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La Construction du pouvoir local

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Eleonora Canepari

Chapitre II. Le Rione, un espace politique pluriel

Texte intégral

  • 1  ASR, Tribunale criminale del Governatore, Processi, 1594, vol. 272.
  • 2  Bernardino est élu huit fois entre 1592 et 1622.
  • 3  Sur le lexique territorial des villes italiennes voir Marin 2002. Sur les rioni de Rome voir Royo, (...)

1Un soir de décembre 1593, dans le Trastevere, Giovanni Domenico Tomeo croise quelqu’un sur son chemin. Il fait nuit. Giovanni Domenico, ne reconnaissant pas le passant, lui demande « Qui êtes-vous ? »1. Mais quelques instants plus tard, il réalise avoir commis une grave erreur, car il se trouve devant le gentilhomme Bernardino Velli, membre d’une des familles les plus puissantes du quartier. Affolé, il s’empresse de présenter ses excuses : « Monsieur Bernardino, Vostra Signoria, veuillez m’excuser de ne pas vous avoir reconnu ». Trop tard. Un mois après cet épisode, le 18 janvier 1594, Giovanni Domenico est agressé à coups de bâton par quatre individus déguisés, sur une place du Trastevere. Habillés en paysans pour ne pas se faire reconnaître, et armés d’épées, les agresseurs sont en réalité des gentilshommes du quartier qui font partie de la bande de Bernardino Velli. Élu plusieurs fois aux offices capitolins2, propriétaire d’un palais et d’un complexe immobilier dans le quartier, il est membre de la famille qui réside dans la zone du rione appelée « ai Velli »3. Les témoignages tirés des sources judiciaires, on le sait, ne sont pas à prendre à la lettre. Toutefois, il semble logique de s’intéresser aux raisons qui sous-tendent la réaction de Bernardino Velli. Pourquoi un gentilhomme de son calibre a-t-il si mal pris le fait de ne pas avoir été reconnu dans l’obscurité d’une nuit d’hiver ?

2La préoccupation liée à la reconnaissance trouve son origine dans la structure même de la politique locale et dans le contexte social de la Rome moderne. En raison du polycentrisme relatif à l’administration de la ville, de la concurrence de la noblesse pontificale et de l’absence d’un livre d’or de la noblesse, la compétition pour le pouvoir local (c’est-à-dire pour les charges municipales de quartier) est très forte. Dans ce contexte, la reconnaissance du statut de gentilhomme par les habitants du quartier devient une condition essentielle pour le processus d’enracinement local et l’accès au pouvoir municipal.

3Dans ce chapitre, on examinera le rione en tant qu’espace politique pluriel ouvert à la compétition. On étudiera les raisons de cette spécificité en évoquant le caractère ouvert de l’élite municipale romaine, qui s’explique notamment par la présence du pape en ville et l’existence de la noblesse pontificale (les curiales) mais aussi par l’ambigüité de la définition de gentilhomme dans le statut de Rome de 1580. On s’intéressera ensuite à la distribution des charges au sein du quartier pour montrer que ce ne sont pas seulement les grandes familles du patriciat urbain qui obtiennent des charges mais qu’un nombre considérable de « non habitués », c’est à dire des individus qui ne sont élus qu’une seule fois (ou peu de fois) au Capitole, en bénéficient. Enfin, on abordera la question de la pluralité des charges locales attribuées par plusieurs institutions dans un même rione.

Une élite ouverte

  • 4  Pendant la période qui s’étend de 1360 à 1390, les casali et les castra, patrimoines des barons et (...)
  • 5  Les factions ont des liens importants avec les principaux lignages de barons, tels que les Orsini (...)

4L’ouverture de l’élite capitoline, spécifique à la noblesse municipale romaine, puise ses racines dans la constitution manquée de véritables corps aristocratiques datant de l’époque post-communale. À cette époque, à Rome, le groupe des nobiles et des populares, qui s’est formé selon l’écart qui les séparent des barons, n’arrive pas à se forger une identité commune après l’avoir emporté sur le baronnage : il ne réussit pas à former une classe capable de gouverner de manière autonome. Une fois éteint le conflit qui les opposait aux barons, et qui leur donnait une unité, les membres de l’élite municipale médiévale ne parviennent pas à rejoindre le patriciat sous la forme d’une classe à part, fermée aux nouveaux arrivants. Pour cette raison, la classe des bobacterii, formée d’entrepreneurs agricoles4 – peut suivre un parcours d’ascension sociale et d’intégration dans la noblesse municipale. L’incapacité de la noblesse municipale à s’imposer en tant que classe dirigeante autonome facilite la mobilité sociale des familles de commerçants et de locataires des domaines agricoles (casali). Cette spécificité explique en partie la division en factions et le poids de barons dans la politique urbaine. En effet, le gouvernement municipal semble perdre en prestige, contrairement à la Curie pontificale et aux barons : à la fin de la Commune, les classes dirigeantes sont divisées en factions qui ont pour chefs les membres de familles baronnales parmi lesquelles on compte des lignages prestigieux comme les Orsini et les Colonna5. Dans d’autres villes italiennes, la période post-communale a été marquée par l’élaboration d’un langage politique commun aux élites qui, tout en ayant des origines diverses, sont parvenues à former un groupe uni, un patriciat. À Sienne ou à Gênes, par exemple, la période post-communale a vu se développer un processus d’homogénéisation des éléments constituant l’élite dirigeante, dû à la restriction de l’accès au pouvoir. La serrata (fermeture) des rangs nobiliaires génois en 1528 en est un bon exemple. Dans ces villes, les acteurs politiques ont réussi à occuper l’espace du gouvernement municipal de façon significative, en se réservant un pouvoir politique exclusif au sein du conseil. À Rome, par contre, l’espace politique post-communal appartient plutôt à l’aristocratie curiale, la noblesse municipale n’étant pas dotée de « ressources identitaires » suffisantes.

5L’absence du patriciat caractérise l’aristocratie municipale romaine depuis le Moyen Âge. Pendant une bonne partie de l’âge moderne, les charges municipales restent en effet accessibles à des couches plutôt larges et à de nouveaux arrivants. Privée d’une noblesse très structurée, Rome se différencie des autres villes italiennes où les élites se composent de groupes de plus en plus fermés (seggi, alberghi, monti, etc.). L’accessibilité des conseils municipaux et l’absence de listes de noblesse (matricola, libro d’oro) témoignent des phénomènes d’ouverture de la classe dirigeante et d’élargissement de la participation politique qui caractérisent la société romaine.

6En effet, le premier livre d’or de la noblesse romaine ne sera rédigé que très tardivement, au cours du XVIIIe siècle, lorsque le pape Benoît XIV, avec la constitution Urbem Romam, fait dresser la liste de 180 familles romaines faisant officiellement partie de l’aristocratie (1746). Ainsi, au cours des XVIe et XVIIe siècles, ce groupe reste ouvert aux nouveaux arrivants qui rejoignent ses rangs, à la faveur de stratégies différenciées.

  • 6  Francesco Commendone, Discorso sopra la corte di Roma, 1554, cité par Visceglia 2002, p. 40.
  • 7  Il en résulte une forte mobilité de la population de Rome qui compte un grand nombre d’étrangers. (...)

7Plusieurs facteurs contribuent à retarder la fermeture de l’élite municipale. L’un des éléments les plus évidents est la présence du pape. On peut en effet comprendre l’ouverture de la classe dirigeante par le rôle de Rome en tant que capitale de l’État pontifical, d’une ville-cour, du siège de la papauté. La mobilité de l’élite romaine est inhérente au système politique de l’État pontifical dans lequel le pape est détenteur d’un pouvoir qui n’est pas transmissible. De ce fait, à chaque nouvelle élection du pontife, on assiste à un renouvellement, plus ou moins radical, de la cour et de son entourage, et à une arrivée massive de curiales, les nobles étrangers liés à la curia (appelés aussi Curiam romanam sequentes). En effet, aux XVIe et XVIIe siècles, la cour pontificale est perçue et décrite par les contemporains comme un espace politique extrêmement ouvert, où se croisent les parcours d’individus en quête d’ascension sociale. En 1554, Giovanni Francesco Commendone, domestique secret du pape, décrit la ville comme une mer vers laquelle les groupes, les familles et les individus coulaient comme des fleuves pour essayer de satisfaire leurs ambitions sociales. La présence permanente et massive d’étrangers dans la ville, et surtout au sein de la cour, pousse Commendone à définir Rome comme « une cohabitation d’étrangers, semblable à un marché ou bien une diète »6. En outre, son rôle de ville capitale de l’État pontifical fait d’elle la destination, souvent temporaire, de princes, d’ambassadeurs et de cardinaux, qui s’y installent avec leur cour et leurs groupes de protégés7.

  • 8  En plus d’être membre de l’élite capitoline, Altieri est humaniste, auteur de plusieurs ouvrages d (...)

8L’espace politique de la ville est surtout occupé par les membres de la Curie, nettement moins par la noblesse municipale, ce dont témoignent les doléances du gentilhomme Marco Antonio Altieri8. Au début du XVIe siècle, ce dernier se plaint de la présence massive des curiales, des nobles non-romains, qui arrivent à Rome avec le pape et qui rivalisent avec la noblesse « romaine » – celle dont la présence à Rome est plus ancienne – pour la conquête du pouvoir. En 1525, Altieri fournit une preuve de cette situation dans le Commentario dei privilegi, ouvrage qui recense les noms des donateurs de l’hôpital de San Salvatore ad Sancta Sanctorum, la confrérie des élites romaines par excellence. Véritable image de la pénétration des curiales dans les rangs de la noblesse de Rome, la liste comprend un nombre considérable de donateurs non romains, c’est-à-dire d’étrangers qui ont réussi à s’insérer parmi les membres de l’élite municipale. Les doléances d’Altieri répondent à une situation de facto : comme on l’a vu dans le chapitre précédent, les gentilshommes non-romains représentent plus de la moitié du contingent de la noblesse capitoline. Cette situation est le résultat du processus d’homogénéisation des familles nobles constaté entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle. Le titre de noblesse est conféré sans que le grade d’ancienneté ne soit considéré, ce que regrette inévitablement Marco Antonio Altieri, défenseur de la supériorité de la noblesse la plus ancienne. Jusqu’au XVe siècle, il est en effet possible de différencier la noblesse récente de la plus ancienne en fonction des activités économiques exercées par les individus. Les familles du premier groupe (Porcari, Muti) s’attachent surtout à l’exploitation des casali – les domaines agricoles situés dans la campagne romaine – tandis que celles du second groupe (Crescenzi, Massimi, Santacroce) associent cette même activité à l’activité commerciale en ville et, souvent, à la gestion d’une boutique d’apothicaire. Au début du XVIe siècle, ces différences sont moins visibles, et la noblesse romaine (les gentilshommes) commence à se présenter comme un groupe compact face aux nouveaux arrivants. Bien que fondées sur une représentation « artificielle » de la noblesse romaine, les plaintes d’Altieri sont donc justifiées. Ce qu’il décrit est un processus qui repose, d’un côté, sur la sélection des anciennes familles romaines, sur l’intégration des maisons les plus récentes de l’autre : au cours du XVIe siècle l’élite municipale s’ouvre encore plus aux nouveaux arrivants.

  • 9  Camerano 2001.
  • 10  Visceglia 2001.

9Dans son étude sur les transformations de l’élite municipale, Alessandra Camerano montre qu’en 1591-1593 la présence au Capitole des maisons plus anciennes est fortement réduite par rapport au début du XVe siècle, et aussi par rapport à 15819. Seules neuf familles sur 1422 (168 noms, correspondant à 133 familles), dans la seconde moitié du XVIe siècle, ont réussi à garder le pouvoir municipal tout en conservant le pouvoir municipal. Ces familles ont désormais conquis des positions tellement stables qu’elles seront en fonction tout au long du XVIIe siècle, à la faveur d’un processus de concentration de certaines charges entre les mains de ce groupe de familles. Toutefois, comme on le verra plus loin, à côté de cette oligarchie, il est possible d’identifier des familles mineures et un groupe plus large qui se succèdent pour les charges municipales. L’ouverture de l’élite municipale est d’ailleurs attestée dans l’étude de Maria Antonietta Visceglia qui, en analysant les charges les plus importantes du gouvernement municipal de Rome – les conservatori –, observe qu’une grande partie de ceux qui s’y trouvent ne font pas partie des familles de la noblesse traditionnelle10. Selon Visceglia, le caractère ouvert de l’élite romaine et l’absence de listes nobiliaires expliquent la difficulté, pour le chercheur, de considérer la noblesse en tant que classe et de l’identifier selon des critères précis. D’après l’historienne, le processus de délimitation de la noblesse ne s’exécute qu’à la fin du XVIe siècle, lorsque le statut de Rome établit en 1580 que ceux qui exercent des métiers « mécaniques », soit manuels, sont exclus des offices municipaux.

  • 11  Sur les villes de l’État pontifical voir Zenobi 1994.
  • 12  De Benedictis 1995.
  • 13  Visceglia 1992 et 1998.
  • 14  Arcangeli 2003.

10Du point de vue de la définition identitaire de l’élite urbaine, Rome est donc un cas de figure spécifique. En effet, d’autres villes de l’État pontifical révèlent des situations bien différentes, en fonction des formes que prend la pression du gouvernement pontifical sur les structures communales. À Pérouse, le processus de formation de la classe dirigeante a été favorisé par le pape à travers un contrôle de l’accès aux charges municipales, ce qui a retardé cependant la formation d’une véritable classe dirigeante municipale11. À Bologne, la même situation produit un résultat différent : dans cette ville, le processus de formation du patriciat se développe pleinement, bien qu’en étant sous le contrôle constant de la papauté12. Mais Rome se différencie aussi des villes du Sud de l’Italie, telles que celles du Royaume de Naples. Ici, le système politique se caractérise par les seggi, un modèle d’organisation de l’espace politique qui s’affirme entre le XIVe et le XVe siècles13, analogue à celui des monti de Sienne ou des alberghi de Gênes. Le système des seggi s’impose comme un élément d’appartenance aristocratique fort, une véritable marque de pouvoir, tant pour la noblesse urbaine que pour la noblesse féodale : c’est pour cette raison que ce système tend à effacer les différences entre les groupes nobiliaires. En outre, à Rome, il n’y a pas eu de processus d’institutionnalisation des factions en œuvre, comme ce fut le cas dans certaines villes d’Italie du Nord, en particulier celles situées en Lombardie14. Malgré le haut degré de conflictualité entre les factions (surtout au cours du XVe siècle) et la présence de groupements clientélaires constitués autour des familles les plus puissantes de l’époque, comme les Orsini et les Colonna, cette spécificité reste avérée.

  • 15  Ago 2006.
  • 16  Nussdorfer 1992.
  • 17  Par ailleurs, selon Ago, les stratégies familiales de la noblesse romaine peuvent être comparées à (...)

11Malgré les particularités signalées ci-dessus, qui mettent au jour des différences notables entre la noblesse romaine et celles d’autres villes italiennes, on constate des analogies les concernant. Renata Ago, dans un article qui fait le point sur les élites romaines au tournant du Moyen Âge et de l’époque moderne15, estime que l’antagonisme bien connu entre la noblesse curiale et la noblesse municipale, comme élément distinctif de l’aristocratie de Rome, devrait être nuancé, et considère qu’il s’agit « d’un faux problème ». Pour elle, les études récentes16 ont montré que le Capitole et la Curie agissent souvent d’un commun accord et que les épisodes de conflictualité sont compensés par des cas aussi nombreux de collaboration. On peut le vérifier en analysant les stratégies de familles nobles qui « placent » leurs membres au Capitole aussi bien qu’à la Curie. Ago prend l’exemple des Mattei, vieille famille romaine dont les membres occupent les offices les plus importants de la municipalité et obtiennent parallèlement des charges curiales. Dans d’autres cas, le rapport avec la Curie se développe de façon indirecte, à travers une politique d’alliances matrimoniales qui donnent aux familles la possibilité d’entretenir des liens étroits avec le pape et son entourage17.

  • 18  Statuta Almae Urbis Romae, livre III, chapitre XXVII – De modo creandi Electores Officialium Roman (...)
  • 19  Statuta Almae Urbis Romae, livre III, chapitre XXVIII – De Officio Electorum. L’électeur doit être (...)
  • 20  Pour être élu conservateur ou caporione, le droit de citoyenneté par privilège doit remonter à cin (...)
  • 21  La Camera Urbis est la trésorerie municipale ; la trésorerie papale est l’un des offices de la Cam (...)

12La seule véritable spécificité de l’élite romaine serait donc l’ouverture aux nouvelles familles qui semble être « codifiée » par le statut de Rome de 1580. Le statut contribue vivement à faire de la classe des officiers municipaux un groupe ouvert, et du rione un espace de compétition politique. En effet, le statut, faisant écho à l’absence du livre d’or de la noblesse romaine, est très ambigu quant à la définition de ceux qui peuvent candidater aux offices capitolins, définis simplement comme des « hommes illustres du quartier ». L’élection des officiers du Capitole se déroule suivant une procédure à plusieurs étapes qui a lieu tous les deux ans. Elle commence dans les rioni18 puisque les caporioni (chefs des quartiers) sont en charge de la première étape. Ces officiers, parmi leurs prérogatives, ont le devoir de préparer la liste de tous les gentilshommes habitant dans le quartier dont ils ont la responsabilité. Il s’agit des personnes qui ont le droit de participer aux conseils municipaux publics, dont les noms sont notés par les notaires des caporioni. Ensuite, sur proposition du caporione, les gentilshommes sont tenus de se réunir et d’élire un électeur dans chaque quartier (imbussolatore)19 qui dispose de huit jours pour choisir les gentilshommes candidats à une charge. L’électeur joue donc un rôle fondamental puisqu’il décide qui, parmi les gentilshommes du rione, est apte à devenir officier. Les listes rédigées par l’électeur, une pour chaque fonction, sont alors introduites dans une urne (bussola), d’où les noms des futurs officiers sont extraits tous les trois mois par l’imbussolatore et les caporioni. Pour la sélection des candidats, l’électeur doit tenir compte d’une série de conditions fixées par le statut de 1580. Avant tout, les officiers doivent obligatoirement être des citoyens romains, par origine ou par privilège20 ; en deuxième lieu, ceux qui ont occupé une charge ne peuvent l’occuper de nouveau qu’après un intervalle de deux ans au moins. D’autres conditions déterminent l’inéligibilité des candidats : les fils illégitimes, les condamnés à mort, les débiteurs de la Chambre apostolique21, ceux qui ont un litige en cours avec un habitant de Rome et tous ceux qui exercent une activité manuelle, sont exclus de la sélection.

13Parmi les normes du statut, deux sont déterminantes pour la mobilité sociale au sein de la classe des officiers : l’intervalle de temps fixé entre les obtentions de charges et la durée des offices. Puisque les officiers ne peuvent être réélus que deux ans après la fin de leur précédente charge, le système électoral garantit une forte alternance des personnes qui occupent des charges municipales. En outre, le statut prévoit que le service des offices municipaux locaux ne dure que trois mois, ce qui multiplie leur nombre. Ainsi, au bout d’un an, chaque quartier a été gouverné par quatre officiers différents à la charge de caporione. Ce fonctionnement constitue l’un des facteurs responsables de l’ouverture de l’élite de Rome, car il empêche que le Capitole soit monopolisé par les familles les plus anciennes et qu’il prenne la forme d’un pouvoir oligarchique. Si l’on ne peut nier l’existence d’une aristocratie composée des membres de vieilles familles, qui restent au pouvoir de façon stable tout au long du XVIe siècle, il faut toutefois souligner que, chaque année, l’urne se remplit de nouveaux noms, comme on y reviendra plus loin. On peut donc affirmer que le Capitole est accessible aux nouveaux arrivants, ces derniers pouvant devenir officiers comme les membres des familles les plus anciennes, dont la présence au Capitole est plus stable et continuelle. Mais quel est l’intérêt de devenir officier municipal, dans un contexte politique dominé par la Curie ?

L’intérêt du Capitole

  • 22  Ago 1990, p. 45, traduction personnelle.
  • 23  Ago 1990. Voir aussi Ago 1992 et Borello 2000.
  • 24  « Les structures curiales, la direction de l’appareil ecclésiastique, le Sacré Collège, les cours (...)

14Le paysage politique de la Rome moderne a souvent été décrit comme totalement dominé par la Curie, au détriment du Capitole, institution soumise au pouvoir du pontife. Le rôle central de la Curie dans la politique romaine est indéniable, et les dimensions pontificale et municipale du pouvoir sont souvent imbriquées. La vente des offices, qui en 1664 rapporte 70 % des recettes de l’administration pontificale, confirme les rapports établis entre la Curie et la noblesse. La multiplication des offices montre, en outre, l’importance que les membres de l’élite romaine attribuent à la Curie au cours des XVIe et XVIIe siècles. Sur ce sujet, Renata Ago a démontré que, souvent, la décision d’entamer une carrière ecclésiastique est liée à une stratégie familiale : « les raisons du succès de la carrière curiale doivent être recherchées au sein des familles nobles, en étant des raisons intrinsèques aux logiques familiales »22. La carrière curiale représente en effet une solution pour répondre au problème de l’avenir des fils cadets. Ces derniers trouvent dans l’Église une position répondant aux attentes de la famille. Grâce aux offices vénaux, ceux qui disposent d’un capital ont la possibilité d’entamer une carrière curiale, ce qui assure en retour un meilleur contrôle sur les bénéfices. Comme Ago le souligne, la carrière ecclésiastique à Rome – ville située au centre de l’Église catholique – offre de sérieux avantages, tels que l’accès à la plupart des bénéfices. Une carrière bureaucratique commencée dans la capitale de l’État pontifical permet d’entreprendre un parcours vers les plus hautes sphères du pouvoir, puisque les attributions des évêchés, des bénéfices et des rentes se décident à Rome. Une famille qui arrive à placer l’un de ses membres au sommet de la hiérarchie ecclésiastique défend donc efficacement ses intérêts23. En outre, comme le souligne Maria Antonietta Visceglia, la fréquentation du milieu de la Curie permet aux familles nobles d’entrer en contact avec les réseaux des diplomates, des affairistes et des intellectuels présents à Rome, réseaux qui ont leur centre dans la Curie pontificale24.

  • 25  Dépourvue de toute autorité réelle, l’élite capitoline moderne a été perçue comme étant un objet e (...)
  • 26  Nussdorfer 1992, p. 77, (traduction personnelle).
  • 27  Un procès datant de 1596 témoigne de cette caractéristique. Domenico Attavanti, un gentilhomme du (...)

15Si la Curie demeure l’un des principaux pivots sur lesquels repose la politique romaine, il ne faut pas négliger pour autant les raisons qui poussent les membres de l’élite romaine à s’investir dans la politique municipale. L’historiographie a pendant longtemps porté un jugement négatif sur cette politique, la qualifiant même de « fictive »25 : de fait, les études sur la municipalité romaine s’intéressent principalement à la période médiévale pendant laquelle le rôle des magistratures paraît avoir été plus important. Après le retour du pape d’Avignon, le Capitole n’est plus que le vague reflet de son passé ; il semble avoir perdu l’essentiel de son pouvoir effectif, devenant le « jouet » du pape. Toutefois, cette image d’un Capitole dépourvu de tout pouvoir, doit être nuancée. Si les papes ignorent parfois, surtout au début du XVIe siècle, les « décisions » de la bussola, agissant comme si le Capitole était une « extension de leurs ressources de patronage »26, Laurie Nussdorfer a toutefois montré que les électeurs, éléments clefs du processus de sélection des officiers, continuent d’être choisis par des groupes informels des quartiers. En outre, l’ingérence pontificale semble diminuer au cours du XVIIe siècle, puisque très peu d’officiers sont désignés en dehors de la boussole. S’il est vrai que l’obtention d’une charge municipale n’est possible qu’en ayant la faveur du pape27, il convient néanmoins de souligner que, tout en sélectionnant des candidats acceptables pour le pape, le Populus Romanus a une voix substantielle, bien que non exclusive, dans le choix de ses officiers.

16Bien qu’il n’exerce plus un pouvoir exclusif comme dans le passé et qu’il soit affaibli par la présence « encombrante » du pape, le Capitole reste, à l’époque moderne, un lieu – au sens propre et figuré – qui exerce une attraction sur la population de la ville, en particulier sur les couches supérieures. En effet, nombreux sont ceux (familles ou individus isolés) qui visent le Capitole pour mener une stratégie d’ascension sociale. Comme le met en évidence Nussdorfer, la participation à la vie politique, qui passe par l’obtention d’un office municipal, est perçue comme un élément anoblissant. L’anoblissement qui découle de l’occupation d’un office est d’ailleurs reconnu par les autorités municipales qui l’acceptent en tant que preuve de la noblesse d’un individu. À ce sujet, Nussdorfer donne l’exemple d’une lettre écrite par les conservateurs datée de 1617, qui atteste de la noblesse d’un certain G. Gomes en raison du fait qu’il a été caporione.

  • 28  Nussdorfer 1992, p. 80.

17L’importance du Capitole en tant que facteur de promotion sociale est d’autant plus forte pour l’élite de Rome qui, ne disposant pas de liste de noblesse, est profondément en quête d’éléments lui permettant de s’inscrire clairement à la nobilitas. Par conséquent, pour les familles romaines, l’obtention d’un office peut se présenter comme une revendication de statut (« an important claim to status »)28. En effet, l’absence d’une aristocratie officiellement désignée ne signifie pas que les Romains ne se soucient pas du statut nobiliaire. Au contraire, l’intérêt pour ce statut est d’autant plus vif qu’il n’est pas défini de façon univoque. Dans la société romaine, les anciennes familles et les nouvelles familles sont constamment contraintes de faire valoir leur niveau social. Dans ce contexte, étant donnée l’association faite – typique de l’Italie moderne – entre officiers municipaux et noblesse, l’élection au Capitole est un moyen fort pour revendiquer un statut.

18Mais si, aux XVIe et XVIIe siècles, le Capitole reste pour les habitants de Rome un élément essentiel dans leurs parcours de mobilité sociale, cela n’est pas seulement dû au fait qu’ils souhaitent atteindre ou revendiquer un statut social. Le Capitole, en d’autres termes, n’est pas seulement une ressource symbolique. Les autres raisons qui poussent les individus à s’engager dans la politique municipale sont liées au fait qu’elle permet de gérer des ressources matérielles. En effet, être élu au Capitole permet d’un côté d’augmenter considérablement les ressources dont on dispose, et de l’autre, d’en acquérir de meilleures. Les prérogatives des magistrats capitolins concernent des domaines essentiels : parmi eux figurent la gestion de la justice (tribunal du Capitole), le contrôle du port de Ripa et des douanes, le contrôle de la vente de viande et de blé, le monopole du sel, la possession de fiefs. En outre, les officiers capitolins ont le droit de porter des armes.

  • 29  L’autre magistrature qui attribue au détenteur de la charge un rôle officiel de médiation est cell (...)

19Il convient aussi de souligner que chaque magistrature jouit d’un ensemble de prérogatives spécifiques. Par exemple, on a vu précédemment que ses prérogatives placent le caporione au centre de la vie sociale et politique du quartier où il exerce son pouvoir et où il joue un rôle de médiateur local29. Une fois élu caporione, le gentilhomme n’est pas seulement le garant de l’ordre public dans le rione. Il joue aussi un rôle central dans la sélection des officiers municipaux car il rédige les listes des noms des nobles susceptibles d’être élus et désigne les conseillers de quartier et les gentilshommes ayant le droit d’assister au conseil public. On comprend donc aisément que la détention de cet office permet d’occuper une place centrale dans le milieu nobiliaire local et dans les stratégies politiques des élites du quartier que le caporione doit sélectionner.

  • 30  Ibidem, livre III, chapitre XL – De Officio Magistrorum Iustitiariorum. Sur cet office voir Nardi  (...)

20Si les compétences des caporioni s’exercent dans le quartier, les maîtres justiciers ont des attributions spécifiques à la « campagne dans la ville », c’est-à-dire les vignes, les cannaies, les fossés et les limites de Rome30. Les audiences de leur tribunal (le tribunale dei Maestri Giustizieri) concernent les propriétés foncières et les annexes (grilles, fossés, etc.), mais aussi les limites de la ville. Les prérogatives de ces magistrats sont donc localisées, d’un point de vue territorial, en dehors de l’habitato. Toutefois, obtenir cet office signifie avoir des compétences dans un secteur urbain étendu : tout d’abord, la campagne intra muros est très vaste – en 1748, 60 % du sol intra muros était occupé par des terrains agricoles (vignes, jardins, potagers, etc.) – en outre, la possession de vignes intra muros est très fréquente chez les habitants de la ville, indépendamment du niveau de fortune.

  • 31  Re 1920.
  • 32  Les amendes pour infraction aux avis en matière de propreté de la ville représentent la principale (...)
  • 33  Waddy 1996.

21On peut également mentionner les maîtres de rue, qui gèrent les travaux d’aménagement de la ville, en octroyant les permis de construire et percevant les impôts pour la réparation des rues31. En raison des politiques urbanistiques des papes qui se succèdent aux XVIe et XVIIe siècles (Renovatio Urbis), des quartiers entiers sont bâtis ou renouvelés, ce qui modifie nettement le tissu urbain de la ville et confère à ces officiers un rôle central32. La possession d’un palais étant un atout essentiel pour la construction de la prééminence locale, il convient de souligner que l’intérêt des gentilshommes pour l’aménagement de la ville peut être lié à des préoccupations individuelles. Giacinto Del Bufalo, par exemple, programme la rénovation de son palais situé via di Pietra au cours des années 1650, entre deux périodes où il occupe la fonction de maître de rue (1650-51 et 1658-59). Grâce à ces travaux, Giacinto transforme sa « casa grande » en un véritable palais, en ajoutant notamment de nouvelles pièces (antichambre, chambres, loggia) et en augmentant la dimension de l’édifice33.

  • 34  Le tribunal des conservateurs exerce sa juridiction sur les corporations et a le dernier mot pour (...)

22En ce qui concerne les ressources économiques, la magistrature la plus active est celle des conservateurs, dont une partie des prérogatives concerne le règlement du marché et le contrôle des corporations. Le tribunal des conservateurs a en effet juridiction sur les décisions liées au marché, au paiement des taxes, au passage des ports et aux corporations34. En outre, les conservateurs gèrent les fiefs du gouvernement municipal, à savoir quatre villes situés dans les alentours de Rome – Magliano Sabina, Vitorchiano, Barbarano Romano et Cori. Enfin, l’activité institutionnelle des conservateurs inclut la procédure de nomination d’une série d’officiers mineurs non-élus : parmi eux, les « straordinari minori », les mandataires, le réviseur des murs et des bâtiments publics et le gardien des prisons de la Curie capitoline. L’attribution de ces offices n’est pas une prérogative secondaire, en particulier si l’on pense qu’ils représentent une source de revenu non négligeable (une sorte de « retraite ») pour des gentilshommes désormais âgés.

23Le fait que les offices capitolins permettent de disposer de revenus financiers variés explique en partie l’intérêt des élites pour les charges municipales. Ils offrent tout d’abord des salaires, bien que relativement peu élevés : le maître de rues est payé 47 écus par an, le caporione 14 écus par trimestre, le maréchal 11 écus pas trimestre. D’autres revenus proviennent des droits que les officiers encaissent à titre personnel. Par exemple, en 1574-75 Prospero Boccapaduli, en tant que maître de rues, perçoit 366 écus de droits qui lui reviennent entièrement. Pour Prospero, l’obtention de cette charge représente un atout dans son parcours de ré-acquisition de statut social et de fortune : en effet, en 1547, à 22 ans, il avait dû s’enfuir de Rome à cause de ses dettes, pour éviter la prison. Grâce à sa parenté et à son rôle dans la politique municipale, il réussit à reconstituer son patrimoine et à éviter le déclassement. Pour les gentilshommes appauvris comme Prospero, le système des « portioni » peut se révéler particulièrement intéressant, puisqu’il garantit une « pension » aux officiers qui se trouvent dans des situations économiques difficiles. En effet, les « portioni », une partie du budget qui varie selon les années mais qui arrive à atteindre 1500 écus, sont censées être attribuées aux familles pauvres – en réalité, elles sont souvent distribuées à des officiers et font parfois l’objet d’héritages.

  • 35  Pecchiai 1950, p. 124.
  • 36  Pecchiai 1948, p. 41.

24Bien que, comme on l’a vu, l’intérêt d’être élus au Capitole réside ailleurs, lorsqu’on étudie les cas de mauvaise conduite on s’aperçoit que les occasions de profiter de sa charge et d’encaisser de l’argent indûment peuvent être nombreuses. Par exemple, le conseil secret du 8 octobre 1587 accuse l’écrivain des conservateurs, Pietro Paolo Muziano, en charge depuis 30 ans, d’avoir pris l’habitude d’encaisser 0.5 % des sommes qu’il perçoit35. Un autre conseil, en date du 26 février 1523, examine le cas des conservateurs qui ont empoché des sommes destinées « in utilitate domus »36. Le risque de corruption chez ceux qui gèrent l’argent au quotidien est en effet réel, au point que le secrétaire des conservateurs – le fonctionnaire qui rédige les lettres et les permis octroyés par les officiers capitolins – est obligé de refuser, statutairement, tout cadeau de la part du public ; il ne peut percevoir que son salaire de 64 écus.

25Pour toutes ces raisons, à la fois symboliques et matérielles, le Capitole est une institution capable d’exercer une forte attraction sur les grandes familles de la noblesse romaine, mais aussi sur un grand nombre d’individus qui ne font pas partie du patriciat urbain et qui ne sont élus au Capitole qu’une seule fois. Prenant en compte ces deux catégories principales, on se propose d’analyser à présent la distribution des offices municipaux.

La distribution des charges municipales. Grandes familles et « non habitués »

  • 37  Archivio Storico Capitolino (dorénavant ASC), Camera capitolina. Les officiers élus entre 1550 et  (...)
  • 38  Pour les syndics du Peuple Romain, les maîtres des rues, les maîtres justiciers et les réformateur (...)
  • 39  La liste des citoyens admis aux conseils municipaux est disponible uniquement pour les années 1569 (...)
  • 40  Les différents offices sont présents dans des pourcentages non homogènes ; de plus, certaines séri (...)
  • 41  Puisque l’identification par le nom qui prévaut sous l’Ancien Régime obéit à des règles différente (...)
  • 42  Ce type d’analyse repose entièrement sur des données de nature quantitative : comme on l’a vu, il (...)

26L’élite municipale, comme on l’a vu, ne se compose pas seulement de grandes familles patriciennes, mais aussi d’un nombre important d’officiers qui ne font pas partie d’une maisonnée et qui, souvent, ne sont élus au Capitole qu’une seule fois. Pour étudier la composition de l’élite capitoline et enquêter sur la distribution des offices et, par conséquent, sur l’accès aux charges, on a eu recours à une source quantitative. Il s’agit d’une liste nominative d’officiers élus (et d’un certain nombre de candidats), établie à partir des volumes d’actes des conseils municipaux d’une période comprise entre 1550-165037. La période choisie correspond à une phase de changement et de transition qui tend à la fermeture de l’aristocratie, et qui nous permet ainsi de saisir les dynamiques de formation de l’élite capitoline. La liste contient les noms des officiers qui détiennent les charges suivantes38 : caporione, pacificateur, syndic du Peuple Romain, syndic des officiers, conseiller, maître des rues, maître justicier, maréchal, réformateur du Gymnase, conservateur, ainsi que ceux de l’ensemble des imbussolatori et des citoyens admis à participer aux conseils municipaux39. Cette liste d’officiers se compose de 19609 enregistrements – correspondant à l’attribution d’une charge (ou à une candidature) – chacun contenant les prénom et nom du magistrat, l’année, le type de charge et le rione d’élection40. L’ensemble des enregistrements concernant les rioni, c’est à dire les charges assignées au sein des quartiers, s’élève à 15130 ; le total des noms de famille est de 220041 et représentent 5523 individus42.

27Si l’on s’intéresse au nombre de fois où un nom apparaît dans le catalogue, on observe que 48 % des noms (soit 1061) sont enregistrés une fois seulement, ce qui signifie que les individus concernés ont obtenu une seule fois l’office au cours de la période prise en compte dans cette étude. Il s’agit donc de personnes dites « non habituées », qui ne font pas partie d’une grande famille, et pour lesquels on peut imaginer qu’ils se sont engagés dans la politique municipale de façon individuelle.

Graphique 1 – Fréquence d’obtention des offices à partir des noms (total : 2200 = total des noms recensés dans l’échantillon).

Graphique 1 – Fréquence d’obtention des offices à partir des noms (total : 2200 = total des noms recensés dans l’échantillon).
  • 43  Il s’agit, dans l’ordre décroissant de présences, des familles Mattei, Muti, Velli, De Rossi, De C (...)

28Comme l’illustre le graphique 1, un pourcentage élevé concerne les officiers dont le nom n’apparait qu’une seule fois : ils forment la base d’une « pyramide » au sommet de laquelle figurent les neuf familles dont les membres ont accédé au Capitole entre 216 et 476 fois43 (à droite du graphique). Jusqu’ici, dans le catalogue, on a distingué les noms qui n’apparaissent qu’une seule fois de ceux qui y figurent plusieurs fois, soit les membres d’une même famille qui ont occupé un office une ou plusieurs fois. Il existe pourtant une troisième catégorie qui échappe à cette première division : celle des individus « indépendants » qui obtiennent plus d’une charge au cours de la période examinée. Leur nom est donc indiqué plus d’une fois. Il s’agit d’individus isolés qui, dans certains cas, ont réussi à accéder assez fréquemment aux offices. Par exemple, en l’espace de vingt ans (1554-1574), Bartolomeo Cialdera a été six fois caporione et 27 fois conseiller du rione Ripa ; Fulvio Bagnorea, entre 1564 et 1584, a été deux fois caporione et 15 fois conseiller de Parione, selon un modèle d’exclusivité concernant le rione d’élection qui sera approfondi dans les pages suivantes.

  • 44  Pour évaluer le poids des grandes familles dans l’élite capitoline, on a adopté une démarche qui v (...)

29Si on reformule la question en mettant de côté la distinction entre familles et individus et en s’intéressant à la fréquence d’obtention d’un poste pour chaque individu, isolé ou en famille, les résultats sont encore plus nets et mettent au jour un fort turn-over au sein du groupe des officiers. En effet, le nombre de charges obtenues par chacun des individus varie de 1 à 60, et 58 % des enregistrements concernent ceux qui n’ont accédé au Capitole qu’une seule fois : ils sont au nombre de 3204, membres de grandes familles ou non, pour lesquels l’expérience directe du pouvoir municipal s’est limitée à une seule au cours des cent ans qui couvrent cette étude. En revanche, les officiers qui apparaissent dans la liste au moins 50 fois sont tous membres de familles élues au Capitole au moins 90 fois, et il ne s’agit jamais d’individus isolés44.

30Du point de vue chronologique, l’analyse de la distribution indique que la présence des « non habitués » (groupe de ceux qui obtiennent une charge municipale une seule fois) est plus importante vers la fin de la période considérée (ligne grise foncée – graphique 2).

  • 45  Il faut néanmoins préciser une fois encore que la définition de « non habitué » ne signifie pas né (...)

31La distribution montre que la présence des grandes familles (trait gris clair) diminue progressivement jusqu’en 1620. Après cette date, les deux courbes, bien que moins linéaires, sont tout à fait symétriques : à chaque baisse ou montée dans la courbe des « non habitués » correspond une tendance inverse pour la courbe supérieure. Il faut préciser que, si la durée de la carrière municipale est obligatoirement limitée à un an pour les officiers élus une seule fois, les familles qui obtiennent plus de 100 charges sont, pour la plupart, présentes au Capitole au cours de la totalité de la période examinée. En effet, pour les 32 familles considérées, la durée moyenne de présence au sein du gouvernement municipal est de 97 ans. Si l’on prend en compte, dans l’analyse, les familles qui obtiennent plus de 50 charges (46 familles), cette valeur descend à 84 ans, chiffre qui demeure élevé. Ces données indiquent ainsi que les grandes familles de la noblesse romaine ont tendance à garder le pouvoir au cours de toute la période examinée suivant des intensités variables. Ces données sont confirmées lorsque l’on réduit l’analyse à une seule magistrature – celle du caporione – pour laquelle on dispose d’informations complètes tout au long de la période considérée. En effet, l’analyse fait encore apparaître la tendance d’une plus forte présence du groupe de fréquence 1, ainsi qu’une diminution relative du contingent formé par les grandes familles. Les données présentées semblent donc contredire l’hypothèse, traditionnellement admise par l’historiographie, d’une fermeture progressive de l’élite capitoline à partir de 158045.

Graphique 2 – Les « non habitués » (1061) et les grandes familles (32 familles) au cours de la période 1550-1650.

Graphique 2 – Les « non habitués » (1061) et les grandes familles (32 familles) au cours de la période 1550-1650.

32On a jusqu’ici envisagé l’accès aux offices municipaux sans faire de distinction entre eux. Pourtant, comme on l’a vu, des différences existent, notamment quant au prestige de la charge et à la fréquence d’élection. On va donc maintenant tenter de préciser à quel type d’office les « non habitués » ont accès, en suivant l’hypothèse que certaines magistratures sont plus facilement accessibles que d’autres. En effet, le graphique 3, qui compare la distribution des charges du groupe de fréquence 1 à celle du total de la liste, met en évidence des différences. Elles concernent surtout les candidats et les magistratures des caporioni, des conservateurs et des conseillers, ainsi que les citoyens admis aux conseils municipaux (le conseil municipal n’est pas une magistrature mais joue un rôle public).

Graphique 3 – Distribution des magistratures dans le groupe de fréquence 1 (A, total : 1061) et dans le total de la liste (B, total : 19609).

Graphique 3 – Distribution des magistratures dans le groupe de fréquence 1 (A, total : 1061) et dans le total de la liste (B, total : 19609).

33En ce qui concerne les candidats, leur concentration dans le groupe de fréquence 1 est assez nette. Dans ce groupe, on trouve cinq fois plus de candidats pour l’office de réformateur du Gymnase et pour celui du syndic des officiers ; on trouve aussi quatre fois plus de candidats pour l’office du syndic du Peuple Romain. Lorsqu’on a la possibilité de savoir qui a effectivement été élu, le cadre change : si, par exemple, la proportion des candidats varie de 4 % (fréquence 1) à 1 % (total) pour les syndics du Peuple Romain, le nombre d’élus est identique dans les deux graphiques (1 %). De même, dans le groupe de fréquence 1, on peut observer une concentration de candidats pour l’office de maître des rues (3 % contre 1 % pour le total), mais seulement 0.4 % pour l’office de maître justicier, autrement dit un pourcentage quatre fois plus bas que le total (2 %). On peut donc supposer avec raison que, compte tenu de la similarité de statut entre les deux charges, le résultat pour les maîtres justiciers élus soit semblable à celui des maîtres des rues élus que l’on connaît déjà. Par conséquent, on peut conclure que le groupe de fréquence 1 a pour spécificité de disposer d’une forte présence de candidats. Bien qu’avoir son nom dans l’urne signifie être reconnu gentilhomme, on ne peut pas pour autant ignorer la différence qu’il existe entre candidats et élus. Le système prévoit que la bussola se remplisse chaque année d’une multitude de noms différents, mais une bonne partie d’entre eux restent dans l’urne.

34Pour continuer sur les spécificités du groupe de fréquence 1, on remarque un plus grand nombre de caporioni (+8 %), donnée qui semble confirmer le fait que la prééminence construite dans un quartier peut conduire au Capitole même ceux qui ne sont pas les membres de grandes familles de la noblesse. Le contingent de citoyens admis aux conseils parmi les « non habitués » (A) est double par rapport au résultat du même groupe dans le graphique B ; dans ce cas, il s’agit, comme on l’a déjà observé, non d’un office mais d’un statut, d’un droit qui consiste à offrir le privilège de pouvoir participer aux conseils municipaux. On peut donc formuler l’hypothèse selon laquelle celle de citoyen admis aux conseils est l’une des « charges » les plus faciles d’accès, ce qui explique le grand nombre de candidats indépendants. Par contre, comme cela est prévisible, le contingent de conservateurs au sein du groupe à fréquence 1 (A) représente la moitié de ce même contingent considéré dans sa totalité (B). Cette donnée n’est pas surprenante puisque l’office de conservateur est l’un des plus prestigieux, les conservateurs étant les chefs du Capitole. Une dernière spécificité du groupe de fréquence 1 – qui est d’ailleurs la plus évidente – concerne le nombre limité de conseillers, toutes proportions gardées, si on le compare à l’effectif total. En effet, les conseillers ne représentent que 17 % des indépendants, alors qu’ils sont presque la moitié dans l’effectif total.

35Ces données sont confirmées par l’analyse de la structure des offices de caporione, de conservateur et de conseiller par rapport à la fréquence d’obtention des charges. Il est intéressant de remarquer les différences qui existent dans la distribution des groupes de fréquence (1, 2-5, 6-10), selon la charge considérée. Pour les caporioni, cet ensemble représente 1/3 du total, tandis qu’il représente près de la moitié du contingent des citoyens admis aux conseils municipaux. Parmi les conservateurs et les conseillers, le groupe de fréquence 1-10 ne compte que pour 16 % et 12 % respectivement, tandis que les familles qui obtiennent des offices plus de 300 fois représentent 7 % et 6 % du total de l’effectif. En considérant l’ensemble composé des trois fréquences les plus hautes (> 100), on peut remarquer qu’il représente environ 40 % du total des conservateurs et des conseillers et, seulement 12 % des citoyens admis aux conseils. On peut ainsi en conclure qu’il existe un certain degré de différenciation entre les fréquences : ceux qui obtiennent une charge une fois ou quelquefois seulement se concentrent sur certains offices. De même, une magistrature comme celle du conservateur, bien qu’elle ne soit pas totalement fermée aux « non habitués », demeure un espace politique réservé plutôt à ceux qui forment le groupe des fréquences les plus hautes.

36Toutes les charges ne sont pas accessibles de façon égale à ceux qui ne sont pas membres des grandes familles patriciennes. Qu’en est-il alors des rioni ? Sont-ils tous accessibles aux « non habitués » ? Et, vice-versa, comment les grandes familles sont-elles réparties dans les quartiers de Rome, d’un point de vue politique ?

Les rioni et l’accès au Capitole

  • 46  Borgo 2.1 ; Ripa 3.1 ; Ponte 3.6 ; Campo Marzio 3.7 ; Colonna 3.8 ; Parione 3.9 ; Trastevere 4 ; M (...)
  • 47  Le Borgo, ou Castello, a été proclamé XIVerione de Rome par le pape Sixte V en 1586. Le premier of (...)

37Etabli par statut, le lien entre le quartier et certains offices capitolins, est, on l’a vu, inhérent au système électoral. Il est donc légitime de s’interroger sur la dimension spatiale de l’ouverture de l’élite municipale : existe-t-il une « géographie urbaine » de l’accessibilité au pouvoir ? Si la réponse à cette question est positive, cela signifie que, pour des individus indépendants, les modalités d’accès aux charges ne sont pas les mêmes en fonction des quartiers et des tissus économiques et sociaux de ces espaces. Ces derniers diffèrent, en effet, par le degré de développement des activités artisanales et commerciales et la présence de résidences de nobles et de cardinaux. On peut penser que, là où les grandes familles sont moins concentrées, les individus isolés ont plus de chance d’être reconnus gentilshommes. Pour tester cette hypothèse, commençons par voir quel est le rapport entre les offices et les noms dans les différents quartiers, élément qui peut « mesurer » le degré d’ouverture du rione : moins le résultat est élevé, plus le turn-over est faible dans la catégorie des officiers. En effet, ce rapport varie en fonction du quartier46 – Sant’Angelo semble être le quartier le plus fermé (5.8), Borgo le plus ouvert (2.1). Borgo est le dernier rione à avoir été institué47 : on peut donc l’envisager comme un espace qui, politiquement, est à « conquérir ». Voyons comment les fréquences d’obtention des offices se distribuent dans les différents quartiers (graphique 4).

Graphique 4 – Distribution des groupes de fréquence d’obtention des charges dans les quartiers (total : 3342 = somme des totales des noms dans chaque rione).

Graphique 4 – Distribution des groupes de fréquence d’obtention des charges dans les quartiers (total : 3342 = somme des totales des noms dans chaque rione).

38La distribution met en évidence des différences entre les 14 rioni. Si, dans des quartiers comme le Trastevere et le Campo Marzio, le pourcentage des noms de ceux qui ont occupé une charge de 1 à 5 fois dépasse la moitié du total des noms, ce groupe de fréquence est nettement plus bas dans d’autres quartiers. Par exemple, à Pigna et à Campitelli ces pourcentages sont inférieurs à 40. Il est également intéressant d’observer que les grandes familles nobles sont présentes dans chaque quartier, au moins une fois : cependant, malgré cette distribution apparemment homogène, les familles sont plus ou moins nombreuses selon les quartiers. Si, dans cette analyse, la présence d’un membre de la famille Muti dans le Borgo est suffisante pour attester de la présence des grandes familles (rappelons que pour la famille Muti, la fréquence est supérieure à 100), il s’agit d’une situation à différencier de celle où certaines familles, avec l’ensemble de leurs membres, sont élues plus de 200 fois dans d’autres quartiers. Il est donc nécessaire de proposer une analyse à l’échelle individuelle.

39Les familles dont les membres ont été officiers au moins 100 fois – l’« élite de l’élite » capitoline – sont présentes dans tous les quartiers, mais selon des proportions variables de 0.4 % pour le Borgo à 12.2 % à pour Sant’Angelo (graphique 5).

Graphique 5 – Distribution des membres des familles de fréquence > 100 dans les rioni (4465 = total des membres des familles de fréquence > 100).

Graphique 5 – Distribution des membres des familles de fréquence > 100 dans les rioni (4465 = total des membres des familles de fréquence > 100).

40Le quartier Sant’Angelo affiche le résultat le plus élevé parce que ici réside une des familles les plus importantes, les Mattei, qui ont été élus officiers 199 fois dans le rione. Trastevere est la zone où réside la famille Velli : ses membres représentent à eux seuls plus de 8 % des officiers du quartier. De même, les officiers du rione Colonna sont en grande partie membres de la famille Del Bufalo, et ainsi de suite. Lorsque les pourcentages sont peu élevés, cela signifie qu’aucune grande famille n’est installée dans le quartier, à quelques exceptions près. C’est notamment le cas de Ripa, du Ponte et surtout du Borgo.

41Mais quel est le poids des membres de ces familles par rapport au total des officiers de chaque quartier ? Pour répondre à cette question, on a calculé les pourcentages pour chaque rione, non plus sur le total des membres des familles de fréquence >100, mais sur le total des officiers, toutes fréquences confondues (graphique 6).

Graphique 6 – Pourcentage des membres de familles de fréquence >100 sur le total des officiers dans chaque quartier.

Graphique 6 – Pourcentage des membres de familles de fréquence >100 sur le total des officiers dans chaque quartier.

42Comme dans le graphique 5, les résultats sont très variés : de 3.6 % pour le Borgo à 44.9 % pour Sant’Angelo. En comparant les graphiques 5 et 6, on observe des distributions assez similaires. On peut néanmoins noter quelques différences, par exemple pour Sant’Eustachio ou le Trastevere. Ce dernier rione occupe la deuxième position après Sant’Angelo dans le graphique 5, car il héberge une grande partie des membres des familles nobles. En revanche, ce résultat ne correspond pas à un poids notable de l’« élite de l’élite » sur le total des officiers du quartier : en effet, dans le graphique 6, le Trastevere se place en neuvième position, ce qui signifie que dans la plupart des autres quartiers la concentration des familles nobles y est plus élevée. En observant de nouveau le graphique 4, on voit que c’est le rione Trastevere qui compte le plus d’individus élus une seule fois officiers ; donnée qui va de pair avec la forte présence des grandes familles du Capitole. Cela signifie que, dans le Trastevere, l’espace politique est ouvert à la mobilité et aux nouveaux arrivants, mais qu’il est aussi dominé par des grandes familles.

43Le cas du Trastevere contredit donc l’hypothèse d’une correspondance directe existant entre la présence de grandes familles et la fermeture du quartier : l’espace pour les « non habitués » n’est pas forcément restreint dans les zones où les grandes familles sont installées. Cette hypothèse se vérifie dans d’autres quartiers, comme dans le Campitelli où le groupe de fréquence >100 représente une large partie du total des officiers (40 %), tandis que le groupe de fréquence 1 s’élève à moins de 15 %.

Modèles de distribution des offices locaux

44On peut donc affirmer qu’il n’existe pas un modèle unique de relation entre familles nobles et quartiers. L’exclusivité du pouvoir d’une ou deux familles et la présence massive de « non habitués » n’entrent pas toujours en contradiction. Il convient donc de changer une fois encore de perspective pour considérer le quartier en lui-même, non plus par rapport aux autres : cette approche permettra d’analyser l’espace politique du quartier et de connaître la distribution des officiers dans chaque rione. Dans le graphique 7, les fréquences sont calculées pour chaque quartier : un officier élu une fois au Trastevere et neuf fois à Ripa ne fera donc pas partie du groupe de fréquence 6-10, mais une fois du groupe de fréquence 1 du Trastevere, et une autre fois du groupe de fréquence 6-10 de Ripa. Les groupes de fréquence ne sont donc pas calculés sur l’ensemble des quartiers, mais dans chaque rione.

45Ce traitement de données permet de vérifier la structure interne de chaque quartier. En effet, comme on a pu l’observer au sujet de la répartition des noms, s’il est vrai que les grandes familles sont installées partout, elles ne sont toutefois pas réparties de façon homogène. Et ce constat peut s’appliquer à tous les groupes de fréquence. On peut alors remarquer que les différences par quartier sont parfois importantes pour la répartition des fréquences d’obtention de charges. Lorsque l’on compare Sant’Angelo au Borgo, par exemple, le résultat est frappant : à Sant’Angelo, 40 % des charges sont attribuées à des officiers appartenant à des familles qui ont obtenu cet office plus de 50 fois, tandis que dans le Borgo personne n’a obtenu une charge plus de 30 fois.

Graphique 7 – Fréquences individuelles concernant l’obtention des offices à l’intérieur des quartiers (total : 15 130) – de gauche à droite : 1 ; 2-5 ; 6-10 ; 11-30 ; 31-50 : 51-100 ; >100.

Graphique 7 – Fréquences individuelles concernant l’obtention des offices à l’intérieur des quartiers (total : 15 130) – de gauche à droite : 1 ; 2-5 ; 6-10 ; 11-30 ; 31-50 : 51-100 ; >100.
  • 48  Lepre 1976.

46Le graphique 7 permet de regrouper les quartiers qui semblent avoir les mêmes caractéristiques quant à la distribution des charges. On peut ainsi identifier des rioni où les offices sont entre les mains d’un nombre restreint d’individus (environ 40 % des charges), et où le groupe de fréquence 1-10 est relativement peu représenté. Cette situation est visible dans le rione Trevi, et surtout dans celui de Sant’Angelo, ce qui n’est pas un hasard : en effet, comme on l’a vu, le rione Sant’Angelo est la base territoriale des Mattei, l’une des plus importantes familles du Capitole ; de même, Trevi est le lieu de résidence des Muti et des Alberi, deux des familles les plus éminentes. Mais, comme on l’a vu, la présence d’une de ces familles dans le quartier peut très bien aller de pair avec la présence significative de personnes moins « habituées » comme celles qui composent le groupe 1-10. Ce modèle de distribution des charges est celui que l’on retrouve dans le Trastevere où habitent les Velli et une partie des Mattei : les membres de ces deux familles représentent à elles seules 17.5 % du total des offices assignés dans le quartier au cours de la période considérée. Bien qu’il soit le lieu de résidence de ces grandes familles, depuis le XVe siècle au moins le Trastevere est aussi le quartier le plus populaire de Rome, caractérisé par la forte présence d’une population étrangère et mobile48. Il s’agit donc d’un cas de figure intéressant, sur lequel on reviendra à la fin de cet ouvrage.

  • 49  On utilise ici ce mot en sachant toutefois que, pour « mesurer » l’oligarchie, une analyse basée s (...)
  • 50  « Ripa » signifie « rive ».

47Un autre « pôle » rassemble les rioni dans lesquels la distribution des charges semble échapper à toute logique « oligarchique »49. Ils comptent un grand nombre d’individus qui obtiennent des offices entre 1 et 10 fois, distribution à laquelle correspond une faible présence de grandes familles nobles. C’est le cas notamment des quartiers de Ponte et de Ripa, où aucune famille de fréquence >100 n’est présente. Ce sont des quartiers où le tissu économique et social est constitué d’un grand nombre d’artisans et de commerçants. La communauté des banquiers et des artisans florentins s’est installée dans le quartier Ponte ; les noms des rues témoignent d’ailleurs de cette présence. En outre, la via dei Coronari, empruntée par les pèlerins qui se rendent à San Pietro, est très riche en commerces, dont les plus populaires sont ceux des vendeurs de couronnes et d’images saintes. Ripa, comme son nom l’indique50, est un quartier dont la vie économique est étroitement liée au Tibre, le fleuve qui traverse Rome : c’est ici que se trouve le port de la ville. Le quartier est ainsi traversé par les échanges et les réseaux commerciaux qui utilisent le transport des marchandises par mer. Puisque ces quartiers sont des espaces « ouverts » à la mobilité, ils ne constituent pas des lieux de résidence privilégiés pour les familles les plus importantes de la noblesse romaine.

48Enfin, on peut identifier un dernier modèle de distribution des offices : celui du Borgo. Il s’agit en effet d’un cas isolé. Comme l’illustre le graphique 7, dans ce quartier aucun officier n’obtient plus de 30 fois une magistrature. Le pourcentage du groupe 1-10 est extrêmement élevé (75.9 %) et représente de loin la majorité des cas, tandis que le groupe >50 est totalement absent. Cette spécificité est sans doute liée à l’histoire même du Borgo : appartenant d’abord au Trastevere, presque inhabité au Moyen Âge, il commence à gagner en importance avec la construction de la basilique Saint-Pierre, qui augmente la présence d’artistes et de pèlerins. Les papes cherchent à peupler le Borgo en concédant des privilèges fiscaux à ceux qui y construisent leur maison. Toutefois, la structure de sa population reste singulière : elle est constituée, en grande partie, de non-Romains célibataires et, à l’époque des papes Medici, 9 des 25 cardinaux de la curia y résident avec leur cour. Le Borgo est donc un quartier où la mobilité est forte, et dans lequel le pouvoir pontifical y est trop marqué pour qu’une famille de la noblesse municipale puisse s’y installer et penser en faire sa base politique.

49En conclusion, à la question « combien de familles gouvernaient un rione ? », la réponse varie en fonction du quartier, comme on l’a vu, mais aussi de la période considérée. L’analyse sera limitée ici à trois quartiers « exemplaires » : Borgo, Trastevere et Sant’Angelo. En calculant le nombre de familles élues tous les dix ans pendant la période écoulée, on obtient les valeurs qui figurent dans le tableau 2.

Tableau 2 – Nombre de familles élues dans le Borgo, le Trastevere et Sant’Angelo entre 1550 et 1650, par décennie.

Tableau 2 – Nombre de familles élues dans le Borgo, le Trastevere et Sant’Angelo entre 1550 et 1650, par décennie.

50Pour chaque décennie, le Borgo est donc gouverné par les membres de 40 familles en moyenne ; cette valeur est moins élevée pour le Trastevere (33.2), et moins encore dans le rione Sant’Angelo où elle descend à 27.4. Mais combien de familles issues de la grande noblesse représentent un rione au Capitole au même moment ? On prendra l’exemple du Trastevere en se limitant à une année tous les dix ans.

51Si l’on exclut les années 1560 et 1650, on constate que les membres d’au moins deux grandes familles sont régulièrement élus officiers capitolins en même temps : on ne peut donc pas considérer le rione comme le domaine exclusif d’une seule famille, même pour de courtes périodes. Comme on l’a déjà souligné, bien que l’exercice du pouvoir doive encore être analysé avec des méthodes qui permettent de saisir les alliances et les parentés, il reste vrai que, au moins en ce qui concerne l’exercice d’un office capitolin, les grandes familles n’ont jamais l’exclusivité.

Graphique 8 – Les familles élues dans le Trastevere en 1550, 1560, 1570, 1580, 1590, 1600, 1610,1620, 1630, 1640, 1650 (total : 71).

Graphique 8 – Les familles élues dans le Trastevere en 1550, 1560, 1570, 1580, 1590, 1600, 1610,1620, 1630, 1640, 1650 (total : 71).

Au-delà du Capitole : la pluralité des charges locales

  • 51  Bevilacqua 1988, p. 289.

52Le rione est un espace politique pluriel dans lequel le pouvoir municipal est partagé entre plusieurs familles de la grande noblesse et un nombre variable de gentilshommes dont la présence au Capitole est occasionnelle. À côté de ce pouvoir, il faut compter les autres offices locaux octroyés par le Capitole ; il s’agit d’offices pour lesquels les tâches sont bien définies (le sonneur de cloches, le mesureur du sel au détail, le porteur de l’épée et du chapeau du sénateur), ou de ceux dont la juridiction se limite à certains endroits du rione, à des lieux très spécifiques. Ces offices sont souvent concédés par motuproprio, à des gentilshommes appauvris mais ils peuvent aussi être achetés car ils procurent une rente annuelle. Du fait de leur nombre, ils contribuent à la superposition et à l’enchevêtrement de plusieurs officiers sur le même territoire – ou sur une portion de territoire. Il suffit de penser que quatre personnes différentes ont en charge la gestion de la fontaine de Trevi et de ses eaux, et trois la fontaine de San Giorgio. Ces charges peuvent se cumuler avec les offices capitolins : ainsi, le noble Girolamo Cenci, maréchal, conseiller et caporione de Regola, est aussi le gardien de la statue de Paul III et de la fontaine de la place de la Madonna Santissima dei Monti51.

53Toutefois, pour saisir la complexité politique du quartier, il ne faut pas prendre en considération seulement les charges capitolines, mais se tourner vers les autres corps et institutions qui attribuent des offices locaux. On a déjà vu qu’à Rome la cohabitation des autorités pontificales et municipales, souvent en compétition l’une avec l’autre, est une des formes du polycentrisme administratif. Des exemples de cette rivalité ont déjà été mis en avant dans un précédent chapitre, au cours de l’analyse des conflits de juridiction opposant les caporioni à la police pontificale.

  • 52  Santa Maria dell’Orto réunit une douzaine de corps de métier associés à la production et la vente (...)

54Aux charges qui relèvent de la double administration municipale/pontificale, il convient d’ajouter d’autres offices locaux – en particulier ceux attribués par les confréries – et d’analyser l’articulation de la pluralité des pouvoirs au sein du quartier. Le Capitole n’est pas le seul à avoir intérêt à attribuer des charges locales, et la division de la ville en rioni demeure un modèle pour l’« organigramme » de plusieurs corps et communautés de Rome, comme les compagnies religieuses ou les communautés de métier. Dans les confréries, la présence des conseillers de rione permet à la compagnie d’assurer un meilleur contrôle sur ses membres, comme le rappelle l’un des articles du statut de Santa Maria dell’Orto52.

Puisque parfois des conflits éclatent entre confrères, d’où viennent haines et inimitiés, les quatorze conseillers ont le devoir d’essayer d’entendre et de découvrir, si, dans leurs rioni, figurent des confrères à l’esprit litigieux, et le sachant, l’assemblée secrète doit être convoquée, afin que les gardiens et le camerlengo [la plus haute fonction de la confrérie] puissent inviter ses membres à faire la paix, soit d’eux-mêmes soit à l’aide de personnes de confiance.

55Le rôle de conseiller du rione vise à exercer un certain contrôle sur les confrères de son quartier, et ce, à travers une collecte d’informations – essentiellement réalisée sur la base de rumeurs (« essayer d’entendre ») –, qui implique une connaissance fine et directe du tissu social du rione. Faire partie d’une compagnie contribue ainsi à renforcer l’autorité personnelle.

  • 53  53Pour cette section, on aura recours aux archives de l’hôpital de la Consolazione, notamment au f (...)

56Pour étudier l’articulation entre les charges municipales et celles attribuées par une association religieuse au sein du même quartier, on reviendra sur le cas de la confrérie de Santa Maria della Consolazione. Depuis la fondation de cette confrérie, ce sont les nobles qui occupent toutes les fonctions administratives. Le camerlengo (le chef de toute l’organisation), les gardiens, les visiteurs et les conseillers de rioni sont en effet toujours choisis parmi les gentilshommes. Lorsque l’on compare la liste des conseillers des rioni, pendant une période qui s’étend de 1578 à 1648, à celle des officiers du Capitole, on découvre que 81 % des membres de la noblesse inscrits à la Consolazione ont aussi obtenu des charges municipales (329 noms sur 405)53. En analysant la distribution des offices de la Consolazione dans les rioni, et en la comparant à celle des offices du Capitole, on observe que la distribution spatiale est la même dans la plupart des cas. Par exemple, les Boccamazza sont élus sept fois conseillers du rione Campo Marzio par la confrérie de la Consolazione, et dans le même quartier, la famille obtient le plus grand nombre d’offices municipaux. Comme l’illustre le tableau 3, cette situation se vérifie dans une grande majorité des cas.

Tableau 3 – Familles qui occupent le plus souvent la charge de conseillers de la Consolazione. Comparaison avec les charges obtenues au Capitole.

Tableau 3 – Familles qui occupent le plus souvent la charge de conseillers de la Consolazione. Comparaison avec les charges obtenues au Capitole.
  • 54  Par « 1ère famille », on entend la famille qui obtient le nombre le plus élevé de charges dans le (...)

Note54

57(à suivre)

Source : Liste nominative des officiers capitolins 1550-1650 (voir plus haut) et ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642.

58Les charges obtenues à la Consolazione semblent donc être facilement intégrées dans la carrière municipale des familles du patriciat romain. Être conseiller de rione contribue à obtenir ou à consolider une position politique ; on peut ainsi affirmer que, pour ceux qui développent un cursus dans la politique municipale, les rôles exercés au sein des compagnies religieuses sont complémentaires. Bien qu’elles confèrent un niveau d’autorité inférieur à celles du Capitole – un officier municipal jouit d’un prestige et d’une autorité bien plus importante que l’officier d’une confrérie –, les charges du rione de la Consolazione ne sont pas ignorées par les grandes familles municipales : les Mattei, les Del Bufalo, les Velli, les Cenci, les Massimi, obtiennent tous des charges de la confrérie.

59En outre, en confrontant la liste des conseillers de la compagnie à celle des officiers du Capitole, on remarque que les « premières familles » de la Consolazione par rione ne sont pas toujours les premières familles municipales (cf. tableau 4). Prenons l’exemple de la famille Tesauro. Ce sont ses membres qui obtiennent le plus fréquemment la charge de conseiller de Ripa, attribuée par la Consolazione. Pourtant, comme on l’observe dans le tableau 4, la présence de cette famille au Capitole est très limitée, le rione Ripa étant plutôt représenté par les Pignanelli et les Spannocchia.

Tableau 4 – Comparaison des premières familles de la Consolazione et du Capitole dans chaque rione.

Rione

1èrefamille Consolazione

1èrefamille Capitole

Monti

Alberini

Della Molara

Trevi

Muti

Muti

Colonna

Iacovacci

Del Bufalo

Campo Marzio

Boccamazza

Casali

Rione

1èrefamille Consolazione

1èrefamille Capitole

Ponte

D’Avila

Amodei

Parione

Mellini

Mellini

Regola

Giovenali

Cenci

Sant’Eustachio

Pacifici

Alberini

Pigna

Saccocci

Altieri

Campitelli

Muti

Margani

Sant’Angelo

Muti

Mattei

Ripa

Tesauro

Pignanelli

Trastevere

Mattei

Mattei

Borgo

Confalonieri

Spinola

Source : Liste nominative des officiers capitolins 1550-1650 (voir plus haut) et ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642.

60Les rioni sont des espaces où coexistent différentes formes de politique locale. En effet, à l’exception de Trevi, Parione et Trastevere, les principales familles de la noblesse municipale ne sont pas toujours les mêmes pour la Consolazione. Lorsque les charges sont occupées par la même famille, cela renforce le pouvoir local de celle-ci. En revanche, dans d’autres cas, plusieurs individus ou familles « se partagent » les différentes formes d’autorité. Il faut préciser ici que les charges des conseillers de quartier sont attribuées par chaque confrérie, de la plus « prestigieuse » à la plus populaire : dans un même rione, on trouve donc de nombreuses personnes censées détenir une forme d’autorité locale, à différents niveaux.

61Parmi les membres de la Consolazione, à côté des grandes familles du patriciat romain, des artisans et des commerçants, on trouve les « non habitués », ainsi que des membres de familles dont la présence au Capitole est très faible par rapport aux maisonnées les plus réputées. Les charges attribuées par la confrérie semblent ainsi renforcer la présence locale dans le rione où la famille réside : les offices locaux du Capitole et ceux de la compagnie religieuse sont en effet obtenus dans le même quartier. Le tableau 5 offre quelques exemples de carrières municipales et de carrières à la Consolazione.

Tableau 5 – « Non habitués » et familles mineures : carrières au Capitole et à la confrérie de la Consolazione.

Tableau 5 – « Non habitués » et familles mineures : carrières au Capitole et à la confrérie de la Consolazione.
  • 55  Sauf indication contraire, les charges à la Consolazione sont obtenues dans le rione spécifié dans (...)
  • 56  Comme on le sait, l’office du conservateur n’est pas attribué sur une base locale. Toutefois, la p (...)

Note55
Note56

Source : Liste nominative des officiers capitolins 1550-1650 (voir plus haut) et ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642.

62Il est intéressant d’observer que, lorsque le rione d’élection au Capitole ne correspond pas à celui de la Consolazione, cela concerne souvent le rione Ripa ou le Trastevere. La carrière de Lelio Barigiani, par exemple, se déroule en grande partie dans le rione Colonna. Il obtient pourtant sa première charge à Ripa. Pietro Ceccoli, lui, est installé politiquement de façon stable au Trastevere, mais réussit à devenir conseiller de Ripa en 1609. On a déjà signalé que Ripa et Trastevere sont des espaces commerciaux et populaires : à Ripa surtout, l’installation des familles nobles est rare ; le rione est plutôt un centre où se développent des échanges commerciaux, notamment en raison de la présence du port. On peut donc facilement imaginer qu’à Ripa ce sont surtout les activités économiques qui confèrent notoriété aux « hommes illustres » du quartier.

63En définitive, on ne peut pas considérer le rione comme l’espace « privé » d’une famille : les données fournies dans le présent chapitre ont confirmé le fait que les grandes familles ne disposent jamais du pouvoir municipal sous une forme exclusive dans le quartier, même pendant une année. Le degré élevé de l’ouverture de l’élite municipale – favorisé par la structure de l’État pontifical et par le statut de 1580, qui reste ambigu sur la définition de gentilhomme – fait du rione un espace politique pluriel. Il convient de se demander comment cette pluralité politique fonctionne dans les espaces où les familles de la noblesse romaine possèdent de véritables domaines à l’intérieur des rioni, autour de leur palais et de leurs maisons. Est-il dès lors possible d’imaginer une division du rione en zones d’influence – qui serait d’ailleurs confirmée par l’existence de toponymes comme « Li Mattei », « Li Massimi » ? Ainsi, le découpage par rione ne semble pas être le plus adapté pour saisir l’influence locale et topographique de la noblesse municipale. Pour tenter d’identifier les espaces d’influence politique au sein du quartier, il s’avère nécessaire d’opérer un changement d’échelle, et de passer des rioni aux structures topographiques du pouvoir local : monti, îlots et palais.

Notes

1  ASR, Tribunale criminale del Governatore, Processi, 1594, vol. 272.

2  Bernardino est élu huit fois entre 1592 et 1622.

3  Sur le lexique territorial des villes italiennes voir Marin 2002. Sur les rioni de Rome voir Royo, Hubert, Bérenger 2008.

4  Pendant la période qui s’étend de 1360 à 1390, les casali et les castra, patrimoines des barons et des églises, passent dans les mains de cette nouvelle classe de commerçants agricoles pour qui la terre représente la source de revenus la plus importante, sinon la seule (Gennaro 1967). Selon Gennaro, le bovattiere est la figure la plus intéressante dans le panorama économique de la Rome du XIVe siècle. Ses activités économiques se déroulent autour du domaine et du palais : « le premier lui permet de disposer de produits destinés à la consommation ou au commerce, il lui fournit le terrain pour paître le bétail et, surtout, il constitue une base pour tisser des relations économiques avec les habitants qui lui permettent un commerce fructueux [...]. Néanmoins, le palais, entouré de maisons plus modestes dont est propriétaire le bovattiere et situé dans une zone urbaine qui porte d’ailleurs souvent son nom, demeure le véritable centre du commerce agricole. Et les artisans les plus actifs de Rome, laineurs et bouchers, tissent des liens très étroits avec le bovattiere », Gennaro 1967, p. 178 (traduction personnelle). Jean-Claude Maire Vigueur décrit lui aussi les bobacterii comme étant la classe dominante dans la production agricole de Rome, et souligne que leurs activités entrainent une proximité sociale avec les artisans et les commerçants : « Leurs activités [celles des bovattieri] qui restent en partie de nature commerciale et leur genre de vie n’est pas strictement oisif, même s’ils en ont banni le travail manuel, les mêlent de très près à la population des boutiques et des ateliers. Enfin, l’écart des fortunes n’est pas criant entre des bobacterii qui dotent leurs filles de 300 florins et des commerçants, des notaires, des aubergistes et même des artisans capables d’offrir aux leurs une dot de 100 à 200 florins », Maire Vigueur 1976, p. 17.

5  Les factions ont des liens importants avec les principaux lignages de barons, tels que les Orsini (auxquels les populares sont liés) ou les Colonna (chefs de file des nobiles), véritables piliers du mouvement politique : cela est déjà vrai à la fin de la Commune, lorsqu’ils agissent encore en dehors l’espace urbain, et que les raisons de l’ostracisme anti-baronnal se sont formellement dissoutes. Sur la Commune de Rome voir Maire Vigueur 2001.

6  Francesco Commendone, Discorso sopra la corte di Roma, 1554, cité par Visceglia 2002, p. 40.

7  Il en résulte une forte mobilité de la population de Rome qui compte un grand nombre d’étrangers. Les vagues migratoires sont tellement importantes qu’elles modifient le sex ratio de la ville : en effet, à partir de la fin du XVIe siècle et jusqu’à la fin du XIXe siècle, la structure démographique de Rome affiche un « surplus » d’hommes par rapport aux femmes – Sonnino 1996 ; Id. 1998. La Descriptio Urbis (1527), qui dénombre les lieux d’origine de 3495 habitants de la ville, a donné lieu à des interprétations divergentes. D’après Egmont Lee, les Romains représentent 68 % de la population totale (Lee 1985). En revanche, Jean Delumeau, dont l’analyse est plus plausible, relève un pourcentage de Romains beaucoup moins élevé (16,4 %), tandis que les immigrés représenteraient 83,6 % de la population (Delumeau 1959).

8  En plus d’être membre de l’élite capitoline, Altieri est humaniste, auteur de plusieurs ouvrages de genre politique ou narratif.

9  Camerano 2001.

10  Visceglia 2001.

11  Sur les villes de l’État pontifical voir Zenobi 1994.

12  De Benedictis 1995.

13  Visceglia 1992 et 1998.

14  Arcangeli 2003.

15  Ago 2006.

16  Nussdorfer 1992.

17  Par ailleurs, selon Ago, les stratégies familiales de la noblesse romaine peuvent être comparées à celles d’autres élites italiennes. L’introduction du fidéicommis aurait été plus tardif mais non exceptionnel, tout comme les choix résidentiels – de grands palais divisés en appartamenti (un pour chaque famille constituant la maisonnée). Malgré cette division, grâce aux fidéicommis, la majorité du patrimoine familial reste intacte pour les héritiers. Une deuxième analogie concerne les stratégies économiques, communes à toutes les noblesses italiennes de l’époque, notamment en ce qui concerne la gestion du patrimoine. Un point commun porte sur l’acquisition de fief de la part des familles enrichies et sur la fragmentation des biens immeubles pour les maisons menacées de déclassement social. La noblesse romaine suit aussi la tendance générale d’un investissement pour les biens immobiliers et pour les activités financières. En revanche, bien que propriétaires des terres, les élites n’investissent pas volontiers leurs capitaux dans les campagnes, à cause de la faiblesse de la demande urbaine et de la faible rentabilité des activités agricoles. En ce qui concerne les stratégies économiques, les nobles romains agiraient donc de façon similaire à ceux d’autres villes. Au cours des XVIe-XVIIe siècles, les différences entre les familles de l’ancien baronnage et les plus récentes ne sont pas très importantes : « Pour tous ces aspects, il n’existe pas de différence entre les héritiers du baronnage médiéval et les autres. Les Colonna se comportent comme les Santacroce et les Mattei ; ce qui les distingue est seulement le niveau où ces familles se placent, non la qualité des politiques familiales », Ago 2006, p. 622.

18  Statuta Almae Urbis Romae, livre III, chapitre XXVII – De modo creandi Electores Officialium Romani Populi.

19  Statuta Almae Urbis Romae, livre III, chapitre XXVIII – De Officio Electorum. L’électeur doit être âgé de 35 ans au moins et ne peut pas être candidat à un office municipal.

20  Pour être élu conservateur ou caporione, le droit de citoyenneté par privilège doit remonter à cinq ans au moins.

21  La Camera Urbis est la trésorerie municipale ; la trésorerie papale est l’un des offices de la Camera apostolica (Chambre apostolique). Voir Lombardo 1970.

22  Ago 1990, p. 45, traduction personnelle.

23  Ago 1990. Voir aussi Ago 1992 et Borello 2000.

24  « Les structures curiales, la direction de l’appareil ecclésiastique, le Sacré Collège, les cours cardinalices offrent les espaces institutionnels où, par l’intermédiaire de la famille pontificale et de son entourage, des segments de groupes nobiliaires de différentes origines géographiques peuvent se lier aux représentants les plus dynamiques, du point de vue économique et professionnel, des couches ‘inférieures’, entrer en relation avec le complexe réseau d’hommes d’affaires, de diplomates, de représentants politiques, d’intellectuels », Visceglia 1995, p. 43.

25  Dépourvue de toute autorité réelle, l’élite capitoline moderne a été perçue comme étant un objet en décadence, et le fait qu’elle fasse appel au passé a été interprété comme un signe évident de la misère de son présent. Les observateurs contemporains notent la faiblesse de l’autorité capitoline et déplorent le fait qu’elle utilise le passé pour cacher la réalité. Dans les mots de Paolo Giovio, le Capitole n’est rien moins qu’une « autorité ridicule » : l’image de son honneur passé est tout ce qui lui reste suite à la politique papale d’agrégation de familles étrangères dans la vie politique romaine. Il faut préciser que les mots de Giovio ont pour but de défendre l’aristocratie romaine contre les curiales et que la description du Capitole s’insère dans une rhétorique de revendication de la romanité menacée par ceux qui viennent de l’extérieur (voir Introduction, note 61, p. 24).

26  Nussdorfer 1992, p. 77, (traduction personnelle).

27  Un procès datant de 1596 témoigne de cette caractéristique. Domenico Attavanti, un gentilhomme du rione Monti, est exclu de l’urne non pas à cause de l’électeur mais parce qu’il n’a pas été agréé par le cardinal Aldobrandini. Vincenzo Cassino, électeur du rione Monti, avait préparé puis consigné la liste des gentilshommes pouvant être candidats aux offices municipaux à l’électeur du rione Regola, Vincenzo Americi, qui, après quelques jours, la lui avait remise en affirmant que le cardinal Aldobrandini avait effacé le nom de Domenico Attavanti, car il ne l’approuvait pas. ASR, Tribunale criminale del Governatore, Processi, vol. 299, 1596, 29 décembre 1596.

28  Nussdorfer 1992, p. 80.

29  L’autre magistrature qui attribue au détenteur de la charge un rôle officiel de médiation est celle du pacificateur (paciere). S’adressent aux deux pacificateurs ceux qui ont été offensés et souhaitent être vengés : l’action de ces officiers vise donc à apaiser le conflit, dans le but d’empêcher les vengeances. Suite à l’affirmation du Gouverneur de Rome comme organisme de contrôle de l’ordre public au XVIIe siècle, le rôle des pacificateurs tend à se réduire de plus en plus. Statuta Almae Urbis Romae, 1580, livre II, chapitre LXXXV – De Officio Paceriorum.

30  Ibidem, livre III, chapitre XL – De Officio Magistrorum Iustitiariorum. Sur cet office voir Nardi 1984.

31  Re 1920.

32  Les amendes pour infraction aux avis en matière de propreté de la ville représentent la principale source de revenus ordinaires de l’office des maîtres de rue. Les permis de construire, qui concernent principalement les travaux obligatoires pour la fermeture des portiques, occasionnent d’autres revenus. De même, du permis de creusement et de spoliation des anciens monuments, les maîtres des rues tirent des bénéfices financiers, à savoir un tiers des marbres et des travertins trouvés. Enfin, la vente de parties du domaine public constitue un autre revenu ordinaire. À tout cela, il faut ajouter les revenus extraordinaires, notamment la taxe pour la démolition (« tassa per la ruina ») qui est payée par les intéressés lorsqu’un travail public les concerne en améliorant leur bien immeuble.

33  Waddy 1996.

34  Le tribunal des conservateurs exerce sa juridiction sur les corporations et a le dernier mot pour les décisions prises par les officiers des corps de métiers. Toutefois, ce tribunal n’est pas seulement un moyen pour le Capitole de contrôler les corporations : en effet, celles-ci s’adressent aussi à lui en cas de problème, par exemple lors d’un litige avec un de leurs membres.

35  Pecchiai 1950, p. 124.

36  Pecchiai 1948, p. 41.

37  Archivio Storico Capitolino (dorénavant ASC), Camera capitolina. Les officiers élus entre 1550 et 1650 sont enregistrés dans les volumes suivants : credenzone (dorénavant : cred.) ; cred. I – tomes 4, 5, 18, 20-34 ; cred. IV – tomes 33, 104, 116, 117, 120, 121, 123 ; cred. VI – tomes 25-30, 33, 36.

38  Pour les syndics du Peuple Romain, les maîtres des rues, les maîtres justiciers et les réformateurs du Gymnase, la liste ne comprend pas seulement les officiers élus, mais aussi les noms de tous les candidats. Les candidats sont aussi importants que les élus, puisque le fait de pouvoir présenter sa candidature suppose qu’on est déjà reconnu comme étant apte à devenir officier. En outre, la liste inclut des charges qui ne sont pas liées aux quartiers, telles que celles des maîtres justiciers ou des pacificateurs. Ainsi, le choix d’inclure dans la liste tous les types de charge répond à la volonté de reconstituer le plus complètement possible les stratégies qui règlent la présence de certaines familles et d’individus au sein du Capitole : l’absence prolongée (plusieurs années) d’un individu dans la fonction de caporione ne signifie pas toujours la fin de l’influence sociale de la famille et sa disparition de l’espace de la politique municipale, mais plutôt le fait qu’elle occupe une position différente au sein du gouvernement municipal.

39  La liste des citoyens admis aux conseils municipaux est disponible uniquement pour les années 1569, 1581 et 1584. Pour cette raison, elle ne sera pas incluse pour les analyses diachroniques.

40  Les différents offices sont présents dans des pourcentages non homogènes ; de plus, certaines séries de noms d’élus ne couvrent pas exactement la période étudiée. Voici, pour chaque office, les années d’élection et le pourcentage qui s’y rapporte, sur le nombre total de noms présents dans la liste : caporioni, 1550-1650, 23.1 % ; maîtres justiciers – candidats, 1573-1623 et 1640-1643, 1.7 % ; citoyens admis aux conseils, 1569, 1581 et 1584, 5.9 % ; maréchaux, 1550-1643, 5.2 % ; conseillers, 1550-1640, 47.3 % ; pacificateurs, 1553-1643, 0.7 % ; conservateurs, 1550-1650, 5.1 % ; réformateurs du Gymnase – candidats, 1573-1623 et 1640-1643, 1.8 % ; imbussolatori, 1573-1623 et 1640-1650, 1.9 % ; syndics des officiers, 1573-1623 et 1640-1643, 3.2 % ; maîtres des rues – élus et candidats, 1554-1623 et 1640-1643, 1.8 % ; syndics du Peuple Romain – élus et candidats, 1553-1643, 1.9 %. En revanche, les informations relatives aux officiers sont assez complètes : dans 42 cas seulement, les noms ne sont pas notés ; dans 72 cas les prénoms n’y figurent pas.

41  Puisque l’identification par le nom qui prévaut sous l’Ancien Régime obéit à des règles différentes de celles qui se sont imposées par la suite, les chiffres doivent être pris avec précaution. Comme on le sait, un même nom peut être écrit sous des formes assez différentes, non seulement en latin ou en italien, mais aussi dans toutes les variantes qui se rapportent à une même signification. Par exemple, les noms Rosso, de Rubeis, de Rossi, Rossi, Rossino, Rossini peuvent qualifier la même famille. On a essayé d’identifier les différentes orthographes d’un même nom : le résultat s’élève à un total de plus de 2000 noms différents. En réalité, il peut y en avoir quelques dizaines en plus ou en moins : par conséquent, ce nombre est donné à titre indicatif.

42  Ce type d’analyse repose entièrement sur des données de nature quantitative : comme on l’a vu, il part d’une liste nominative. On a conscience des limites de cette approche, car les liens de ceux qu’on a appelés les « non habitués » avec les grandes familles capitolines pourraient être tissés grâce aux mariages et aux alliances : dans ce cas, ils échapperaient totalement à une analyse nominative telle que celle présentée ici (sur le mariage, le pouvoir et l’inclusion politique voir Bellavitis 2001 ; Ead. 1998, p. 81-92 ; Ead. 1995 ; Delille 1985 ; Id. 2003 ; Raggio 1990). Les points sur lesquels on a enquêté pourraient relever de plusieurs stratégies d’analyse, et il serait notamment intéressant d’accompagner la démarche quantitative d’une approche microanalytique capable de saisir les alliances et les parentés, autrement dit les deux moyens fondamentaux d’obtenir et de conserver le pouvoir (ce qu’on a fait pour la famille Velli, chapitre V). Toutefois, dans un premier temps, on a voulu combler ici ce qui nous semble être une grande lacune dans l’historiographie sur Rome, à savoir l’absence d’une étude spécifique sur l’élite capitoline. En effet, mis à part quelques travaux mentionnés dans ce chapitre, il n’existe aucune étude à même de donner des informations sur ce groupe, et beaucoup de questions demeurent à ce jour sans réponse – entre autres, combien sont les officiers qui composent l’élite capitoline ? Quelle est la fréquence d’accès aux offices ? Combien de familles sont élues dans chaque rione ? L’objectif de cette analyse quantitative est précisément d’apporter un premier éclairage sur ces questions.

43  Il s’agit, dans l’ordre décroissant de présences, des familles Mattei, Muti, Velli, De Rossi, De Cavalieri, Alberini, Della Molara, Del Bufalo et Massimi. Évidemment, le fait qu’un même nom de famille soit porté par plusieurs individus fait automatiquement monter le niveau de fréquence d’obtention des charges. Par exemple, 34 membres de la famille Mattei ont exercé au Capitole avec, et occupé chacun un nombre d’offices compris entre 1 et plus de 50. Ainsi, la position de la famille au sommet de la pyramide ne signifie pas que chaque membre a été un « habitué » du Capitole, mais elle indique que la famille est ici considérée en tant qu’un ensemble de membres.

44  Pour évaluer le poids des grandes familles dans l’élite capitoline, on a adopté une démarche qui vise à interroger les données recueillies en se demandant combien d’offices ont été assignés aux différentes catégories de fréquence d’obtention des charges (1, 2 à 5 fois, 6 à 10 fois, 11 à 20 fois, etc.). Les résultats révèlent que les charges ont été attribuées de façon presque équivalente pour le groupe de fréquence 1-5 (14 %) et celui des familles les plus importantes de la noblesse romaine (12 %).

45  Il faut néanmoins préciser une fois encore que la définition de « non habitué » ne signifie pas nécessairement que ces officiers n’ont pas eu de liens avec les grandes familles de la noblesse romaine.

46  Borgo 2.1 ; Ripa 3.1 ; Ponte 3.6 ; Campo Marzio 3.7 ; Colonna 3.8 ; Parione 3.9 ; Trastevere 4 ; Monti 4.5 ; Sant’Eustachio 4.5 ; Regola 4.7 ; Pigna 5.2 ; Trevi 5.2 ; Campitelli 5.5 ; Sant’Angelo 5.8. Ces rapports sont obtenus pour un total de 15130, car on a soustrait du total des enregistrements (19609) tous les offices qui ne sont pas attribués sur une base locale.

47  Le Borgo, ou Castello, a été proclamé XIVe rione de Rome par le pape Sixte V en 1586. Le premier officier capitolin du Borgo apparaît dans la liste nominative de 1587.

48  Lepre 1976.

49  On utilise ici ce mot en sachant toutefois que, pour « mesurer » l’oligarchie, une analyse basée sur les noms n’est pas suffisante puisqu’elle ne permet pas, à elle seule, de saisir les alliances et les parentés.

50  « Ripa » signifie « rive ».

51  Bevilacqua 1988, p. 289.

52  Santa Maria dell’Orto réunit une douzaine de corps de métier associés à la production et la vente de biens alimentaires (jardiniers, charcutiers, marchands de fruits, etc.). Bien qu’elle n’admette pas de gentilshommes, les marchands du port de Ripa peuvent en faire partie.

53  53Pour cette section, on aura recours aux archives de l’hôpital de la Consolazione, notamment au fonds conservant tous les documents relatifs à la gestion de l’hôpital et de la compagnie religieuse. On se limitera à utiliser les procès-verbaux d’assemblée pour les années 1559-1642 (ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642), dans le but de trouver des traces de la présence de l’élite municipale dans cette confrérie, dont l’église se situait à proximité du Capitole. Le choix des années a été déterminé pour pouvoir comparer la liste des membres de la compagnie à celle des officiers du Capitole (1550-1650) déjà mentionnée.

54  Par « 1ère famille », on entend la famille qui obtient le nombre le plus élevé de charges dans le rione.

55  Sauf indication contraire, les charges à la Consolazione sont obtenues dans le rione spécifié dans la deuxième colonne.

56  Comme on le sait, l’office du conservateur n’est pas attribué sur une base locale. Toutefois, la personne est souvent indiquée en tant que « gentilhomme du rione..... ».

Table des illustrations

Titre Graphique 1 – Fréquence d’obtention des offices à partir des noms (total : 2200 = total des noms recensés dans l’échantillon).
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Titre Graphique 2 – Les « non habitués » (1061) et les grandes familles (32 familles) au cours de la période 1550-1650.
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Titre Graphique 3 – Distribution des magistratures dans le groupe de fréquence 1 (A, total : 1061) et dans le total de la liste (B, total : 19609).
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Titre Graphique 4 – Distribution des groupes de fréquence d’obtention des charges dans les quartiers (total : 3342 = somme des totales des noms dans chaque rione).
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Titre Graphique 5 – Distribution des membres des familles de fréquence > 100 dans les rioni (4465 = total des membres des familles de fréquence > 100).
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Titre Graphique 6 – Pourcentage des membres de familles de fréquence >100 sur le total des officiers dans chaque quartier.
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Titre Graphique 7 – Fréquences individuelles concernant l’obtention des offices à l’intérieur des quartiers (total : 15 130) – de gauche à droite : 1 ; 2-5 ; 6-10 ; 11-30 ; 31-50 : 51-100 ; >100.
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Titre Tableau 2 – Nombre de familles élues dans le Borgo, le Trastevere et Sant’Angelo entre 1550 et 1650, par décennie.
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Titre Graphique 8 – Les familles élues dans le Trastevere en 1550, 1560, 1570, 1580, 1590, 1600, 1610,1620, 1630, 1640, 1650 (total : 71).
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Titre Tableau 3 – Familles qui occupent le plus souvent la charge de conseillers de la Consolazione. Comparaison avec les charges obtenues au Capitole.
Légende Note54
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Crédits Source : Liste nominative des officiers capitolins 1550-1650 (voir plus haut) et ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642.
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Titre Tableau 5 – « Non habitués » et familles mineures : carrières au Capitole et à la confrérie de la Consolazione.
Légende Note55Note56
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Crédits Source : Liste nominative des officiers capitolins 1550-1650 (voir plus haut) et ASR, Ospedale della Consolazione, Congregazioni e decreti, 1559-1642.
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© Publications de l’École française de Rome, 2017

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