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Les Royaumes d’Afrique du Nord

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Virginie Bridoux

Conclusion générale

Testo integrale

1Au terme de ce panorama historique, revenons tout d’abord sur les difficultés qui l’ont parfois entravée, tel le caractère allusif, parfois même contradictoire, des textes littéraires anciens. Les inscriptions d’époque préromaine, principalement des textes votifs, délivrent de fait peu d’informations sur les structures politiques et administratives des royaumes nord-africains, tandis que les monnaies numides et maurétaniennes posent encore souvent des problèmes d’attribution et surtout de datation. Quant aux nombreuses monnaies étrangères recueillies sur le territoire algérien, l’imprécision qui caractérise leur contexte de découverte ne permet pas toujours de cerner les liens entretenus entre la Numidie et les autres régions de Méditerranée. De manière générale, en dehors du Maroc, le nombre de sites pour lesquels on dispose de contextes archéologiques fiables demeure limité. Par bonheur, si l’on peut dire, ils s’avèrent relativement bien répartis sur l’ensemble du territoire étudié, s’échelonnant d’ouest en est sur le littoral méditerranéen (les Andalouses, Iol, Hippo Regius), et dans l’intérieur des terres (Kef Smaar, Bulla Regia, Mactar).

2La documentation disponible permet finalement de retracer les grandes lignes de l’émergence et de la consolidation des royaumes nord-africains en relation avec leur insertion dans les aires d’influences méditerranéennes.

3Revenant sur les interprétations traditionnelles relatives aux aires originelles de ces populations, il nous est tout d’abord apparu que les Massyles sont, dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., principalement établis dans le bassin moyen de la Medjerda. Leur zone de domination s’étend néanmoins vers le sud, jusqu’à Théveste. Leurs possessions les plus orientales sont sans doute les régions de Thugga et de Mactar, tandis qu’à l’ouest elles ne devaient pas déborder l’actuel oued Rhumel. Les Carthaginois amoindrissent ce territoire, usurpant vraisemblablement les régions de Thugga, des Grandes Plaines et de Mactar, dès lors intégrées à l’intérieur des « fosses phéniciennes ». Ils empiètent de nouveau sur les possessions massyles, au-delà de cette frontière, s’emparant de Théveste et probablement de Sicca. Dans la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C., le royaume massyle est ainsi cantonné sur un territoire restreint, conquis par Syphax entre 205 et 203 av. J.-C.

4 Le territoire masaesyle est, à l’origine, probablement situé dans l’extrême nord-ouest algérien. Syphax semble exercer rapidement son autorité jusqu’au détroit de Gibraltar, à proximité du royaume maure qui, jusqu’au règne de Baga, devait être essentiellement établi le long du rivage atlantique.

5Nous avons toujours peine à fixer les limites successives de ces royaumes et ce jusqu’à la fin de la période étudiée. Le bilan est révélateur de notre méconnaissance puisque seules les limites occidentales et orientales du royaume de Micipsa sont finalement assurées, même si le tracé exact de la Fossa Regia fait encore l’objet de quelques débats. Si les conflits qui se déroulent en Afrique du Nord et les ambitions des souverains sont à l’origine du caractère mouvant de ces territoires, Rome n’est pas non plus étrangère à ces fluctuations, attribuant plusieurs fois des terres aux rois alliés en récompense de leur fidélité.

6L’histoire dynastique des royaumes comporte encore, outre quelques incertitudes, un important hiatus chronologique durant le IIe siècle av. J.-C., les chroniques romaines ne faisant pas état des rois maures en raison de leur neutralité durant les guerres puniques. À l’inverse, la généalogie des rois numides est plus incertaine au cours du Ier siècle av. J.-C., après le règne de Gauda, phénomène accru par le fait qu’aucun des monarques mentionnés par les textes anciens, hormis Juba I, ne frappe manifestement monnaie à son nom. Sur ce point, l’analyse des témoignages nous a amenée à soutenir l’hypothèse de restitution proposée naguère par G. Camps.

7Au sein de ces royaumes, l’organisation des cités, numides en particulier, peut être abordée d’un point de vue nouveau. Les inscriptions latines et néopuniques d’époque romaine qui constituent le support traditionnel d’étude dans ce domaine ne permettent pas en définitive de saisir les réalités de ces constitutions. Nous pensons avoir montré que les difficultés que rencontre l’historien sont avant tout liées aux problèmes de transcription auxquels étaient confrontés les rédacteurs de ces témoignages. Partant de ce principe, nous nous sommes finalement éloignée des interprétations généralement admises, en remettant en cause l’adoption des modèles institutionnels de Carthage. Si l’influence de celle-ci n’est pas absente, les constitutions municipales des cités numides sont incontestablement plus originales et plus diversifiées qu’on ne l’a pensé.

8L’autonomie des cités maurétaniennes et numides, bien perceptible en ce qui concerne Lixus, Tingi, Iol, Ikosim et Thugga, semble trouver en partie son origine dans le passé phénico-punique ou libyco-punique de ces établissements. Les liens que nous avons décelés entre le pouvoir royal et certains établissements fondés à plus haute époque montrent que les souverains s’attachent à limiter leur indépendance et à les intégrer au sein des royaumes.

9 Entre la fin du IIIe siècle et le second tiers du Ier siècle av. J.-C., nous avons cependant observé une difficulté permanente, chez les rois, à maintenir leur autorité sur certaines de ces cités et leurs dirigeants. Les auteurs latins sont parfois bien peu explicites quant à la nature des personnages réfractaires au pouvoir royal, ces derniers échappant, à l’évidence, au principe cohérent de la hiérarchie romaine. Néanmoins, plusieurs de ces hommes s’avèrent être des princes de communautés, principalement urbaines.

10La politique d’affirmation du pouvoir royal est mise en place en Numidie par Massinissa I. Elle est largement développée par son successeur Micipsa. Nous avons eu l’occasion de souligner le rôle de ce monarque, qui bénéficie d’une période de paix pour renforcer à la fois la structure du royaume et sa souveraineté. Le port du diadème, l’évolution du titre royal, l’affirmation d’un pouvoir d’essence divine et la multiplication des monuments royaux en sont des manifestations. Tant les émissions monétaires que l’architecture royale et les textes anciens témoignent bien de la volonté des rois numides d’établir une monarchie fondée sur le modèle des États hellénistiques. Les liens de clientèle entretenus avec les dirigeants romains servent également de support au renforcement de ce pouvoir, en Numidie mais aussi en Maurétanie, en contribuant à accroître le prestige des souverains. Ce n’est pas pour autant que ces royaumes peuvent être désignés comme des États, au sens d’une nation organisée et soumise à un gouvernement et à des lois communes. Il n’existe visiblement pas de véritables institutions, ni de fonctions publiques, et les agents royaux qui nous sont connus sont tous au service personnel des rois. Néanmoins, nous assistons clairement en Numidie à la création d’une armée régulière et à la mise en place progressive d’un contrôle et d’un prélèvement régulier des impôts, processus dans lequel les circonscriptions territoriales, les domaines royaux et les regiae jouent sans doute un rôle.

11Les successeurs de Jugurtha subissent les conséquences de la guerre que ce dernier mène contre Rome, puis les désordres liés aux guerres civiles romaines. Dans cette période troublée, où les partages du pouvoir sont systématiques et où le royaume numide souffre des empiètements des Maures, les souverains semblent devoir se contenter de maintenir les structures mises en place au cours du IIe siècle av. J.-C. Il faut attendre le règne de Juba I pour observer à nouveau une politique visant à renforcer la monarchie.

12En Maurétanie, l’affirmation du pouvoir royal et l’adoption des modèles hellénistiques semblent plus tardives. À l’inverse des souverains numides, les rois maures ne monopolisent pas les frappes monétaires, principalement le fait des cités. Mais Bocchus II et Bogud savent également utiliser ce support pour diffuser l’image d’une autorité royale forte.

13 En parallèle à la consolidation des royaumes nord-africains s’effectue leur lente insertion dans la sphère politique de Rome. Les liens personnels de l’amicitia sont à la base de ce processus d’intégration, dont les débuts sont marqués en Numidie par la deuxième guerre punique et en Maurétanie par la guerre de Jugurtha. Si chacun des acteurs trouve son intérêt à développer ce système relationnel, celui-ci favorise une situation de dépendance implicite envers Rome, justifiant la politique d’ingérence romaine et encourageant l’implantation des Italiens sur les terres africaines. En Numidie, ces phénomènes sont amplifiés et légitimés par les populares, qui s’emploient à convaincre l’opinion que cette partie du monde est une propriété du peuple romain.

14Par le biais du système de l’amicitia, les Romains assurent finalement une certaine stabilité politique dans ces contrées, en confirmant ou en étendant la souveraineté des monarques nord-africains, tout en prenant garde à ce qu’ils ne deviennent pas menaçants pour autant. Rome bénéficie par ailleurs d’un soutien logistique et militaire numide pour mener à bien ses conquêtes, tant en Méditerranée occidentale qu’orientale, au cours du IIe siècle av. J.-C. L’implication militaire de la Maurétanie, bien plus tardive, est surtout effective sous les règnes de Bocchus II et Bogud, même si auparavant Bocchus I soutient la politique de Rome en Afrique contre Jugurtha.

15Les guerres civiles du Ier siècle av. J.-C., étape charnière durant laquelle les liens de clientèle deviennent un enjeu particulier, ont de sérieuses répercussions en terres africaines. Ce ne sont d’ailleurs pas seulement les Maures et les Numides qui participent à ces conflits : les Gétules s’étaient rangés auprès de Marius, auxquels ils restent attachés par la suite, en devenant clients de César. Les rois maures et numides, quant à eux, ne font pas toujours preuve de fidélité et leurs revirements, relativement fréquents, s’effectuent bien souvent en fonction des choix politiques de leurs voisins.

16L’engagement des souverains numides dans le conflit entre César et Pompée débouche finalement sur la disparition de ce royaume, malgré une tentative d’Arabion pour reprendre possession de ces territoires. En Maurétanie, l’implication de Bogud dans les guerres civiles favorise la révolte des habitants de Tingi et l’octroi de la citoyenneté romaine à ces derniers.

17Si les conséquences politiques de ces événements sont claires, les ravages qu’ils ont pu entraîner sur le sol africain sont encore incertains. Les niveaux de destruction du Ier siècle av. J.-C. documentés sur plusieurs sites ne permettent pas de certifier qu’ils résultent tous de tels actes guerriers. Cependant des balles de fronde recueillies à Volubilis et à Thamusida, ainsi que la construction d’un rempart dans ces deux cités, semblent bien indiquer que la Maurétanie occidentale souffre alors des guerres civiles. L’abandon, vraisemblablement contemporain, de Sidi Abdeslam del Behar, Kitzan, Tamuda, Siga et les Andalouses peut également être mis en rapport avec ces événements.

18En conséquence des liens politiques noués avec Rome, les royaumes nord-africains s’ouvrent au commerce romain. C’est ainsi qu’en Numidie le début des relations économiques entre les deux régions s’avère contemporain de l’alliance de Massinissa à Scipion l’Africain. L’intensification des importations italiennes, perceptible à partir du milieu du IIe siècle av. J.-C. à Iol et à Hippo Regius, doit à l’évidence être mise en relation avec les conséquences de la chute de Carthage.

19En Maurétanie, deux étapes peuvent être distinguées. Les établissements situés sur le littoral méditerranéen reçoivent dès la fin de la seconde guerre punique les principaux produits du monde romain. C’est aussi le cas sur la côte atlantique de Lixus, dont l’importance économique ne fait aucun doute. Il faut attendre l’alliance de Bocchus I à Sylla durant la guerre de Jugurtha pour assister à la véritable insertion du royaume dans la sphère économique romaine.

20Ce n’est pas pour autant que les circuits commerciaux qui fonctionnent au temps de la domination économique de Carthage sont interrompus. L’étude du mobilier céramique et numismatique met en valeur le maintien des principales voies maritimes qui relient la Numidie et la Maurétanie aux autres régions de Méditerranée occidentale. Ces circuits sont toutefois progressivement investis par les négociants romains. La chute de Carthage, puis l’annexion des Baléares et la guerre de Jugurtha se révèlent des étapes essentielles dans ce processus.

21Dans l’Est numide, il faut différencier le Nord-Est tunisien, sous domination de Carthage jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C., la région de Cirta, et les établissements côtiers tel qu’Hippo Regius. Les agglomérations du Nord-Est tunisien entretiennent des relations directes avec Carthage et reçoivent les premiers produits italiens par son intermédiaire. Après la chute de Carthage, les négociants italiens de l’Africa vetus fréquentent de manière assidue les Grandes Plaines, où ils se procurent notamment du blé et du marbre. L’implantation italienne dans cette région est démontrée au moins depuis la fin du IIe siècle av. J.-C., au moment de la guerre de Jugurtha. À Cirta, dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C., se côtoient des négociants grecs et italiens, et probablement aussi carthaginois. Le matériel d’importation, méconnu dans cette région, ne permet pas de cerner précisément les modifications occasionnées par la chute de Carthage sur les échanges. En revanche, l’annexion de la Grèce paraît bien avoir interrompu les importations en provenance de Rhodes. Si nous n’avons pas pu déterminer la manière dont sont acheminés les produits italiens à Hippo Regius avant le milieu du IIe siècle av. J.-C., ces importations témoignent en tout cas jusqu’au Ier siècle av. J.-C. d’un faciès similaire à celui de Pompéi et l’on peut présumer des relations directes avec la Campanie au moins depuis la chute de Carthage. La cité d’Hippo Regius peut par ailleurs être considérée comme un port très ouvert au commerce romain, mais aussi carthaginois.

22La région située entre Siga et Tipasa présente une toute autre situation, plus proche de celle qui prédomine en Maurétanie occidentale. Les conséquences de la chute de Carthage sont moins perceptibles, hormis à Iol. Mais elles semblent surtout s’illustrer par une augmentation des importations italiennes. Les négociants italiens partagent, au moins jusqu’à l’annexion des Baléares, le marché de Iol avec des Ébusitains. La position centrale de la cité en Méditerranée occidentale en fait assurément un lieu d’échange privilégié, phénomène bien révélé par la grande quantité de monnaies de diverses origines qui y ont été recueillies.

23Les liens entretenus entre les établissements de l’Ouest algérien et ceux des Baléares sont particulièrement étroits. Les traces de ce commerce actif, en particulier des monnaies et des amphores, sont nombreuses. Le site des Andalouses a pu constituer, quant à lui, une escale privilégiée pour les Ébusitains. Il est tout du moins assidûment fréquenté par ces derniers jusqu’à l’annexion des Baléares. Cet archipel apparaît comme un point de ralliement de deux principales routes commerciales, l’une venant de l’Italie, l’autre de Carthage. Chargés de productions ébusitaines, de produits ibériques, italiens et carthaginois, les navires ébusitains semblent avoir rejoint ensuite les côtes nord-occidentales de l’Afrique, jouant ainsi un rôle de premier plan dans la redistribution des marchandises méditerranéennes. Mais il s’avère aussi que les négociants italiens utilisent de manière précoce les ports ibériques pour faire transiter une partie des importations italiennes vers les côtes africaines.

24Les relations entre l’Espagne, les Baléares et les côtes nord-occidentales de l’Afrique se sont visiblement intensifiées à partir de la fin de la seconde guerre punique. Il apparaît ainsi, non seulement que l’annexion de l’Espagne n’empêche pas celle-ci de rester connectée au monde punique, mais aussi que l’extension de la domination romaine en Méditerranée occidentale entraîne un accroissement des échanges. De fait, en Maurétanie occidentale, nous assistons au début du IIe siècle av. J.-C. à l’arrivée de nouvelles importations, provenant de diverses régions. L’analyse démontre que le rôle de Gadès dans l’acheminement de ces productions a été surestimé, celui des autres établissements andalous, mais aussi ceux du Levant et des Baléares étant certainement plus important qu’on ne le croit.

25Tant en Numidie qu’en Maurétanie, il faut attendre, dans l’ensemble, le début du Ier siècle av. J.-C. pour constater véritablement l’hégémonie commerciale romaine et l’implantation effective de négociants italiens dans chacune des régions étudiées. En outre, ce n’est qu’à partir du Ier siècle av. J.-C. que ceux-ci prennent en partie le contrôle de l’économie en Extrême Occident, révélé par l’apparition, en Maurétanie et dans le sud de Ibérie, de timbres latins sur des amphores principalement destinées à contenir les salsamenta produits dans ces régions. Rappelons par ailleurs que les produits de la pêche ne sont pas les seuls à être convoités par les Romains qui recherchent assurément en Maurétanie occidentale des produits exotiques, animaux sauvages, bois précieux, ou encore ivoire.

26La présence effective des Italiens dans les royaumes nord-africains n’entraîne pas pour autant au sein de ces derniers une ample diffusion des influences culturelles romaines. Les modes de vie à la romaine ne touchent principalement que les élites locales. Ces influences ne s’exercent de façon plus globale qu’à partir de l’annexion de la Numidie et du règne de Juba II. C’est alors, notamment, que disparaissent totalement les productions locales de vases en céramique et d’amphores de tradition punique et que les principales cités sont remodelées et administrées selon les normes romaines. En revanche, les pratiques funéraires et religieuses conservent encore, au moins jusqu’au Ier siècle ap. J.-C., un caractère punique ou local.

27Dans bien des domaines, la Maurétanie occidentale apparaît quelque peu en marge. Sa position géographique, aux confins de la Méditerranée, explique qu’elle soit la dernière région à entrer dans la sphère politique et économique romaine. Elle développe tardivement ses frappes monétaires et semble recevoir une quantité plus limitée d’importations méditerranéennes au cours du IIe siècle av. J.-C. Généralement perçue comme une région essentiellement liée au sud de l’Ibérie, en particulier à la région de Gadès, elle s’avère en fait entretenir des contacts étroits avec la Numidie. La circulation des monnaies maurétaniennes et numides l’atteste. Ces échanges sont principalement datables du IIe siècle av. J.-C., soit précisément l’époque durant laquelle les rois maures Baga et Bocchus I prêtent des appuis militaires à leurs voisins numides.

28Cette enquête nous amène finalement à nous interroger sur les rapports entretenus avec Carthage à plus haute époque. L’état de la documentation est peut-être à l’origine de ce questionnement, mais il apparaît, hormis pour les cités qui sont incluses dans le territoire carthaginois jusqu’au milieu du IIe siècle av. J.-C., que les productions et les influences carthaginoises pénètrent principalement de manière indirecte dans les royaumes nord-africains, par l’intermédiaire des grands centres puniques de Méditerranée occidentale. De fait, il est permis de remettre en cause l’existence des fondations ou des possessions carthaginoises sur les côtes d’Afrique du Nord aux Ve-IVe siècles av. J.-C., rapportée par les auteurs anciens. Carthage dispose bel et bien de mercenaires dans des villes d’Afrique du Nord durant la seconde guerre punique, des lots importants de monnaies carthaginoises découverts à Béjaia (Saldae), Melilla (Rusaddir) et Tanger (Tingi) confirmant l’implication de ces cités littorales dans le conflit. Mais paradoxalement, au Maroc, les quelques informations dont nous disposons sur les niveaux datables du IIIe siècle av. J.-C., n’invitent pas à plaider en faveur de relations directes avec Carthage à cette époque. Il en résulte la nécessité de mieux cerner les contacts établis depuis le Ve siècle av. J.-C. avec les autres régions du monde punique, mais aussi du monde grec, les richesses du pays numide, en particulier, ayant semble-t-il attiré très tôt les commerçants orientaux. Il s’agit aussi en Maurétanie d’expliciter le fonctionnement d’une économie dont l’activité débute dès le Ve siècle av. J.-C. et qui s’illustre par une importante production céramique et amphorique.

29Ainsi nous serons à même de comprendre les fondements des contacts politiques et des échanges économiques et culturels qu’entretiennent aux IIe et Ier siècles av. J.-C., la Numidie et la Maurétanie avec le monde méditerranéen. Car si les rois sont en partie à l’origine de l’ouverture de ces royaumes, de nombreuses cités jouent dès l’époque phénico-punique un rôle primordial, qui est souvent celui de ports localisés sur des routes commerciales d’intérêt majeur. Bien attestées dans les textes anciens, les cités de Hippo Regius, Saldae, Iol, Siga, Tingi et Lixus en sont assurément des exemples. Seul l’essor de cette dernière est désormais bien documenté par les résultats des fouilles archéologiques. C’est dire à quel point nos connaissances pourront bénéficier de la poursuite de telles recherches.

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