin de l’année 1347, devant l’avance des troupes de Louis de Hongrie en direction de Naples. Au mois de janvier 1348 Jeanne et son entourage fuient vers la Provence, à bord des navires affrétés par le marchand marseillais Jacques de Galbert43.
- 44 T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 215-221, avec édition et traduction des instrume (...)
- 45 M. Hébert, Regeste… cit., p. 5-7.
35Marseille réserve un bon accueil à la reine, qui vient d’accorder l’unification de la ville et qui, le 29 janvier 1348, se prête au cérémonial de l’échange public des serments attendu depuis le début de son règne44. Il n’en est pas de même dans le reste du comté, dont les barons et les communautés veulent profiter de la position fragilisée de la souveraine fugitive ; dans sa session de février 1348, les états de Provence obtiennent d’elle le serment de respecter l’indigénat des offices et de n’aliéner aucune terre du domaine ; par ailleurs, ils entendent participer à la résolution du conflit avec Louis de Hongrie, en tenant captifs des citoyens napolitains, présumés coupables de l’assassinat d’André de Hongrie45.
- 46 Ibid., p. 7-9. M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, La Provence au Moyen Âge… cit., p. 278. Descripti (...)
36Ainsi, Marseille semble se satisfaire du nouvel équilibre trouvé avec la reine, que la situation a contrainte à accéder aux revendications de la ville. En revanche, les conditions d’exercice de sa souveraineté sont directement remises en cause par ses sujets provençaux. La crise s’aggrave durant les mois suivants, avec la violation de ces engagements : Jeanne vend d’abord au pape la ville d’Avignon et ses droits sur le Comtat en juin 1348 ; puis, en août de la même année, depuis le royaume de Naples où elle est retournée, elle fait remplacer le sénéchal provençal Raymond d’Agoult par le Napolitain Giovanni Barrili. Cette dernière décision en particulier déclenche pour plusieurs années le conflit appelé les « guerres des sénéchaux » par les historiens de la Provence46.
37Le conseil de Marseille, au nom de son statut de « terre adjacente » au comté de Provence depuis le XIIIe siècle, ne suit pas les états de Provence dans leur rébellion contre l’autorité royale entre 1348 et 1352. Au contraire, ne partageant pas leurs griefs envers la reine, la ville fait le choix de soutenir cette dernière et devient le meilleur soutien des officiers désignés par Jeanne dans le comté. Le conflit des sénéchaux se limite à quelques escarmouches entre les Provençaux et les Marseillais, marquées par des saisies de marchandises, de bétail, une suite de représailles fiscales et commerciales et à la prise de certaines seigneuries sous domination marseillaise – Bouc, Brégançon. Cependant l’activité marchande, l’approvisionnement et les finances de la ville sont sévèrement affectés durant toute cette période, en raison de l’interruption des circuits commerciaux et des frais militaires de mise en défense.
38À partir de 1352 et jusqu’aux années 1380, des relations plus apaisées se rétablissent entre Marseille et le reste de la Provence, sous la direction des états et de l’administration comtale d’Aix. Toutefois, d’autres litiges naissent avec des seigneurs ou communautés, perturbant durablement les activités marchandes. Les plus importants de ces conflits ont lieu autour d’Aubagne et avec la ville d’Arles.
- 47 La seigneurie d’Aubagne est détenue successivement par Raymond des Baux, comte d’Avellino entre 135 (...)
39Les hommes des seigneurs des Baux tenant le château d’Aubagne sont en conflit récurrent avec le conseil de Marseille entre 1357 et 1384. En violation des exemptions dont bénéficient les Marseillais, ils tentent d’imposer les biens situés sur leur territoire, ou transitant sur cette rare voie terrestre reliant la ville au reste de la Provence. S’ensuivent des lettres de marque et de représailles, des détentions d’individus de part et d’autre, ainsi que des procédures de recours auprès du sénéchal47.
- 48 L. Stouff, Arles et Marseille dans les derniers siècles du Moyen Âge, dans Marseille, 117 (1979), p (...)
- 49 La question apparaît dans les registres marseillais lors de la séance du 12/11/1361 (AMM, BB23 fol. (...)
- 50 Le 20/1/1392, un instrument public est dressé de la protestation par les délégués marseillais, conc (...)
40Le conflit entre Marseille et Arles a des causes proches, la question des péages et impositions divers levés sur les marchands marseillais sur les bords du Rhône. Il débute probablement en novembre 1361, à la suite de la saisie de blé faite par les Marseillais sur des navires arlésiens, pour pourvoir aux besoins alimentaires de la ville ; des saisies de représailles sont faites à Arles et à la suite d’une ambassade marseillaise vers Naples, une première intervention écrite de la reine Jeanne en août 1362 interrompt provisoirement l’opposition entre les deux villes. De 1365 à 1392 le conflit reprend et se prolonge d’année en année, les représailles et les saisies et exactions fiscales se succédant48. Les multiples interventions royales et pontificales, longtemps vaines, ainsi que l’important volume documentaire consacré à cette affaire et conservé dans les archives de l’institution municipale marseillaise en indiquent la gravité, aux enjeux plus graves que la précédente49. Entre Arles et Marseille, se joue la question de l’approvisionnement et du commerce de tout le comté, depuis ses accès au Rhône et à la Méditerranée. Il s’agit aussi de garantir, pour l’une et l’autre villes, le statut de « terre adjacente » et les privilèges commerciaux et fiscaux qui y sont associés. Il n’est pas certain que les négociations tenues à Avignon en janvier 1392, en présence de la reine Marie, aient éteint le conflit50.
- 51 De façon moins continue, des communautés et barons tentent en effet régulièrement de remettre en ca (...)
41Ces troubles commerciaux, souvent à la limite de l’affrontement direct, ne mettent pas directement en cause la hiérarchie des pouvoirs à l’échelle de la Provence ou des territoires angevins. Mais on y constate l’incapacité de la cour comtale du sénéchal à Aix, comme de la couronne de Naples, à pacifier les rapports politiques et commerciaux et à imposer un ordre fiscal. Ces conflits, durables, parmi d’autres plus ponctuels, témoignent de l’instabilité des relations entre les puissances provençales51. Ils sont le prolongement des phénomènes observés durant le conflit généralisé de 1348 à 1352.
- 52 Le même type de tensions peut ainsi s’observer avec Montpellier en juin-juillet 1349 puis en févrie (...)
42Fait significatif, il est difficile de distinguer ce type de conflits avec les communautés provençales de ceux qui opposent les marchands marseillais aux Montpelliérains, Génois, ou encore Pisans52. La crise de l’économie marchande semble affecter toute l’aire méditerranéenne. Le marasme des circuits commerciaux s’entretient et s’aggrave du fait de l’incapacité politique des autorités souveraines à imposer un fonctionnement sinon harmonieux, du moins suffisamment réglementé pour assurer une activité fluide.
- 53 M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, Histoire de la Provence... cit., p. 278-279. N. Coulet, Aix... c (...)
- 54 La guerre et le blé peuvent faire doubler ou tripler le total des dépenses de Marseille durant les (...)
- 55 Sur la coopération militaire avec Aix, si limitée soit-elle, N. Coulet, ... cit., p. 69.
43À compter des années 1350, en particulier à partir de la défaite française à Poitiers en 1356, règne en Provence un climat d’instabilité sans cesse entretenu par de nouvelles causes d’agitation. Du printemps 1357 à la fin 1359, les seigneurs des Baux entrent en rébellion contre la tutelle royale et prennent Salon, puis Aubagne – en août 1357, ce qui marque le début des difficultés de Marseille avec sa voisine orientale. Parallèlement, le comté de Provence doit subir l’invasion des bandes armées liées au comte d’Armagnac d’une part, menées par « l’Archiprêtre » Arnaud de Cervole d’autre part. Les motivations des uns et des autres restent incertaines, entre visées annexionnistes des Valois, volonté de la famille des Baux de renverser le pouvoir de Louis de Tarente à Naples, ou simple effet d’aubaine en pleine décomposition de l’autorité souveraine, sur fond de compagnies débauchées de la guerre de Cent Ans53. En l’absence d’une défense de la Provence dirigée par la couronne napolitaine, Marseille doit, durant toute la seconde moitié du XIVe siècle, consacrer une part croissante de son activité et de ses finances aux frais militaires et à l’approvisionnement menacé par la situation d’insécurité54. Dans un comté laissé à lui-même, la ville parvient, parfois par la coopération avec les autres communautés dans la même situation qu’elle, notamment Aix, à éviter le siège et les affrontements les plus directs, mais elle n’échappe pas aux effets économiques et frumentaires de cette crise généralisée de la puissance publique55.
- 56 M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, Histoire de la Provence... cit., p. 289-291. N. Coulet, Marseill (...)
- 57 N. Coulet, Aix... cit., p. 72. À titre d’exemple comparatif hors de l’aire provençale, B. Chevalier (...)
44La déstabilisation militaire ne cesse que par courtes périodes à partir des années 1350 et n’épargne nullement Marseille. Parmi les dangers les plus marquants, la Compagnie du Pont-Saint-Esprit puis les bandes de Henri de Trastamare écument la Provence à partir de 1361. De 1368 à 1376, le péril principal vient du lieutenant du roi de France en Languedoc, Louis d’Anjou, qui dirige notamment les troupes de Du Guesclin jusqu’aux portes d’Aix. Enfin, de 1386 à 1397, le vicomte Raymond de Turenne soumet la Provence à ses brigandages56. Durant toute cette période, Marseille ne peut compter que sur elle-même, dans une perspective qui est bien moins celle du pays tout entier que celle de sa sauvegarde et celle de sa zone d’influence57.
- 58 M. Hébert, Tarascon… cit., p. 243. Id., Les assemblées représentatives… cit.
- 59 Dès les années 1280, la ville parvient en effet à imposer un dialogue rééquilibré avec la dynastie (...)
45Cette longue suite d’événements entretient donc et ajoute un versant politique à la crise multiforme. La conjoncture critique de longue durée oblige les pouvoirs urbains à agir comme seuls gouvernants, ou presque, en l’absence d’une autorité centrale. Selon Michel Hébert, l’éclipse du pouvoir royal permet l’entrée de la ville dans le jeu politique provençal par le biais des assemblées représentatives d’états58. Cette prise de responsabilité politique urbaine n’emprunte pas les mêmes voies à Marseille, qui en tant que « terre adjacente » se refuse à participer aux assemblées d’états et qui constitue déjà depuis le XIIIe siècle une puissance avec laquelle compter à l’échelle des territoires angevins59. Mais si certaines latitudes pour un gouvernement urbain autonome existent de longue date à Marseille, elles s’élargissent durant la seconde partie du XIVe siècle. Elles amènent le conseil de ville à se déterminer de plus en plus par lui-même, dans une situation où s’accroît l’incertitude hiérarchique.
- 60 Le Grand Schisme commence en 1378, avec la double élection pontificale d’Urbain VI en avril 1378 et (...)
46Celle-ci atteint son point culminant durant les années 1380, lorsque la guerre de succession sur le trône de Naples se double du conflit d’obédience entre les partis urbaniste et clémentiste du Grand Schisme. Alors que la nouvelle de l’adoption comme héritier de Louis d’Anjou par Jeanne rencontre l’hostilité des Provençaux, qui en conservent un souvenir à la fois funeste et récent comme lieutenant du Languedoc, Marseille fait le choix de soutenir le prince français Louis dès la captivité de la reine, contre Charles de Durazzo, soutenu de son côté par Urbain VI60.
- 61 L’Union d’Aix, hostile à Louis d’Anjou, se cristallise entre les mois de janvier et mai 1382, M. Hé (...)
- 62 Les négociations avec les assemblées d’états de l’Union d’Aix se tiennent entre septembre 1385 et s (...)
47Dès avril 1382, Marseille se retrouve isolée face à la ligue de l’écrasante majorité des communautés provençales, qui se constituent en une « Union d’Aix » autour des assemblées d’états61. Une guerre s’engage et se prolonge malgré la nouvelle qui se répand de la mort de la reine Jeanne – dès la fin de l’année 1382 –, puis de celle de Louis d’Anjou au cours de son entreprise de reconquête du royaume de Naples. Le conseil de Marseille, ne variant plus dans son choix de la seconde dynastie angevine, soutient ensuite le jeune Louis II et la régence de sa mère Marie de Blois. Ceux-ci ne parviennent à prendre pied en Provence qu’à partir de leur entrée royale à Marseille à l’été 1385, point de départ d’une reconquête du comté, essentiellement par ralliements négociés successifs. Le conflit ne s’achève qu’en septembre-octobre 1387 par l’adoption de chapitres de paix entre Aix et les souverains angevins et l’entrée solennelle de ces derniers dans la capitale comtale62.
48Tout au long de cette période troublée, Marseille se trouve donc amenée, comme les autres communautés provençales, à se déterminer vis-à-vis de ses autorités tutélaires. La présence rivale de deux sénéchaux – Baldassare Spinola pour le parti durassien, Foulque d’Agoult pour la seconde maison d’Anjou –, de deux souverains et de deux papes porte à son point culminant l’incertitude hiérarchique évoquée plus haut – à quoi l’on peut ajouter la longue dissimulation de la mort de Jeanne par le parti angevin. La question du pouvoir urbain, de son autonomie dans l’architecture politique angevine, est au cœur des problématiques qui s’imposent alors à la ville.
- 63 63C’est l’objet de l’étude A. Venturini, Vérité refusée, vérité cachée... cit. L’archiviste marseil (...)
- 64 N. Coulet, Aix... cit., p. 67.
49Outre la complexité événementielle caractéristique de la période de la « guerre de l’Union d’Aix » – pour laquelle la difficulté du travail des historiens a été augmentée en raison des confusions et dissimulations entretenues par les auteurs des sources elles-mêmes63 –, se confirment et s’accentuent ainsi les processus à l’œuvre depuis les guerres des sénéchaux de 1348-135264.
- 65 AMM, BB20-21, BB28-31.
50Ainsi, ces moments paroxystiques s’inscrivent dans un temps long de la crise multiforme traversée par la ville. De la sorte, ils constituent des épisodes significatifs et représentatifs d’une situation d’ensemble, dont la mise en place se situe autour de 134865.
Depuis l’assemblée du conseil, maîtriser les contextes de crise
51En 1348 s’ouvre ce second XIVe siècle provençal et marseillais, marqué par la remise en cause de l’autorité souveraine. Le basculement de la crise dans une dimension politique ne met pas longtemps à s’affirmer dans le registre de délibérations de l’année municipale 1348-1349, dont la première séance se tient le 20 août.
- 66 Sur les conjurations et conspirations, nec ad conjurationem seu raffam in Massilia aliquatenus proc (...)
52Dès le 17 septembre, il est fait mention d’un conflit entre plusieurs habitants et le sous-viguier ; et surtout, durant cette même séance, des dangers de conjurations ou conspirations sont évoqués. Tout citoyen marseillais qui prendrait parti pour les barons de Provence ou qui se rallierait à leur bannière est réputé passible de confiscation de ses biens, de bannissement et de privation de tous ses droits liés à la citoyenneté de la ville66. L’universitas marseillaise, tout en condamnant formellement les attaques contre l’officier royal en charge des tâches de police dans la ville, met en cause son autorité, en le rappelant à son obligation de maintenir la paix civile. Surtout, derrière les « barons provençaux », le conseil dessine déjà les contours de son opposition à la cour d’Aix dont ce vice-viguier est issu, ainsi qu’aux grandes familles du comté, qui autour de Raymond d’Agoult ont arraché quelques mois plus tôt à la reine l’indigénat des offices.
- 67 É.-G. Léonard, Un ami de Pétrarque… cit., p. 115-116.
- 68 L’obligation de tendre des chaînes concerne probablement les faubourgs, non protégés par les murail (...)
- 69 Il s’agit du second Chapitre de paix de 1252, intitulé De donatione reddituum comunis Massilie in d (...)
53Deux jours plus tard, devant la rumeur d’une réunion d’hommes armés à Salon (très certainement autour de Hugues des Baux, alors entré en rébellion contre la cour d’Aix et le sénéchal Raymond d’Agoult67), Marseille se met en défense : le conseil fait réparer les portes, tendre des chaînes dans les rues et obtient que ces travaux soient financés par des revenus royaux confiés aux syndics – collecte et libre disposition comprises68. Confirmant la précédente, cette séance du 19 septembre 1348 marque la progression de facto des prérogatives du conseil, à plusieurs titres. Tout d’abord le protocole de l’enregistrement indique, en qualité de convocateur de la réunion, à côté du nom du sous-viguier, celui du conseiller et juge municipal Guillaume de Montolieu, ce qui constitue une innovation institutionnelle contraire aux Statuts depuis les Chapitres de paix du XIIIe siècle. De plus, cette séance consacre la prise de contrôle du conseil sur le prélèvement fiscal, strictement réservé aux officiers royaux par les mêmes Chapitres de paix qui avaient consacré la soumission de la commune à Charles Ier d’Anjou69. Cette violation du droit statutaire de la ville est obtenue par la pression : les syndics émettent d’abord une protestation solennelle en ce sens, au nom de toute l’assemblée ; puis après l’accord explicite du sous-viguier, ils obligent celui-ci à instrumenter par écrit la cession des revenus royaux. Ainsi, par le maniement alterné de l’oralité de l’assemblée et de l’écrit notarié, ils donnent publicité et valeur juridique à leur transgression institutionnelle :
- 70 Et rescitatis refformationibus supradictis, supradictus dominus vicevicarius obtulit se paratum rep (...)
Et après lecture publique des ordonnances susdites, ledit seigneur vice-viguier se montra disposé à faire réparer lesdites portes [de la ville] et pour ce faire il assigna aux discrets Jacques Siaille et Amiel Boniface, syndics de ladite ville, présents et recevant par écrit, au nom de ladite universitas, les revenus ci-dessous70.
- 71 Successivement : presenti tempore turbulento et isto tempore turbulento, soit à deux reprises pour (...)
54Dans le registre des délibérations, ces mesures exceptionnelles sont justifiées avec insistance par la nature des « temps troublés »71. La conjoncture événementielle est en effet à l’origine de ces transgressions institutionnelles. Le sous-viguier, du nom de Raymond Périer, tient le rang le plus bas parmi les officiers royaux de la ville, alors que ses supérieurs, le viguier et le juge du palais, sont très probablement absents de la ville. Périer se trouve ainsi le convocateur et président en titre de cette séance – mais flanqué d’un éminent conseiller dont la présence amoindrit son autorité. Fragilisé par les attaques évoquées à la séance précédente et de façon générale par les troubles politiques en cours dans le comté, il est en réalité otage d’une assemblée qui lui dicte ses volontés.
- 72 C’est ainsi le cas le 6/11/1348, « on écrira en bonne et due forme au Sénéchal [pour qu’il oblige l (...)
55On peut dès lors supposer que les « temps troublés », certes réels, servent aux dirigeants du conseil à entretenir autour des officiers royaux un climat menaçant, susceptible de les rendre plus malléables. L’absence des officiers royaux supérieurs lors de cette même séance, chassés par l’hostilité régnant en ville à leur égard, n’est pas fortuite. Elle se reproduit fréquemment, parfois plusieurs semaines d’affilée durant les mois suivants. Lesquelles absences leur sont d’ailleurs reprochées officiellement par le conseil, au nom du serment qu’ils ont prêté de résider sur place72.
- 73 V. Challet, Un espace public sans spatialité… cit., p. 337-352, ici p. 352 ; M. Dobry, op. cit., p. (...)
56Cet épisode est significatif. D’emblée, dans une situation de crise qui déborde largement l’échelle de Marseille, s’insère la politique du conseil de ville, conduite de façon concertée et selon ses intérêts propres. On observe donc une forme d’opportunisme des temps de crise, permettant de refonder le dialogue avec le souverain73.
57Les notaires enregistrant les séances de l’assemblée utilisent un certain nombre d’expressions pour caractériser la crise, en général dans le but de justifier les décisions prises par le conseil. L’examen de ces formulations permet d’observer plus précisément l’articulation entre l’activité consulaire et la conjoncture critique.
- 74 Mot à mot, « considérant cette période où les tourments et la discorde fleurissent de toutes parts (...)
- 75 AMM, BB20 fol. 114v.
58Tout d’abord, comme l’indique le tableau récapitulatif présenté ci-après, les évocations de la crise sont relativement rares, mais reviennent régulièrement au fil des séances. Les plus nettes concernent la nature des « temps », dans une tonalité indifférenciée connotant la longue durée : meditato hujus temporis circulo quo angustie et discordia undique vigent74. Mais l’époque peut aussi être invoquée pour des difficultés plus précises, concernant l’économie et l’approvisionnement frumentaire : le 10 avril 1349, le notaire justifie par « les temps présents et la nature des affaires » une série de mesures exceptionnelles sur le travail et le commerce – levée des taxes sur la vente des produits alimentaires, contrôle strict sur le maximum des salaires75.
- 76 Les trois mentions de la peste sont toutes associées au terme générique de tempus : tempus mortalit (...)
- 77 M. Dobry, op. cit.
59Le mot tempus peut aussi être associé à la peste ; dans ce cas, l’épidémie est évoquée sous forme de litote, comme une « mortalité »76. Ces occurrences dans les sources délibératives sont rares, mais lorsque la peste est mentionnée, elle l’est sans plus de précision, comme une évidence connue de tous. Si les registres de délibérations ne constituent pas une chronique, on peut observer qu’ils ne sont pas non plus le lieu d’un discours rhétorique ou argumentatif. La dimension psychologique des représentations, ou encore l’effet sur la situation elle-même des discours sur la crise nous sont difficilement accessibles77. Faute d’éléments précis sur la verbalisation des échanges au cours des séances, l’éventuelle mise en scène par le conseil des difficultés traversées n’apparaît pas.
- 78 La notion de necessitas du droit canonique, et la célèbre formule quod non est licitum in lege, nec (...)
- 79 Attenta necessitate eminenti presentialiter in hac civitate ; séance du 4/10/1348, AMM, BB20 fol. 3 (...)
60Ces constatations correspondent à la nature des registres de délibérations et à l’usage qui en est fait par l’institution municipale. La mention des temps troublés se veut essentiellement justificatrice, avec une connotation juridique, inspirée de la necessitas canonique, une nécessité déterminée par l’urgence et la gravité du besoin78. Les « temps de troubles » sont associés, dans la rédaction des registres, au caractère exceptionnel de la situation, et, par suite, des ordonnances adoptées. On peut ainsi relever les usages du terme de « nécessité » se rapportant à la conjoncture, dans des formulations telles que « étant donnée la nécessité éminente dans laquelle est en ce moment cette ville »79.
- 80 Elle apparaît ainsi à deux reprises, lors de la séance du 20/6/1349, ad evitandum scandalum puis ad (...)
- 81 G. Lecuppre, Le scandale : de l’exemple pervers à l’outil politique (XIIIe-XVe siècle), dans Cahier (...)
61La justification par la necessitas s’accompagne de l’utilisation d’autres catégories juridiques, en particulier celle de scandale, dans des délibérations présentées comme destinées à le conjurer, selon l’expression récurrente ad omnem scandalum evitandum80. Le scandale, mot polysémique et ambigu, évoque une crise morale et sociale ; issue du droit canon, à la fin du Moyen Âge cette catégorie concerne aussi par contamination les pouvoirs laïcs, qui apprennent à réparer ledit scandale, à le conjurer, voire à en jouer. L’enormitas, le « crime énorme », est une autre catégorie proche employée pour caractériser la gravité de la crise et justifier la necessitas dans laquelle se trouve le conseil de prendre ses décisions81.
- 82 L. Tanzini, « Emergenza, eccezione, deroga » : tecniche e retoriche del potere nei comuni toscani d (...)
62Ainsi, c’est surtout dans une dimension juridique qu’est utilisée la conjoncture critique – on peut d’ailleurs observer ce mode de recours à la situation de crise dans les communes italiennes confrontées au même type de contexte82. L’ensemble des expressions utilisées pour qualifier la crise dans les enregistrements de séances constitue un corpus sinon très fréquemment rencontré, du moins suffisamment régulièrement, aux moments les plus urgents et graves, pour imprimer sa marque à l’activité municipale durant toute la période.
- 83 AMM, BB20 fol. 104-105r. En moyen français innovata se traduit par le très péjoratif « novelletés »
- 84 J. Verger, Y a-t-il des événements en histoire culturelle ? Les crises de l’université de Paris au (...)
63Le langage des notaires, et au-delà, de l’assemblée qui inspire leurs procès-verbaux, permet toutefois d’entrevoir une partie des enjeux liés à la conjoncture. Il s’agit pour le conseil de maîtriser les troubles, qui sont parfois aussi qualifiés d’innovata, « d’innovations ». Au cœur du conflit des sénéchaux, lors de la séance du 28 mars 1349, l’assemblée dépêche des ambassadeurs vers la reine et le Saint-Siège afin de dénoncer les « innovations » de la partie adverse – c’est-à-dire leurs griefs, en particulier les saisies de biens, de terres et les diverses exactions fiscales dont les Marseillais ont été victimes83. Ce terme recouvre l’accusation de troubler un ordre originel ancien, dont la rupture doit être réparée – l’événement nouveau est facteur de désordre, de scandale84.
64En réponse, les reformationes, ces « réformations » constituant le résultat enregistré des réunions du conseil, mal traduites par les termes « d’ordonnances » ou de « délibérations », doivent être comprises dans le sens de re-formation, contenant l’idée d’un retour à une forme harmonieuse et juste, antérieure à la crise. Innovata comme reformationes, ce sont là des termes porteurs d’une idéologie légitimant le conseil, chargé de rétablir un ordre fondé sur le droit et l’antériorité.
65Le conseil apparaît donc capable de jouer des situations de crise, d’en user au nom de la « nécessité éminente », tout en revendiquant sa capacité à les maîtriser, à en annuler les effets. Il se prévaut d’une ancienneté fondée sur les Chapitres de paix et Statuts du XIIIe siècle, qu’il brandit très fréquemment – soit plus de deux fois par séance en moyenne en 1348-1349. À partir de cet apparent paradoxe, comment faire la part des discontinuités, des ruptures et de ce qui procède du temps long ? Comment mesurer l’influence de la crise sur l’équilibre politique marseillais ?
66L’étude de l’évolution des rythmes de réunion, en relation avec les événements les plus marquants de la crise, peut en donner un premier aperçu. Les deux périodes des guerres des sénéchaux sont à ce titre tout à fait représentatives et permettent de distinguer les différents niveaux d’intensité du conflit au cours du temps, ainsi que d’en retracer les grandes étapes.
- 85 Le nombre moyen des séances par mois (6,35) est obtenu en ramenant le nombre total des séances (73) (...)
Fig. 10 – Le rythme des réunions du conseil en 1348-1349 (registre BB20)85.

- 86 Séance du 4/9/1348 ; AMM, BB20 fol. 10-12.
- 87 Séances des 17-19/9/1348 ; AMM, BB20 fol. 19-20, 13-15.
- 88 Réception d’Hugues des Baux le 23/9/1348, refus de l’aide militaire demandée par Aix le 23 et le 25 (...)
- 89 La criée de mise en défense est faite entre le 4 et le 27/10/1348 (la date précise est inconnue, fa (...)
67Tout d’abord, les pics dans la fréquence des réunions du conseil correspondent à des montées de la tension dans le conflit et à des événements marquants, nécessitant un traitement urgent par le rassemblement des conseillers. Ainsi, le premier de ces pics se situe aux mois de septembre et octobre 1348, avec les premières alertes politiques, sur fond de pénurie alimentaire et de crise des finances de la ville : dès le début septembre, le conseil de Marseille est dans l’incapacité de s’acquitter de l’importante livraison de blé faite par l’Avignonnais François Raymond et se trouve menacé pour cette raison par des lettres monitoires de la papauté86 ; les 17 et 19 du même mois ont lieu les menaces de conjuration dans la ville, le rassemblement armé des partisans de Hugues des Baux à Salon et la fragilisation de la position des officiers royaux à Marseille87. Le positionnement des Marseillais contre le reste de la Provence se dessine nettement à partir de la fin septembre 1348 : le conseil s’allie à Hugues des Baux, qu’il reçoit en séance et à qui il accorde la citoyenneté marseillaise ; les Marseillais déclinent par des réponses dilatoires la demande d’aide militaire d’Aix, contre ce même Hugues ; enfin, sans prendre encore nettement parti, l’assemblée reçoit le nouveau sénéchal Giovanni Barrili, au serment duquel elle sursoit, tout en déclarant étudier sa possibilité88. Dès lors la ville se prépare à l’affrontement armé par des mesures de mise en défense assez précises – criée organisant la mobilisation générale et immédiate par sonnerie de la grande cloche des Accoules, interdisant toute sortie d’armes hors de la ville. Parallèlement, Marseille se débat toujours dans les difficultés du paiement des blés de l’Avignonnais François Raymond, qui a obtenu du pape des lettres d’excommunication effective. Le conseil peine à faire lever l’imposition exceptionnelle des 1000 florins nécessaires à ce remboursement89.
- 90 Le conseil rappelle à l’ordre ce dernier dès le 8 novembre 1348 ; AMM, BB20 fol. 58v.
- 91 La décision d’emprisonnement de Raymond Périer date du 2 janvier 1349, AMM, BB20 fol. 68-69 ; après (...)
- 92 L’officier encore présent en ville est le juge du palais Jacques d’Ausane, qui s’avère être rallié (...)
68Entre novembre 1348 et février 1349, les officiers royaux voient leur autorité de plus en plus gravement remise en cause à Marseille, certains s’absentant de la ville pour de longues semaines, en particulier le viguier90. Le sous-viguier Raymond Périer, déjà mis en cause en septembre 1348, est emprisonné début janvier suivant, sur l’accusation d’avoir fait noyer un étranger sans jugement, puis s’évade de sa prison un mois plus tard pour fuir la ville91. Ces officiers, désignés à l’origine par le sénéchal provençal d’Agoult, sont chassés par le climat d’hostilité à leur égard. Les séances sont souvent convoquées conjointement par le seul officier resté en ville et par un membre de l’assemblée elle-même, qui prend le titre de « vice-viguier », en contradiction avec les Statuts – la convocation n’étant pas du ressort des conseillers92. Alors que se dégrade la position des officiers royaux, se profile le ralliement de la ville à Giovanni Barrili.
- 93 Après débat contradictoire, les lettres de nomination de Barrili par la reine Jeanne sont jugées va (...)
69Le sénéchal napolitain est admis à prêter serment début mars 134993, ce qui ouvre une nouvelle phase d’exacerbation des tensions et correspond précisément à une fréquence des réunions particulièrement accélérée, qui atteint son paroxysme en mai, – avec la tenue d’un nombre maximal de treize assemblées du conseil durant ce mois.
- 94 AMM, BB20 fol. 142-145.
70Le sénéchalat de Barrili sur la ville ne dure que jusqu’au 20 mai 1349, date du retour de Raymond d’Agoult accompagné de ses officiers royaux94. Durant cette courte période se situe la phase la plus active du conflit, faite d’escarmouches et de saisies de biens et de personnes de part et d’autre. Les séances de mars à mai 1349 sont régies par l’urgence de la crise politique : mise en défense de Marseille, lutte contre les rumeurs et discordes internes, négociations avec les états de Provence à Aix – notamment pour la restitution des biens confisqués – par l’entremise d’un légat du pape Clément VI envoyé pacifier la Provence.
- 95 Raymond Périer, damoiseau, est issu d’une famille d’officiers provençaux ; J.-L. Bonnaud, Un État e (...)
71Finalement, devant son isolement, qui menace gravement l’approvisionnement, le conseil de Marseille renonce à soutenir Barrili ; les officiers nommés par ce dernier doivent à leur tour quitter la ville, dans des conditions assez proches de celles des officiers précédents – ceux de Raymond d’Agoult. Le parallèle entre les deux sous-viguiers Raymond Périer et Ugo Malespina est particulièrement remarquable : le premier, aixois de noblesse provençale, est inquiété par le conseil peu de temps avant la décision officielle de soutenir le sénéchal napolitain95 ; le second, dont le patronyme indique l’origine italienne – à l’instar de son supérieur Barrili –, est accusé du même type de crimen enorme, le meurtre de trois Aixois dans la rue du Lupanar (Postribuli) de Marseille. On peut supposer que les deux crimes visaient successivement les partisans ou proches du sénéchal adverse. Le conseil en fait porter l’entière responsabilité, réelle ou non, sur le sous-viguier du moment. De la sorte, l’institution ménage à chaque fois le revirement en cours et protège les conseillers et habitants de Marseille qui avaient jusque-là coopéré avec la précédente équipe d’officiers.
- 96 Séance du 17/6/1349 ; AMM, BB20 fol. 152.
- 97 Séances des 12/7, 6/8 et 12/8/1349 ; AMM, BB20 fol. 163, 168r, 170.
- 98 Convocation conjointe de l’assemblée par le juge d’Ausane et un conseiller le 17/6/1349, AMM, BB20 (...)
- 99 Séances du 25/6 puis du 4/8/1349 ; AMM, BB20 fol. 157v-158, 165-167.
72Après le retour d’Agoult, la crise semble s’atténuer, si l’on en juge par la fréquence des réunions du conseil, en nette diminution. Mais si le conflit entre le conseil de ville et l’administration comtale ne se mène plus de façon ouverte, les tensions ne s’estompent pas totalement. Les poursuites contre Malespina, l’ancien sous-viguier en fuite, ne convainquent pas les proches des victimes de la rue Postribuli, qui depuis Aix s’en prennent aux intérêts des Marseillais96. Le juge du palais Jacques d’Ausane, le seul officier royal à avoir conservé son mandat malgré les changements successifs de sénéchaux, sans doute en raison de son soutien à toutes les entreprises des Marseillais, est inquiété par la cour d’Aix et par le Saint-Siège ; il est défendu par les Marseillais, qui dépêchent des ambassadeurs vers la capitale comtale et Avignon pour plaider sa cause97. Parallèlement, les autres officiers royaux, liés à Agoult, sont rapidement à nouveau mis en cause par les délibérations de l’assemblée, qui recommence à se convoquer elle-même et leur reproche leur absence un mois à peine après leur retour en charge98 ; puis les conseillers obtiennent du viguier provençal, par une motion de défiance lue et instrumentée en séance, qu’il cesse de remettre en question les ordonnances et droits acquis du temps du sénéchalat de Barrili99.
73Ainsi, le revers subi par le conseil de Marseille dans son choix de reconnaître Barrili ne semble pas l’avoir découragé dans son opposition à la tutelle administrative d’Aix. Tous les éléments restent en place pour une seconde phase de la crise des sénéchaux, qui reprend effectivement à l’été 1350.
- 100 En effet, le mandat municipal annuel du conseil, et par conséquent les enregistrements de séances, (...)
74L’histogramme figurant l’évolution de la fréquence des réunions du conseil durant l’année municipale 1350-1351 indique, comme en 1348-1349, des moments d’activité particulièrement fournie, en particulier en octobre 1350 et en août 1351 – si l’on tient compte du caractère incomplet de ce dernier mois100. Mais on remarque toutefois une fréquence moindre d’une période annuelle à l’autre : l’assemblée se réunit en moyenne tous les 4,8 jours en 1348-1349, contre tous les 6,1 jours en 1350-1351 ; le nombre mensuel de réunions, rapporté à l’année municipale, est lui aussi inférieur, plus de 6 par mois la première année contre moins de 5 la seconde. Enfin, les pics observables sur la courbe de la fréquence sont moins élevés – 9 séances en un même mois tout au plus – et durent moins longtemps en 1350-1351 – jamais plus d’un mois.
- 101 AMM, BB21 fol. 47v, 56r, 58v.
- 102 C’est ainsi le cas lors des séances des 3/9/1350, 18/3/1351 ; AMM, BB21 fol. 37-39, 114-115r.
- 103 É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne… cit., t. II, p. 278-283.
- 104 AMM, BB21 fol. 130-131r.
75Ainsi, à en juger par ces critères quantitatifs, la crise paraît moins pressante dans sa seconde phase. Le contenu des séances le confirme : lorsque la reine Jeanne destitue de nouveau le sénéchal Raymond d’Agoult, au profit cette fois-ci du Provençal Boniface de Castellane, par des lettres du 17 et du 28 août 1350, présentées à Marseille le 4 octobre et acceptées le 15 octobre suivants101, le conseil de ville mène simultanément les négociations avec les camps des deux sénéchaux rivaux. On retrouve à plusieurs reprises cette situation durant l’année 1350-1351, où Marseille se voit proposer l’alliance par les partisans d’Agoult – c’est-à-dire les barons et communautés qui se regroupent à nouveau autour de la cour comtale d’Aix102. Ces propositions sont rejetées, mais elles traduisent une intensité moindre du conflit et une plus grande circonspection des Marseillais. Ceux-ci sont rendus prudents par plusieurs facteurs : l’échec du remplacement d’Agoult essuyé en 1349, mais aussi la connaissance de la situation moins favorable à Jeanne dans le conflit qui l’oppose à son époux Louis de Tarente à Naples, notamment après la mort de son allié Hugues des Baux, début octobre 1350103. Le doute sur la fiabilité des décisions royales est suffisant pour que la ville organise une ambassade vers Naples, qui part courant mars 1351, pour revenir le 9 juin suivant104.
- 105 Les seuls dégâts matériels mentionnés ont été faits aux abords de la ville, à un pont et une murail (...)
76De façon générale durant cette année municipale 1350-1351, le camp des partisans d’Agoult en Provence prend l’initiative dans le conflit, plaçant le conseil en position défensive. Les Provençaux saisissent notamment les biens des marchands marseillais, ou les soumettent à une fiscalité nouvelle. Surtout, ils prennent des places fortes qui étaient jusque-là sous l’autorité de Marseille et formaient les avant-postes de sa défense et de son commerce – Brégançon, Bouc, Collongue. Dans cet affrontement, qui à nouveau se limite à des escarmouches, Marseille voit sa situation commerciale et son approvisionnement se dégrader105.
- 106 Raymond d’Agoult prête son serment d’entrée en office le 20 août 1350 ; AMM, BB21 fol. 157-160.
- 107 En vain, les Aixois obtenant même en août 1351 le droit de nommer un châtelain à Bouc au détriment (...)
77Le conseil de ville se réunit moins fréquemment durant ce second mandat annuel, jusqu’au moment où il accepte le nouveau retour de Raymond d’Agoult à l’office de sénéchal, au mois d’août 1351106. Les mois précédents sont surtout utilisés par les Marseillais à tenter de reprendre les biens et châteaux perdus dans les premiers mois du conflit, notamment en faisant intervenir la papauté. C’est aussi la principale mission qu’ils donnent à leurs ambassadeurs vers Naples107. Pour finir, le conseil cède sans avoir obtenu les restitutions demandées.
- 108 Séances des 18 et 19 août, soit jusqu’à la veille même du serment d’Agoult ; le débat contradictoir (...)
78Les conseillers sont profondément divisés quant à l’attitude à adopter – juste avant de céder, l’assemblée doit se réunir deux jours consécutifs sur la question, tant elle peine à trouver un accord108. C’est par usure que les Marseillais fléchissent et abandonnent au moins temporairement le terrain perdu les mois précédents. Trois facteurs principaux justifient cette décision :
- Le mandat annuel du conseil, de ses dirigeants et des officiers de tutelle expire courant août 1351 ; faute d’accord avec la cour comtale d’Aix, aucun officier de tutelle ne pourra être nommé à temps. Sans eux l’institution municipale n’aurait alors plus de légitimité légale pour fonctionner. Cet argument juridique est le plus souvent évoqué dans les discussions109.
- En réponse à leurs ambassadeurs, les Marseillais reçoivent à leur tour trois émissaires du couple royal à la mi-juillet 1351, qui demandent un subside exceptionnel à l’universitas de Marseille pour les frais de la guerre italienne contre le roi de Hongrie. Le conseil se refuse à verser le subside demandé, comme contraire aux privilèges de la ville et à son statut de terre adjacente à la Provence. La demande royale confirme aux Marseillais que la reine n’entend pas les traiter différemment du reste de ses territoires provençaux, ou n’en a plus les moyens, du fait du retour de Louis de Tarente aux commandes du royaume110.
- La ville semble, en ce mois de juillet 1351, au bord de la rupture en matière d’ordre public et de cohésion sociale. Le 22 juillet, soit peu après la réception des ambassadeurs napolitains, Marseille est le théâtre d’une rixe de grande ampleur, une bataille de rue entre des factions ennemies dans la ville, liées par des haines familiales anciennes. Des dizaines de participants armés s’affrontent les armes à la main, dans un épisode violent vraisemblablement non prémédité, mais lié à un climat de tension préexistant depuis des années111.
- 112 Ibid., p. 208 ; AD13 (Marseille), IIIB 820.
- 113 Il s’agit des conseillers éminents Pierre de Jérusalem le jeune et Amiel Boniface. AMM, BB21 fol. 1 (...)
- 114 De comissis per eum criminibus enormibus in dicta civitate Massilie, faciendo privatum carcerem in (...)
79Ce dernier événement n’est pas explicitement relaté dans les sources délibératives. Son caractère politique n’est d’ailleurs pas avéré et les deux familles ennemies Vivaud et Jérusalem, à la tête de chacune des deux factions, ne se déterminent pas de façon opposée durant les débats de la crise des sénéchaux. La séance qui suit l’affrontement de rue a lieu une fois que les deux clans sont parvenus à apaiser la tension, en dressant un instrument de paix112. Lors de cette réunion du 29 juillet, sont élus ensemble, et pour une même tâche de recherche de conseil juridique, des membres des factions Jérusalem et Vivaud, sans difficulté ni discorde apparente113. En revanche, l’enregistrement de la même séance mentionne des mesures à prendre contre les « crimes énormes » du sous-viguier, accusé d’être à l’origine d’une récente assemblée illicite et violente – très certainement la bataille de rue du 22 juillet. Une nouvelle fois et comme en 1348-1349, la faute des troubles est entièrement rejetée sur un officier royal et son entourage, au moment du départ du sénéchal auquel il doit son office114.
80Marseille, en cette fin juillet 1351, n’est en tout état de cause plus apte à résister seule à la cour d’Aix et aux barons et communautés coalisés. Le conseil peine à maintenir la paix civile parmi une population sans doute exaspérée par les privations liées aux frais de guerre et à la perturbation des circuits marchands. Il finit donc par solder le conflit des sénéchaux du mieux qu’il le peut, au terme d’un rapport de forces tenant davantage de la négociation que d’une véritable entrée en guerre contre l’autorité administrative aixoise.
- 115 On retrouve cette fréquence accrue à Tarascon à la fin du siècle ; M. Hébert, Tarascon… cit., p. 22 (...)
81La crise économique, démographique et sociale, devenue politique et militaire à partir de 1348, est donc le fait majeur de la période. Différents aspects s’y entremêlent, formant la crise multiforme précédemment décrite. Ils sont toujours présents, à un titre ou à un autre, au cours des séances du conseil. Au point qu’il est difficile de mesurer de façon précise, autrement que par les rythmes de réunion, l’influence de la crise sur l’activité de l’assemblée115.
- 116 AMM, BB20 fol. 90-95, 142-145.
82L’influence des « temps de troubles » est parfois explicitement évoquée, par les expressions précédemment recensées. Elle peut rester tacite dans l’enregistrement d’une réunion, mais être néanmoins prégnante : c’est le cas le 4 septembre 1348, lorsque 9 des 12 délibérations abordées traitent des difficultés économiques et d’approvisionnement – remboursement des mille florins dus pour la livraison de blé avignonnaise, contrôle strict sur le poids et la mesure du pain, sur la modération des salaires et enfin inspections des celliers et greniers pour empêcher les manipulations sur le vin et autres mélanges. Toujours sans être mentionnée, l’influence de la crise est très souvent directe, dans près de la moitié des séances : les notaires n’estiment en effet pas nécessaire d’épiloguer sur la question du conflit des sénéchaux, tant elle est évidente, lors des séances du 18 mars et du 20 mai 1349, où successivement Barrili puis d’Agoult affirment par leur présence en personne au conseil leur exercice de l’office de sénéchal et prêtent serment116.
- 117 AMM, BB21 fol. 1-18, 36v
83De façon générale, il semble difficile d’extraire les séances du contexte de crise. Des comptages effectués sur l’influence du contexte de crise, il ressort qu’à peine plus d’un huitième – 13 % – n’ont avec cette dernière qu’un rapport incertain, ou aucun. C’est par exemple le cas des élections annuelles qui ont lieu le 13 août 1350, ou de la remise des clés de l’arche contenant les chartes et privilèges par les anciens syndics aux nouveaux, le 2 septembre suivant – des procédures qui auraient été suivies quelle que soit la situation117.
- 118 C’est le danger signalé par M. Foucault, L’Archéologie du savoir… cit., p. 12-13, qui recommande la (...)
- 119 Séance du 21/3/1349, AMM, BB20, fol. 99v ; série EE, dite « cartulaire des Six de la guerre ».
84La conjoncture critique multiforme domine donc la période, en particulier à partir de 1348, où les troubles politiques et les périls militaires s’ajoutent pour plusieurs décennies aux difficultés économiques, sociales et démographiques. Cela pose, pour ces temps troublés, la question de la part des continuités et des ruptures, en partie faussée par des effets de source118. Les registres de délibérations, dont la série commence en 1318, avant le début de la crise à proprement parler, et dont la forme évolue sur un rythme lent, mettent en valeur les continuités d’un bout à l’autre du XIVe siècle et témoignent de façon parfois déformée des modifications importantes. L’innovation institutionnelle majeure que constitue la mise en place d’une commission de la guerre indépendante du viguier, en mars 1349, ne se traduit par l’apparition d’une série documentaire que huit ans plus tard, en 1356, soit bien après le conflit qui avait suscité la création de ladite commission119.
- 120 AMM, AA24, pièce n° 1 ; AA72, pièce n° 5. Documents édités et traduits dans T. Pécout (dir.), Marse (...)
85L’année 1348, qui s’ouvre avec l’irruption de la peste et qui est marquée par la déstabilisation du pouvoir royal dans les territoires angevins d’Italie et de Provence, présente a priori toutes les caractéristiques d’une période de rupture. À Marseille, elle se traduit par des faits importants, l’échange des serments entre la reine et les habitants de la ville le 29 janvier 1348, précédé de l’unification des villes haute et basse, par lettres accordées le 3 janvier120.
- 121 AD13, B529, bulle pontificale de 1344 confirmant l’acte de vente de 1343.
- 122 D’après les termes de l’acte d’unification lui-même ; T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit (...)
86L’unification de la ville marque un progrès institutionnel notable dans le sens du gouvernement autonome. Elle est le fruit d’un processus ancien, initié par la victoire de Charles Ier d’Anjou dont la seigneurie s’étend en 1262 sur toute la ville, au détriment de l’évêque jusque-là seigneur de la ville haute ; l’union de la ville se poursuit en décembre 1343 par la cession au pouvoir comtal des droits du chapitre sur une partie de la ville121. La crise généralisée du XIVe siècle favorise ce mouvement, du fait des difficultés démographiques et économiques – la ville haute ayant tendance à se dépeupler122. La situation de la couronne de Naples au début de l’année 1348 joue un rôle indéniable – du point de vue du pouvoir fragilisé de Jeanne en 1348, concéder l’unification relève d’un choix stratégique. Elle garantit le soutien de Marseille dans sa lutte du moment contre l’invasion du roi Louis de Hongrie en Italie. L’alliance de la reine et de la ville se réalise la même année contre les menées des barons et communautés de Provence.
- 123 Sur l’unification, F. Otchakovsky-Laurens, 1348, Marseille s’unifie… cit. ; Id., Unifier Marseille (...)
87Aspirant à l’unité urbaine depuis les temps de la commune du XIIIe siècle, qui la réalisa brièvement, revendiquant le statut de terre adjacente à la Provence, Marseille adopte en 1348 un positionnement de fidélité à la reine, contre le reste des terres provençales. Ce choix stratégique est durable, il s’avère déterminant dans les deux crises des sénéchaux puis de l’Union d’Aix, puis se prolonge durant le règne de la seconde dynastie d’Anjou. Une conjoncture particulière, celle du début de l’année 1348, structure ainsi dans la durée les rapports de forces. Pour autant, cette rupture institutionnelle qu’est l’unification de Marseille n’est que rarement évoquée dans les décisions du conseil des années suivantes123.
88De façon générale, l’événement est faiblement mis en valeur dans les registres de délibérations, les seuls faits réellement relatés ont trait au déroulement du conseil et aux procédures et cérémonies qui s’y tiennent ; à ce titre, le serment prêté par tel ou tel officier est consigné dans le registre, qui remplit sa fonction de validation écrite. En revanche, des épisodes importants pour la compréhension de la situation n’y figurent pas. Ainsi, les seuls actes enregistrés, dont la composition des volumes ne respecte d’ailleurs pas la chronologie, ne suffisent pas à retracer la période, ils n’offrent qu’une vision partielle. C’est l’exemple de la peste, absente ou presque des archives délibératives, en tant qu’elle ne participe pas vraiment de la structuration du politique et n’occasionne pas d’affrontement sur le plan du gouvernement de la ville.
89Dans certains cas, comme lors de la dissimulation de la mort de la reine Jeanne, entre la fin de l’année 1382 et son annonce officielle en conseil au mois de juillet 1385, le registre construit en quelque sorte une contre-chronique. L’actualité est si brûlante que l’assemblée s’emploie à construire une narration mensongère, dans le but précisément d’atténuer une rupture, celle du changement de dynastie en faveur de la seconde maison angevine, dont la légitimité laisse à désirer. Ce faisant, en installant au fil des mois Louis Ier d’Anjou puis son fils Louis II dans la position de futurs souverains, le conseil confère l’apparence d’une continuité à la succession qu’il prépare.
- 124 J.-P. Boyer, René et Marseille... cit., p. 57.
90Cette façon de trier parmi les événements, jusqu’à en dissimuler certains, est un usage ancien de la municipalité et de son administration de tutelle. Un précédent existe en effet : le 7 février 1285, lorsque 92 notables marseillais prêtent publiquement un serment de fidélité au sénéchal. Les acteurs de la cérémonie, qui cherchent à resserrer les liens entre la couronne et ses sujets, voilent sciemment la mort toute récente du roi Charles Ier. La situation est en effet déjà suffisamment difficile pour qu’ils jugent préférable de ne pas ajouter à la déstabilisation créée par la perte de la Sicile en 1282 et la captivité de l’héritier du trône depuis juin 1284124.
91L’assemblée sait ainsi jouer des temporalités pour maîtriser la conjoncture, en atténuer les aspérités et se ménager une stabilité. L’universitas marseillaise, par un écrit institutionnel imprégné du refus des innovata des « nouveautés », revendiquant l’ancienneté de ses libertés, de la façon de procéder de son assemblée, se construit une continuité porteuse de légitimité. Son habileté juridique associe les Statuts, composés du temps de la commune autonome du XIIIe siècle, aux Chapitres de paix imposés au moment de la soumission aux Angevins en 1257 et 1262. L’ensemble est présenté comme un même ensemble de droits établis, par l’intégration de la capitulation fondatrice, qui représente une rupture pourtant nette, dans une histoire de l’institution marseillaise désormais lissée.
92La source délibérative est le témoin et le lieu du jeu politique à l’échelle de la ville, dans sa structure même d’énonciation et de composition. Tel événement est consciemment mis en valeur, tel autre mis sous silence ou reporté, par le biais du contrôle de l’information – notamment la lecture et l’enregistrement sélectifs des lettres reçues. Les ruptures et les processus continus de longue durée sont donc intriqués et manipulables par les protagonistes du XIVe siècle eux-mêmes, comme en attestent les exemples des périodes-clefs des guerres des sénéchaux (1348-1351), puis dans les années 1380.
93La période qui s’ouvre en 1348 marque un approfondissement de la crise, qui de structurelle – économique, démographique – prend un caractère politique, mettant en cause la hiérarchie des pouvoirs sur la Provence et au-delà, sur l’ensemble des possessions angevines. Le conseil de Marseille s’y place dans une position de soutien à la couronne napolitaine contre le reste de la Provence, en premier lieu contre les assemblées représentatives d’états. Il renforce là des choix stratégiques antérieurs, en particulier sa revendication d’un traitement particulier par l’autorité souveraine de Naples, en tant que terre adjacente. Le conflit des sénéchaux marque une rupture en menant à l’affrontement ouvert de l’universitas urbaine avec les puissances voisines, pour plusieurs décennies.
94Les crises confirment et accélèrent à la fois les processus en cours dans le jeu des pouvoirs marseillais. Un trait distinctif dans ce contexte critique multiforme est l’incertitude hiérarchique qui s’installe sur la Provence, où d’abord l’identité du sénéchal, puis celle du souverain lui-même sont objet de litige lors des deux phases les plus aiguës de la crise – les années 1348-1352 puis 1382-1387. Cette instabilité de longue durée est entretenue, dans la période intermédiaire, par les incursions régulières de routiers et les menées de grands seigneurs qui sans cesse font de nouveau régner l’insécurité sur la Provence et menacent Marseille. Son conseil de ville doit trouver les moyens d’y faire face seul, sans que les autorités de tutelle ne puissent lui être d’aucune aide.
95Mais cette obligation de pallier les conséquences de la crise est aussi une opportunité politique pour l’assemblée consulaire. Le trouble hiérarchique, sur le long terme, lui donne l’occasion de développer une politique propre et de se saisir, dans la mesure du possible, des contextes agités pour faire valoir ses intérêts. Cet opportunisme des temps de crise mène le conseil de Marseille à prendre des initiatives pour réévaluer sa position dans l’architecture des pouvoirs sur la ville.
96Il ne s’agit pas pour autant d’un rejet de toute souveraineté royale. Le conseil entend entretenir avec la couronne napolitaine une relation privilégiée, si possible sans l’intermédiaire de la cour d’Aix et de ses hommes. C’est le sens du statut de « terre adjacente », une construction juridico-politique de consistance relativement indéterminée : celle-ci repose sur la défense incessante des statuts et libertés issus pour partie de la période communale du siècle précédent et surtout des capitulations négociées lors de la conquête angevine qui avait conclu cette même époque supposée glorieuse. La poursuite de cette relation individualisée avec un souverain lointain et les bénéfices escomptés d’une alliance renouvelée entre Marseille et la capitale napolitaine sont toutefois compromis par la faiblesse répétée des titulaires du trône. Le règne de Jeanne, marqué par les conflits à la cour de Naples, puis par l’échec de la succession en faveur de la seconde maison angevine, réduit à peu de choses les gains de cette stratégie marseillaise, en termes de privilèges dans les territoires angevins, ou de carrières individuelles au sein de la cour napolitaine.
97Mais dans la ville elle-même, les hommes du conseil détiennent de plus en plus le gouvernement des hommes et l’administration des choses. L’information et la communication en direction des habitants élargissent l’assemblée à l’ensemble de la communauté et permettent de lui faire partager les objectifs construits en séance par les délibérations. Le conseil de ville s’affirme par son rapport à la communication – validation, rétention, émission de lettres et de nouvelles. En dialoguant et en se mesurant à d’autres pouvoirs, l’universitas affirme sa position dans l’espace provençal et angevin. Elle en obtient des latitudes nouvelles d’action et construit en droit, au sein de l’assemblée municipale, son espace institutionnel et politique.
98Si le rassemblement de la population caractérise la ville, l’institution d’une assemblée municipale en est le concentré politique. Elle est le lieu de la réunion des hommes, celui de leur parole, autour duquel convergent et se diffusent les informations. Elle est le siège du conseil qui produit les conseils, les délibérations. Autant de pratiques sociales et de participants, de Marseillais agissants, à envisager à présent.
Notes
1 Sur le questionnement des temps de crise, M. Bourin, Un projet d’enquête : « la crise de 1300 » dans les pays de la Méditerranée occidentale, dans Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], Hors-série n° 2|2008 ; Ead., J. Drendel, F. Menant (dir.), La conjoncture de 1300 en Méditerranée occidentale, Rome, 2011.
2 É. Baratier, La démographie provençale… cit., p. 66.
3 É. Baratier, F. Reynaud, Histoire du commerce de Marseille… cit., p. 22-62 ; É. Baratier, Histoire de Marseille, Toulouse, [1973] 1990, p. 95-97 et 101-102.
4 Lettre de Robert reproduite dans l’enregistrement de la séance du 28 janvier 1331, AMM BB17 fol. 29r ; texte de l’enquête de 1342, AD13, B1124. G. Lesage, Marseille angevine… cit., p. 182, 184-186.
5 G. Lesage, Marseille angevine… cit., p. 165 ; É. Baratier, F. Reynaud, Histoire du commerce de Marseille… cit., p. 39-40.
6 L. Stouff, Arles… cit., p. 99-130 ; N. Coulet, Aix... cit., p. 59-60 ; selon ces auteurs, le nombre de feux aurait diminué à Arles de 58 % entre 1319 et 1438 et pour Aix de 56 % durant la même période. F. Michaud, Travail et mouvements migratoires avant et après la peste noire à Marseille, dans De Provence et d’ailleurs. Mélanges offerts à Noël Coulet, Provence historique, n° 195-196, 1999, p. 367-383.
7 É. Baratier, La démographie provençale… cit., p. 66 et n. 1. Id., Histoire de Marseille... cit., p. 102. A. Droguet, Les finances municipales… cit., p. 4-5, applique un coefficient inférieur par nombre de feux et estime la population à 12 000 habitants en 1385.
8 8M. Bouiron, L’évolution topographique de Marseille (XIe-XIVe s.), dans T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 46-87, ici p. 51-53.
9 Séance du 4/9/1348, AMM, BB20 fol. 11r.
10 Séance du 17/9/1348, AMM, BB20 fol. 36r.
11 La vente doit se faire in annonariis ; plus loin, illa [blada] vendant ibidem personis emere volentis de Massilie ad usum et necessitatem earum et non pro revendendo. Séance du 19/11/1348, AMM, BB20 fol. 61v.
12 Séance du 1/2/1351, AMM, BB21 fol. 96r.
13 Séance du 8/2/1351, AMM, BB20 fol. 98.
14 Séances du 17/5 et du 1/6/1351, AMM, BB21 fol. 126v-127r, 128-129.
15 Séance du 10/4/1349, AMM, BB20 fol. 114v.
16 F. Michaud, From Apprentice to Wage-Earner : Child Labour before and after the Black Death, dans J.T. Rosenthal (dir.), Essays on Medieval Childhood, Responses to Recent debates, Donington, 2007 p. 73-90 ; Ead., Travail et mouvements migratoires... cit.
17 B. Geremek, Les Marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1976, p. 32 ; É. Perroy, À l’origine d’une économie contractée ; les crises du XIVe siècle, dans Annales E.S.C., 1949, p. 167-180. À Marseille, la séance du 25/1/1349 adopte de premières mesures de contrôle des salaires, ad evitandum fraudes preconceptas et ad sassiandum ineffrenatam voluntatem ipsorum. AMM, BB20 fol. 80v-81r.
18 Ainsi le 16/8/1351, avec une limitation des salaires journaliers au niveau de l’année précédente, ainsi que les taxes perçues par les banniers et le prix des outils de vendanges. AMM, BB21 fol. 152r.
19 Ob deffectum peccunie ; séance du 1/2/1351, AMM, BB21 fol. 95v.
20 La table de la mer est la taxation des marchandises débarquées au port, principale source fiscale à Marseille. Lors de cette séance du 17 juillet, où se trouve formulé le quia hec Massilie civitas presentialiter peccunia indiget susmentionné, le conseil engage le premier tiers des revenus de la table de la mer, qui devait être perçu à la Noël suivante ; AMM, BB21 fol. 137-139. Le second tiers, celui de mai 1352, est engagé le 31/7/1351, ibid., fol. 147v, et le dernier tiers l’est enfin le 13/8/1351, fol. 150v.
21 AMM, AA24, pièce n° 1, original parchemin, traduit et transcrit dans T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 216-217.
22 J.-N. Biraben, Les Hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, Paris-La Haye, 1975, p. 71-85, 377.
23 F. Michaud, La peste, la peur et l’espoir... cit., p. 403-413.
24 AMM, AA72, pièce n° 5, éditée et traduite dans T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 217-221.
25 Michel de Piazza, Historia Secula ab anno 1337 ad annum 1361, dans Ch.-M. de La Roncière, Ph. Contamine, R. Delort (éd.), L’Europe au Moyen Âge : documents expliqués, t. 3, Paris, 1971.
26 L’étude de F. Michaud, La peste, la peur et l’espoir... cit., notamment p. 420-434, se fonde sur les préparatifs de seize départs vers Rome de citoyens marseillais.
27 Ad evitandum fraudes preconceptas et ad sassiandum ineffrenatam voluntatem ipsorum [...] horis et temporibus debitis et hactenus consuetis ante tempus mortalitatis ; AMM, BB20 fol. 80v-81r.
28 Propter pestilentiam anno proxime lapso sustinentem altissimo decurssam in Massila, quia non erat omnino copia personarum ; séance du 7/5/1349, AMM, BB20 fol. 134r.
29 Suam quartam legatorum factorum ipsi hospitali a tempore mortalitatis decurrsse citra ; séance du 9/6/1351, BB21 fol. 130r.
30 Tout au plus constate-t-on parfois l’évocation rapprochée du décès de conseillers, mais sans que l’on en connaisse la date ou le motif. Ainsi, en juin 1349, deux conseillers et deux notaires sont remplacés par décision du conseil (Marquis Gayrani et Hugues Robard le 17/6 et les notaires Louis et Thomas Sobransier le 27/6/1349) ; AMM, BB20 fol. 153v.
31 Ne civitas Massilie et cives ob fecorem animalium recipiant infectionem ; AMM, BB21 fol. 45.
32 Ces tensions suivent la révocation par la reine Jeanne du sénéchal Raymond d’Agoult ; BB21, fol. 49v-50v. Les mesures sanitaires imposées le 29/9/1350 aux apothicaires et épiciers concernent les membres luxés et les estropiés, en prévision des futures victimes d’éventuels affrontements : quilibet epothicarius et spiciator de Massilie qui in dicta civitate tenet operatorium ypothicarie, faciat in suo operatorio et teneat res necessarias pro infirmis qui consuete sunt fieri atcque dari juxta medicorum consilio egectantibus sicut sunt eisstropi ; AMM, BB21 fol. 45v.
33 Item, ad evitandum fraudem laboratorum et aliorum mercenariorum hujus civitatis, placuit dicto consilio requirere […] ut voce preconia sub pena formidabili […] faciat inhiberi et proclamari ; AMM, BB20 fol. 11r.
34 B. Geremek, op. cit., p. 293-312.
35 D.L. Smail, Telling Tales… cit. Id., Hatred as a Social Institution in Late Medieval Society, dans Speculum (76), 2001, p. 90-126.
36 AMM, BB20 fol. 10r, 10v, 11v, 12r.
37 Terme désignant la boisson faiblement alcoolisée obtenue en envoyant de l’eau sur le marc, une fois finie la pression du vin, que l’on peut traduire par celui de « piquette ». Je remercie Noël Coulet pour ses précieuses indications.
38 M. Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, [1986] 1992, p. 13, 39-40.
39 É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne Ière… cit., t. I. M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 2005, p. 275-277.
40 É.-G. Léonard, Un ami de Pétrarque, sénéchal de Provence : Giovanni Barrili, dans Études italiennes, 9 (1927), p. 109-142, ici p. 115. Id., Histoire de Jeanne Ière… cit., t. II, p. 63.
41 En octobre 1347, Clément se prononce par lettres pour que soit confié l’office de sénéchal au Provençal Isnard de Bar. Ibid., p. 69, et n. 5.
42 Ils exercent un « droit à la vigilance », J.-P. Boyer, René et Marseille... cit., ici p. 54-55. É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne Ière… cit., t. II, p. 53 et n. 2. AMM, AA76.
43 Ibid., p. 27 et n. 6, se fondant sur des sources angevines aujourd’hui disparues.
44 T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 215-221, avec édition et traduction des instruments publics issus de la cérémonie ; AMM, AA72, pièce n° 5 et à la BNF, n.a.l. 1308, fol. 209, 308.
45 M. Hébert, Regeste… cit., p. 5-7.
46 Ibid., p. 7-9. M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, La Provence au Moyen Âge… cit., p. 278. Description synthétique du conflit des sénéchaux dans N. Coulet, Aix… cit., p. 60-66.
47 La seigneurie d’Aubagne est détenue successivement par Raymond des Baux, comte d’Avellino entre 1354 et 1372, puis par François des Baux, comte de Montescaglioso et seigneur de Berre. La saisie ou l’imposition de biens marseillais le long de l’Huveaune commence en 1357, et est évoquée lors de onze séances du conseil entre septembre 1357 et janvier 1358 (AMM, BB22 fol. 29-34, 41-43, 45bis, 62-64, 67-69, 77-79, 86-90, 91-92, 98v-100, 104-106, 108). Un nouveau litige se déclare entre août 1362 et août 1363 (BB23, fol. 141-142r, 199-200, 215-216, 232-234, 239-243), puis à nouveau en février-avril 1365 (BB24, fol 159- 162, 175-177, 189-193), entre mars 1367 et novembre 1368 ; BB25, fol. 164-169r, BB26 fol. 23v-25, 26-27, 74-76, 77-80, 91v-93r, 98v-101r, 102v-103r, 108v-109, 111v-114. Après une interruption de huit ans, les troubles reprennent en mai 1376 (BB27, fol. 60-64, 65-66, 67-68), et à nouveau entre juillet 1378 et février 1379 (ibid., fol. 237v-238r, 239v-240r, 253-255r, 267-268). La dernière occurrence de ces affrontements dans les registres délibératifs se situe entre mai et décembre 1384 (BB30, fol. 32v-34r, 92v-96r).
48 L. Stouff, Arles et Marseille dans les derniers siècles du Moyen Âge, dans Marseille, 117 (1979), p. 82-89 ; M. de Duranty, Relations entre Marseille et Arles au Moyen Âge, dans Congrès des sociétés savantes de Provence, Arles, mai-juin 1909, Bergerac, 1910, n° 7.
49 La question apparaît dans les registres marseillais lors de la séance du 12/11/1361 (AMM, BB23 fol. 24-26). La première lettre de la reine Jeanne datée de Naples, le 10 août 1362, rappelle le privilège de non-imposition des citoyens marseillais dans les comtés de Provence et de Forcalquier, et en particulier à Arles ; elle est conservée à la fois sous forme originale (AA46, pièce 1), dans un cartulaire composé après 1385 (AA5, fol. 34), et enfin dans un autre cartulaire de pièces relatives au statut adjacent de la ville (AA6, fol 14). La question est assez importante pour justifier une autre lettre de Jeanne (le 25/8/1366, AA33, pièce 2), quatre de la reine Marie (datées du 18/2/1385, AA5 fol. 23, AA41 ; du 27/3/1387, AA64 ; des 20 et 24/8/1387, AA26 pièces 4 et 5) et enfin deux bulles de Clément VII (les 10/9 et 1/11/1380, AA65). Le chancelier de la seconde maison d’Anjou mentionne cette affaire à quatre reprises dans son journal ; Jean Le Fèvre, op. cit., p. 209, 239, 271, 272.
50 Le 20/1/1392, un instrument public est dressé de la protestation par les délégués marseillais, concernant l’absence de leurs homologues arlésiens aux négociations. AMM, AA106.
51 De façon moins continue, des communautés et barons tentent en effet régulièrement de remettre en cause le privilège de non imposition des Marseillais en Provence. Ainsi c’est le cas à Hyères en septembre 1365, AMM, BB24 fol. 253- 254r ; à Hyères, Tarascon, Toulon et Nice en décembre 1366, BB25 fol. 136-141 ; à Hyères et Nice en février 1377, BB27 fol. 128-130.
52 Le même type de tensions peut ainsi s’observer avec Montpellier en juin-juillet 1349 puis en février-mars 1351, AMM, BB20 fol. 156-157r, 159, 161v- 162, BB21 fol. 108r, 108v-109 ; avec Gênes et Pise en mars 1351, puis Gênes seule en avril de la même année, BB21 fol. 111-113, 118v-120r ; avec Pise entre novembre 1357 et octobre 1359, BB22 fol. 67-69, 95v-96, 217-221, 231-234.
53 M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, Histoire de la Provence... cit., p. 278-279. N. Coulet, Aix... cit., p. 67-68. É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne... cit., t. III, p. 283.
54 La guerre et le blé peuvent faire doubler ou tripler le total des dépenses de Marseille durant les années d’instabilité, selon A. Droguet, Les finances municipales… cit., p. 90-142. Id., Une ville au miroir de ses comptes... cit.
55 Sur la coopération militaire avec Aix, si limitée soit-elle, N. Coulet, ... cit., p. 69.
56 M. Aurell, J.-P. Boyer, N. Coulet, Histoire de la Provence... cit., p. 289-291. N. Coulet, Marseille en guerre… cit., p. 399-406. R. Veydarier, Una guerra de layrons : l’occupation de la Provence par les compagnies de Raymond de Turenne (1393-1399), dans Ph. Contamine et O. Guyotjeannin (dir.), La guerre, la violence et les gens au Moyen Âge, Actes du 119e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, 1996, p. 169-188.
57 N. Coulet, Aix... cit., p. 72. À titre d’exemple comparatif hors de l’aire provençale, B. Chevalier, Pouvoir royal et pouvoir urbain à Tours pendant la guerre de Cent Ans, dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1974, n° 2, p. 365- 392, ici p. 375-379.
58 M. Hébert, Tarascon… cit., p. 243. Id., Les assemblées représentatives… cit.
59 Dès les années 1280, la ville parvient en effet à imposer un dialogue rééquilibré avec la dynastie angevine, et participe à ses entreprises militaires comme un partenaire naval de premier plan. M. Aurell, J.-P. Boyer, Une journée qui fit Marseille… cit.
60 Le Grand Schisme commence en 1378, avec la double élection pontificale d’Urbain VI en avril 1378 et de Clément VII fin octobre de la même année. Les prétendants rivaux à la succession de Jeanne optant pour Urbain VI, la reine adopte le 29 juin 1380 le français Louis d’Anjou, partisan comme elle de Clément VII, comme seul successeur légitime. Dès novembre 1380, Charles Durazzo prend les armes contre Jeanne ; il est investi du trône de Sicile et couronné par Urbain VI en juin 1381, prend Naples le 16 juillet, et la reine Jeanne se rend le 26 août 1381, après le siège des forteresses où elle était retranchée. É.-G. Léonard, La captivité et la mort de Jeanne... cit.
61 L’Union d’Aix, hostile à Louis d’Anjou, se cristallise entre les mois de janvier et mai 1382, M. Hébert, Regeste… cit., p. 121-128. La décision marseillaise de reconnaître officiellement Louis d’Anjou comme successeur de Jeanne, alors captive de Duras, peut être datée de l’assemblée des états réunie à Apt entre les 12 et 18/4/1382, et elle est annoncée lors de la séance du conseil du 23/4/1382 ; Ibid., p. 124-127 ; AMM, BB28 fol. 126v-127r.
62 Les négociations avec les assemblées d’états de l’Union d’Aix se tiennent entre septembre 1385 et septembre 1387 ; M. Hébert, Regeste… cit., p. 146-149. Au terme de pourparlers commencés dès février 1386, la « capitulation » aixoise est conclue le 7 septembre 1387, maintenant et augmentant même les prérogatives de la capitale rebelle – l’entrée royale de Louis II et Marie dans Aix suit, le 21 octobre 1387 ; N. Coulet, Aix… cit., p. 81-84, et texte des chapitres n. 238 p. 644, se fondant sur les documents conservés aux ACA, AA2 fol. 19-26, 33, 34-40, et aux AD13 (Aix), B1403, fol. 63-77.
63 63C’est l’objet de l’étude A. Venturini, Vérité refusée, vérité cachée... cit. L’archiviste marseillais Philippe Mabilly s’y est laissé tromper, qui place l’annonce de la mort de Jeanne au mois d’août 1384, cherchant sans doute à rétablir une cohérence chronologique et codicologique ; Ph. Mabilly, Inventaire sommaire, Série BB… cit., p. 172-173. L’erreur est liée au système documentaire des cahiers récapitulatifs présents dans les registres de la période, AMM BB28 fol. 120-140, BB30 fol. 1-8. Ces inexactitudes se retrouvent chez A. Droguet, Une ville au miroir de ses comptes... cit., p. 192 n.37, ou G. Galasso, Naples médiévale, du duché au royaume, Rennes, 2013, p. 282, situant la mort de la reine à l’été 1385.
64 N. Coulet, Aix... cit., p. 67.
65 AMM, BB20-21, BB28-31.
66 Sur les conjurations et conspirations, nec ad conjurationem seu raffam in Massilia aliquatenus procedatur (la formulation est en référence directe aux Statuts, Livre V chapitre 6 : de conjurationibus et raffis non faciendis) ; AMM, BB20 fol. 35r. Concernant les barons provençaux, l’interdiction formule précisément quod partes quorumcumque preliantium baronum provincialium seu comiturorum vel locatenentium ipsorum non faveant ; ibid, fol. 35v. Raffa est souvent transcrit rassa, ainsi Pernoud, Les statuts… cit., p. 168.
67 É.-G. Léonard, Un ami de Pétrarque… cit., p. 115-116.
68 L’obligation de tendre des chaînes concerne probablement les faubourgs, non protégés par les murailles ; séance du 19/9/1348, BB20 fol. 13-14.
69 Il s’agit du second Chapitre de paix de 1252, intitulé De donatione reddituum comunis Massilie in dominum Comitem. AMM, AA1, fol. 124r.
70 Et rescitatis refformationibus supradictis, supradictus dominus vicevicarius obtulit se paratum reparationem pro posse suo facere de portalibus supradictis, et ad eam faciendam dedit et assignavit discretis viris Jacobo Siaille et Amieillo Bonifacii, sindicis dicte civitatis, presentibus et recipientibus nomine universitatis predicte in scriptis redditus infrascriptos. AMM, BB20 fol. 14.
71 Successivement : presenti tempore turbulento et isto tempore turbulento, soit à deux reprises pour une même séance, un cas unique dans les registres BB20 et BB21 des années de guerres des sénéchaux ; AMM, BB20, fol. 13r, 14r.
72 C’est ainsi le cas le 6/11/1348, « on écrira en bonne et due forme au Sénéchal [pour qu’il oblige les officiers royaux à résider en ville], sans quoi la justice périt à Marseille » (quod in forma apta domino [Senescallo…] scribatur […] cum propter ipsorum absenciam justicia perit in Massilia) ; AMM, BB20, fol. 54v. Par la suite et sur ce motif, s’ouvrent des procédures pour faire remplacer le viguier Mévouillon de Saint-Saturnin ; séance du 18/3/1349, ibid., fol. 96v-97r.
73 V. Challet, Un espace public sans spatialité… cit., p. 337-352, ici p. 352 ; M. Dobry, op. cit., p. 39-40.
74 Mot à mot, « considérant cette période où les tourments et la discorde fleurissent de toutes parts » (avec une connotation d’angoisse propre à angustie, dérivé de angustare, compresser, opprimer) ; séance du 16/8/1351, AMM, BB21 fol. 152v, à l’occasion d’un retour controversé de Raymond d’Agoult à l’office de sénéchal.
75 AMM, BB20 fol. 114v.
76 Les trois mentions de la peste sont toutes associées au terme générique de tempus : tempus mortalitatis (AMM, BB20 fol. 81r) ; mortalitate personarum (ibid., fol. 35v) ; tempore mortalitatis (BB21 fol. 130r).
77 M. Dobry, op. cit.
78 La notion de necessitas du droit canonique, et la célèbre formule quod non est licitum in lege, necessitas facit licitum, sont contenues dans les Décretales de Grégoire IX. Corpus Iuris Canonici, « Décrétales de Grégoire IX », De regulis iuris, c.4, X. 5. 41. 4, ed. A. Friedberg, Graz, [1879] 1995, t. 2, p. 927.
79 Attenta necessitate eminenti presentialiter in hac civitate ; séance du 4/10/1348, AMM, BB20 fol. 37v.
80 Elle apparaît ainsi à deux reprises, lors de la séance du 20/6/1349, ad evitandum scandalum puis ad omnem scandalum evitandum ; AMM, BB20 fol. 157r.
81 G. Lecuppre, Le scandale : de l’exemple pervers à l’outil politique (XIIIe-XVe siècle), dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes, n° 25 (2013), p. 181-191 ; A. Fossier, Propter vitandum scandalum. Histoire d’une catégorie juridique (XIIe-XVe s.), dans MEFRM, 121-2, 2010, p. 317-348 ; C. Leveleux-Teixeira, Le droit canonique médiéval et l’horreur du scandale, dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes, n° 25 (2013), p. 193-211 ; J. Théry, Atrocitas/enormitas. Per una storia della categoria di « crimine enorme » nel basso medioevo (sec. XII-XV), dans Quaderni storici, 131, 2009, p. 329-375.
82 L. Tanzini, « Emergenza, eccezione, deroga » : tecniche e retoriche del potere nei comuni toscani del XIV secolo, dans M. Vallerani (dir.), Tecniche di potere nel tardo medioevo, regimi comunali e signorie in Italia, Rome, 2010, p. 149-182.
83 AMM, BB20 fol. 104-105r. En moyen français innovata se traduit par le très péjoratif « novelletés ».
84 J. Verger, Y a-t-il des événements en histoire culturelle ? Les crises de l’université de Paris au XIIIe s., dans C. Carozzi, H. Taviani-Carozzi (dir.), Faire l’événement au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 2007, p. 313-323.
85 Le nombre moyen des séances par mois (6,35) est obtenu en ramenant le nombre total des séances (73) à la quotité mensuelle occupée par cette année municipale (351 jours, soit 11,5 mois). Le chiffre de la fréquence des réunions est d’une assemblée du conseil tous les 4,8 jours en 1348-1349.
86 Séance du 4/9/1348 ; AMM, BB20 fol. 10-12.
87 Séances des 17-19/9/1348 ; AMM, BB20 fol. 19-20, 13-15.
88 Réception d’Hugues des Baux le 23/9/1348, refus de l’aide militaire demandée par Aix le 23 et le 25/9, réception de Giovanni Barrili le 28/9 ; AMM, BB20 respectivement fol. 44-43 et 45, 31-32, 33.
89 La criée de mise en défense est faite entre le 4 et le 27/10/1348 (la date précise est inconnue, faute de protocole dans l’enregistrement de cette séance) ; la sentence d’excommunication est annoncée le 4/10/1348, et le conseil prend des mesures de contrainte contre les mauvais payeurs de la levée des 1000 florins ; la question du paiement des blés est abordée au cours de chacune des 6 séances qui se tiennent durant le mois d’octobre 1348 ; AMM, BB20 respectivement fol. 41-42, 34 et 37r.
90 Le conseil rappelle à l’ordre ce dernier dès le 8 novembre 1348 ; AMM, BB20 fol. 58v.
91 La décision d’emprisonnement de Raymond Périer date du 2 janvier 1349, AMM, BB20 fol. 68-69 ; après plusieurs demandes de libération formulées par la cour d’Aix, et rejetées par le conseil (ibid., fol. 73, 80r), Périer s’évade avec l’aide de ses familiers avant le 6/2/1349 (ibid., fol. 82).
92 L’officier encore présent en ville est le juge du palais Jacques d’Ausane, qui s’avère être rallié à l’assemblée de Marseille, dont il devient citoyen et membre du conseil l’année suivante. Les quatre auto-convocations partielles ont lieu les 20/12/1348, 2/1, 8/1 et 10/1/1349, comme l’indiquent les protocoles d’enregistrements ; AMM, BB20 fol. 66v, 68r, 70r, 73r.
93 Après débat contradictoire, les lettres de nomination de Barrili par la reine Jeanne sont jugées valides par le conseil le 4/3/1349, AMM, BB20 fol. 85-87 ; le serment du nouveau sénéchal a lieu le 13/3/1349, ibid., fol. 90-95.
94 AMM, BB20 fol. 142-145.
95 Raymond Périer, damoiseau, est issu d’une famille d’officiers provençaux ; J.-L. Bonnaud, Un État en Provence… cit., Annexe II, notice 825.
96 Séance du 17/6/1349 ; AMM, BB20 fol. 152.
97 Séances des 12/7, 6/8 et 12/8/1349 ; AMM, BB20 fol. 163, 168r, 170.
98 Convocation conjointe de l’assemblée par le juge d’Ausane et un conseiller le 17/6/1349, AMM, BB20 fol. 152r ; le 4 août, lecture de la cédule de défiance, au contenu de laquelle consent le viguier, fol. 165-167.
99 Séances du 25/6 puis du 4/8/1349 ; AMM, BB20 fol. 157v-158, 165-167.
100 En effet, le mandat municipal annuel du conseil, et par conséquent les enregistrements de séances, s’interrompent cette année-là le 20 août ; AMM, BB21 fol. 161-171.
101 AMM, BB21 fol. 47v, 56r, 58v.
102 C’est ainsi le cas lors des séances des 3/9/1350, 18/3/1351 ; AMM, BB21 fol. 37-39, 114-115r.
103 É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne… cit., t. II, p. 278-283.
104 AMM, BB21 fol. 130-131r.
105 Les seuls dégâts matériels mentionnés ont été faits aux abords de la ville, à un pont et une muraille, probablement sur le territoire agricole ; AMM, BB21 fol. 137r.
106 Raymond d’Agoult prête son serment d’entrée en office le 20 août 1350 ; AMM, BB21 fol. 157-160.
107 En vain, les Aixois obtenant même en août 1351 le droit de nommer un châtelain à Bouc au détriment de Marseille ; É.-G. Léonard, Histoire de Jeanne… cit., t. II, p. 318 et n. 2.
108 Séances des 18 et 19 août, soit jusqu’à la veille même du serment d’Agoult ; le débat contradictoire est reporté de façon inhabituellement précise dans les enregistrements de ces séances ; AMM, BB21 fol. 155-157r, 157-160.
109 Le 29/7/1351 est présentée une cédule anonyme insistant sur la nécessaire tenue prochaine des élections consulaires annuelles ; AMM, BB21 fol. 146. Le 13/8, le nouveau conseil semble avoir été élu, mais en l’absence des nouveaux officiers de tutelle, l’élection ne peut être validée ; AMM, fol. 148v-141r. Les trois séances suivantes des 16, 18 et 19/8/1351, évoquent la question du nécessaire remplacement des officiers.
110 Les ambassadeurs napolitains sont reçus le 14/7/1351. La demande écrite dont ils sont porteurs n’est pas adressée à Marseille en particulier, mais indistinctement aux sujets du couple royal dans les comtés de Provence et de Forcalquier ; AMM, BB21 fol. 140-144. La réponse négative du conseil est délivrée lors de la séance qui se tient le lendemain 15/7 ; AMM, BB21 fol. 144v-145.
111 D.L. Smail, Telling Tales… cit., et sources AD13 (Marseille), IIIB 811, 812, 820.
112 Ibid., p. 208 ; AD13 (Marseille), IIIB 820.
113 Il s’agit des conseillers éminents Pierre de Jérusalem le jeune et Amiel Boniface. AMM, BB21 fol. 146v.
114 De comissis per eum criminibus enormibus in dicta civitate Massilie, faciendo privatum carcerem in domo sua et congregationem illicitam ac violenter ; AMM, BB20 fol. 146.
115 On retrouve cette fréquence accrue à Tarascon à la fin du siècle ; M. Hébert, Tarascon… cit., p. 222-226.
116 AMM, BB20 fol. 90-95, 142-145.
117 AMM, BB21 fol. 1-18, 36v
118 C’est le danger signalé par M. Foucault, L’Archéologie du savoir… cit., p. 12-13, qui recommande la « mise en question du document ».
119 Séance du 21/3/1349, AMM, BB20, fol. 99v ; série EE, dite « cartulaire des Six de la guerre ».
120 AMM, AA24, pièce n° 1 ; AA72, pièce n° 5. Documents édités et traduits dans T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 216-221.
121 AD13, B529, bulle pontificale de 1344 confirmant l’acte de vente de 1343.
122 D’après les termes de l’acte d’unification lui-même ; T. Pécout (dir.), Marseille au Moyen Âge… cit., p. 217.
123 Sur l’unification, F. Otchakovsky-Laurens, 1348, Marseille s’unifie… cit. ; Id., Unifier Marseille en 1348… cit.
124 J.-P. Boyer, René et Marseille... cit., p. 57.
Table des illustrations
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Titre | Tab. 12 – Expressions utilisées pour qualifier la crise (1348-1349). |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/34745/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 36k |
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Titre | Fig. 10 – Le rythme des réunions du conseil en 1348-1349 (registre BB20)85. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/34745/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 17k |
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Titre | Fig. 11 – Le rythme des réunions du conseil en 1350-1351 (registre BB21). |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/34745/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 15k |
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