Les anciens combattants du Risorgimento
Une fraternité à l’épreuve de l’association
p. 291-312
Résumé
Les cadres d’interprétation de la nation, de la patrie – et ici plus spécifiquement le cadre « familial » – peuvent-ils déterminer des formes d’organisation politique spécifiques. À l’époque qui nous intéresse, celle de l’Italie risorgimentale, puis libérale, la structuration en parti politique reste faible. Toutefois, on peut repérer des formes d’organisations prépolitiques, puis politiques dans d’abord les organisations de secours aux exilés mais aussi dans les associations d’anciens combattants, mieux connues. Cette contribution s’arrête sur ces associations, lieu donc de « fermeture », de circonscription de la fraternité à des valeurs, des règles, des objectifs, mais des associations dont le but était, au départ, celui de combattre fraternellement pour la patrie.
Ainsi, l’étude des associations d’anciens combattants des guerres du Risorgimento permet de confronter une idée, un cadre sous-jacent à leur fondation, la fraternité, et les mises en œuvre organisationnelles qui en découlent. La fraternité invoquée et recherchée par ces associations n’est cependant pas toujours la même : consolidation d’une fraternité préexistante aux luttes, consolidation d’une fraternité éprouvée au combat ou construction d’une fraternité à venir, les nuances existent. Dans la très grande majorité, la fraternité ne se traduit pas par égalité. La hiérarchie interne est forte, marquée par l’antériorité, l’expérience du combat, mais aussi par les différences économiques. Cette hiérarchie des frères découle à la fois des modèles des luttes comme la franc-maçonnerie, du modèle militaire auquel se rapportent ces associations, mais nous rappelle surtout que dans la péninsule, au XIXe siècle, les frères ne sont pas égaux au sein de la famille. Ainsi, la fraternité universelle, de l’égalité, que ce soit la fraternité catholique ou républicaine est très éloignée de l’expérience commune.
Texte intégral
1À la vision relativement homogène de la communauté des frères qui a nourri le projet ANR Fraternité, un certain nombre de nuances ont d’ores et déjà été apportées dans les colloques précédents, que ce soit la grande polysémie de la fraternité, ou encore les valeurs différentes et parfois opposées qui s’y investissent.
2On l’a dit, notre réflexion s’est appuyée sur les propositions d’Alberto M. Banti, qui voit dans la famille une des figures profondes du discours risorgimental, et dont la prégnance et l’enracinement social rendent possible la mobilisation. La famille serait donc le lieu organique des solidarités, mais aussi des divisions. D’ailleurs il est assez frappant que durant ces trois années aient été mis en évidence, souvent, davantage les lacérations que les rassemblements. C’est particulièrement clair dans cette rencontre.
3Second point, la fraternité, lieu de la solidarité, du lien indissoluble et du (théorique) élargissement de la notion de frère à l’ensemble de l’humanité, la « fraternité universelle » brièvement rêvée par la Révolution française, après la fraternité universelle du catholicisme se révèle, presque ontologiquement, autant une promesse d’élargissement sans fin, que celle d’une inéluctable fermeture. Dès lors que les liens de la fraternité sont définis, un dedans et un dehors s’imposent. Il y a donc bien une idée de la fraternité et une pratique de la fraternité, souvent opposées.
4Une des interrogations de notre projet posait la question, au-delà de l’idée de fraternité et du sentiment fraternel, de l’organisation politique fraternelle. Nous nous demandions si les cadres d’interprétation de la nation, de la patrie – et ici plus spécifiquement le cadre « familial » – pouvaient déterminer des formes d’organisation politique spécifiques, à l’instar, bien plus tard, des modèles bien analysés par Dominique Colas pour le parti bolchevique (modèle de l’usine, de l’armée)1. À l’époque qui nous intéresse, celle de l’Italie risorgimentale, puis libérale, la structuration en parti politique reste faible. Toutefois, on peut repérer des formes d’organisations prépolitiques, puis politiques dans d’abord les organisations de secours aux exilés (et il y aurait là une étude à faire de manière systématique), mais aussi, dans les associations d’anciens combattants, mieux connus. Il pouvait donc être intéressant de s’arrêter sur ces associations, lieu donc de « fermeture », de circonscription de la fraternité à des valeurs, des règles, des objectifs, mais des associations dont le but était, au départ, celui de combattre fraternellement pour la patrie.
5On connaît le poids de la fraternité dans des organisations comme la franc-maçonnerie, par exemple. Plus généralement, on a pu parler du XIXe siècle comme du siècle des associations, et le XIXe siècle s’est ressenti comme « le » siècle de l’association. L’association comme étroitement reliée aux valeurs du libéralisme, et pensée comme le terreau de la naissance d’une opinion publique2, même si, dans la péninsule, sa diffusion est assez diversifiée. Dans le Nord et le Centre, les intérêts passaient bien à travers des sociétés et associations, tandis que dans le Sud c’étaient encore les individus et les clientèles parlementaires et municipales qui relayaient les demandes.
6Parmi les différents types d’associations possibles du cercle au café, de l’académie aux comices, on a donc retenu les associations d’anciens combattants qui, même en l’absence d’une étude générale comparable aux travaux d’Antoine Prost en France3, sont connues. Elles représentent une forme de sociabilité existant du milieu du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale4 et pouvant témoigner d’une évolution à la fois de l’usage du mot fraternité, mais aussi de la mise en œuvre de la fraternité. En effet, ces associations de combattants sont organisées, et elles sont donc encadrées par des règles formalisées dans des statuts, permettant ainsi, en l’absence d’archives exhaustives, de les comparer sur la base de leurs principes et de leur fonctionnement. Il faut toutefois noter que si les associations d’anciens combattants qui s’organisèrent à l’issue de la Grande Guerre sont mieux connues pour l’Italie (et elles ont particulièrement intéressé les historiens pour étudier la genèse du fascisme)5, elles sont moins étudiées pour le XIXe siècle. Pourtant, selon Gianni Isola, elles furent « le premier grand phénomène d’organisation populaire réalisé sur une base nationale »6.
7Les associations d’anciens combattants sont, au départ, le lieu du rassemblement d’hommes qui peuvent soit se sentir frères pour un combat, soit être devenus frères par le combat, soit rêver la fraternité comme issue du combat.
Se sentir frère pour le combat : on est là devant la rhétorique classique du Risorgimento, celui chanté par les auteurs du canone risorgimental. C’est parce qu’on est frères, que l’on appartient à une même famille, que cette famille (métaphoriquement la nation) est divisée, qu’il faut se battre pour la rassembler et la défendre.
Se sentir frère par le combat rejoint une constellation linguistique différente, ancienne, celle de la fraternité d’armes. C’est là aussi l’intérêt de regarder de près les associations de vétérans, reduci ou combattenti sur une assez longue période de 1848 jusqu’à après la Première Guerre mondiale. En apparence, la fraternité d’armes est la même, celle de l’entraide devant l’ennemi. Pour autant apparaît-elle dans ces associations ? Évolue-t-elle ? Peut-on la raccrocher à des familles politiques ?
Enfin, rêver la fraternité comme issue du combat, c’est bien sûr un rêve dont il faut démêler les sous-entendus : de quelle fraternité parlera-t-on ? une fraternité sociale ? politique ? nationale ?
8Ainsi en prenant comme « laboratoire » du cheminement des idées de fraternité confrontées aux organisations les associations d’anciens combattants, on choisit, sur la période qui nous intéresse, des regroupements pour lesquels le terme, mais aussi la valeur de la fraternité, restent cardinaux.
Les associations de reduci, de veterani et de combattenti : panorama et méthode
9On dispose grâce aux travaux précurseurs de Gianni Isola7 de Fulvio Conti8 et au volume dirigé par Fiorenza Tarozzi et Alberto Prete9 d’informations, au moins locales, mais probablement applicables à l’ensemble du pays (avec des nuances régionales comme l’avait noté Gianni Isola, et une sous-représentation du Sud du pays) concernant les associations de reduci et veterani des guerres d’Indépendance. Comme l’avait déjà montré le livre d’Antoine Prost10, dès 1977, ce qui caractérise ces associations après la Première Guerre mondiale, c’est d’emblée une forte politisation. Cette politisation, logiquement, on la retrouve pour l’Italie, en 1918-1919, mais aussi, dans une certaine mesure, dès 1848, lorsque se mettent en place des organisations de reduci e veterani différentes des associations de militaires de carrière qui existaient déjà.
10À première vue, ce monde des associations de vétérans apparaît foisonnant avec des sociétés aux noms aussi différents que Società dei reduci della Crimea fondée à Gênes en 1880 ou Società dei Reduci Garibaldini ou encore les associations de catégories (officiers ou sous-officiers), ou encore ex-militaires. Nombreuses sont les associations qui restent à caractère très local, sans aucune organisation nationale, voire régionale, et c’est particulièrement vrai dans le Mezzogiorno (plus de 50 %).
11Chronologiquement, un premier mouvement de regroupement de ces associations éparses se fit jour après les années 1880, poussées par des exigences économiques, en particulier les demandes croissantes de subsides de la part des membres. C’est ainsi que petit à petit cet ensemble d’associations se structura autour de trois principaux pôles.
12D’abord, le Comizio veterani delle guerre 1848-1849 per l’indipendenza e l’unità d’Italia qui est le premier à s’organiser au plan national dès 1871, et en accélérant le mouvement en 1875, si bien que fin 1876, ce mouvement rassemblait 5 884 membres (6 512 en 1877) répartis en 67 sections entre Piémont, Rome, Florence ou Modène11. Ce Comizio était de tendance clairement philo-monarchique comme en témoigne, entre autres, la stature de son président, le général et sénateur Salvatore Pes di Villamarina, fils du ministre de la Guerre de Charles-Albert.
13Un peu moins ouvertement philo-monarchiste et conservateur, le Comizio regionale lombardo dei veterani créé sous la direction de Benedetto Cairoli, un des rescapés de la famille mazzinienne des Cairoli, devenu ensuite ministre d’Humbert Ier.
14Aux côtés du Comizio, les Reduci delle patria battaglie plus démocratiques, s’inspirant de Garibaldi et qui gravitaient dans le même cercle que les associations de secours mutuel ou encore les Fratellanze artigianali.
15Les scissions en son sein furent de plus en plus nombreuses et généralement suscitées par une prise de position trop ouvertement anti-dynastique de la part des responsables des Società dei Reduci. Ainsi à Rome, en 1878 ou à Bologne, où lors de la visite d’Humbert Ier et de Marguerite de Savoie, le 28 septembre 1878, la direction de la Società di MS fra i reduci delle patrie battaglie della città e provincia di Bologna créée en 1876, suite à l’appel lancé par Garibaldi, refusa d’envoyer une représentation. Mais 112 membres demandèrent, eux, à recevoir le roi. Cet incident, très représentatif des courants parcourant cette association, déboucha sur une scission et fut suivi de la démission de 267 membres. Dès lors le groupe des Vétérans explosa entre la Società dei Reduci et la Società du MS fra i superstiti delle guerre per l’unità d’Italia créée en 1879, monarchiste.
16Autour de 1882, nombre d’associations d’empreinte plus philo-monarchistes se regroupèrent sous la dénomination de Società dei Reduci Italia e Casa Savoia.
17Et enfin les Fratellanze militari, à but plus strictement mutualiste, dont la plus célèbre, la Fratellanza militare Vittorio Emanuele de Florence, se dédiaient, indépendamment de prises de positions politiques, à l’entraide aux anciens combattants.
18Les fonctions de ces associations sont de plusieurs ordres, essentiellement quatre :
19D’abord, le secours mutuel, soit l’entraide entre les membres, en cas de problèmes financiers (sauf si ces problèmes sont dus à des causes immorales ou à l’alcool, précisent certains statuts), décès, accidents du travail etc.
20Recommandations et attestations : écrire des lettres de recommandation, faire jouer les réseaux pour obtenir un emploi, une subvention, un avantage quelconque rentre pleinement dans les missions des associations d’anciens combattants.
21Au plan éducatif et du divertissement, ces associations furent actives et, dans une certaine mesure, pour les associations de Reduci, les cours du soir permettaient de former des électeurs, puisque savoir lire et écrire était devenu, en 1882, un critère d’accès au vote. À côté de cela, monter spectacles théâtraux et tombolas permettait de lever quelques fonds et avoir une fanfare.
22Enfin, et ce n’est pas le moindre de leur rôle, les associations d’anciens combattants ont un rôle public, participant aux fêtes et rituels de commémoration des guerres d’indépendance (d’où l’importance de la fanfare…). Certaines, même, ne remplissent que ce rôle comme la Società di San Martino et Solferino, fondée en 1869, une société ramifiée dans tout le pays et dirigée par le sénateur Torelli, qui limitait son action au fait de déterrer les restes des morts et de les rassembler dans des ossuaires. Mais cette fonction purement symbolique – qu’il serait d’ailleurs intéressant d’étudier en détail – affaiblit cette association dès les années 188012.
23Il s’agit donc d’un ensemble d’organisations, qui jouèrent un rôle important dans la diffusion des mythes de fondation de la patrie et de la nation, en contribuant à forger l’image d’un projet obtenu par la conjonction de l’initiative de la monarchie et de la volonté populaire. Les travaux sur la politisation de l’Italie libérale et de la place de la monarchie dans ce processus doivent en tenir compte13. Mais après une phase de cohésion (présidences attribuées aux membres de la famille royale et à Garibaldi, ensemble) se manifestèrent des débuts de division de la part des sociétés plus mazziniano-garibaldiennes. Malgré cela les società de reduci n’eurent jamais une attitude de délégitimation envers les institutions, à la différence du républicanisme militant.
24On a également effectué un sondage dans les associations d’anciens combattants créées après la Première Guerre mondiale (voire durant le conflit). Là, toutefois, notre échantillonnage est plus retreint. Sur l’ensemble des associations mentionnées par G. Sabbatucci dans son ouvrage :
Associazione nazionale combattenti
Unione nazionale reduci (catholiques)
Lega proletaria (gauche)
Associazione nazionale reduci zona operante
Unione nazionale Ufficiali e soldati (Douhet)
Associazione nazionale fra gli Arditi d’Italia
Associazione nazionale volontari di guerra
Associazione nazionale Mutilati ed invalidi di guerra
25On a pu consulter les statuts de l’Associazione nazionale combattenti, de l’Associazione Nazionale Fra Mutilati E Invalidi Di Guerra, de la Lega proletaria et les documents (mais qui ne sont pas les statuts) de l’Associazione nazionale volontari di Guerra.
26Il s’agit là d’un échantillonnage restreint, mais qui peut toutefois donner quelques pistes sur l’évolution de la notion de fraternité avant et après la Grande Guerre.
27On est donc bien ici dans une catégorie d’organisation qui n’est pas directement politique, qui s’affirme même parfois comme « apolitique » ou « opposée à la néfaste politique »14, mais qui ne recouvre pas moins pour notre propos, des aspirations à la fraternité au sens de fraternité d’armes, fraternité et solidarité envers les membres des associations et fraternité « nationale ».
28Il nous semblait donc possible d’interroger le lexique de la fraternité, d’abord à partir des documents les plus « neutres » possible, et comparables entre eux, c’est-à-dire les statuts des associations, afin d’essayer de comprendre comment le terme de fraternité, en théorie sous-jacent comme notion à toutes ces associations était utilisé. Ensuite, dans un second temps, on s’attachera à comprendre le fonctionnement de la fraternité au sein de ces associations, d’abord au plan le plus formel, c’est-à-dire les statuts, puis moins formel, soit ce que l’on peut saisir, dans cette première approche du fonctionnement (fraternel ou non) au sein des sociétés et entre les sociétés.
Usage de la fraternité dans le vocabulaire des statuts associatifs
29On a donc cherché dans une centaine de statuts des organisations d’anciens combattants à repérer si le terme de fraternité était utilisé, comment, et s’il donnait lieu à une pratique « fraternelle » conçue au sens d’égalitaire – ce qui est bien sûr réducteur. Ces statuts recouvrent, pour la période libérale, l’échantillon de presque toutes les associations d’anciens combattants décrites précédemment, et nous verrons si les univers politiques se recoupent avec le terme de fratelli, fratellanza, fratellevole ecc.
30Pour la période de l’après-guerre, notre échantillonnage est plus restreint, comme on l’a indiqué.
31Un premier point doit être indiqué : les statuts de ces associations, même si elles appartiennent à la même famille, sont loin d’être totalement stéréotypés. Certaines expressions peuvent apparaître assez récurrentes, comme pour les associations garibaldiennes où la référence à « Un pour tous, tous pour un » est omniprésente ; par ailleurs, certaines expressions sont reprises, mais pas forcément dans les mêmes familles de sociétés d’anciens combattants. Il est intéressant de noter que si ces associations peuvent se fédérer au niveau national, adoptant la même devise ou le même emblème, les statuts restent imprimés sur place et sont, à l’évidence, le fruit de réflexions locales. Seule exception pour la période qui nous intéresse, les Società dei Reduci Italia e Casa Savoia, après 1882, dont les statuts sont très homogénéisés, fruit d’une reprise en main par le gouvernement.
Fratelli
32Une première surprise réside dans le fait que ces associations n’utilisent pas ou peu le terme fratelli.
33Un examen des textes des statuts montre que jamais ils ne désignent leurs adhérents comme des frères, s’adressant à eux dans ces termes. Les termes les plus utilisés sont des associations réunissant « ceux qui ont combattu dans les guerres » ou bien les « cittadini » (citoyens), « commilitoni » (compagnons d’armes), ou enfin, plus platement « i soci » (les membres). Donc, soit une appellation indifférenciée sauf (et elles sont rares dans notre échantillon), les associations réservées aux militaires :
34« Si compone di militari che hanno fatto le campagne del 1848- 1849 »15 (« Elle se compose des militaires qui ont fait les campagnes de 1848-1849 »).
35En revanche, on trouve le mot fratelli utilisé dans les contextes suivants :
«I soci scambievolmente dovranno considerarsi quali fratelli avendo presente in loro che l’unione fa la forza »16 ( «Les membres devront se considérer réciproquement comme des frères, conscients que l’union fait la force»).
«I soci dovranno a vicenda trattarsi da fratelli e considerarsi tutti uguali fra loro »17 ( «Les membres devront se traiter comme des frères et se considérer comme égaux»).
36Ce type de formulation se retrouve dans seulement 5 statuts d’associations sur 100, et essentiellement dans des associations à couleur garibaldienne, soit les Associations di volontari e reduci delle Patrie battaglie. On notera d’ailleurs que l’invocation à se traiter en frères est aussi associée à l’injonction à se traiter en égaux.
Fratellanza
37Le terme de fratellanza (fraternité) est lui bien plus usité. D’abord car certaines associations portent le titre de Fratellanza, et en particulier les Fratellanze militari qui se positionnaient comme des sociétés d’entraide. Mais elles ne sont pas la majorité. Si l’on veut regrouper l’usage du mot fratellanza en catégories, on proposera cette typologie :
Une fraternité existante et à renforcer
38Pour une dizaine d’associations, la formulation proposée dans les statuts est la suivante, avec quelques variantes :
« Essa si propone come scopo principale di consolidare i vincoli di fratellanza fra i superstiti delle lotte e appogiare i soci, onorare la memoria »18 (« Elle se donne comme but principal de consolider les liens de fraternité entre les survivants des luttes, d’aider ses membres et d’honorer leur mémoire »).
« Si propone lo scopo del MS, di mantenere viva nel popolo la rimembranza dei fatti che generarono la emancipazione e la unione italiana, di mantenere viva la fratellanza fra coloro che cooperarono al riscatto della patria, di promuovere e difendere le libere istituzioni »19 (« La société de Secours mutuel se donne comme but de maintenir vive dans la mémoire du peuple le souvenir des faits qui ont permis l’émancipation et l’union de l’Italie, de maintenir vivante la fraternité entre ceux qui ont participé à la renaissance de la patrie, de promouvoir et défendre les institutions libres »).
« Questa società tende a conservare e a diffondere lo spirito di fratellanza fra i membri attraverso un appogio mutuale »20 (« Cette société tend à préserver et à diffuser l’esprit de fraternité entre ses membres par un appui mutuel »).
« Scopo mantenere vivo lo spirito di fratellanza, di libertà e d’indipendenza »21 (« Le but est de maintenir vivant l’esprit de fraternité, de liberté et d’indépendance »).
« Scopo : consolidare e stringere viemaggiormante i vincoli di fratellanza e di amicizia fra i superstiti delle patrie battaglie »22 (« Objet : consolider et resserrer toujours plus les liens de fraternité et d’amitié entre les vétérans des batailles pour la patrie »).
« Conservare e diffondere lo sprito di fratellanza fra i soci mediante un appogio morale e materiale »23 (« Maintenir et diffuser l’esprit de fraternité entre les membres grâce à un appui moral et matériel »).
« Scopo stringere fra i propri adetti la concordia e la fratellanza nel nome della patria e dalla communanza del passato »24 (« Objet : resserrer entre ses membres la concorde et la fraternité au nom de la patrie et du passé commun »).
« La fratellanza, la concordia, la grande idea che gia unirono i componenti di questo sodalizio sul campo di battaglia, sono e saranno
i soli salvacondotti al buon andamento incomparabile della Società »25 (« La fraternité, la concorde, la grande idée qui ont uni les membres de cette société sur le champ de bataille, sont et resteront les sauf-conduits de l’incomparable gestion de cette société »).
39Toutes ces occurrences renvoient donc à une fraternité qui a existé, et qu’il faut donc maintenir ou renforcer. Mais ce qui est frappant c’est que si l’on cherche à comprendre de quelle fraternité préexistante il s’agit, ce n’est pas la fraternité politique des années 1848-1849 que l’on retrouverait, celle des fratelli d’Italia, mais la fraternité d’armes, celle qui découle du fait d’avoir « combattu ensemble sur le champ de bataille ». La fraternité n’est donc pas préalable à la guerre d’indépendance, mais elle s’est forgée sur les champs de bataille et elle doit constituer une valeur qui nourrira les comportements sociaux des vétérans. C’est du moins ce qui ressort des statuts de ces associations, toutes tendances confondues puisqu’on y retrouve des Società reduci delle patrie battaglie aux côtés du Comitato fiorentino dei veterani del 1848-49 pel servizio di guardia d’onore alla tomba del Re Vittorio Emanuele 2. sotto la presidenza di S. M Umberto 1. Re d’Italia, plus philomonarchiste.
40D’autres statuts mettent la fraternité au rang des valeurs constitutives de la société. Ainsi :
41« Carattere della società è l’indipendenza ; suo principio essenziale è l’uguaglianza perfetta dei soci ; sua norma la fratellanza »26 (« Le caractère de la société est l’indépendance ; son principe essentiel est l’égalité parfaite des membres ; sa norme la fraternité »).
42ou encore :
43« La Società ha per base l’unione, la fratellanza il mutuo soccorso, e tende a promuovere e difendere la libertà e l’educazione intellettuale e morale »27 (« La société a pour fondement l’union, la fraternité et le secours mutuel et elle vise à promouvoir et défendre la liberté et l’éducation intellectuelle et morale »).
44Il s’agit ici de deux Società dei reduci dalle patrie battaglie dont l’une, celle de Legnano, se déclare « démocratique ».
45La fraternité peut n’être évoquée que pour désigner les relations établies entre associations d’une même « famille » :
« Procurerà stringersi in fraterna relazione con tutte le associazioni consorelle d’Italia onde stabilire filantropici aiuto ai rispettivi soci »28 (« Il faudra se rassembler par des relations fraternelles avec toutes les associations consœurs d’Italie, afin d’établir une aide philanthropique à l’ensemble des membres »).
« Di stringere vincoli di fratellanza e di amicizia con tutte le altre società di Veterani che esistessero in ogni parte altra d’Italia »29 (« Resserrer les liens de fraternité et d’amitié avec toutes les autres sociétés de vétérans qui existent partout en Italie »).
« Stringere vincoli di amicizia e fratellanza fra le Associazioni consorelle »30 (« Resserrer les liens de fraternité et d’amitié avec les Associations qui sont nos consœurs »).
46Dans ce cas, il est intéressant de noter que ce sont souvent des associations assez mineures ou isolées qui en appellent à la fraternité des « consorelle », dont, en fait, elles ont besoin pour survivre au plan de l’organisation et des finances.
47Enfin, une majorité de statuts mentionne la fraternité, non pas comme une valeur ou un sentiment existant à préserver et à renforcer, mais comme une valeur en acte qui découlera de l’action de l’association. Ou bien, dit autrement, les vétérans ne sont frères que parce qu’ils sont membres de l’association. Avec deux acceptions possibles : soit ils sont frères car l’association les rend frères (et égaux, souvent) :
« Stabilire vincoli di fratellanza e d’amicizia tra i superstiti »31 (« Établir des liens de fraternité et d’amitié parmi les vétérans »).
« Mutua assistenza morale e materiale, la fratellanza fra tutti i soci indistintamente, senza differenza di grado, di condizione morale o di principi politici »32 (« Objet : assistance mutuelle morale et matérielle, la fraternité entre tous les membres, sans distinction de grade, de condition sociale ou de principe politique »).
« Ha per vessillo la bandiera nazionale italiana, collo stemma sabaudo e per oggetto la fratellanza ed amicizia fra i superstiti delle guerre nazionali, l’educazione dei loro figli per la devozione alla patria, la solennizzazione delle feste nazionali e patriottiche, l’onoranza dei Commilitoni estinti, la esclusione assoluta delle discussioni e manifestazioni politiche e religiose »33 « (L’association a pour bannière le drapeau national italien, avec l’écu de Savoie et
a pour objet la fraternité et l’amitié entre les vétérans des guerres nationales, l’éducation de leurs fils à la dévotion envers la patrie, la mise en scène solennelle des fêtes nationales et patriotiques, les honneurs rendus aux camarades disparus, l’exclusion absolue des discussions et manifestations politiques ou religieuses ») annoncent les statuts de la Società dei reduci delle patrie battaglie de Pontremoli, dans une volonté de « neutralité » rendant possible la fraternité et l’amitié entre les membres.
48Mais on peut aussi comprendre que la fraternité mise en œuvre dans l’association leur permet de vivre mieux.
49– « Scopo è di conseguire con la reciproca fratellanza il miglioramento morale e materiale dei soci »34 (« L’objet est de parvenir grâce à la fraternité réciproque à l’améliorantion morale et matérielle des membres »).
50Il semble bien que dans ce cas, on peut lire clairement, et sans trop de difficulté, le terme de fratellanza non plus comme le résidu d’une solidarité des combats qui devrait être préservée ; mais plutôt l’annonce d’une fraternité sociale qui dans ces textes est souvent associée à l’amicizia (l’amitié). Cette fraternité sociale, cette solidarité qui a pour nom le mutuo soccorso quand on sort du domaine des associations de vétérans pour aller vers le monde du travail est une première dimension de cette acception du terme.
51Il est également intéressant de noter que dans certains cas, la fraternité est associée au refus de toute discussion politique. On a remarqué que souvent ces professions de foi « apolitiques » étaient assorties de professions de foi monarchistes, ou en faveur des institutions, ce qui peut apparaître comme assez contradictoire. En d’autres termes, l’apolitisme serait le nom caché du monarchisme. En réalité, on voit bien que de nombreuses associations garibaldiennes, voire démocrates n’hésitent pas à se donner comme double membre d’honneur le roi et Giuseppe Garibaldi. Ou bien comme Società dei Reduci delle patrie battaglie d’Imola, insister sur l’absence de discrimination politique tout en affirmant être démocrate35. Cela peut évidemment correspondre à des stratégies pour obtenir des crédits, des aides etc. Mais plus profondément, ces associations fondées sur le souvenir des guerres d’Indépendance reconnaissent là une double filiation historique. Ils célébreront d’ailleurs, lors des cérémonies auxquelles ils se rendent systématiquement, puisque c’est dans leurs statuts et dans les obligations des soci, l’anniversaire du roi, le Statuto, la mort de Garibaldi et le 20 septembre.
52Il est aussi intéressant de remarquer que, dans ces formulations, ce qui transparaît c’est bien l’idée que la politique, c’est la division, la guerre fratricide que les sociétés de vétérans veulent éviter en adoptant, en leur sein, la fraternité. La fraternité est donc bien un but à atteindre, pas un acquis, et ce but doit échapper aux divisions politiques. L’expérience de la guerre constitue ici le dénominateur commun des soci et constitue la « barrière » d’appartenance à l’association ; les buts de ces guerres doivent être rappelés : la liberté et l’indépendance ; la mémoire des guerres doit en permanence être honoré et célébré ; enfin la fraternité mise en œuvre permettra l’amélioration morale et matérielle des membres.
53On le voit, dans cette brève analyse, la fraternité n’est pas considérée comme préexistante aux luttes du Risorgimento, comme un socle sur lequel les combattants se sont appuyés d’emblée. Bien au contraire, elles sont les plus nombreuses à considérer que cette fraternité est née des combats, qu’elle doit être refondée, reconstruite, qu’elles y participeront et que, loin de considérer ce qu’avait été la fraternité politique des années trente, quarante et cinquante comme allant de soi, elles semblent considérer que fraternité et politique (dans l’Italie libérale) sont antinomiques : ainsi, si les soci se considèrent comme des frères, alors ils doivent éviter de prendre part aux discussions politiques.
54Une des ambitions du projet sur la fraternité était aussi de comprendre comment le fait de penser comme frères, ou unis par des liens de fraternité, avait une incidence sur les formes d’organisations politiques. De ce point de vue les statuts textes extrêmement « secs » et sans fioriture, permettent de comprendre quel lien existe entre l’affirmation de fratellanza, les formes d’organisation et la mise en œuvre des « missions fraternelles » ou encore quelles actions sont susceptibles de créer de la fraternité.
55Nous avons repéré d’abord quelques éléments strictement organisationnels, ensuite la mise en œuvre du mutuo soccorso et ses limites. Enfin, quelques éléments, qui resteraient à approfondir concernant les relations inter-associatives.
Mise en œuvre de la fraternité dans les associations
56Nous avons donc un échantillonnage d’associations de vétérans qui majoritairement, soit pensent que leurs membres sont déjà liés par une fraternité liée aux champs de bataille, fraternité qu’il faut donc préserver ; soit que la pratique associative est susceptible de créer cette fraternité qui se manifestera par des actes que l’on peut rapporter à la solidarité, au secours mutuel tant moral que matériel. On y reviendra.
Fraternité et égalité
57Mais un certain nombre de ces associations associent fortement la fratellanza à l’égalité : on peut donc se demander si cette égalité a une incidence sur l’organisation de l’association, et en particulier sur l’égalité des soci entre eux.
58Il est donc intéressant de voir que quelques associations qui insistent beaucoup sur l’égalité des membres induite par la fraternité comportent en fait jusqu’à quatre catégories de membres (membres effectifs, honoraires, bienfaiteurs et coopérateurs). Ainsi, la Societa dei veterani e reduci dalle patrie battaglie di Forli (4 catégories de soci) ou encore la Società dei Reduci delle patrie battaglie del collegio elettorale di Stradella, ou la Societa dei reduci delle patrie battaglie del Mandamento di Gallarate.
59Inversement, des associations qui ne se revendiquent d’aucun type d’égalité – sociale ou politique – comme la très philomonarchiste Societa parmense dei veterani delle guerre per l’unita d’Italia sotto la presidenza onoraria di S. A. R. il principe Amedeo di Savoia, duca d’Aosta n’en comporte qu’une, tout comme la Società democratica di Mutuo Soccorso dei Reduci delle Patrie Battaglie di Montichiari (1882).
60Les critères établissant les différentes catégories peuvent être variés. Ainsi, dans la Società dei Reduci dalle Patrie battaglie in Novara :
Sont membres effectifs tous ceux qui appartiennent à la commune de Novare ou qui y ont leur résidence au moment de leur inscription, et qui peuvent faire la preuve d’avoir pris part à quelque campagne ou fait d’armes au service de la guerre d’Indépendance. Peuvent également s’inscrire ceux qui démontrent avoir pris part à l’expédition de Crimée dans l’armée sarde ou à la répression du brigandage, également par des témoignages écrits, signés de deux membres (« soci effettivi tutti coloro che appartengono al commune di Novara o che vi hanno residenza all’atto della loro iscrizione, e che provino di aver preso parte a qualche campagna o fatto d’armi per l’indipendenza italiana. Potranno altresi essere iscritti coloro che proveranno di aver preso parte alla spedizione di Crimea nell’esercito sardo, o alla repression del brigantaggio, anche mediante testimonianza scritta, firmata da due soci »).
Les vétérans des batailles pour la patrie inscrits le 31 juillet 1877 sont membres fondateurs et la liste de leurs noms sera affichée dans la salle de réunion (« I Reduci dalle Patrie battaglie iscritti
a tutto il 31 luglio 1877 sono Soci fondatori e l’elenco di essi sarà tenuto afffisso nella sala sociale »).Est également admise une catégorie de membres d’honneur à laquelle appartiendront tous ceux qui auront fait une donation non inférieure à 50 lire, et ceux qui auront rendu des services à la société seront déclarés comme tels sur proposition du Conseil de direction et du comité financier. La liste des membres d’honneur sera affichée dans la salle de réunion (« E pure amessa una categoria di Soci onorari alla quale apparterranno tutti coloro che avranno fatto un’oblazione non inferior a 50 lire, e quelli per servizi resi alla Società saranno dichiarati tali dall’Assemblea dietro proposta del Consiglio direttivo e del Comitato revisori dei Conti. L’elenco dei soci onorari sara tenuto affisso nella sala sociale »)36.
61En outre si les membres effectifs paient une somme mensuelle d’une lire, celui qui verserait pas moins de 10 lires serait déclaré « membre perpétuel ». Ainsi, la participation aux guerres d’Indépendance, l’antériorité et le montant des sommes versées constituent ici les critères d’organisation des membres.
62En revanche, si nous prenons les statuts de la Società Provinciale Bergamasca fra Veterani e Reduci dell patrie battaglie de 1882, l’organisation des soci n’est pas exactement la même et s’avère assez complexe. En effet, les membres effectifs se divisent entre ordinari, benemeriti e speciali. Les ordinari e benemeriti sont assez semblables aux catégories évoquées ci-dessus. En revanche, les Soci speciali sont les Vétérans qui appartiennent déjà à d’autres associations de secours mutuel et qui veulent participer seulement aux activités de la société autres que le secours mutuel. Ceux-là payent la taxe d’admission et trois lires annuelles. Enfin, seconde catégorie les membres honoraires qui peuvent être :
tous ceux qui ayant combattu mais ne veulent pas pour des raisons personnelles s’inscrire comme membre effectif, mais qui peuvent donner de l’argent (comme les bienfaiteurs) tout en ne payant ni la taxe d’admission, ni la taxe annuelle ;
ceux qui n’habiteraient pas Bergame, ou qui n’auraient pas participé aux guerres mais qui auraient contribué « au bien de la patrie » (définition assez vague) ;
ceux qui acceptent de travailler gratuitement pour la société, ainsi des médecins ou des chirurgiens.
63Si nous prenons enfin la Società de Stradella, società dei Reduci dalle Patrie battaglie de 1879, qui insiste dès le début sur le fait que son principe soit l’égalité « parfaite » des soci et sa norme la fraternité, on trouve donc trois catégories de soci : les membres effectifs qui comportent les ordinaires et les membres d’honneur, et les bienfaiteurs… Les membres d’honneur sont ceux qui ont les mêmes droits que les membres effectifs, mais qui renoncent aux subsides de secours ; et ceux qui ont fait leur service militaire mais qui renoncent aux subsides de secours. Les bienfaiteurs ceux qui ont participé au bien-être moral et matériel de la société.
64Ces critères marquent un certain degré d’intégration de diverses organisations entre elles et une relative complémentarité des unes par rapport aux autres. Ainsi, un même Vétéran peut être membre d’une société de secours mutuel (souvent professionnelle) et, en même temps, participer aux activités des anciens combattants sans avoir à payer deux fois sa « couverture sociale ».
65Certes, l’organisation en plusieurs classes de membres n’est pas forcément une marque d’inégalité au sein de l’association, mais cette fraternité égalitaire est entachée de deux bémols : d’abord les catégories de membres sont établies sur la base de l’argent, ensuite, seuls les membres effectifs votent, les autres n’ont pas voix au chapitre.
66On a donc l’impression qu’au sein de ces associations trois logiques se superposent : celle inhérente à l’expérience militaire impliquant une hiérarchie liée au service effectué et à la participation aux combats ; les formes d’organisations associatives sont aussi liées fortement aux prérequis de la loi : ainsi sont forcément présents un président, vice-président, un ou plusieurs conseillers, un ou plusieurs secrétaires, et un trésorier. Et, enfin, une hiérarchie économique dépendant de ce que les membres peuvent apporter financièrement à la société.
67Sans vraiment désigner une forme de fraternité, les modes de scrutin peuvent néanmoins laisser entrevoir un certain niveau de confiance dans les relations, que l’on vote à main levée, à bulletin secret, ou que – et c’est souvent le cas – rien ne soit indiqué. Dans la plupart des cas (15 sur 96) est indiqué que l’on votera à bulletin secret (ou « col calice » – avec une urne) lorsque les décisions impliquent directement des personnes.
68Ainsi sans vouloir insister davantage sur les modalités d’organisation des associations de vétérans, on voudrait simplement souligner que l’image qui en ressort est celle d’organisations segmentées, hiérarchisées et où, au final, la fraternité qui en émerge est celle d’une fraternité loin d’être égalitaire. On peut là proposer deux pistes : une piste en termes de généalogie organisationnelle, et rappeler que la franc-maçonnerie, ou encore la Charbonnerie, ont ce caractère de « fratellanze » fermées sur elles-mêmes mais extrêmement hiérarchisées, héritage de leur caractère clandestin. Autre piste, tenter de raccorder cette vision de la fraternité, non pas à des organisations politiques, mais à des organisations sociétales, et bien sûr à la famille et à la formalisation opérée par le droit. Dans ce cas, la fraternité la plus courante chez les associations d’anciens combattants est une fraternité que nous qualifierions « d’ancien régime juridique » marquée encore par l’inégalité entre frères au sein d’une fratrie.
69Autrement dit, on trouve dans certaines de ces associations une tension entre la revendication d’une fraternité égalitaire, démocratique (et donc politique) et un autre modèle de la fraternité qui est celui hérité de l’organisation familiale juridique.
La fraternité en actes : « recommandations » et secours mutuel
70Comme on l’a indiqué, parmi les objectifs des associations les recommandations et le secours mutuel. Soit ces formes de solidarité constituent la fraternité, soit elles sont rendues possibles par une fraternité préexistante, soit elles créent une fraternité sociale. Selon ces trois acceptions du terme fraternité leurs mises en œuvre sont là encore assez différenciées.
71Les recommandations : aider les membres des associations à trouver un emploi figure parmi les objectifs de nombre d’associations (environ 30 %). Il s’agit de ce qu’on appellerait une forme de lobbying, voire de clientélisme : ainsi l’Associazione de’reduci delle provincie meridionali dalla patrie campagne del 1848-184937, créée en 1865 (à la fin du grand brigandage, donc), crée-t-elle une commission dite de Patrocinio (patronage) qui doit faire pression sur le Gouvernement pour que les emplois aux Chemins de fer des provinces méridionales soient réservés en priorité aux vétérans des campagnes de 1848-1849 (ce qui était une délibération de la Chambre des députés, en 1862). Et la société cherchera aussi à privilégier les postes d’employés en agissant auprès des municipalités38 :
72Par ailleurs une « commissione del lavoro » (commission du travail) doit s’employer à trouver des emplois pour les membres et une Commission des subsides s’attachera à évaluer les besoins des membres nécessiteux39.
73Du côté de la mise en œuvre du secours mutuel, qui est le cœur de la définition sociale de la fraternité, les choses sont très structurées et organisées et établissent des barrières, des règlements, des hiérarchies.
74Un membre peut être exclu pour « mauvaise conduite », soit au sein de l’association soit en public, par une commission. Mais cette expulsion n’est pas une simple formalité : en effet, « le membre expulsé perd tous ses droits dans la société et ne peut prétendre au remboursement des sommes versées » (« Il socio espulso perde ogni diritto verso la Società e non può pretendere rimborso delle somme versate »).
75Par ailleurs, les membres malades ont droit à des subsides. Toutefois, « les maladies causées par l’abus d’alcool et la mauvaise conduite ne donnent droit à aucun subside » (« le malattie causate dell’abuso dei liquori e dal mal costume, non danno diritto a sussidio »), pas plus que les difficultés financières provoquées par le jeu, l’alcool ou les femmes. On est là dans ce contrôle moral très fort dans la classe ouvrière qui, au XIXe siècle, était aussi une condition de survie des individus.
76Enfin, les aides sont fortement contrôlées par les commissions des associations et les ayants droit surveillés par des médecins.
77Il y aurait là sans doute matière à approfondir les choses en allant, cette fois, consulter les Verbali des associations40, les compte rendus de réunions, pour tenter de comprendre comment l’organisation peut, en définitive, avoir une incidence sur l’idée de fraternité, même empreinte d’aussi bons sentiments, que celle traduite par le secours mutuel.
78On sait déjà, par le biais des travaux de synthèse existants, que la conflictualité au sein des sociétés elles-mêmes est forte : en témoignent les scissions comme celles évoquées plus haut entre associations philo-monarchiques et associations de gauche. Toutefois, il me semble qu’une étude des associations de reduci pourrait également s’intéresser à des différends qui ne soient pas seulement politiques, et essayer de retrouver dans le fonctionnement des sociétés des pratiques qui ne soient pas seulement réductibles aux choix partisans. Et, entre les sociétés sœurs « consorelle » des différends subsistent ou s’enveniment, essentiellement pour des raisons financières, d’obtention de dons ou de subsides.
Mise en scène de la fraternité
79Dans cette tentative de redonner à la fratellanza son sens au sein des associations des vétérans, il faut garder à l’esprit ce qui constitue le dernier but de ces associations, et qui est loin d’être un élément secondaire : la représentation aux cérémonies publiques. À vrai dire, la plupart des premières associations nées dans les années 1871-1874 (dont la società di Solferino e San Martino déjà mentionnée) ont un but essentiellement tourné vers la représentation, la « rappresentanza »41. Cette fonction reste mentionnée dans tous les statuts d’associations et l’importance apportée à la description du drapeau, à qui pourra le porter dans les manifestations, à l’obligation faite aux soci d’assister et de participer aux manifestations patriotiques (qui peuvent certes varier en fonction de la sensibilité politique des associations, mais presque toutes participent à la fête du Statuto, à l’anniversaire du roi, à l’anniversaire de la mort de Garibadi pour les sociétés garibaldiennes), la sensibilité aux querelles de préséance aussi, tout cela nous dit le poids que prend cette fonction commémorative au sein de ces sociétés.
80Quel lien cela peut-il avoir avec la fraternité ? Il est clair que pour des associations qui veulent soit remémorer, soit recréer la fraternité, les rituels de mémoire ne sont pas secondaires. Sans s’arrêter ici sur la littérature historique ou anthropologique existante, je me contenterai de rappeler que les rituels peuvent aussi bien mettre en scène la division, que créer de la cohésion.
81Mais tout aussi présent dans ces statuts, on retrouve, maintes fois affirmée, la croyance, très nette, en une pédagogie nationale :
« Maintenir vivante dans la population le souvenir des faits qui ont permis l’émancipation et l’union italiennes, maintenir vivante la fraternité entre ceux qui ont coopéré à la refonte de la patrie » ([Scopo della società : ] « di mantenere viva nel popolo la rimembranza dei fatti che generarono la emancipazione e la unione italiana, di mantenere viva la fratellanza fra coloro che cooperarono al riscatto della patria »).
« Promouvoir la civilité et l’amélioration des masses en les inspirant au bien dans l’amour de la patrie et le respect de ses lois et de ses institutions » (« Il promuovere lo incivilimento e miglioramento delle masse ispirandole al vero bene nell’amore della Patria ed al rispetto delle sue legge ed istituzioni »).
« Maintenir vivant le culte des grandes théories du Risorgimento national et de toute action du sentiment de liberté et de progrès civil » (« Mantenere vivo il culto delle grandi teorie del risorgimento nazionale e d’ogni opera e sentimento di libertà e civile progresso »).
82Cet entretien du « culte de la patrie », cet exemple à donner aux jeunes générations, pour ces sociétés, est très rarement compris comme l’éducation populaire (rarement mentionnée, sauf dans les associations les plus démocratiques qui y voient, après 1882, la possibilité de « former de nouveaux électeurs »). Mais ce sont les cérémonies qui sont perçues comme les plus aptes à « former » la nation dans le souvenir des guerres patriotiques. Cette croyance, fortement rappelée dans les statuts, constitue un axe fort de la religion de la patrie qui a été étudiée par Bruno Tobia, Massimo Baioni ou Emilio Gentile42.
83Il faut noter, dans le vocabulaire utilisé, la récurrence de la notion de « maintenir vivants » des idées, des sentiments, des valeurs. Ces sociétés de vétérans se sentent de plus en plus dépassées, oubliées et avec elles les valeurs qui ont présidé à leur combat. L’inexorable disparition des anciens combattants, les difficultés économiques, le sentiment sans doute croissant de trahison ou la perception de menaces nouvelles les incitent à trouver dans les commémorations, dans ces « recharges » symboliques régulières, le moyen de ne pas être totalement oubliés ou emportés.
84Car, à la fin du XIXe siècle les società di reduci dalle patrie battaglie sont en crise. C’est tout un univers, celui du mutuo soccorso, qui est désormais largement concurrencé par le mouvement ouvrier et qui connut son dernier sursaut lors du congrès de Milan en 1906.
La fraternité et après ?
85Cet article pourrait ouvrir sur une comparaison avec les associations de l’après Première Guerre mondiale, citées précédemment. En 1918-1919, la politisation des associations de vétérans constitue bien évidemment un des filons interprétatifs majeurs, car l’empreinte politique des différents mouvements apparut alors infiniment plus forte que durant les décennies post-risorgimento. En outre, la gauche italienne, et en particulier les socialistes, laissa alors passer – au profit du fascisme – cette occasion décrite par Gramsci comme « ll primo grandioso tentativo di organizzare le masse contadine »43.
86Ce n’est pas le propos de traiter ici des associations d’anciens combattants de l’après-guerre, mais plutôt d’esquisser ce qui pouvait rester du vocabulaire de la fraternité dans un univers désormais fortement marqué par un vocabulaire différent, reflétant une vision du monde marquée par les grands mouvements idéologiques qu’ils soient marxistes, nationalistes ou, bientôt fascistes. L’idée même de fraternité comme solidarité sociale était, à l’évidence, combattue par ceux qui aux fonctions d’assistance préféraient les perspectives politiques. Ainsi, le vocabulaire lié à la famille subsiste, mais ce sont davantage les fils qui sont célébrés, mêlés aux frères et aux morts comme dans le compte rendu de la Sezione di Parma Associazione Nazionale Fra Mutilati E Invalidi Di Guerra, Un anno di lavoro, Parma, 1919 ou l’on peut lire :
Saluons (la Liberté) nous qui pouvons la saluer comme notre victoire, au nom de nos frères qui vont bientôt revenir, et au nom de ceux qui ne reviendront pas. Les morts. Nous accueillons parmi nous leurs compagnes, qui sont nos sœurs. L’Association réunit presque 100 000 fils de l’Italie… Tant de frères sont tombés, et ils sont là pour nous demander la preuve de la fraternité.
« Salutiamola (la Libertà) noi che la possiamo salutarla come la nostra vittoria nel nome dei nostri fratelli che son prossimi a tornare, e nel nome di coloro che non torneranno ? I caduti. Abbiamo fra noi le loro compagne gne che sono le nostre sorelle… L’associazione raccoglie quasi 100 000 figli d’ItaliaTanti fratelli sono caduti…
E sono qui per chiederci la prova della fraternità »44.
87Ainsi, les frères sont désormais essentiellement des frères d’armes, comme pour l’Associazione nazionale dei Combattenti : « L’Association des combattants se propose de réunir et d’organiser dans une grande famille nationale, subdivisée en sections locales, tous ceux qui ont combattu durant la guerre de 1914-1918. Le but de l’Association est de maintenir la fraternité qui s’est établie entre eux durant l’épreuve commune du danger et des souffrances »« L’Associazione dei combattenti si propone di riunire ed organizzare in una grande famiglia nazionale, suddivisa in sezioni locali, tutti quelli che hanno combattuto nella guerra 1914-1918. Scopo dell’Associazione è di mantenere fra i combattenti la fratellanza che si è stabilita tra loro nella comunanza del pericolo e dei disagi »45.
88Cette fraternité du front prit d’autres noms, comme le « cameratismo », la camaraderie – mais pas celle des camarades socialistes ou communistes – et constitua le socle du premier fascisme. Il y eut là une captation sémantique à laquelle était associé le souvenir d’un conflit qui pour la première fois avait engagé la nation italienne tout entière, captation qui échappa presque complètement aux forces de gauche.
89Toutefois, les frères apparaissent encore au premier plan dans les statuts d’une association bien spécifique, l’association des Frères dalmates : pour défendre les frères de Fiume et de la Dalmatie, I Fratelli dalmati : « Per difendere i fratelli di Fiume e della Dalmazia ». Les fratelli sont ceux qui, sur la base de leur nationalité, doivent rentrer dans le giron italien. Mais, depuis le XIXe siècle, cette fraternité qui avait été alors conçue comme culturelle – l’image de la famille étant utilisée comme métaphore de la nation – devient « raciale » : c’est le sang commun, la « stirpe » commune ou la « razza italiana » qui est désormais invoquée. Il faudrait ici préciser – sans pouvoir l’approfondir – les différences fondamentales qui existent entre la définition de la fraternité du Risorgimento fondée sur cette image de la nation/famille et celle du début du XXe siècle. Durant ce laps de temps on est passé d’une définition juridique de la famille et des liens familiaux qui pouvaient être complétés par les sentiments à une définition « raciale » de la famille et du sang. D’une nation essentiellement politique à une nation biologique46, évolution qui a, bien sûr, un impact sur la conception de la fraternité.
90Ainsi, l’étude des associations d’anciens combattants des guerres du Risorgimento permet de confronter une idée, un cadre sous-jacent à leur fondation, la fraternité, et les mises en œuvre organisationnelles qui en découlent. On l’a dit, la fraternité invoquée et recherchée par ces associations n’est pas toujours la même : consolidation d’une fraternité préexistante aux luttes, consolidation d’une fraternité éprouvée au combat ou construction d’une fraternité à venir, les nuances existent. Il est toutefois difficile de les rapporter systématiquement à des couleurs politiques : ces sociétés de vétérans restent, des années 1850 jusqu’aux années 1880-1890 largement plus animées par une volonté « consensuelle » que par une revendication politique forte. Dans la très grande majorité, la fraternité ne se traduit pas en termes d’organisation par l’égalité. La hiérarchie interne est forte, marquée par l’antériorité, l’expérience du combat, mais aussi par les différences économiques. Cependant le vote est réservé à ceux qui ont combattu, et là, la logique économique (montant des dons faits aux associations, qui pourrait être rapproché de la fraternité à venir, l’aide sociale) est dépassée par la fraternité « effective » fondée sur la lutte. Cette hiérarchie des frères découle à la fois des modèles des luttes comme la franc-maçonnerie, du modèle militaire auquel se rapportent ces associations, mais nous rappelle surtout que dans la péninsule, au XIXe siècle, les frères ne sont pas égaux au sein de la famille. Ainsi, la fraternité universelle, de l’égalité, que ce soit la fraternité catholique ou républicaine est très éloignée de l’expérience commune.
91Il aurait fallu pouvoir s’arrêter sur ce que nombre d’associations considèrent comme les points forts de la fraternité en actes : l’aide aux plus démunis, bien sûr, mais aussi les cérémonies patriotiques auxquelles elles prennent part régulièrement et, semble-t-il, avec ferveur.
92Enfin, on n’a pu que constater, sans l’approfondir, le changement de registre sémantique à l’issue de la Grande Guerre. Les fils sont venus supplanter les frères, les femmes – épouses, mères, sœurs… – sont désormais ancrées dans les représentations et les frères sont désormais membres d’une nation biologique, avant d’être membres d’une nation « de cœur ». Rien d’étonnant sans doute à cette évolution que connurent les pays européens avec la naissance du nationalisme et que reflète le vocabulaire de la fraternité.
Notes de bas de page
1 D. Colas, Principes du léninisme : la théorie du parti révolutionnaire et ses implications politiques, Paris, 1980, 2 tomes.
2 Voir F. Conti, Associazione dans A. M. Banti, A. Chiavistelli, L. Mannori et M. Meriggi (dir.), Atlante culturale del Risorgimento : lessico del linguaggio politico dal Settecento all’Unità, Rome-Bari, 2011, p. 45.
3 A. Prost, Les anciens combattants et la société française, 1914-1939, Paris, 1977, 3 volumes.
4 Voir, par exemple, M. Ridolfi, Il circolo virtuoso : sociabilità democratica, associazionismo e rappresentanza politica nell’Ottocento, Florence, 1990.
5 G. Sabbatucci, I combattenti nel primo dopoguerra, Bari, 1974 ; G. Isola, Guerra al regno della guerra : storia della Lega proletaria mutilati reduci orfani e vedove di guerra (1918-1924), Florence, 1990 ; M. Mondini, La politica delle armi : il ruolo dell’esercito italiano nell’avento del fascismo, Rome, 2006.
6 G. Isola, Un luogo d’incontro fra esercito e paese : le associazioni dei veterani del Risorgimento (1861-1911), dans Deputazione di storia patria per l’Umbria (éd.), Esercito e città dall’Unità agli anni Trenta [convegno nazionale di Spoleto, 11-14 mai 1988], Pérouse, 1989, vol. I, p. 498-519, p. 501. M. Rovinello, « Oh Italia, non dimenticare » : le riviste reducistiche in età liberale, dans N. Labanca (dir.), Fogli in uniforme : la stampa per i militari nell’Italia liberale, Milan, à paraître. Je remercie Marco Rovinello de m’avoir transmis cet article.
7 G. Isola, Un luogo d’incontro… cit.
8 F. Conti, Per una geografia dell’associazionismo laico in Toscana dall’unita alla Grande guerra : le società di veterani e reduci, Bologne, 1994.
9 Con la guerra nella memoria : reduci, superstiti, veterani nell’Italia liberale, éd. par A. Preti et F. Tarozzi, Bologne, 1994.
10 A. Prost, Les anciens combattants et la société française : 1914-1939, Paris, 1977.
11 G. Isola, op. cit., p. 506.
12 E. Fario, Una istituzione al servizio della storia : la Società Solferino e S. Martino dans Rassegna storica del Risorgimento, 57, 1970 (1), p. 99-102.
13 Voir C. Brice, Monarchie et identité nationale en Italie (1861-1911), Paris, 2010.
14 « contraria alla nefanda politica ». Il faut toutefois être attentif au fait que nombreuses sont ces associations qui vont à la recherche de subsides gouvernementaux, voire en faisant directement appel à la philanthropie royale. Elles doivent donc s’afficher comme a minima… non hostiles à la monarchie.
15 Regolamento per la Compagnia veterani, Cremone, 1883.
16 Società Di Mutuo Soccorso Fra I Volontari Garibaldini In Livorno, Statuto della Società di Mutuo soccorso fra i volontari garibaldini in Livorno, Livourne, 1882.
17 Società dei reduci delle patrie battaglie del Mandamento di Gallarate : statuto e regolamento approvati nell’Assemblea generale del 17 aprile 1887, Gallarate, 1887, 1882 ; Statuto della Società dei veterani e reduci dalle patrie battaglie di Forli, Forli, 1882 ; Statuto fondamentale della Società dei volontari e reduci dalle patrie battaglie in Finale-Emilia, Finale, 1882.
18 Progetto di Statuto della Società provinciale bergamasca fra veterani e reduci delle patrie battaglie, [S.l. : s.n., dopo il 1849] ([S.l.] ; Statuto della Associazione dei reduci dalle patrie battaglie di Rovigo, Rovigo, 1885.
19 Statuto dell’Associazione dei volontari vicentini del 1848 e anni successivi, Vicenza, 1874.
20 Statuto e regolamento della Società, dei reduci dalle patrie battaglie per l’indipendenza d’Italia. Friuli, Udine, 1881.
21 Statuto della società volontari italiani (sede di Siena), Sienne, 1883.
22 Statuto sociale. Veterani e reduci dalle patrie battaglie in Viareggio, Viareggio, 1883 ; Statuto del Comitato fiorentino dei veterani del 1848-49 pel servizio di guardia d’onore alla tomba del Re Vittorio Emanuele II sotto la presidenza di S. M. Umberto I, Re d’Italia, Florence, 1885.
23 Statuto e regolamento della Società, dei reduci dalle patrie battaglie per l’indipendenza d’Italia Friuli, Udine, 1877.
24 Libretto-Statuto Società reduci dalle patrie battaglie in Treviglio, Treviglio, 1884.
25 Statuto della società superstiti di Mentana, Milan, 1884.
26 Società dei Reduci delle patrie battaglie del collegio elettorale di Stradella, Stradella, 1879
27 Statuto della Società dei Reduci dalla patrie battaglie Legnano, Legnano, 1881.
28 Ibidem.
29 Statuto della Società dei veterani delle guerre combattute negli anni 1848-49 per l’indipendenza e l’unita d’Italia, Sienne, 1880.
30 Statuto organico e regolamento della Associazione dei reduci dalle patrie battaglie in Ravenna, Ravenne, 1883.
31 Comizio generale dei veterani delle guerre combattute negli anni 1848-49 per l’indipendenza ed unita d’Italia sedente in Torino, sotto la presidenza onoraria di S. M. il re Umberto I, Torino, 1881 ; Statuto della Società di mutuo soccorso fra i reduci dalle patrie battaglie in Roma, Roma, 1880, (Presidente onorario Garibaldi) ; Statuto del Club dei reduci dalle patrie battaglie in Modena, presidente onorario N. Fabrizi, Modène, 1883 ; Statuto fondamentale della Società di mutuo soccorso fra i superstiti delle guerre per l’Unità d’Italia in Bologna, Bologne, 1884.
32 Statuto-Regolamento della Società dei reduci dalle patrie battaglie e dall’esercito d’Imola : presidente onorario perpetuo G. Garibaldi, Imola, 1885 ; Statuto sociale. Reduci patrie battaglie e fratellanza militare in Pontedera, Pontedera, 1884.
33 Statuto dei reduci delle patrie battaglie del comune e circondario di Pontremoli, Pontremoli, 1884.
34 Statuto e regolamento della Società dei reduci dalle patrie battaglie : sede di Pescia, presidente onorario perpetuo Giuseppe Garibaldi, Pescia, 1880.
35 Statuto-Regolamento della Società dei reduci dalle patrie battaglie e dall’esercito d’Imola : presidente onorario perpetuo G. Garibaldi, Imola, 1885.
36 Società, Statuto della Società reduci dalle patrie battaglie in Novara, Novara, 1880.
37 Consulté sur Google Books.
38 « La Commissione di Patrocinio composta di otto distinti benemeriti Cittadini col titolo di Protettori La stessa s’incaricherà far tutte le possibili pratiche presso il Governo perchè venisse attuata la deliberazione della Camera data nel 1862 per la preferenza ad impiego od occupazione nelle Ferrovie Meridionali ai Reduci dalle Patrie Campagne del 1848 1849 ». Et « Appoggiare presso il Parlamento Nazionale qualunque giusta domanda o reclamo dei Socii sosterrà energicamente una classe benemerita dimenticata dal paese e dall Italia. S’incaricherà altresì sollecitare da Municipii tutti que gl’impieghi ed occupazioni che possonsi disimpegnare dai socii ».
39 « Commissione di lavoro composta di sei socii nominati dal Seggio ed approvati dall Assemblea Essa avrà l’incarico di procurare lavoro a secondo dei Socii. Avrà l’incarico altresì di sorvegliare per rapportarne andamento de lavori mestieri ed industrie che fossero esercitate da soci per accrediti ricevuti dalla società riferirà per quelli fra socii che domanderanno il sussidio giornaliero per mancanza di lavoro ».
Art 104 Commissione di sussidio. « Questa sarà composta di quattro Consiglieri e di quattro Socii nominati dall Assemblea a proposta del Presidente Avrà l’incarico di prendere strette informazioni sullo stato di coloro che domanderanno soccorso e ne riferirà e nel caso affermativo darà il parere per la quantità modo di somministrare e durata ».
40 Une premier recensement des fonds a été donné par Daniele Rampazzo dans Venetica, 2002, a. XVII, L’archivio della società dei veterani del 1848-49, p. 90.
41 G. Isola, op. cit., p. 500.
42 B. Tobia, Una patria per gli Italiani, Bari, 1991 ; C. Brice, Monumentalité publique et politique à Rome : le Vittoriano (1870-1943), Rome, 1998, Ead., La monarchie et la construction de l’identité nationale italienne (1861-1900), Paris, 2010 ; Ead., Storia, memoria, commemorazioni : relazioni pericolose ?, dans Memoria e ricerca, celebrare la nazione : anniversari e commemorazioni nella società contemporanea, 34, maggio-agosto 2010, p. 5-16 ; M. Baioni, I volti della città : politica, simboli, rituali ad Arezzo in età contemporanea, éd. par M. Baioni, Montepulciano, 2002 ; E. Gentile, La grande Italia : ascesa e declino del mito della nazione nel ventesimo secolo, Milan, 1997.
43 Cité par G. Isola, Socialismo e combattentismo : la Lega proletaria 1918-1922, dans Italia contemporanea, 141, Ott.-dic. 1980, p. 5-31.
44 Sezione di Parma, Associazione nazionale fra mutilati e invalidi di guerra, Un anno di lavoro, Parme, 1919.
45 Associazione nazionale combattenti, Statuto, Brescia, 1919.
46 A. M. Banti. Sublime madre nostra : la nazione italiana dal Risorgimento al fascismo, Rome-Bari, 2011.
Auteur
Université Paris-Est, Centre de recherche en histoire européenne comparée CRHEC (EA 4392) (Créteil, France), Institut universitaire de France (I.U.F.)
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