1Les quelques réflexions que nous allons développer dans les pages qui suivent se focaliseront sur les possibles « autres vies » des enduits peints en contexte de décharge à Pompéi. Ceci ne saurait être qu’une première approche à la question plus ample de la gestion des déchets urbains. La place des enduits peints et la question de leur deuxième vie n’est en effet qu’un des aspects de l’économie des matériaux issues des démolitions dans la ville antique.

2Pour notre analyse, nous nous concentrerons sur l’observation de quelques cas de décharges et de remblais qui ont eu un impact important sur la perception de la ville et qui semblent s’être formés principalement par l’accumulation de déchets non domestiques1. Les amas de matériaux que nous allons présenter se caractérisent par deux aspects. D’une part, ils comportent parmi les matériaux mis au rebut des déchets de construction et notamment des fragments d’enduit ; d’autre part, leurs dimensions dépassent la décharge domestique quotidienne pour atteindre des dimensions « urbaines ».

3Les recherches désormais pluriséculaires sur la ville de Pompéi ne se sont jamais intéressées spécifiquement à ce sujet ; les mentions de tas de déchets sont éparpillées dans les descriptions de fouilles. En dresser un panorama exhaustif n’est donc pas un exercice aisé. Une des limites majeures à cette étude réside certainement dans la difficulté de repérer ce type de décharge car, lors du dégagement, si elles ont été remarquées, le matériel n’a pas fait l’objet d’une véritable étude. En particulier, si le tas de déchets ne se composait que de rebuts de construction tels que des moellons, des tuiles ou bien tout autre matériel, y compris donc, et pendant longtemps, les fragments de peintures, les fouilleurs pouvaient ne pas assigner de numéro d’inventaire aux découvertes. Le silence sur la présence de ce type de matériel et l’absence de documentation de fouille pour la plupart de ces ensembles nous laissent malheureusement parfois dans l’impossibilité d’aller au-delà du simple enregistrement de leur existence, sans pouvoir formuler des hypothèses quant à leur formation ou leur utilisation.

4La source primaire de notre enquête demeure les journaux de fouilles et c’est seulement grâce à la précision des récits des dégagements que nous pouvons suivre la présence de ces décharges. C’est notamment à partir des années 1920, qui voient l’arrivé à Pompéi d’A. Maiuri, que nous avons des informations plus abondantes sur ce type de dépôts. La fouille en profondeur sous les niveaux scellés par l’éruption de 79, entreprise par l’archéologue en plusieurs points de la ville, nous a livré de nombreux exemples d’importantes couches de nivellement réalisées avec des matériaux issus de démolition. De la même manière, la fouille des secteurs le long des murailles de la ville immédiatement à l’extérieur des portes, a permis d’observer d’importantes accumulations de déchets ; les enduits peints ont joué un rôle important pour en définir la nature et la datation. Bien évidemment, la faible attention portée à ce type de circonstance ne facilite pas notre travail, nous confrontant à des contextes difficiles à interpréter. En l’absence de toute étude antérieure, notre propos est de dresser un premier bilan de la présence de couches d’enduits peints en position secondaire à l’intérieur de décharges ou utilisées comme remblais. Cela nous permettra de proposer de premières réflexions quant à un possible remploi fonctionnel des enduits peints et, de manière plus générale, à tracer une tendance des comportements vis-à-vis de ce matériel. Pour cela, nous nous concentrerons donc sur deux types d’accumulations : les remblais destinés à la réalisation d’un nouvel édifice ou pour le comblement d’un vide à l’intérieur de la ville ; les accumulations de déchets aux alentours et à l’intérieur du périmètre urbain. Ces deux formes d’accumulation de matériaux relèvent en effet de deux processus différents : d’une part, dans le cas des remblais, on apporte du matériel dans le cadre d’un projet de construction pour aménager un terrain en prévision de l’érection d’un édifice ; dans le deuxième cas en revanche, nous nous trouvons en présence d’accumulations de matériaux mis au rebut, qui ont accompli une première vie et qui se trouvent en position d’abandon. Dans ces deux phénomènes urbains, à notre avis liés, nous nous focaliserons sur la place des enduits peints, leur nombre et, quand cela sera possible, sur leur état de fragmentation et le décor qu’ils portent, dans le but de comprendre si ce matériel peut, une fois sa fonction décorative achevée, avoir une nouvelle vie au sein d’un bâtiment.

Des remblais « invisibles »

5La première des deux « catégories » d’accumulations de matériaux de construction, les remblais artificiels mis en place pour niveler un terrain, consiste évidemment exclusivement en des dépôts qu’il n’est possible de voir que lors d’une fouille. Il est difficile de dresser un état précis de ce type de gisements, très fréquent sur l’intégralité du tissu urbain. Nous allons nous arrêter sur quelques exemples significatifs tels que l’édifice d’Eumachia, les thermes suburbains, la villa Imperiale, ainsi que le cas d’une boutique à porta Ercolano. Dans ces cas, les opérations de terrassement et de comblement ont eu lieu dans un temps assez restreint, dans le cadre d’un projet visant à assainir le terrain pour accueillir un autre édifice. Parfois, le matériel provient directement de la destruction d’édifices qui occupaient le terrain précédemment, dans d’autres, nous devons penser à un apport issu d’un autre espace.

6L’édifice d’Eumachia (VII 9, 1.67), bâti à l’époque augustéenne et fortement restauré après le tremblement de terre de 62/63, se dresse sur le côté oriental du forum2. Sa réalisation est le fruit de l’évergétisme de l’une des femmes les plus en vue de la Pompéi de l’époque, la prêtresse de Vénus Eumachia, fille de Lucius Eumachius qui, comme nous l’indique l’inscription de dédicace, réalisa l’édifice en son nom et en celui de son fils Marcus Numistrius Fronto, pour le dédier à la Concordia Augusta et à la Pietas3. La réalisation de l’édifice est fixée, avec quelques divergences parmi les chercheurs, entre la fin du I^er s. av. J.-C. et les toutes premières décennies du siècle suivant4. L’édifice, destiné au culte impérial, trouve en effet de claires inspirations dans les réalisations romaines et notamment dans le portique de Livie, inauguré en 7 av. J.-C. Il fait partie d’un projet plus ample de redéfinition de la place publique développé sur le côté oriental du forum, qui, initié à l’époque augustéenne, dura jusqu’aux dernières années de vie de Pompéi. Pour notre propos, il est intéressant de remarquer que la réalisation de ce programme impliqua, notamment au sud de la place, la nécessité d’aménager le terrain à l’arrière de l’actuel portique en créant ainsi une terrasse artificielle capable de combler le dénivelé existant entre la place du forum et la via dell’Abbondanza.

7En 1940, A. Maiuri réalisa une série de sondages dans le but de comprendre les phases de l’édifice dans le cadre d’une recherche qui visait à appréhender les effets du tremblement de terre de 62/63 sur les édifices de la ville5. Les opérations se déroulèrent sur environ un mois, entre le 18 novembre et le 20 décembre 1940, période durant laquelle vingt sondages furent exécutés en différents points de l’édifice6.

8Selon la reconstruction d’A. Maiuri, la fouille montra que des murs de terrassement furent construits à l’est et au sud, destinés à niveler le terrain entre le forum et le vicolo di Eumachia, qui présentent une différence de niveau d’environ 3,20 m. En façade, vers la place, au même moment, les anciennes boutiques du forum furent arasées et un portique fut réalisé ; vers l’est, des maisons préexistantes subirent le même sort. Les recherches d’A. Maiuri ont permis d’observer le remblai déployé sur une épaisseur maximale de 1,50 m. Le terrain était composé pour l’essentiel de gravats provenant d’édifices détruits qui occupaient auparavant la parcelle, tels que des fragments de pavements, de tuiles et d’enduits peints des I^er, II^e et III^e styles pompéiens, ainsi que des tessons d’amphores. Dans la partie centrale de l’édifice, vers le forum, le remblai atteignait une épaisseur de 2,50 m, et avait été réalisé en deux temps, selon A. Maiuri. Tout d’abord, le remblai le plus ancien, reposant directement sur le sol naturel, était composé de terrain noirâtre dans lequel avaient été jetés, notamment, des fragments de terres cuites architectoniques figurées provenant du forum triangulaire ; par la suite, une couche d’environ 0,50 m avait été ajoutée, pour la plupart formée par des matériaux de démolition sur lesquels le premier édifice d’Eumachia avait été bâti. En 79, l’édifice aurait encore été en travaux, suite aux dommages du tremblement de terre de 62/637.

9Nous avons eu recours aux journaux de fouilles car, pour certains sondages, ces documents s’attardent plus sur la description du remblai, au centre de nos intérêts actuels. Nous avons ainsi pu observer des différences entre la version publiée et les manuscrits : d’une part des différences mineures, telles que la numérotation des sondages (pl. II) ; d’autre part des lacunes gênantes dans les comptes rendus de fouilles. L’absence, dans les manuscrits, de références aux figurines en terre cuite et à ce deuxième remblai, pourtant si important dans la restitution des phases de construction de l’édifice est frappante. De la même manière, nous n’avons pas pu retrouver d’autres indications que celles renvoyant à des enduits de III^e style pompéien et non pas aux I^er et II^e styles, comme indiqué par A. Maiuri lors de la publication.

10Sans revenir ici sur le détail de cette fouille qui mériterait d’être reprise pour l’importance qu’elle revêt dans la compréhension des espaces limitrophes du forum, nous nous concentrerons sur la description synthétique des remblais telle qu’elle apparaît dans les archives.

11Dans les journaux de fouilles, lors des premiers sondages pratiqués à la base des murs reconstruits après le tremblement de terre, pour en vérifier les fondations, les remblais ne sont guère décrits. Ce n’est qu’à partir du sondage IV8, effectué dans le portique intérieur, à l’angle nord-est de la paroi en abside, à la verticale de la crypta, qu’ils sont mentionnés, avec une épaisseur de 0,40 m. Ils sont composés de matériaux provenant de démolitions, parmi lesquels des fragments d’enduit peint avec des motifs de III^e style, mélangés de manière incohérente avec d’autres éléments clairement résiduels, issus de la démolition de portions de murs en opus incertum, et avec des déchets de construction, probablement du nouvel édifice9. Dans le sondage VI, exécuté à l’intérieur du portique en correspondance de la petite abside méridionale, une situation semblable fut observée. Le remblai est en effet composé des mêmes matériaux peu compactés, comme dans les sondages VII, VIII et XI, même si la terre est ici prédominante10. Les sondages réalisés au centre de l’édifice, dans l’espace découvert, donnèrent les mêmes résultats avec la découverte, jusqu’à 1,50 m de profondeur, d’une épaisse couche de remblai dans lesquels sont mélangés de manière incohérente des déchets qui proviennent du travail de la pierre, probablement en lien avec la réalisation de l’édifice, et des fragments d’amphores. À partir de ces informations synthétiques, il semble donc que les différents déchets de construction n’ont pas été choisis mais jetés de manière désordonnée avec le seul but de créer la terrasse artificielle nécessaire à l’installation de l’édifice. Les fragments de décoration pourraient provenir de la destruction d’édifices qui occupaient au préalable la zone mais sans qu’il ne soit possible de l’affirmer, en raison du nombre réduit de vestiges relatifs aux édifices qui occupaient le secteur précédemment. Un autre exemple semblable à celui de l’édifice d’Eumachia est celui des thermes suburbains (pl. I.2). Ce bâtiment thermal, découvert à l’extérieur de la ville et complètement dégagé entre 1985 et 198811, a fait l’objet de sondages stratigraphiques voués à la compréhension de la morphologie du terrain qui l’accueille. Situé au nord de porta Marina, au pied des murailles, l’édifice est longé au sud par la via Marina dont la forte pente trahit la déclivité du terrain en ce point. Pour la réalisation des thermes, il fut donc indispensable de créer une terrasse artificielle, soutenue, vers l’ouest, par un mur en opus reticulatum12. L’observation du comblement, analysé à l’aide de deux sondages effectués dans l’emprise de la terrasse en avant des thermes, a fait pencher les archéologues pour une datation de cette construction aux premières années du I^er s. ap. J.-C.13.

12Le matériel, actuellement en cours d’étude par le personnel de la Surintendance de Pompéi, semble composé d’abondants fragments d’enduits peints, mélangés à des déblais de constructions et à de la terre. Comme dans le cas de l’édifice d’Eumachia, les enduits ne semblent donc pas avoir une fonction précise si ce n’est celle de servir de matériel de comblement pour réaliser la terrasse. Dans l’attente de l’analyse du matériel, il est fort probable que ces différents éléments proviennent d’un autre secteur de la ville. En effet, contrairement à l’édifice d’Eumachia, aucune construction antérieure n’est pour le moment attestée dans ce secteur. Pour la réalisation de la terrasse artificielle14, il a donc été nécessaire de recourir à l’apport d’une importante quantité de matériaux qui semble provenir de la démolition d’autres édifices.

13Un autre type de remblai, toujours effectué dans le cadre d’un projet unitaire visant à la redéfinition d’un secteur pour la réalisation de nouveaux édifices, est celui de la villa Imperiale, visible au sud de la via Marina, avant de franchir porta Marina. Découvert en ruine par A. Maiuri pendant les opérations d’enlèvement des cumuli borbonici15, cet édifice était destiné à être complètement détruit et englobé à l’intérieur d’horrea probablement encore en cours de construction au moment de l’éruption. Ces bâtiments de stockage auraient reposé sur les structures préalablement comblées de la villa Imperiale et, de façon plus générale, sur les bâtiments entre porta Marina et le temple de Vénus. Les structures visibles aujourd’hui sont le fruit des restaurations effectuées par A. Maiuri. En effet, lors de la fouille, toutes les pièces connues ainsi que le portique qui court parallèlement aux murailles de la ville ont été retrouvés encombrés de matériaux provenant des démolitions d’autres édifices.

14Comme pour les autres structures bâties dans le secteur sud-ouest de Pompéi, la villa Imperiale utilise les murailles de la ville comme substructions afin d’aménager des terrasses s’échelonnant vers la plaine. Les fouilles accomplies sur la terrasse, devant l’Antiquarium, ont permis à U. Pappalardo et M. Grimaldi de clarifier l’histoire de cet édifice dont l’abandon serait lié aux dommages subis pendant le tremblement de terre de 62/6316. Cette chronologie se fonde sur la convergence de plusieurs éléments. En premier lieu, les journaux de fouille de 1947, année durant laquelle la villa fut mise au jour, montrent un édifice en ruine et les pièces comblées par des parties écroulées des étages supérieures ainsi que par l’accumulation de matériaux créée sur un temps très long, selon U. Pappalardo et M. Grimaldi. En plus de cela, A. Maiuri souligna l’absence de recours aux tuiles pour construire les chaînes d’angle, technique communément associée aux réparations post-sismiques. La reprise de l’étude de l’édifice amena donc à confirmer la chronologie déjà proposée par V.M. Strocka, selon qui la villa aurait subi des réfections suite à des infiltrations d’eau provenant des citernes en amont de l’édifice, ce qui amena à son abandon définitif17. Ses murs furent par la suite utilisés comme substructions pour la réalisation des horrea, dont le chantier fut interrompu par l’éruption du Vésuve.

15Pour notre propos, il est intéressant de remarquer que, lors de la fouille, les pièces A, B et C (pl. III) furent retrouvées comblées par des matériaux de construction sur une épaisseur d’environ 3 m, jusqu’à la naissance de la voûte.

16Les rapports de fouilles décrivent la présence d’enduits peints mélangés de manière incohérente à des fragments de mortier tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’édifice, le long des murailles, où ils atteignent une épaisseur d’environ 1,30 m18.

17Les journaux de fouilles passent rapidement sur cette accumulation sans la détailler, elle fut rapidement enlevée pour remettre au jour les structures de la villa, sans aucune annotation. Le mois d’après, le travail continua et les fouilleurs décrivirent le même type de stratigraphie composée d’un mélange de déchets de construction, y compris des enduits19. La situation telle qu’elle s’observait dans la villa Imperiale ne manqua pas d’impressionner les fouilleurs. À partir du mois de juin 1947, les journaux de fouilles mettent en relation cette situation avec le tremblement de terre de 62/63. Les pièces de la villa auraient donc servi de dépôt pour entreposer les déchets provenant des édifices endommagés ou détruits lors de cet évènement. Un des éléments qui appuie cette théorie est notamment la présence dans les remblais de fragments de peinture de III^e style20. Ces fragments se transforment donc en indicateur chronologique pour les fouilleurs. Les opérations de fouilles continuèrent ainsi vers le sud et le sud-ouest en reprenant devant l’Antiquarium (donc à un niveau plus haut). En juillet, les fouilles des pièces A-C débutèrent (pl. III). Les descriptions des fouilleurs sont assez vagues en raison de la découverte des peintures de la pièce A qui attirèrent toute l’attention21. Les décombres qui remplissent la pièce, sur une hauteur d’environ 3 m, ne sont nommés que de manière marginale et appelés « detriti varii »22, décombres divers. En octobre, le travail reprit dans la villa et en novembre la pièce B fut dégagée23. Le comblement est encore décrit comme composé de débris provenant de la démolition d’édifices : portions de murs, de pavements et fragments d’enduits de III^e style en nombre assez important pour que soit envisagée une recomposition du décor.

18Le travail continua en décembre quand les ouvriers enlevèrent les décombres de la salle C, remplie de matériaux de démolition jusqu’à la voûte24. Une fois arrivés au niveau du pavement, les fouilleurs remarquèrent que le sol de la pièce était recouvert d’une couche de fragments de peintures déposés à plat, comme un véritable pavement. Comme dans les autres pièces, ces peintures appartiennent toutes au III^e style pompéien.

19La situation mise au jour dans la villa Imperiale, comme dans l’édifice d’Eumachia, montre clairement que les peintures en place – comme celles des parois de la villa – ou fragmentaires ne sont pas remployées mais abandonnées ou jetées dans le comblement des pièces. Si elles ne bénéficient pas d’une deuxième vie dans l’Antiquité, lors de leur redécouverte, elles deviennent des éléments chronologiquement significatifs. En dépit de cela, une ressemblance entre le cas de la villa Imperiale et l’exemple qui suit est à souligner.

20Nous voudrions en effet traiter d’un possible remploi des enduits en remblais, celui récemment mis au jour lors des fouilles encore en cours à porta Ercolano, dans les boutiques qui longent le côté septentrional de la via dei Sepolcri. Dans le cadre du projet « Porta Ercolano »25 qui vise à comprendre la manière dont les boutiques se sont installées entre la nécropole et la villa delle Colonne a mosaico, des sondages ont notamment été effectués à l’intérieur de la boutique n^o13, dans l’arrière-boutique où un four est installé (fig. 1). La stratigraphie de la pièce a été fortement perturbée par un sondage moderne non documenté pratiqué au centre de la pièce (probablement pendant les années 1960). Il semble également que l’ancien pavement a été détruit probablement à l’époque moderne, nous donnant la possibilité d’une fouille en profondeur. La stratigraphie, conservée in situ sur le tiers oriental de la pièce, montre différentes strates posées sur une couche de colluvionnement. Il est intéressant d’observer que les niveaux qui devaient certainement servir de base pour la pose du pavement sont le résultat du remploi de matériaux provenant de la destruction d’un édifice précédent. La fouille a en effet pu mettre au jour deux niveaux de préparation, l’un formé par des moellons, le deuxième par des fragments d’enduits peints. Posée directement sur le sol géologique, une couche de pierres de dimensions moyennes se laisse aisément identifier comme un niveau de moellons identiques à ceux utilisés pour des parements en opus incertum. L’observation des moellons, qui présentent tous un dégrossissement, a permis d’isoler les matériaux suivants : 34 % de lave ; 28 % de calcaire du Sarno ; 32 % de cruma et 6 % de tuf gris. Bien que nous ne possédions qu’une partie du matériel utilisé pour la réalisation de ce remblai, il semble probable qu’il résulte de la destruction et de la récupération des moellons constituant un mur. La fonction de cette couche est certainement celle d’assurer un isolement entre le sédiment naturel et le niveau du sol qui devait être aménagé environ 0,40 m au-dessus. Cet empierrement était séparé du niveau du sol par un niveau exclusivement constitué de fragments d’enduits peints (pl. V.1). Ce dernier, qui devait s’étendre sur toute la superficie de la pièce, est intentionnellement posé pour régulariser la surface entre le sol et le remblai de moellons.

21La ressemblance entre cet exemple et le dernier niveau de remblai que nous avons pu décrire pour la villa Imperiale, est frappante ; malheureusement, les données à notre disposition ne nous permettent pas d’en comprendre les raisons. Dans les deux cas, les fragments d’enduit sont en effet posés à plat, avec la partie peinte, au moins dans la boutique 13, tournée vers le bas. Comme pour les pierres utilisées dans la couche inférieure, il est assez probable que ce matériel ait fait partie d’un seul édifice et qu’il ait été remployé ici comme matériel de construction.

22Dans les premiers cas analysés, l’édifice d’Eumachia, les thermes suburbains et la partie supérieure du remblai de la villa Imperiale, les déblais de démolition comblaient de manière incohérente des espaces. Dans le cas de la boutique n^o13 le long de via dei Sepolcri, les enduits, comme les moellons, sont utilisés de manière raisonnée en fonction de leurs caractéristiques mécaniques et disposés selon une stratigraphie simple mais méthodique qui vise à préparer la mise en place du pavement fini26. Si nous pouvons donc lire une intention claire derrière cette opération, il est difficile pour l’instant de comprendre la provenance de ce matériel. Il n’est pas impossible qu’il ait été récupéré dans les environs immédiats. Il semble en effet que les boutiques ont subi une phase de grande reconstruction mais les données à notre disposition ne permettent pas pour l’instant de comprendre si, avant leur construction, d’autres édifices occupaient cet espace. Il est ainsi impossible de dire si les enduits et les moellons utilisés dans la boutique 13 proviennent de ce même secteur de la ville, ou s’ils ont été transportés depuis une autre origine.

23Cela nous amène à la deuxième partie de ces réflexions sur le remploi et la gestion des enduits peints en position secondaire, celui des décharges urbaines.

Des tas de déchets visibles

24À Pompéi, il est possible d’isoler, sur des critères topographiques, deux types de décharges : les tas de déchets à l’intérieur du périmètre urbain et ceux qui se trouvent à l’extérieur de la ville, le long des murailles. Cette distinction se justifie par rapport au mode de formation et probablement à la « nature » de ces dépôts. Il nous semble en effet que les grandes décharges, situées en dehors des murailles, et les dépôts plus réduits de déchets, à l’intérieur de la ville, renvoient à des pratiques différentes sur lesquelles nous ne pouvons ici que lancer des pistes de réflexions.

25Ces décharges à ciel ouvert, qu’elles soient à l’intérieur ou à l’extérieur du périmètre urbain, se caractérisent par leurs dimensions. Certaines accumulations atteignent en effet des proportions assez considérables à l’échelle de la ville et leur présence constituait certainement un élément du paysage urbain pour les habitants. Une première cartographie de ces dépôts nous a permis de reconnaître huit espaces de décharge à l’intérieur de la ville, alors qu’à l’extérieur, toutes les portes de ville et segments de murailles qui ont été dégagés montrent d’importantes accumulations de déchets (fig. 2)27. Parmi ces espaces de décharge, trois attirent notre attention : les édifices I 6, 13-14, VII 11, 16-17 et la décharge dans l’édifice IX 3, 21-22 (fig. 2).

26La première maison, I 6, 13-14, fut retrouvée en ruine, abandonnée avant l’éruption28. Cette interprétation est possible notamment en raison de l’état de conservation des parois mais surtout en raison du fait que toute la zone de l’atrium et les pièces aux alentours étaient comblées sur environ 1,50 m de matériel provenant de démolitions et de tas de sable. Les fouilleurs en conclurent que l’édifice était utilisé comme dépôt de matériaux de construction. La maison fut vidée de tous les déchets, sommairement décrits par A. Maiuri ; parmi eux fut découvert un groupe de monnaies qui amenèrent ce dernier à interpréter cette situation de stockage comme une conséquence du tremblement de terre de 62/63 ap. J.-C.29

27Les rapports de fouilles permettent d’ajouter quelques éléments30. L’ensemble de l’édifice était rempli de décombres, décrits comme matériel de construction31. Si les descriptions ne sont pas très explicites, très peu d’objets sont retrouvés, tandis que des fragments de tuiles semblent avoir été trouvés en abondance. Mis à part ce matériel, seul le tas de sable apparaît dans les descriptions ; aucune indication n’est donnée quant à la présence de fragments d’enduits. L’édifice semble à l’abandon depuis un temps assez long, comme en témoigne l’état des structures. Le récit de fouille montre en effet que l’étage avait été démoli, en condamnant l’escalier qui y menait32. De la même manière, la porte de la pièce en façade, l’ancienne boutique 3, était bouchée et la pièce comblée de matériel de démolition pour lequel nous ne possédons pas de description détaillée.

28Il est impossible de dire si l’édifice était dans cet état à cause du tremblement de terre comme le voudrait A. Maiuri33, mais il reste évident qu’il devait servir comme dépôt de matériel de construction. Ce fait est confirmé, à notre sens, par le faible nombre d’objets retrouvés lors de la fouille (entre 25 et 30)34. Il est cependant impossible, en l’état de nos connaissances, de savoir s’il s’agit d’un dépôt privé ou public. L’absence de fragments d’enduits dans ce contexte semble indiquer que ces derniers ne devaient pas être prévus pour le remploi.

29Deux autres dépôts peuvent être rapprochés de ce type de décharge : ceux des îlots VII 11 et IX 3. La première décharge, décrite par Giuseppe Fiorelli et située à l’angle sud-oriental de l’îlot VII 11, a été dégagée en 186235. Malheureusement, nous ne conservons pas d’autres descriptions que celle du fouilleur, qui évoque brièvement un espace résultant de la destruction de deux boutiques et de leurs dépendances, dans lequel les gravats de démolition étaient entassés. Les rapports de fouille sont complètement muets au sujet du type de matériel qui était stocké ici. Une situation très proche de celle de l’îlot VII 11 est observée au sud des thermes centraux, dans l’angle nord-oriental de l’îlot IX 3 (fig. 2). Contrairement à la décharge précédente, le dépôt de matériel en IX 3, 21-22 n’a pas été fouillé lors du dégagement de l’îlot36. G. Fiorelli décrit simplement cette partie de l’îlot comme un lieu accueillant des déblais de construction, sous lesquels étaient ensevelis les tronçons de murs d’anciens édifices37.

30Si nous ne pouvons pas suivre précisément la composition de ces décharges en ville, l’exemple de la maison I 6, 13 nous invite à prendre en considération la possibilité qu’à l’intérieur de la ville des espaces étaient transformés en zones de stockage des matériaux de construction dans lesquels seuls les éléments directement récupérables étaient conservés. Il demeure difficile de dire s’ils étaient destinés à un possible commerce. Un exemple de ces pratiques est expressément manifesté dans une inscription retrouvée le long de la via dell’abbondanza (CIL IV 7124), dans laquelle est proposée la vente de tuiles usagées38. Il serait tentant de faire le rapprochement entre cette inscription et la situation découverte dans la maison I 6, 13-14 mais la description de la fouille fait penser à une aire d’accumulation de matériaux plus qu’à un véritable marché d’éléments usagés. La quantité et la disposition des matériaux dans l’espace de la maison, ainsi que l’état de structures nous portent à écarter la possibilité que ces matériaux étaient en attente d’être remployés au sein de l’édifice dans le cadre de travaux de restauration.

31Des dépôts bien plus importants en quantité et en extension ont été découverts le long des murailles à l’extérieur de la ville (fig. 2). La plus importante décharge actuellement connue s’étend en effet sans solution de continuité entre porta Ercolano et porta Vesuvio. Nous la connaissons grâce aux fouilles qui ont mis au jour de manière partielle les amas de déchets. Ces travaux ont eu lieu à deux moments distincts : tout d’abord à porta Vesuvio au début du xx^e s., puis, quelques années plus tard, à partir de porta Ercolano.

32Le secteur de porta Vesuvio fut fouillé à partir de 1902 et de façon discontinue jusqu’en 1910, quand l’accès à la ville et la partie de la nécropole aujourd’hui visible furent complètement dégagés39. Ces opérations mirent au jour une situation assez chaotique, au niveau de la porte, mais aussi dans la nécropole. Une importante zone de décharge recouvrant tout ou partie des différentes sépultures fut en effet observée. Malheureusement très peu documentée, cette décharge fut partiellement fouillée entre les murailles et une dizaine de mètres à l’arrière des monuments de C. Vestorius Priscus (PV J) et de M. Veius Marcellus (PV I), correspondant à l’actuelle limite de dégagement. Les déchets accumulés remplissaient complètement l’intérieur du tombeau de M. Veius Marcellus (PV I), partiellement celui de Vestorius Priscus (PV J) et les espaces interstitiels entre ces deux tombeaux. La base de la schola d’Arellia Tertulla (PV K), que les fouilleurs découvrirent très endommagée, avec une des inscriptions dédicatoires en fragments (l’autre ayant disparu), était occultée par des tas de déchets qui en couvraient la partie basse. À l’arrière, l’amas mesurait 7 m de hauteur à partir du niveau de circulation antique, comme cela est bien visible sur une photographie prise à l’époque de la fouille (pl. IV.1)40. Une situation similaire fut rencontrée sur le côté oriental de la voie qui sort de la ville. De nombreux tas de déchets étaient en effet déposés tout au long de la route, s’appuyant contre un mur qui bornait probablement une propriété privée. Sous les dépôts, fut également mis au jour l’un des exemplaires de l’inscription rappelant le travail du tribun T. Suedius Clemens (fig. 3, a) qui, sous le règne de Vespasien, à partir de 74, fut chargé de remettre de l’ordre dans le cadastre de l’empire41.

33Les journaux de fouille ne décrivent pas dans les détails la composition de cette décharge, se limitant à définir comme « rottami », décombres, le matériel découvert. À partir de 1908- 1910, quand la nécropole fut fouillée, des centaines d’objets furent inventoriés42. Parmi ceux-ci, outre la céramique, les fragments de terres cuites architecturales et les objets métalliques, de nombreuses monnaies donnent un arc chronologique entre la République et les années 70 ap. J.-C. Malheureusement, seuls les objets manufacturés sont décrits, alors que les autres éléments de comblement ne sont guère qu’évoqués.

34Quelques années plus tard, à quelques mètres de là, à porta Ercolano, le dégagement de cet amas fut repris : A. Maiuri exécuta en 1933 des fouilles le long des murailles au nord de la ville dans le but de mettre en communication la porta Vesuvio et la porta Ercolano, en lien avec son grand projet de dégagement des fortifications43. Les opérations accomplies entre le mois de mai 1933 et le mois de novembre 1934, visaient à mettre au jour la route longeant l’extérieur des murailles et à mettre en valeur les fortifications de la ville. Les fouilleurs durent enlever une importante quantité de terres moderne et antique pour pouvoir atteindre le niveau de la route. En effet, outre une couche de terre moderne et de stratification éruptive, les fouilleurs rencontrèrent des tas de déchets tout au long du rempart. Cette stratification, dont l’épaisseur variait entre 1,50 m et 3 m, fut explorée jusqu’à se raccorder à la précédente fouille autour de porta Vesuvio. Il est donc évident qu’il s’agissait d’une seule et importante décharge qui venait s’appuyer contre les murailles et bloquait la route entre les deux portes (pl. IV.2). Comme à porta Vesuvio, les terres de la décharge couvraient les tombeaux situés à proximité de porta Ercolano, en particulier l’espace se développant entre le tombeau de T. Terentius Felix Maior (PEN 2) et le tombeau « delle Ghirlande » (PEN 6).

35Les rapports de fouilles ne nous livrent pas de description précise de cet amas de déchets. En effet, les opérations sont menées assez rapidement et seuls les objets en métal, os ou céramique sont enregistrés. Aucune mention n’est faite de la matrice de la décharge, cette terre qui devait constituer la majeure partie de l’accumulation. En effet, sans pouvoir nous attarder sur les différents objets retrouvés, il nous semble significatif que, sur environ 15000 m³ de décharge fouillés, seuls quelques dizaines d’objets soient enregistrés, alors que souvent il est fait allusion à des amas d’amphores ou autres. On doit donc supposer qu’un nombre élevé d’éléments n’a pas dû être enregistré. Sur l’ensemble de la durée du dégagement, les rapports de fouille ne soulignent la découverte de fragments d’enduits peints décorés avec des motifs des quatre styles pompéiens qu’en cinq occasions (5 jours)44. Quant aux autres éléments, tels que des fragments de pavement, ils ne sont mentionnés que très rarement. Ces fouilles furent décrites de manière très sommaire par A. Maiuri dans son ouvrage consacré à la dernière phase de construction de Pompéi : il interpréta ces déchets comme le résultat de l’accumulation des décombres évacués en dehors de la ville après le tremblement de terre de 62/63 pour aménager l’espace utile à la reconstruction de la ville. Selon lui, la confirmation de cette hypothèse viendrait notamment du fait que la plupart des enduits jetés dans cette décharge, appartiendraient aux I^er, II^e et III^e styles, issus donc d’anciens édifices détruits par le séisme. L’absence de matériaux de constructions, tels que des moellons et, en général, des portions de murs, serait à attribuer, toujours selon A. Maiuri, au fait que ce type de matériaux étaient systématiquement remployés.

36En dépit du caractère partiel des descriptions offertes par les journaux de fouilles, il nous semble évident qu’entre porta Ercolano et porta Vesuvio, nous sommes en présence d’une seule vaste décharge. Cette importante masse de déchets, dont nous connaissons seulement la partie fouillée (elle s’étend en effet au nord sous la partie non encore dégagée, vers la campagne), présente des caractères différents de ceux des tas de déchets que nous avons pu observer à l’intérieur de la ville (notamment celui de la maison I 6, 13-14) ou des situations de remblais comme dans l’édifice d’Eumachia, les thermes suburbains ou bien la villa Imperiale. En effet, contrairement à ces autres dépôts, des objets de la vie quotidienne ont ici été découverts et s’imposent par leur nombre (du moins à porta Vesuvio). Bien que la documentation à notre disposition ne soit pas précise à leur égard, les enduits peints sont également présents alors que les matériaux de construction « lourds », tels que les moellons, ne sont pas attestés. Il est évident que ces derniers faisaient le plus souvent l’objet de récupération pour être remployés dans d’autres bâtiments, comme l’a suggéré A. Maiuri45 ; mais il est également vrai que ces matériaux sont souvent négligés par les fouilleurs.

37Pour revenir aux enduits peints, ils sont ici utilisés par A. Maiuri pour dater la décharge et la mettre en relation avec les activités de reconstruction qui ont eu lieu après le tremblement de terre de 62/63 ap. J.-C.. Il est en effet symptomatique que la seule mention de ces fouilles soit faite dans le cadre de L’ultima fase edilizia di Pompei. Sans entrer dans le détail de ce texte, qui demeure encore un point de référence pour les études sur le tremblement de terre qui frappa la ville en 62/63 ap. J.-C., nous savons aujourd’hui que d’autres événements telluriques ont dû se dérouler lors des dernières années de vie de Pompéi avant l’éruption du Vésuve46. D’un point de vue chronologique, s’il est impossible de déterminer le moment où ce secteur fut destiné à servir de décharge, il est en revanche possible d’établir des points de repères pour son développement, donnés par la datation des monuments funéraires ensevelis sous les déchets. À porta Vesuvio, par exemple, la décharge est certainement postérieure à l’édification de la tombe de C. Vestorius Priscus (PV J) personnage qui, selon l’étude de P. Castrén, fut candidat à l’édilité probablement pour l’année 75/76 et qui mourut sans doute en charge à l’âge de 22 ans (fig. 3)47. De l’autre côté de la voie, l’inscription mentionnant le travail du tribun T. Suedius Clemens a également été retrouvée ensevelie sous les déchets. Cela nous confirme donc que, jusqu’aux derniers années de la colonie, cette décharge était fréquentée et servait à accueillir toutes sortes de matériaux rejeté par la ville.

38La position de cette décharge et l’hétérogénéité du matériel qu’elle contient nous invitent en effet à la dissocier des évènements sismiques subis par Pompéi ou, mieux, à ne pas établir un rapport de cause à effet entre ces deux éléments. Les différentes décharges découvertes le long de murailles (fig. 2)48 sont, de fait, à comparer à la situation observée dans d’autres villes romaines. Le rapprochement avec des situations perçues par exemple à Lyon49, Nîmes50 ou encore Autun51 nous permet d’exclure l’hypothèse que la situation pompéienne soit la seule conséquence de catastrophes naturelles majeures, et de faire entrer la petite ville campanienne dans un discours commun sur la gestion des déchets urbains (fig. 4). Dans ce contexte, la présence d’enduits peints dans des décharges doit être comprise comme une nécessité de se débarrasser d’un élément qu’on ne remployait pas systématiquement.

Conclusion

39Pour conclure, le cadre que nous avons pu dessiner souffre clairement d’un manque d’études dédiées aux différents contextes de décharges, sujet qui n’a soulevé d’intérêt que récemment. Dans les exemples que nous avons pu voir, les enduits peints apparaissent le plus souvent mélangés à d’autres déchets, débris de construction ou objets jetés au rebut, dans des situations qu’il est difficile d’évaluer. Ceci est appréciable dans le cas des remblais, comme dans l’édifice d’Eumachia, où, bien que très présents dans la stratification archéologique, les enduits peints sont mélangés à des moellons et à d’autres déchets.

40Dans le cas de la villa Imperiale, les enduits retrouvés à plat sur le sol ne semblent pas trouver de sens précis dans le contexte général de l’édifice. En effet, cette couche était recouverte par une stratification chaotique de fragments de pavements, de murs et d’autres enduits. Cette disposition singulière ne saurait relever que de la fantaisie des ouvriers. En revanche, la situation analogue de l’arrière-boutique 13, sur via dei Sepolcri parle en faveur d’un emploi raisonné des enduits qui sont posés à plat pour assurer une couche intermédiaire entre la préparation du sol (des moellons en remploi) et le véritable sol. Un remploi des enduits peints dans le chantier de construction, à des fins précises, est donc attesté, mais il demeure très ponctuel à Pompéi.

41Le fait que les enduits en position secondaire soient systématiquement trouvés séparés du corps du mur permet de parler d’un tri opéré volontairement. Avant d’avoir été jetés, les enduits sont séparés de la structure portante du mur qui a pu être en partie récupérée. Ainsi, dans l’édifice I 6, 13-14 dont l’atrium était destiné au stockage ou à l’accumulation de matériel de construction (principalement des tuiles), les rares objets étrangers au dépôt ne nous semblent pas suffisants pour mettre en discussion l’intentionnalité de cet ensemble. Dans ce contexte, les enduits peints sont complètement exclus.

42Soulignons que, dans aucun des cas analysés, l’enduit peint n’a fait l’objet d’un tri sélectif pour être stocké en vue d’un remploi. Dans les exemples que nous avons observés, la présence de fragments d’enduits peints en remploi ne semble pas répondre à des propriétés structurelles intrinsèques au matériel. En d’autres termes, ils apparaissent mélangés à d’autres matériaux sans que cela ne puisse nous faire penser à une deuxième fonction qu’ils auraient pu avoir. Le cas de l’arrière-boutique de la via dei Sepolcri fait à cet égard figure d’exception.

43Souvent les anciennes surfaces peintes, lors d’une re-décoration, étaient laissées sur les murs et piquetées pour accueillir un nouveau décor. Cela s’explique peut-être par l’intérêt mineur porté à ces matériaux pour le remploi. Cette pratique aurait également permis de ne pas encombrer les décharges qui peuplent l’immédiate périphérie de la ville.

44Enfin, les quelques réflexions que nous avons pu proposer sur les décharges ne permettent pas de dresser une vision unitaire sur la gestion des déchets urbains. Cela tient pour partie à l’intérêt limité porté à ce type d’accumulations par le passé. En dépit de cela, c’est notamment lors de ces anciennes fouilles que l’enduit peint a connu une florissante deuxième vie, notamment grâce A. Maiuri. À l’occasion de ses travaux sur les effets de tremblement de terre de 62/63, ce dernier a en effet utilisé les fragments d’enduits peints comme marqueur chronologique permettant d’appuyer ses théories sur la difficulté de la reprise de la vie à Pompéi après la catastrophe. Les recherches récentes et le parallèle entre Pompéi et les expériences d’autres villes romaines invitent aujourd’hui à nuancer ces résultats, pour se désencombrer des effets du séisme de 62/63.

45Sandra Zanella

Annexe Transcription des journaux de fouille

Édifice d’Eumachia (VII 9, 1.67)

461. [GSP A VI 8, p. 555] […] Saggio IV […] Nel corso del lavoro si rimuovono, commisti a terreno di riporto e di demolizione, frammenti di stucco con motivi decorativi del 3° stile, scheggie di anfore vinarie di terracotta (anepigrafe) pietre varie di calcare e di tufo nocerino e tagliume di marmo e di travertino, nonché grumi di malta e nuclei di strutture incerte ancora legati da ottima malta. […].

472. [p. 556] […] Saggio VI […] Si rimuovono prima terreno mal costipato di natura mista e poi frammenti di stucco (del 3° stile) pietre di calcare e tufo, pezzi di marmo, scheggie varie di travertino e grumi vari di vecchie murature più o meno legate da malta cementizia dura. […] Saggio VII […] Si esegue un taglio di m. 3.50 x 0.60 x 0.50 di profondità rimuovendo terreno di riporto mal costipato, nel quale vi sono soltanto pochi materiali di detriti vari, e si rimette a giorno una parte della fondazione fino alla quota di m. 0.40 […].

483. [p. 557] […] Saggio VIII […] Nel primo cavo, di m. 2 x 0.50 x 0.60 di profondità, si rimuove terreno di riempimento e di demolizione con detriti vari e si mette a luce la fondazione in opera a sacco dell’ultima fase […].

494. [p. 558] […] Saggio XI […] Il taglio viene condotto fino alla profondità di m. 0.50 dal piano attuale senza incontrare elementi struttivi. Il materiale rimosso è costituito da terreno di demolizione e di riporto nel quale si riconoscono frammenti di stucco, spezzami di mattoni di tegole e detriti vari. […] [p. 559] […] Saggio XVI […] Si allarga il cavo in estensione verso sud e in profondità fino a m. 1.50 dal piano attuale rimuovendo soltanto materiale di demolizione e di riporto nel quale si notano scheggioni di lava, di calcare, di travertino e di tufo, commisti ai quali vi sono molti frammenti di cocci di anfore vinarie, mattoni di tegole e frammenti di travertino. […] esplorazione della grande fossa da calce […] si elimina man mano il contenuto della fossa il quale è composto, come si è osservato negli altri saggi, da materiali di demolizione e di riempimento. Vi sono, commisti a terreno misto con prevalenza di frantumi duri di vecchia malta, pietra di calcare, di tufo, di lava vulcanica dura, mattoni di tegle, frammenti di stucco grezzo e dipinto, cocci di terracotta rossiccia appartenenti a frantumi di anfore vinari e di brocche, e schegge varie di marmo bianco e travertino.

Villa Imperiale

505. [GSP A VI 10, p. 18] […] Prosegue il disterro del materiale eruttivo nell’area dell’ambiente all’altezza dello zoccolo, dove incomincia a distinguersi uno strato di terreno di riporto misto a detriti di malta e frammenti sporadici di stucco dipinto che dovette essere ivi depositato in uno strato uniforme prima della catastrofe dell’anno 79 poiché si presenta compatto in uno strato uniforme al disotto dello strato di lapillo.

516. [p. 45 (14/05/1947)] […] Si è notato che il materiale di demolizione è costituito [da] frantumi d’intonaco dipinto nel 3° e 4° stile, il quale risulta mischiato con grumi di vecchie malte, pietrisco vario e pezzi di pavimentazione in tessellato. […].

527. [p. 46 (20/05/1947)] […] Proseguendo il disterro nel settore nord del portico indicato ieri si è messo a luce un altro tratto del muro di fondo di esso con una buone parte dello stilobate antistante eliminando dall’area materiali di demolizione e di deposito formato da detriti vari commisti a terreno nel quale si rinvengono qua e là frammenti d’intonaco di 3° stile […].

538. [p. 54 (1/06/1947)] […] Il quale terreno è costituito da sfaso di malte col quale sono commisti pietrisco vario con grumi di malta e frammenti di stucchi parietali del 3° e del 4° stile […].

549. [p. 55 (18/06/1947)] […] Si elimina materiale eruttivo del 79 e di scarico del 63, costituito questi da detriti vari di murature commisti a grumi di malta e paramenti vari d’intonachi vari di 3° stile […].

5510. [p. 87 (1/10/1947)] […] si sgomberano materiale di demolizione del 63 costituito per lo più da elementi di malta frammenti vari di stucco parietale di 3° stile, il tutto misto a terra di demolizione […].

5611. [p. 102 (27/11/1947)] […] La squadra di sterratori è stata accentrata nell’area dell’ambiente a fondo rosso situato a sud del grande salone per liberarlo dalle terre e materiali di demolizioni che l’ingombrano in previsione del restauro del settore. Si eliminano calcinacci, pezzi di pavimentazione di signino fra i quali vi sono blocchi di calcare sarnense, pezzi di strutture di opera incerta e frammenti di stucco decorato con motivi policromi del 3° stile. Questi con l’impiego di uno specialista della nostra Amministrazione vengono raccolti uno per uno nella speranza che a lavoro compiuto se ne possa ricomporre una buona parte. Nel corso dello sgombro si osserva che in questo settore N. E. dell’ambiente è residuata in ottime condizioni l’antica pavimentazione di tessellato. Giorno 8. Con l’istessa squadra è continuato il disterro nello stesso ambiente e lungo il residuo di muratura del lato est ; dove si eliminano lo stesso materiale di demolizione del periodo post 63 commisti a materiale eruttivo del 79. Anche qui vengono raccolti vari frammenti di stucco decorati nel 3° stile […].

5712. [p. 118 (10/12/1947)] […] Quest’oggi è terminato il disterro del grande ambiente attiguo al salone A portando a compimento tutto il suo perimetro insieme con l’area interna la quale è risultata pavimentata con frammenti vari di stucco parietale a fondo bianco e a fondo rosso vivo con i quali erano commisti frammenti di un quadro dipinto con motivi guerreschi, in quanto vi si notano figure di guerrieri a piedi e a cavallo in costume a colori policromi […].

Édifice I 6, 13-14

5813. [A VI 6, 1927, p. 470 (10/02/1927)] […] I lavori di scavo continuano nel liberare l’atrio ed i cubicoli adiacenti della casa N° 13 dal materiale eruttivo. Si è constatato che l’atrio, al quale si è dato il N° 5 in pianta, per l’altezza di circa met. 1.50 è pieno di frammenti di materiale edilizio ivi [p. 471] depositati dagli antichi stessi. E poiché tali frammenti sono stati ricoperti da materiale eruttivo vergine, risulta che la [casa] in esplorazione forse era stata abbandonata dagli antichi stessi dopo il terremoto del 63 e dai proprietari adibita quale deposito di materiale edilizio, proveniente da qualche casa adiacente in ricostruzione. [12/02/1927] Nella parete orientale dell’atrio di detta casa N° 13, fra il materiale edilizio di cui sopra, si sono rinvenuti : Vetro. Due unguentari di forma cilindrica, rastremati in alto, mancanti del collo. Altezza m/m 70 ciascuno. N° della libretta 3838. Bronzo. Una moneta di modulo medio. N° della libretta 3839. Terracotta. Frammenti di grondaie, decorati con rilievi e bassorilievi lasciati sul posto. [15/02/1927] […] Nell’ambiente N° 5, atrio, a met. 0.50 dal pavimento, fra i frammenti di materiale edilizio, ivi depositato dagli antichi, si sono rinvenuti : Bronzo. Basettina circolare, leggermente modananta ; misura met. 0.035x0.012. Nella libretta 3840. Bronzo. Testina di una borchia e un frammento di ago. [17/02/1927] […] Nell’ambiente N° 5, atrio, a circa met. 0.50, si sono rinvenuti i seguenti oggetti : Bronzo. Due monete di modulo medio. N° della libretta 3841. Osso. Lastrina rettangolare, rotta in due parti, con rudimentale modanatura. Misura m. 0.06 x 0.034. N° della libretta 3842.

5914. [p. 472 (19/02/1927)] […] Nell’atrio, fra i frammenti di laterizio, ivi depositati dagli antichi, è stato raccolto : Bronzo. Due monete di modulo grande. N° della libretta 3843. Vetro. Un unguentario piriforme molto allungato ; alto m/m 418 N° della libretta 3844. Terracotta rossiccia a vernice nera. Lucerna coniforme a basso pieduccio, mancante del manico e di parte del rostro. Lung. m/m 75, alt. m/m 30. N° della libretta 3849.

6015. [p. 475 (3/03/1927)] […] nell’ambiente 3, fra i frammenti di materiale edilizio ivi depositato dagli antichi stessi, si sono rinvenuti i seguenti oggetti : Vetro. Due unguentari piriformi, uno alto m/m 75, l’altro m/m 70. N° della libretta 3850. Bronzo. Due monete di modulo piccolo. N° della libretta 3851. Osso. Un punteruolo lungo m/m 8 N° della libretta 3852. [04/03/1927] […] nell’ambiente N° 3, fra i rottami, si sono racoclti : Vetro. Frammenti di un bicchiere con scanalature verticali. Terra aretina. Frammenti di una coppa con decorazioni floreali in bassorilievo. [08/03/1927] […] nell’ambiente N° 6, a circa un metro dal pavimento si è rinvenuto : Bronzo. Una moneta di modulo medio. N° della libretta 3853.

6116. [p. 476 (09/03/1929)] Nell’ambiente N° 6, fra i frammenti di laterizii si sono rinvenuti : Bronzo. Due borchie, una di diam m/m 50, l’altra diam. m/m 45. N° della libretta 3854. Idem. Manico di un cucchiaio di forma cilindrica, rastremato in un lato, lungo m/m 113. [12/03/1927] […] Sul pavimento dell’ambiente N° 6 si sono rinvenute : Bronzo. Due monete di modulo medio N° della libretta 3855. Idem una borchia de diam di m/m 35. [06/03/1927] […] In detto ambiente [8], che misura met. 3x2.4, è stato trovato un grosso mucchio di sabbia, preparata dagli antichi per i restauri della casa.

6217. [p. 477 (17/03/1927)] […] nell’angolo Nord-ovest [10] si è trovato un mucchio di calcina bianca che gli antichi avevano preparato per i restauri della casa. […] [22/03/1927] […] l’ambiente N° 12, completamente disadorno, è una scalinata abolita dagli antichi.

6318. [p. 478 (25/03/1927)] […] Nell’ambiente N° 16, fra i rottami edilizi, è stato raccolto : Osso. Due punteruoli ; uno lungo m/m 145, l’altro m/m 85. N° della libretta 3859. Terracotta. Anforetta o vaso per giocare a dadi, a forma di campanella, con la estremità superiore sporgente. Altezza m/m 135. Terracotta. Palmetta rotta in un angolo.

6419. [p. 479 (30/03/1927)] […] Nell’ambiente 16, infra i rottami, e stato rinvenuto : Terracotta. Frammenti di rilievo in lastra di terracotta dipinta in rosso, in cui vedesi la parte media di una figura virile (altezza del frammento m. 0.22) tutta nuda, tranne un mantello gettato sulle spalle e in parte avvolto intorno al braccio sinistro piegato al gomito, e sull’atto di elevare il braccio destro. N° della libretta 3861. Distrutto dalle bombe […].

Décharge au nord des murailles

6520. [A VI 7, p. 348 (2/06/1933)] […] Fra i materiali dello scarico antico si sono raccolti frammenti di stucco di 3° e 4° stile […].

6621. [p. 363 (7/08/1933)] […] sgombrando le terre dello scarico antico frammiste a frammenti parietali di 1° e 2° stile […].

6722 [p. 264 (10/08/1933)] […] Notevoli stucchi affrescati di 2° e 3° stile […].

6823. [p. 402 (30/12/1933)] […] rottami varii di vasi ordinari di terracotta e stucchi diversi, di essi se ne raccoglie qualcuno di 2° e 3° stile […]. 24. [p. 408 (1/01/1934)] […] Notevoli stucchi di ottima tecnica si raccolgono tra i materiali di rifiuto, in particolare di decorazione parietale di terzo e quarto stile ; pochissimi appartenenti a soffitti […].