Version classiqueVersion mobile

Entrepôts et trafics annonaires en Méditerranée

 | 
Brigitte Marin
, 
Catherine Virlouvet

Première partie. Synthèses

Distribution géographique des entrepôts, localisations, réseaux : étude de cas1

Marie-Brigitte Carre et Simona Laudani

Résumé

Ce chapitre se propose d’examiner, sur la longue durée, la localisation géographique des entrepôts : au cœur des villes ou des ports, sur les nœuds routiers et aux ruptures de charge, leur position, leur hiérarchie et leur emprise spatiale reflètent les choix politiques de gestion des revenus agraires et les équilibres économiques et institutionnels des États dans lesquels ils s’inscrivent. Ces choix se retrouvent sur la très longue durée, mais dans une continuité non linéaire. Les particularités, sensibles selon les contextes et les époques historiques, ont ainsi conduit à des présentations séparées pour l’Antiquité et l’époque moderne, avant de tenter de mettre en évidence les parallèles dans la conclusion. Dans la mesure où les plus grandes villes (Rome, Byzance, Madrid, Naples) ont déjà fait l’objet d’enquêtes, cette synthèse envisage des zones périphériques et récemment étudiées de l’empire romain, en Cisalpine, Lycie et Afrique ; pour la période moderne sont évoqués les exemples de la Sicile, de Venise et de Madrid.

Texte intégral

  • 1  Cette étude propose une synthèse des interventions présentées lors du premier séminaire « Le ravit (...)
  • 2  B. Marin et C. Virlouvet (éd.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquités-Temps Modernes, Pari (...)

1Les questions de l’entreposage et de la redistribution, déjà étudiées dans l’une des trois parties du volume Nourrir les cités2, avaient été évoquées sous l’angle de l’acheminement des subsistances. On tentera en revanche, dans les pages qui suivent, d’examiner sur la longue durée la localisation géographique des entrepôts, au cœur des villes ou des ports, sur les nœuds routiers et aux ruptures de charges. En effet, la définition des relations entre le territoire et les édifices de stockage, l’analyse de leur position, de leur hiérarchie et de leur emprise spatiale peuvent permettre d’appréhender immédiatement quelques-unes des caractéristiques saillantes de la vie économique, politique et institutionnelle dans les divers exemples qui suivent. Malgré les incertitudes sur la nature des biens stockés dans les entrepôts dans l’Antiquité, c’est du blé surtout qu’il sera question, car la conservation, la commercialisation et la distribution des grains, qui ont toujours représenté un problème fondamental pour les sociétés anciennes, sont les mieux documentées par nos sources.

  • 3  J. Bernardos Sanz, Territorio e infraestructura de almacenamiento en el abastecimiento de pan a Ma (...)
  • 4  Pour une synthèse de ces aspects, voir G. Geraci et B. Marin, L’approvisionnement alimentaire urba (...)

2Comme l’écrit José Bernardos Sanz, dans une économie préindustrielle essentiellement agraire, avec des marchés encore peu articulés en raison des différentes circonstances (brusques oscillations de la conjoncture, difficultés de transport, inégalités dans la distribution de l’excédent agraire), l’emmagasinement des céréales était un élément critique pour la survie de la population3. De ce point de vue, au-delà de l’intérêt d’une meilleure connaissance de la localisation et de la typologie des établissements liés à l’administration des réserves et à la conservation du grain, cette analyse permet une approche des conjonctures démographiques, économiques et productives, mais aussi des choix politiques de gestion des revenus agraires et des équilibres socio-institutionnels qui déterminent l’existence des entrepôts. Ces informations, qui dépassent la simple question de la localisation, se retrouvent sur la très longue durée, dans une continuité qui ne doit pas être lue dans une perspective linéaire et progressive. Au contraire, tout en montrant des aspects similaires au cours du temps, elle présente des particularités et des connotations différentes selon les contextes et les époques historiques, ce qui justifie deux présentations séparées avant une tentative de mettre en parallèle les éléments communs. Il ne faut pas en effet oublier que, au-delà des éléments naturels qui en déterminent l’offre et la demande (abondance ou rareté de la production, augmentation de la population, événements catastrophiques ou période de conjoncture favorable), le commerce, la distribution et la conservation du grain sont fondamentalement le fruit de décisions politiques et de choix législatifs et institutionnels, ainsi que de coutumes alimentaires bien enracinées4.

3Enfin, dans la mesure où les grandes villes (la Rome antique et moderne, Byzance, Madrid ou Naples à l’époque moderne) ont déjà fait l’objet d’enquêtes, cette synthèse mettra l’accent sur des situations plus récemment étudiées dans l’optique de cette recherche, comme celles de la Cisalpine, de l’Afrique, de la Sicile moderne ou de Venise.

L’Antiquité5

  • 5  Cette partie reprend presque intégralement la première publication : M.-B. Carre, Les réseaux d’en (...)
  • 6  À l’exception du ravitaillement des armées qui a fait l’objet d’études spécifiques, comme récemmen (...)

4La nécessité structurelle de disposer de bâtiments destinés au stockage de produits alimentaires, en premier lieu le blé, ne se pose pas dans l’Antiquité de façon différente qu’à l’époque moderne, dans la mesure où le premier souci de l’État, un critère de bon gouvernement, est celui de l’approvisionnement de la capitale. Ces aspects ont déjà été amplement débattus dans des travaux antérieurs, notamment en ce qui concerne le parcours des grains et des autres produits à leur arrivée en Italie : le schéma est bien connu, du stockage dans les ports de débarquement du Latium (Pouzzoles, Ostie-Portus, Centumcellae), du transport par le Tibre et de l’entreposage à l’arrivée dans les gigantesques horrea de Rome. On a moins souvent, en revanche, insisté sur la chaîne logistique des entrepôts en fonction des lieux de production et des étapes : ces dernières sont liées à la rotation des convois et au stockage intermédiaire avant l’embarquement des marchandises, l’interruption de la navigation maritime pendant les mois d’hiver imposant en outre une conservation dans des lieux adaptés. Le maillage territorial des entrepôts répond à des contraintes techniques : ils ne peuvent être situés que dans des villes ou des endroits adaptés, d’autant que leur dissémination est la seule réponse aux difficultés du convoiement par des charrettes et des animaux de bât dès que l’on s’éloigne de la mer et des voies navigables. Les nombreuses ruptures de charge forment autant d’étapes obligatoires, impliquant un aménagement spécifique des espaces dévolus au stockage, même bref, des marchandises6.

  • 7  Les études de cas ont été présentées lors du premier séminaire « Entrepôts et territoires » (Aix-e (...)

5Les recherches récentes ont permis de réexaminer le rôle de quelques séries d’entrepôts en Afrique, Asie mineure et aux marges de l’Italie elle-même. Les trois études de cas qui suivent mettent ainsi en évidence des situations contrastées, puisque les horrea dont il sera question ne sont pas destinés exclusivement à assurer le ravitaillement de la capitale, car ils servent aussi aux marchés locaux, à ceux de l’arrière-pays et aux troupes stationnées aux frontières7. On voit se dessiner des organisations spatiales structurées en fonction des voies de communication, des ports et des lieux de rupture de charge, qui ne reflètent pas seulement le système d’approvisionnement d’une mégapole, mais aussi celui d’une dissémination des biens vers les centres continentaux.

  • 8  E. Papi et F. Martorella explicitent les estimations des quantités dans les articles cités à la no (...)
  • 9  Bien que les sources littéraires et l’archéologie témoignent de l’extraordinaire variété des produ (...)

6Grâce au croisement des données disponibles entre vestiges archéologiques, dont les mentions se multiplient, et sources écrites, une cartographie des emplacements des bâtiments destinés au stockage peut être ébauchée, qui confirme une organisation spatiale bien structurée. L’idée de réseau hiérarchisé est abordée ici de façon exploratoire : dans la mesure où les éléments de pondération (ampleur des zones de circulation et de servitude, mode et nature du stockage, entre autres), n’ont pas encore été calculés partout8, on comparera la superficie au sol des divers bâtiments. Enfin, rappelons que les découvertes récentes ne renseignent en général pas sur la nature9 et la quantité de biens qui transitent, ni sur la propriété de ces bâtiments, leur gestion et l’organisation matérielle qui les régit. En témoignent les innombrables études fondées sur les textes anciens, parfois contradictoires, qui ont été consacrées à la question des quantités nécessaires pour rassasier la plèbe de Rome. Notre connaissance du rôle précis des bâtiments de stockage et de leur place dans la chaîne de distribution, amputée de toutes ces informations, est nécessairement partielle, mais ces données permettent d’entrouvrir des fenêtres sur une organisation que l’on saisit, dans sa complexité et ses dimensions, de même nature que celle des ravitaillements de l’époque moderne.

  • 10  Soit entre 40 000 et 270 000 tonnes ; F. De Romanis, Per una storia del tributo granario africano (...)
  • 11  A. Tchernia, Épaves antiques, routes maritimes directes et routes de redistribution, ibid., p. 613 (...)
  • 12  F. De Romanis, Per una storia... cit., p. 703.
  • 13  Pour comparaison, la superficie actuelle plantée en céréales en Algérie est de 34 000 km2 ; en Tun (...)

7Les tentatives de quantification des exportations africaines fournissent des chiffres variant entre 6 et 40 millions de boisseaux10, dont la mention ici n’a pas d’autre but que d’illustrer à quel point l’organisation du transport des céréales des plaines africaines jusqu’à Rome a pu représenter un souci constant pour le pouvoir. Le voyage des côtes jusqu’aux ports du Latium a été trop souvent évoqué pour que l’on y revienne : routes maritimes et conditions de navigation, nombre et tonnage des bateaux ont fait l’objet de nombreuses études11, tandis que les conditions du transport des plaines céréalières jusqu’à la mer sont plus difficiles à évaluer. On sait, entre autres par l’edictum de pretiis du IIIe siècle, que le trajet par voie terrestre coûtait le double du trajet maritime. Il est donc probable que, au moins pour le Ier siècle, les problèmes de transport aient incité à exploiter les zones les plus proches de la côte, à proximité des centres portuaires. F. De Romanis a calculé que, si les indices de rendement fiscal « net » des emblavures africaines étaient voisins de ceux pour lesquels nous disposons de données fiables durant toute l’Antiquité12, le tribut africain à l’annone de Rome dans la première moitié du Ier siècle de notre ère peut être récolté sur une surface d’environ 2 500 km2, ce qui permet en effet une localisation côtière13.

  • 14  M. Christol, dans Le blé africain et Rome. Remarques sur quelques documents, dans Le ravitaillemen (...)
  • 15  F. De Romanis, Per una storia... cit., p. 705-708.

8Si, au milieu du Ier siècle, les tributs en grain africain permettent de couvrir seulement dix pour cent de la consommation de Rome, dès la première moitié du IIe siècle, les proportions se modifient et annoncent les nouvelles exigences politiques et militaires du IIIe siècle, en particulier à partir de la fondation de Constantinople. Le potentiel de la Numidie, région céréalière mal reliée à la mer, commence à être exploité entre la fin du règne de Trajan et le début de celui d’Hadrien, probablement à cause du déroutement d’une partie du blé égyptien pour les légions occupées sur le front parthe14. La préexistence d’infrastructures adaptées, notamment de routes, signe d’une romanisation déjà avancée, accélère la création d’une procuratèle des praedia saltuum Hipponiensis et Theuestini, suivie d’une procuratèle d’une plus vaste regio Theuestina qui accompagne l’ouverture, entre 124 et 126, de la uia noua Rusicadensis, destinée à faciliter les communications entre Cirta et la mer. À l’époque sévérienne, une nouvelle augmentation des besoins en grain de Rome, entraîne un dédoublement de l’administration de l’annone : à côté du procurateur des villes de Théveste et Hippone, on trouve un procurator tractus Numidiae a frumentis responsable des rentrées de blé le long de la uia noua Rusicadensis15. La nouvelle organisation se lit dans la localisation d’un réseau hiérarchisé d’entrepôts en Numidie, dont la construction est une réponse aux difficultés du transport interne.

  • 16  E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit. L’incertitude est due au nombre exact d’ent (...)

9Six ou sept greniers16 y sont actuellement attestés, cinq connus par des restes archéologiques et deux par l’épigraphie (fig. 1).

  • 17  Y. Allais, Les greniers publics de Djemila, dans Revue africaine, 1933, p. 259- 268. Voir maintena (...)
  • 18  ILAlg, 7806.

10De types et de dates variés, ils ont comme caractéristique commune leur emplacement à proximité des portes des villes, le long des voies d’accès principales, car l’amélioration du réseau routier et la construction de nombreuses routes à l’époque d’Hadrien est exemplaire de l’intensification de la logistique annonaire. L’entrepôt de Cuicul (Djemila), découvert et fouillé dans les années 192017, représente un exemple concret de cette politique de stockage. Les détails de la technique de construction, en particulier le plancher surélevé dans certaines pièces destiné à préserver les grains de l’humidité, n’ont d’équivalent en Afrique que dans le grenier civil de Thamusida. Sa datation n’est cependant pas assurée : si la typologie du bâtiment et son insertion dans la topographie urbaine suggèrent plutôt à E. Papi et F. Martorella, qui en ont repris l’étude, une chronologie haute dans la première moitié du IIe siècle, on connaît aussi une inscription apposée en 198-199 par la respublica Cuiculitanorum18 qui fit construire des horrea. Trouvée assez loin des vestiges du bâtiment, sur la route devant les thermes méridionaux de la ville, l’inscription pourrait se rapporter à un second entrepôt, complémentaire du premier et destiné aux récoltes fiscales à l’époque sévérienne.

  • 19  E. Albertini, Tabula de mesures de Djemila, dans CRAI, 1920, p. 315-319. Sur tout cela voir E. Pap (...)
  • 20  F. De Romanis, ibid., p. 196.
  • 21  P. Salama, Les voies romaines de Sitifis à Igilgili : un exemple de politique routière approfondie(...)
  • 22  F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 191.

11Les calculs font état d’une estimation d’une superficie de stockage de 115 m2 pour 145 m3 de grains. L’importance de Cuicul comme centre d’emmagasinement des denrées fiscales est confirmée, dès le haut empire, par une dédicace à l’Annona Augusta et se manifeste encore dans les mensae ponderariae installées sur le forum par le gouverneur Herodes en 386-8719. On peut considérer avec F. de Romanis20 que la possibilité de stockage de ces horrea, relativement modeste, est proportionnelle aux flux gérés par ce type de transport entièrement terrestre. Quatre voies importantes21 se croisent dans ce nœud routier, mais l’appartenance de Cuicul à la province de Numidie implique que, plutôt que dans le port plus proche d’Igilgili, situé en Maurétanie césarienne, le blé est transféré à Milev, et de là à Chulu ou mieux Stora près de Rusicade22, le plus grand port annonaire de la Numidie où devait arriver la majeure partie du blé.

Fig. 1 – Carte des sites de Maurétanie Tingitane et de Numidie.

D’après E. Papi, F. Martorella, I granai della Numidia…, p. 172, fig. 1 et Id., Il grano della Tingitana…, p. 86, fig. 1.

  • 23  CIL VIII, 6339 = ILAlg. 8795 ; E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 182-183.
  • 24  Ibid., p. 176-178, où sont détaillés les motifs de la réinterprétation de ce bâtiment longtemps co (...)

12D’autres témoignages d’une organisation bien structurée de récolte des grains ont été trouvés sur ou à proximité de la route Cuicul – Milev – Cirta – Rusicade : une inscription au Genius areae frumentariae Augustus à Uzelis23, non loin de la route Milev – Cirta, est probablement liée à la récolte et au tri des grains ; près de Cirta, la réinterprétation comme grenier d’un bâtiment de Castellum Tidditanorum24 l’inscrit lui aussi dans ce réseau d’acheminement des blés vers la mer. La capacité de stockage est là encore relativement modeste, puisqu’elle ne dépasserait pas 100 m3.

  • 25  25E. Albertini, Fouilles et inscriptions romaines de Lambiridi, dans BCTH, 1921, p. CLXVII-CLXIX.
  • 26  E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 173-176.

13Les mensurae publicae frumentariae (tables de mesures) trouvées à Lambiridi25, situé au pied des Aurès, représentent un autre témoignage de ce réseau. Aux noms des diverses cités correspondent des mesures de capacité différentes : le chiffre associé au nom de Rusicade (18 500 l) mentionnait le grain à transporter au port. À Lambiridi sont associées deux mesures de 7 800 l et 24 700 l. Le blé de la région s’y concentrait avant d’être dirigé vers Rusicade, mais il peut aussi avoir servi pour l’alimentation du grenier militaire de la legio III augusta de Lambèse26, non loin de là. La construction de ce dernier pourrait être contemporaine de celle des castra, entre 115 et 117 ; dans son dernier état, au plus tard au IVe siècle, on estime entre 400 et 900 m3 la quantité de grain stocké, selon le système d’emmagasinement envisagé, en vrac ou en sacs.

14Malgré les lacunes des textes et des fouilles, une logique se manifeste ainsi dans la construction des horrea en parallèle avec les routes, selon les rythmes de l’approvisionnement urbain. Situés au Ier siècle près des ports, ils se multiplient en s’en éloignant pour répondre à l’augmentation des surfaces céréalières et à son corollaire, l’entreposage avant exportation. La rotation des produits stockés entre un transport routier et/ou fluvial, continu mais à capacité modeste, et un transport maritime à capacité majeure mais nécessairement intermittent, est également une constante sur laquelle nous reviendrons. Les interventions du pouvoir sont perceptibles, entre autres, à travers les mesures de construction des bâtiments et des routes. Une inscription du port de Stora mentionne encore la fondation d’horrea destinés au stockage du blé pour Rome et la population locale entre 364 et 367, signe de la continuité de l’intervention de l’administration centrale dans l’organisation des réserves.

  • 27  E. Papi et F. Martorella, Il grano della Tingitana… cit.
  • 28  Ibid., p. 86 ; R. Rebuffat, Les entrepôts de Maurétanie Tingitane, dans M. Milanese, P. Ruggeri et (...)

15Un autre exemple est celui des deux horrea de Thamusida en Tingitane (fig. 1), dont l’étude vient d’être reprise récemment dans la perspective des contextes de production27. Le premier, grenier situé dans le camp militaire et daté de l’époque flavienne, pouvait emmagasiner environ 300 tonnes de blé correspondant à la ration quotidienne de 1 000 soldats pendant un an. Le second, récemment identifié comme entrepôt portuaire, fut construit entre la seconde moitié du IIe et le début du IIIe siècle, dans un quartier commercial et artisanal, le long du fleuve Sebou navigable jusqu’à la mer. Il s’étend sur une surface de près 1 000 m2 et sa contenance est estimée à 1 000 tonnes de grains. Cet entrepôt a pu servir au stockage des grains provenant d’autres agglomérations, Rirha, reliée à Thamusida par l’oued Beth, ou Banasa en amont sur le Sebou, où un édifice d’une surface interne de 230 m2 environ, situé près du fleuve, pourrait avoir été utilisé comme grenier28. L’entrepôt de Thamusida, qui recueillait les productions céréalières de la plaine du Gharb, entrait dans un réseau capillaire d’horrea sur la vallée du Sebou, destinés in fine à l’approvisionnement de Rome.

  • 29  L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara : un nouveau type d’édifice fonctionnel en Lycie à l’époq (...)

16Avec les horrea de Patara et Andriakè, en Lycie, on sort du cadre strict d’un stockage lié, entièrement ou partiellement, au ravitaillement annonaire de Rome29. Les inscriptions qui y furent apposées lors de leur construction les signalent comme des propriétés de l’empereur Hadrien édifiées lors de son second voyage en Asie, en 129. Dans une région montagneuse et difficile d’accès, ils ont été construits dans des ports situés à l’embouchure de deux fleuves importants : le Xante pour Patara et l’Andrakos pour Andriakè. À Patara, l’entrepôt rectangulaire est construit sur le côté est du port, à proximité d’un autre bâtiment à caractère commercial. Il est divisé en huit cellae de mêmes dimensions, pour une surface utile estimée à 1 422 m2. Les horrea d’Andriakè s’élèvent sur une terrasse, à une centaine de mètres de l’emplacement présumé des quais. Ils sont comparables à ceux de Patara : huit pièces juxtaposées occupent une surface d’environ 1 800 m2.

  • 30  C. Börker et R. Merkelbach, Die Inschriften von Ephesos, II, Bonn, 1979, n° 211.
  • 31  F. De Romanis, Gli horrea dell’urbe e le inondazioni d’Egitto. Segretezza e informazione nell’orga (...)
  • 32  R. Pierobon-Benoit, L’Asia Minore e l’approvvigionamento in grano di Roma, dans Le ravitaillement (...)
  • 33  33Leur surface représente plus de la moitié de celle des Grandi Horrea d’Ostie, dont la capacité d (...)

17On a souvent constaté la coïncidence temporelle entre la construction des horrea de Myra et Patara en 129 et une inscription d’Éphèse30 qui rapporte un message d’un empereur du IIe siècle, probablement Hadrien en 128, autorisant les habitants de cette ville et des villes voisines à acheter du blé égyptien quand la crue du Nil laissait prévoir un surplus de récolte et une fois Rome servie31. Que cette décision soit, comme le pense F. De Romanis, la manifestation de la construction d’un espace économique du marché du blé incluant Éphèse, Tralles et Sparte ou, comme l’évoque R. Pierobon-Benoit32, liée à une situation d’urgence à cause d’une famine, il n’en reste pas moins que la construction de ces deux entrepôts obéit à une décision impériale. Malgré l’absence de données sur le type et la nature des biens stockés, leurs dimensions les inscrivent parmi les entrepôts de grande taille33.

  • 34  Sur les différentes interprétations, voir le dossier et les références bibliographiques dans L. Ca (...)
  • 35  Ead., p. 62 ; pour le voyage de Paul on consultera aussi A. Tchernia, Épaves antiques, routes mari (...)
  • 36  36G. Rickman, Roman Granaries and Store Buildings, Cambridge, 1971, p. 140.

18Rien dans l’aménagement de ces deux édifices ne prouve qu’ils aient été destinés exclusivement aux céréales, cependant les diverses hypothèses formulées sur le motif de leur construction envisagent le plus souvent un lien avec le ravitaillement en blé34. Andriakè (port de Myra) et Patara se trouvent en effet sur la route des cargos alexandrins vers Rome et plusieurs textes anciens, dont le célèbre passage des Actes des Apôtres (27, 2-6) relatant le voyage vers Rome de Paul de Tarse35, y mentionnent des arrêts, parfois simples escales techniques. Un lien éventuel avec l’annone impériale n’est pas assuré car G. Rickman, qui l’évoque, ne précise pas comment ces entrepôts s’insèrent dans le circuit36. L’emmagasinement des productions céréalières de l’arrière-pays, en vue de leur exportation vers l’Italie, a été également envisagé, mais cette hypothèse semble peu probable dans la mesure où la part exportable des récoltes locales ne devait pas être très importante, en tout cas pas suffisante pour expliquer la construction d’horrea liés exclusivement à l’annone. Dans l’hypothèse de l’achat ponctuel de blé égyptien par les cités orientales, Éphèse en premier lieu, ils ont pu servir à stocker temporairement le blé, avant sa redistribution vers l’intérieur ou vers d’autres cités de Grèce et d’Asie mineure. L. Cavalier propose d’y voir des magasins appartenant à l’empereur et donnés en location, comme le suggèrent les deux inscriptions mentionnant des horreari à Andriakè. Dans cette hypothèse, ils seraient utilisés par les marchands locaux pour la commercialisation des produits des vallées et la redistribution vers l’arrière-pays des marchandises arrivées dans les nombreux navires qui y faisaient escale. La situation des entrepôts d’Andriakè, qui ne sont pas situés sur le quai, irait en faveur de cette hypothèse, L. Cavalier les considérant plutôt liés à l’agora qu’au port. Les deux explications ne sont pas incompatibles : l’empereur a pu faire acte d’évergésie lors de son voyage en Asie en construisant des entrepôts qui ont ensuite renforcé le rôle d’emporium de ces deux ports pour la Lycie centrale et/ou l’Asie mineure, à plus forte raison si le blé égyptien en était ponctuellement une des composantes.

  • 37  F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 193.
  • 38  L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara… cit., p. 65.

19Pour la fin de l’Antiquité, le statut public de ces entrepôts fait l’objet d’un consensus37 grâce à l’inscription datée de 388-392, apposée sur la façade de l’entrepôt de Myra, qui fait état de l’envoi en Lycie par le praefectus praetorio Orientis des poids et mesures standard devant être utilisés dans l’entrepôt ainsi que dans les villes de Myra et Arneai. Solides et liquides sont concernés par les mesures, ce qui confirme qu’à cette époque du moins les horrea pouvaient abriter autre chose que du blé. Quelles que soient les fonctions précises de ces entrepôts, il est intéressant de noter qu’ils s’inscrivent dans un système de bâtiments de stockage que l’on commence à mettre en évidence en Lycie. Il est ainsi possible de reconnaître, à Aperlai, les vestiges d’un petit entrepôt tandis que, à la limite orientale de la Lycie, le port de Phasélis possédait aussi des horrea construits sur le quai du port de la ville38.

20Dans le troisième exemple, celui de la Cisalpine et de ses marges (fig. 2), les centres de stockage et de distribution retrouvés sont tous situés sur les voies de pénétration fluviales et routières vers les bassins du Pô et du Danube et les provinces au nord des Alpes. La cartographie des vestiges, même dilatée dans le temps et dans l’espace, met en évidence une organisation en réseau bien structurée.

21Pour l’époque républicaine, on a la chance de disposer d’une extraordinaire conjonction entre sources textuelles d’une part, en particulier Strabon qui décrit les trajets et les objets du commerce, et vestiges archéologiques d’autre part sur le passage entre Adriatique et Danube.

  • 39  Strabon, 4, 6, 10, traduction F. Lassere, Strabon, Géographie, tome II, Paris, 1966 (Les Belles Le (...)

On traverse ce massif [Okra] pour le trafic des marchandises d’Aquileia à la localité appelée Nauportum, trajet d’un peu plus de 400 stades, qui se fait avec des chariots couverts. De là les marchandises sont acheminées par les cours d’eau jusqu’à l’Istros [le Danube] et aux localités qui le bordent. Devant Nauportum passe en effet une rivière navigable issue de l’Illyrie [la Ljubljanica], qui se jette dans la Save. Les marchandises sont ainsi descendues sans effort jusqu’à Segestica39.

Fig. 2 – Carte de la Cisalpine et des régions danubiennes et alpines avec les villes et entrepôts cités dans le texte.

M.-B. Carre.

  • 40  M.-B. Carre et F. Maselli Scotti, Il porto di Aquileia : dati antichi e ritrovamenti recenti, dans (...)
  • 41  J. Horvat, Early Roman horrea at Nauportus, dans MEFRA, 120/1, 2008, p. 111-121.
  • 42  M. Šašel Kos, The boundary stone between Aquileia and Emona, dans Arheološki vestnik, 53, 2002, p. (...)
  • 43  43A. Gaspari, Pontonium iz Lip na Ljubljanskem barju, dans Arheološki vestnik, 49, 1997, p. 187-22 (...)

22La colonie d’Aquilée, située au fond du golfe septentrional de l’Adriatique, fut fondée en 181 avant notre ère sur un fleuve navigable depuis son embouchure mais les entrepôts républicains40 n’y sont pas encore connus avec précision. En revanche, les fouilles ont confirmé l’extraordinaire importance du site de Nauportus (Vrhnika)41. Placé au col du Mont Ocra (Nanos / Pleša), cet établissement occupe, sur la route la plus courte et la plus commode entre la péninsule italienne et la Mer Noire, une position clé au croisement des voies terrestres en provenance de l’Italie nord-orientale et des voies fluviales conduisant vers l’est. La découverte d’un cippe de confins entre Aquileienses et Emonenses42 a démontré qu’il faisait partie du territoire d’Aquilée, où résidaient les familles de commerçants qui y acheminaient dès la fin du IIe siècle av. J.-C les marchandises par le réseau de routes terrestres connecté au port fluvial de Nauportus. La découverte dans la Ljubljanica d’une barge d’environ 30 m de long43, coulée vers la fin du IIe ou le début du Ier siècle avant notre ère, appuie les témoignages des auteurs anciens sur l’intense utilisation de cette rivière.

  • 44  J. Horvat, Early Roman horrea… cit., p. 117-118.
  • 45  Ces opérations ont mobilisé une quantité d’hommes dont il a fallu organiser le ravitaillement : l’ (...)
  • 46  J. Horvat et B. Mušič, Nauportus, a commercial settlement between the Adriatic and the Danube, dan (...)

23Les fouilles récentes ont permis de préciser à Nauportus le plan du complexe de Dolge njive, à la rupture de charge entre la voie routière et la rivière. Installées dans le méandre et protégées par des murailles munies de tours, des rangées de grands bâtiments regroupant de longues pièces étroites aux larges ouvertures s’organisent autour d’une très grande cour à portique pavée. La surface totale de ce complexe est d’environ 18 000 m2, dont un tiers est occupé par les espaces de stockage, soit environ 5 500 m2, une surface comparable à celle des plus grands horrea d’Ostie et de Rome. Cet ensemble de constructions, édifié à l’époque d’Octave ou au tout début du principat44, est abandonné au cours de la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. L’occupation courte mais intense est sans doute à mettre en relation avec les différents événements militaires de cette période, depuis les opérations d’Octave dans l’Illyricum en 35-3345 jusqu’à la rébellion des Pannoniens et des Dalmates en 6-9 ap. J.-C. Les découvertes, à Nauportus et dans le lit de la Ljubljanica, d’armes et d’équipements militaires perdus lors de leur acheminement à destination des camps militaires augustéens sur la Save témoignent de ces trafics. Avec l’instauration d’une paix durable, la place de commerce de Dolge njive fut abandonnée au profit du secteur de Breg46 situé le long de la voie romaine sur l’autre rive de la Ljubljanica, qui sera dépourvu de structures défensives. Des fouilles d’urgence récentes y ont révélé la construction, vers le milieu du Ier siècle, de deux grands édifices (14 m × > 33 m et 15 m x > 44 m) dont les fondations sont en pierre. Au IIe siècle, ils sont démolis à leur tour et remplacés par un autre grand bâtiment (33 m × 41 m), divisé en trois nefs par des piliers de support d’un toit en tuiles, interprété vraisemblablement comme entrepôt et peut-être en fonction jusqu’au IVe siècle, date de la fin de l’occupation du site.

  • 47  M.-B. Carre et F. Maselli Scotti, Il porto di Aquileia… cit., p. 222-223, avec bibliographie antér (...)
  • 48  Ibid., p. 232 et fig. 11 ; C. Tiussi, Il sistema di distribuzione di Aquileia : mercati e magazzin (...)

24Dans le port fluvio-maritime d’Aquilée d’imposants aménagements périportuaires ont entièrement remodelé le paysage urbain dès le début de l’Empire. Situé sur la berge d’un fleuve canalisé, un édifice bâti en briques sur de puissantes fondations en opus caementicium est édifié dans la deuxième moitié du Ier siècle de notre ère. Les fouilles anciennes ont en effet mis au jour les murs périmétraux d’un bâtiment long de plus de 300 m et d’une largeur de 13,50 m, dont l’état de conservation ne permet pas de reconnaître d’éventuelles séparations internes et qui devait se présenter sous la forme d’un portique47. Il s’agit probablement d’un édifice à la fois fonctionnel et monumental, qui jouait un rôle de transition architecturale entre le port et la ville tout en abritant des services (dont par exemple la station douanière) et en permettant le stockage, peut-être provisoire, des marchandises arrivées par voie maritime avant leur redistribution vers la ville ou l’arrière-pays par le réseau routier. Ces bâtiments semblent occupés jusqu’au IVe siècle, date à laquelle ils sont arasés. D’autres entrepôts ont encore été repérés le long des voies d’eau qui entourent la ville. La présence d’un sol en terre battue et des dépôts de grains pourraient permettre de préciser l’usage de l’un d’entre eux comme grenier48.

25On voit encore se développer sous l’empire d’autres infrastructures de stockage, de dimensions et plans variés, mais souvent modestes, comme celles qui sont situées le long des voies routières de franchissement des Alpes (Iulium Carnicum, Magdalensberg) et sur les voies fluviales ou endo-lagunaires en utilisant le réseau de navigation du Pô et de ses principaux affluents (par ex. Altino, Concordia, Padoue, Turin, Ivrée) qui relient à la mer les villes de l’arrière-pays. Elles sont à mettre en relation avec les activités des marchands, entre autres avec la puissante corporation des mercatores Cisalpini et Transalpini, qui assurait les échanges entre la Méditerranée et l’arc alpin et danubien.

  • 49  Pour ce qui concerne l’organisation des horrea à la fin de l’Antiquité, voir l’article de D. Vera, (...)

26La fin de l’Antiquité marque dans cette région de profondes transformations structurelles49 qui se manifestent, entre autre, par une modification du plan des horrea que l’on connaît mieux que ceux de la période précédente, parce que leur construction ou leur reconstruction a démoli les édifices préexistants.

  • 50  M. Mirabella Roberti, L’edificio romano nel « Patriarcato », dans Aquileia Nostra, 36, 1965, col. (...)

27À Aquilée plusieurs horrea datés du IVe siècle sont situés sur la partie canalisée du fleuve. Le premier (horrea del Patriarcato) est un bâtiment d’une ampleur de 88 m sur 66, organisé en deux corps séparés par une cour pavée, chacune des aulae étant divisée en trois travées par deux rangées de piliers (fig. 3). La surface couverte est de 2 760 m2 au sol et des vues cavalières anciennes permettent d’estimer la hauteur de l’édifice à 20 m au moins, ce qui laisse la possibilité de plusieurs étages50.

  • 51  M.-B. Carre, Les fouilles du Port fluvial d’Aquilée [Bulletin de la Société française d’archéologi (...)

28Les fouilles ont montré qu’il s’agit d’une construction massive en briques pourvue extérieurement de lésènes, dont les salles ne comportent pas de murs de séparation internes. Un peu plus au nord, la zone portuaire est réaménagée au détriment des espaces de circulation. Sur les quais, de nouveaux horrea dont la construction entraîne la démolition au moins partielle du bâtiment précédent couvrent maintenant une zone d’environ 5 000 m2. Les entrepôts occupent ainsi d’immenses secteurs entre le fleuve et le forum avant la destruction partielle de la ville et l’abandon du port fluvial au milieu du Ve siècle51.

Fig. 3 – Les entrepôts-halles de la fin de l’Antiquité.

Aquilée (L. Bertacchi, Edilizia civile nel IV sec. ad Aquileia, dans Aquileia nel IV sec., Antichità Altoadriatiche, 22, 2, p. 347, fig. 3) ; Milan
(M. Mirabella Roberti,
Milano romana, Milan, 1984, p. 76) ; Trêves (H. Heiden, Horrea von St. Irminen…, p. 79).

  • 52  M. Mirabella Roberti, L’edificio romano... cit., col. 51-53 ; A. Ceresa Mori, Horrea, dans Milano (...)

29L’analyse du plan de ces bâtiments a permis de rapprocher les horrea du Patriarcat des édifices mis au jour à Trêves et à Milan52 (fig. 3). Dans cette dernière ville, ils sont situés près des remparts, à proximité d’une voie d’eau navigable, et le long de la route qui mettait en relation la ville et les régions du haut Rhin et du haut Danube par le col de la Spluga. Une seule aula y est conservée mais les indices de la présence d’une seconde, située comme à Aquilée au-delà d’une cour centrale, permettent de calculer une surface couverte d’environ 2 448 m2.

  • 53  Par exemple E. Da Gai, Struttura e tipo edilizio dei « granari » dell’Annona di Roma (1575-1705), (...)

30Ce type d’entrepôts en halles à piliers semble caractéristique à la fois de l’Antiquité tardive et de l’Italie septentrionale et des provinces danubiennes, par opposition aux entrepôts plus anciens à petites cellae dont l’archétype est celui des bâtiments d’Ostie. Cette typologie, encore présente dans la Rome moderne53, offre probablement des qualités structurelles et de conservation qui en ont permis l’adoption et le maintien à travers les siècles.

  • 54  On peut signaler aussi les nombreuses mentions de la ville dans l’edictum de pretiis de Dioclétien (...)
  • 55  C. Zaccaria, Diocleziano e Massimiano ad Aquileia e nelle regioni limitrofe – Dioklecijan in Maksi (...)

31Les trois édifices qui viennent d’être évoqués, à Aquilée, Trèves et Milan, s’inscrivent dans une même tradition architecturale, celle des villes capitales ou résidences impériales de l’Empire à la fin de l’Antiquité. On perçoit, à travers le caractère unitaire de ces constructions publiques, l’augmentation du poids des charges urbaines quand les besoins de la population et les exigences de la cour s’ajoutent aux fonctions traditionnelles de place de commerce que recouvrent ces villes. Ainsi pour Aquilée, dont le rôle de place marchande est bien attesté par les sources : on sait par Strabon (5, 1, 8) que la colonie est née en partie de ce commerce de redistribution au début du IIe siècle av. J.-C. et c’est presque dans les mêmes termes qu’Hérodien (8, 2, 3) présente dans la première moitié du IIIe siècle la ville qui deviendra un peu plus tard le siège d’un double commandement militaire, terrestre et naval après les réformes de Dioclétien54. La logistique du ravitaillement d’une vaste zone provinciale explique le développement des grandes infrastructures utilitaires comme le port et les horrea55. On ne s’étonnera pas que Milan, qui devient au même moment une des capitales de l’empire et le demeurera jusqu’au transfert de la cour à Ravenne en 402, se dote du même type de construction, comme Trèves, capitale de la partie occidentale de l’Empire en 287.

32Ces entrepôts centraux des villes du nord de l’Italie sont relayés par des bâtiments d’étape, principalement mais pas seulement destinés au ravitaillement de l’armée, hors des limites de l’Italie. La documentation archéologique a permis de mettre en évidence les types de sites où sont installés ces édifices : il s’agit des villes capitales secondaires et des étapes mineures sur les voies routières ou fluviales.

33Pour les grandes villes, le cas de Sirmium (Sremska Mitrovica, Serbie-Montenegro), particulièrement bien étudié, est exemplaire (fig. 4). Située sur la Save, affluent du Danube, en arrière du limes danubien et base militaire romaine depuis le Ier siècle ap. J.-C., la ville devient sous Dioclétien la résidence du préfet du prétoire de l’Illyricum et résidence impériale.

  • 56  D. Boškovič et alii, Recherches archéologiques à Sirmium, dans MEFRA, 86/1, 1974, p. 608-610.
  • 57  M. Jeremič, L’organisation urbaine à la lumière de nouvelles recherches, dans L. Borhy et A. Szu ( (...)
  • 58  En dernier lieu M. Mirkovič, Sirmium, dans M. Šašel Kos et P. Scherrer (éd.), The autonomous towns (...)
  • 59  N. Duval et V. Popovič, Recherches archéologiques franco-yougoslaves à Sirmium (1973-1975). VII. H (...)
  • 60  N. Duval et V. Popovič, Sirmium VII… cit. p. 63 sq. La longueur intérieure dépasse 25 m, la largeu (...)

34Les fouilles56 y ont révélé, pour les IVe et Ve siècles, la présence de trois édifices de stockage. Le premier est situé au centre de la ville, dans le quartier supposé du forum et sa façade donne à l’est sur une des artères conduisant vers la porte nord de la cité. Il s’agit d’un grand édifice rectangulaire (44 × 22 m = 968 m2), bordé au Nord et au Sud par de larges portiques, divisé en cinq nefs par quatre rangées de supports, que l’on a proposé d’identifier comme un grenier public. Dans le complexe du palais57, à proximité du fleuve et adossés au rempart, au moins un et peut-être deux édifices accolés ont été à leur tour identifiés comme des horrea58. Dans le plus grand (> 1 952 m2), une cour pavée sépare deux rangées de compartiments rectangulaires59. L’autre (> 230 m2)60 est mal documenté, mais pourrait s’inscrire dans la typologie des édifices à piliers.

Fig. 4 – Les entrepôts de Sirmium.
1. Grenier public (?), loc. 30 (M. Mirkovič, Sirmium… cit., n. 58, p. 154, fig. 5) ; 2. Bâtiment A dans le complexe du palais, loc. 31 (N. Duval et V. Popovič, Sirmium VII… cit., n. 59, pl. H.T. I.).

  • 61  Sur la route entre Aquilée et le Danube, voir plus haut la référence à Strabon (4, 6, 10).
  • 62  O. Gábor et alii, Sopianae, dans M. Šašel Kos et Peter Scherrer (éd.), The autonomous towns of Nor (...)

35Parmi les étapes sur les principales voies de communications, d’autres halles à piliers ont été repérées à Siscia (Sisak), ville située en amont de Sirmium sur la Save61, Sopianae (Pécs)62, une des étapes de la route Sirmium-Trêves, etc. mais les informations sont encore trop parcellaires pour qu’on puisse déterminer la nature et, dans certains cas, la chronologie de ces établissements. Les greniers urbains des petites villes sont encore mal documentés.

  • 63  J.-M. Carrié, Le bilan économique de la guerre dans l’empire romain tardif, dans Économie antique  (...)
  • 64  M. Mackensen, Die Innenbebauung und der Nordvorbau des spätrömischen Kastells Abusina/Eining, dans (...)
  • 65  A. Wotschitzky, Veldidena : Zweiter vorläufiger Bericht über die Ausgrabungen 1954-1957, dans JOAI (...)
  • 66  Cod. Theod. 7, 4, 15 ; G. Rickman, Roman Granaries… cit., p. 287-289.
  • 67  M. Mackensen, Late roman fortifications and building programmes in the province of Raetia : the ev (...)

36La distribution géographique des entrepôts militaires, qui s’inscrivent dans le système de ravitaillement des camps de limitanei et comitatenses, troupes de frontières mises en place sous Dioclétien à la fin du IIIe siècle de notre ère, relève du même schéma. Les officiers chargés de l’organisation du ravitaillement militaire disposent hors des camps du limes d’horrea où étaient collectées les marchandises, surtout lorsque, comme sur le Danube, la région n’a pas la moindre chance de pourvoir aux nécessités de l’armée63. On peut prendre pour exemple ceux de la Rétie, qui ont fait l’objet d’une étude spécifique64 (fig. 5) : à l’exception de celui de Abusina (Eining), sur la rive sud du Danube, ils étaient situés le long des principales routes de communication de la Rétie, en particulier celles qui mettent, à travers les Alpes, la province en relation avec l’Italie. L’immense entrepôt de Veldidena (Wilten)65, placé sur une des principales voies de franchissement des Alpes par le col du Brenner, est lié à la rupture de charge sur l’Inn navigable en aval. Trois bâtiments (62 m × 16 m) divisés en trois nefs par deux rangées de piliers, édifiés dans le deuxième quart du IVe siècle, assurent une superficie de stockage de près de 3 000 m2. Deux de ces trois halles seront fortifiées autour de 360-370, probablement en relation avec l’ordonnance de mai 369 promulguée par les empereurs Valentinien I, Valens et Gratien pour le ravitaillement de l’armée66. Ce grand établissement de Veldidena était placé sous l’autorité de l’administration civile, comme les plus petits horrea de Pons Aeni (Pfaffenhoffen, en aval de Veldidena sur l’Inn), Schaan (sur le Haut Rhin), du Lorenzberg (sur le Lech) et du Goldberg, construits ou fortifiés à la fin du IVe siècle67.

Fig. 5 – Horrea fortifiés en Rétie, 2e moitié du IVe siècle.
Veldidena (M. Mackensen, Die Innenbebauung…, p. 508, fig. 15) ; Schaan (Ibid., p. 510, fig. 17) ; Lorenzberg (Ibid., p. 507, fig. 14) ; Goldberg (Ibid., p. 506, fig. 13). Horrea des camps du limes danubien : Boljetin, Ier s. et Taliata, IVe et VIe s. (P. Petrovič et M. Vasič, The Roman Frontier…, p. 25).

  • 68  Synthèses et bibliographie dans P. Petrović et M. Vasić, The Roman Frontier in Upper Moesia : arch (...)

37Comme en Rétie, la dernière étape des marchandises destinées à l’approvisionnement des troupes du moyen ou bas-Danube est celle des nombreux horrea situés dans les camps du limes68.

Époque moderne

38On retrouve à l’époque moderne quelques-uns des aspects qui caractérisent déjà des entrepôts de grain de l’époque antique, à partir de la question fondamentale du grain comme ressource, comme source d’entrée fiscale, de consensus politique et de l’équilibre social sur lequel les gouvernements jouaient leur prestige et leur crédibilité, en choisissant au coup par coup les politiques les plus adaptées aux circonstances et aux conjonctures.

39À l’époque moderne, comme dans l’Antiquité, la localisation des greniers répond à une double rationalité : d’une part, ils sont situés dans des lieux stratégiques, le long de voies d’eau maritimes et fluviales ou sur les nœuds essentiels de communication et/ou de contrôle des flux ; d’autre part, ils finissent toujours par développer le rôle des ports, des villes et villages où ils se trouvent et par enrichir ces lieux de tout ce qui accompagne un circuit commercial important (réseau de crédits et de relations, activités collatérales, bureaux administratifs, et enfin centres de décisions politiques). Les entrepôts, leur nombre, leurs dimensions, leur typologie, leur hiérarchisation, sur la longue durée comme dans les temps brefs, parlent le langage de la politique qui en gouvernait le fonctionnement, au-delà de réalités topographiques et agricoles plus générales.

40Le cas des greniers de la Sicile moderne apparaît particulièrement éclairant de ce point de vue. Le réseau des dépôts de grain localisés dans les ports habilités à l’exportation, les caricatori, où les blés étaient pris en charge (presi in carica) avant d’être chargés (caricati) sur les navires, se développe à partir du règne de Frédéric II : en 1239, est proclamée l’Ordinatio super portibus, destinée à subordonner l’exportation des céréales à la concession des tratte, licences concédées par la Cour royale contre le paiement d’un jus exiturae appelé justement tratta. La disposition de 1239, avec celle de 1338 sur les devoirs du Maestro Portulano, est à l’origine, comme l’a remarqué Nino Blando :

  • 69  N. Blando, I porti del grano siciliano nel XVIII secolo, dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 522.

des caractères originaux qui se conserveront durant toute l’histoire du grain sicilien : l’intervention de l’état qui utilise le blé comme ressource politique et fiscale, la priorité du circuit interne du blé par rapport au circuit externe, la demande internationale qui stimule l’augmentation des prix et la spécialisation de l’agriculture, un marché intérieur intégré, le développement de systèmes de crédit qui fixent les prix à la production (mete), le rôle d’arbitre joué par le gouvernement dans la détermination des droits de douane, l’institutionnalisation du marché des blés à travers la création d’une agence spécialisée (le Maestro Portulano). Celui-ci gère de façon centralisée un système portuaire efficace de stockage du blé, avec des caricatori disséminés le long des côtes siciliennes à brève distance des lieux de production et à proximité des marchés de consommation internationaux69

41grâce à la mer qui ne divise pas mais relie l’île au reste de la Méditerranée.

42Les caricatori, royaux et municipaux, domaniaux et féodaux, sont en effet situés près de la mer, témoignant ainsi de l’importance de cet élément pour le secteur céréalier comme du reste pour toutes les productions de l’île (fig. 6).

43La mer est la voie de communication interne la plus rapide et, tout compte fait, la plus sûre, parfois la seule utilisable toute l’année pour les marchandises pondéreuses comme le blé. Elle signifie surtout des possibilités de relations avec les marchés extérieurs, essentielles pour le blé de Sicile, comme Fernand Braudel d’abord, puis Maurice Aymard entre autres, nous l’ont enseigné. Plus que de la demande interne, c’est de ces relations que dépendent le volume de production, l’entité des investissements, la formation du prix.

  • 70  Cf. S. Laudani, Dai « magazzinieri » ai « contrascrittori » : il sistema dei « caricatori » nella (...)

44La localisation des caricatori, à proximité de villes et ports d’importance stratégique, reflète en outre le rapport toujours étroit en Sicile entre les noyaux habités et le contexte rural, entre les centres urbains domaniaux ou féodaux et leurs arrière-pays : un rapport caractérisé par la primauté des villes sur la campagne. Les villes sont en effet les lieux de résidence des propriétaires terriens et souvent aussi de la main-d’œuvre paysanne, les épicentres du commerce et des transactions financières, les centres de régulation des flux commerciaux à travers les choix politiques et les normes pratiquées par les institutions et les classes dirigeantes qui y résident. De ce point de vue, le blé est exemplaire de l’équilibre ville-campagne : tant sa production que sa commercialisation, et même son prix, dépendent de la ville, de ses besoins, des choix d’investissement de ses élites, des politiques de distribution assumées au niveau local comme par le gouvernement central, de la possibilité d’exporter ou non, décidée au coup par coup par le gouvernement70.

Fig. 6 – Les caricatori en Sicile au XVIIIe siècle.

G. Giarrizzo et E. Iachello (dir.), Le mappe della Storia, Milan, 2002, carte 61.

45La centralité des réalités urbaines a depuis toujours contribué à hiérarchiser et dessiner le territoire sicilien et ses voies de communication internes, dont les parcours semblent tracés pour relier l’arrière-pays aux centres les plus importants et les lieux de production céréalière aux terminaux de la consommation et de la commercialisation à court et long terme, c’est-à-dire aux caricatori. En effet, les parcours des anciennes trazzere dessinent les itinéraires des convois de blé de l’arrière-pays vers les centres urbains, lieux de consommation et d’échange (fig. 7).

  • 71  De nombreux historiens ont mis en relation cet effort de construction avec la nécessité d’augmente (...)

46C’est également sur ces routes que se trouve une grande partie des nombreux centres féodaux de nouvelle fondation, créés par les seigneurs entre le XVIe et le XVIIIe siècle pour peupler leurs terres et attirer de la main-d’œuvre sur leurs exploitations grâce à la concession d’exemptions, d’immunités, de maisons et petits lots de terre à ceux qui contribuaient par leur arrivée à cultiver leurs latifondi71 (fig. 8).

Fig. 7 – Le réseau des trazzere.

D’après une carte de la Sicile exécutée sous la direction de B. Marzorella, Naples, 1853 dans G. Giarrizzo et E. Iachello (dir.), Le mappe della Storia, Milan, 2002, carte 59.

47Les nouvelles fondations de la zone du Belice (Santa Ninfa, Campobello, Lucca, Alessandra) sont clairement placées sur les routes principales qui, de l’arrière-pays, se dirigent vers Sciacca, le plus grand des caricatori et aussi le plus ouvert au commerce international, mais aussi vers ceux de Marsala, Trapani et Castellammare. De ce dernier le blé rejoint par mer Palerme, Messine et le marché extérieur ou bien est acheminé directement à Palerme par voie terrestre, comme c’est aussi le cas du blé cultivé à Santa Ninfa et à Alessandria ; en revanche, les nouveaux villages du centre (Lercara, Vallelunga, Resuttano) gravitent surtout sur Termini, grand caricatore pour les marchés interne et externe.

Fig. 8 – Le commerce intérieur du grain et les nouvelles fondations dans la première moitié du XVIIe siècle.
T. Davis, La colonizzazione feudale della Sicilia nella prima età moderna, dans Storia d’Italia, 8, Insediamenti e territorio, Turin, 1985, p. 423.

48Enfin, la carte des caricatori reflète une autre des caractéristiques fondamentales de l’identité insulaire : la nature complexe du polycentrisme urbain. Les dépôts de grain naissent en effet dans des centres d’importance très variée. Certains se trouvent dans de grandes villes domaniales comme Palerme, Catane, Sciacca, Termini, Girgenti, d’autres dans de gros bourgs féodaux comme Castellammare, d’autres encore dans de plus petites bourgades, ports de fiefs consistants, comme Pozzallo : toute la production céréalière de la très grande contea de Modica, royaume dans le royaume, aux mains des familles Chiaromonte puis Cabrera, était embarquée à partir de ce caricatore.

  • 72  Le mero e misto impero signifie le droit d’exercer une justice tant civile que criminelle.

49À l’époque moderne, les plus importants des caricatori domaniaux, ceux d’où l’on exportait la plus grande partie du grain produit dans l’arrière-pays, Sciacca, Girgenti, Licata et Termini, furent déclarés royaux, c’est-à-dire directement placés sous le contrôle du Maestro Portulano qui en nommait les adjoints (viceportulani) et les autres fonctionnaires. Ils jouissaient du privilège du mero e misto imperio72, c’est-à-dire d’une juridiction privilégiée qui les rendaient autonomes des lois et des tribunaux des villes. En revanche, les autres caricatori domaniaux dépendaient des institutions des villes domaniales et les caricatori féodaux étaient soumis à la juridiction du feudataire, qui pouvait aussi y nommer ses officiers.

  • 73  Cette magistrature s’occupe de la fiscalité et de tous les aspects économiques du Royaume.

50Dans tous les cas, cependant, les caricatori dépendaient en dernière instance du Maestro Portulano qui résidait à Palerme et de son autorisation pour les licences d’exportation, les tratte. Celles-ci étaient concédées par le roi et le vice-roi à travers le Tribunale del Real Patrimonio73 sur la base de l’estimation du blé présent dans les divers greniers, des prévisions sur la production et de l’évaluation des nécessités de la consommation interne. Le système des caricatori fonctionnait ainsi dans les deux sens avec un mouvement centripète dont Palerme était le centre :

  • 74  N. Blando, Istituzioni e mercato nella Sicilia del grano, Palerme, 2003, p. 91.

Les permis d’exportation devaient toujours arriver de Palerme à tous les caricatori ; les informations sur la quantité de blé présente dans les magasins devaient accomplir le parcours inverse, des caricatori à la capitale ; les autorisations données aux capitaines pour embarquer le blé, après que les marchands avaient signé les contrats de fret, devaient partir de Palerme ; l’embarquement une fois réalisé devait être communiqué par les caricatori à la capitale74.

51Ce parcours complexe d’informations et d’autorisations avait par conséquent besoin d’une structure routière le long de laquelle se déplacer rapidement.

  • 75  Ibidem.

Le blé dessinait le territoire : il ne traçait pas seulement le parcours des trazzere qui reliaient les centres de production aux caricatori, il ne se limitait pas à signaler les routes qui, à partir des caricatori, menaient aux villes européennes, mais il a déterminé aussi, du Moyen Âge à l’époque moderne, les itinéraires pour la réalisation des nouvelles routes charretières de l’île75.

52Ce système finit au cours des siècles par façonner les parcours que suivaient aussi bien des marchandises que des biens immatériels (informations, autorisations, intérêts fiscaux et marchands). Il contribua à la formation des hiérarchies entre les centres insulaires, principalement entre Palerme, siège des centres de décisions et capitale de la fiscalité royale sur le blé, et les caricatori périphériques, mais aussi entre ces derniers, selon leur capacité à attirer les blés des territoires alentour, leur demande interne et surtout externe et les intérêts des marchands comme des propriétaires terriens qui, autour des dépôts, concluaient des affaires et exerçaient spéculations et crédits.

  • 76  S. Laudani, Rivolte, conflitti politici e sistema annonario nella Palermo del ‘700, dans MEFRIM, 1 (...)

53On sait que le blé, importante source de rentrées fiscales pour la Couronne qui exigeait les tratte au moment de sa sortie des caricatori, était aussi au centre d’une intense activité spéculative. Celle-ci s’exerçait tant à Palerme, où se traitait le commerce extérieur du blé de toute l’île et où s’était créé un marché spéculatif déterminé par les prix internationaux, que dans les caricatori périphériques où la concession des tratte et des certificats des dépôts de grain dans les magasins et les fosses donnait lieu à un réseau d’affaires complexe et rémunérateur76.

  • 77  G. Salvioli, Il commercio dei grani in Sicilia, nel secolo XVI, dans Antologia siciliana, n° 1, 19 (...)

Le règlement de ces espaces, à la fois véritables docks et banques frumentaires [notait l’économiste Giuseppe Salvioli au début du XXe siècle] était compliqué et minutieux, comme toutes les affaires du gouvernement du vice-roi qui, en même temps, était impuissant à empêcher les abus. On tenait des comptes diligents sur le grain qui entrait et celui qui sortait pour l’intérieur et l’extérieur. On donnait aux propriétaires des certificats ou cedole di deposito seguito, des responsali parfaitement identiques aux warrants modernes, que l’on pouvait vendre ou mettre en gage et sur lesquels on faisait des opérations de crédit dans les banques publiques et privées77.

  • 78  Le cas du caricatore de Pozzallo est exemplaire des conflits permanents de juridiction : aux préro (...)
  • 79  Pour Catane et Palerme, N. Blando, I porti del grano siciliano nel XVIII secolo… cit. ; S. Laudani (...)

54Ce réseau d’affaires et d’intérêts ne pouvait pas ne pas créer de conflits entre l’administration centrale et les administrations périphériques, notamment dans le cas des caricatori féodaux dont l’administration tendait à échapper complètement aux contrôles imposés par le Maestro Portulano et par les représentants du gouvernement du vice-roi sur le territoire78. De même, de nombreux problèmes surgirent entre le gouvernement et certains grands centres domaniaux comme Catane et Palerme79 qui s’opposèrent énergiquement à la transformation de leur caricatore de domanial à royal.

  • 80  Sur Messine et son ravitaillement, voir I. Fazio, Magazzini, luoghi di sbarco e personale dell’ann (...)
  • 81  Ce privilège resta en vigueur jusqu’à la révolte anti-espagnole puis, lors des disettes, jusqu’à l (...)

55La situation de la seconde ville sicilienne, Messine, est particulière80. Il s’agit d’une ville portuaire, très active dans les commerces et, au moins jusqu’au milieu du XVIIe siècle, dans la production et l’exportation de la soie grège et travaillée ; une ville riche et peuplée, bien aguerrie du point de vue politique et institutionnel, au point de disputer à Palerme, entre le XVIe et le XVIIe siècle, le rôle de capitale. En même temps, totalement dépourvue d’un arrière-pays producteur de froment, elle est perpétuellement affamée dans une région et un Royaume grands producteurs de grain. La question de l’approvisionnement y reste fondamentale pendant toute l’époque moderne, un motif de négociation des privilèges, même achetés à un prix élevé, pour surmonter les difficultés à se procurer cette denrée notamment pendant les années de tratta chiusa, de pénurie. Alors Messine entre en concurrence avec les communautés plus proches des caricatori ou des lieux de production, prêtes à acquérir le blé avec moins de frais de transport et sans les dangers d’une longue navigation maritime. Ce n’est pas un hasard si les privilèges les plus importants sont les exemptions de gabelles royales et locales, y compris les droits d’exportation (tratte), concédés d’abord uniquement depuis la Sicile, et ensuite également à partir du Royaume de Naples ; le droit de ravitaillement avant d’autres villes ; celui de ne pas devoir garantir les cargaisons avec une fidéjussion et, surtout, le privilège de « prendre impunément » à main armée les navires chargés de blé qui transitaient par le Détroit et d’en séquestrer la cargaison, droit obtenu en 1479 et aboli après la révolte de 167481. Ces privilèges aiguisaient les conflits entre la ville, les marchands qui n’étaient pas directement liés aux élites de Messine et la Cour royale elle-même, intéressée à la perception des tratte. Ces séquestres et privilèges extrêmement coûteux étaient financés (comme, en bonne substance, une grande partie des finances civiques) par les assujettissements garantis sur le rendement des gabelles urbaines, dont une grande partie pesait sur le blé importé et déposé dans les magasins du caricatore, ou mieux du scarricadore de Messine.

56Les magasins assument ainsi à Messine une double fonction : d’une part, ils constituent le lieu d’entrée du blé en ville et le lieu de recouvrement des gabelles sur lesquelles sont garantis les prêts à la ville et les prêts destinés au financement de l’institution annonaire depuis sa fondation ; d’autre part, ils jouent le rôle de centre de l’activité annonaire : ils sont en effet le lieu de redistribution du blé aux consommateurs privés et aux boulangers publics du territoire urbain, le lieu de négociation avec ces derniers à travers le scandaglio pour établir prix et poids du pain, qui déterminait le gain tant de l’annone que des boulangers, mais aussi le lieu de stockage et de production des surplus destinés à l’annone (les crescimogne, c’est-à-dire l’accroissement du volume du blé déposé). Ils recouvrent ainsi de multiples fonctions autour desquelles se tissent des intérêts complexes et, en même temps, ils sont le lieu d’une grande variété de malversations de la part des administrateurs de l’annone (usage privé du grain public, prêté ou vendu pour leur propre usage, en le remplaçant par la suite).

  • 82  F. Crispi, Ragioni del Comune di Messina contro il Demanio dello Stato e il Fondo pel Culto – nell (...)
  • 83  C. Giardina, Capitoli e privilegi della città di Messina, Messine, 1937, p. 399.

57Le blé importé par voie maritime était stocké, comme les autres marchandises, dans le Campo delle vettovaglie, une infrastructure assez antique dont il semble qu’on ait la trace depuis 117982 et qu’un Chapitre de 1507 décrit comme « una casa grande nominata lo Campo […] provista et ordinata di tutti li cosi necessarii pertinenti alla Custodia e conservatione di detti frumenti accioché quelli non si possino furtare ». Elle était flanquée de pinnate (comme on le voit bien dans la représentation du scarricadore de la fig. 9), c’est-à-dire d’auvents soutenus sur trois côtés par des murs, « che servivano per discaricarsi li frumenti »83. Il est probable que l’architecture du Campo était flexible, grâce à la construction et la démolition de certaines parties selon les exigences fonctionnelles : les mêmes chapitres parlent en effet de « magaseni nuovi della città », construits récemment près de la porte nommée précisément del Campo, une des portes de la ville qui donnait sur le port (fig. 9, n. 65).

Fig. 9 – Vue de Messine.
Cologne, 1571, coll. privée, détail. Le « Campo delle Vettovaglie » est signalé par le n° 146 ; le scarricadore, n° 145, se trouve près de la porte n° 66, à la gauche de laquelle on voit les pinnate.

  • 84  Cfr. I. Fazio, Magazzini, luoghi di sbarco e personale… cit.

58Nous savons aussi qu’en 1582 les pinnate auraient été démolies, en même temps que la tour della Piscaria et ses magasins, « per adornato del porto e per farsi il molo ». Quelques années auparavant (à partir de 1572), le périmètre du Campo était affecté par la démolition de la zone entre la Cathédrale et le Palais Royal, lors du tracé des deux routes orthogonales, Cardines et Austria. Ces transformations s’inscrivent dans le renouveau urbanistique qui, dans le dernier quart du XVIe et le premier quart du XVIIe siècle, a profondément changé l’aspect de la ville et la façade maritime, comme le montre bien une carte beaucoup plus réaliste que les autres, réalisée après la révolte et conservée à Simancas (fig. 10)84.

  • 85  En réalité, un grand nombre de gabelles pèsent sur le blé : I. Fazio, Sterilissima di frumenti… ci (...)
  • 86  Après la révolte, l’administration passa à la Junte royale.
  • 87  C. D. Gallo, Gli annali della città di Messina, III, Sala Bolognese, 1980 [réimpr. anast.], p. 441

59Le Campo delle vettovaglie était le lieu de recouvrement de la gabelle citadine, appelée précisément del Campo85, sur les embarcations qui apportaient à Messine le froment et d’autres provisions. Son administration était confiée à des Deputati (deux nobles et deux cittadini, bourgeois) dont l’action était, du moins formellement, contrôlée par des règles qui se firent toujours plus précises avec le temps et qui, après la révolte de 167286, devinrent assez sévères dans la tentative d’éviter les mille abus et les nombreuses spéculations liées à cette administration. Parallèlement se multipliaient les magazeni : ils furent pris en location d’abord dans les locaux « che la Regia Corte tiene nel quartiere di Terra Nova » puis, une fois ceux-ci remplis, on recourut aux « magazeni esistenti nella casa delli Judii »87 puis encore, après la faillite du port franc institué en 1695, on en utilisa aussi les locaux jusqu’à l’édification en 1740 d’un nouveau grand magasin urbain destiné expressément aux grains de l’annone et placé, non plus derrière le port, mais à l’intérieur du tissu urbain.

60Cette construction précéda de peu la réforme du complexe système annonaire voulue par Charles de Bourbon. En permettant aux citoyens d’introduire et de vendre du blé en concurrence de l’annone, elle porta au premier plan le rôle des magasins privés, signe tangible d’une libéralisation progressive que facilita aussi la mutation des conditions du marché régional et international du blé. Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette libéralisation conduira l’annone à ne plus fonctionner qu’au moment des crises et au profit de la population la plus pauvre.

Fig. 10 – Plan du port de Messine.
Carlos de Grunenbergh, Mecina, dal Teatro geografico antiguo y moderno del Reyno de Sicilia, Madrid, 1686 (Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación, Archivo General y Biblioteca, f. 17).

  • 88  Voir la contribution de G. Vertecchi dans ce volume.

61Les entrepôts de blé reflètent les circonstances historiques et la mutation des volontés politiques. Ils finissent ainsi par avoir une importante fonction symbolique, comme dans le cas des lieux de stockage de la farine et du grain à Venise où, dès l’époque médiévale, la grandeur et la qualité des édifices témoignent de l’importance de la politique annonaire de la Serenissima. Les voies d’approvisionnement et les lieux du commerce en marquent le profil urbain, en soulignent les vocations commerciales et les hiérarchies internes, en exploitent les capacités fonctionnelles, en exaltent la fonction de symbole et de représentation88.

  • 89  L’histoire de la construction de ces édifices au cours du XVIIIe siècle est analysée et décrite da (...)
  • 90  Les greniers de Terranova furent démolis durant la domination française au début du XIXe siècle.

62Ce n’est pas un hasard si tous les greniers sont accessibles par voie navigable et leur emplacement à l’intérieur du contexte urbain influe fortement sur le plan de la ville, du moins à partir du milieu du XIVe siècle. Avec la construction des greniers de Terra Nova commence à se profiler un système de stockage destiné tant à la consommation immédiate qu’à la conservation du grain, qui trouvera sa définition la plus complète à la fin du XVIe siècle avec l’aménagement des locaux de San Stae et la reconstruction des magasins de San Biagio89. Le rôle du magasin de Terra Nova est fondamental dans ce système. Toute la distribution du grain en dépendait, et il y était conservé le grain à vendre, sous forme de farine, dans les fondaci de la ville et celui qui servait à la production du biscuit destiné principalement à l’approvisionnement de la marine et des troupes. Ce magasin, qui était aussi le siège des Provveditori alla Sanità, des Provveditori alle Legna et des Provveditori all’Armar, était situé à côté de la Monnaie, non loin du Palais Ducal et derrière Saint-Marc. Il constitua ainsi avec le clocher de Saint-Marc, et jusqu’au début du XIXe siècle90, un repère pour les voyageurs qui entraient dans la lagune, avec la double fonction de rassurer sur la présence des réserves de blé et d’impressionner les citoyens et les étrangers par la grandeur de l’édifice, symbole de la richesse et de la puissance économique de la ville.

63Non loin se trouvaient les magasins de San Biagio, édifiés à proximité de l’Arsenal dans la première moitié du XIVe siècle. Destinés à la conservation des grains, ils étaient à proximité des fours pour la préparation du biscuit, une fourniture alimentaire indispensable à la flotte marchande et militaire. Le Fondaco del miglio se trouve toujours sur le Grand Canal. Situé dans le quartier de San Stae, il fut agrandi et rénové au milieu du XVIe siècle pour emmagasiner le grain destiné à une conservation à plus long terme. Au cours du XVIIIe siècle, le stockage du blé y devint intermittent, et lié à la fois à des nécessités contingentes et à la possibilité d’exécuter les travaux de manutention indispensables pour isoler les céréales de l’humidité afin d’en assurer la conservation sur de plus longues périodes.

  • 91  Cf. M. Aymard, Venise, Raguse et le commerce du blé… cit.

64Venise se présente ainsi comme un cas emblématique de l’importance des voies d’eau, tant maritimes que fluviales, pour le ravitaillement. Si jusqu’au XVe siècle, la fourniture des grains était assurée par la mer en provenance de régions éloignées (Pouilles, Sicile, Grèce et Mer Noire), à partir de ce moment la pression démographique d’une part et les difficultés occasionnelles d’approvisionnement en Méditerranée d’autre part contraignirent à trouver d’autres territoires pour le ravitaillement de la ville : entre le milieu et la fin du XVIe siècle, la proportion du blé arrivant dans les magasins vénitiens en provenance de la Terre-Ferme passe d’un peu plus de 30 % à 80 %. Un tel changement s’accompagna d’opérations de bonification et de la mise en culture de surfaces croissantes de terres dans les régions de Padoue, de Trévise et dans le Polesine91.

65Toutes les zones d’approvisionnement de Venise devaient être facilement accessibles par la seule voie qui permettait de rejoindre la ville, la voie d’eau.

  • 92  G. Vertecchi, « Fondaci della farina e del grano a Venezia », communication présentée à la rencont (...)

Ce n’est pas un hasard si la magistrature des Savi ed Esecutori alle Acque est instituée au XVIe siècle avec la tâche de contrôler la manutention des voies d’eau tant urbaines que lagunaires. En observant la cartographie de la lagune on note trois accès principaux qui permettent d’accéder depuis la mer ouverte aux lieux d’accostage traditionnels de la ville (le Canal Orfano établit une liaison interne avec l’embouchure de Malamocco et plus loin avec Pellestrina, avec le port de Chioggia, c’est-à-dire avec l’important « Canal de Lombardie » par lequel les marchandises arrivaient de Ferrare mais aussi de Padoue). Ces trois accès continuèrent à être considérés comme publics et à faire l’objet de manutention de la part de la magistrature des Savi ed Esecutori alle Acque jusqu’au XVIIIe siècle. En effet, la position hydrographique et géomorphologique particulière de Venise fait que toutes les voies commerciales qui y arrivent, y compris celles de l’Allemagne, sont indissociables des voies fluviales qui débouchent dans le golfe adriatique92.

  • 93  C. de Castro, El pan de Madrid : el abasto de las ciudades españolas del Antiguo Régimen, Madrid, (...)
  • 94  J. U. Bernardos Sanz, Trigo castellano y abasto madrileño. Los arrieros y comerciantes segovianos (...)

66L’examen du cas d’une autre grande capitale européenne, très éloignée de la mer, montre comment la localisation et les dimensions des entrepôts de blé fournissent une clef importante pour comprendre les affaires de l’annone et les tensions démographiques et sociales qu’elles génèrent, ainsi que les changements des politiques qui en gouvernaient le fonctionnement. Le Pósito de Madrid avait jusqu’en 1560 toutes les caractéristiques d’un dépôt de grain municipal, capable de répondre tant à la demande des consommateurs urbains qu’à celle des nombreux paysans qui vivaient en ville ou dans les villages voisins et qui avaient besoin de grain pour la semence. Il changea complètement de fonction après cette date93 car, avec l’installation de la Cour à Madrid, le petit entrepôt situé au cœur de la ville se montra complètement inadapté à répondre aux nécessités d’une population en continuelle augmentation et les mesures prises finirent vite par modifier tout le système d’approvisionnement. Le manque d’un territoire juridictionnel suffisamment étendu pour répondre aux besoins de la population madrilène incita en effet la Couronne à créer un système de ravitaillement complexe appelé pan de registro, une méthode d’approvisionnement obligatoire qui, sous la tutelle de la Sala de Alcaldes, contraignait les villages voisins à la panification d’une quantité fixe de pain à envoyer chaque semaine à la capitale. Cette méthode, qui resta en vigueur pendant plus d’un siècle, entraîna des spécialisations dans les productions et créa des circuits commerciaux. Cependant, surtout pendant les périodes de pénurie, elle entra inévitablement en conflit avec les besoins de ravitaillement des communautés impliquées dans le circuit et ne réussit pas à garantir une continuité capable de répondre pleinement aux exigences madrilènes toujours croissantes. On tenta ainsi d’élargir le cercle des villages concernés par le pan de registro puis, après 1606, on décida d’acquérir pour le conserver un lieu distinct du Pósito municipal de Madrid94. En 1615, tous les villages inscrits dans l’aire du pan de registro durent à leur tour se munir de dépôts distincts de celui de la Capitale : appelés Positillos de Corte, le blé nécessaire à la panification pour Madrid y était conservé (fig. 11).

Fig. 11 – Aire du pan de registro pour l’approvisionnement de Madrid au XVIIe siècle.
J. U. Bernardos Sanz, Libertad e intervención en el abastecimiento de trigo a Madrid durante el siglo XVIII, dans B. Marin et C. Virlouvet (dir.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquité-Temps modernes, Paris, 2003, p. 372.

67Mais la crise de 1630 se démontra cruciale pour l’avenir de tout le système. Elle en démontra l’inefficacité et porta à la création d’une nouvelle institution, une Junte extraordinaire composée des représentants de la ville et de la Sala de Alcaldes. La Junte, qui parvint à approvisionner la ville, y compris depuis la lointaine Andalousie, en blé déposé dans des bâtiments construits à cet effet, resta en fonction même après la fin de l’urgence. Elle coordonna à partir de ce moment le système des obligations et des achats et affronta en premier lieu le problème de la conservation correcte du blé dans le Pósito. Un débat serré sur l’organisation de l’approvisionnement s’ouvrit alors et on commença à mettre en discussion la survie même du pan de registro. Alors que ce système était jusqu’alors considéré comme le seul capable de pourvoir aux nécessités de Madrid, de nombreuses voix s’élevèrent pour le remplacer avec le système plus courant d’achat ou d’asiento.

  • 95  V. Tovar, El Real Pósito de la villa de Madrid. Historia de su construcción durante los siglos XVI (...)

68Ce débat se prolongea dans le temps et accompagna les changements qui se produisirent au cours du XVIIe siècle dans le système du ravitaillement madrilène. Un mécanisme plus atomisé et plus efficace, fondé sur l’importation du blé du Nord, se mit en place parallèlement au pan del registro qui se maintint. Il fonctionnait comme un marché ouvert, par l’intermédiaire de paysans-transporteurs qui utilisaient les animaux pour transporter les céréales durant les périodes où l’activité agricole fonctionnait au ralenti, ou de petits commerçants ou encore de boulangers de la capitale et/ou des villages voisins qui commencèrent à se rendre en Castille pour faire provision du blé de bonne qualité toujours plus apprécié des Madrilènes. Ainsi, dans ce système mixte, le commerce des céréales assuré par les commerçants-transporteurs opérant à plus ou moins grande échelle s’intégrait dans les mécanismes de l’annone madrilène, en l’orientant inévitablement vers un interventionnisme moindre. Le signe de ces changements et du rôle croissant des approvisionnements venus de Castille fut l’ouverture des nouveaux magasins du Pósito dans la calle de Alcalà, achevés en 1668. Voués à augmenter la capacité et la qualité d’emmagasinement, ils furent flanqués par les bâtiments destinés à la fabrication du pain, les hornos de Villanueva95.

69Ces agrandissements se poursuivirent au siècle suivant, lorsque le système du pan de registro fut définitivement abandonné en faveur des importations de blé en provenance de la Vieille-Castille. L’intervention directe du gouvernement fut amplifiée par l’institution en 1743 de la Junta de Abasto qui monopolisa le système de l’approvisionnement en grain (avec celui de la viande, de l’huile, du suif, de la morue et du charbon), créant un grand appareil bureaucratique centralisé mais avec des fonctions décentrées pour chaque produit de l’annone. Entre temps, les achats de blé provenant de la Meseta du Nord augmentèrent grâce à l’activité des commissionnaires et à la construction de paneras, principalement dans la zone de las Navas de San Antonio et Guadarrama (fig. 12).

  • 96  J. U. Bernardos Sanz, Ciudad sin puerto. El sistema de abastecimiento del trigo ultramarino hacia (...)

70À partir du milieu du siècle, de nouveaux grands magasins furent construits dans la zone stratégique de Arévalo, tandis qu’en 1757 les boulangers de Madrid et Vallecas durent se réunir en corporation et se fournir quotidiennement de farine prélevée en partie dans le Pósito96. Le système centralisé et contrôlé, coordonné par la Junta de Abasto, devait compter non seulement avec les nombreuses crises de subsistances mais aussi avec les nouvelles tendances libérales. Ces courants de pensée, qui trouvaient toujours plus d’audience tant chez les producteurs de blé qu’à l’intérieur même du gouvernement madrilène, portèrent à une tentative d’abolition et contribuèrent en 1766 au déclenchement du Motín de Esquilache. De 1766 à 1780 coexistèrent un secteur commercial émergent qui se chargeait des provisions de grain en période « normale » et le système du Pósito qui fonctionna comme une structure de réserve en cas d’urgence jusqu’à l’effondrement du système d’approvisionnement régulé au début du XIXe siècle, en raison des changements des conditions politiques et institutionnelles.

Fig. 12 – Les installations du Pósito à Madrid au XVIIIe siècle.
J. U. Bernardos Sanz, Trigo castellano y abasto madrileño : los arrieros y comerciantes segovianos en la Edad Moderna, Valladolid, 2003, p. 18 et 136.

Conclusion

71Les cas examinés jusqu’ici mettent en évidence, au-delà des divergences évidentes dues aux différentes époques historiques, quelques points de contact fondamentaux dont les ressemblances doivent cependant conserver leurs spécificités chronologiques.

72En premier lieu, on soulignera le rôle fondamental joué par la mer, voie de communication directe et privilégiée tant dans l’Antiquité qu’à l’époque moderne, même dans des contextes politiques et institutionnels très différents. La conquête territoriale ouvre à Rome les marchés de provinces productrices de céréales (Sicile, Afrique, Égypte), créant ainsi une unité géographique et surtout politique qui fait de la Méditerranée le mare nostrum, à la différence de l’époque moderne où le contrôle de la Méditerranée et de ses routes reflète la pluralité des dominations territoriales qui la côtoient.

  • 97  Du moins pour les Alpes, car on sait que le ravitaillement aux armées de la région militaire de l’ (...)

73Les fortes contraintes de transport expliquent ce rôle car les liaisons les plus faciles se font par voie d’eau. C’est ainsi que des magasins de stockage des productions du territoire sont aménagés pour l’époque antique dans les grands ports annonaires de l’Afrique et pour l’époque moderne dans les caricatori siciliens. Aquilée comme Venise sont des cas emblématiques : les grands entrepôts de ces deux villes mais aussi, pour l’époque antique, de Milan et Sirmium illustrent l’importance des voies d’eau fluviales et endo-lagunaires, et notamment dans cette région le rôle des deux grands fleuves que sont le Pô et le Danube et leurs affluents. Les motifs de l’utilisation du réseau terrestre sont variés, mais répondent souvent à des nécessités vitales : le ravitaillement des régions montagneuses, notamment celui des troupes disposées aux frontières internes de l’empire romain97 ; l’accroissement de la population de la Rome antique qui impose l’augmentation de la surface des emblavures en Afrique et le transport par route du blé récolté. On trouve ainsi des magasins à chaque rupture de charge : passage du navire maritime à la barque fluviale comme à Ostie, du navire au chariot comme à Aquilée, du chariot à la barque ou au chaland comme à Nauportus ou Veldidena, de la charrette ou du convoi d’animaux de bât au navire de mer comme à Rusicade, ou encore dans les caricatori de la Sicile ou bien pour segmenter des parcours trop longs, comme dans le cas de l’approvisionnement de Madrid.

  • 98  Pour l’époque antique, par exemple F. De Romanis, Gli horrea dell’urbe… cit., en part. p. 280-281, (...)

74Mais il ne passait pas que des marchandises à travers les voies d’eau et terrestres : des biens immatériels d’une extrême importance, comme les informations sur la production de blé et sur le grain conservé dans les dépôts98 ou encore sur les revenus fiscaux ou marchands, dans la Sicile moderne comme dans la Rome antique, se déplaçaient selon un circuit qui allait de la périphérie vers le centre, puis repartait de celui-ci vers les provinces.

75Le rôle du pouvoir central est toujours manifeste. À toutes les périodes, la pression démographique et les difficultés contingentes d’approvisionnement en Méditerranée comportèrent la nécessité de trouver d’autres territoires pour le ravitaillement de la ville/ capitale. Cela peut se traduire par l’extension des zones de production – c’est le cas de la Rome antique et de Venise à partir du XVIe siècle – ou encore par l’élargissement du réseau d’approvisionnement – comme pour Madrid en 1560 ou pour Messine durant toute l’époque moderne. Le pouvoir politique intervient sur la distribution du grain disponible ou en en interdisant l’exportation (tratta chiusa en Sicile), ou en imposant les priorités d’approvisionnement (dans le cas des capitales comme la Rome antique et moderne ou Madrid) ou encore en autorisant l’importation de blé fiscal dans les provinces comme le montre peut-être en Asie Mineure la construction des horrea de Myra et Patara. Il impose sa marque sur les mutations topographiques dans les villes. Ainsi, par exemple, à Aquilée, où un quartier résidentiel est démoli pour faire de la place aux entrepôts portuaires ou à Messine où l’aménagement du Campo delle vettovaglie varie selon les exigences fonctionnelles, ou encore à Madrid où le Pósito change de dimensions et de structure pour augmenter capacités et qualité de l’emmagasinement. Ces mutations dimensionnelles et structurelles semblent répondre à une exigence de visibilité et d’autocélébration de la puissance publique, comme à Venise, exigence qui se manifeste aussi dans la construction des horrea romains de Lycie ou dans les entrepôts de Cisalpine dont le rôle fonctionnel se double d’un rôle monumental.

76Il se dessine ainsi une hiérarchie dans les dimensions (et donc dans les volumes de marchandises) des horrea en fonction de leur place dans la chaîne de distribution : en Maurétanie Tingitane les capacités de stockage diminuent en relation avec l’éloignement de la mer, qu’il s’agisse de greniers pour la récolte du blé à exporter vers Rome ou de dépôts destinés à l’approvisionnement des centres civils ou militaires à l’intérieur des terres. La série d’horrea gravitant sur le bassin du Danube s’inscrit aussi dans un réseau hiérarchisé, depuis les grands entrepôts des résidences impériales en Italie, avec des surfaces de stockage potentielles de plusieurs milliers de mètres carrés, puis des entrepôts d’étape sur les principales voies de communication, enfin les plus petits horrea des camps et des petites villes de l’arrière-pays.

77En revanche, dans la Sicile d’époque moderne, cette hiérarchie entre entrepôts est déterminée par leur nature institutionnelle (caricatori royaux, domaniaux ou féodaux) et par le rôle qu’ils jouent dans les circuits internationaux du blé.

  • 99  G. Camodeca, Puteoli… cit., p. 104-108.
  • 100  Voir les fréquentes lamentations de la littérature patristique : L. Ruggini, Economia e società ne (...)

78Dans tous les cas, tant à l’époque antique qu’à l’époque moderne, les magasins recouvrent pour le blé ou d’autres biens de consommation une double fonction de lieu d’entrée et de redistribution. Celle-ci s’effectue d’une part vers l’extérieur en direction des marchés plus ou moins lointains, d’autre part vers la consommation locale. Les entrepôts sont aussi le lieu de recouvrement des taxes liées au commerce du grain, assurément à l’époque moderne et probablement aussi dans l’Antiquité, pour laquelle cependant les textes manquent. Le blé est directement ou indirectement source de rentrées fiscales, sur lesquelles l’autorité centrale compte pour augmenter ses revenus (comme en Sicile) ou pour alimenter, par le versement de tributs fiscaux en grain, l’approvisionnement de sa capitale (Rome antique et Madrid moderne). À l’époque romaine le blé et d’autres produits alimentaires, gages d’emprunts en argent, sont entreposés dans les horrea de Pouzzoles en attendant une augmentation du prix99. Plus tard, les grands propriétaires terriens provoquent des disettes artificielles en stockant les grains dans leurs magasins et spéculent sur l’augmentation des prix100. À l’époque moderne, ce sont les magasins vénitiens et les plus importants caricatori siciliens qui interviennent dans la détermination du prix du grain et dans la spéculation qui s’exerçait sur la principale ressource alimentaire.

79Ces lieux complexes que sont les entrepôts finissent donc par marquer le territoire, par en valoriser les vocations naturelles (de production, de liaison, etc.) et par en accroître inévitablement le rôle tant à l’intérieur des réseaux nationaux et internationaux du commerce et de la finance que dans le jeu complexe des administrations et des décisions politiques et économiques.

Notes

1  Cette étude propose une synthèse des interventions présentées lors du premier séminaire « Le ravitaillement des cités de la Méditerranée : entrepôts et territoires » (Aix-en-Provence, 3 et 4 mars 2006). Marie-Brigitte Carre a rédigé la partie sur l’Antiquité, Simona Laudani celle sur la période moderne, l’introduction et la conclusion étant le fruit de réflexions communes.

2  B. Marin et C. Virlouvet (éd.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquités-Temps Modernes, Paris, 2003.

3  J. Bernardos Sanz, Territorio e infraestructura de almacenamiento en el abastecimiento de pan a Madrid (siglos XVI-XVIII), dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 541.

4  Pour une synthèse de ces aspects, voir G. Geraci et B. Marin, L’approvisionnement alimentaire urbain : ports, stockages et redistribution en Méditerranée de l’Antiquité à la période moderne, dans Nourrir les cités… cit., en part. p. 580-585.

5  Cette partie reprend presque intégralement la première publication : M.-B. Carre, Les réseaux d’entrepôts dans le monde romain, dans J. Arce et B. Goffaux (éd.), Horrea d’Hispanie et de la Méditerranée romaine, Madrid, 2011, p. 30-39 (Coll. Casa de Velázquez). La bibliographie n’a pas été mise à jour.

6  À l’exception du ravitaillement des armées qui a fait l’objet d’études spécifiques, comme récemment J. P. Roth, The Logistics of the Roman Army at War, Leiden, 1999, et les études recueillies par P. Erdkamp, The Roman Army and the Economy, Amsterdam, 2002 ; des essais de calcul ont été effectués pour les horrea de transit (F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste : Horrea e mobilità del grano pubblico tra gli Antonini e i Severi, dans Antiquités Africaines, 43, 2007 p. 192-196).

7  Les études de cas ont été présentées lors du premier séminaire « Entrepôts et territoires » (Aix-en-Provence, 3 et 4 mars 2006) au cours duquel Laurence Cavalier, Federico De Romanis et moi-même sommes intervenus pour les exemples dans l’Antiquité. Ces communications ont été publiées (L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara : un nouveau type d’édifice fonctionnel en Lycie à l’époque impériale, dans Revue des Études Anciennes, 109/1, 2007, p. 51-65 ; F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 187-230). Les exemples africains ont bénéficié des présentations d’Emanuele Papi et de Francesco Martorella lors de la rencontre d’Aix-en-Provence du 13 octobre 2006 sur le thème « Entrepôts de stockage, entrepôts et marchés : pour une typologie des horrea dans l’Afrique du Nord antique », qui ont fait l’objet de deux publications : E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia, dans Antiquités Africaines, 43, 2007, p. 171-186, et E. Papi et F. Martorella, Il grano della Tingitana, dans E. Papi (éd.), Supplying Rome and the Empire. The proceedings of an international Seminar held at Siena-Certosa di Pontignano on May 2-4, 2004 on Rome, the Provinces, Production and Distribution, Portsmouth, 2007 (JRA Suppl. 60), p. 85-96.

8  E. Papi et F. Martorella explicitent les estimations des quantités dans les articles cités à la note précédente et je développerai ces données dans une publication en préparation sur les entrepôts d’Aquilée.

9  Bien que les sources littéraires et l’archéologie témoignent de l’extraordinaire variété des produits échangés, il est bien rare que l’on puisse mettre en relation des marchandises et les entrepôts dont nous avons conservé la trace. Pour un exemple de produits stockés, voir G. camodeca, Puteoli, porto annonario e il commercio del grano in età imperiale, dans Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut-Empire [Actes du colloque international, Naples, 14-16 février 1991], Rome-Naples, 1994 (Collection de l’École française de Rome, 196 / Collection du Centre Jean Bérard, 11), p. 103-128.

10  Soit entre 40 000 et 270 000 tonnes ; F. De Romanis, Per una storia del tributo granario africano all’annona della Roma imperiale, dans Nourrir les cités… cit., p. 691-738 ; C. Virlouvet, L’approvisionnement de Rome en denrées alimentaires de la République au Haut-Empire, ibid., p. 67-70.

11  A. Tchernia, Épaves antiques, routes maritimes directes et routes de redistribution, ibid., p. 613-623 ; P. Arnaud, Les routes de la navigation antique, Paris, 2005, p. 26-28.

12  F. De Romanis, Per una storia... cit., p. 703.

13  Pour comparaison, la superficie actuelle plantée en céréales en Algérie est de 34 000 km2 ; en Tunisie de 16 000 km2 : htt : //ressources.ciheam.org/om/pdf/b14/CI960049.pdf.

14  M. Christol, dans Le blé africain et Rome. Remarques sur quelques documents, dans Le ravitaillement en blé de Rome… cit., p. 296-299, révise le peu d’intérêt manifesté par G. Rickman (The Corn Supply of Ancient Rome, Oxford, 1980, p. 108-112) pour ces contrées qu’il considère comme de simples prolongements du nord-est de la Proconsulaire qui constituait le cœur de l’Afrique céréalière.

15  F. De Romanis, Per una storia... cit., p. 705-708.

16  E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit. L’incertitude est due au nombre exact d’entrepôts à Cuicul, voir infra. On ne dispose pas d’informations sur ceux de Timgad, encore inédits.

17  Y. Allais, Les greniers publics de Djemila, dans Revue africaine, 1933, p. 259- 268. Voir maintenant E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 178-182, qui en ont repris l’examen et proposent, à partir d’une analyse architecturale et fonctionnelle, une estimation des quantités de grains stockés.

18  ILAlg, 7806.

19  E. Albertini, Tabula de mesures de Djemila, dans CRAI, 1920, p. 315-319. Sur tout cela voir E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 181 et F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 190.

20  F. De Romanis, ibid., p. 196.

21  P. Salama, Les voies romaines de Sitifis à Igilgili : un exemple de politique routière approfondie, dans Antiquités Africaines, 16, 1980, p. 101-133, en part. p. 103-104.

22  F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 191.

23  CIL VIII, 6339 = ILAlg. 8795 ; E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 182-183.

24  Ibid., p. 176-178, où sont détaillés les motifs de la réinterprétation de ce bâtiment longtemps considéré comme un sanctuaire.

25  25E. Albertini, Fouilles et inscriptions romaines de Lambiridi, dans BCTH, 1921, p. CLXVII-CLXIX.

26  E. Papi et F. Martorella, I granai della Numidia… cit., p. 173-176.

27  E. Papi et F. Martorella, Il grano della Tingitana… cit.

28  Ibid., p. 86 ; R. Rebuffat, Les entrepôts de Maurétanie Tingitane, dans M. Milanese, P. Ruggeri et C. Vismara (dir.), L’Africa romana : i luoghi e le forme dei mestieri e della produzione nelle provincie africane [Atti del XVIII convegno di studio, Olbia, 11-14 dicembre 2008], Rome, 2010, p. 265-292.

29  L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara : un nouveau type d’édifice fonctionnel en Lycie à l’époque impériale, dans REA, 2007, 109/1, p. 51-65. Les recherches archéologiques sur le site d’Andriakè ont été récemment reprises par une équipe autrichienne dirigée par le regretté Th. Marksteiner.

30  C. Börker et R. Merkelbach, Die Inschriften von Ephesos, II, Bonn, 1979, n° 211.

31  F. De Romanis, Gli horrea dell’urbe e le inondazioni d’Egitto. Segretezza e informazione nell’organizzazione annonaria imperiale, dans J. Andreau et C. Virlouvet (éd.), L’information et la mer dans le monde antique, Rome, 2002 (Collection de l’École française de Rome, 297), p. 287 sq., en particulier p. 292- 293 pour les arguments attribuant l’inscription à Hadrien, avec bibliographie antérieure.

32  R. Pierobon-Benoit, L’Asia Minore e l’approvvigionamento in grano di Roma, dans Le ravitaillement en blé de Rome… cit., p. 308.

33  33Leur surface représente plus de la moitié de celle des Grandi Horrea d’Ostie, dont la capacité de stockage est évaluée autour de 6 900 tonnes de blé (voir G. Boetto, É. Bukowiecki, N. Monteix, C. Rousse, Les Grandi Horrea d’Ostie, dans ce volume).

34  Sur les différentes interprétations, voir le dossier et les références bibliographiques dans L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara… cit., p. 61 sq.

35  Ead., p. 62 ; pour le voyage de Paul on consultera aussi A. Tchernia, Épaves antiques, routes maritimes directes et routes de redistribution, dans Nourrir les cités… cit., p. 618-619 ; P. Arnaud, Les routes… cit., p. 13-14 et 215.

36  36G. Rickman, Roman Granaries and Store Buildings, Cambridge, 1971, p. 140.

37  F. De Romanis, In tempi di guerra e di peste… cit., p. 193.

38  L. Cavalier, Horrea d’Andriakè et Patara… cit., p. 65.

39  Strabon, 4, 6, 10, traduction F. Lassere, Strabon, Géographie, tome II, Paris, 1966 (Les Belles Lettres). De la ville pannonienne de Segestica (Šišak, la Siscia romaine) on atteint commodément par la Save le Danube à Singidunum (Belgrade).

40  M.-B. Carre et F. Maselli Scotti, Il porto di Aquileia : dati antichi e ritrovamenti recenti, dans C. Zaccaria (éd.), Strutture portuali e rotte marittime nell’Adriatico di età romana, Trieste-Rome, 2001 (Collection de l’École française de Rome, 280), p. 212-220 ; l’analyse du mobilier d’une fouille récente confirme leur présence sous ceux du Ier siècle : M.-B. Carre et alii, L’évolution des importations à Aquilée : quelques réflexions sur les échanges à Aquilée, dans G. Cuscito et C. Zaccaria (éd.), Aquileia dalle origini alla costituzione del ducato longobardo : territorio, economia, società, Trieste, 2008 (AAAd, 65), p. 621-623.

41  J. Horvat, Early Roman horrea at Nauportus, dans MEFRA, 120/1, 2008, p. 111-121.

42  M. Šašel Kos, The boundary stone between Aquileia and Emona, dans Arheološki vestnik, 53, 2002, p. 373-382.

43  43A. Gaspari, Pontonium iz Lip na Ljubljanskem barju, dans Arheološki vestnik, 49, 1997, p. 187-224 (résumé anglais : A Pontonium from Lipe on the Ljubljana moor, p. 222-224).

44  J. Horvat, Early Roman horrea… cit., p. 117-118.

45  Ces opérations ont mobilisé une quantité d’hommes dont il a fallu organiser le ravitaillement : l’armée de l’Illyricum entre 13 av. notre ère et 6 semble avoir été formée de 5 légions, soit au moins 25 000 hommes auxquels s’ajoutent les non-légionnaires : J. P. Roth, The Logistics of the Roman Army at War (264 BC - AD 235), Leyde, 1998, p. 20-21.

46  J. Horvat et B. Mušič, Nauportus, a commercial settlement between the Adriatic and the Danube, dans M. Chiabà, P. Maggi et C. Magrini (éd.), Le Valli del Natisone e dell’Isonzo tra Centroeuropa e Adriatico, Trieste, Rome, 2007 (Studi e ricerche sulla Gallia Cisalpina, 20), p. 167-170.

47  M.-B. Carre et F. Maselli Scotti, Il porto di Aquileia… cit., p. 222-223, avec bibliographie antérieure.

48  Ibid., p. 232 et fig. 11 ; C. Tiussi, Il sistema di distribuzione di Aquileia : mercati e magazzini, dans Aquileia dalle origini alla costituzione del ducato longobardo, Trieste, 2004 (AAAd, 59), p. 288-292.

49  Pour ce qui concerne l’organisation des horrea à la fin de l’Antiquité, voir l’article de D. Vera, Gli horrea frumentari dell’Italia tardoantica : tipi, funzioni, personale, dans MEFRA, 120/2, 2008, en particulier à partir de la p. 326.

50  M. Mirabella Roberti, L’edificio romano nel « Patriarcato », dans Aquileia Nostra, 36, 1965, col. 45-78.

51  M.-B. Carre, Les fouilles du Port fluvial d’Aquilée [Bulletin de la Société française d’archéologie classique (XXXVIII, 32006-2007)], dans Revue Archéologique, 1/2008, p. 193-198.

52  M. Mirabella Roberti, L’edificio romano... cit., col. 51-53 ; A. Ceresa Mori, Horrea, dans Milano capitale dell’Impero romano 286-402 [Catalogue de l’exposition], Milan, 1990, p. 102-103. Un bâtiment identifié comme un autre possible horreum a également été entrevu non loin. Pour Trêves, voir H. Eiden, Untersuchungen an den spätrömischen Horrea von St. Irminen in Trier, dans Trierer Zeitschrift, 18, 1949, p. 73-106.

53  Par exemple E. Da Gai, Struttura e tipo edilizio dei « granari » dell’Annona di Roma (1575-1705), dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 597, fig. 2, les greniers édifiés par les papes Paul V et Urbain VIII entre 1575 et 1640 dans les thermes de Dioclétien ; cf. aussi fig. 5 pour une reconstitution graphique des élévations.

54  On peut signaler aussi les nombreuses mentions de la ville dans l’edictum de pretiis de Dioclétien à la fin de ce siècle.

55  C. Zaccaria, Diocleziano e Massimiano ad Aquileia e nelle regioni limitrofe – Dioklecijan in Maksimijan v Ogleju in sesednijh pokrajinah, dans G. Toplikar et S. Tavano (éd.), I Santi Canziani nel XVII centenario del loro martirio – Sveti Kancijani ob 1700-letnici mučeništva [Atti del convegno internazionale di Studi – Razprave mednarodnega simpozija (Pieris 19.10.2003, San Canzian d’Isonzo – Škocjan ob Soči, 8.5.2004], Gorizia, 2005 (Fonti e studi per la Storia della Venezia Giulia), p. 91-125.

56  D. Boškovič et alii, Recherches archéologiques à Sirmium, dans MEFRA, 86/1, 1974, p. 608-610.

57  M. Jeremič, L’organisation urbaine à la lumière de nouvelles recherches, dans L. Borhy et A. Szu (éd.), Die norisch-pannonischen Städte und das römische Heer im Lichte der neuesten archäologischen Forschungen [II. Internationale Konferenz über norisch-pannonische Städte], Budapest, 2005, p. 193.

58  En dernier lieu M. Mirkovič, Sirmium, dans M. Šašel Kos et P. Scherrer (éd.), The autonomous towns of Noricum and Pannonia, Ljubljana, 2004, p. 154-155, avec bibliographie précédente. L’identification du plus petit bâtiment est discutée par G. E. Rickman (Review : Recherches archéologiques franco-yougoslaves à Sirmium (1973-1975). VII. Horrea et thermes aux abords du rempart sud, by N. Duval and V. Popovič, dans Britannia, 10, 1979, p. 375-376).

59  N. Duval et V. Popovič, Recherches archéologiques franco-yougoslaves à Sirmium (1973-1975). VII. Horrea et thermes aux abords du rempart sud, Rome, 1977 (Collection de l’École française de Rome, 29/1), p. 29 sq. Long d’au moins 94 m, le bâtiment dont la largeur totale est de 33 m est divisé en deux par un espace central d’environ 10 m de large. Il n’y avait probablement pas d’étage.

60  N. Duval et V. Popovič, Sirmium VII… cit. p. 63 sq. La longueur intérieure dépasse 25 m, la largeur est de 10,50 m.

61  Sur la route entre Aquilée et le Danube, voir plus haut la référence à Strabon (4, 6, 10).

62  O. Gábor et alii, Sopianae, dans M. Šašel Kos et Peter Scherrer (éd.), The autonomous towns of Noricum and Pannonia, Pannonia II, (Situla 42), Ljubljana, 2004, p. 286, fig. VII, n° 55.

63  J.-M. Carrié, Le bilan économique de la guerre dans l’empire romain tardif, dans Économie antique ; la guerre dans les économies antiques [Entretiens d’archéologie et d’histoire], Saint-Bertrand de Comminges, 2000, p. 117-120.

64  M. Mackensen, Die Innenbebauung und der Nordvorbau des spätrömischen Kastells Abusina/Eining, dans Germania, 72, 2, 1994, p. 505-513.

65  A. Wotschitzky, Veldidena : Zweiter vorläufiger Bericht über die Ausgrabungen 1954-1957, dans JOAIBeibl, 44, 1959, p. 5-70 ; G. Rickman, Roman Granaries… cit., p. 266.

66  Cod. Theod. 7, 4, 15 ; G. Rickman, Roman Granaries… cit., p. 287-289.

67  M. Mackensen, Late roman fortifications and building programmes in the province of Raetia : the evidence of recent excavations and some new reflections, dans J. D. Creighton et R. J. A. Wilson (éd.), Roman Germany : studies in cultural interaction, Portsmouth (RI), 1999 (JRA Supplementary series), p. 236 sq.

68  Synthèses et bibliographie dans P. Petrović et M. Vasić, The Roman Frontier in Upper Moesia : archaeological investigations in the Iron Gate area. Main results, dans P. Petrović (éd.), Roman limes on the Middle and Lower Danube, Belgrade, 1996, en part. p. 25, fig. 5 ; J. J. Wilkes, The Roman Danube : an Archaeological Survey, dans JRS, XCV, 2005, p. 124-225.

69  N. Blando, I porti del grano siciliano nel XVIII secolo, dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 522.

70  Cf. S. Laudani, Dai « magazzinieri » ai « contrascrittori » : il sistema dei « caricatori » nella Sicilia d’età moderna tra mutamenti e continuità et V. Vigiano, Il caricatore di Palermo (XVI-XVII secolo), dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 477-490 et p. 491-501.

71  De nombreux historiens ont mis en relation cet effort de construction avec la nécessité d’augmenter la production de grain des latifondi féodaux ; cette thèse a cependant été récemment réévaluée en faveur d’une explication politique et institutionnelle des motivations à l’origine des nouvelles fondations. On tend de plus en plus, en effet, à relier la naissance des nouveaux centres, en zone céréalière également, aux stratégies de positionnement des principales familles féodales à l’intérieur du Parlement sicilien, surtout après la disposition prise en 1452 par le roi Alphonse, selon laquelle seraient désormais considérés comme seuls nobles « i feuda, que habuerunt castra seu fortilitia ». À partir de ce moment, l’accès au bras militaire du Parlement et le poids politique à l’intérieur de celui-ci furent subordonnés à la possession de terres peuplées. La course à l’édification ou à l’acquisition de centres habités devint une condition indispensable pour continuer à jouer un rôle dans la dynamique du Royaume et avoir du poids et une audience à la Cour. I. Mineo, Nobiltà di Stato : famiglie con identità aristocratiche nel tardo Medioevo : la Sicilia, Rome, 2001, p. 290. Mais sur les fondations de villes voir entre autres, M. Aymard, Le città di nuova fondazione in Sicilia, dans Storia d’Italia, Annali 8, Turin, 1985 ; M. Aymard et H. Bresc, Problemi di storia dell’insediamento nella Sicilia medievale e moderna, 1100-1800, dans Quaderni Storici, 1973, 24, p. 945-76 ; T. Davis, La colonizzazione feudale della Sicilia, dans Storia d’Italia… cit., p. 452-455.

72  Le mero e misto impero signifie le droit d’exercer une justice tant civile que criminelle.

73  Cette magistrature s’occupe de la fiscalité et de tous les aspects économiques du Royaume.

74  N. Blando, Istituzioni e mercato nella Sicilia del grano, Palerme, 2003, p. 91.

75  Ibidem.

76  S. Laudani, Rivolte, conflitti politici e sistema annonario nella Palermo del ‘700, dans MEFRIM, 112/2, 2000, p. 669-686 ; Ead., Pane, politica e consenso nella Palermo del ‘700, dans Nourrir les cités… cit, . p. 419-442 ; Ead., Dai « magazzinieri » ai « contrascrittori »… cit.

77  G. Salvioli, Il commercio dei grani in Sicilia, nel secolo XVI, dans Antologia siciliana, n° 1, 1901, p. 25, cité dans N. Blando, I porti del grano siciliano nel XVIII secolo… cit., p. 524.

78  Le cas du caricatore de Pozzallo est exemplaire des conflits permanents de juridiction : aux prérogatives des barons pour son administration s’ajoutait le contrôle royal sur le commerce des grains qui y étaient commercialisés.

79  Pour Catane et Palerme, N. Blando, I porti del grano siciliano nel XVIII secolo… cit. ; S. Laudani, Dai « magazzinieri » ai « contrascrittori »… cit. ; V. Vigiano, Il Caricatore di Palermo… cit.

80  Sur Messine et son ravitaillement, voir I. Fazio, Magazzini, luoghi di sbarco e personale dell’annona della città di Messina in età moderna, dans MEFRIM, 120/2, 2008, p. 503-520 ; Ead, Sterilissima di frumenti : l’annona della città di Messina in età moderna (XV-XIX secolo), Caltanissetta, 2005.

81  Ce privilège resta en vigueur jusqu’à la révolte anti-espagnole puis, lors des disettes, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, donnant lieu à des pratiques cultuelles qui mettaient les séquestres sous la protection de la Madone. Ces actes, d’ailleurs assez fréquents, n’étaient pas le fait de la seule Messine, mais également d’autres cités siciliennes, ainsi que de pirates de diverses origines : la « piraterie frumentaire », comme l’a définie L. A. Ribot Garcia. Sur la révolte de Messine, voir entre autres F. Benigno, Lotta politica e sbocco rivoluzionario : riflessioni sul caso di Messina (1674-78), dans Storica, 13, 1999, p. 7-56 ; S. Di Bella, Caino Barocco : rivoluzione, colpo di stato, repressione (Messina 1672-78), Cosenza, 2002 ; G. Motta, Rassegna bibliografica sulla rivolta di Messina, dans S. Di Bella (éd.), La rivolta di Messina (1674-1678) e il mondo mediterraneo nella seconda metà del Seicento, Cosenza, 2001, p. 367-376 ; L. A. Ribot Garcia, La revuelta de Mesina, la guerra (1671-1674) y el poder hispanico en Sicilia, Madrid, 1983 ; Id., La revuelta antiespañola de Mesina : causas y antecedentes (1591-1674), Valladolid, 1982 ; Id., La monarquia de España y la guerra de Mesina (1674- 1678), Madrid, 2002 ; R. Villari, La rivolta di Messina e la crisi del Seicento, dans S. Di Bella (éd.), La rivolta di Messina… cit., p. 29-42. Et un « classique », E. Laloy, La révolte de Messine, l’expédition de Sicile et la politique française en Italie, 1674-1678, Paris, 1929.

82  F. Crispi, Ragioni del Comune di Messina contro il Demanio dello Stato e il Fondo pel Culto – nella causa del Regio campo delle vettovaglie, Rome, 1880, p. 17.

83  C. Giardina, Capitoli e privilegi della città di Messina, Messine, 1937, p. 399.

84  Cfr. I. Fazio, Magazzini, luoghi di sbarco e personale… cit.

85  En réalité, un grand nombre de gabelles pèsent sur le blé : I. Fazio, Sterilissima di frumenti… cit., p. 64.

86  Après la révolte, l’administration passa à la Junte royale.

87  C. D. Gallo, Gli annali della città di Messina, III, Sala Bolognese, 1980 [réimpr. anast.], p. 441.

88  Voir la contribution de G. Vertecchi dans ce volume.

89  L’histoire de la construction de ces édifices au cours du XVIIIe siècle est analysée et décrite dans l’étude de M. Agazzi, I granai della Repubblica, dans Venezia Arti, 1993, p. 51-62. Sur le commerce et la consommation du blé à Venise, voir entre autres M. Aymard, Venise, Raguse et le commerce du blé pendant la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, 1966, p. 77 ; I. Mattozzi, F. Bolelli, C. Chiasera et D. Sabbioni, Il politico e il pane a Venezia (1570-1650) : calmieri e governo della sussistenza, dans Società e storia, VI, n° 20, 1983, p. 287-288.

90  Les greniers de Terranova furent démolis durant la domination française au début du XIXe siècle.

91  Cf. M. Aymard, Venise, Raguse et le commerce du blé… cit.

92  G. Vertecchi, « Fondaci della farina e del grano a Venezia », communication présentée à la rencontre « Le ravitaillement des cités de la Méditerranée : entrepôts et territoires » (Aix-en-Provence, 3 et 4 mars 2006) ; D. Calabi, Acqua e suolo, dans Tra due elementi sospesa : Venezia, costruzione di un paesaggio urbano, Venise, 2000 ; Ead, Magazzini, fondaci, dogane, dans A. Tenenti et U. Tucci (éd.), Storia di Venezia : il mare, Rome, 1991.

93  C. de Castro, El pan de Madrid : el abasto de las ciudades españolas del Antiguo Régimen, Madrid, 1987, p. 101. La littérature sur les pósitos est assez abondante, malgré l’absence d’une synthèse qui couvre toute la période. Sur l’extension généralisée des pósitos au XVIe siècle, voir par exemple les références au cas de la Manche dans l’étude de M. I. Mansilla Pérez, Los pósitos del campo histórico de Calatrava en la provincia de Ciudad Real, 3 vol., thèse de doctorat inédite, Universidad de Castilla la Mancha, 1994. Voir également la contribution de J. U. Bernardos Sanz et J. A. Mateos Royo dans ce volume.

94  J. U. Bernardos Sanz, Trigo castellano y abasto madrileño. Los arrieros y comerciantes segovianos en la Edad Moderna, Salamanque, 2003.

95  V. Tovar, El Real Pósito de la villa de Madrid. Historia de su construcción durante los siglos XVII y XVIII, Madrid, 1982.

96  J. U. Bernardos Sanz, Ciudad sin puerto. El sistema de abastecimiento del trigo ultramarino hacia Madrid durante el siglo XVIII, dans Nourrir les cités… cit., p. 801-823.

97  Du moins pour les Alpes, car on sait que le ravitaillement aux armées de la région militaire de l’Illyricum a été aussi effectué en partie par le réseau fluvial du Danube et ses affluents à partir de la Mer Noire, cf. quelques références dans D. Vera, Gli horrea frumentari… cit., p. 330.

98  Pour l’époque antique, par exemple F. De Romanis, Gli horrea dell’urbe… cit., en part. p. 280-281, 285.

99  G. Camodeca, Puteoli… cit., p. 104-108.

100  Voir les fréquentes lamentations de la littérature patristique : L. Ruggini, Economia e società nell’« Italia annonaria », Milan, 1961, p. 96-101 et les observations de J.-M. Carrié, Les distributions alimentaires dans les cités de l’empire romain tardif, dans MEFRA, 87/2, 1975, p. 1053.

Table des illustrations

Légende Fig. 1 – Carte des sites de Maurétanie Tingitane et de Numidie.
Crédits D’après E. Papi, F. Martorella, I granai della Numidia…, p. 172, fig. 1 et Id., Il grano della Tingitana…, p. 86, fig. 1.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 53k
Légende Fig. 2 – Carte de la Cisalpine et des régions danubiennes et alpines avec les villes et entrepôts cités dans le texte.
Crédits M.-B. Carre.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 107k
Légende Fig. 3 – Les entrepôts-halles de la fin de l’Antiquité.
Crédits Aquilée (L. Bertacchi, Edilizia civile nel IV sec. ad Aquileia, dans Aquileia nel IV sec., Antichità Altoadriatiche, 22, 2, p. 347, fig. 3) ; Milan(M. Mirabella Roberti, Milano romana, Milan, 1984, p. 76) ; Trêves (H. Heiden, Horrea von St. Irminen…, p. 79).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 67k
Légende Fig. 4 – Les entrepôts de Sirmium.1. Grenier public (?), loc. 30 (M. Mirkovič, Sirmium… cit., n. 58, p. 154, fig. 5) ; 2. Bâtiment A dans le complexe du palais, loc. 31 (N. Duval et V. Popovič, Sirmium VII… cit., n. 59, pl. H.T. I.).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
Légende Fig. 5 – Horrea fortifiés en Rétie, 2e moitié du IVe siècle.Veldidena (M. Mackensen, Die Innenbebauung…, p. 508, fig. 15) ; Schaan (Ibid., p. 510, fig. 17) ; Lorenzberg (Ibid., p. 507, fig. 14) ; Goldberg (Ibid., p. 506, fig. 13). Horrea des camps du limes danubien : Boljetin, Ier s. et Taliata, IVe et VIe s. (P. Petrovič et M. Vasič, The Roman Frontier…, p. 25).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 67k
Légende Fig. 6 – Les caricatori en Sicile au XVIIIe siècle.
Crédits G. Giarrizzo et E. Iachello (dir.), Le mappe della Storia, Milan, 2002, carte 61.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Légende Fig. 7 – Le réseau des trazzere.
Crédits D’après une carte de la Sicile exécutée sous la direction de B. Marzorella, Naples, 1853 dans G. Giarrizzo et E. Iachello (dir.), Le mappe della Storia, Milan, 2002, carte 59.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 55k
Légende Fig. 8 – Le commerce intérieur du grain et les nouvelles fondations dans la première moitié du XVIIe siècle.T. Davis, La colonizzazione feudale della Sicilia nella prima età moderna, dans Storia d’Italia, 8, Insediamenti e territorio, Turin, 1985, p. 423.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 42k
Légende Fig. 9 – Vue de Messine.Cologne, 1571, coll. privée, détail. Le « Campo delle Vettovaglie » est signalé par le n° 146 ; le scarricadore, n° 145, se trouve près de la porte n° 66, à la gauche de laquelle on voit les pinnate.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 96k
Légende Fig. 10 – Plan du port de Messine.Carlos de Grunenbergh, Mecina, dal Teatro geografico antiguo y moderno del Reyno de Sicilia, Madrid, 1686 (Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación, Archivo General y Biblioteca, f. 17).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 106k
Légende Fig. 11 – Aire du pan de registro pour l’approvisionnement de Madrid au XVIIe siècle.J. U. Bernardos Sanz, Libertad e intervención en el abastecimiento de trigo a Madrid durante el siglo XVIII, dans B. Marin et C. Virlouvet (dir.), Nourrir les cités de Méditerranée. Antiquité-Temps modernes, Paris, 2003, p. 372.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 58k
Légende Fig. 12 – Les installations du Pósito à Madrid au XVIIIe siècle.J. U. Bernardos Sanz, Trigo castellano y abasto madrileño : los arrieros y comerciantes segovianos en la Edad Moderna, Valladolid, 2003, p. 18 et 136.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32770/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 82k

© Publications de l’École française de Rome, 2016

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search