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L’Architecture morte ou vive

 | 
Pascal Dubourg-Glatigny

Chapitre 7. Permanence de la restauration

Texte intégral

De la paille aux pieds et un cercle autour soutiendrait le monde !
Paglia in piedi e cerchio tondo sosterebbe il mondo !
Brunetti,
Discorso intorno ai pericoli che minacciano la cuppola di San Pietro
BNM, Cl.
IV, 5522-661, fol. 681

Alléger et restaurer les structures

  • 1  Lettre de Bottari à Galiani du 8/2/1743 (BNSSP, XXXI-A-7, fol. 193-194).

1Les Trois mathématiciens étaient parvenus à un calcul des forces ayant démontré l’insuffisance structurelle de la coupole. Mais ce calcul ayant conduit à un non-sens, ils pensèrent qu’il conviendrait de doubler les résistances défaillantes. Leur thèse évoquait suffisamment un défaut de construction pour qu’on y entrevît une critique des architectes ayant dirigé le chantier. Ils suggéraient trois « classes » d’interventions conservatoires. La première relevait de la pose de cercles, « la plus efficace et la plus opportune » de toutes. La seconde classe concernait un renforcement du poids au niveau du tambour soit en construisant un nouveau mur intérieur, soit en occultant les ouvertures : un contrepoids était nécessaire. Ils abandonnaient l’idée de combler la maçonnerie et, pour servir la deuxième classe, préféraient l’insertion de trois cercles enclavés dans la maçonnerie. Ceux-ci devaient être complétés par la construction d’éperons. La troisième classe consistait à alléger la coupole en certains endroits. Ils proposaient ainsi un éventail de remèdes relevant de principes dont les effets devaient se combiner. À la suite d’une démarche scientifique fondée sur le calcul, ils élaboraient une solution rationnelle (déterminant le nombre et le lieu des chaînages), motivée par un certain sens commun (le doublement des résistances). Ce mélange des registres démonstratifs constituait l’une des causes de l’avalanche de contre-propositions qui allait suivre leur premier rapport. Elles se présentaient sous des aspects les plus variées et parfois, les plus contradictoires. « Certains des architectes – parmi les plus experts et les plus sages- ont beaucoup de difficultés avec les restaurations proposées [par les Trois mathématiciens] » écrivait Bottari à Galiani1. Il était en faveur d’une position d’observation consistant en la pose de témoins. Le colmatage des fissures lui semblait « approprié et prudent et, en supposant qu’elles s’ouvrent à nouveau, ce dont je doute et je crois plutôt que non, les nouvelles ouvertures fourniraient de grandes lumières ». L’élaboration des solutions de restauration, après l’appareil très lourd suggéré par les Trois mathématiciens, se déroulait donc sous la pression d’une modération souhaitée par un parti non-interventionniste.

  • 2  AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19.
  • 3  AFSP, Arm 17, D, 12, fol. 3r.
  • 4  Poleni 1748 : § 89.
  • 5  AFSP, Arm. 1, A, 3 (56), fol. 230r. Voir également la communication du cardinal Del Monte au pape (...)
  • 6  Respectivement AFSP, Arm. 27, C, 390 (n° 1575-1584) et AFSP, Arm. 12, D, 4b, fol. 972v.
  • 7  Brunetti, Discorso intorno ai pericoli… (BNM, Cl. IV, 5522-661, fol. 688).
  • 8  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxv.

2Si la masse générale de la coupole était trop importante ou disproportionnée par rapport au support que constituait l’ensemble composé du tambour, des contreforts et, en dernier recours, des piles, il semblait logique de chercher à l’alléger. La couverture de plomb et le lanternon constituaient les meilleurs candidats à cette opération. On avait envisagé un moment, vers la fin du XVIe siècle, de couvrir la coupole de cuivre pour en réduire le coût2, mais c’est finalement le plomb qui avait été choisi. La couverture métallique fut réalisée au même moment que la construction du lanternon, mais les côtes de la coupole, comme s’il s’agissait d’éléments autonomes, ne reçurent leur couverture qu’en février 16063. Pour Poleni, la couverture métallique (pesant plus d’un million de livres) répondait aux efforts latéraux4. Sa fonction architectonique ne pouvait être discutée. Chacun semblait avoir oublié qu’en 1624 déjà, Maderno avait fait ôter une partie du métal de la couverture. Cette opération ne répondait pas à des exigences statiques mais visait à résorber la pénurie de fournitures afin de réaliser le baldaquin de Bernin mais aussi la grille du suaire et du ciboire5. La soudure des plaques de plomb entre elles composant cette carapace posait également des problèmes récurrents. À plusieurs reprises, on avait dû la réparer. En 1699, puis en 1718 et 1719, on avait substitué les plaques endommagées par de nouvelles6.Saverio Brunetti proposait plusieurs mesures : démanteler les plombs de la couverture, construire des murs dans le couloir le long des contreforts, recercler la coupole et remplacer les contreforts « désormais amoindris et inutiles »7. Comme Brunetti ne raisonne qu’en poids et non en forces, il assure que la charge des seize nouveaux murs serait compensée par le remplacement du plomb par du cuivre. On en tirerait même un avantage. Pour les Trois mathématiciens, cette opération n’aurait allégé l’édifice que de 1/48 de son poids, ce qui était négligeable8.

  • 9  Poleni 1748 : § 403 ; BNM, Cl. IV, 5528-667.
  • 10  BNM, Cl. IV, 5527-666.

3D’autres avaient une position plus radicale et suggéraient de démonter des parties entières de l’édifice. Cela aurait cependant conduit à des modifications essentielles de l’apparence. Les mathématiciens napolitains étaient favorables à l’ablation du lanternon, même « s’il fallait ôter à l’édifice le principal et plus, le meilleur ornement »9. Ils proposaient de le remplacer par une flèche abritant une petite chapelle en bois. Manfredi considérait également que le lanternon constituait une « grande surcharge et aidait la coupole à renverser vers l’extérieur les murs du tambour dans le sens des contreforts »10. Cette situation statique était très différente de celle de la coupole de Florence dans laquelle « le lanternon, selon le mode d’intervention [de Brunelleschi] avec sa compression, aidait les murs du tambour à se maintenir détachés et les empêchait de se réunir ».

  • 11  Chiaveri 1767 : vi.

4Chiaveri considérait que les contreforts ne pouvaient jouer leur rôle, étant « placés sur la voûte du corridor […] et n’ont pas le pied sur le sol ferme »11. Quand bien même le seraient-ils, ils « n’en seraient pas moins invalides, car leur épaisseur n’est que de trois palmes et ¼, incapables de résister à la poussée de cet édifice ». Ils étaient à la fois trop pesants et inefficaces. Il suggérait de les réduire à une seule colonne, mais de la solidariser avec le corps du tambour, en l’armant d’une structure métallique. Le lanternon devait aussi être allégé, mais sa forme « de bon contours », méritait d’être conservée. Pour chacun de ses contreforts, il estimait nécessaire d’ôter une colonne.

  • 12  BNSP, Lettre de Bottari à Galiani du 08/02/1743, XXXI-A-7, fol. 193r-19
  • 13  Cité par Poleni 1748 : § 458.
  • 14  Vanvitelli, Breve parere… (BNM, It. IV 672-5533, fol. 2v). Sur l’évolution de la position de Miche (...)
  • 15  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxiv.
  • 16  Ibid. : xxxv.
  • 17  Lettre de Boscovich à Poleni du 25/01/1743 (BNM, It. X, 304-6544).
  • 18  Poleni 1748 : § 270.

5L’opération la plus élémentaire de restucage des fissures et le rejointement des briques recueillait le consensus. Elle permettait en outre d’alléger les esprits, en masquant les marques les plus visibles d’une faiblesse statique. Même Bottari y consentait pleinement12. Mais cette opération était clairement insuffisante. Vanvitelli fut le premier à suggérer l’importance du renforcement des contreforts, à titre préventif13. Cela passait par une série de constructions à l’intérieur du corridor du tambour, derrière chacun d’eux, maintenues solidairement par des tirants. Elles seraient invisibles de l’extérieur. Ces contreforts devaient cependant être renouvelés « en conservant seulement la proportion et la symétrie des deux colonnes ». Il fallait ensuite grever le sommet des contreforts pour mieux équilibrer la charge oblique des côtes. Vanvitelli cherchait en outre un autre moyen de surcharger les contreforts sans modifier l’apparence matérielle ou conceptuelle de l’édifice. Cela pouvait intervenir par la pose « de très nobles ornements comme des statues ou des consoles », en suivant « l’idée plausible déjà envisagée depuis le début par Michel-Ange et les autres hommes de qualité qui lui succédèrent »14. Il suggérait enfin de charger l’intérieur du tambour : en condamnant et remplissant certains des escaliers en limaçon et en construisant un mur dans le corridor, à l’endroit où se trouvent les piles. Les Trois mathématiciens, ayant eux aussi identifié dans les faiblesses du tambour les périls les plus aigus, militaient pour le renforcement des contreforts. Ils reprenaient là une grande partie de la proposition de Vanvitelli et la radicalisaient. Il fallait reconstruire les contreforts et élargir leur base « au moins d’une palme »15. En outre, il fallait s’assurer qu’ils fissent contrepoids. Ce but pouvait être atteint en les couronnant d’une statue qui servirait « de poids et d’ornement », une modification qui, comme le disait Chiaveri mais avec d’autres mots, eût mis en œuvre les intentions de Michel-Ange « comme on le voit dans un dessin ». Cette mesure n’aurait augmenté le poids de l’édifice que de 1/6016. L’opération de substitution elle-même, selon Boscovich, n’aurait entraîné aucun risque « puisqu’ils gravitent vers l’intérieur et non vers l’extérieur » et que, comparativement, l’insertion des cercles dans le tambour « ferait plus de force qu’un seul contrefort ôté pendant quinze jours »17. On n’évaluait pas le rapport des forces selon les seuls équilibres synchroniques mais aussi dans leur durée. Santini était également favorable à la reconstruction des contreforts et à leur agrément par des statues qui auraient eu « le double effet de la résistance et de l’ornement »18.

  • 19  Rizzetti 1744 : 12-13.
  • 20  BAV, Cicognara V-3849, int. 2, doc. 15.

6Rizzetti développait une idée similaire avec son système de « barbacanes », un terme qui désigne, dans l’usage vénitien, un élément architectural saillant par rapport au massif. En contrebas du tambour, à la base de la coupole, sur les arcs qui séparent la nef des bras du transept, il s’agissait de construire des structures de contrepoids, deux dans l’axe de chacun des quatre piliers19. Giovanni Amico avait une idée similaire, qui se traduisait par la construction de quatre petits lanternons, placés à la circonférence de la coupole, au niveau du tambour qui « feront office de dauphins »20. Ces « dauphins » ne sont autre chose que ceux dont parle Vitruve dans sa description de la machine hydraulique (Livre X, ch. VIII) et qui furent interprétés à la Renaissance comme des leviers ou contrepoids. Ils devaient être reliés avec le corps de la coupole par des chaînons de pierre constitués de voussoirs spéciaux dont il fournit le modèle.

  • 21  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 76).
  • 22  Poleni 1748 : § 564.

7Dès son premier rapport, Poleni se prononçait contre ces mesures de contrepoids pour lesquelles il éprouvait une « aversion » à la seule pensée de la surcharge qu’elles auraient entraînée. Il n’en voyait pas l’utilité, « puisque dans les contreforts, la partie la plus élevée est celle qui présente la moindre résistance »21. S’il prenait acte de l’intention de Michel-Ange, connue à travers ce dessin, il signalait que ce document ne témoignait pas de l’évolution probable de la réflexion de l’architecte en cours d’exécution : « ceux qui n’ont pas posé les statues, auront eu leurs raisons qui ne peuvent avoir relevé d’une simple économie ». Ces mesures « d’accroissement » avaient pour principal défaut de réaliser « l’union du neuf avec le vieux »22.

  • 23  Cité par Poleni 1748 : § 437.
  • 24  Poleni 1748 : § 416.

8Le père Revillas estimait plus simplement qu’il fallait resolidariser les contreforts avec le tambour. En murant une partie du corridor, on parvenait à cette fin, laissant cependant un passage circulaire exigu mais suffisant23. Plus particulièrement, il s’agissait de recentrer les forces sur les huit contreforts qui correspondent aux piliers, afin que la coupole ne reposât pas seulement sur les arcs mais plutôt sur les piles. Si la partie aérienne de la coupole concentrait les suggestions d’allégement et de renforcement, certains revenaient au termes du débat de 1680. Le cavaliere Milanais regardait le comblement des escaliers des piliers mais aussi celui des niches comme nécessaires24. La réactivation de la critique à Bernin n’échappait à personne.

  • 25  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 64).

9Pour Poleni, le renforcement des arcs constituait la mesure la plus urgente : il fallait combler les fissures et resolidariser leurs lèvres par des crochets de bronze afin qu’ils ne cèdent pas plus. En certains lieux, il fallait tailler les fissures afin qu’elles suivent des formes régulières dans lesquelles on pourrait introduire de petits cailloux ciselés et enrobés d’un solide mortier25. Dans ce domaine, c’est la modération qui l’emporta donc, appuyée par la crainte de modifier l’apparence d’un édifice qui n’avait trouvé sa physionomie définitive qu’avec peine mais qui désormais appartenait pleinement au paysage architectural romain.

La querelle des cercles

  • 26  Cité par Poleni 1748 : § 458.

10Le premier rapport officiel sur la restauration de la coupole était celui de Vanvitelli. En septembre 1742, il recommandait déjà la construction de trois ou quatre cercles supplémentaires de maintien. Un premier devait prendre place à l’endroit où se trouvent les deux cercles insérés au moment de la construction et dont Vanvitelli supposait alors qu’ils étaient brisés. Cela constituait une phase de restauration invisible de l’extérieur. Elle devait être complétée par une opération de réhabilitation. Deux autres devaient en effet maintenir la coupole extérieure à l’imposte et un dernier au niveau de la corniche du tambour26. Ces cercles devaient être encastrés dans la maçonnerie. Le chaînage revêtait, selon l’emplacement auquel on posait les cercles, différentes fonctions : soit il visait à conforter des structures déjà existantes, soit il les redoublait.

  • 27  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxii.

11La stabilité du tambour était pour beaucoup d’intervenants préoccupante. Les Trois mathématiciens estimaient qu’on « aurait pu la rendre plus stable au moment de la construction, en unifiant sa base en un seul massif, sans la percer d’un corridor si grand et si élevé et en épaississant les murs des contreforts trop menus »27. Cette remarque fut interprétée comme une critique voilée de l’œuvre de Michel-Ange. On ne pouvait cependant revenir en arrière. Il était inutile de remplir le corridor et, de même, le remplissage des quatre escaliers en limaçon des piles n’aurait servi à rien contre « la force qui ouvre verticalement le tambour et serait trop faible contre l’autre qui le pousse vers l’extérieur ». Pour réunir le socle, ils suggéraient plutôt le chaînage au moyen de trois dispositifs métalliques munis de chaînes et de palets.

12Les Trois mathématiciens suggéraient la construction de trois cercles de maintien : un premier à l’imposte, un second au centre et un troisième au col du lanternon. Le premier devait avoir une largeur d’au moins cinq onces (8,8 cm) et une épaisseur de trois onces et trois minutes (6,33 cm). Celui-ci parviendrait à retenir une force de trois millions de livres. Un couple de cercles devait être placé au col du lanternon : un sur la coque extérieure et un autre, au-dessous, au sommet de la coupole intérieure. Ils devaient prévenir l’affaissement de la structure. Un dernier cercle devait prendre place au milieu de la coupole ; il éviterait le renversement vers l’extérieur des côtes de la coupole au niveau du tambour.

  • 28  Santini 1743 : xiii.
  • 29  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 68).

13Nombreux étaient ceux qui suggéraient la construction des cercles. Pour Santini, c’était la seule mesure possible. Il fallait commencer par l’attique du tambour, puis l’intérieur et l’extérieur du corridor en réunissant les deux par des tirants, et enfin enchaîner les contreforts au massif du tambour : « les cercles les plus forts devaient être insérés aux niveaux présentant le moins d’ouvertures »28. Le système aurait ainsi créé une sorte de cage métallique retenant en son sein la structure en maçonnerie ; il appelait cette armature « le panier ». Cette proposition avait été soutenue par Fuga lors du congrès qui avait également indiqué la manière de procéder. Poleni ne voyait pas « les raisons de ce projet, ni la manière de le mettre en œuvre »29.

  • 30  Ibid., § 65.
  • 31  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 28).
  • 32  Poleni, Aggiunta… (BNM, It. IV 5520-659, § 10).

14Dans son premier rapport, Poleni considérait les choses avec calme. Le cerclage était nécessaire mais non urgent. Il fallait « aider » le tambour en plaçant un cercle inférieur, sous la base des contreforts, et un autre supérieur, à la base de l’attique. Comme les Trois mathématiciens, il prévoyait également une structure métallique de maintien de la coupole : un cercle extérieur au-dessus des fenêtres inférieures et un autre au col du lanternon. Il pensait en outre qu’il était possible de réparer les deux cercles déjà en place. Au total, quatre nouveaux cercles étaient nécessaires. Poleni avait « compris et appris des spécialistes de l’art que les chaînes de fer, ajustées aux endroits adaptés, maintiennent convenablement les arcs de pierre »30. Cette solution ne provenait pas du corpus scientifique et, pour cette raison, les Trois mathématiciens n’en avaient pas pris acte. Ils avaient initié d’interminables cogitations théoriques sur la résistance des métaux à la torsion circulaire. Les uns et les autres leur avaient répondu par un mélange de textes savants sur la résistance des matériaux mais aussi sur la composition fibreuse des muscles. Poleni était également entré dans le débat, rapportant plusieurs de ses expériences qui remettaient en cause l’application de certaines théories pour des raisons conjoncturelles. Cette résistance, dans le cas de l’architecture, ne pouvait être exactement calculée mais seulement approchée. Il indiquait que, dans la « recherche de la force des cercles, on peut procéder par approximation et se servir de la proportion entre leur rayon et leur circonférence »31. Cette règle géométrique, provenant des connaissances du chantier, mettait en discussion l’universalité des savoirs les plus récents de physique. L’adresse dans l’exécution des cercles, le choix d’un fer de bonne qualité et la « perfection du travail » lui semblaient tout aussi importants que les calculs pouvant déterminer leurs dimensions. Il s’accordait cependant avec les Trois mathématiciens pour signaler la nécessité de la régularité de la forme. À son retour de Rome, il fournissait quelques détails qui tendaient également à simplifier la mise en œuvre32. Tous les cercles, quel que soit leur emplacement, devraient présenter une hauteur de cinq onces (8,8 cm) et une largeur de trois (5,28 cm), voire « un tantinet plus ». En comparaison avec les cercles actuels, dont l’inférieur fait trois onces et quatre minutes (6,68 cm) sur deux onces et deux minutes ½ (4,39 cm), et le supérieur quatre onces (7,04 cm) sur deux onces et trois minutes (4,57 cm), « il est clair que la solidité des nouveaux sera supérieure ». Ils devront être composés de vingt-deux ou vingt-trois parties, alors que les anciens sont constitués de seize seulement. Ainsi aucune des plaques ne « sera d’une dimension supérieure à l’espace qui sépare deux côtes » et s’adaptera plus souplement à la courbe effective de la coupole.

  • 33  Chiaveri 1767 : iv.
  • 34  Cité par Poleni 1748 : § 415.
  • 35  Rizzetti 1744 : 9.

15Pour Chiaveri, « ces quatre ou six fragiles chaînes donnent l’impression de béquilles à un infirme »33. Le cavaliere milanais exprimait certains doutes sur la possibilité réelle de calculer la résistance des cercles qui seraient posés. En effet, un corps sous la traction perdait sa résistance théorique, puisqu’il était soumis à l’accélération du mouvement34. Rizzetti affirmait avoir « trouvé des informations qui accusent ce remède comme faux », sans autre forme de procès. Comme si les cercles « pouvaient mettre hors de péril l’infirme, et le médecin se dispenser des visites »35.

  • 36  BNSP, XXX-A-6, fol. 220r.
  • 37  Scritture… 1744 : 50-51.

16Mais le remède des cercles fit l’objet d’une contestation structurée, organisée par Bottari en plusieurs étapes. La maquette de Michel-Ange ne portait aucune trace de la présence de chaînage. Cette argument était si évident que personne n’y eut recours. Mais l’imaginaire que cette maquette suscitait, plus fétiche hypnotique désormais que document historique, déterminait les termes du débat. Cette opposition n’était pas seulement fondée sur la crainte des « grands tourments » que cette opération aurait provoqué sur l’édifice et du surpoids qu’elle allait entraîner sur les fondations36. Elle employait une opposition de forme, comme Bottari les aimait et qu’il sut si bien mettre dans la plume de l’éditeur des Scritture : les cercles ont été recommandés par Poleni non « par leur nécessité à la réparation de la coupole – qui ne menace point de s’effondrer prochainement – mais pour l’assurer à l’avenir d’une infortune sinistre comme, par exemple, une secousse de tremblement de terre »37. Selon lui, les cercles posés au moment de la construction n’avaient pas une vertu statique mais préventive. Plusieurs des cercles proposés par les Trois mathématiciens n’avaient pas été jugés nécessaires par Poleni mais l’éditeur les considérait catégoriquement nocifs. Par exemple, pour placer le premier à la base des contreforts et le second à la base de l’attique, il aurait fallu entailler le travertin d’une palme de hauteur et prévoir en outre trente-sept alvéoles de deux palmes (42,4 cm) de hauteur pour y placer les boulons.

  • 38  Bottari 1845 : 57.
  • 39  Nelli 1753.
  • 40  Di Teodoro 2011 : 151-177.
  • 41  Sgrilli 1733 : xxviii.

17La lutte de Bottari se fondait également sur une comparaison historique aux relents campanilistes. La coupole de Sainte-Marie-de-la-Fleur de Florence en était l’instrument. Selon Bottari, « la fissure qui prend toute la coupole est peut-être plus grande que celle de Rome, on y a jamais aucunement remédié et elle n’a jamais fait soupçonner qu’elle puisse tomber ». Il niait en bloc que la présence de lézardes indiquât un danger et rejetait catégoriquement le recours au chaînage des coupoles. Dans les Dialoghi, il mettait dans la bouche de Maratta une réflexion pleine d’ironie à l’égard de ceux qui, au XVIIe siècle, avaient envisagé le chaînage de la coupole de Brunelleschi : « c’est une chose digne du rire et de la compassion, comme si ce cercle de fer pouvait la secourir si elle s’affaissait véritablement ! »38. En effet, une commission convoquée en 1695, composée de savants et d’architectes, dirigée par Giovanni Battista Nèlli39, alors à la tête de l’œuvre de la cathédrale, avait préconisé la construction de quatre cercles de fer40. Les cercles furent commandés mais, pour une raison encore peu claire, ne furent pas installés. Le remède avait sans aucun doute paru inadapté ou inutile, ce qui expliquait la lecture que Bottari faisait de cet événement. En outre, dans les milieux florentins du XVIIIe siècle, nombreux étaient ceux qui pensaient que la coupole de Saint-Pierre avait été construire sans cerclage. L’architecte Bernardo Sgrilli avait publié en 1733 une impressionnante collection de plans et élévations de la cathédrale de Florence. À l’occasion de quelques comparaisons entre des édifices célèbres, il affirmait que « la coupole vaticane, dont la connexion [entre les deux coques] est si importante qu’elle s’est maintenue stable et forte pendant tant de siècles, sans aucun cerclage de fer, chose que l’on ne pratique guère que dans les coupoles plus petites » (fig. 19)41.

  • 42  BAV, Cicognara V-3849, 7.

18Bottari, à travers ses amis florentins, avait exhumé des archives un manuscrit de 1720 constituant une réfutation en règle du chaînage des coupoles en général et de celle de Brunelleschi en particulier42. L’ingénieur Bartolomeo Vanni était l’auteur de ce réquisitoire. Intitulé Discours sur la stabilité de la coupole de Sainte-Marie de la Fleur, contre les fausses rumeurs qui se sont répandues à Florence, ce texte préfigurait l’ambiance qui régnerait à Rome dans les années 1740. Il se fondait sur une argumentation historique, citant abondamment Vasari et Baldinucci. Une grande partie de sa dissertation était en effet consacrée à la polémique de 1680 autour de la stabilité de la coupole de Saint-Pierre, dont il tentait de retracer l’origine. La question était plus historique que technique et trouvait son explication en termes d’intention et de réputation des acteurs. Il écrivait :

  • 43  B. Vanni, Discorso sopra la stabilità della cupola… (BAV, Cicognara V-3849, 7, fol. 4).

Bien que Michel-Ange eût travaillé et élevé ce terrible édifice avec tant de science et de substance, avec tant de doctrine et de sûreté, avec tant de mesure et de prévenance, il n’en eut pas moins jusqu’à la mort des contradictions même de ceux qu’il avait grandement gratifiés, comme Guglielmo della Porta43.

  • 44  Ibid., fol. 7v.

19L’ingratitude à l’égard du florentin était sans limite. Après ce long exposé, il lui semblait possible d’étendre la réflexion « en appliquant ces très vrais récits à notre coupole de Sainte-Marie-de-la-Fleur, on verra qu’il lui est arrivé la même chose »44. Il en concluait une théorie des cycles, constatant que ces débats avaient eu lieu en 1670 puis en 1695 et cette année, « ce qui veut dire que tous les vingt-cinq ans environ, ces contradicteurs pullulent à nouveau ». Les controverses autour des coupoles suivaient des cycles historiques et ne naissaient pas des périls statiques des édifices. Enfoui derrière une délégitimation de l’observation statique, son but visait à rétablir « l’autorité de Brunelleschi ».

20L’insertion d’une nouvelle chaîne aurait été inutile et nuisible :

  • 45  Ibid., fol. 17).

Elle ferait ou pourrait faire que la coupole ne se rompe : à ces points, ou disons à ce lieu circulaire, où l’on a l’intention d’appliquer la chaîne, à ce lieu en effet immédiatement au dessus de la chaîne, [la coupole] se romprait et ferait une grande fissure horizontale à la manière d’un grand cercle. Alors que si on la laissait en liberté, cette rupture n’interviendrait en aucune manière45.

Fig. 19 – B. Sgrilli, étude comparée de la courbure de plusieurs coupoles (Descrizione e studi dell’insigne fabbrica di Santa Maria del Fiore, Florence, 1733). Bibliotheca Hertziana – Max-Planck-Institut für Kunstgeschichte.

21Il considérait en fait que la chaîne pourrait avoir la fonction de redresser la coupole, et n’acceptait pas qu’elle pût prévenir l’évolution d’un mouvement ultérieur. En outre, la chaîne ne pouvait exercer une force continue et semblable en tous ses points d’appui, sa force était irrégulière.

  • 46  B. Vanni, Discorso sopra la stabilità della cupola… (BAV, Cicognara V-3849, 7, fol. 16v).
  • 47  Ibid., fol. 2v-3.
  • 48  Di Teodoro 2011, notes 30, 81. Si Poleni a pu imaginer une tentative de dissimulation, on trouve c (...)

22Dans son souhait de souligner la cohérence statique pensée à l’origine, Vanni n’oubliait pas de mentionner que « l’adhésion des parties qui est d’une force très grande, les liens et les chaînes posées par Brunelleschi en différents endroits considérés comme les plus opportuns et ceux dont la résistance est la plus défaillante »46. On savait cependant que les chaînages avaient été réalisés par Lorenzo Ghiberti dont Vanni affirmait « qu’il n’était même pas capable de dessiner les ponts »47. Cette information était savamment distillée par Bottari qui ne dévoila cependant pas sa source. Afin de compléter l’information, Poleni demanda en 1744 à ses amis florentins de retrouver cette documentation dans les archives locales, ce qui leur couta une grande peine48.

  • 49  Poleni, Aggiunta… (BNM, It. IV 5520-659, § 14).
  • 50  Lettre de Poleni à Bottari du 2/08/1743 (Bottari 1822 : IV, 157).
  • 51  Ibid. : IV, 160-162).
  • 52  Sgrilli 1733 : xx.
  • 53  Sgrilli 1733 : xxii.

23Le cerclage était pour Poleni la seule manière de protéger durablement la coupole : « de très nombreux personnages très estimables ont consenti à l’utilité des cercles. Chacun sait que ceux qui voient la vérité l’approuvent »49. Il s’était rendu à Florence à l’été 1743. Il écrivait à Bottari qu’il avait bien observé la coupole de Brunelleschi « et qu’il n’avait pas manqué de combiner les données de cette coupole avec celle-là pour tirer profit d’une convenable combinaison d’idées »50. Il renvoyait également Bottari à la lecture de l’ouvrage de Sgrilli, « de patrie florentine » prenait-il soin de lui signaler51. Malgré l’erreur de Sgrilli sur le chaînage de la coupole vaticane, l’ouvrage présentait un intéressant chapitre plaidant pour la cause de Poleni en faveur des structures de maintien. Sgrilli y présentait en détail le chaînage en bois de la coupole florentine, placé à l’imposte dans la maçonnerie, composé de « vingt-quatre travers de chêne, avec redoublement en bois enrobé de fer » (fig. 20)52. Il dévoilait également le système de tirants traversant le chœur de l’église, destiné à contrebalancer les forces horizontales : « tout l’édifice reste enchaîné à chaque pilastre de la nef centrale, il y a une grande chaîne de fer, unie à un chaînage en bois armé de fer, placé sur les arcs des nefs mineures »53. Il évoquait le système de « tribunes mortes » faisant office de contreforts et construites quelques années après l’achèvement de la coupole. La coupole florentine possédait donc bel et bien une structure de maintien des forces, pour partie masquée et pour partie visible.

Fig. 20 – B. Sgrilli, plan attestant la présence d’un chaînage dans la maçonnerie de la coupole de Sainte-Marie-de-la-Fleur (Descrizione e studi dell’insigne fabbrica di Santa Maria del Fiore, Florence, 1733). Bibliotheca Hertziana – Max-Planck-Institut für Kunstgeschichte.

  • 54  BNM, It. IV 674 (5535), fol. 7v.
  • 55  Fontana [1696] 1977 : 73-77.
  • 56  Temanza 1752 : 16-17.
  • 57  BNM, It. IV 674 (5535), fol. 1r.

24Cet argumentaire ne convainquit guère Bottari qui attisa les braises sous les partisans du cerclage progressivement assimilés à des ignorants de la leçon de Brunelleschi et à des détracteurs de Michel-Ange. Pour mieux se prémunir de ces critiques, Poleni commença à dresser une liste de « ceux qui approuvent l’usage des cercles »54. On compte parmi eux plusieurs membres de la commission florentine de 1695 : le savant collectionneur Nèlli, Vincenzo Viviani, disciple de Galilée et Giovanni Battista Foggini, le sculpteur florentin, par ailleurs père de Pier Francesco qui partagea le destin de Bottari au Palais Corsini. Tous avaient recommandé de cercler la coupole. L’année suivante, Francesco Fontana, fils de Carlo, avait émis un avis similaire55. Parmi les autorités, Poleni avait retenu l’architecte Jacopo Sansovino, un autre florentin. En 1529, il avait restauré la coupole de Saint-Marc et son intervention était devenue si célèbre qu’on appelait ce chaînage « le cercle de Sansovino »56. Poleni comptait les troupes ensuite, de ceux qui, à Rome, étaient également favorables : Brunetti, Santini, Boscovich, Le Seur, Jacquier, Cosatti, Barigioni, Theodoli, Ghezzi, Salvi, Hostini, Vanvitelli, Manfredi et Ricciolini. Cette recherche de consensus était importante : elle était à la hauteur de la nuisance générée par Bottari. Elle retrouverait une certaine actualité en 1747, alors qu’une nouvelle vague de contestations allait entourer la restauration conduite par Vanvitelli et Poleni. C’est alors que les assistants de ce dernier à Padoue écriraient que « les professeurs [i.e. les Trois mathématiciens] ont suggéré les cercles au marquis Poleni. Ainsi Poleni n’est pas coupable de ce qui est le fruit d’un jugement universel »57.

  • 58  Discorso sopra la cupola di San Pietro fatto a requisizione dell’Ill. Sig. Paolo Falconieri in ago (...)

25Le chaînage était une solution traditionnelle, cohérente avec le mode de construction de l’édifice. Elle n’induisait pas de rupture avec les paradigmes constructifs qui avaient présidé à son édification. Elle paraissait si évidente qu’on imaginait des cercles là où l’on n’en avait point placé. À la fin du XVIIe siècle, beaucoup pensaient que Bernin avait posé un nouveau cercle à la demande de Urbain VIII pour contenir la fissure visible dans le transept sud58. On considérait cette mesure de restauration comme découlant de la continuité historique.

La forme idéale

  • 59  Viscogliosi 2008 : 57-70.
  • 60  Cette narration de la supériorité du projet de Michel-Ange, bien qu’il ne nous soit à vrai dire co (...)
  • 61  Vanvitelli, Breve parere…, BNM, It. IV 672 (5533) fol. 1.
  • 62  Fontana 1694 : 315-316.

26La forme de la coupole, l’inclinaison de sa courbe, était un élément déterminant dans l’analyse des problèmes statiques que l’édifice rencontrait. Le souvenir de la proposition de Michel-Ange d’une coupole plus hémisphérique et moins ogivale était fort : il s’évanouissait cependant dans les mémoires, dans le sillage des modifications apportées par Vanvitelli à la coque externe de la maquette59. La proposition de Michel-Ange avait donc été dénaturée par Della Porta60. Vanvitelli, dans son rapport de septembre 1742, reprenait la question statique en liaison avec ce dessin de l’édifice. Il établissait que « la plus grande force de la poussée, raison des dommages, s’est produite dans la courbure du corps de la coupole et précisément à la fin de l’attique au-dessus du tambour, dans une direction oblique à cause du lanternon et de la courbure du cintre »61. Pour une fois, ce révisionnisme anti-della Porta ne pouvait trouver appui chez Carlo Fontana qui considérait qu’en « accroissant la courbure de la voûte en élévation, on obtint un meilleur contour »62.

  • 63  Benvenuto 1991 : II, 344-348.
  • 64  Bouguer 1736 : 149-166. Voir Radelet de Grave 1999 : 391-421.

27L’idée selon laquelle les coupoles possédaient des formes idéales, leur assurant stabilité et longévité, était fort répandue. Ce thème avait été introduit à l’Académie royale des sciences par Pierre Bouguer, un hydrographe ayant surtout publié sur la navigation maritime et la construction des vaisseaux63. Cette filiation intellectuelle n’est pas sans rappeler les fructueux rapports que la loxodromie avait entretenus avec le dessin architectural au XVIe siècle. La courbure des coupoles possédait un lien de famille avec la courbure de la coque des vaisseaux mais aussi, à un niveau plus général, avec la forme de la terre. Dans son article, Bouguer passait en revue les différentes formes que les dômes pouvaient adopter : la voûte conique (dite flèche ou aiguille), l’hémisphère (de préférence incomplète), celle qui tend à être plate… Il fournissait l’équation permettant de déterminer l’épaisseur de la maçonnerie d’une voûte donnée. Il indiquait comment savoir si les efforts reposent sur les voussoirs qui la composent ou sur les montants qui la supportent64. S’il affirmait que, seul le calcul pouvait répondre à cette question, il n’en fournissait pas moins une table à laquelle on pouvait se référer pour une plus grande commodité. Elle procurait la distance maximale séparant les voussoirs selon la largeur des dômes. Cette recherche fut ignorée par tous les participants à la polémique, même ceux qui fréquentaient le plus assidûment les publications des académies.

  • 65  G. et F. Poleni, Riflessioni sopra i danni…, BNM, It. IV 658 (5519), § 47, 48.
  • 66  Poleni 1748 : § 58.

28Poleni avait introduit la question du profil de la coupole (la figura) comme l’un des principaux thèmes de débat sur sa stabilité. Dès son rapport de mars 1743, il dévoilait le bagage théorique sur lequel sa réflexion prenait appui. La « caténaire, comme les géomètres ont l’habitude de l’appeler », enseignait la manière « d’assembler de nombreuses sphères afin qu’elles forment un arc ou une voûte en équilibre et qu’elles se soutiennent par la force de leur gravité »65. Dans les Memorie, il était plus prolixe sur le débat scientifique qui avait donné naissance à cette théorie : les apports de James Stirling et David Gregory y étaient exposés en détail (fig. 21). La littérature qu’elle avait suscité sur le continent n’était pas oubliée66.

  • 67  Ibid. : § 71-72.
  • 68  Poleni 1748 : § 70.
  • 69  Ibid. : § 75.
  • 70  Ibid. : § 85.
  • 71  Ibid. : § 85.

29La caténaire – souvent appelée chaînette en français – est la forme que prend un câble soutenu horizontalement à ses deux extrémités et soumis à son propre poids supposé uniforme. Sous l’effet de l’attraction terrestre, le profil qu’adopte alors le câble est contraint par une force constante en toutes ses parties. Les sphères, choisies par Stirling pour sa démonstration, constituaient l’exemple idéal : elles n’étaient en effet soudées entre elles par aucun emboîtement ni par aucun mortier, le point de contact était lisse et uniforme. Et pourtant elles restaient immobiles. Un fil imaginaire, traversant le centre de chacune d’entre elles, désignait la courbure de cette ligne. Leur équilibre démontrait donc la stabilité statique fournie par la seule forme de la courbe. Poleni observait en outre que, dans cette courbe, les inclinaisons inférieures étaient moins abruptes que celles supérieures : « l’inclinaison s’amenuisait »67. Stirling était parti de la forme convexe de la courbe, puis, afin de montrer l’influence qu’elle subissait par l’attraction terrestre, avait produit sa démonstration sur la courbe concave. Poleni proposait de renverser à nouveau la courbe pour qu’elle fournisse « le profil d’un arc bien résistant »68. La chaînette était un moyen réversible, malléable et sûr pour déterminer la stabilité d’un arc. On pouvait l’employer soit pour projeter une courbe soit « pour examiner un édifice déjà construit »69. Voici le grand apport théorique de cette proposition : on sortait d’un corpus de modèles pour élaborer un corpus de vérification (fig. 22). En outre, cette ressource possédait une grande souplesse d’utilisation. On pouvait la déterminer soit par des équations, soit par un instrument, soit encore par la trigonométrie70. Son usage convenait par conséquent à tous. Pour le constat, Poleni proposait deux méthodes : celle de la comparaison, en superposant la courbe idéale de la coupole selon le diamètre de son ouverture avec le relevé de la coupe en élévation du bâti en l’état actuel, soit la méthode par approximation. La difficulté résidait dans l’irrégularité de la constitution de la coupole « dont les parties varient sans suivre aucune loi certaine dans leur variation »71. Il reprenait le calcul de la masse de la coupole que les Trois mathématiciens avaient réalisé, toutefois en considérant ces variations négligeables. Poleni scindait la coque horizontalement en seize secteurs et, au moyen de la longueur des rayons, déterminait la masse de chacun d’entre eux. Ces masses étaient traduites en proportion de la masse totale. Parallèlement, il suspendait une chaînette composée elle aussi de seize fils supportant chacun une bille de plomb et reliés entre eux par de petits anneaux. Chacune de ces billes possédait le poids correspondant à celui déterminé dans le premier calcul : de telle manière que les seize secteurs de la chaînette étaient chargés dans la même proportion que la véritable coupole. Ainsi, la difficulté d’appliquer la règle de Stirling, élaborée avec des sphères de poids égal, était contournée. À travers la comparaison des deux courbes, celle déterminée par la chaînette et celle de la coupole issue des relevés sur place, on pouvait déterminer plus aisément les lieux sur lesquels les nécessités statiques imposaient d’intervenir : l’éloignement progressif vers l’extérieur du tiers central de la coque, le lanternon poussé quelque peu vers le haut par rapport à son emplacement idéal.

Fig. 21 – J. Stirling, Lineae tertii ordinis Newtonianiae, Oxford, 1717, annexe, p. 13.

Fig. 22 – Application de la chaînette à la coupole de Saint-Pierre. G. Poleni, Memorie istoriche..., Padoue, 1748, planche E. ETH-Bibliothek Zürich, Alte und Seltene Drucke.

  • 72  Poleni 1748 : § 79.

30Cependant, la solution de Poleni n’était pas une proposition orthopédique : il ne s’agit pas, à travers la description de la courbure suggérée par la chaînette, de restaurer une forme stable et équilibrée. Il s’agit simplement de déterminer les lieux les plus vulnérables en comparant la forme générale de la coupole établie par Fontana avec la forme idéale fournie par la chaînette. Le décalage chronologique est flagrant : comment pouvait-on supposer qu’en une cinquantaine d’années la situation n’avait pas évolué ? S’agissait-il d’un présupposé théorique ? À cet endroit, le duo Poleni-Vanvitelli ne citait pas ses sources et n’indiquait pas comment ils avaient procédé. Poleni faisait simplement part d’une conviction : « il est persuadé [que leur dessin] correspond à l’original avec une remarquable proportion »72.

31Si la méthode de la chaînette induisait une distorsion temporelle non négligeable, elle possédait un autre atout dans le contexte spécifique du débat sur la coupole de Saint-Pierre. Elle relevait du plus pur constat et ne pouvait être interprétée pour trancher la querelle qui opposait dommages et défauts. La chaînette était d’une neutralité absolue : elle ne décidait si pas si l’édifice avait évolué suite à des accidents extérieurs ou bien s’il avait été mal bâti, pire encore, mal conçu.

  • 73  Chiaveri 1767 : vii.

32Poleni n’était pas le seul à considérer la courbure de la coupole comme le véritable signe des désordres observés. Gaetano Chiaveri considérait la courbure actuelle de la coupole inadaptée et soulignait que « la principale poussée – et principal dommage – résultait de la courbure très diminuée de la coque intérieure »73. Il n’y avait à ses yeux qu’une solution : la démolir et la reconstruire. Elle se traduisait par une image dans laquelle il montrait l’envers et l’endroit de la nouvelle coupole, l’intérieur et l’extérieur (fig. 23). Cette opération devait s’accompagner de deux préoccupations persistantes : alléger et renforcer. À l’imposte, à l’endroit où les deux calottes se séparent, il fallait créer une doublure, adhérant à la calotte extérieure. Celle-ci devait présenter une armature intérieure ayant pour rôle de « contrebalancer » les forces et les occuli comblés. La forme de la coupole intérieure s’en serait trouvée modifiée. La nouvelle coupole, dont la courbe était fondée sur le système des « forces équilibrées », s’apparenterait désormais à celle du Panthéon. L’analogie n’était pas formelle mais statique.

  • 74  Marchionni, Confutazione al parere del Chiaveri…, AFSP, Arm. 52, A, 88, fol. 525r-530v.

33Ce texte fut diffusé en deux versions. Une première datant de 1744 et connue à travers le récit qu’en procure Poleni. Une seconde publiée en 1767 et qui fit suffisamment de bruit pour que la fabrique répondît. C’est le successeur de Barigioni, Carlo Marchionni, un protégé d’Albani qui se dévoua à cette tâche, agacé « de tout ce que l’affaire de la coupole vaticane avait ventilé au début du pontificat de Benoît XIV »74. Il jugeait la forme proposée « bien pire que celle actuelle ». Lier les contreforts avec le tambour ne les empêcheraient pas d’être suspendus dans l’air et obstruerait en outre une commode circulation. Si Chiaveri voyait les contreforts trop menus, Marchionni ripostait que « c’est la longueur et non la grosseur qui réagit à la poussée ». La question de la courbure était la plus épineuse. Si Chiaveri avait souhaité une courbure plus aiguë et plus stable, celui-ci ignorait – selon Marchionni – que « [Domenico] Fontana qui l’édifia la rendit trente-six palmes (7,63 m) plus aiguë que la maquette faite par Michel-Ange […]. On souhaiterait donc un peu plus de respect de la part de M. Chiaveri à l’égard de deux architectes si fameux ».

Fig. 23 – G. Chiaveri, Breve discorso circa i danni riconosciuti nella portentosa cupola di San Pietro di Roma, Pesaro, 1767 (rame terzo, parte esteriore e interiore della cupola).

  • 75  Brunetti, Discorso intorno ai pericoli…, BNM, Cl. IV, 5522-661, fol. 689.
  • 76  Poleni 1748 : § 259.

34Les discours sur la forme idéale de la coupole ne visaient pas seulement à analyser les problèmes statiques. Ils induisaient également de profondes propositions de restauration, impliquant des travaux lourds. Chacun avec son vocabulaire et son répertoire intellectuel, ceux qui les suggéraient étaient partagés entre deux rapports distincts à l’histoire. Peut-être recherchaient-ils une forme que la coupole avait connue et qui s’était dévoyée au cours du temps ? Ainsi Brunetti considérait comme « puissance naturelle valable » de restreindre le diamètre du tambour en comblant toutes les fissures et de la « restaurer à sa hauteur d’origine »75 par le remède des cordes mouillées dont nous avons déjà parlé. Poleni voyait derrière ce moyen le souhait de « rétablir la fabrique de son désagrément passé »76. Il y avait comme un désir d’effacer un funeste événement. Mais peut-être mettaient-ils en avant une forme que la coupole n’avait jamais eue et ouvraient alors à leur insu le grand livre des erreurs architecturales.

La restauration

  • 77  Un veridico compendio istorico… ., ASSM, A-1114-8, fol. 11.

35Poleni avait fixé un programme de restauration comportant trois opérations : la reprise des fissures des arcs par agrafage, le colmatage des fissures de la coupole et la reprise de l’enduit, la pose d’une armature composée de cinq cercles. En comparaison avec la proposition des Trois mathématiciens, le dispositif était considérablement allégé. Mais pour beaucoup – la comparaison à laquelle l’opinion publique se livrait procédant par simplification – ce qu’il proposait « vérifiait ce que Vanvitelli avait dit et trouvé et [fut] traduit en des termes mathématiques par les Trois mathématiciens »77.

  • 78  Lettre de Olivieri à Poleni du 3/7/1743, BNM, Cl. IV, 680-559, fol. 1-3.
  • 79  BNM, Cl. IV, 680-559, fol. 4-5.

36Au début de l’été 1743, Olivieri tentait d’établir un calendrier des travaux en liaison avec Poleni78. Fallait-il placer les quatre cercles cet été ou deux cette année et deux l’année suivante ? Et dans ce cas, par lesquels commencer ? Les quatre devaient-ils être placés simultanément ? Alors on devrait attendre l’été prochain que la commande soit entièrement livrée. On ne pouvait travailler que l’été, mais il était impossible de commencer avant le 29 juin, date de la fête de saint Pierre à l’occasion de laquelle on illumine toute la coupole. Le stucage des fissures devait-il avoir lieu avant, pendant ou après le chaînage ? L’établissement du modèle théorique de restauration avait laissé bien des questions sans réponse, en particulier liées à la temporalité. La succession des opérations, question fondamentale des arts depuis la Renaissance, avait été délaissée au profit d’une vision scientifique qui s’attachait aux phénomènes dans leur synchronie. Dans sa réponse, Poleni évoquait certes le calendrier, mais ne pouvait s’empêcher de repartir vers des considération plus théoriques. Sur la pose des cercles, il estimait important de commencer par les deux premiers. Mais la conclusion qu’il tirait de l’importance de lancer les travaux au plus vite peut étonner : « Dans ce genre de cas, la forme doit être une conséquence qui provient de la matière et de la finalité envisagée »79. La forme, de toute évidence ici, ne désigne pas la matière, mais la forme de l’intervention. Cette conception de la restauration exprimait en terme abstrait les priorités statiques dont découlaient les priorités conservatoires :

Bien qu’il s’agisse, pour ainsi dire, d’un édifice construit en l’air, je crois qu’il est raisonnable de commencer là où se trouve ce solide qui sert de fondations à la grande voûte et que le premier accroissement soit destiné à la robustesse de ces parties qui, étant inférieures, sont plus chargées du poids supérieur.

37En complément, le restucage des fissures devait intervenir après la pose des cercles, afin de servir de témoin à l’avenir. L’approche de Poleni pouvait sembler théorique ; il n’en ignorait pas pour autant les réalités du chantier et en particulier les limitations humaines qui en dépendaient. Selon lui, il était plus facile de mettre en œuvre les différentes mesures de restauration successivement, pour ne pas disperser la main d’œuvre inutilement. Cette fois encore, la vision théorique ne s’opposait pas à une approche pratique.

  • 80  BNM, It. IV 696-5566.
  • 81  Un veridico compendio istorico… ., ASSM, A-1114-8, fol. 6.
  • 82  Poleni 1748 : § 574.
  • 83  Ibid. : § 574.

38Le 24 juillet 1743, Benoît XIV nommait officiellement Vanvitelli responsable de « l’œuvre de la restauration »80. Bottari tenta de discréditer une nouvelle fois l’architecte, faisant courir la rumeur que le pape lui aurait donné personnellement l’argent destiné à la restauration. Cette somme fut en réalité confiée à Monseigneur Colonna di Sciarra81. Une grande partie des dépenses afférentes à la restauration ne provint donc pas de la fabrique mais de la chambre Apostolique. Les travaux s’enchaînaient bon train. Le 3 août, Vanvitelli informait Poleni de la livraison des pièces de fer. Elles provenaient des mines de fer de Conca, dont le gisement, situé vers Nettuno, s’étendait jusqu’à la mer. Les cercles étaient composés de « 35 plaques de fer, longues de 23 ou 24 palmes (4,87-5,08 m) […], d’une grosseur de 23 ou 24 palmes et hautes de 25 ou 26 palmes »82. Pour composer chaque cercle, il faudrait donc plus de pièces que ce que Poleni avait prescrit. Se voulant rassurant, ce dernier affirmait que la qualité dépendait plus de la perfection de l’exécution que du nombre initialement considéré. Plus encore : « la perfection des œuvres n’est pas liée à la seule exécution de toutes les parties appartenant aux premières idées, mais dépend également des retraits aptes à bien se substituer, si les événements fâcheux rendent une partie impossible à exécuter »83. L’adaptation aux circonstances constituait donc une valeur aussi importante que la rigidité des modèles ayant servi à mettre les prescriptions en œuvre.

39Olivieri jubilait. Les mauvais esprits qui avaient contesté l’utilité et le réalisme de la restauration lui paraissaient vaincus. Il écrivait à Poleni :

  • 84  Lettre de Olivieri à Poleni du 24/8/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 27r.

les travaux sont observés par les pseudo-mathématiciens avec des yeux livides. Il ne leur reste plus qu’à professer la difficulté de resserrer les cercles. Ainsi, pour les instruire, je me suis résolu d’en donner la preuve sur la place même, aux yeux du public. Les spectateurs de tout rang y affluent et, faisant preuve de satisfaction, applaudissent à une restauration si nécessaire84.

  • 85  Lettre de Olivieri à Poleni du 31/8/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 28r.
  • 86  Lettre de Olivieri à Poleni du 7/9/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 29r.

40La mise en scène se déployait. À la fin du mois d’août, Benoît XIV procéda à « l’inspection oculaire » des cercles sur la place et leur donna la bénédiction85. Le spectacle s’intensifia, et les éléments naturels s’en mêlèrent. Aux premiers jours de septembre, la foudre s’abattit sur la coupole, elle déplaça quelques plaques de la margelle du lanternon, perfora l’escalier qui conduit à la sphère et fit voler en éclat de nombreuses vitres86.

  • 87  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 9/9/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 30.
  • 88  Cité dans la lettre de Poleni à Vanvitelli du 9/10/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 37.
  • 89  La chronologie et les détails de l’intervention sont connus à travers trois documents successiveme (...)

41Ces péripéties n’inquiétaient pas Poleni. Les travaux se poursuivaient. Vanvitelli l’informait du système qu’il avait imaginé pour relier les trente-sept plaques composant le cercle (fig. 24). Il permettait un resserrement progressif mais « efficace » par l’assemblage réalisé au moyen de boucles dans lesquelles s’inséraient deux clavettes coniques placées en vis-à-vis qui, au gré de leur pénétration, rapprochaient les plaques voisines87. Mais l’efficacité de ce système était également source de préoccupations. Après avoir placé le premier cercle, Vanvitelli confiait à Poleni : « il est serré avec une telle efficacité qu’il effrite les aspérités du travertin et le réduit en poudre. […] Je m’aperçois de toute évidence que je pourrais réduire la tension jusqu’à la rupture »88. Poleni le rassurait en affirmant que les plaques présentaient une telle masse qu’elle ne pourrait en aucune manière être « vaincue » par les taquets. Toutefois, pour renforcer la jointure, Vanvitelli avait ajouté de son initiative quelques plaques de plomb89.

Fig. 24 – Vanvitelli, exposé du système destiné à relier les parties du cercle. Venise, Biblioteca nazionale Marciana, It. IV 680-5559, fol. 30.

  • 90  Lettre de Poleni à Bottari du 20/09/1743, Bottari 1822 : IV, 158.

42Parallèlement, Poleni poursuivait à l’automne 1743 sa tentative diplomatique de convaincre Bottari. Sa capacité de nuisance était désormais proverbiale. Il lui écrivait : « à propos du cercle de fer vu sur la place Saint-Pierre, j’espère qu’il s’avérera une œuvre bonne et utile ; mes réflexions ultérieures m’ont confirmé dans ma première opinion »90.

  • 91  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 18/4/1744, BNM, It. IV, 680-559, fol. 51r.
  • 92  Marconi 2009 : 991-999.
  • 93  Vanvitelli Jr 1976 : 24. Voir la lettre de Vanvitelli du 1/10/1754 cit. dans Di Stefano 1973 : 243 (...)

43La restauration des arcs était intervenue entre fin octobre 1743 et mai 1744, alors que, par la saison plus froide, on ne pouvait plus travailler les éléments de chaînage en fer. Elle s’insérait donc entre la pose des deux premiers cercles et celle des deux suivants. Au printemps 1744, Vanvitelli relatait la restauration des piles et arcs de Simon et Jude. Il se livrait à nouveau à une réflexion historique : « on y retrouva les coins en bois et les clous placés dans le stuc en d’autres temps, comme dans l’arc de la chaire, où se trouve l’ancienne fissure large de trois onces (5, 28 cm) dont on constata qu’elle avait été stuquée ; il faut donc vérifier les informations que nous avons de Vasari et de Serlio »91. L’arc de Véronique était celui qui, comme prévu, avait occasionné le plus de travail. Sa restauration s’était étendue sur un an, de l’été de 1744 à celui de l’année 1745. À l’imposte de la coupole, la fissure présentait une largeur de plus de quatre onces. À cet endroit, elle bifurquait et le mur se décomposait et exigeait d’être entièrement reconstruit. On dut procéder à une ouverture d’assainissement, si large qu’un homme pouvait la traverser et accéder à travers la muraille aux escaliers qui montent en haut du tambour, avant la séparation des deux calottes. Vanvitelli lui-même était passé par cet orifice. Le long de cette fissure qui courait à l’intrados, on retrouva des éléments métalliques, signes d’interventions antérieures. Ceux-ci se détachaient, emportant avec eux les tasseaux de mosaïque. L’intervention posait un problème d’accès. Pour y remédier, on réalisa un échafaudage en bois « qui – selon Vanvitelli – suscita une certaine admiration. Il descendait du lanternon, à l’intrados de la coupole jusqu’à l’imposte ». Zabaglia était l’auteur de ces prouesses d’infrastructures techniques92. Vanvitelli en revendiqua cependant la paternité, considérant que « les maquettes de Zabaglia étaient impossibles à réaliser »93. Ainsi cette portion de mur fut-elle refaite « à neuf ».

44Entre mai et juin 1744, on insérait donc les troisième et quatrième cercles, l’un au sommet de l’attique et à la naissance de la coupole (il traverse les côtes), l’autre au milieu de la coupole (il passe sous les côtes). À la fin de l’été, on plaçait le cinquième et dernier cercle, au col du lanternon. Les cercles furent resserrés simultanément, une fois qu’ils avaient tous pris place dans leur logement et que les arcs étaient restaurés.

La découverte du cercle rompu

  • 94  ASSM, A-1114-8, fol. 10.
  • 95  Seconda informazione, § 10, BNM, It. IV, 696-5566.
  • 96  Voir le protocole de la restauration du premier cercle en 1617 : AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19, fol. (...)

45Lors des visites au printemps 1743, Vanvitelli avait exprimé sa crainte que les cercles posés au moment de l’édification de la coupole fussent rompus. Mais Poleni s’opposa à ce que l’on en fît part au pape et qu’on rendît publique une affirmation non seulement hypothétique mais de surcroît particulièrement alarmante94. Lors du chaînage, en 1743-1744, la description des deux anciens cercles envoyée par Olivieri à Poleni ne mentionnait pas de dégradation particulière : on avait inspecté le premier, par les quatre trappes de contrôle aménagées à dessein. Le premier avait été certainement « posé au moment de la construction », mais il n’était pas exclu qu’ils aient été « ajoutés après le gros œuvre »95. Cependant, chacun était conscient du fait que les cercles requéraient un entretien constant. La documentation de la fabrique atteste des continuelles restaurations réalisées, à peine une vingtaine d’années après l’achèvement de la coupole96.

  • 97  Lettre d’Olivieri à Poleni du 6/5/1747 (BNM, It. IV 679-5558, fol. 1).
  • 98  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 19/5/1747 (BNM, It. IV 679-5558, fol. 13-14).

46Le 6 mai 1747, alors qu’on achevait la mise en place des cinq cercles, Olivieri communiquait à Poleni qu’on a découvert que l’un des anciens cercles insérés dans la maçonnerie était « arraché et rompu »97. Vanvitelli ajoutait peu après qu’une seconde rupture avait été détectée, plus large que l’autre, d’environ trois onces moins ½ minute (5,10 cm). Elle se situait à peu près vers le milieu du pilier de Véronique, en un endroit où le mur le recouvrant ne montrait aucun signe d’alerte98. Le cardinal Prospero Colonna di Sciarra, qui suivait les affaires de la coupole après la disparition de Leprotti, fut chargé d’enquêter. Quelques jours plus tôt, il avait conduit une visite avec les fabriciens.

  • 99  BNM, It. IV 679-5558, fol. 2.

Dans la coupole intérieure à la première marche – c’est-à-dire à l’extrados de la calotte interne –, […] on a découvert un morceau de chaîne à vif […] comme en témoignent les maçons et les ouvriers présents […] rompue, dont les deux morceaux sont éloignés d’environ 9 minutes ½ (3,32 cm) et décalés d’environ 7 minutes (2,45 cm), bien qu’ils soient toujours horizontaux […] tous les présents affirment qu’elle est dans l’état où elle était les années passées, lors des enquêtes sur les dommages de la coupole99.

  • 100  Ibid., fol. 5 ; 24r.
  • 101  Ibid., fol. 7.
  • 102  Ibid., fol. 16r.
  • 103  BNM, It. IV 674-5535, fol. 1v.
  • 104  BNM, It. IV 679-5558, fol. 17.
  • 105  BNM, It. IV 679-5558, fol. 27r
  • 106  Lettre de Poleni à Vanvitelli du 9/06/1747, BNM, It. IV 679-5558, fol. 48r.
  • 107  Lettre de Poleni à Olivieri du 16/6/1747, BNM, It. IV 679-5558, fol. 56v.

47Colonna demandait alors un nouvel examen et une mesure de la grosse fissure du pilier de Véronique. Cette fois, les ouvriers de la fabrique étaient largement impliqués dans l’enquête et leurs noms apparaissaient dans les archives, alors que dans la première phase de la polémique, durant les années 1742-1743, ils n’étaient restés que des acteurs anonymes. On assistait à un grand retour des praticiens en première personne et Vanvitelli proclamait à qui voulait l’entendre que tout cela était déjà annoncé dans son Parere di NN, rendu public le 10 décembre 1742, publié le 9 mars 1743 mais que personne ne l’avait écouté100. Colonna décidait de mettre à jour l’ensemble du cercle incriminé pour détecter la présence éventuelle d’autres ruptures et Poleni lui demandait de conjecturer, pour autant qu’il fût possible, l’âge de cette cassure ; il avançait également l’idée d’examiner le second cercle101. Le 19 mai 1747, on découvrait une autre rupture, de deux minutes ½ (0,87 cm) supérieure à la première102. Le 20 mai, le pape commandait à Colonna l’organisation d’une contre visite qui devait procéder à l’examen du second cercle. Selon Poleni, « les architectes », ce qui reste quelque peu vague, « répondirent qu’il n’était pas possible d’y procéder parce que le cercle est presque entièrement intégré dans l’intérieur et le vif du mur »103. Cette visite revêtait le caractère solennel qu’on avait connu quelques années plus tôt, alors que les faits établis par les Trois mathématiciens étaient contestés. Sous la houlette du cardinal Colonna, on retrouvait Olivieri, Vanvitelli, Marchionni, ainsi que Theodoli et Ghezzi qui avaient soutenu Vanvitelli quelques années plus tôt, enfin, un maître-maçon et un ferronnier. Le premier cercle était entièrement visible et ils procédèrent à son examen. Ils découvrirent une seconde fracture « qui n’est pas verticale comme l’autre, mais oblique et irrégulière »104. À cet endroit, aucune fissure n’était visible dans le mur. Se souvenant des anciens discours catastrophistes sur la nocuité du chaînage, les membres de la commission exigèrent des garanties des maîtres maçons. Eux qui avaient découvert cette rupture par hasard alors qu’ils remplaçaient des briques, durent jurer devant témoin, qu’elle n’était pas le fruit « d’un effet artificiel ou accident » survenu durant les travaux de restauration. Ces derniers répondirent quelque peu en décalage, prompts à défendre leurs anciens collègues, que le fer était d’excellente qualité et bien soudé et que le problème ne provenait pas de l’art mais de la « pression ». Vanvitelli considérait pour sa part qu’il n’était pas aisé de déterminer la date des ruptures car le fer ne présentait pas de traces d’oxydation. Il pensait que l’accident était le fruit de la foudre ou d’une secousse sismique, peut-être celle qu’on avait connue en 1703. Il avait retrouvé des documents dans les comptes de la fabrique signalant une ancienne intervention et l’un des maîtres maçons y avait participé dans sa jeunesse. Vanvitelli suggérait aussi à Poleni de restaurer les cercles autant qu’il fût possible et d’ajouter deux cercles supplémentaires extérieurs parallèles aux deux anciens105. Poleni avait longuement étudié la question. Il avait également demandé un complément d’information à Vanvitelli, sous la forme d’un dessin détaillé de la situation : non pas un plan mais une « coupe horizontale » des cercles, « de la taille et selon le goût du Stato dei difetti », avec la localisation « des côtes et les contreforts (bien qu’ils soient inférieurs) », et l’indication des deux ruptures. « Je voudrais un autre dessin représentant les figures des ruptures : qu’il contienne les parties cassées avec leur grandeur exacte, leur éloignement et leurs extrémités »106. L’idée du « cercle de compensation » serait adoptée107.

  • 108  AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19, fol. 392r.
  • 109  Lettre de Poleni à Olivieri du 5/06/1749 (BNM, It. IV 670-5531, fol. 5).

48Poleni tentait de rassurer Olivieri. Même si on n’en connaissait alors pas la chronologie exacte, on savait que les cercles avaient été réparés à plusieurs reprises par le passé. Déjà en 1616, on avait « refait le premier chaînage et ses boucles »108. Poleni lui écrivait : « [la découverte] de la rupture des anciens cercles doit être le signe d’une meilleure constitution de la coupole et non d’une nouvelle crainte. Cela est vrai car la coupole dans son état actuel, en présence de la rupture des cercles, a survécu par elle-même, sans l’aide de l’intégrité des cercles »109.

  • 110  Poleni, Appunti per la difesa della sua opera sulla cupola, BNM, It. IV 674- 5535, fol. 17r.
  • 111  Poleni 1748 : § 160.

49Mais pour l’opinion, la découverte des cercles rompus s’accompagnait d’une remise en cause de ce procédé de restauration. Le parti qui s’affairait autour de Bottari ne manqua pas de s’en emparer. Poleni fut contraint de fournir aux fabriciens une explication générale et rassurante. Dans un mémoire adressé à Olivieri et portant un titre solennel – Notes pour la défense de son œuvre de la coupole –, il exposait deux principes (fig. 25). Le premier considérait un cercle de fer qui ne possède aucune « portion fixe et arrêtée »110. Il supposait que des forces internes exerçaient une poussée de ce cercle vers l’extérieur au point de le rompre en un endroit. Si les forces perdurent, elles ne provoqueront pas de nouvelles ruptures mais elles continueront à élargir la rupture initiale. Mais « si ce cercle se rompt en un endroit, il reste entièrement inutile »111. Le second principe prenait en examen un cercle de fer dont les parties étaient cette fois insérées et fixées dans un corps solide immobile. Alors, les forces agissant localement ne peuvent rompre que les portions du cercle qui lui sont en regard. Dans ce cas, qui est celui des cercles de la coupole, la rupture de chaque portion métallique de cercle est indépendante. L’effet de résistance est amoindri mais pas anéanti.

Fig. 25 – Poleni, exposé du principe de rupture des cercles. Venise, Biblioteca nazionale Marciana, It. IV 674-5535.

  • 112  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 15/5/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 107r.
  • 113  Lettre de Livizzani à Poleni du 17/8/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 127.
  • 114  Lettre de Livizzani à Poleni du 31/8/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 129.

50Le « cercle de compensation » comme l’appelait Poleni, fut mis en œuvre au printemps 1748112. En août, on interrompit les travaux, « parce que le travail du fer ne plaisait pas à l’architecte [Vanvitelli] et à cause de la grande chaleur, il n’était pas possible que les gens travaillent sans danger à cette hauteur »113. À la fin du mois, cependant, on construisit les échafaudages « et [l’on] s’apprêta à percer les côtes dont on s’aperçut […] qu’elles étaient superposées au corps de coupole, tels des ornements : comme elle ne sont pas construites conjointement, elles ne contribuent pas à la solidité »114. Un élément important de la structure de l’édifice était découvert à cette occasion : les côtes n’avaient pas de fonction architectonique. Plus exactement, on comprit alors cette situation que plusieurs indices, par le passé, avaient déjà timidement désigné. Personne cependant ne pouvait assumer que les côtes ne formaient pas une cage de maintien des voiles mais que celles-ci étaient autoportées.

  • 115  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 9/11/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 146-148.

51Après cette découverte, dont les conséquences étaient plus psychologiques que matérielles, les travaux reprirent le 10 septembre et s’achevèrent début novembre115. Le cercle avait une circonférence de 641 palmes (135,89 m), divisées en trente parties. On l’insérait dans la maçonnerie en « frappant circulairement et simultanément les deux parties, selon l’ordre donné pour les cinq autres cercles ». Un jour sur deux, l’intervention s’interrompait afin de permettre au fer de se reprendre. Une plaque de plomb carrée, d’une épaisseur de deux minutes, prenait place entre le cercle et la maçonnerie. Le 3 novembre, on pouvait engager le resserrement du vieux cercle rompu, achevant cette opération en cinq journées.

L’héritage de la restauration

52À la fin du XVIIe siècle, l’entreprise de Fontana était parvenue à clore le débat, du moins pour un temps. Ce ne fut pas le cas des Memorie de Poleni, au milieu du siècle suivant. Le pli du débat était pris, les travaux de restauration avaient été mis en scène avec éclat, l’information était peut-être aussi moins confinée au cercle de la fabrique.

  • 116  Di Costanzo fut nommé membre de la fabrique en 1751 et, l’année suivante, économe-secrétaire. C’es (...)
  • 117  Constitution Quanta curarum… du 15/11/1751. Voir Sabene 2012 : 92-95.

53En 1752, après la disparition d’Olivieri, la charge d’économe secrétaire fut confiée au napolitain Lodovico Di Costanzo, juge de la fabrique116. Di Costanzo appartenait à l’Académie d’histoire ecclésiastique et assumait la charge de la garde-robe du pape, composée des vêtements précieux de cérémonie et de la collection d’agnus-dei, ces bourses brodées contenant des reliques. Janséniste notoire, il avait naguère rejoint le parti non-interventionniste autour de Bottari. Cette période vit une intense transformation de l’institution fabricienne. Après la disparition d’Albani en 1751, la préfecture était confiée à l’anglo-polonais de naissance romaine, le cardinal Henry Benedict Stuart, duc d’York. Sa première charge fut de mettre en œuvre la réforme institutionnelle voulue de longue date par Benoît XIV, maintes fois repoussée par l’obstruction d’Albani. Celle-ci prévoyait une refonte de la congrégation économique et du processus de décision des dépenses117.

  • 118  AFSP, Arm 12, D, 3b, fol. 631-636 ; ASV ; Fondo Benedetto XIV, Bolle e costituzioni, tome 20, fol. (...)
  • 119  Cité dans Garms 1971 : 226 (transcrite dans Strazzullo 1976 : I, 60-61).

54Cette même année 1752, Montauti avait soumis un mémoire à Barigioni, soulevant une série de problèmes délicats. Deux thèmes étaient abordés : la restauration de la couverture en plomb et le colmatage de « l’ancienne fissure interne » (celle du pilier de Véronique) qui s’était rouverte118. La réponse insistait sur l’urgence de réparer les plombs avant l’hiver, afin de ne pas encourir de dommages plus grands. En particulier, le secteur sous le lanternon était en danger : le plomb y était oxydé et les clous ne maintenaient plus les plaques entre elles, provoquant des infiltrations. Il fallait également renouveler la maçonnerie sous-jacente dans laquelle les briques étaient endommagées. Certains blocs de travertins, situés entre les colonnes du lanternon, requéraient une intervention. Quant à « l’ancienne fissure » qui avait focalisé les esprits dix ans plus tôt, Barigioni repoussait la décision : « on fera une visite de tout l’édifice […] et on communiquera un rapport spécifique car cette question requiert des enquêtes nombreuses et particulières avant de bien déterminer la cause de ces fissures et de leur opposer les remèdes adéquats ». Vanvitelli pour sa part, n’en démordait pas. Ses préconisations de restauration n’avaient été qu’en partie mises en œuvre. Il écrivait : « si l’on ne refait pas les contreforts, nous en serons toujours là et il faut bien plus que le dévouement et les pédanteries de Poleni »119.

55La question de la rupture du chaînage ne manqua pas de soulever des interrogations pendant des années. Cet événement provoquait une remise en cause générale des modes explicatifs avancés par le passé et qui avaient épuisé l’énergie des opposants sans parvenir à un consensus. En 1758, Vanvitelli s’interrogeait encore :

  • 120  Lettre du 10/06/1758 (transcrite dans Strazzullo 1976 : II, 228).

La forme de la cassure de la chaîne me fait supposer qu’il puisse y avoir deux mouvements, un horizontal et l’autre vertical, ce qui serait pire. Il convient de procéder à des inspections attentives afin d’identifier clairement la chose. La chaîne était trop mince mais, plus robuste, elle aurait détaché le pilastre des colonnes ou dissocié le pilastre du tambour de la coupole. Il reste cependant vrai que, sans être moi même prophète, j’avais prévu et préparé le remède qui convenait, si la lignée malicieuse et nombreuse des pédants n’avait encombré l’esprit du pape120.

56Une profonde amertume se doublait d’une crainte sincère.

  • 121  AFSP, Arm. 16, A, 170, fol. 66v.
  • 122  Ibid., fol. 87r.
  • 123  AFSP, Arm. 50, B, 18, fol. 619r.
  • 124  AFSP, Arm. 16, A, 170, fol. 80r.
  • 125  Nuove ricerche… . 2009 : 130-192.

57En 1765, une nouvelle campagne de travaux était engagée par Vanvitelli et Marchionni : les architraves des fenêtres du tambour étaient fissurés, tout comme les contreforts, la muraille de la corniche, les plombs de la coupole121. Les travaux ne s’arrêtèrent pas là. En 1766, le contrefort au-dessus du pilier de Véronique fut entièrement reconstruit après que deux autres avaient été consolidés et, en 1772, un quatrième « faisait craindre la ruine »122. Pour Marchionni, « on peut voir que les seize contreforts qui servent d’ornement à la coupole ont souffert »123. Comme si on ne comptait plus sur leur valeur statique. En 1770, on notait que des pluies incessantes provoquaient d’importantes infiltrations à travers le plomb dans la maçonnerie124. Les malheurs de l’édifice n’en finissaient pas. Les restaurations étaient continuelles. Vers la fin du siècle, du nouvelles enquêtes établissaient le tableau des fissures observables, en suivant la méthode employée par Vanvitelli et Poleni125. On y constate les mêmes pathologies.

  • 126  Pini 1770 : 8.

58L’emploi de la statique pour l’étude de la coupole avait imprimé dans les esprits le sentiment durable que la coupole de Saint-Pierre allait vivre un éternel tourment. En 1770, le père Pini, ayant pris acte que « les poids ne dorment pas, ils sont en action continuelle et accroissent peu à peu les dommages existants », affirmait que notre coupole, « malgré des réparations répétées, […] a toujours successivement accru ses dommages par elle-même et dans d’autres parties de ce temple magnifique »126. Il s’ensuivait une longue théorie, n’appartenant plus à la période dont nous traitons, sur l’impérieuse nécessité d’édifier correctement les coupoles et sur la quasi impossibilité de leur restauration. Dans une comparaison qualitative, il notait cependant que la coupole romaine restait bien en deçà de celle de Saint-Paul de Londres. La chaînette serait-elle arrivée trop tardivement au secours de la coupole romaine ?

Notes

1  Lettre de Bottari à Galiani du 8/2/1743 (BNSSP, XXXI-A-7, fol. 193-194).

2  AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19.

3  AFSP, Arm 17, D, 12, fol. 3r.

4  Poleni 1748 : § 89.

5  AFSP, Arm. 1, A, 3 (56), fol. 230r. Voir également la communication du cardinal Del Monte au pape sur cette question : Arm. 16, A, 159A, fol. 69v.

6  Respectivement AFSP, Arm. 27, C, 390 (n° 1575-1584) et AFSP, Arm. 12, D, 4b, fol. 972v.

7  Brunetti, Discorso intorno ai pericoli… (BNM, Cl. IV, 5522-661, fol. 688).

8  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxv.

9  Poleni 1748 : § 403 ; BNM, Cl. IV, 5528-667.

10  BNM, Cl. IV, 5527-666.

11  Chiaveri 1767 : vi.

12  BNSP, Lettre de Bottari à Galiani du 08/02/1743, XXXI-A-7, fol. 193r-19

13  Cité par Poleni 1748 : § 458.

14  Vanvitelli, Breve parere… (BNM, It. IV 672-5533, fol. 2v). Sur l’évolution de la position de Michel-Ange quant aux éperons, voir Bellini 2011 : I, 308-312.

15  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxiv.

16  Ibid. : xxxv.

17  Lettre de Boscovich à Poleni du 25/01/1743 (BNM, It. X, 304-6544).

18  Poleni 1748 : § 270.

19  Rizzetti 1744 : 12-13.

20  BAV, Cicognara V-3849, int. 2, doc. 15.

21  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 76).

22  Poleni 1748 : § 564.

23  Cité par Poleni 1748 : § 437.

24  Poleni 1748 : § 416.

25  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 64).

26  Cité par Poleni 1748 : § 458.

27  Jacquier, Le Seur, Boscovich, Parere… 1743 : xxxii.

28  Santini 1743 : xiii.

29  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 68).

30  Ibid., § 65.

31  Poleni, Riflessioni… (BNM, It. IV. 5519-658, § 28).

32  Poleni, Aggiunta… (BNM, It. IV 5520-659, § 10).

33  Chiaveri 1767 : iv.

34  Cité par Poleni 1748 : § 415.

35  Rizzetti 1744 : 9.

36  BNSP, XXX-A-6, fol. 220r.

37  Scritture… 1744 : 50-51.

38  Bottari 1845 : 57.

39  Nelli 1753.

40  Di Teodoro 2011 : 151-177.

41  Sgrilli 1733 : xxviii.

42  BAV, Cicognara V-3849, 7.

43  B. Vanni, Discorso sopra la stabilità della cupola… (BAV, Cicognara V-3849, 7, fol. 4).

44  Ibid., fol. 7v.

45  Ibid., fol. 17).

46  B. Vanni, Discorso sopra la stabilità della cupola… (BAV, Cicognara V-3849, 7, fol. 16v).

47  Ibid., fol. 2v-3.

48  Di Teodoro 2011, notes 30, 81. Si Poleni a pu imaginer une tentative de dissimulation, on trouve cependant dans les papiers de Bottari l’indication qu’il a fallu se contenter du second brouillon du traité de Vanni « per non essersi potuto trovare l’originale messo al pulito » (Biblioteca Corsiniana, MS 1267 – 31-C-18, fol. 81).

49  Poleni, Aggiunta… (BNM, It. IV 5520-659, § 14).

50  Lettre de Poleni à Bottari du 2/08/1743 (Bottari 1822 : IV, 157).

51  Ibid. : IV, 160-162).

52  Sgrilli 1733 : xx.

53  Sgrilli 1733 : xxii.

54  BNM, It. IV 674 (5535), fol. 7v.

55  Fontana [1696] 1977 : 73-77.

56  Temanza 1752 : 16-17.

57  BNM, It. IV 674 (5535), fol. 1r.

58  Discorso sopra la cupola di San Pietro fatto a requisizione dell’Ill. Sig. Paolo Falconieri in agosto 1695, BNM, It. IV 673 (5534) fol. 737.

59  Viscogliosi 2008 : 57-70.

60  Cette narration de la supériorité du projet de Michel-Ange, bien qu’il ne nous soit à vrai dire connu qu’à travers des extrapolations, constitue une constante de l’historiographie. Cette thèse, agrémentée d’une démonstration calculée, fut à nouveau avancée dans une publication de l’Institut des sciences des constructions de l’Université de Naples (D’Elia 1959).

61  Vanvitelli, Breve parere…, BNM, It. IV 672 (5533) fol. 1.

62  Fontana 1694 : 315-316.

63  Benvenuto 1991 : II, 344-348.

64  Bouguer 1736 : 149-166. Voir Radelet de Grave 1999 : 391-421.

65  G. et F. Poleni, Riflessioni sopra i danni…, BNM, It. IV 658 (5519), § 47, 48.

66  Poleni 1748 : § 58.

67  Ibid. : § 71-72.

68  Poleni 1748 : § 70.

69  Ibid. : § 75.

70  Ibid. : § 85.

71  Ibid. : § 85.

72  Poleni 1748 : § 79.

73  Chiaveri 1767 : vii.

74  Marchionni, Confutazione al parere del Chiaveri…, AFSP, Arm. 52, A, 88, fol. 525r-530v.

75  Brunetti, Discorso intorno ai pericoli…, BNM, Cl. IV, 5522-661, fol. 689.

76  Poleni 1748 : § 259.

77  Un veridico compendio istorico… ., ASSM, A-1114-8, fol. 11.

78  Lettre de Olivieri à Poleni du 3/7/1743, BNM, Cl. IV, 680-559, fol. 1-3.

79  BNM, Cl. IV, 680-559, fol. 4-5.

80  BNM, It. IV 696-5566.

81  Un veridico compendio istorico… ., ASSM, A-1114-8, fol. 6.

82  Poleni 1748 : § 574.

83  Ibid. : § 574.

84  Lettre de Olivieri à Poleni du 24/8/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 27r.

85  Lettre de Olivieri à Poleni du 31/8/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 28r.

86  Lettre de Olivieri à Poleni du 7/9/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 29r.

87  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 9/9/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 30.

88  Cité dans la lettre de Poleni à Vanvitelli du 9/10/1743, BNM, It. IV, 680-559, fol. 37.

89  La chronologie et les détails de l’intervention sont connus à travers trois documents successivement adressés à Poleni, intitulés Première, Seconde et Troisième Information, compilés par Olivieri sur la base d’informations communiquées par Vanvitelli et conservés dans le BNM, It. IV, 696-5566.

90  Lettre de Poleni à Bottari du 20/09/1743, Bottari 1822 : IV, 158.

91  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 18/4/1744, BNM, It. IV, 680-559, fol. 51r.

92  Marconi 2009 : 991-999.

93  Vanvitelli Jr 1976 : 24. Voir la lettre de Vanvitelli du 1/10/1754 cit. dans Di Stefano 1973 : 243 ; également du 19/06/1752 transcrite dans Strazzullo 1976 : I, 176-179.

94  ASSM, A-1114-8, fol. 10.

95  Seconda informazione, § 10, BNM, It. IV, 696-5566.

96  Voir le protocole de la restauration du premier cercle en 1617 : AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19, fol. 392r.

97  Lettre d’Olivieri à Poleni du 6/5/1747 (BNM, It. IV 679-5558, fol. 1).

98  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 19/5/1747 (BNM, It. IV 679-5558, fol. 13-14).

99  BNM, It. IV 679-5558, fol. 2.

100  Ibid., fol. 5 ; 24r.

101  Ibid., fol. 7.

102  Ibid., fol. 16r.

103  BNM, It. IV 674-5535, fol. 1v.

104  BNM, It. IV 679-5558, fol. 17.

105  BNM, It. IV 679-5558, fol. 27r

106  Lettre de Poleni à Vanvitelli du 9/06/1747, BNM, It. IV 679-5558, fol. 48r.

107  Lettre de Poleni à Olivieri du 16/6/1747, BNM, It. IV 679-5558, fol. 56v.

108  AFSP, Arm. 1, B, 13, n° 19, fol. 392r.

109  Lettre de Poleni à Olivieri du 5/06/1749 (BNM, It. IV 670-5531, fol. 5).

110  Poleni, Appunti per la difesa della sua opera sulla cupola, BNM, It. IV 674- 5535, fol. 17r.

111  Poleni 1748 : § 160.

112  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 15/5/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 107r.

113  Lettre de Livizzani à Poleni du 17/8/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 127.

114  Lettre de Livizzani à Poleni du 31/8/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 129.

115  Lettre de Vanvitelli à Poleni du 9/11/1748, BNM, It. IV 679-5558, fol. 146-148.

116  Di Costanzo fut nommé membre de la fabrique en 1751 et, l’année suivante, économe-secrétaire. C’est donc un profil très différent des économes-secrétaires précédents qui possédaient une longue expérience au sein de l’institution avant leur entrée en fonction : AFSP, Arm. 12, E, 6, f. 308 sqq. La nomination de Di Costanzo eut lieu le 12/12/1752 : AFSP, Arm. 16, A, 170, f. 17r.

117  Constitution Quanta curarum… du 15/11/1751. Voir Sabene 2012 : 92-95.

118  AFSP, Arm 12, D, 3b, fol. 631-636 ; ASV ; Fondo Benedetto XIV, Bolle e costituzioni, tome 20, fol. 239-240.

119  Cité dans Garms 1971 : 226 (transcrite dans Strazzullo 1976 : I, 60-61).

120  Lettre du 10/06/1758 (transcrite dans Strazzullo 1976 : II, 228).

121  AFSP, Arm. 16, A, 170, fol. 66v.

122  Ibid., fol. 87r.

123  AFSP, Arm. 50, B, 18, fol. 619r.

124  AFSP, Arm. 16, A, 170, fol. 80r.

125  Nuove ricerche… . 2009 : 130-192.

126  Pini 1770 : 8.

Table des illustrations

Légende Fig. 19 – B. Sgrilli, étude comparée de la courbure de plusieurs coupoles (Descrizione e studi dell’insigne fabbrica di Santa Maria del Fiore, Florence, 1733). Bibliotheca Hertziana – Max-Planck-Institut für Kunstgeschichte.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 173k
Légende Fig. 20 – B. Sgrilli, plan attestant la présence d’un chaînage dans la maçonnerie de la coupole de Sainte-Marie-de-la-Fleur (Descrizione e studi dell’insigne fabbrica di Santa Maria del Fiore, Florence, 1733). Bibliotheca Hertziana – Max-Planck-Institut für Kunstgeschichte.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 83k
Légende Fig. 21 – J. Stirling, Lineae tertii ordinis Newtonianiae, Oxford, 1717, annexe, p. 13.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Légende Fig. 22 – Application de la chaînette à la coupole de Saint-Pierre. G. Poleni, Memorie istoriche..., Padoue, 1748, planche E. ETH-Bibliothek Zürich, Alte und Seltene Drucke.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-4.jpg
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Légende Fig. 23 – G. Chiaveri, Breve discorso circa i danni riconosciuti nella portentosa cupola di San Pietro di Roma, Pesaro, 1767 (rame terzo, parte esteriore e interiore della cupola).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 135k
Légende Fig. 24 – Vanvitelli, exposé du système destiné à relier les parties du cercle. Venise, Biblioteca nazionale Marciana, It. IV 680-5559, fol. 30.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 35k
Légende Fig. 25 – Poleni, exposé du principe de rupture des cercles. Venise, Biblioteca nazionale Marciana, It. IV 674-5535.
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/32675/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 44k

© Publications de l’École française de Rome, 2017

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