Milan (1741-1766)
p. 17-18
Texte intégral
Un de ces jours derniers, notre Morellet, avec une certaine supériorité amicale, m’a dit que, passés les premiers tumultes de Paris, il me faudrait me remettre à quelque étude. « Je n’ai déjà que trop étudié », lui répondis-je.
Alessandro Verri, 7 novembre 1766, Voyage, p. 85.
1Au lendemain du traité d’Aix-la-Chapelle, qui réglait en 1748 la guerre de succession d’Autriche, le gouvernement de Vienne, entouré d’une nouvelle génération de conseillers, engageait une politique de réformes administratives, économiques et juridiques qui allaient, en une vingtaine d’années, modifier profondément la physionomie de la Lombardie, ancienne possession espagnole passée dans le giron de l’impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg1. En juin 1759, deux ans après l’instauration du Département d’Italie à Vienne, Charles de Firmian fut mandaté à Milan pour occuper les fonctions de ministre plénipotentiaire. Dans ce contexte, alors que voyait le jour une classe dirigeante de formation plus moderne et que l’ancien Sénat milanais perdait une partie de ses prérogatives au profit de nouvelles instances gouvernementales (dont la Ferme mixte et le Conseil suprême d’économie), des hommes de lettres souvent jeunes, critiques à l’égard de l’aristocratie sénatoriale et promis à de hautes responsabilités, prirent la plume pour lancer une bataille contre les archaïsmes et les particularismes de la société lombarde. Avec ses confrères de l’Académie des Pugni, Alessandro Verri fut de ceux qui donnèrent voix, dans la première moitié des années 1760, à cette aspiration au renouveau, conçu aussi bien en termes de justice et d’économie que de mœurs et de littérature.
2Esprit fin, ironique et brillant, Alessandro Verri dut composer, en ces années milanaises, avec l’atmosphère autoritaire et bigote de la demeure parentale, trouvant toutefois une échappatoire et un remède aux vicissitudes de la vie domestique dans la relation de confiance et de collaboration féconde qu’il établit avec son frère aîné Pietro. Il fut assez habile pour assurer à la fois, au sortir du collège, l’accomplissement consciencieux de ses obligations de juriste, gage de respect des traditions familiales et des volontés paternelles qui lui assuraient un semblant de tranquillité, et la participation enthousiaste aux projets des Pugni. Pourtant, ce jeune homme promis à un brillant avenir dans l’administration ou la magistrature choisit en 1767 de s’éloigner définitivement des siens pour s’installer à Rome, sans charge ni office, préférant « souffrir la misère plutôt que de vivre dans sa famille », comme l’écrivait son frère en 17802. L’expérience douloureuse de la « tyrannie domestique », le climat hostile et étouffant d’une société milanaise encore fortement attachée aux traditions d’Ancien Régime peuvent expliquer en partie sa décision. Mais sans doute ce départ traduisait-il aussi une volonté d’émancipation vis-à-vis de son aîné, figure tutélaire qui avait su par son action énergique mobiliser le talent de ses jeunes confrères au risque de les faire aspirer, une fois conclue l’expérience du Café, à plus de liberté. Alors que s’imposaient sur la scène publique la personnalité de Pietro Verri et le nom de Cesare Beccaria, Alessandro resta plus longtemps dans l’ombre. Son nom n’apparut pour ainsi dire jamais en ces années : les opuscules qu’il publia en faveur de Beccaria, anonymes, furent attribués à d’autres ; ses deux essais de jeunesse, le Saggio di morale cristiana et le Saggio sulla storia d’Italia, restèrent inédits ; quant aux articles qu’il composa pour Le Café, ils étaient siglés d’un simple « A ». Un examen attentif de ses travaux et manuscrits permet cependant d’y saisir le mûrissement d’une pensée originale, en quête d’un équilibre délicat entre modernité et classicisme.
Notes de bas de page
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002
