Entrepôts et trafics annonaires en Méditerranée
| ,Deuxième partie. Études
Les Grandi Horrea d’Ostie
Résumé
Insérés au sein de l’espace public défini à l’est de la zone du castrum républicain, les Grandi Horrea d’Ostie constituent l’un des plus grands entrepôts connus jusqu’à présent dans la cité portuaire et occupent la majeure partie d’un îlot urbain, entre le decumanus maximus et le Tibre. Cette contribution, après avoir rappelé l’histoire du monument, de son insertion dans le tissu urbain à sa fouille systématique pendant la Première Guerre mondiale, propose de faire le point sur ce que nous connaissons des principales étapes de la vie du monument qui s’étale du premier quart du Ier siècle ap. J.-C. jusqu’au moins tout le IIIe siècle, et ce que nous pouvons restituer sur le fonctionnement technique de ces entrepôts. Dans ce cadre, une attention particulière a été portée sur le transport maritime des grains et le déchargement des bateaux, sur les manutentions à l’intérieur du bâtiment et les caractéristiques des aires de stockage, sur les techniques de conservation des grains et le calcul des capacités, et sur la gestion des entrepôts et la redistribution des denrées vers la ville.
Texte intégral
Introduction
- 1 L’étude des Grandi Horrea d’Ostie a été menée pour le programme Ramses2 dans le cadre d’un atelier (...)
1La concentration de bâtiments de stockage dans les sites portuaires d’Ostie et de Portus offre la possibilité d’étudier, à partir de structures bien conservées, des modèles architecturaux conçus durant l’Antiquité pour des édifices spécifiquement dédiés à la conservation des denrées, désignés sous le nom d’horrea. Dans le cadre du programme Ramses2, un projet archéologique consacré à l’analyse de ces entrepôts a été lancé en 2006, à partir d’un cas exemplaire et monumental, celui des Grandi Horrea à Ostie (fig. 1)1.
- 2 Avec les horrea Antoniniani, partiellement dégagés et encore mal connus. Voir G. Rickman, Roman Gr (...)
2Entièrement dégagés dans la première moitié du XXe siècle, les Grandi Horrea constituent l’un des plus grands entrepôts connus d’Ostie2. Situés juste en limite de la zone du castrum républicain, ils occupent la majeure partie d’un îlot urbain (îlot 9 de la région II), entre le decumanus maximus et le Tibre. Délimités à l’est et à l’ouest par de longs murs en grand appareil de tuf, ils forment un quadrila- tère de 100 m de long sur 72 m de large, centré sur une vaste cour intérieure dotée d’un portique et bordée sur ses quatre côtés d’une succession de cellae (fig. 2 et 10). L’aménagement systématique de sols surélevés (suspensurae) dans les dernières phases de la vie du monument suggère que cet édifice a pu accueillir des céréales.

Fig. 1 – Localisation des Grandi Horrea dans la trame urbaine d’Ostie.
Échelle 1/10.000.
Fond de carte SBAO ; DAO G. Boetto, V. Dumas, CCJ/CNRS.
3Ses dimensions exceptionnelles et son caractère monumental conduisent également à s’interroger sur sa place dans le dispositif destiné à assurer, à l’époque impériale, l’approvisionnement de l’Urbs.
L’histoire des fouilles
- 3 Sur les explorations d’Ostie au XIXe siècle, voir F. Marini Recchia, D. Pacchiani et F. Panico, Le (...)
- 4 CIL XIV, 4147. G. Fiorelli, Ostia, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1885, p. 530.
- 5 G. Fiorelli, Ostia, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1886, p. 25.
- 6 Sur cette période des fouilles d’Ostie, voir P. Olivanti, Les fouilles d’Ostie de Vaglieri à nos j (...)
- 7 Les très rares mentions des fouilles au moment de leur exécution ont été publiées dans les Notizie (...)
- 8 La première vente de terre correspond à un financement des fouilles par un certain Sig. Vincenzo M (...)
- 9 La raréfaction des ouvriers se fait particulièrement ressentir fin avril 1917 (GSO 1917 : 16-21, 2 (...)
- 10 Ainsi, il décrit précisément les strates aperçues après le démontage du four à chaux installé dans (...)
- 11 Ces sondages ont été effectués à l’ouest du monument pour retrouver sa fondation (GSO 1916 : 28-31 (...)
4Les Grandi Horrea ont commencé à être remis au jour dans le premier tiers du XIXe siècle par les fouilles pontificales puis entre 1885 et 1886 alors que Rodolfo Lanciani était surintendant3. La première interprétation proposée, due à un dégagement très incomplet de la zone orientale et à la découverte d’une inscription mentionnant l’aqueduc, est d’y voir un réservoir d’eau4. L’emploi du grand appareil de tuf est pourtant déjà mis en parallèle avec d’autres greniers5. Il faut toutefois attendre les années 1910 pour que des travaux plus poussés soient réalisés, principalement entre 1914 et 19186. L’extrême indigence des rapports publiés durant les travaux nous a conduits à dépouiller les journaux de fouille conservés dans les archives de la SBAO7. Outre de nombreux détails architectoniques qui n’ont pas été repris dans la synthèse publiée par Guido Calza en 1921, les « Giornali degli Scavi di Ostia » (GSO) permettent de suivre l’avancée saccadée du dégagement du monument. Le déroulement simultané du premier conflit mondial a eu des répercussions non négligeables sur la fouille, réduisant fréquemment deux éléments essentiels, les crédits et la main-d’œuvre. Tandis qu’une partie du bâtiment paraît n’avoir été dégagée que pour vendre les déblais à la commune de Rome qui construisait alors la Via del Mare8, le chantier des Grandi Horrea a dû s’arrêter à plusieurs reprises faute d’ouvriers, et ce malgré l’emploi de prisonniers de guerre9. En dépit de ces arrêts, reprises et déviations, il faut noter la remarquable qualité des observations qui sont reportées dans le texte des GSO. Raffaele Finelli, qui les a rédigées en qualité de « soprastante », expose tout au long du chantier ses raisonnements, parfois très détaillés, ses hypothèses et ses doutes. Signalons qu’il est très attentif à décrire, même de façon sommaire, la stratigraphie qu’il fouille10. À plusieurs reprises, il pratique également des sondages de vérification11. D’une manière générale, et en dépit de leur style parfois difficile à suivre, ces comptes rendus de fouille constituent une source d’une grande richesse jusqu’à présent inexploitée. [N. M.]
L’étude archéologique
- 12 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit., n. 11 ; G. Calza, G. Becatti, G. De Angelis d’Ossat, I. Gism (...)
- 13 Le monument a successivement été défini comme des thermes, en raison de la présence de sols suréle (...)
- 14 R. Meiggs et G. Rickman s’appuient sur l’analyse architecturale de G. Calza : R. Meiggs, Roman Ost (...)
5La première étude du monument, réalisée par G. Calza12, attribue la construction des Grandi Horrea à l’époque de Claude, avec une série de grandes restructurations menées entre la fin du IIe siècle et la première moitié du IIIe siècle. Elle propose une analyse architecturale de l’édifice, définitivement interprété comme un entrepôt13. Cette synthèse sert de référence pour la bibliographie ultérieure, qui soulève toutefois certaines incohérences dans la chronologie du bâtiment14.
- 15 Malgré l’absence de tout nouveau relevé topographique, de nombreuses distorsions avec la planimétr (...)
6Le programme archéologique débuté en 2006 avait donc pour objectif d’effectuer un réexamen d’ensemble du monument, afin d’en préciser la structure et l’organisation interne. L’analyse des élévations conservées et l’étude systématique des techniques de constructions nous ont permis de retracer les grandes lignes de l’évolution du bâtiment15. Enfin, les secteurs situés au sud et à l’est des Grandi Horrea ont été englobés dans l’analyse, afin de mieux comprendre l’intégration de l’entrepôt dans le tissu urbain.
- 16 En raison de la chronologie relative suggérée par l’analyse des techniques de construction employé (...)
7Les résultats de notre étude suggèrent une datation du monument probablement située au tournant de notre ère16. Le plan d’ensemble de l’édifice est alors défini, mais les aménagements intérieurs du projet initial restent mal connus, en raison des profondes modifications effectuées entre le règne de Commode et la dynastie des Sévères. Ces restructurations tardives témoignent de la volonté d’augmenter significativement les surfaces de stockage, tout en améliorant les conditions de conservation des denrées. Une analyse détaillée de ces nouveaux aménagements permet, au-delà des restitutions architecturales, de proposer une réflexion sur le fonctionnement de l’entrepôt au cours des siècles, en parcourant en particulier le cycle de l’approvisionnement des denrées, depuis leur arrivée par voie maritime jusqu’à leur dépôt dans les cellae, programmé pour une durée plus ou moins longue. [C. R.]
Histoire du monument
L’insertion du monument dans le tissu urbain
- 17 L’étude préliminaire, réalisée pendant la campagne 2007, nous a permis de mettre en évidence une o (...)
- 18 Ce réexamen conduit à abandonner la restitution d’une façade à portique, initialement proposée par (...)
8L’insertion des Grandi Horrea dans le tissu urbanistique d’Ostie révèle le choix d’une implantation stratégique en termes d’acheminement des denrées. L’entrepôt se développe ainsi entre les principales voies terrestres et fluviales qui relient Ostie à Rome, soit au sud, le decumanus maximus, qui prolonge la Via Ostiense, et au nord le Tibre, vers lequel semble principalement orienté l’entrepôt. Toutefois, les relations entre le monument et ces grands axes de transports restent mal établies. Au sud, le mur périmétrique du monument ne comporte aucune ouverture. L’étude architecturale menée sur l’ensemble des constructions qui le séparent du decumanus confirme également l’absence de lien fonctionnel avec l’entrepôt17. L’accès vers le Tibre semble donc avoir été privilégié, comme l’indique, dans les dernières phases, un long couloir central partant de la cour. Mais un réexamen de la façade septentrionale montre que des accès restreints seulement permettaient une communication avec l’extérieur18.
- 19 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit. n. 11, p. 360.
- 20 La fouille est inédite. Toutes les informations recueillies sont dues à A. Marinucci que nous teno (...)
- 21 Les murs en opus reticulatum ont été observés dans le sondage A, en présence d’un espace dallé (vo (...)
9La présence de constructions dans les 150 m qui séparent l’entrepôt du tracé antique du fleuve suggère, en outre, que le secteur séparant l’entrepôt du Tibre n’était pas réservé à une place portuaire, comme le proposait G. Calza19. Deux sondages restreints, effectués dans les années 1990 sous la direction d’Alfredo Marinucci (SBAO)20, ont en effet mis au jour des sections de murs en opus reticulatum et en opus vittatum, ainsi qu’un aménagement de voirie et un égout (fig. 1)21. Bien que ponctuels, ces éléments reflètent le développement d’un secteur urbanisé au nord des Grandi Horrea.
- 22 Le parcours du Tibre a été restitué à une distance d’environ 150 m des Grandi Horrea, mais une étu (...)
- 23 Le Tibre était aménagé pour faciliter les opérations de chargement et déchargement. R. Meiggs sign (...)
- 24 F. Castagnoli, Installazioni portuali a Roma, dans J. D’Arms et E. C. Kopff (éd.), The seaborne co (...)
- 25 L’ouverture vers la Via dei Molini n’est pas établie pour les premières phases (infra n. 39). Sur (...)
10La position exacte de la rive antique du fleuve reste elle-même mal connue et a pu évoluer selon les époques22. La liaison avec les quais du Tibre, dont aucune trace n’a été repérée dans ce secteur de la ville, n’était probablement pas aisée23. Ces découvertes démontrent que les Grandi Horrea se sont trouvés progressivement insérés dans un tissu urbain très dense, comme c’est le cas à Rome dans la zone de l’Emporium24. Ils restent en même temps un édifice fermé sur lui-même, doté d’accès limités, vers le nord et vers les voies perpendiculaires reliant le fleuve au decumanus maximus : à l’est, la Via della Piscina, sur laquelle s’ouvrent des boutiques accolées au monument et présentant une façade en grand appareil de tuf ; à l’ouest, la Via dei Molini, le long de laquelle est construite, dans la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C., une vaste boulangerie25.
- 26 CIL XIV 4702 (CIL I2 2516a-d) : C. Caninius C.f. pr (aetor) urb (anus) de sen (atus) sent (entia) (...)
- 27 F. Coarelli estime que les premières réfections du monument sont probablement antérieures au milie (...)
- 28 Les élévations en opus testaceum appartenant à ce monument originel ne permettent pas de remonter (...)
- 29 Les premiers édifices connus dans cet espace sont les dits « quattro tempietti » situés à l’est de (...)
- 30 Le secteur occidental du vaste espace délimité entre le decumanus et le Tibre était certainement l (...)
- 31 J. T. Bakker, Les boulangeries à moulin et les distributions de blé gratuites, dans J.-P. Descoeud (...)
- 32 Le niveau de circulation dans la cour se situe, dès la première phase du monument, à 2,50 m au-des (...)
11Bordée par une section conservée de la première enceinte urbaine, la Via dei Molini correspond également à la limite orientale du noyau républicain d’Ostie (castrum). Les Grandi Horrea se trouvent ainsi juste en dehors de cette ancienne limite, qui semble également avoir été choisie pour définir, à la fin du IIe siècle av. J.-C. un vaste espace attribué au sol public. Quatre cippes épigraphes disposés, à l’est, le long du decumanus maximus rappellent en effet une décision du préteur urbain C. Caninius affectant au domaine public l’espace qui s’étend jusqu’au Tibre. Il englobait dès lors l’îlot sur lequel sont construits les Grandi Horrea26. Ce constat a conduit F. Coarelli à relier la construction de l’entrepôt avec le lotissement dès la fin du IIe siècle av. J.-C. de l’espace délimité par C. Caninius. L’opération s’inscrirait dans un programme d’ensemble visant à valoriser la rive du Tibre, en répondant aux besoins croissant d’approvisionnement en grains de la capitale, dans la lignée des desseins politiques des Gracques27. Aucun élément de l’étude, menée sur les structures conservées, ne permet d’étayer cette datation républicaine28. Toutefois, la question de l’aménagement de ce secteur avant l’époque impériale mérite d’être posée. Au cours du Ier siècle av. J.-C., plusieurs monuments publics sont édifiés dans l’espace délimité par les cippes de Caninius, dont le petit temple républicain, à l’angle de la Via dei Molini et du decumanus29. La construction des Grandi Horrea poursuit certainement l’aménagement de ce secteur stratégique et particulièrement convoité, à proximité du Tibre et du cœur de la ville30. Avec ses dimensions exceptionnelles et ses murs en opus quadratum, l’entrepôt devait constituer au moment de sa construction un des grands monuments de la ville31. Sa fondation en terrasse suggère que le plan de circulation à l’intérieur de l’édifice ait pu être initialement surélevé par rapport aux rues environnantes32. Cet élément ne pouvait que renforcer le caractère ostentatoire des Grandi Horrea, avant qu’ils ne soient progressivement englobés dans le dense tissu urbain de la ville impériale. [G. B. – C. R.]
Les principales étapes de la vie du monument
- 33 Cette étude s’appuie principalement sur les méthodes de l’archéologie de la construction qui prévo (...)
12L’étude architecturale des Grandi Horrea a permis de mettre en évidence les principales phases de construction (fig. 3) de ce vaste monument qui s’étend sur plus de 7000 m2 et se conserve par endroit jusqu’à 3 m de hauteur33.
Le monument originel
- 34 L’analyse des fondations et de la portion visible du mur de soutènement est du bâtiment permet de (...)
13La construction du bâtiment originel (fig. 3, phase 1), que nous attribuons, à partir de l’analyse des techniques de construction, au premier quart du Ier siècle apr. J.-C., a été réalisée sur une plate-forme légèrement trapézoïdale longue de 100 m et large de 72 m. Ce système de terrassement permettait de compenser les irrégularités du terrain34. Il assurait également une protection efficace contre l’humidité des sols de cette zone de la ville proche du Tibre. Il n’est pas exclu non plus, comme nous le verrons plus loin, que cette surélévation ait été aussi prévue dans la perspective de l’installation d’une réserve d’eau alimentée par la nappe phréatique (espace 34).
- 35 Petit appareil de tuf caractérisé par l’emploi de moellons pyramidaux disposés en carrés sur point (...)
14Les murs périmétriques est et ouest, qui jouxtaient des voies de circulation, étaient construits en grand appareil de tuf alors que le mur sud du complexe, sans contact direct avec le réseau routier, était construit en appareil mixte, alternant, comme pour le reste des constructions de ce chantier, quelques assises de briques aux zones appareillées en opus reticulatum35 ; ce mur sud était complété, à l’extérieur, par une série de contreforts en briques ou en fragments de tuiles. Pour le reste, les transformations radicales survenues ultérieurement interdisent de restituer l’organisation originelle du bâtiment.

Fig. 3 – Phases de construction identifiées dans les Grandi Horrea.
Échelle 1/1000 ; fond de plan : relevé I. Gismondi ; DAO É. Bukowiecki – N. Monteix, IRAA – EFR.
- 36 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit. n. 11, p. 367.
- 37 GSO 1918 : 25-30 marzo ; 1-7 luglio. Une partie des blocs a été insérée, lors de la restauration d (...)
- 38 Sans prendre en compte la nature du matériau employé, nous pouvons, par exemple, dresser un parall (...)
- 39 Les transformations successives empêchent de déterminer la présence de son symétrique dans la faça (...)
15G. Calza avait restitué un portique courant le long de toute la façade septentrionale, en se fondant sur une colonne engagée et sur cinq autres, toutes situées au nord-est du bâtiment36. Pourtant, ces six éléments porteurs sont associés à un portique construit, le long de la façade orientale, dans une phase successive. En revanche, des blocs de travertin moulurés et sculptés, mis au jour lors de la fouille du remblai sévérien, pourraient appartenir à la phase originelle37. En référence à d’autres façades d’horreum mieux connues, on pourrait restituer une façade en travertin, peut-être pourvue d’une unique porte encadrée de deux colonnes sur piédestal surplombées d’un entablement à ressaut, lui-même surmonté d’une frise38. De cette première phase, signalons également l’existence d’une porte, maintenue jusqu’aux chantiers sévériens, qui perce la façade orientale au nord des Grandi Horrea39.
- 40 La position des murs de refend reconstruits au IIe s. est identique à celle du monument originel.
16La conservation des amorces en tuf des murs de refend des ailes latérales nous permet de supposer que le plan d’origine a été respecté, au moins sur ces côtés, lors de la reconstruction de l’édifice à la fin du IIe siècle40. Selon cette hypothèse, le plan des Grandi Horrea était alors centré ; les séries de cellae s’ouvraient sur un espace interne articulé autour d’un portique qui délimitait un vaste espace découvert en U.
17Entre la fin de la dynastie julio-claudienne et le début de la dynastie des Flaviens deux évènements importants viennent modifier l’immédiate périphérie du monument. Une première série de boutiques dotées d’un étage vient s’adosser au mur méridional (fig. 3, phase 2) et immédiatement après, une autre série d’espaces commerciaux ou de stockage, est élevée contre le flanc oriental de l’édifice (fig. 3, phase 3). La façade de ces dernières constructions est érigée en grand appareil de tuf, sans doute pour préserver l’aspect monumental du bâtiment en contact avec la voirie et un portique en travertin est aménagé le long de ce côté et devant l’angle nord-est du bâtiment.
- 41 Dans ces boutiques du flanc oriental, des traces d’escaliers ont été observées durant la fouille ((...)
18Il est difficile de déterminer si le monument originel possédait un étage car aucune trace d’un escalier pouvant être daté de cette époque n’a été conservée. L’adjonction précoce de la série de boutiques contre le flanc oriental du bâtiment permet toutefois de restituer une hauteur au moins égale à cette nouvelle construction qui disposait, elle, d’un étage et pouvait atteindre, selon nos estimations, environ 9 mètres (fig. 4)41.

Fig. 4 – Façade orientale des Grandi Horrea.
Clichés N. Monteix, EFR.
Les boutiques accolées au monument originel utilisent des blocs de grand appareil de tuf pour préserver l’aspect général du bâtiment. En encadré, détail des consoles de support de l’étage.
- 42 Les caractéristiques techniques des constructions de cette phase (opus reticulatum avec chaînages (...)
- 43 Le lot de briques employé dans la portion conservée de ce mur en opus testaceum est constitué excl (...)
19Les traces d’interventions qu’il est possible d’attribuer à la période s’étendant de la fin de la dynastie flavienne à la première partie de la dynastie antonine (fig. 3, phase 4) se limitent au bouchage des entrecolonnements du portique en travertin des boutiques est (fig. 3, phase 3)42 et à l’érection du mur nord de l’espace 72 (fig. 3, no 84 phase 4)43.
Les modifications de la fin du IIe siècle
- 44 Seules les élévations en grand appareil de tuf sont préservées.
20À la fin du IIe siècle, les Grandi Horrea sont intégralement refaits en préservant l’enveloppe des murs périmétriques (fig. 3, phase 5 ; fig. 5, a)44.
- 45 Les matériaux récupérés sont largement remployés dans la reconstruction des murs de refend alors q (...)
- 46 Sur les suspensurae, voir infra.
21Les murs en appareil mixte sont systématiquement démontés et reconstruits intégralement en briques45. L’aile nord du portique interne est démantelée, remplacée par une façade en briques rythmée par des baies. Cette intervention radicale est peut-être liée à l’installation ou à la réorganisation d’un niveau supérieur mais surtout à l’aménagement de sols surélevés (suspensurae) destinés à améliorer les conditions de stockage46.
- 47 La restitution de ces escaliers se fonde non seulement sur les traces d’accroche des marches obser (...)
- 48 Cette disposition de l’escalier trouve un parallèle dans le Piccolo Mercato. Seule cette solution (...)
- 49 Le rehaussement est perceptible au niveau du seuil entre les espaces 133 et 93. Le niveau général (...)
- 50 La fonction de cette voie couverte reste encore à déterminer. Pour J. T. Bakker, cet aménagement s (...)
22Un escalier est installé à chaque extrémité du couloir qui se développe derrière la façade percée de baies (71-72). Ils sont composés d’une unique volée de marches (fig. 6, a)47. Un troisième escalier est installé dans l’angle sud-oriental (espace 13). Contrairement aux précédents, il est composé d’une volée de marches qui se poursuit sans doute par une pente inclinée, cet aménagement étant doublé après un palier (fig. 6, b)48. Enfin, un léger rehaussement de l’aile nord permet de rendre l’ensemble du bâtiment de plain-pied49: seul l’accès à la cour découverte oblige à franchir un degré. La circulation dans l’entrepôt s’en trouve fluidifiée. Le seul passage délicat est constitué par l’entrée dans les cellae qui est systématiquement située à plus de 0,50 m au-dessus du niveau de circulation, obligeant à une probable rupture de charge entre les porteurs pour acheminer le chargement à l’intérieur. Dans cette même phase de construction, une Via tecta est installée entre le flanc occidental des horrea et le Caseggiato dei Molini (I, 3, 4-5)50.

Fig. 5 – Restitution isométrique de l’évolution des volumes architecturaux des Grandi Horrea.
a) état restitué à la fin du IIe siècle ; b) état restitué après le premier chantier sévérien ; c) état restitué après le second chantier sévérien.
Dessins N. Monteix, EFR.

Fig. 6 – Restitution isométrique des différents systèmes d’escalier qui se sont succédés dans le monument.
a) escalier de la fin du IIe siècle, espace 71 ; b) escalier de la fin du IIe siècle, espace 13 ; c) escalier du début du IIIe siècle, sud-ouest de l’espace 35 ; d) escalier de la seconde phase sévérienne, espace 30.
Échelle 1/400 ; dessins N. Monteix, EFR.
La multiplication des surfaces de stockage : les chantiers sévériens
- 51 Cette nouvelle façade complexifie fortement l’accès aux Grandi Horrea, comme l’a déjà noté G. Rick (...)
23Au tout début du IIIe siècle apr. J.-C., de nouveaux travaux sont entrepris dans l’aile septentrionale (fig. 3, phase 6 ; fig. 5, b). La façade en travertin et son entrée monumentalisée sont abattues et remplacées par un mur de briques, percé de deux ouvertures au nord situées à 1,50 m au-dessus de la voie pavée de basalte qui longe au nord des Grandi Horrea, et une troisième à l’est51. Un important terrassement recouvre désormais les structures antérieures créant une plateforme isolée du reste du monument et sur laquelle s’installe une série d’espaces de stockage munis dès l’origine d’un sol surélevé et dont l’accès est cette fois orienté vers le nord (espaces 74-86). Devant ces nouvelles cellae se développe une large plate-forme, peut-être utilisée pour la manutention des marchandises et éventuellement des sacs de grains.
- 52 Il s’agit d’une série d’arcades soutenues par des piliers, le tout participant à une monumentalisa (...)
24C’est à la même époque que les entrecolonnements des portiques extérieurs de la cour interne sont bouchés et que de nouveaux contreforts sont aménagés contre le mur sud des horrea52. Les baies de la façade interne sont également occultées, tandis qu’un nouvel escalier est construit : il part de l’angle sud-occidental de l’espace 35 et se développe au-dessus des espaces 47 et 48 (fig. 6, c).
- 53 Ces espaces seront reconvertis en aire de stockage, comme les espaces mineurs tels que 13 et 48 où (...)
- 54 Cette restitution a déjà été proposée par G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, p. 379. En su (...)
- 55 Ce rehaussement est décrit dans les GSO (1918 : 28-31 gennaio, 1-2 febbraio). Les piliers de suppo (...)
25Les dernières modifications des Grandi Horrea concernent de nouveau l’aile septentrionale (fig. 3, phase 7 ; fig. 5, c). Le vaste couloir nord est compartimenté en trois espaces (espaces 89, 91 et 93). Les deux escaliers, jusqu’alors situés dans les espaces 71 et 7253, sont déplacés vers le sud, en empiétant sur la cour interne (espaces 26-32). Ils peuvent être restitués avec une première volée de huit marches qui s’achève ensuite par un plan incliné (fig. 6, c)54. Sur ce qu’il reste de la cour interne, une couverture est installée, supportée par un portique, et le niveau de circulation y est partiellement rehaussé : les Grandi Horrea ne disposent désormais plus d’espace découvert55.
26Ces derniers chantiers (phases 5, 6 et 7), avec la destruction de la façade septentrionale, le bouchage des entrecolonnements du portique de la cour interne et la création de ce second portique, illustrent le basculement progressif mais inexorable des Grandi Horrea d’une architecture utilitaire mais intégrée dans l’amoenitas urbaine vers une architecture strictement utilitariste et avide d’espaces de stockage.
27[É. B. – N. M.]
La gestion de l’eau
- 56 Les blocs de tuf, larges d’environ 0,60 m, étaient creusés longitudinalement d’un canal semi-circu (...)
- 57 Dimensions de la citerne : 5 m de longueur sur 2,9 m de largeur et environ 1,6 m de profondeur. Al (...)
28Dès la construction du monument originel, la gestion de l’eau avait été minutieusement planifiée. Au centre du bâtiment se développait un portique bordé par une large gouttière réalisée en tuf56. L’eau de pluie qui s’écoulait des toits était recueillie par la gouttière et convoyée vers une citerne située dans l’angle sud-oriental de la cour (espace 52)57. Ce réservoir d’une capacité de près de 20 m3 était construit dans le même appareil mixte que les murs internes du monument originel et soigneusement revêtu d’enduit hydraulique. Les élévations de la citerne ne sont pas conservées dans leur intégralité mais il est fort probable qu’elle n’ait jamais été couverte. Pour l’approvisionnement en eau ou l’entretien, on accédait à l’intérieur du réservoir par un petit escalier de trois marches situé dans l’angle nord-ouest du bassin.
- 58 G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, fig. 10 p. 373.
29Comme système de trop-plein, cette citerne disposait en amont d’une série de perforations réalisées à même la gouttière du portique. Elles permettaient l’évacuation de l’eau en excès et pouvaient être, en fonction des besoins, ouvertes ou fermées. Les huit orifices reconnus sur l’ensemble de la portion visible de la gouttière semblent tous, selon le relevé d’I. Gismondi, en relation directe avec le réseau d’égouts sous-jacent à la cour (fig. 3)58 ; ces canalisations se réunissaient au nord du monument en une unique conduite qui, au-delà des horrea, rejoignait sans doute d’autres systèmes d’évacuation se déversant en fin de parcours, probablement dans le Tibre tout proche.
- 59 L’inclinaison de l’escalier est de l’ordre de 70°. Les six marches maçonnées qui le composent ont (...)
- 60 GSO 1918 : 25-28 febbraio.
- 61 Une autre citerne alimentée par la nappe phréatique se trouve sous la palestre des Terme di Nettun (...)
30De l’autre côté de la cour intérieure, dans l’angle nord-occidental, on peut encore observer l’accès à une autre structure souterraine (espace 34), vraisemblablement également liée au réseau d’eau des horrea (fig. 7). Il s’agit d’un escalier qui se développe du nord au sud selon une pente très prononcée59. En dessous de la base de l’escalier qui avoisine le niveau – actuel – de la mer, on aperçoit, légèrement en retrait, la maçonnerie qui le soutenait et que l’on peut suivre sur au moins 0,70 m. La proximité avec le niveau de la nappe phréatique a interdit d’achever la fouille de cette structure60. Il est toutefois fort probable que cette construction particulière, qui se développe sous le niveau de la mer, soit en fait une citerne alimentée par la nappe phréatique61.
- 62 Rappelons toutefois que durant le second chantier sévérien, la partie nord de la gouttière en tuf (...)
31Enfin, il est intéressant de constater que l’ensemble des dispositifs liés au premier réseau d’eau des Grandi Horrea est resté inchangé et qu’il a continué de fonctionner durant toute la vie du monument62. Cette constatation laisse supposer que la disponibilité en eau était indispensable au fonctionnement de l’édifice et certainement principalement liée à l’entretien des aires de stockage ; ainsi, une citerne d’eau pluviale et une autre d’eau de nappe permettait de répondre aux besoins courants tout au long de l’année, été comme hiver. [É. B.]

Fig. 7 – Accès à l’espace souterrain 34, probable citerne alimentée par la nappe phréatique, vu du sud (à gauche) et du nord (à droite).
Clichés É. Bukowiecki, IRAA.
Les timbres sur briques
- 63 Cette approche a été largement expérimentée dans le cadre du projet précédent de l’École française (...)
- 64 Opus reticulatum ; opus mixtum à bandes et opus testaceum.
32Notre approche de la datation des phases de construction des Grandi Horrea s’appuie principalement sur l’analyse systématique des matériaux et des techniques de mise en œuvre employés aux différentes époques63 et ce sont surtout les petits appareils de tuf et de briques qui ont pour l’instant retenu notre attention64. Toutefois, l’habitude romaine d’estampiller les briques nous a permis de préciser certaines chronologies et nous avons relevé à ce jour, in situ et dans les archives, 52 timbres sur briques pour l’ensemble des structures conservées des Grandi Horrea.
- 65 31 exemplaires du CIL XV 666 (GSO 1918 : 22-27 aprile, n° inv. 12820) : M. Steinby, La cronologia (...)
- 66 Seuls des sondages stratigraphiques dans la tranchée de fondation du mur périmétrique permettraien (...)
33La majorité de ces marques est datée du règne de Néron65 et appartient au lot uniforme de briques employées dans les murs de refend des boutiques qui longent à l’est les Grandi Horrea (fig. 3, phase 3). Le terminus ante quem fourni par la datation néronienne du timbre CIL XV 666 permet de situer dans la première moitié du Ier siècle autant la construction du monument originel (fig. 3, phase 1)66 que l’installation des boutiques au sud des Grandi Horrea (fig. 3, phase 2). L’aménagement de ces boutiques se situe par conséquent dans la seconde moitié du Ier siècle mais l’abondance des timbres retrouvés et l’homogénéité des briques utilisées permet sans doute de proposer cette même datation néronienne (fig. 3, phase 3).
- 67 Un exemplaire du CIL XV 201 dans l’espace 22 (GSO 1917 : 24-29 settembre, n° inv. 12644) : M. Stei (...)
- 68 16 exemplaires du CIL XV 325 dans les espaces 6, 7, 8, 9, 10 et 11 (GSO 1916 : 6-12 novembre, n° i (...)
34La reconstruction des Grandi Horrea de la fin du IIe siècle (fig. 3, phase 5) a révélé en tout 19 timbres, tous retrouvés sur les bipedales des suspensurae : trois exemplaires du règne de Marc Aurèle67 dans les cellae de l’aile orientale et seize exemplaires du tout début du règne de Septime Sévère68 dans les cellae de l’aile méridionale. Cela peut sans doute signifier que le chantier antonin de reconstruction a duré plusieurs années pour se terminer par l’aménagement des pavements des sols surélevés de l’aile méridionale sous le règne de Septime Sévère. Il n’est toutefois pas exclu non plus de penser que le chantier a réellement démarré sous le règne de Septime Sévère et que quelques lots de briques anciennes ont été recyclés dans les nouvelles constructions.
- 69 Un exemplaire du CIL XV 159 dans l’espace 78 (GSO 1918 : 18-23 marzo) ; H. Bloch, I bolli laterizi (...)
- 70 Les timbres anépigraphes sont également présents, mais en moindre proportion, sur les fragments de (...)
35La phase qui succède à cette reconstruction et qui se situe donc au cœur de l’époque sévérienne (fig. 3, phase 6) n’a malheureusement révélé que deux seuls timbres, tous les deux sur les bipedales des sols surélevés de l’espace 78 : l’un est daté de 198-211 ap. J.-C. alors que l’autre appartient à la production liée au règne de Marc Aurèle69 et peut donc clairement être considéré de remploi. Enfin, pour la seconde phase sévérienne (fig. 3, phase 7), en dehors de la présence de nombreux timbres anépigraphes70 sur les fragments de bessales des parements, aucun timbre inscrit n’a été retrouvé dans les structures de ce dernier chantier.
36Dans le cas de la succession des sept phases de construction identifiées pour les Grandi Horrea, reconnues à partir de l’étude des techniques de construction et validée par l’observation des relations spatiales et stratigraphiques entre les structures, l’analyse des timbres sur briques n’a malheureusement pas permis de préciser davantage la chronologie, ni de la construction originelle, ni des imposants réaménagements que cet édifice a subi entre la dynastie antonine et la fin de la dynastie sévérienne.
37[É. B.]
Le fonctionnement des Grandi Horrea : esquisse interprétative
- 71 Rien ne permet de supposer l’existence de techniques particulières adaptées à chaque type de denré (...)
38Avant de commencer toute réflexion sur les denrées conservées dans les Grandi Horrea, il convient prudemment de rappeler qu’aucun élément positif ne nous permet d’être sûrs de leur nature. L’absence de dolium nous autorise à écarter les liquides (huile ; vin), tandis que la presque omniprésence des vides sanitaires dans les différentes pièces du bâtiment indique une recherche de protection contre l’humidité, ce qui nous permet de supposer un stockage de marchandises de conservation plutôt délicate comme par exemple les denrées alimentaires solides (céréales et légumineuses). En choisissant ces dernières, nous ne pouvons déterminer quelle espèce a pu être principalement ou exclusivement stockée dans les Grandi Horrea ; par convention, nous avons considéré qu’il s’agissait de blé71.
39En conservant à l’esprit ces remarques liminaires, nous avons choisi de tenter de restituer les problèmes liés au transport des grains vers les Grandi Horrea et à leur conservation dans les cellae. Pour ce faire, nous avons préféré considérer le monument uniquement dans son état le mieux conservé, c’est-à-dire à l’époque sévérienne, en privilégiant essentiellement la première phase, qui correspond à la dernière grande réorganisation générale du bâtiment, les interventions de la seconde phase sévérienne n’influençant que marginalement le fonctionnement de l’édifice. [N. M.]
Le transport maritime des grains et le déchargement des bateaux
- 72 G. Rickman, The Corn Supply of Ancient Rome, Oxford, 1980, p. 128. Sur les routes maritimes : P. A (...)
- 73 Le phénomène de la barre sous-marine formée par les sédiments alluviaux du Tibre est clairement év (...)
- 74 Denys d’Halicarnasse, Ant. Rom., III, 3.
- 75 Sur le port maritime de Rome voir en dernier lieu S. Keay, M. Millet, L. Paroli et K. Strut (éd.), (...)
- 76 L. Casson, Harbour and river boats of ancient Rome, dans Journal of Roman Studies, 55, 1965, p. 31 (...)
40Selon sa provenance, le blé avait été transporté pendant plusieurs semaines voire des mois par voie maritime72. Seuls les navires céréaliers d’une portée non supérieure à 3000 amphores (τρισχιλοφοροί) pouvaient mouiller le long des quais du Tibre pour être déchargés. Le franchissement de la barre d’embouchure73 était interdit aux navires de plus fort tonnage74 : ceux-ci soit mouillaient en rade en transférant la cargaison sur des allèges, soit se dirigeaient vers le port maritime situé plus au nord75. L. Casson estime le port de ces navires à 3000 amphores (équivalant à 200 tonnes métriques), P. Pomey et A. Tchernia arrivent à une portée de 150 tonnes soit un volume d’environ 20 000 modii de blé76.
- 77 Alfenus, Dig. a Paulo epit., 5 (Dig., 19, 2, 31).
- 78 G. Rickman traduit avec partitions : G. Rickman, The Corn Supply… cit. n. 72, p. 133.
- 79 Une cloison séparant le chargement en vrac constitué de chaux et de fragments de marbre a été réce (...)
- 80 L. Casson et G. Rickman ne rejettent pas l’hypothèse d’un transport en sacs : pour ce dernier les (...)
- 81 À part l’épave de St Peter Port à Guernesey, découverte en Atlantique et dont le blé était destiné (...)
41Le problème du chargement est évoqué dans un passage du Digeste77, où il est question de pertes suite au mélange à l’intérieur de la cale de lots de grain appartenant à divers propriétaires : cela ne se serait pas produit si chaque propriétaire avait séparé son grain par des planches (tabulae), des paniers en osiers (herones)78 ou bien des conteneurs ou tonneaux (cupae)79. Les cargaisons en sacs ne sont jamais mentionnées par les sources bien que ce mode de chargement devait présenter des côtés positifs comme le fait de diminuer les manipulations80. L’archéologie sous-marine ne nous aide pas à trancher cette question81.
- 82 G. Rickman, The Corn Supply… cit. n. 72, p. 132-133.
- 83 A.-A. Parmentier, Graines, dans Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle appliquée aux arts, à l’ (...)
42En tout cas, la cargaison de blé devait être préservée de l’humidité, de la mouille due à l’eau de sentine ou à la pluie et aux vagues82. Au début du XIXe siècle, les règles à suivre pour préserver son blé chargé en vrac dans la cale semblent assez simples : le grain doit être déposé sur un « sous trait de claies, élevé du fond du bateau, et posé sur des pièces de charpente ». Ces claies doivent être recouvertes de « paille sèche, afin que l’air circule et entretienne la fraîcheur ». Le chargement doit être également isolé « sur les côtés du bateau pour le mettre également à l’abri de l’humidité ». Grande attention était enfin portée au fait que les bateaux soient recouverts « avec des bannes disposées de manière à faciliter l’écoulement des eaux pendant les pluies et les orages ». Un chargement en sacs est même envisagé car « ce moyen épargnerait les frais qu’il en coûte nécessairement pour les vider, les remuer, les décharger, sans compter qu’ils parviendraient dans le même état de sécheresse et de netteté où ils se trouvaient à leur départ »83.
- 84 L’acconier assure l’embarquement ou le débarquement des marchandises, il est chargé de les arrimer (...)
- 85 B. S. Duron, Le transport maritime des céréales, Mémoire de D.E.S.S., Université de Provence - Cen (...)
- 86 86Pour la sigillée comme marchandises secondaires de chargements de blé africain voir M. Bonifay, (...)
43Le chargement en vrac nécessite une attention accrue de la part de l’acconier84 afin de prévenir les risques de ripage : les céréales ont la particularité de se déplacer facilement, notamment quand la cale n’est pas pleine. Les dockers aujourd’hui étalent les grains puis utilisent des bardis (planches de bois, étais métalliques ou sacs de grains) afin de bloquer la cargaison et d’éviter qu’elle ne ripe85. Pour l’époque antique, en cas de chargement en vrac, nous pouvons imaginer l’utilisation de sacs de grains, de ballots ou de caisses contenant une cargaison secondaire86.
- 87 R. Meiggs, Roman Ostia… cit. n. 14, p. 294-295.
44En tout cas, le chargement et le déchargement étaient l’affaire d’un grand nombre de porteurs de sacs. Les quantités étaient contrôlées à l’aide de boisseaux : sur la fresque de l’Isis Geminiana, un porteur (saccarius) vide son sac dans un modius situé sur le pont sous la supervision d’un mesureur (fig. 8)87.
- 88 A. Tchernia et P. Pomey ont calculé qu’il fallait 3 jours pour décharger un navire de 10 000 modii(...)
- 89 Sur la masse volumique du grain, voir. infra. L. Casson restitue un sac d’environ 45 kg : L. Casso (...)
- 90 R. Meiggs, Roman Ostia… cit. n. 14, p. 301-302 et pl. XXVI. Citons, à titre d’exemple, le papyrus (...)
45Un navire de 150 tonnes prenait environ une semaine pour être déchargé88 : si l’on considère qu’un sac contenait environ 35 kg de blé (soit environ 5 modii)89, il fallait plus de 4200 rotations de saccarii. Des contrôles étaient effectués à chaque manipulation. Par exemple, dans le relief des tabularii (fig. 9) le docker, chargé d’une amphore et descendant d’un navire amarré au quai, reçoit une tablette du tabularius qui, flanqué de deux adiutores, consigne le déchargement sur un registre90. Les sacs de grains pouvaient être transportés jusqu’aux Grandi Horrea à dos d’homme ou bien être chargés sur des charrettes jusqu’à l’extérieur de l’entrepôt. Comme nous l’avons vu précédemment, seul un transport à dos d’homme était possible pour entrer dans le grenier proprement dit et pour circuler à l’intérieur du bâtiment.
Cliché Musée du Vatican.
- 91 Voir infra.
- 92 Nous ne prenons pas en considération la différence entre le poids pesé à l’embarquement et le poid (...)
46Compte tenu des calculs effectués sur les volumes de denrées conservées dans les Grandi Horrea91, il fallait environ de 6 à 9 bateaux d’une portée de 150 tonnes (20 000 modii) pour remplir le rez-de-chaussée, le double pour l’ensemble du magasin92.

Fig. 9 – Le relief des Tabularii, fin IIe siècle-début IIIe siècle apr. J.-C.
Moulage du bas-relief appartenant à la collection Torlonia. Musée des Navires, Fiumicino, cliché G. Boetto, CCJ/CNRS.
47[G. B.]
La manutention à l’intérieur du bâtiment
- 93 Voir par exemple, A.-A. Parmentier, Graines… cit. n. 83, p. 377 : « Mais dans quelque état que soi (...)
- 94 Il est possible de suggérer l’hypothèse selon laquelle cet éventuel premier tri, s’il n’était pas (...)
48À la descente du bateau et avant de stocker le blé dans les cellae, il fallait s’assurer de ses bonnes conditions de conservation puisqu’il avait souvent voyagé plusieurs semaines avant d’être débarqué à Ostie et qu’en dépit des protections, une partie de la cargaison avait sans doute été mouillée ou attaquée par les insectes ou les rongeurs. Il fallait donc déconditionner les sacs que l’on venait de décharger des navires, procéder à un éventuel triage ou nettoyage des grains puis évaluer le taux d’humidité de chaque sac pour déterminer les modalités de stockage envisageable93 ; il fallait, par exemple, pouvoir isoler les grains trop mouillés pour leur faire perdre l’humidité avant de les mélanger au reste du stock94.
- 95 Comme les sacs de blé étaient transportés à dos d’homme avant d’être déversés dans les cellae, les (...)
49Avant de procéder au dépôt des grains dans les cellae, il fallait au préalable s’assurer de la propreté et du bon état général des aires de stockage et au besoin, les nettoyer95 ou procéder aux réparations nécessaires comme reboucher les fissures qui auraient pu se produire sur l’enduit hydraulique recouvrant les murs et les sols des cellae.
50Après avoir remisé des grains sains dans des locaux sains, il fallait ensuite remuer et éventer régulièrement les tas afin d’éviter que la température et l’humidité ne s’élèvent et que ne se multiplient insectes et moisissures. Il fallait enfin s’assurer du bon fonctionnement des portes et des fenêtres pour en interdire l’accès aux animaux.
- 96 À titre d’exemple, voir la description des méthodes encore en usage dans certaines communautés rur (...)
- 97 M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89. Ces estimations ne tiennent toutefois (...)
51Un dernier aspect de l’organisation du stockage concerne l’estimation de la teneur en eau des grains, donnée fondamentale pour l’ensemble de la chaîne opératoire du blé, depuis sa récolte jusqu’à sa consommation, et en particulier, avant et pendant le stockage. Elle aide, en effet, à décider des conditions d’entreposage et à apprécier l’état de conservation des grains. Toutefois, nous ne disposons d’aucune indication nous permettant de déterminer les techniques employées par les Romains pour cette opération. En admettant qu’ils aient réussi à contrôler, même approximativement96, le taux d’humidité du blé qu’ils stockaient, il est particulièrement difficile d’estimer la durée maximale d’entreposage des grains à Ostie. Cependant, en formulant l’hypothèse selon laquelle les propriétés des grains antiques étaient relativement proches de celles des grains modernes, on peut supposer que, dans les meilleures conditions, c’est-à-dire avec une teneur en eau inférieure à 15 % et une température comprise entre 15 et 30°C, il était possible de conserver le blé sain en vrac de 1 à 6 mois maximum, alors que si le taux d’humidité dépassait les 15 %, avec les mêmes températures, le stockage ne devait pas dépasser les quelques jours97.
- 98 Sur ces aspects aussi nos connaissances ont évolué : voir addendum.
52Ne connaissant pas les conditions climatiques qui régnaient aux abords de l’embouchure du Tibre au début du IIIe siècle de notre ère, il est difficile d’estimer la température interne et le taux d’humidité qui régnaient dans les cellae des Grandi Horrea. Ceci étant dit et compte tenu des dispositifs aménagés dans l’édifice, il semblerait que les concepteurs aient été particulièrement attentifs à ces aspects et aient constamment cherché à maintenir une température et une humidité constante à l’intérieur des aires de stockage98. [É. B.]
Le stockage des grains
Les aires de stockage
- 99 Sur les 68 ouvertures situées à l’intérieur des Grandi Horrea, 15 conservent leur seuil en place. (...)
53Les aires de stockage des Grandi Horrea présentent des caractéristiques récurrentes. Les seuils conservés de ces pièces offrent tous le même faciès : ils disposent de deux battants asymétriques articulés vers l’intérieur des cellae99. Ces choix s’expliquent sans doute par la surélévation du seuil qui aurait mis facilement en péril les battants en bois s’ils étaient articulés vers le couloir extérieur mais aussi, par la simplification des manipulations de la porte lors des opérations de remplissage de la cella ; chargé d’un sac de grain, il est plus facile de pousser une porte que de la tirer. On peut noter d’ailleurs qu’en cas de surcharge de la cella ou d’affaissement des tas de grains, il n’y avait pas de risque de débordement vers l’extérieur puisque la porte se bloquait automatiquement à la limite du seuil. De plus, la crapaudine du petit battant montre à chaque fois une usure plus importante que celle du grand battant. Cette abrasion différentielle pourrait indiquer deux moyens d’accès aux cellae en fonction des besoins : la porte grande ouverte permet la circulation de porteurs de sacs, tandis que l’ouverture du seul petit battant autorise à accéder dans la pièce pour y effectuer des opérations de contrôle ou de manutention telle le brassage des grains, tout en limitant l’accès aux nuisibles et évitant les variations trop fréquentes des conditions de stockage.
- 100 G. Hermansen pensait que sur ces piliers s’appuyaient des planches (check board) qui empêchaient c (...)
- 101 Datation déduite de l’emploi de l’opus mixtum à panneaux, caractéristique à Ostie des grands proje (...)
54Enfin, un dispositif particulier complète ce système d’ouverture. Il s’agit de deux piliers qui prolongent de quelques décimètres le chambranle du piédroit de la porte et qui empêchaient l’invasion des grains ou de tout autre marchandise stockée en vrac, à proximité du passage100 ; la porte pouvait ainsi toujours s’ouvrir correctement car l’espace immédiatement derrière était forcément libre. Ces piliers « complémentaires » ont été retrouvés, plus ou moins bien conservés, sur l’ensemble des cellae de l’édifice, qu’elles disposent ou non de suspensurae. Il est intéressant de constater en revanche qu’ils ne sont pas toujours solidaires de la construction des piédroits mais parfois construits juste après ou pendant le chantier, comme si ce procédé représentait une modification en cours de réalisation du projet architectural initial. Il pourrait être fructueux d’enquêter sur ce type d’ouverture sur l’ensemble des horrea d’Ostie et de Portus afin de préciser la date d’introduction de cette innovation ; nous avons d’ores et déjà identifié un autre édifice de stockage d’Ostie ayant adopté ce système dans la première partie du IIe siècle101 ; il s’agit des horrea situés entre les horrea Epagathiana et le Tibre, à l’ouest du Piccolo Mercato (fig. 10).

Fig. 10 – Comparaison entre les cellae des Grandi Horrea (pièce 16, à g. ; fin du IIe siècle) et celles des horrea (I, VIII, 2) situés à l’ouest du Piccolo Mercato (à dr. ; première partie du IIe siècle).
Clichés N. Monteix, EFR.
- 102 G. Rickman, Roman granaries… cit. n. 2, p. 123-132 ; P. A. Verduchi, Il patrimonio archeologico mo (...)
- 103 G. Calza, Ricognizioni topografiche nel porto di Traiano, dans Notizie degli scavi di Antichità, R (...)
55À Portus, cette caractéristique se retrouve plus systématiquement comme dans les entrepôts dits de Trajan102 situés entre la Fossa Traianea et le canal d’accès au bassin de Trajan ou dans les magasins conservés du côté sud-est du bassin hexagonal103.
- 104 L’emploi du mot suspensura reste un abus de langage historiographique, dérivant des similitudes fo (...)
- 105 Outre les couloirs de circulation et les trois grandes salles de l’aile septentrionale (89, 91, 93 (...)
56Pour la conservation proprement dite, les murs des aires de stockage étaient enduits d’une abondante couche de mortier hydraulique qui empêchait les remontées d’humidité et facilitait l’entretien des cellae. De plus, un même dispositif de sol surélevé, appelé suspensurae par convention104, décliné selon deux principaux types, a été observé dans 53 pièces du bâtiment (fig. 11)105.

Fig. 11 – Restitution isométrique en écorché du système de vide sanitaire (suspensurae) dans la pièce 40.
Échelle 1/150 ; dessin N. Monteix, EFR ; en encadré, vue depuis l’est des suspensurae de l’espace 23 (cliché C. Rousse, EFR).
- 106 L’imposante épaisseur de ce sol articulé qui recouvre les murets permet à la structure, par effet (...)
- 107 Largeur : 0,25 à 0,30 m.
- 108 Les suspensurae ajoutées dans les espaces de service 12, 47, 71 et 72, transformés pendant le seco (...)
57Le sol proprement dit était constitué d’un premier lit de bipedales, recouvert d’une épaisse couche de mortier hydraulique qui accueillait un lit de sesquipedales, à son tour recouvert d’une importante couche de béton de tuileau. Les bipedales reposent sur des murets106 orientés parallèlement à la longueur de la pièce, larges de 0,30 à 0,45 m et hauts de 0,55 à 0,60 m. Ces derniers délimitaient des canaux107 qui permettaient à l’air de circuler sous le sol ; des ouvertures pratiquées dans les murets ou sous le seuil permettaient sans doute d’accroître cette circulation. Une nette distinction doit être faite, toutefois, entre les suspensurae mises en place à la fin du IIe siècle (phase 5) et celles du premier chantier sévérien (phase 6). Les premières sont disposées sur toute la largeur de la pièce, tandis que les secondes sont limitées à trois canaux concentrés au milieu de l’espace108. Ainsi conçu, ce système de sols surélevés permettait aussi bien de lutter contre l’humidité que de créer un coussin d’air, qui, combiné à l’élévation surdimensionnée des murs de refend, produisait les conditions idéales pour repousser l’air chaud vers les parties hautes de la cella puis vers l’extérieur, grâce à des fenêtres idoines.
- 109 Sur la hauteur des tas de grain, voir infra.
- 110 Le sol de l’étage se trouve, selon notre restitution à partir de la pente probable des escaliers, (...)
58Le stockage à l’étage n’a sans doute pas eu besoin de recourir à la construction de suspensurae. D’une part, car l’humidité des murs et du sol décroit nécessairement avec l’élévation mais aussi avec une meilleure possibilité d’aération des espaces, réduisant d’autant les risques de gâter les denrées et d’autre part, car l’espace inoccupé entre les tas de grains stockés au rez-de-chaussée et qui ne devaient pas excéder 2,20 m, voire plus probablement 1,60 m de hauteur109, et la voûte des cellae dont la hauteur a été restituée à un peu moins de 5 mètres110, formait une couche d’air d’environ 3 mètres d’épaisseur, idéale pour stabiliser la température des espaces de stockage supérieurs. [É. B – N. M.]
Détermination du volume de grain conservé dans les Grandi Horrea
- 111 G. Rickman, Roman Granaries… cit. n. 2, p. 85-86.
- 112 Sur la gestion des flux de marchandises, et du grain en particulier, entre Rome et ses ports, nous (...)
59Pour proposer une estimation des volumes conservés dans les Grandi Horrea, la première des questions à résoudre tient à la méthode de stockage : le vrac ou le maintien en sac. Dans sa synthèse sur les greniers, G. Rickman évoque une troisième possibilité, celle de compartiments en bois – bins – qu’il écarte aussi rapidement que justement, faute de traces visibles dans les maçonneries. Après avoir évalué les inconvénients des deux autres méthodes, il finit par suggérer que le stockage en sacs aurait été plus commun à Ostie, en invoquant l’impossibilité de transporter les grains à l’intérieur des greniers par charroi et le nécessaire recours à une mise en sacs lors du transbordement111. Si ces arguments conservent toute leur validité, ils ne concernent finalement que la manutention des grains entre les navires et les greniers et ne permettent pas de déterminer le mode de stockage dans les horrea. Le principal argument qui nous inciterait à préférer une conservation du grain en vrac est, comme nous l’avons vu précédemment, la nécessité de réduire son taux d’humidité après un transport en bateau : si la mise en sac est immédiatement consécutive au transbordement, les grains restent mouillés jusqu’à ce qu’ils soient extraits de leur contenant de tissu. Pour éviter un pourrissement certain, il faudrait alors ne considérer les greniers d’Ostie que comme des espaces d’emmagasinement temporaire à rotation presque immédiate, forme d’« entrepôts relais » utilisés lors de la rupture de charge des navires. Une telle hypothèse, aux implications globalisantes qui dépassent largement la seule étude des Grandi Horrea112, ne saurait être complètement exclue ; toutefois, la volonté de préservation optimale des grains, pour une durée « moyenne » à défaut d’un véritable long terme, nous paraît avoir pesé de façon beaucoup plus forte en faveur du stockage en vrac, en particulier dans les espaces munis de suspensurae.
60En utilisant cet axe de réflexion comme point de départ, nous avons cherché à estimer le volume de grain maximum qui pouvait être emmagasiné dans les Grandi Horrea. Face à l’impossibilité de déterminer la forme et les dimensions de la totalité des espaces, et leur dévolution ou non au stockage, lors de la première phase de vie du bâtiment et après sa reconstruction à l’époque antonine pour l’aile nord, nous avons limité nos calculs à la première phase sévérienne pour laquelle la planimétrie de l’édifice semble entièrement restituable. Il convient de rappeler que si la capacité de stockage n’est pas encore à cette époque à son maximum, qu’elle n’atteindra qu’après les travaux immédiatement postérieurs, elle est certainement plus importante que précédemment, entre autre grâce à la création d’espaces sur vide sanitaire dans l’aile nord et à la fermeture du portique délimitant la cour centrale. Par ailleurs, les quinze pièces situées au centre du bâtiment qui, comme les couloirs sous le portique, ne disposent pas de sols surélevés, ont pu également être utilisées pour stocker du grain mais sans doute pour de plus courtes durées ou en sacs.
- 113 La taille des grains antiques était sensiblement inférieure à celle d’aujourd’hui (M. Borgongino, (...)
61Cette répartition des formes de stockage lors de la première phase sévérienne permet de procéder à une estimation du volume de grain possiblement contenu dans les Grandi Horrea. Comme nous le rappelions plus haut, les cellae des ailes nord, est, sud et ouest ne montrent, dans leur état actuel de conservation, aucune trace d’aménagement en bois. Dès lors, les tas disposés dans ces pièces ne pouvaient que suivre l’angle de talus naturel des grains qui varie de 24 à 26° selon les données proposées par la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) pour du blé actuel113. La modélisation « réaliste » des tas de grains relève d’une complète gageure (fig. 12).

Fig. 12 – Comparaison entre les modélisations « réaliste » et « théorique » d’un tas de grains de blé.
Échelle 1/300 ; dessins N. Monteix, EFR.
62Il faudrait en effet normaliser le résultat du versement successif de sacs de grains ayant tendance à former naturellement un cône. En optant pour un calcul plus théorique, nous avons choisi une solution plus simple qui permet d’obtenir facilement un ordre de grandeur.
63En l’absence d’aménagement pouvant contenir et modeler le tas de grain, nous avons considéré que le stockage n’avait lieu que contre une des parois longitudinales et contre le mur du fond : la disposition du tas au centre de la pièce réduirait considérablement la capacité de stockage à hauteur de blé constante (fig. 13).

Fig. 13 – Courbe de progression du volume de grain conservé dans une cella large de 4,7 m et longue de 8,85 m en fonction du mode de stockage et de la largeur du tas.
- 114 114Soient V le volume, L la longueur utile de la cella, l la largeur du tas – égale au rayon du cô (...)
64De plus, comme nous l’avons suggéré plus haut, le système d’encadrement de la porte des cellae par des murets disposés en équerre sert à éviter qu’un affaissement du tas n’obstrue l’accès à la pièce. En raison de cette disposition, nous pouvons considérer que les grains ne sont pas disposés en deçà des murets. Le monceau de grains prendra donc le volume « théorique » et « maximaliste » d’un prisme de section triangulaire s’achevant par un quart de cône ; l’hypoténuse et les génératrices forment un angle de 26° avec le sol. Le calcul du volume peut alors s’effectuer selon une formule simple114. Faute d’élément permettant de déterminer l’emprise au sol des grains, nous avons considéré que la largeur optimale du tas pouvait correspondre aux deux tiers de la largeur de la cella, de telle façon que les capacités de stockage soient maximalisées, sans empêcher la circulation et surtout les opérations de brassage des céréales permettant de les aérer afin d’éviter toute détérioration. Les volumes stockés dans les pièces du rez-de-chaussée munies de sols surélevés lors de la première phase sévérienne correspondraient à un total d’environ 990 m3, soit 103 500 modii. Il conviendrait probablement de doubler ces valeurs pour prendre en compte l’étage (tableau).
Tableau – Proposition de restitution des volumes de grain conservés dans les Grandi Horrea.
Cellae |
Volume (m3) |
Modii |
Poids estimé (tonnes) |
Ouest |
209 |
23854 |
154,6 |
Sud |
187 |
21348 |
138,3 |
Nord |
349 |
30772 |
199,4 |
Est |
242 |
27573 |
178,7 |
Pièces centrales |
204 - 753 |
23287 - 83904 |
150,9 - 543,7 |
Total rez-de-chaussée |
1190 - 1739 |
126833 - 187450 |
821,9 - 1214,7 |
Estimation du stockage pour l’ensemble des Grandi Horrea |
2380 - 3478 |
254000 - 375000 |
ca. 1645 - ca. 2430 |
- 115 Le stockage en sacs a également une durée limitée car il implique des pertes importantes. Il est p (...)
- 116 M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89, § stockage en sacs / entrepôts en maga (...)
- 117 Cette largeur correspond à la moyenne des largeurs des petits vantaux observée sur les seuils en p (...)
- 118 En moyenne, le volume occupé par une tonne de blé contemporain stockée en vrac est de 1,3 m3, tand (...)
65La forme du stockage dans les pièces centrales pose problème. Dépourvues de sols surélevés mais équipées du système empêchant l’effondrement du tas de grain contre la porte décrit plus haut, elles pourraient donc avoir été utilisées pour stocker des denrées soit en vrac pour de courte durée, soit en sacs115. Nous devons donc proposer deux estimations de volume pour ces espaces : en vrac, la formule précédemment évoquée donne un volume de 204 m3, correspondant à environ 23 300 modii. Pour le stockage en sacs, sans chercher à entrer dans le débat sur le volume possible des sacs utilisés pour vider les cales des bateaux, il convient de se tourner vers les paramètres actuels de cette forme de stockage pour tenter de les appliquer aux Grandi Horrea. Selon les données fournies par la FAO, il est possible d’entreposer des sacs réalisés en fibres végétales en pyramide jusqu’à 5 à 6 mètres de hauteur ; des espaces doivent être ménagés entre les sacs et les murs, voire entre les piles de sacs116. Dans l’optique d’une utilisation maximale de l’espace, nous pouvons supposer que la largeur du petit vantail des portes correspond à la largeur utile permettant le passage d’un homme. De cette façon, nous avons considéré que l’espace moyen laissé entre les sacs et les murs était de 0,45 m117. Nous pouvons ainsi disposer de la surface utile de stockage au sol dans chacune de ces pièces. La suite des calculs est beaucoup plus sujette à conjecture. En effet, nous n’avons aucun élément permettant de connaître la hauteur des pyramides de sacs, ni l’angle de celles-ci. Par convention, nous avons donc fixé la hauteur à 4,50 m (ca. 15 pieds romains) et l’angle des amoncellements à 75 (par rapport au sol). Le volume ainsi calculé est l’espace occupé par les sacs, supérieur à la quantité de grains. En effet, selon les données de la FAO, le volume spécifique du grain en sacs est supérieur à celui du vrac ; il faut donc appliquer un coefficient de division pour déterminer le volume réel de grains contenu dans les sacs118. En tenant compte des dimensions variant d’une cella à l’autre dans le bloc central, on obtient un volume de grains en sacs d’environ 753 m3, soit 84 000 modii. À ce stade, il faut noter que, à surface au sol identique, l’adoption d’une technique de stockage ou d’une autre peut faire varier les capacités du simple à plus du triple. Cette fourchette de volume de grain stocké dans les pièces centrales (de 23 300 à 84 000 modii) doit être doublé pour tenir compte de l’étage (voir tableau).
- 119 Plin., NH, 18, 66 : Nunc ex hi generibus quae Romam inuehuntur, leuissimum est Gallicum atque Cher (...)
- 120 Contra E. Papi et al., Il grano della Tingitana… cit. n. 113, p. 85, 90, suite à une probable erre (...)
- 121 Nos calculs sont donc fondés sur une masse volumétrique de 740 kg/m3, ce qui fait que nous considé (...)
66Pour faciliter les comparaisons avec les périodes moderne et contemporaine, il nous a semblé nécessaire de proposer un poids exprimé en tonnes. Toutefois, il ne saurait être question d’appliquer la masse volumique actuelle donnée par la FAO (de 750 à 840 kg/m3) au grain antique. En effet, outre les variations de taille déjà mentionnées, le grain n’était évidemment pas standardisé dans l’Antiquité, comme le montre la lecture d’un passage de l’Histoire Naturelle119. Dans cet extrait, Pline l’Ancien dresse une cartographie comparée des régions productrices de blé. Il décrit deux groupes : d’une part les régions dont le blé a un poids inférieur à 20 livres par modius (Gaule, Chersonèse), d’autre part celles dont le blé pèse plus que ce « standard » (Sardaigne, Égypte, Sicile, Bétique, Afrique). Le poids du blé importé varierait ainsi de moins de 740 kg/m3 à 804 kg/m3 selon les régions de production ; pour ne pas mentionner les variations micro-régionales ou plus simplement annuelles120. Les raisons l’amenant à utiliser un poids « standard » de 20 livres par modius ne sont pas explicitées. Constituait-il un poids « moyen » ou un poids minimal en dessous duquel le grain était considéré comme de très basse qualité ? Pour éviter de trop fausser nos estimations de capacité des Grandi Horrea, nous avons utilisé cette masse volumique afin de proposer une équivalence entre les volumes calculés et le poids de grain conservé121. Selon l’hypothèse que l’on considère pour le stockage dans les pièces centrales, la restitution du volume de grain stocké dans les Grandi Horrea varie de 254 000 à 375 000 modii (de ca. 1645 à ca. 2430 tonnes).
67[N. M.]
Déstockage et gestion des horrea
68Le grain, après une période de stockage plus ou moins longue, était transféré sur des naves caudicariae afin d’être transporté à Rome.
- 122 Trois de ces embarcations, dénommées Fiumicino 1, 2 et 3, ont été découvertes à l’emplacement du p (...)
69Les caudicariae étaient des embarcations fluvio-maritimes aux caractéristiques architecturales mixtes bien adaptées à un espace de navigation situé entre l’espace littoral et l’espace fluvial. Elles remontaient les denrées alimentaires, amenées par des navires de commerce à Ostie et dans le port maritime, jusqu’aux ports fluviaux de Rome : il s’agit là des derniers vecteurs chargés du ravitaillement de la capitale (fig. 14)122.
- 123 Selon J. Le Gall, dans l’Antiquité, il n’était question que de halage à dos d’homme sur le Tibre : (...)
- 124 G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. n. 75, p. 421-422. Des caudicariae plus grandes ont prob (...)
70Une caudicaria de taille moyenne (10 000 modii, 70 tonnes) accomplissait une rotation entre les avant-ports maritimes et Rome environ tous les 10 jours : 3 jours étaient nécessaires pour charger à Ostie ou à Portus, 3 jours pour remonter le fleuve par traction humaine et, peut-être animale123, 3 jours pour décharger à Rome, environ une demi-journée pour descendre à « gré d’eau ». Si l’on considère que la navigation dans la section fluvio-maritime du Tibre était possible au moins 300 jours par an, cette navis caudicaria de 70 tonnes était censée accomplir 30 rotations par an124.
Échelle 1/400 ; dessin G. Boetto, CCJ/CNRS.
- 125 À partir des calculs présentés par A. Tchernia (Subsistances à Rome : problèmes de quantification, (...)
71Pour transporter à Rome les 254 000-375 000 modii des Grandi Horrea il fallait effectuer de 25 à 37 rotations : entre 8 mois et 1 an étaient nécessaires à une caudicaria de taille moyenne pour emmener tout le blé contenu dans les Grandi Horrea. Mais surtout, ces chiffres montrent qu’une flotte relativement modeste de 20 à 30 embarcations suffisait à transporter en un mois l’ensemble des céréales stockées dans l’un des plus grands entrepôts connus d’Ostie125. [G. B.]
Conclusion
72L’étude des Grandi Horrea a permis de préciser la structure et l’organisation interne ainsi que de retracer les grandes lignes de l’évolution de ce bâtiment. Construit dans le premier quart du Ier siècle de notre ère, ce grand entrepôt a été entièrement réaménagé à plusieurs reprises, de la fin du IIe siècle jusqu’à l’époque sévérienne. Ces travaux de réfection, qui ont comporté la variation des accès, le changement des parcours internes ainsi que l’installation d’escaliers pour accéder à l’étage supérieur, ont cherché à améliorer les conditions de stockage avec, à partir de la fin du IIe siècle apr. J.-C., l’aménagement systématique de sols surélevés (suspensurae) dans la quasi-totalité des cellae de l’entrepôt. Cette caractéristique confirme l’hypothèse d’un entrepôt spécialisé dans la conservation de denrées délicates comme les céréales, au moins dans les dernières phases de son utilisation. L’importante réfection réalisée entre la fin du IIe siècle (phase 5) et le IIIe siècle (phases 6-7) conduit également à doubler les superficies de stockage, en exploitant tous les espaces disponibles : cette transformation planifiée témoigne de l’intense activité que connaît alors l’entrepôt.
73À côté de l’étude plus proprement architecturale, nous nous sommes efforcés de proposer une lecture fonctionnelle de ce complexe de stockage. Nous sommes partis de l’état architectural le mieux conservé, c’est-à-dire à l’époque sévérienne, en privilégiant essentiellement la première phase, qui correspond à la dernière grande réorganisation générale du bâtiment. Nous avons ensuite essayé de suivre le parcours des grains de leur voyage maritime dans les cales des navires jusqu’à leur entreposage et leur déstockage successif. Cette analyse implique une réflexion sur les méthodes de stockage des grains dans les cellae, appuyée sur des restitutions architecturales et un examen des techniques traditionnelles contemporaines utilisées dans les sociétés en voie de développement.
- 126 Sur la question, voir l’article de G. Geraci et B. Marin dans ce même volume.
74En considérant un stockage en vrac dans toutes les cellae dotées de sols surélevés et un stockage alternatif en sacs dans les pièces situées au centre de la cour, nous avons proposé une estimation des volumes de grains conservés dans les Grandi Horrea. La méthode de calcul que nous avons élaborée est tout à fait originale. Elle se base sur plusieurs considérations de type archéologique (absence de séparations internes, dimensions et hauteur des cellae, types d’ouvertures), d’ordre physique (hauteur et angle de talus naturel des grains) et de type fonctionnel (manutention, accès, etc.). Pour la première fois, des calculs de volumes des marchandises stockées dans des entrepôts antiques ont ainsi pu être proposés en tenant compte de la surface libre nécessaire pour déplacer et brasser les grains126. Cette évaluation « réaliste » a pu ensuite être mise en relation avec le tonnage des embarcations utilisées pour le transport maritime des grains et celui des embarcations de type fluvio-maritime qui amenaient le blé déstocké à Rome.
- 127 12/18 bateaux d’une taille de 150 tonnes.
- 128 A. Tchernia, Subsistances à Rome : problèmes de quantification… cit., p. 758.
- 129 Ibid, p. 758.
75Ces évaluations montrent qu’un nombre modeste de navires suffit à remplir (ou vider) l’ensemble des espaces de stockage prévus dans les Grandi Horrea127, qui est pourtant l’un des plus grands entrepôts connus d’Ostie. Cette donnée est frappante si l’on considère les calculs proposés par A. Tchernia128 pour le ravitaillement de Rome en denrées de base (blé, huile et vin) : l’auteur estime en effet la flotte mobilisée à 786 navires, d’un port en lourd compris entre 150 et 350 tonnes. L’ensemble des Grandi Horrea avec ses 254 000-375 000 modii (soit environ 1 600-2 400 tonnes) de blé stockés couvrait 0,50-0,75 % des besoins annuels de la ville de Rome estimés à 50 millions de modii (350 000 tonnes)129. Ce volume de blé, rapporté à la consommation quotidienne, permettait d’assurer la consommation de Rome pendant 1,8 à 2,7 jours. Ces chiffres permettent d’évaluer l’importante rotation qui devait animer l’entrepôt, mobilisant à la fois des navires maritimes, apportant le blé importé, et surtout des embarcations de plus petit tonnage, assurant le transport du blé jusqu’à l’édifice de stockage, puis de l’entrepôt au lieu de consommation. Cette organisation complexe nécessitait de disposer de place au moment de l’arrivée des gros navires, puis de gérer le stock, en fonction des impératifs de conservation (6 mois maximum, dans les meilleures conditions d’humidité et de température) et de la demande. Elle explique probablement la multiplication des entrepôts sur les sites d’Ostie et de Portus, et la recherche au sein même de ces édifices d’exploiter l’ensemble de l’espace disponible.
- 130 Entrepôt de type A2 selon la typologie de J. U. Bernardos Sanz, C. Virlouvet dans ce même volume, (...)
76Les Grandi Horrea présentent une structure complexe où les marchandises sont accessibles, les cellules de stockage sont fréquentées régulièrement et les mouvements des marchandises sont répétés130.
77Une question mérite toutefois d’être posée au vu des capacités de l’entrepôt comparées aux besoins en ravitaillement de Rome, mais aussi au développement urbain et démographique d’Ostie : le blé conservé dans les cellae des Grandi Horrea est-il destiné aux besoins de l’Urbs ou prioritairement redistribué au sein même d’Ostie ? Il est encore difficile de proposer une réponse, mais on peut remarquer qu’au moment de leur construction (première quart du Ier siècle apr. J.-C.), les Grandi Horrea constituent certainement, par leurs dimensions et leur caractère monumental, un des plus grands édifices d’Ostie. Restructurés ensuite de façon fonctionnelle, ils s’intègrent alors dans un dispositif complexe de bâtiments de stockage, intégrant au-delà de la ville d’embouchure, le site de Portus. L’évolution du monument accompagne ainsi la demande croissante en édifices de stockage, générée autant par la capitale elle-même que par le développement de ses ports.
Addendum
- 131 Dans le cadre de l’ANR-Entrepôts, une école thématique internationale sur les entrepôts romains a (...)
- 132 É. Bukowiecki, R. Sebastiani (dir.), Les entrepôts dits de Trajan à Portus : étude d’un complexe d (...)
- 133 Toutes les interventions et les posters ont été publiés en ligne : http://www.entrepots-anr.efa.gr (...)
- 134 Voir par exemple : G. Earle, New city wall discovered at Ostia, dans Portus Project, 2014 (http:// (...)
78Entre l’achèvement de la rédaction de cet article à l’été 2008 et sa publication, plusieurs années se sont écoulées pour des raisons contingentes. En dépit de ce délai, il nous a semblé préférable de ne pas modifier le texte qui conserve encore tout son sens et afin de ne pas mettre à l’épreuve son unité. Cependant, les dernières années ont été riches d’études nouvelles sur les entrepôts, pour beaucoup nées dans le sillage du programme Ramses2 ou de sa suite, le programme « Entrepôts et lieux de stockage du monde gréco-romain antique » financé par l’ANR (ANR-Entrepôts). À travers ces dernières, même si aucune ne s’est avérée directement centrée sur les Grandi Horrea131 d’Ostie, une nouvelle vision globale et plus articulée sur les entrepôts des ports maritimes romains peut être proposée, notamment grâce à l’étude des entrepôts dits de Trajan à Portus entreprise entre 2009 et 2012 et actuellement en cours de publication132. Toujours dans le cadre de l’ANR-Entrepôts, l’organisation de journées d’études sur les entrepôts romains à Rome en avril 2011 a notamment permis de rassembler les chercheurs romains autour de ce thème et de faire en particulier le point sur les données archéologiques disponibles sur le territoire133. De plus, la récente découverte à Ostie annoncée par la Surintendance en avril 2014134 à partir des résultats de prospections géophysiques, d’un autre vaste quartier portuaire au nord du Tibre où sont clairement repérables au moins trois autres complexes de stockage similaires aux Grandi Horrea, change également la donne sur notre appréciation des capacités réelles de stockage des ports maritimes, bien supérieures à celles jusqu’ici imaginées. Enfin, la découverte d’un horreum impérial inséré dans une des nefs de la Porticus Aemilia, et sa fouille récente par l’équipe italo-hollandaise dans le cadre du « Porticus Aemilia Project » ont également suscité de nouvelles réflexions sur la réalité probablement sous-estimée du stockage urbain des céréales.
- 135 G. Geraci, Stoccaggio e conservazione del grano : lo scenario antico, dans L. Criscuolo, G. Geraci (...)
79Sur le stockage et la conservation du grain, un article de synthèse pour l’antiquité vient d’être publié par G. Geraci135. L’auteur reprend les données essentielles sur les caractéristiques physiques du blé, sur les avantages et les inconvénients des différents types de stockage et surtout, à partir des sources antiques et d’une ample bibliographie historique, archéologique et technique, il propose une mise à jour du cadre général de nos connaissances sur le sujet pour l’antiquité.
- 136 B. Helly, Évolution de la topographie de Vienne du Ier siècle av. J.-C. au Ve siècle apr. J.-C., d (...)
- 137 Pour ce calcul, le grain est stocké sur toute la longueur de chaque cellule, contre les deux paroi (...)
80Parmi les autres études centrées sur les entrepôts, une seule s’est essayée à proposer une estimation de la capacité de stockage. Dans sa présentation des entrepôts découverts sur la rive droite du Rhône à Vienne, insérée dans la Carte archéologique de la Gaule consacrée à la ville, B. Helly136 a livré le résultat de ces calculs sans toutefois en expliquer la méthode de manière détaillée, faute de place. La valeur de la masse volumique du blé qu’il utilise (600 kg/m3, un peu plus de 16 livres par modius) apparaît particulièrement basse en regard des chiffres attestés par Pline (moins de 20 livres par modius). De la même manière, s’il souligne à juste titre la nécessité de disposer d’espace pour remuer le grain, il n’explique guère le mode de stockage. Les résultats auxquels il aboutit nous apparaissent ainsi discutables et en fait quelque peu surévalués : face au 11 340 tonnes de blé / 1 620 000 modii qu’il restitue dans le gigantesque entrepôt A (42 cellules de 14,60 m × 30 m, sur deux étages), nos calculs, réalisés selon le mode exposé ci-dessus donnent 9 800 tonnes, soit environ 1 513 000 modii137. Si le bloc A constituait réellement un unique entrepôt et qu’il était exclusivement consacré au stockage du grain, il aurait eu une capacité équivalente à huit fois celle des Grandi Horrea.
- 138 E. Martelli, Sulle spalle dei saccarii : le rappresentazioni di facchini e il trasporto di derrate (...)
81Enfin, sur la vie quotidienne des entrepôts romains, il convient de citer le récent ouvrage qu’E. Martelli138 consacre, à travers l’étude d’un corpus de 58 statuettes en terre cuite représentant des saccarii, au transport des marchandises et aux métiers dans le port d’Ostie.
Notes
1 L’étude des Grandi Horrea d’Ostie a été menée pour le programme Ramses2 dans le cadre d’un atelier archéologique intitulé « Entrepôts d’Ostie et de Portus », sur la base d’une convention signée entre l’École française de Rome et l’alors Soprintendenza per i Beni Archeologici di Ostia (SBAO). Elle a fait l’objet de comptes rendus annuels dans les chroniques des MEFRA ; É. Bukowiecki et C. Rousse, Ostia antica, entrepôts d’Ostie et de Portus : les Grandi Horrea à Ostie, dans MEFRA, 119/1, 2007, p. 283-286 et É. Bukowiecki, N. Monteix et C. Rousse, Ostia antica, entrepôts d’Ostie et de Portus : les Grandi Horrea à Ostie, dans MEFRA, 120/1, 2008, p. 211-216. Nous remercions Anna Gallina Zevi, Margherita Bedello (SBAO) et Fausto Zevi pour le soutien et le suivi accordés à ce projet, l’ensemble du personnel de la SBAO pour sa disponibilité sur le terrain et Vivien Prigent pour la relecture critique de notre texte.
Cette étude, complétée en 2008, a été annonciatrice d’une série d’autres initiatives scientifiques autour des entrepôts romains des sites portuaires d’Ostie et de Portus dans le cadre du projet ANR-Entrepôts qui a succédé au programme Ramses2 : voir addendum.
2 Avec les horrea Antoniniani, partiellement dégagés et encore mal connus. Voir G. Rickman, Roman Granaries and Store Buildings, Cambridge, 1971, p. 41-42 ; C. Pavolini, Ostia, Bari, 2006 (Guide archeologiche Laterza), p. 57.
3 Sur les explorations d’Ostie au XIXe siècle, voir F. Marini Recchia, D. Pacchiani et F. Panico, Les fouilles pontificales du XIXe siècle jusqu’à Rodolfo Lanciani, dans J.-P. Descoeudres (éd.), Ostia : port et porte de la Rome antique, Genève, 2001, p. 48-55. Les boutiques accolées à l’est des Grandi Horrea apparaissent sur un plan dessiné par L. Canina avant 1836 et republié en 1856 : L. Canina, Gli edifizj di Roma antica cogniti per alcune reliquie : descritti e dimostrati nell’intera loro architettura dal commendatore Luigi Canina, Rome, 1856.
4 CIL XIV, 4147. G. Fiorelli, Ostia, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1885, p. 530.
5 G. Fiorelli, Ostia, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1886, p. 25.
6 Sur cette période des fouilles d’Ostie, voir P. Olivanti, Les fouilles d’Ostie de Vaglieri à nos jours, dans J.-P. Descoeudres (éd.), Ostia : port et porte de la Rome antique… cit., p. 56-59.
7 Les très rares mentions des fouilles au moment de leur exécution ont été publiées dans les Notizie degli Scavi di Antichità (Rome, 1916, p. 323-324, 326 ; 1918, p. 130-133 ; 1920, p. 41). L’intégralité des journaux de fouille concernant les Grandi Horrea a été dactylographiée par nos soins. Cela recouvre la période allant du 17 février 1914 au 17 août 1918.
8 La première vente de terre correspond à un financement des fouilles par un certain Sig. Vincenzo Mandolini (GSO 1916 : 11-15 settembre), sans influence directe sur la zone de déroulement des travaux. Avec la construction de la Via del Mare, les fouilles se déplacent en revanche pour satisfaire à la demande de terre pour le talus de la route à partir d’août 1917 (GSO 1917 : 6-11 agosto, 27-31 agosto, 8-13, 12-15 ottobre ; GSO 1918 : 3-5 gennaio). Les explications les plus limpides sur ce fonctionnement sont données en août 1918 (GSO 1918 : 16-17 agosto).
9 La raréfaction des ouvriers se fait particulièrement ressentir fin avril 1917 (GSO 1917 : 16-21, 23-28 aprile), juste avant l’arrivée d’un contingent de prisonniers de guerre (GSO 1917 : 30 aprile) progressivement formés à la fouille. Une importante coupure a lieu entre novembre 1917 et janvier 1918, faute d’ouvriers (GSO 1918 : 3-5 gennaio). L’emploi des prisonniers de guerre comme main-d’œuvre a été signalé par G. Moretti, Ostia : trovamenti nel gruppo di rovine tra gli Horrea e il Decumano, dans Notizie degli scavi di Antichità, 1920, p. 41-66, en partic. p. 41.
10 Ainsi, il décrit précisément les strates aperçues après le démontage du four à chaux installé dans l’espace 38 qu’il interprète comme les niveaux correspondant à la construction originelle (GSO 1917 : 21-26 maggio).
11 Ces sondages ont été effectués à l’ouest du monument pour retrouver sa fondation (GSO 1916 : 28-31 maggio), dans la pièce 130 pour observer les fondations (GSO 1917 : 9-14 luglio), dans la partie nord de la cour 33 (GSO 1918 : 16-19 gennaio), dans la boutique 107 au sud des Grandi Horrea (GSO 1918 : 16 febbraio), dans la pièce 93 (GSO 1918 : 1-3 agosto). En revanche, aucune mention n’est faite des sondages effectués dans les pièces 71 et 72, où, selon les plans dressés par I. Gismondi (G. Calza, Ostia : gli horrea tra il Tevere e il decumano, nel centro di Ostia antica, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1921, p. 360-383, en partic. fig. 7 p. 369), les premières marches des escaliers ont été observées sous un niveau de suspensurae.
12 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit., n. 11 ; G. Calza, G. Becatti, G. De Angelis d’Ossat, I. Gismondi et H. Bloch, Scavi di Ostia, 1. Topografia generale, Rome, 1953, p. 117-118.
13 Le monument a successivement été défini comme des thermes, en raison de la présence de sols surélevés, puis comme un macellum (R. Paribeni, Ostia : scavi e restauri nei mesi ottobre 1917-aprile 1918, dans Notizie degli scavi di Antichità, 1918, p. 128-138, en partic. p. 128-129). G. Calza fixe l’interprétation du monument comme un entrepôt, auquel il donne le nom de Grandi Horrea en raison de ses dimensions (G. Calza et al., Scavi di Ostia, 1... cit., p. 118).
14 R. Meiggs et G. Rickman s’appuient sur l’analyse architecturale de G. Calza : R. Meiggs, Roman Ostia, 2e éd., Oxford, 1973, p. 132, 536 ; G. Rickman, Roman Granaries... cit., n. 2, p. 43-54. F. Coarelli en revanche met l’accent sur les problèmes de datation posés par les premières phases du bâtiment, impliquant une construction antérieure au milieu du Ier siècle av. J.-C. : F. Coarelli, Saturnino, Ostia e l’annona : il controllo e l’organizzazione del commercio del grano tra II e I secolo a. C., dans Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut Empire, Naples, 1994 (Collection du Centre Jean Bérard, 11), p. 35-46, en partic. p. 40-42.
15 Malgré l’absence de tout nouveau relevé topographique, de nombreuses distorsions avec la planimétrie initiale dressée par I. Gismondi ont été observées. Enfin, l’objet de notre étude a également donné lieu à trois travaux universitaires : P. Darléguy, Les Grandi Horrea à Ostie : nouvelle étude historique et archéologique, Mémoire de Master 2, Université de Provence, 2005 ; A. Félix, Recherche sur les propriétés physiques des mortiers antiques : le cas des Grandi Horrea d’Ostie, Mémoire de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 2007 ; M. Sardoni, Metodologia di studio di un monumento ostiense : l’ala est dei Grandi Horrea, Tesi di laurea Beni culturali, Università degli studi della Tuscia, Dipartimento di scienze del mondo antico, 2008.
16 En raison de la chronologie relative suggérée par l’analyse des techniques de construction employées dans l’édifice, comme exposé ci-dessous.
17 L’étude préliminaire, réalisée pendant la campagne 2007, nous a permis de mettre en évidence une occupation intensive de cette zone stratégique de la ville située à proximité du carrefour entre le decumanus et la Via dei Molini, aux abords de l’enceinte du castrum. Les nombreuses phases de construction reconnues s’échelonnent entre le début du Ier siècle et la fin de l’Antiquité. Cependant, aucune des structures étudiées n’est directement liée aux Grandi Horrea qui se trouvent ainsi isolés, mais aussi protégés, de la principale voie de circulation de la cité.
18 Ce réexamen conduit à abandonner la restitution d’une façade à portique, initialement proposée par G. Calza, comme il sera montré plus loin.
19 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit. n. 11, p. 360.
20 La fouille est inédite. Toutes les informations recueillies sont dues à A. Marinucci que nous tenons à remercier.
21 Les murs en opus reticulatum ont été observés dans le sondage A, en présence d’un espace dallé (voie ou cour interne) et d’un égout, recouvert à l’époque tardive de spatheia. Le sondage B a mis au jour un tronçon de voie dallée, large de 3 m et parallèle au decumanus. Dans ce même sondage, des murs en opus vittatum délimitent des pièces rectangulaires, avec deux dolia defossa conservés dans la pièce la plus occidentale.
22 Le parcours du Tibre a été restitué à une distance d’environ 150 m des Grandi Horrea, mais une étude archéologique et géomorphologique tenant compte de la mobilité diachronique des berges du fleuve n’a jamais été réalisée. La restitution actuelle du parcours du fleuve se fonde, majoritairement, sur la position des bornes des curateurs de l’époque de Tibère découvertes rive droite ainsi que sur l’analyse de photographies aériennes : G. Calza et al., Scavi di Ostia, 1... cit. n. 12, p. 164, fig. 36 ; A. Arnoldus-Huyzendveld et L. Paroli, Alcune considerazioni sullo sviluppo storico dell’ansa del Tevere presso Ostia e sul porto canale, dans S. Quilici Gigli (éd.), Archeologia laziale XII, Rome, 1995 (Quaderni del Centro di studio per l’archeologia etrusco-italica, 23), p. 383-392, en partic. p. 386. A. G. Segre situe les berges d’époque républicaine plus au sud : A. G. Segre, Considerazioni sul Tevere e sull’Aniene nel Quaternario, dans S. Quilici Gigli (éd.), Archeologia laziale VII, Rome, 1986 (Quaderni del Centro di studio per l’archeologia etrusco-italica, 12), p. 9-17, en partic. p. 13-16. Un déplacement progressif vers le nord se serait produit dans les époques successives. Le fleuve, qui formait une boucle au niveau du château de Jules II, changea de parcours en 1557, en se déplaçant vers l’ouest. Le site où se trouvait le méandre va conserver le toponyme de Fiume Morto en se transformant en une dépression marécageuse jusqu’à son comblement à la fin du XIXe siècle.
23 Le Tibre était aménagé pour faciliter les opérations de chargement et déchargement. R. Meiggs signale un quai rive gauche au niveau de la Tour Boacciana : R. Meiggs, Roman Ostia... cit. n. 14, fig. VI, d ; E. Felici, La ricerca sui porti romani in cementizio : metodi e obiettivi, dans G. Volpe (éd.), Archeologia subacquea : come opera l’archeologo. Storie di acque, Florence, 1998 (Quaderni del Dipartimento di archeologia e storia delle arti, Sezione archeologica, Università di Siena, 44), p. 275-340, en partic. p. 308. Un quai en blocs de tuf et travertin, mentionné par L. Canina a été récemment fouillé par une équipe allemande dans la zone du Palazzo Imperiale : L. Canina, Sulla stazione delle navi di Ostia, dans Dissertazioni della Pontificia Accademia Romana di archeologia, 8, 1838, p. 258-311, en partic. p. 258-311 ; F. Zevi, Origini di Ostia, dans C. F. M. Bruun et A. Gallina Zevi (éd.), Ostia e Portus nelle loro relazioni con Roma, Rome, 2002 (Acta Instituti Romani Finlandiae, 27), p. 11-32, en partic. p. 14 n. 13 ; M. Heinzelmann et A. Martin, River port, navalia and harbour temple at Ostia : new results of a DAI-AAR Project, dans Journal of Roman Archaeology, 15, 1, 2002, p. 5-19. Un môle en blocs de tuf, large de 15 m et long de 100 m, fut découvert au milieu des années 1970 dans la zone du Trastevere ostiense et attribué au soi-disant « port républicain » d’Ostie : V. S. M. Scrinari, Il problema di Ostia, dans S. Quilici Gigli (éd.), Archeologia laziale VI, Rome, 1984 (Quaderni del Centro di studio per l’archeologia etrusco-italica, 8), p. 358-363, en partic. p. 362-363.
24 F. Castagnoli, Installazioni portuali a Roma, dans J. D’Arms et E. C. Kopff (éd.), The seaborne commerce of ancient Rome, Rome, 1980 (MAAR, 36), p. 9-135, ici p. 35-42 ; R. Meneghini, C. Mocchegiani Carpano, Saggio di pianta archeologica del Tevere, dans BNumRoma, 5, 1985, p. 9-162 ; F. De Caprariis, I porti della città nel IV e V secolo d.C., dans W. Harris (éd.), The transformations of Urbs Roma in late Antiquity, Portsmouth, 1999 (JRA, Supplementary series, 33), p. 217-234.
25 L’ouverture vers la Via dei Molini n’est pas établie pour les premières phases (infra n. 39). Sur la probable absence de lien entre l’entrepôt et le Caseggiato dei Molini, voir infra p. 195-196 et n. 50.
26 CIL XIV 4702 (CIL I2 2516a-d) : C. Caninius C.f. pr (aetor) urb (anus) de sen (atus) sent (entia) poplic (um) ioudic (auit). La préture urbaine de C. Caninius doit être placée dans le troisième quart du IIe siècle av. J.-C : R. Meiggs, Roman Ostia... cit. n. 14, p. 32 ; F. Coarelli, Saturnino, Ostia e l’annona... cit. n. 14, n. 63 p. 39 ; F. Zevi, Appunti per una storia di Ostia repubblicana, dans MEFRA, 114/1, 2002, p. 13-58, en partic. p. 54-55 ; M. Cébeillac-Gervasoni, F. Zevi, M.L. Caldelli, Épigraphie latine, Paris, 2006, p. 82-83. Le cippe le plus oriental se situe juste à l’extérieur de la Porta romana tandis que l’élément le plus occidental se trouve au niveau des Grandi Horrea. Un cinquième cippe de même facture, retrouvé fragmentaire et de ce fait anépigraphe, semble indiquer cependant que la limite occidentale de la zone publique délimitée par Caninius se situe au niveau de la Via dei Molini, juste à l’ouest du castrum républicain : G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, p. 258 ; R. Meiggs, Roman Ostia... cit. n. 14, p. 32 et note B p. 471-472 ; C. Rousse, Aménagement et gestion du milieu fluvial dans le bassin du Tibre entre la fin de la République et l’Empire : la naissance de la curatelle du Tibre, Mémoire présenté à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, École française de Rome, Section Antiquité, 2008, p. 57-61. L’espace ainsi délimité couvre 600 m d’est en ouest, entre la Porta Romana et le castrum républicain.
27 F. Coarelli estime que les premières réfections du monument sont probablement antérieures au milieu du Ier siècle av. J.-C., mais l’analyse des techniques de construction ne permet pas de confirmer la datation républicaine de l’édifice proposée par l’auteur et déjà remise en doute par F. Zevi : F. Coarelli, Saturnino, Ostia e l’annona... cit. n. 14, p. 41-42 ; F. Zevi, Appunti per una storia di Ostia repubblicana... cit. n. 26, p. 54 ; infra p. 184. Toutefois la question d’une occupation républicaine antérieure à la construction de l’entrepôt reste posée. Les sondages effectués par G. Calza s’avèrent trop limités pour établir si le terrain était vierge lors de la réalisation de l’édifice, comme le voudrait cet auteur : G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, p. 360.
28 Les élévations en opus testaceum appartenant à ce monument originel ne permettent pas de remonter au-delà du premier quart du Ier siècle apr. J.-C. (voir infra, p. 184). Les caractéristiques de l’élévation en opus quadratum et de l’opus reticulatum employé en fondation s’accommodent bien également de cette grille chronologique.
29 Les premiers édifices connus dans cet espace sont les dits « quattro tempietti » situés à l’est des Grandi Horrea et le petit temple républicain, probablement contemporain, implanté juste dans l’angle sud-ouest de l’insula occupée par l’entrepôt, au croisement du decumanus maximus et de la Via dei Molini. F. Zevi a daté ces constructions de la première moitié du Ier siècle de notre ère : F. Zevi, P. Lucilio Gamala senior e i « quattro tempietti » di Ostia, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, 85-2, 1973, p. 555-581. La révision récente de la datation des murailles dites « de Sylla » (63-58 av. J.-C.) le conduit à abaisser cette datation aux années 50 av. J.-C. : F. Zevi, Les débuts d’Ostie, dans J.-P. Descoeudres (éd.), Ostia : port et porte de la Rome antique… cit., p. 3-9, en partic. p. 14 ; F. Zevi, P. Lucilio Gamala senior : un riepilogo trent’anni dopo, dans A. Gallina Zevi, J. H. Humphrey (éd.), Ostia, Cicero, Gamala, feasts and the economy : papers in memory of John H. D’Arms, Portsmouth, 2004 (JRA, Supplementary series, 57), p. 47-68.
30 Le secteur occidental du vaste espace délimité entre le decumanus et le Tibre était certainement le plus attractif, étant donné sa proximité avec la limite du noyau urbain le plus ancien et, à partir de l’époque augustéenne, le forum. Un autre indice est peut-être fourni par la présence, au sud des Grandi Horrea, d’un second cippe (CIL XIV 4703 [CIL I2 2516]), accolé à l’ouest du cippe de Caninius et postérieur à ce dernier. Daté de la première moitié du Ier siècle av. J.-C., il atteste la propriété privée d’une bande de terrain allant jusqu’au Tibre, à moins qu’il ne s’agisse d’une servitude de passage. Dans la première hypothèse, ce second cippe pourrait témoigner d’une vente du domaine public au moment de la désaffection de la première enceinte d’Ostie, dans un espace suscitant les convoitises des particuliers. Un parallèle est fourni à Rome par la vente des terres publiques jouxtant les anciens remparts du Capitole, après la guerre sociale : M. Cébeillac-Gervasoni et al., Épigraphie latine... cit. n. 26, p. 83-85. La construction des Grandi Horrea, à cheval sur la limite définie par les deux cippes, a sans doute impliqué une nouvelle modification de statut dans cet espace. Pour les questions de propriété des horrea, voir J. Dubouloz, Propriété et exploitation des entrepôts à Rome et en Italie (Ier-IIIe siècles), dans MEFRA, 120/2, 2008, p. 277-294.
31 J. T. Bakker, Les boulangeries à moulin et les distributions de blé gratuites, dans J.-P. Descoeudres (éd.), Ostia : port et porte de la Rome antique… cit., p. 179-185, en partic. p. 186.
32 Le niveau de circulation dans la cour se situe, dès la première phase du monument, à 2,50 m au-dessus du niveau de la mer, soit bien au-dessus des niveaux républicains (indiqués par exemple par les deux cippes implantés le long du decumanus) et également probablement des niveaux augustéens.
33 Cette étude s’appuie principalement sur les méthodes de l’archéologie de la construction qui prévoit l’enregistrement et l’analyse des observations relatives aux techniques de construction utilisées, la mise en évidence des relations stratigraphiques et physiques entre les structures, les relevés des éléments caractéristiques et enfin, le croisement de l’ensemble des données recueillies avec celles déjà disponibles dans la bibliographie et dans les archives. Cette approche méthodologique a amplement été décrite à l’occasion d’une étude analogue, précédemment réalisée à Ostie, et consacrée aux châteaux d’eau et au réseau d’adduction de la ville : É. Bukowiecki, H. Dessales et J. Dubouloz, Ostie, l’eau dans la ville : châteaux d’eau et réseau d’adduction, Rome, 2008 (Collection de l’École française de Rome, 402), p. 26-36.
34 L’analyse des fondations et de la portion visible du mur de soutènement est du bâtiment permet de restituer une pente originelle du terrain d’ouest en est.
35 Petit appareil de tuf caractérisé par l’emploi de moellons pyramidaux disposés en carrés sur pointe.
36 G. Calza, Ostia : gli horrea... cit. n. 11, p. 367.
37 GSO 1918 : 25-30 marzo ; 1-7 luglio. Une partie des blocs a été insérée, lors de la restauration du monument, au-dessus des murs sévériens des pièces 75-76.
38 Sans prendre en compte la nature du matériau employé, nous pouvons, par exemple, dresser un parallèle avec la façade des horrea Epagathiana. Bien que construits en brique et de dimensions très inférieures, ces entrepôts présentent une entrée occidentale encadrée de deux colonnes surmontées d’un fronton.
39 Les transformations successives empêchent de déterminer la présence de son symétrique dans la façade occidentale.
40 La position des murs de refend reconstruits au IIe s. est identique à celle du monument originel.
41 Dans ces boutiques du flanc oriental, des traces d’escaliers ont été observées durant la fouille (GSO 1918 : 1-2 maggio). Les consoles qui soutenaient le plancher de l’étage sont parfois encore en place.
42 Les caractéristiques techniques des constructions de cette phase (opus reticulatum avec chaînages d’angle en opus vittatum) situent ce chantier dans le courant du Ier siècle.
43 Le lot de briques employé dans la portion conservée de ce mur en opus testaceum est constitué exclusivement de fragments de sesquipedales et pourvu d’assises de réglages en bipedales. Couramment, ces habitudes appartiennent plutôt aux chantiers de la fin du Ier et du début du IIe siècle, mais l’état de conservation de la structure ne nous permet pas d’être plus précis quant à la datation de cette intervention.
44 Seules les élévations en grand appareil de tuf sont préservées.
45 Les matériaux récupérés sont largement remployés dans la reconstruction des murs de refend alors que ce sont de nouvelles briques d’un lot très homogène de bessales clairs qui sont utilisées pour les façades des cellae.
46 Sur les suspensurae, voir infra.
47 La restitution de ces escaliers se fonde non seulement sur les traces d’accroche des marches observées dans les parois septentrionales des espaces 72 (à l’ouest) et 71 (à l’est), mais aussi sur l’hypothèse que l’altitude du premier étage n’a pas varié après le second chantier sévérien. Ces escaliers partaient de 2,50 m d’altitude. pour culminer à 9,40 m d’altitude (les calculs sont détaillés infra n. 114).
48 Cette disposition de l’escalier trouve un parallèle dans le Piccolo Mercato. Seule cette solution permet d’atteindre l’étage sans présenter une pente impossible à gravir.
49 Le rehaussement est perceptible au niveau du seuil entre les espaces 133 et 93. Le niveau général de circulation se trouve à environ 2,50 m d’altitude.
50 La fonction de cette voie couverte reste encore à déterminer. Pour J. T. Bakker, cet aménagement serait en lien avec des transformations survenues dans les étages du Caseggiato dei Molini, pour éviter la destruction de l’immeuble : J. T. Bakker, The Mills-Bakeries of Ostia : Description and Interpretation, Amsterdam, 1999 (Dutch monographs on ancient history and archaeology, 21), p. 50-51. Il aurait ensuite été utilisé pour approvisionner la boulangerie en grain depuis les Grandi Horrea, par le biais de tuyaux : ibid., p. 58-59. Cette boulangerie ne s’installerait que durant l’époque sévérienne, soit après la construction de la Via tecta : ibid., p. 57-58. Étant donné qu’aucun escalier ne permet de descendre à l’intérieur de la boulangerie depuis l’étage, il nous paraît préférable, pour l’instant, de ne pas restituer de communication entre les deux bâtiments.
51 Cette nouvelle façade complexifie fortement l’accès aux Grandi Horrea, comme l’a déjà noté G. Rickman. Nous pouvons suggérer l’hypothèse que le petit bâtiment visible au nord-ouest des Grandi Horrea sur le relevé d’I. Gismondi servait d’entrée piétonnière aux entrepôts (fig. 2 et 3) : G. Rickman, Roman Granaries... cit. n. 2, p. 54. D’éventuels chariots stationnés devant les entrées surélevées auraient alors pu être déchargés avec des rampes ou des palans.
52 Il s’agit d’une série d’arcades soutenues par des piliers, le tout participant à une monumentalisation certaine de cette façade méridionale.
53 Ces espaces seront reconvertis en aire de stockage, comme les espaces mineurs tels que 13 et 48 où des sols surélevés sommaires sont installés.
54 Cette restitution a déjà été proposée par G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, p. 379. En suivant cette proposition primaire, en mesurant les empreintes des marches encore visibles dans la maçonnerie et en prenant le parallèle du Piccolo Mercato pour la pente du plan incliné, on peut déterminer le point culminant de l’étage. Nous avons considéré que le couloir de circulation autour de la cour interne existait aussi à l’étage, ce qui permet de définir que ce dernier se trouvait à 9,88 m d’altitude.
55 Ce rehaussement est décrit dans les GSO (1918 : 28-31 gennaio, 1-2 febbraio). Les piliers de support du portique sont encore partiellement visibles. Certains ont été représentés par I. Gismondi.
56 Les blocs de tuf, larges d’environ 0,60 m, étaient creusés longitudinalement d’un canal semi-circulaire de 0,30 m de largeur et de 0,10 à 0,15 m de profondeur.
57 Dimensions de la citerne : 5 m de longueur sur 2,9 m de largeur et environ 1,6 m de profondeur. Altitude moyenne du fond du réservoir : 1,10 m.
58 G. Calza, Ostia. Gli horrea... cit. n. 11, fig. 10 p. 373.
59 L’inclinaison de l’escalier est de l’ordre de 70°. Les six marches maçonnées qui le composent ont une largeur constante de 0,30 m sauf la dernière qui se réduit à 0,18 m.
60 GSO 1918 : 25-28 febbraio.
61 Une autre citerne alimentée par la nappe phréatique se trouve sous la palestre des Terme di Nettuno. De dimensions monumentales (41,50 m de longueur sur 29,80 m de largeur), elle semble avoir joué un rôle majeur dans l’alimentation de la ville avant le rehaussement flavien général du niveau de circulation urbain et la construction du castellum aquae de Porta Romana : É. Bukowiecki et al., Ostie, l’eau dans la ville... cit. n. 33, p. 59-67.
62 Rappelons toutefois que durant le second chantier sévérien, la partie nord de la gouttière en tuf a été condamnée par le rehaussement du niveau de circulation de la cour et par sa couverture.
63 Cette approche a été largement expérimentée dans le cadre du projet précédent de l’École française de Rome à Ostie (É. Bukowiecki et al., Ostie, l’eau dans la ville... cit. n. 33) mais également à l’occasion de différentes programmes internationaux sur l’architecture monumentale du centre de Rome et en particulier du Palatin : voir É. Bukowiecki, La brique dans l’architecture impériale à Rome : étude de quelques grands chantiers du Palatin, Thèse de doctorat, Université de Provence, 2008.
Sur le détail des caractéristiques techniques des constructions des Grandi Horrea, voir É. Bukowiecki et C. Rousse, Ostia Antica, entrepôts d’Ostie et de Portus : les Grandi Horrea à Ostie, dans MEFRA, 119/1, 2007, p. 283-287 ; É. Bukowiecki, N. Monteix et C. Rousse, Ostia Antica, entrepôts d’Ostie et de Portus : les Grandi Horrea à Ostie, dans MEFRA, 120/1, 2008, p. 211-216.
64 Opus reticulatum ; opus mixtum à bandes et opus testaceum.
65 31 exemplaires du CIL XV 666 (GSO 1918 : 22-27 aprile, n° inv. 12820) : M. Steinby, La cronologia delle figlinae doliari urbane dalla fine del’età repubblicana fino all’inizio del III sec., dans Bullettino della Commissione archeologica comunale di Roma, 84, 1974-1975, p. 7-132, en partic. p. 95-96 et n. 3.
66 Seuls des sondages stratigraphiques dans la tranchée de fondation du mur périmétrique permettraient de clore définitivement le débat sur la datation du bâtiment originel.
67 Un exemplaire du CIL XV 201 dans l’espace 22 (GSO 1917 : 24-29 settembre, n° inv. 12644) : M. Steinby, La cronologia… cit. p. 58 ; un exemplaire du CIL XV 718 dans l’espace 23 : ibid., p. 54 et n. 1 ; un exemplaire du CIL XV 1204 dans l’espace 23. Les exemplaires CIL XV 718 et CIL XV 1204 datent du tout début du règne de l’empereur.
68 16 exemplaires du CIL XV 325 dans les espaces 6, 7, 8, 9, 10 et 11 (GSO 1916 : 6-12 novembre, n° inv. 10928) ; H. Bloch, I bolli laterizi e la storia edilizia romana : contributi all’archeologia e alla storia romana, Rome, 1968 (Studi e materiali del Museo dell’Impero romano, 4), p. 297, 302 et 336 ; M. Steinby, La cronologia… cit. n. 65, p. 66. Datation : 198-200 ap. J.-C.
69 Un exemplaire du CIL XV 159 dans l’espace 78 (GSO 1918 : 18-23 marzo) ; H. Bloch, I bolli laterizi e storia edilizia romana… cit. n. 68, p. 266, 302 ; M. Steinby, La cronologia… cit. n. 65, p. 37, 39.
70 Les timbres anépigraphes sont également présents, mais en moindre proportion, sur les fragments de bessales employés dans les parements des phases 5 et 6.
71 Rien ne permet de supposer l’existence de techniques particulières adaptées à chaque type de denrée. Signalons que dans les espaces domestiques, les denrées sont parfois mélangées. La technique de conservation dépend alors du volume de denrée disponible. Sur les aspects domestiques, voir N. Monteix, La conservation des denrées dans l’espace domestique à Pompéi et Herculanum, dans MEFRA, 120/1, 2008, p. 123-138. Sur les sols surélevés des entrepôts romains en général, voir addendum.
72 G. Rickman, The Corn Supply of Ancient Rome, Oxford, 1980, p. 128. Sur les routes maritimes : P. Arnaud, Les routes de la navigation antique : itinéraires en Méditerranée, Paris, 2005.
73 Le phénomène de la barre sous-marine formée par les sédiments alluviaux du Tibre est clairement évoqué par Strabon (V, 3, 5).
74 Denys d’Halicarnasse, Ant. Rom., III, 3.
75 Sur le port maritime de Rome voir en dernier lieu S. Keay, M. Millet, L. Paroli et K. Strut (éd.), Portus : an Archaeological Survey of the Port of Imperial Rome, Londres, 2005 (Archaeological monographs of the British School at Rome, 15) avec bibliographie précédente. Sur les allèges et les naves caudicariae, voir infra et G. Boetto, Les navires de Fiumicino (Italie) : architecture, matériaux, types et fonctions, Thèse de doctorat, Université de Provence, 2006.
76 L. Casson, Harbour and river boats of ancient Rome, dans Journal of Roman Studies, 55, 1965, p. 31-39, en partic. p. 32, n. 10 ; P. Pomey, A. Tchernia, Le tonnage maximum des navires de commerce romains, dans Archaeonautica, 1, 1978, p. 233-251, en partic. p. 240. Sur la base des comparaisons avec les données de l’archéologie navale, le tirant d’eau de ces navires à pleine charge a été estimé à moins de 2,50 m : G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. p. 333.
77 Alfenus, Dig. a Paulo epit., 5 (Dig., 19, 2, 31).
78 G. Rickman traduit avec partitions : G. Rickman, The Corn Supply… cit. n. 72, p. 133.
79 Une cloison séparant le chargement en vrac constitué de chaux et de fragments de marbre a été récemment découverte sur l’épave Napoli B (fin IIe-début IIIe siècle apr. J.-C) : G. Boetto, Le navi romane di Napoli, dans Archaeologia Marittima Mediterranea, 2, 2005, p. 63-76, en partic. p. 72 ; G. Boetto, V. Carsana et D. Giampaola, I relitti di Napoli e il loro contesto portuale, dans S. Medas, M. D’Agostino et G. Caniato (éd.), Archeologia, storia, etnologia navale [Atti del Io convegno nazionale], Bari, 2010 (Navis, 4), p. 115-122, en partic. p. 120. L’utilisation de paniers est attestée sur plusieurs épaves antiques comme sur Gela 1 (500-480 av. J.-C) : R. Panvini (éd.), La nave greca arcaica di Gela (e primi dati sul secondo relitto greco), Caltanissetta, 2001, p. 32-33 ; ou Comacchio (Ier s. av. J.-C.) : F. Berti, Fortuna maris : la nave romana di Comacchio, Bologne, 1990, p. 272-279. Un tonneau, découvert sur l’épave de Grado, contenait des fragments de verre pour recyclage (117-150 apr. J.-C.) : Operazione Iulia Felix : lo scavo subacqueo della nave romana rinvenuta al largo di Grado, Mariano del Friuli, 1994 (Collana di archeologia navale, 1), p. 48.
80 L. Casson et G. Rickman ne rejettent pas l’hypothèse d’un transport en sacs : pour ce dernier les sacs auraient protégé plus efficacement le grain de l’humidité ainsi que des problèmes de ripage dans la cale : L. Casson, Ships and Seamanship in the Ancient world, Princeton, 1971, p. 200 ; G. Rickman, The Corn supply… cit. n. 72, p. 133-134. Les 10 000 amandes mises au jour sur l’épave Kyrenia (310-300 av. J.-C.) étaient probablement contenues dans des sacs : A.J. Parker, Ancient Shipwrecks of the Mediterranean & the Roman Provinces, Oxford, 1992 (BAR International Series, 580), p. 231.
81 À part l’épave de St Peter Port à Guernesey, découverte en Atlantique et dont le blé était destiné à l’équipage : M. Rule, J. Monaghan, A Gallo-Roman Trading Vessel from Guernsey : the Excavation and Recovery of a Third Century Shipwreck, Guernsey, 1993 (Guernsey Museum monograph, 5), p. 108-112, la seule épave méditerranéenne ayant livré les traces indubitables d’un chargement de blé est l’épave Saint-Gervais 2 à Fos-sur-Mer. Cette épave du VIIe siècle chargeait environ 3000 modii de blé soit la moitié de son tonnage, évalué à 40-50 tonnes : M.-P. Jézégou, Le mobilier de l’épave Saint-Gervais 2 (VIIe siècle) à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), dans M. Bonifay, M.-B. Carre, S. Bien et Y. Rigoir (éd.), Fouilles à Marseille : les mobiliers (Ier-VIIe siècles ap. J.-C.), Paris, 1998 (Études massaliètes, 5), p. 343-351, en partic. p. 344-345. Sur l’épave Laurons 2 – pour laquelle M. Bonifay confirme une datation au IIe siècle apr. J.-C. – les grains de céréales, ainsi qu’une pelle en bois, étaient emprisonnés dans la poix échappée d’une amphore au moment du naufrage, au contact même des lattes du fond de cale : M. Bonifay, Études sur la céramique romaine tardive d’Afrique, Oxford, 2004, en particulier p. 105 (BAR International Series, 1301) ; J.-M. Gassend, B. Liou et S. Ximénès, L’épave 2 de l’anse des Laurons (Martigues, Bouches-du-Rhône), dans Archaeonautica, 1, 1984, p. 75-105 ; S. Ximénès et M. Moerman, Le matériel archéologique de l’épave Laurons II (Martigues-Bouches-du-Rhône), dans Cahiers d’archéologie subaquatique, 10, 1991, p. 209-222, en partic. p. 209-212, fig. 3-4. Enfin, les « vides » de l’épave Sud-Lavezzi 5, découverte dans les Bouches de Bonifacio, auraient été causés par la disparition du chargement principal de blé : H.-G. Delauze et J.-C. Cayol, Corse-du-Sud, au large de Bonifacio, dans Bilan scientifique du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines : 2005, Paris, 2007, p. 93-97, en partic. p. 96.
82 G. Rickman, The Corn Supply… cit. n. 72, p. 132-133.
83 A.-A. Parmentier, Graines, dans Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle appliquée aux arts, à l’agriculture, à l’économie rurale et domestique, à la médecine, vol. 13, 1817, p. 350-383, en partic. p. 377.
84 L’acconier assure l’embarquement ou le débarquement des marchandises, il est chargé de les arrimer à bord du navire ou de les mettre en entrepôt.
85 B. S. Duron, Le transport maritime des céréales, Mémoire de D.E.S.S., Université de Provence - Centre de Droit Maritime et des Transports, 1999. En plus, l’angle de gîte du navire ne doit pas dépasser 12 degrés pour éviter le ripage du grain.
86 86Pour la sigillée comme marchandises secondaires de chargements de blé africain voir M. Bonifay, Que transportaient donc les amphores africaines ?, dans E. Papi (éd.), Supplying Rome and the Empire, Portsmouth, 2007 (JRA, Supplementary series, 69), p. 8-31, en partic. p. 22.
87 R. Meiggs, Roman Ostia… cit. n. 14, p. 294-295.
88 A. Tchernia et P. Pomey ont calculé qu’il fallait 3 jours pour décharger un navire de 10 000 modii soit 70 tonnes de port en lourd : P. Pomey et al., Le tonnage maximum des navires de commerce romains… cit. n. 76, n. 39.
89 Sur la masse volumique du grain, voir. infra. L. Casson restitue un sac d’environ 45 kg : L. Casson, Harbour and river boats of ancient Rome… cit. n. 76, p. 36-39 ; voir aussi C. Virlouvet, Tessera frumentaria : les procédures de distribution du blé public à Rome à la fin de la République et au début de l’Empire, Rome, 1995 (BEFAR, 286), p. 84 et n. 95. À l’heure actuelle, la capacité des sacs est généralement de 50 kg, qu’ils soient en fibres végétales ou en fibres plastiques. Les sacs plus grands, 100 kg, rendent moins aisées les opérations de manutention (M. De Lucia et D. Assennato, L’après-récolte des grains : organisation et techniques, Rome, 1992 [Bulletin des services agricoles de la FAO, 93 ; http://www.fao.org/docrep/t0522f/T0522F00.htm], § préparation des ventes / emballage des grains).
90 R. Meiggs, Roman Ostia… cit. n. 14, p. 301-302 et pl. XXVI. Citons, à titre d’exemple, le papyrus Bingen 77 daté du IIe siècle. Ce fragment de registre consigne les entrées dans un port non spécifié du delta du Nil. Il donne la provenance du navire, la date de départ, le type de navire, le nom du nauclère, le nom du navire, son tonnage exprimé en artabes, le nom de la (les) personne(s) pour qui la cargaison est transporté, le type de cargaison embarquée : P. Heilporn, 77. Registre de navires marchands, dans H. Melaerts (éd.), Papyri in honorem Johannis Bingen octogenarii (P. Bingen), Leuven, 2000, p. 339-359.
91 Voir infra.
92 Nous ne prenons pas en considération la différence entre le poids pesé à l’embarquement et le poids mesuré au déchargement. Ces pertes, ou manquants, sont difficilement calculables car très variables et dues, en grand partie, à la manutention. Si l’on prend en considération seulement la freinte de route, c’est-à-dire la dessiccation naturelle du blé (de 0,5 à 1 %), celle-ci n’a pas une grande influence sur nos calculs : B. S. Duron, Le transport maritime des céréales... cit. n. 85, p. 43.
93 Voir par exemple, A.-A. Parmentier, Graines… cit. n. 83, p. 377 : « Mais dans quelque état que soit le grain arrivé à sa destination, on ne doit pas perdre de temps pour le porter au grenier, le remuer, et le cribler à plusieurs reprises, afin de lui faire perdre l’humidité, la chaleur et l’odeur qu’il aurait pu contracter en route et lui restituer son premier degré de bonté ».
94 Il est possible de suggérer l’hypothèse selon laquelle cet éventuel premier tri, s’il n’était pas effectué directement dans les cellae, se déroulait, pendant la première phase sévérienne, sur la vaste plate-forme au nord de l’édifice (espaces 89-93). Pour le monument originel, il est tentant de restituer cette activité sous la couverture de la cour centrale, mais malheureusement, l’implantation des espaces 56 à 70 empêche désormais d’en retrouver la moindre attestation. Sur la nécessité de procéder à la dessiccation à l’air des grains avant leur stockage à long terme voir l’article de G. Geraci et B. Marin dans ce même volume, p. 90 sq.
95 Comme les sacs de blé étaient transportés à dos d’homme avant d’être déversés dans les cellae, les alentours (seuils et couloirs de circulation) devaient également être suffisamment sains pour éviter que le piétinement des saccarii ne contamine les aires de stockage et il est vraisemblable que même les zones de circulation étaient revêtues d’un enduit hydraulique permettant leur entretien aisé. Rappelons aussi que l’édifice était pourvu, dès sa conception, de deux citernes.
96 À titre d’exemple, voir la description des méthodes encore en usage dans certaines communautés rurales des pays en voie de développement : M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89. Si les capacités empiriques des gestionnaires d’entrepôts à contrôler la qualité du blé échappent à notre appréhension par définition, elles ne doivent pour autant être sous-estimées.
97 M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89. Ces estimations ne tiennent toutefois pas compte du niveau de dégradation du blé à l’arrivée au port ; il est probable, en effet, que plus un chargement avait voyagé, plus il était abîmé et moins longtemps il pouvait être stocké. Sur le problème des pertes voir également l’article de G. Geraci et B. Marin dans ce même volume, p. 90 sq.
98 Sur ces aspects aussi nos connaissances ont évolué : voir addendum.
99 Sur les 68 ouvertures situées à l’intérieur des Grandi Horrea, 15 conservent leur seuil en place. 14 sont d’un même type, mis en place lors des travaux effectués à la fin du IIe siècle. Le seul seuil conservé parmi ceux mis en place durant le premier chantier sévérien est d’un fonctionnement identique, mais présente de légères variations morphologiques (espace 83).
100 G. Hermansen pensait que sur ces piliers s’appuyaient des planches (check board) qui empêchaient cette invasion des grains dans la zone de l’entrée de la cella : G. Hermansen, Ostia : aspects of Roman city life, Edmonton, 1981, p. 261.
101 Datation déduite de l’emploi de l’opus mixtum à panneaux, caractéristique à Ostie des grands projets édilitaires sous Trajan et Hadrien.
102 G. Rickman, Roman granaries… cit. n. 2, p. 123-132 ; P. A. Verduchi, Il patrimonio archeologico monumentale di Porto : osservazioni preliminari sulle strutture architettoniche, dans V. Mannucci (éd.), Il parco archeologico naturalistico del porto di Traiano : metodo e progetto, Ostia, 1992, p. 55-60 ; S. Keay et al. (éd.), Portus… cit. n. 75, p. 248-257. Sur l’étude récente de ce grand complexe de stockage, voir aussi addendum.
103 G. Calza, Ricognizioni topografiche nel porto di Traiano, dans Notizie degli scavi di Antichità, Rome, 1925, p. 54-80.
104 L’emploi du mot suspensura reste un abus de langage historiographique, dérivant des similitudes formelles et non fonctionnelles avec les sols surélevés des thermes (Vitruv., De arch., V, 10, 2). Sur l’histoire de cette technique, voir G. Rickman, Roman Granaries… cit. n. 2, p. 293-297. Sur les récentes découvertes concernant les sols surélevés des entrepôts romains, voir addendum.
105 Outre les couloirs de circulation et les trois grandes salles de l’aile septentrionale (89, 91, 93), il faut noter que les pièces situées au centre de la cour intérieure paraissent n’avoir jamais été dotées de ce dispositif. Toutefois, à partir du second chantier sévérien (phase 6), certaines pièces, initialement prévues comme couloirs (71, 72) ou comme espaces de service (12, 47), sont également dotées de sols surélevés.
106 L’imposante épaisseur de ce sol articulé qui recouvre les murets permet à la structure, par effet de voûte, de supporter de très grands poids puisque l’ensemble des poussées verticales est désormais redistribué le long des murets, tout en stabilisant la régularité du sol sur l’ensemble de la cella.
107 Largeur : 0,25 à 0,30 m.
108 Les suspensurae ajoutées dans les espaces de service 12, 47, 71 et 72, transformés pendant le second chantier sévérien en espaces de stockage occupent toute la largeur de la pièce mais ne disposent pas d’une ouverture sous le seuil. L’air ne se renouvelle donc pas, mais l’isolation existe néanmoins.
109 Sur la hauteur des tas de grain, voir infra.
110 Le sol de l’étage se trouve, selon notre restitution à partir de la pente probable des escaliers, aux alentours de 5,20 m au-dessus du rez-de-chaussée des cellae des ailes orientale, méridionale et occidentale. Nous ne pouvons déterminer avec certitude l’épaisseur de la couverture des cellae inférieures mais de 0,30 à 0,60 m nous semble une estimation raisonnable.
111 G. Rickman, Roman Granaries… cit. n. 2, p. 85-86.
112 Sur la gestion des flux de marchandises, et du grain en particulier, entre Rome et ses ports, nous renverrons à la lecture extrêmement suggestive de l’article d’A. Tchernia et D. Viviers, Athènes, Rome et leurs avant-ports : « mégapoles » antiques et trafics méditerranéens, dans C. Nicolet, R. Ilbert et J.-C. Depaule (éd.), Mégapoles méditerranéennes : géographie urbaine rétrospective, Paris, 2000 (L’Atelier méditerranéen, 1), p. 761-801.
113 La taille des grains antiques était sensiblement inférieure à celle d’aujourd’hui (M. Borgongino, Archeobotanica. Reperti vegetali da Pompei e dal territorio vesuviano, Rome, 2006 (Studi della Soprintendenza archeologica di Pompei, 16), p. 47), comme le démontrent les photos de comparaisons entre des grains ensevelis par l’éruption du Vésuve – et seulement carbonisés sans perte de volume par celle-ci – et des grains actuels (A. Ciarallo, Il frumento nell’area vesuviana, dans Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut Empire, Naples, 1994 [Collection du Centre Jean Bérard, 11], p. 137-139, en partic. fig. 1 p. 138). En dépit de cette variation, il nous a semblé possible de conserver l’angle de talus naturel fourni par la FAO et le Réseau d’information sur les opérations après récolte (M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89, § Annexe 2 « Caractéristiques physiques des produits »). Cet angle a récemment été donné comme égal à 35° par E. Papi et F. Martorella, sans autre justification : E. Papi, F. Martorella, Il grano della Tingitana, dans E. Papi (éd.), Supplying Rome and the Empire, Portsmouth, 2007 (JRA, Supplementary series, 69), p. 85-96, en partic. p. 90.
114 114Soient V le volume, L la longueur utile de la cella, l la largeur du tas – égale au rayon du cône – et h la hauteur du tas : V= (L x l x h /2) + (1/3 π x l2)/4.
La hauteur h du tas se déduit de sa largeur l : h = l. tan 26.
115 Le stockage en sacs a également une durée limitée car il implique des pertes importantes. Il est plutôt utilisé pour des quantités modestes et en saison fraîche : voir l’article de G. Geraci et B. Marin dans ce même volume, p. 88.
116 M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89, § stockage en sacs / entrepôts en magasins. Nous n’avons pas suivi les remarques proposées par G. Geraci et B. Marin (dans ce volume, p. 88-90) quant à la disposition des sacs. Ces recommandations issues de la bibliographie contemporaine, plus précises que celles de la FAO, ne peuvent pas être utilisées pour calculer un volume de grain : il serait en effet nécessaire de connaître les dimensions d’un sac pour commencer à raisonner sur le nombre de sacs que l’on peut insérer avec de bonnes conditions de conservation, dans les cellae centrales des Grandi Horrea. Les calculs que nous proposons restent donc, particulièrement pour les espaces centraux, hypothétiques et maximalistes. Il est possible qu’ils constituent une surestimation de la capacité de stockage.
117 Cette largeur correspond à la moyenne des largeurs des petits vantaux observée sur les seuils en place des espaces 57, 59, 60, 62, 65, 66, 67, 68 et 70. Elle a été obtenue en mesurant la distance entre la crapaudine et la cavité destinée à recevoir la gâche verticale qui maintenait le second vantail fermé.
118 En moyenne, le volume occupé par une tonne de blé contemporain stockée en vrac est de 1,3 m3, tandis qu’il est nécessaire de disposer de 1,6 m3 pour conserver le même poids en sacs (M. De Lucia et al., L’après-récolte des grains… cit. n. 89, § Annexe 2 « Caractéristiques physiques des produits »).
119 Plin., NH, 18, 66 : Nunc ex hi generibus quae Romam inuehuntur, leuissimum est Gallicum atque Chersoneso aduectum, quippe non excedunt modii uicenas libras, si quis granum ipsum ponderet. Sardum adicitse libras, Alexandrinum et trientes – hoc et Siculi pondus – Baeticum totam libram addit, Africanum et dodrantes.
« Si nous passons aux espèces qui sont importées à Rome, les plus légères sont celles qui viennent des Gaules et de la Chersonèse, puisqu’elles ne dépassent pas 20 livres au modius, si on pèse le grain seul. Le blé de Sardaigne fait une demi-livre de plus, celui d’Alexandrie une demi-livre et un tiers de plus – c’est aussi le poids du blé de Sicile –, celui de Bétique une livre entière de plus, celui d’Afrique une livre trois quarts de plus » [trad. H. Le Bonniec, CUF].
120 Contra E. Papi et al., Il grano della Tingitana… cit. n. 113, p. 85, 90, suite à une probable erreur de calcul.
121 Nos calculs sont donc fondés sur une masse volumétrique de 740 kg/m3, ce qui fait que nous considérons qu’un modius de blé (8,76 l) pèse 6,48 kg (20 livres de 0,324 kg).
122 Trois de ces embarcations, dénommées Fiumicino 1, 2 et 3, ont été découvertes à l’emplacement du port maritime de la Rome antique, près de l’actuel aéroport de Fiumicino voir G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. n. 75.
123 Selon J. Le Gall, dans l’Antiquité, il n’était question que de halage à dos d’homme sur le Tibre : J. Le Gall, Le Tibre, fleuve de Rome dans l’Antiquité, Paris, 1953 (Publications de l’Institut d’art et d’archéologie de l’Université de Paris, 1), p. 257. L’introduction de bœufs serait une innovation de l’époque de Procope (Goth, V, 26, 9-12), un signe de décadence et non pas d’amélioration technique car les animaux auraient pallié au manque d’esclaves (ibid., p. 325-326). Pour R. Meiggs, les animaux auraient été introduits après le IVe siècle : R. Meiggs, Roman Ostia… cit. n. 14, p. 296. L. Casson, en revanche, ne rejette pas totalement la possibilité d’un halage animal sur le Tibre : L. Casson, Ships and Seamanship… cit. n. 80, p. 39. Sur le halage voir aussi G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. n. 75, p. 340-349.
124 G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. n. 75, p. 421-422. Des caudicariae plus grandes ont probablement existé : G. Boetto évalue à 206 tonnes leur tonnage maximum (ibid., p. 420).
125 À partir des calculs présentés par A. Tchernia (Subsistances à Rome : problèmes de quantification, dans C. Nicolet, R. Ilbert, J.-C. Depaule (éd.), Mégapoles méditerranéennes. Géographie urbaine rétrospective, Paris, 2000 [L’Atelier méditerranéen, 1], p. 751-760) concernant les approvisionnements nécessaires à Rome en pleine époque impériale, G. Boetto estime à 251 le nombre de caudicariae affectées au transport des denrées de base (blé, huile et vin) : G. Boetto, Les navires de Fiumicino… cit. n. 75, p. 420.
126 Sur la question, voir l’article de G. Geraci et B. Marin dans ce même volume.
127 12/18 bateaux d’une taille de 150 tonnes.
128 A. Tchernia, Subsistances à Rome : problèmes de quantification… cit., p. 758.
129 Ibid, p. 758.
130 Entrepôt de type A2 selon la typologie de J. U. Bernardos Sanz, C. Virlouvet dans ce même volume, p. 73.
131 Dans le cadre de l’ANR-Entrepôts, une école thématique internationale sur les entrepôts romains a été organisée à Ostie en septembre 2011 : http://www.entrepots-anr.efa.gr/p-ecole-thematique_fr.htm. À cette occasion, plusieurs entrepôts de la ville portuaire, dont les Grandi Horrea, ont fait l’objet d’observations spécifiques visant à comprendre les différents systèmes de sols surélevés identifiés à Ostie.
132 É. Bukowiecki, R. Sebastiani (dir.), Les entrepôts dits de Trajan à Portus : étude d’un complexe de stockage en milieu portuaire, en cours de préparation.
133 Toutes les interventions et les posters ont été publiés en ligne : http://www.entrepots-anr.efa.gr/p-journees-etudes-rome_fr.htm.
134 Voir par exemple : G. Earle, New city wall discovered at Ostia, dans Portus Project, 2014 (http://www.portusproject.org/blog/2014/04/new-city-wall-discovered-ostia/, consulté le 06/12/2015).
135 G. Geraci, Stoccaggio e conservazione del grano : lo scenario antico, dans L. Criscuolo, G. Geraci, C. Salvaterra (éd.), Simblos 6. Scritti di storia antica, Bologne, 2015, p. 201-226.
136 B. Helly, Évolution de la topographie de Vienne du Ier siècle av. J.-C. au Ve siècle apr. J.-C., dans F. Adjadj (éd.), Vienne, Paris, 2013 (Carte archéologique de la Gaule, 38/3), p. 116-148, en partic. p. 142-143.
137 Pour ce calcul, le grain est stocké sur toute la longueur de chaque cellule, contre les deux parois, en deux tas idéalisés atteignant une hauteur de 2,36 m, laissant un passage central équivalent au tiers de la largeur (un peu moins de 5 m). Nous avons écarté les blocs B et C pour lesquels les données sont trop lacunaires pour permettre un véritable calcul.
138 E. Martelli, Sulle spalle dei saccarii : le rappresentazioni di facchini e il trasporto di derrate nel porto di Ostia in epoca imperiale, Oxford, 2013 (BAR International Series, 2467). Voir également C. Virlouvet, Les métiers du port : les saccarii, dockers du monde romain antique, dans Journal of Roman Archaeology, 28-2, 2015, p. 673-683.
Table des illustrations
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Légende | Fig. 1 – Localisation des Grandi Horrea dans la trame urbaine d’Ostie.Échelle 1/10.000.Fond de carte SBAO ; DAO G. Boetto, V. Dumas, CCJ/CNRS. |
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Légende | Fig. 2 – Plan général des Grandi Horrea.Échelle 1/1000 ; d’après le relevé d’I. Gismondi. |
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Légende | Fig. 3 – Phases de construction identifiées dans les Grandi Horrea.Échelle 1/1000 ; fond de plan : relevé I. Gismondi ; DAO É. Bukowiecki – N. Monteix, IRAA – EFR. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32815/img-3.jpg |
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Légende | Fig. 4 – Façade orientale des Grandi Horrea.Clichés N. Monteix, EFR.Les boutiques accolées au monument originel utilisent des blocs de grand appareil de tuf pour préserver l’aspect général du bâtiment. En encadré, détail des consoles de support de l’étage. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32815/img-4.jpg |
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Légende | Fig. 5 – Restitution isométrique de l’évolution des volumes architecturaux des Grandi Horrea.a) état restitué à la fin du IIe siècle ; b) état restitué après le premier chantier sévérien ; c) état restitué après le second chantier sévérien.Dessins N. Monteix, EFR. |
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Légende | Fig. 6 – Restitution isométrique des différents systèmes d’escalier qui se sont succédés dans le monument.a) escalier de la fin du IIe siècle, espace 71 ; b) escalier de la fin du IIe siècle, espace 13 ; c) escalier du début du IIIe siècle, sud-ouest de l’espace 35 ; d) escalier de la seconde phase sévérienne, espace 30.Échelle 1/400 ; dessins N. Monteix, EFR. |
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Légende | Fig. 7 – Accès à l’espace souterrain 34, probable citerne alimentée par la nappe phréatique, vu du sud (à gauche) et du nord (à droite). |
Crédits | Clichés É. Bukowiecki, IRAA. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32815/img-7.jpg |
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Légende | Fig. 8 – La fresque de l’Isis Giminiana, Ostie, IIe siècle-début IIIe siècle apr. J.-C. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32815/img-8.jpg |
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Légende | Fig. 9 – Le relief des Tabularii, fin IIe siècle-début IIIe siècle apr. J.-C.Moulage du bas-relief appartenant à la collection Torlonia. Musée des Navires, Fiumicino, cliché G. Boetto, CCJ/CNRS. |
URL | http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32815/img-9.jpg |
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Légende | Fig. 10 – Comparaison entre les cellae des Grandi Horrea (pièce 16, à g. ; fin du IIe siècle) et celles des horrea (I, VIII, 2) situés à l’ouest du Piccolo Mercato (à dr. ; première partie du IIe siècle). |
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Légende | Fig. 11 – Restitution isométrique en écorché du système de vide sanitaire (suspensurae) dans la pièce 40.Échelle 1/150 ; dessin N. Monteix, EFR ; en encadré, vue depuis l’est des suspensurae de l’espace 23 (cliché C. Rousse, EFR). |
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Légende | Fig. 12 – Comparaison entre les modélisations « réaliste » et « théorique » d’un tas de grains de blé.Échelle 1/300 ; dessins N. Monteix, EFR. |
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Légende | Fig. 13 – Courbe de progression du volume de grain conservé dans une cella large de 4,7 m et longue de 8,85 m en fonction du mode de stockage et de la largeur du tas. |
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Légende | Fig. 14 – Plan de forme de la caudicaria Fiumicino 1. |
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© Publications de l’École française de Rome, 2016