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Les Royaumes d’Afrique du Nord

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Virginie Bridoux

Chapitre 1. Essor dynastique, rivalités et conquêtes territoriales en Afrique du Nord

Volltext

1.1. Les royaumes de Numidie et de Maurétanie à l’aube de leur histoire (IVe-IIIe siècles av. J.-C.)

1.1.1. Des souverains massyles, masaesyles et un roi maure mis en lumière dans le contexte de la deuxième guerre punique

1À la fin du IIIe siècle av. J.-C., l’existence de trois royaumes nord-africains, celui des Numides Massyles, des Numides Masaesyles et des Maures, est une certitude.

  • 1  Ces témoignages épigraphiques nous renseignent sur l’orthographe punique et grecque du nom du souv (...)
  • 2  Tite-Live, XXVII, 19 : « Gala, roi des Numides » ; Tite-Live, XXIV, 48 : « Gala, qui régnait sur u (...)
  • 3  Tite-Live, XXIV, 49.

2Le plus oriental de ces royaumes est alors gouverné par Gaïa, premier souverain massyle dont l’identification soit assurée. Son règne est attesté archéologiquement par la dédicace du monument de Massinissa I à Thugga et par des inscriptions grecques découvertes à Délos1. Le roi est également mentionné à plusieurs reprises dans les écrits de Tite-Live relatifs à la deuxième guerre punique, sous la forme Gala2. Nous sommes ainsi informés qu’il est au pouvoir en 213 av. J.-C.3.

3Au cours de sa digression sur le prince Massinissa, fils de Gaïa, Tite-Live indique par ailleurs le nom des trois successeurs du roi massyle et livre de précieux renseignements sur le mode de succession monarchique :

  • 4  Tite-Live, XXIX, 29.

Alors qu’il faisait la guerre en Espagne pour le compte des Carthaginois, mourut son père, nommé Gala. Le trône passa, selon la coutume numide, au frère du roi, Oezalcès, un homme très âgé. Peu de temps après, Oezalcès mourut à son tour : l’aîné de ses deux fils, Capussa, l’autre étant tout jeune, reçut alors le pouvoir paternel. Mais, comme il devait le trône aux lois de son peuple plus qu’à son ascendant sur les siens ou à sa puissance, se dressa un homme du nom de Mazaetullus, qui n’était pas sans avoir du sang royal, mais appartenait à une branche toujours hostile à ceux qui détenaient alors le pouvoir, et le leur disputant avec des succès divers. Cet homme souleva ses compatriotes, sur lesquels l’impopularité des rois lui donnait un grand ascendant, puis établit ouvertement un camp et força le roi à descendre en ligne et à lutter pour le trône. Dans ce combat tomba Capussa, ainsi que de nombreux princes. Le peuple des Massyles dans son entier passa sous l’autorité et le pouvoir de Mazaetullus ; ce dernier s’abstient cependant de prendre le titre de roi et, se contentant de celui, modeste, de régent, c’est le jeune Lacumazès, survivant de la branche régnante, qu’il nomme roi4.

  • 5  Tite-Live, XXIX, 30.

4À la fin du IIIe siècle av. J.-C., une dynastie qui comporte au moins deux branches, celle à laquelle appartient Gaïa et celle à laquelle appartient Mazaetullus, détient donc le pouvoir (fig. 1). Au sein de la branche régnante, ce pouvoir ne se transmet pas de père en fils, mais revient au prince le plus âgé. C’est ainsi que le titre de roi est attribué à Oezalcès, puis à Capussa, sans entraîner une quelconque réaction du prince Massinissa, les règles de succession semblant respectées. En revanche, nous savons que ce dernier, à la nouvelle du décès de son oncle, puis du meurtre de son cousin germain, passe d’Espagne en Maurétanie et de là gagne les frontières de son royaume afin de livrer bataille à Lacumazès et reconquérir le trône de son père5. Nous pouvons en déduire que Massinissa est, à la mort de Capussa, l’agnat le plus âgé et que le pouvoir lui revient alors.

  • 6  Cette attribution revient à G. Camps (Id. 1981, p. 1-5 ; Id. 1993, p. 1771- 1772). J. Mazard, malg (...)

5Nous ne disposons pas d’autres témoignages quant aux règnes d’Oezalcès et de Lacumazès. En revanche, celui de Capussa est confirmé par une série de trois monnaies, sur lesquelles apparaît au droit une tête barbue et laurée, de profil, figurée de façon quelque peu schématique et, au revers, un cheval galopant (fig. 10). La légende comprend deux lettres puniques correspondant à la lecture KN. Compte tenu des règles d’abréviation observées sur les émissions monétaires numides et de la généalogie des rois nord-africains, ces lettres ne peuvent désigner que Capussa. Le nom du roi est ainsi transcrit par Kabussan6.

6La chronologie des événements relatés par Tite-Live peut être fixée principalement au cours de l’année 206 av. J.-C. Nous proposons de situer plus précisément la mort de Gaïa vers la fin de 207 ou le tout début de 206 av. J.-C., les décès d’Oezalcès et de Capussa durant l’été ou l’automne de 206 av. J.-C. et la lutte du prince Massinissa contre les usurpateurs du trône à la fin de l’automne de la même année.

  • 7  Appien rapporte que Massinissa est emmené en Espagne par Asdrubal (Appien, Lib., 10). Selon le mêm (...)
  • 8  Tite-Live, XXVIII, 13 et 16. Voir les commentaires de P. Jal (traduction du livre XXVIII de Tite-L (...)
  • 9  Nous pouvons d’ailleurs penser, suivant St. Gsell, que ce premier séjour en Afrique a davantage po (...)

7Le prince Massinissa combat en Espagne pour le compte des Carthaginois depuis au moins 211 et jusqu’en 206 av. J.-C., année durant laquelle ces derniers quittent assurément la péninsule Ibérique7. Vraisemblablement au printemps de 206 av. J.-C. se déroule la bataille d’Ilipa, à laquelle il participe. Il rencontre ensuite Silianus, avant de faire un court séjour en Afrique que l’on pourrait donc situer au cours du printemps ou de l’été8. Si l’on en croit Tite-Live, ce voyage a simplement pour but d’informer son peuple de son projet de rallier le camp des Romains. Rien ne faisant état d’un quelconque problème dynastique lors de ce séjour, il faut en déduire que Mazaetullus et Lacumazès n’ont pas encore usurpé le pouvoir, alors entre les mains d’Oezalcès ou de Capussa9.

  • 10  Selon Tite-Live (XXVIII, 35), le prince Massinissa rentre à Gadir après son séjour en Afrique tand (...)

8Tite-Live laisse entendre que le décès d’Oezalcès, l’accession au trône de Capussa et la bataille, fatale à ce dernier, contre Mazaetullus, surviennent dans un espace de temps restreint. Le prince Massinissa est d’ailleurs visiblement informé de la mort de son oncle et de son cousin au même moment. La faible quantité des monnaies de Capussa qui ont été exhumées tend de plus à témoigner de la courte durée de son règne, qui ne semble pas avoir dépassé quelques mois. Ces événements se déroulent sans doute durant l’été ou l’automne de 206 av. J.-C. En effet, par la suite, le prince Massinissa fait son retour en Espagne et a, toujours la même année, une entrevue avec Scipion, laquelle constitue la dernière mention du prince massyle dans cette contrée10. Il regagne ensuite ses terres pour combattre les usurpateurs du pouvoir, ce que nous pouvons dater vers la fin de l’automne de 206 av. J.-C.

  • 11  Tite-Live, XXIV, 48 : « Syphax, roi des Numides » ; Tite-Live, XXVIII, 17 : Scipion décide « de so (...)
  • 12  Contra Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1403-1404.
  • 13  Infra, p. 54.
  • 14  Tite-Live, XXX, 45 ; Appien, Lib., 28.

9À l’ouest des Massyles s’étend alors le royaume de Syphax, premier souverain masaesyle mentionné par les auteurs anciens et dont le nom et la fonction royale sont confirmés par deux séries monétaires11 (fig. 9). La représentation du souverain s’avère différente sur ces séries. Néanmoins, ce phénomène doit être mis en relation avec l’évolution de la conception du pouvoir royal et non avec l’existence de deux rois du nom de Syphax, hypothèse qui n’est aucunement confortée par les sources12. La date du début du règne de Syphax, comme celle de Gaïa, est impossible à déterminer en l’état actuel de la documentation. En revanche, la fin de son règne correspond assurément à l’an 203 av. J.-C., au cours duquel son fils Vermina lui succède13. En effet Syphax est fait prisonnier lors de son combat contre le roi Massinissa I et les Romains, puis emmené à Tibur où il meurt14.

  • 15  Tite-Live, XXIX, 30 : « Le roi des Maures était à cette époque Baga ».

10Quant au plus occidental des royaumes nord-africains, le royaume de Maurétanie, il est, selon Tite-Live, dirigé par le roi Baga au moment où le prince Massinissa quitte définitivement l’Espagne, soit en 206 av. J.-C.15. Aucun autre témoignage, ni littéraire, ni archéologique, n’évoque le souverain maure, dont les dates de règne restent de fait inconnues, tout autant que le nom de son successeur.

1.1.2. Gaïa, Syphax, Baga : les descendants de dynasties royales ancestrales ?

11Des données textuelles et archéologiques incitent à faire remonter dans le temps l’émergence des royaumes nord-africains et plus particulièrement celui des Massyles.

  • 16  Justin, XIX, 2 et 3 ; Diodore, XIII, 80. Sur les différentes transcriptions du terme maure, Gsell  (...)

12Pour autant, leur existence ne semble pas antérieure au IVe siècle av. J.-C. Nous ne trouvons pas trace en tout cas de ces royaumes dans les récits relatifs au Ve siècle av. J.-C. Si Justin cite les guerres que les Carthaginois font, entre 475 et 450 environ, à des Numides et des Maures, tandis que Diodore indique qu’à la fin du Ve siècle av. J.-C. Carthage recrute des troupes chez des Maures et des Numides alliés, rien ne permet d’affirmer que ces peuples ont alors un roi à leur tête16.

  • 17  Diodore, XX, 17-18 et 57. St. Gsell était déjà enclin à identifier Tocaï à Thugga (Gsell 1913-1930 (...)

13Les premières mentions de souverains dans l’aire géographique qui nous intéresse ici se rapportent tout d’abord à un certain Ailymas, qualifié par Diodore de roi des Libyens. En 310, il est d’abord allié puis ennemi du grec Agathocle au cours de son expédition contre Carthage. Du récit de Diodore, nous pouvons déduire qu’Ailymas possède un territoire voisin de celui de Carthage. C’est en effet en allant assiéger Hadrumète (Sousse), depuis Neapolis (Nabeul), qu’Agathocle conclut une alliance avec le roi libyen. Par ailleurs, Eumaque, lieutenant d’Agathocle, s’empare en 308-307 de Tocaï, une grande et belle ville. Il est tentant de considérer celle-ci comme l’une des principales places fortes d’Ailymas et de l’identifier à Thugga, située au nord-ouest du fleuve Medjerda17. Eumaque, après la prise de Tocaï, semble justement s’être dirigé vers le nord-ouest et avoir franchi ce fleuve.

  • 18  Infra, § 1.1.3.1.
  • 19  Tite-Live, XXIX, 30.
  • 20  RIL 2. L’inscription du monument de Massinissa I à Thugga mentionne Zilalsan en tant que sufète (i (...)

14Thugga, dont on connaît l’importance au moins depuis l’époque du roi Massinissa I, appartient sans nul doute aux Massyles avant de passer sous domination carthaginoise, événement que l’on peut situer dans le courant de la première moitié du IIIe siècle av. J.-C.18. Cette constatation plaide en faveur de l’appartenance d’Ailymas à la dynastie massyle. Ce dernier pourrait incarner l’ancêtre commun aux deux branches de la famille royale, suivant l’opinion émise par G. Camps. En effet, la prétention de Mazaetullus et les propositions que lui fait Massinissa après l’avoir vaincu invitent à penser que ce prince a aussi des rois parmi ses aïeux19. La dédicace du monument de Massinissa I à Thugga nous apprend en outre que le père de Gaïa, Zilalsan, n’a pas régné sur les Massyles20. Compte tenu de ce que nous savons de l’hérédité du pouvoir, il apparaît que le père de Zilalsan a dû régner et transmettre le pouvoir à un autre de ses fils, qui devait être alors le plus âgé (fig. 1). Cela oblige à rechercher un ancêtre commun aux deux branches de la famille et seul le nom d’Ailymas nous est donné pour cette période.

  • 21  Polybe, I, 78 : Naravas est « un Numide des plus illustres, un homme plein de fougue guerrière, qu (...)

15G. Camps propose également de rattacher un certain Naravas à la généalogie de la famille royale massyle. Ce prince numide, dont l’autorité s’exerce visiblement dans le nord-est tunisien actuel, joue un rôle important auprès des Carthaginois durant la guerre des mercenaires (241-237 av. J.-C.)21. Même si les princes des familles régnantes, tel Massinissa, sont souvent appelés à assumer de lourdes responsabilités dans les opérations militaires, l’affiliation de Naravas à la dynastie massyle reste très incertaine.

  • 22  Polybe, XV, 18.
  • 23  Camps 1973a, p. 510 ; Id. 1995, p. 243-247.
  • 24  Infra, p. 128-129.
  • 25  Hégésianax, 11, dans FHG, III, p. 70 ; Gsell 1913-1930, V, p. 98.

16Deux autres arguments sont souvent avancés pour démontrer l’ancienneté de la dynastie massyle, mais ils s’avèrent discutables. En premier lieu, Polybe précise que les Carthaginois, à l’issue de la deuxième guerre punique, doivent rendre à Massinissa I tout ce qui a appartenu à « ses ancêtres »22. G. Camps en conclut que la famille massyle règne depuis plusieurs générations avant Gaïa. Or ces ancêtres pourraient tout simplement désigner Gaïa, Oezalcès et Capussa. Le même auteur attribue l’imposant mausolée du Medracen, situé à environ cent kilomètres au sud de Cirta (Constantine), à un puissant dynaste local de la toute fin du IVe siècle av. J.-C., qu’il est tenté d’identifier à un prédécesseur de Gaïa23. Ce monument, dont la datation et l’attribution ne sont en réalité pas confirmées24, ne peut finalement servir à conforter l’existence de la dynastie massyle depuis cette époque. Celle-ci demeure néanmoins vraisemblable, rien ne s’opposant à la parenté d’Ailymas avec la famille royale. Le récit de Diodore tend de plus à donner du crédit à celui d’Hégésianax qui, certes de nature romanesque et donc de valeur discutable, constitue la toute première mention formelle du royaume massyle à l’époque de la première guerre punique (264-241 av. J.-C.)25.

  • 26  Justin, XXI, 4.
  • 27  Sur l’extension progressive de ce terme, Gsell 1913-1930, V, p. 94-95 ; Camps 1954, p. 253-254 ; I (...)

17Justin fait par ailleurs allusion à un roi des Maures auquel Hannon, au cours du IVe siècle av. J.-C., aurait fait appel pour tenter de s’emparer du pouvoir à Carthage26. Si l’essor d’une monarchie maure à cette époque n’est pas inconcevable, cette unique attestation n’a que peu de valeur puisqu’elle est issue d’un texte rédigé six siècles après les événements rapportés. À cette époque, le mot « maure » a déjà pris un sens très général et désigne pratiquement l’ensemble des Africains non romanisés27.

  • 28  Plutarque, De mul. virt., 10 ; Polybe, III, 33.

18Quant au royaume masaesyle, aucun témoignage ne fait référence aux ancêtres de Syphax. Des Masaesyles sont simplement évoqués à partir de 220 av. J.-C., au tout début de la deuxième guerre punique, à laquelle ils prennent part en Espagne28. Rappelons néanmoins que Syphax frappe déjà monnaie à la fin du IIIe siècle av. J.-C., ce qui sous-entend qu’il est alors à la tête d’un royaume déjà relativement stabilisé et organisé.

  • 29  Justin, XVIII, 6 ; Desanges 1967, p. 304-308 ; Picard G.-Ch. 1966, p. 1257- 1265. Sur l’existence (...)

19L’existence des dynasties royales numides et maures depuis le IVe siècle av. J.-C. demeure donc relativement incertaine. Pour autant, l’émergence de royaumes en Afrique du Nord depuis une haute époque n’apparaît pas improbable. Ainsi Justin, à propos de la fondation de Carthage au IXe siècle av. J.-C., évoque deux rois indigènes, Hiarbas, roi des Muxitanorum et Iopas. Le caractère légendaire de ce récit rend les règnes de ces souverains hypothétiques. Toutefois il semble bien que le peuple cité correspond aux Muxitani, que J. Desanges identifie à des Libyens montagnards fixés dans les massifs situés au nord de l’oued Medjerda. Le nom de ce peuple est à mettre en relation avec le pagus Muxsi, que G.-Ch. Picard propose de localiser dans la partie septentrionale du territoire de Carthage29.

  • 30  Gsell 1913-1930, III, p. 174-175 ; Camps 1960a, p. 160-161 et 174-175 ; Id. 1967, p. 62-63 ; Desan (...)
  • 31  Infra, § 1.1.3.

20Le processus de formation des royaumes massyle, masaesyle et maure est généralement perçu comme fondé sur la réunion de diverses tribus sous une autorité commune30. La plus puissante d’entre elles aurait imposé aux autres sa domination, par la force et/ou par des jeux d’alliances. Elle aurait constitué le noyau d’un « État » auquel elle aurait donné son nom, le chef de la tribu en question devenant roi et fondateur d’une dynastie. À l’origine étroitement délimité, le territoire de la tribu initiale se serait élargi progressivement en soumettant les tribus voisines. La diversité des régions dont est composé l’imposant royaume de Syphax à la fin du IIIe siècle av. J.-C.31 nous amène bel et bien à considérer celui-ci comme un agrégat de tribus vassales placées sous l’autorité du roi masaesyle.

1.1.3. Des aires de domination autrefois disputées, de nos jours discutées

1.1.3.1. Les Massyles, entre empiètements masaesyles et carthaginois

21Le réexamen des sources disponibles nous conduit à reconsidérer l’étendue du royaume massyle avant le milieu du IIIe siècle av. J.-C. et à réfuter l’hypothèse du « berceau cirtéen » soutenue par G. Camps. Vraisemblablement situé entre l’oued Rhumel et la région de Thugga, ce territoire est progressivement amoindri par le biais d’une série d’empiètements carthaginois puis conquis par Syphax à l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C.

1.1.3.1.1. À l’ouest, retour sur l’hypothèse du « berceau cirtéen »

  • 32  Tite-Live, XXIX, 31 ; Camps 1960a, p. 178-182 ; Id. 1967, p. 32-37 ; Id. 1980, p. 95-98.

22L’hypothèse qui consiste à fixer le berceau massyle dans la région de Cirta est traditionnellement admise. Cependant, la plupart des arguments avancés par G. Camps s’avèrent devoir être nuancés, voire rejetés. L’historien se fonde sur le fait que Cirta aurait appartenu aux Massyles avant de passer, aux environs de 205 av. J.-C., sous la domination de Syphax. Celui-ci, profitant des troubles de succession qui suivent la mort d’Oezalcès, devient pour un temps maître des possessions massyles (pl. V). Cirta correspondrait au territoire qui, selon Tite-Live, est disputé à plusieurs reprises entre Syphax et Gaïa, et que l’auteur latin situe à la limite des royaumes masaesyle et massyle. Cette identification serait confirmée par l’empressement dont fait preuve Massinissa I à occuper la ville après avoir récupéré le trône massyle et les territoires de son père en 203 av. J.-C.32.

  • 33  Tite-Live, XXIX, 30 et XXX, 11 ; Appien, Lib., 27 ; Zonaras, IX, 13.

23Certes, les témoignages mentionnant Cirta comme la capitale du roi masaesyle ne concernent que l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. Elle l’est assurément en 203, lorsque Syphax est fait prisonnier par Massinissa I et les Romains, et probablement en 206. Lacumazès part alors de Thapsus (actuelle Skikda) pour rendre visite à Syphax, ce qui tend à montrer que le roi masaesyle réside déjà à Cirta33.

  • 34  Pomponius Mela, I, 30.
  • 35  Tite-Live XXX, 11 et 12.

24L’analyse des sources littéraires anciennes nous amène toutefois à penser que la cité doit lui appartenir depuis plus longue date. En premier lieu, Pomponius Mela, décrivant la Numidie, rapporte que « des villes qu’elle renferme les plus grandes sont Cirta, loin de la mer, aujourd’hui capitale des Sittiani, autrefois résidence royale et au comble de l’opulence lorsqu’elle appartenait à Syphax »34. Ce récit ne permet pas d’estimer que Cirta est une acquisition récente de Syphax, au contraire. Il en de même du récit de Tite-Live. Lorsque Massinissa I reprend en main le royaume de son père, l’auteur latin mentionne bien que les Massyles furent « ravis de revoir leur roi légitime » et « chassèrent les lieutenants de Syphax ». En revanche, Cirta est considérée comme faisant partie des anciens territoires de Syphax. Suite à la bataille que se livrent les Masaesyles et les Massyles, « la plus grande partie des vaincus courut se réfugier à Cirta, capitale des États de Syphax ». Massinissa I a déjà reconquis le royaume massyle lorsqu’il décide de marcher sur la ville. Rien ne laisse entendre que les Massyles la possèdent quelque temps auparavant. Comme les habitants de Cirta ignorent le triste sort de leur roi, Massinissa I leur montre Syphax chargé de chaînes. « À cet aspect déplorable, la désolation fut générale, et bientôt les uns, frappés de terreur, abandonnèrent la garde des murailles ; les autres, en plus grand nombre, pour gagner les bonnes grâces du vainqueur, lui ouvrirent les portes comme de concert ». Enfin, Massinissa I « court à toute bride au palais du roi, afin de s’en rendre maître » et le Romain Laelius « après avoir fait partir Syphax et les autres prisonniers, se remit en campagne ; et, secondé de Massinissa, réduisit les autres villes de Numidie qui tenaient encore pour leur souverain légitime »35.

  • 36  Infra, § 1.1.3.1.2.
  • 37  Tite-Live, XXX, 44 : Scipion déclare, au nom du peuple romain, « qu’il ajoutait aux états que Mass (...)

25Nous sommes donc bien obligés d’admettre que Syphax détient Cirta depuis un temps suffisamment long pour que ses habitants le perçoivent comme leur roi légitime. Aucun autre témoignage ne vient appuyer l’idée que Cirta soit incluse au sein du territoire des Massyles, contrairement à une autre cité d’importance comme Thugga, plus généralement aux régions des Grandes Plaines, ou encore à Mactar, qui appartiennent manifestement aux Massyles avant de passer sous domination carthaginoise36. En outre, nous savons que Scipion intègre ultérieurement Cirta aux États massyles que Massinissa I tient de ses pères, ce qui semble bien signifier qu’elle ne fait pas partie de ce royaume à l’origine37. Nous estimons donc que le passage de Tite-Live relatif au territoire disputé entre Massyles et Masaesyles fait plutôt allusion à la contrée située à l’est de Cirta, sur laquelle Syphax a assurément des ambitions puisqu’il a pour projet de conquérir le royaume massyle.

  • 38  Infra, p. 152-154.

26Les Masaesyles doivent au moins posséder le territoire de Cirta depuis 213 av. J.-C. À cette date en effet, Syphax s’avère déjà un roi puissant, à la tête d’un vaste royaume étendu progressivement depuis le nord du Maroc oriental et/ou de l’Oranie actuels (pl. III et IV). C’est alors qu’il commence à intéresser les Romains, en vue d’une alliance contre Carthage, et fait à cette occasion son apparition dans les récits anciens38. Le silence des textes concernant les événements antérieurs à cette période nous empêche d’apporter davantage de précisions.

  • 39  Cf. Appien, Lib., 106 ; Strabon, XVII, 3, 13 ; Paul Orose, Adv. Pagan., V, 15, 10. Sur les attribu (...)

27On admet jusqu’à présent que le territoire de Cirta constitue le berceau de la puissance massyle pour deux principales raisons : d’une part parce que la cité est choisie pour capitale du royaume de Massinissa I et de son fils Micipsa, d’autre part parce que la région abrite deux monuments funéraires royaux, le Medracen et le Khroub, et que ce dernier, situé à quatorze kilomètres de Constantine, est généralement attribué à Micipsa39. Or le choix de l’implantation de la capitale et de ces tombeaux peut tout aussi bien résulter d’une volonté des rois massyles d’affirmer leur autorité sur un territoire autrefois dominé par Syphax.

  • 40  Camps 1961, p. 120-121, 145-146, 409-411 et fig. 2 ; Id. 1973b, fig. 2.
  • 41  Pline, HN, V, 30. La localisation de ces peuples est établie à partir des indications géographique (...)
  • 42  Infra, § 1.1.3.1.3.

28Pour renforcer son hypothèse, G. Camps met en valeur trois arguments complémentaires qui s’avèrent contestables. Il souligne en premier lieu une abondance particulière de dolmens et de nécropoles mégalithiques aux alentours du djebel Fortas, à quarante kilomètres au sud de Constantine. On y a découvert de grandes stèles figurant des chefs locaux. Cependant, si l’aire de forte concentration de dolmens couvre bien la zone de l’oued Rhumel, sur les rives duquel se situe Cirta, elle s’étend aussi de manière quasi-continue jusque dans le nord-est de la Tunisie actuelle40. En second lieu, un passage de Pline, qui fait état des peuples d’Afrique vivant entre le fleuve Ampsaga (oued el Kebir et ses affluents, Algérie) et les Syrtes, permettrait de confirmer la localisation du berceau des Massyles dans les environs de Cirta. Ceux-ci y sont mentionnés entre les Suburbures et les Nicives, que nous savons localisés, les uns à l’ouest de Cirta, jusqu’à Sétif, les autres au sud-est de Cirta. Pline présente les peuples d’Afrique dans un certain ordre, mais cette énumération provient d’un document administratif plus tardif qui, comme le fait justement remarquer J. Desanges, n’obéit à aucun critère géographique41. G. Camps note enfin que le nom de Massul (Massyle) est encore porté dans la région à l’époque romaine. Il figure en effet sur une épitaphe découverte à Sila et deux inscriptions provenant des alentours de l’oued Djermane. Il faut toutefois rappeler qu’on le retrouve également beaucoup plus à l’est, puisqu’il apparaît sur une inscription découverte en Tunisie, à Kasserine (Cillium). Finalement, si la contrée située aux environs de Cirta, en particulier au sud-est, semble bien avoir fait partie du royaume massyle42, rien ne permet de certifier qu’elle correspond précisément à l’aire d’implantation de la tribu autour de laquelle il se constitue.

  • 43  Apulée, Apologie, XXIV : « Non pas pourtant que j’aie jamais eu la pensée de rougir de mon pays, d (...)
  • 44  ILAlg. I, 1242.

29En revanche, il faut reconsidérer l’idée que la région s’étendant sur l’actuelle wilaya de Souk-Ahras (Algérie) soit le berceau des Massyles, en particulier la zone circonscrite entre les agglomérations de Madaure (actuelle M’daourouch) et de Thubursicu Numidarum (actuelle Khamissa). Selon Apulée, Madaure est une possession de Syphax avant d’être rattachée au royaume de Massinissa I43. Même si cette brève mention ne permet pas de l’affirmer, ce n’est sans doute qu’aux alentours de 205 av. J.-C., lorsque Syphax conquiert le royaume massyle, que Madaure passe aux mains des Masaesyles. Nous pensons que la cité appartient auparavant aux Massyles, en particulier parce qu’elle se situe à proximité de Thubursicu Numidarum, laquelle a livré un témoignage de son attachement à la famille royale massyle. À l’époque romaine y subsiste ainsi une tribu numide qui fait une dédicace à Hiempsal, fils du roi Gauda44.

  • 45  Camps 1999a, fig. 2.
  • 46  Gsell – Joly 1914, p. 11-20.

30L’idée que cette région, où l’on a par ailleurs retrouvé un grand nombre d’inscriptions libyques, soit l’aire d’implantation originelle des Massyles est réfutée par G. Camps45. Selon lui, si tel était le cas, Thubursicu Numidarum aurait sans doute joué plus tôt un rôle dans l’histoire, faisant mention de la famille régnante autrement que par une simple dédicace à Hiempsal. À l’heure actuelle, il manque avant tout des témoignages confirmant l’existence de la ville dès le IIIe siècle av. J.-C46. Le site n’ayant que très peu fait l’objet de fouilles, nous ne rejetons pas, contrairement à l’auteur, l’hypothèse que la région de Thubursicu Numidarum, associée à celle de Madaure, soit la contrée originelle des Massyles.

31C’est dans cette même zone que nous pouvons situer le cœur du royaume avant les différentes modifications qu’il subit dans le courant du IIIe siècle av. J.-C. Ces modifications sont surtout la conséquence de l’extension du territoire de Carthage, que nous avons tenté de restituer malgré les difficultés inhérentes aux lacunes des textes littéraires anciens.

1.1.3.1.2. À l’est, la question des « fosses phéniciennes » et de l’évolution du territoire de Carthage

  • 47  Appien, Lib., 54. Voir aussi Appien, Lib. 32 et 59. Les fragments d’un historien grec, Eumachos, f (...)

32Nous savons que le royaume massyle est bordé à l’est par le territoire de Carthage, lequel est délimité par un fossé, connu sous le nom de « fosses phéniciennes ». Appien signale leur existence lorsqu’il expose les sanctions infligées à Carthage après la deuxième guerre punique mais ni le tracé de ce fossé, ni la date à laquelle il est implanté ne sont précisés47. La question des possessions numides et carthaginoises au cours du IIIe siècle av. J.-C. peut néanmoins être examinée à la lumière des résultats des travaux de géographie historique du nord-est tunisien développés par G.-Ch. Picard puis N. Ferchiou et A. M’Charek.

  • 48  Tite-Live, XXX, 9.
  • 49  Appien, Lib., 54 (discours de Scipion) : « dans les soixante jours (à compter de la conclusion de (...)
  • 50  Appien, Lib., 68-69. Sur l’étendue et la chronologie des usurpations effectuées par Massinissa ent (...)

33Il apparaît en premier lieu que deux régions, la Chôra Thusca et les Grandes Plaines, appartiennent aux Carthaginois à la fin du IIIe siècle av. J.-C. Elles s’avèrent être des circonscriptions administratives dont la limite occidentale pourrait bien correspondre au tracé des « fosses phéniciennes ». Tite-Live indique clairement que les villes situées autour du lieu de la bataille des Grandes Plaines, qui oppose en 203 av. J.-C. les Carthaginois à Scipion l’Africain, sont sous la dépendance de Carthage48. Par ailleurs, si l’on en croit Appien, le traité clôturant la deuxième guerre punique oblige les Carthaginois à se retrancher à l’intérieur des « fosses phéniciennes » et à rendre aux Massyles les terres situées au-delà de cette limite49. Or, la Chôra Thusca et les Grandes Plaines ne font pas partie des territoires récupérés par Massinissa I à la suite de l’application du traité, le roi numide s’en étant emparé quelques décennies plus tard au mépris de ces stipulations50.

  • 51  Beschaouch – Mahjoubi – Picard G.-Ch. 1963, p. 124-130. Ch. Tissot (1884, p. 47 ; Id. 1888, p. 4) (...)
  • 52  Traduction établie par M. Sznycer (1997, p. 134), à la suite des premières lectures de l’inscripti (...)

34Il n’est plus permis aujourd’hui de douter de la localisation de la Chôra Thusca, qui s’avère correspondre à la région de Mactar. Une dédicace à Trajan provenant du forum de la cité atteste que celle-ci est alors le chef-lieu du pagus Thuscae51. Ce dernier s’identifie assurément aux « territoires de Tushkat », mentionnés sur une inscription punique du IIe siècle av. J.-C., communément appelée la borne de Micipsa. Découverte dans le djebel Massouge, à environ 25 kilomètres au nord de Mactar, elle doit être lue ainsi : « A érigé cette pierre-ci WLBH, préposé aux territoires de Tushkat, fils de Arish, fils de DWS, fils de NRWT, fils de Zilalsan, par ordonnance (ou par délégation) de Micipsa, le Souverain, dans l’année vingt et un de son règne. À partir de cette pierre qui est sur le « “monument” et jusqu’à la signalisation de cette pierre-ci (il y a) deux cent quarante “stades” »52.

  • 53  Picard G.-Ch. 1966, p. 1262-1265. L’existence d’une autre circonscription carthaginoise dans la ré (...)
  • 54  Tite-Live, XXX, 8 et 9. Voir aussi Polybe, XIV, 7 à 9 ; Tissot 1884, p. 61-63 et 556-557 ; Id. 188 (...)

35Ainsi la Thusca se révèle être une circonscription administrative instituée par Carthage, encore en vigueur au temps de Micipsa et respectée par Rome après la conquête. Suivant l’hypothèse de G.-Ch. Picard, l’ensemble du territoire de Carthage est divisé en plusieurs districts à l’époque punique. Si une circonscription telle que la Tushkat est conservée durant la période romaine, il est en effet vraisemblable que d’autres le soient aussi. Cinq pagi romains sont connus dans la province romaine d’Afrique : les pagi Thuscae, Gununzi, Zeugei, Muxsi et Gurzensis. En les reportant sur une carte, l’auteur a constaté qu’ils recouvrent la plus grande partie du territoire autrefois directement contrôlé par Carthage53 (pl. I). De fait, la région des Grandes Plaines, sous domination carthaginoise, devait également constituer une circonscription administrative. D’après les indications géographiques relevées dans le récit de Tite-Live, elle s’étend sur les plaines actuelles de Souk el-Arba et de Souk el-Khemis (bassins de Jendouba et de Bou Salem), traversées par le fleuve Medjerda54.

  • 55  Sur le tracé de la Fossa Regia, infra, § 1.3.2.2.

36Les Grandes Plaines et la Thusca semblent bien être les plus occidentales des circonscriptions carthaginoises. Il est donc logique de penser que leurs limites ouest matérialisent les « fosses phéniciennes ». L’extrémité occidentale des Grandes Plaines ne peut être retracée qu’à titre hypothétique, en fonction du système géographique. En revanche, celle de la Thusca peut être définie partiellement à partir de la borne dite de Micipsa. Suivant G.-Ch. Picard, nous pouvons estimer que la pierre est érigée pour avertir que l’on pénètre sur le territoire de la Tushkat. Son emplacement, entre l’oued Tessa et l’oued Siliana, correspondrait, selon lui, au point de « rebroussement » de la frontière. Ayant suivi jusque-là un tracé nord-sud, celle-ci se dirigerait désormais vers le nord-est, en passant au sud de Zama Regia, jusqu’à rejoindre la Fossa Regia, créée en 146 av. J.-C. pour délimiter la province romaine d’Afrique et le royaume numide55 (pl. II).

  • 56  Contra J.-G. Février (1951-1952, p. 116-121 ; Id. 1957, p. 119-124) qui propose comme lecture de l (...)
  • 57  M’Charek 1999, p. 139-183.

37G.-Ch. Picard suppose que la distance indiquée entre la borne de Micipsa et celle qui est sur le « monument », soit deux cent quarante stades (43 kilomètres), renseigne sur l’étendue du territoire de la Tushkat. Il propose de localiser cette seconde borne vers le sud56. À une quarantaine de kilomètres du djebel Massouge s’élèvent en effet les djebels Skarna et Barbrou, qui forment les derniers contreforts du Haut-Tell et une limite naturelle avant les vastes et plates étendues de maquis et de steppes. La seconde borne démarquerait ainsi le pays des sédentaires et celui des pasteurs nomades qui doivent peupler, au sud des djebels, cette contrée semi-désertique, le monument dont il est question pouvant s’identifier à l’un des dolmens de la région. Son hypothèse est confortée par une étude plus récente d’A. M’Charek qui apporte des indices complémentaires sur la limite méridionale de la Thusca57.

  • 58  Sur l’identification de Zama Regia, Ferjaoui 2001, p. 837-864.
  • 59  Selon J.-B. Chabot, « sur l’emplacement où on a trouvé cette pierre, qui est situé près d’un point (...)
  • 60  AE, 1949, 108 et 109 ; Beschaouch 1995, p. 42 ; M’Charek 1999, p. 145.

38L’extrémité occidentale de la Thusca débuterait donc au pied des djebels Skarna et Barbrou, se poursuivrait vers le nord en passant à l’est d’Assouras, puis suivrait le djebel Massouge jusqu’à la borne de Micipsa (pl. II). A. M’Charek s’oppose toutefois à cette délimitation, plaidant en faveur de l’intégration de Zama Regia à la Thusca et remettant en cause la fonction des bornes érigées par le préposé aux territoires de Tushkat58. Nous ne connaissons pas précisément le lieu de la découverte de la borne de Micipsa, mais il semble s’agir d’un secteur relevant du territoire de Zama. D’après les indications de l’Abbé Chabot et de P. Cintas, ce pourrait être à proximité de l’une des deux sources captées à l’époque romaine pour les besoins en eau de Zama59. Le territoire de la ville aurait donc englobé le versant oriental du djebel Massouge dans sa totalité. Il aurait également inclus la vallée fertile de l’oued Massouge. Au sein de celle-ci, à douze kilomètres au sud de Zama, s’étend le vicus Maracitanus (Ksar Toual Zammel). Ce vicus appartient probablement au territoire de Zama à l’époque romaine. Des dignitaires municipaux de Zama y sont honorés pour services rendus dans l’exercice de leurs charges ou pour des actes d’évergétisme au bénéfice des vicani60. Par ailleurs, les carrières de pierre de la Zama romaine se situent entre la ville et Ksar Toual Zammel.

  • 61  J.-B. Chabot émet déjà l’hypothèse que la borne de Micipsa est une pierre de bornage placée à la l (...)
  • 62  Bell. Afr., XCVII.
  • 63  Romanelli 1959, p. 131-132 ; Lassère 1977, p. 146.
  • 64  Beschaouch 1995, p. 42.

39A. M’Charek estime donc que la borne de Micipsa s’élève sur le territoire de Zama Regia et n’indique pas la limite de la Thusca mais celle de deux domaines fonciers relevant de Zama : celui de la cité, à l’est et au sud, et celui du roi numide, au nord et à l’ouest61. Cette seconde région correspond essentiellement, à l’époque romaine, au domaine impérial de la Turris Rutunda. Ce serait dans ce secteur que César aurait confisqué des terres royales en 46 av. J.-C.62. Suivant P. Romanelli et J.-M. Lassère, A. M’Charek suppose que César a dû en céder à des hommes d’affaires installés en Afrique63. Le dédicant de l’arc de Gordien à Musti (ou Mustis) serait l’un d’eux. Or, ce personnage se qualifie de Zamensis regius et paraît agir en voisin des Mustitains64. Son domaine pourrait donc être établi entre Musti et le fundus Turris Rutundae.

  • 65  Vitruve, VIII, 3, 24.

40L’hypothèse d’A. M’Charek mérite d’être prise en considération même si la délimitation du territoire de Zama Regia se fonde exclusivement sur des données d’époque romaine. Elle implique d’admettre d’une part que l’étendue de celui-ci n’a pas été modifiée depuis le IIe siècle av. J.-C., d’autre part que la borne de Micipsa a bien été découverte in situ, autrement dit qu’elle n’a pas été déplacée au cours du temps. Les données énoncées rendent plus particulièrement vraisemblable le fait que Zama Regia, le versant oriental du djebel Massouge et le secteur localisé au sud de la cité sont inclus au sein de la Thusca. S’il est probable que le territoire de la Zama romaine englobe une vaste région, ce à quoi semble faire allusion Vitruve lorsqu’il indique que la campagne environnant la cité était immense, l’appartenance des contrées situées au nord et à l’ouest du djebel Massouge à ce territoire paraît plus douteuse65. Zama tourne en effet le dos à cette région, dont elle est coupée par le relief en question.

  • 66  Ferchiou 1986, p. 351-365 ; Id. 1990a, p. 107-115.

41Les résultats d’une recherche menée par N. Ferchiou sur le terrain rendent la situation encore plus complexe. Ils révèlent l’existence d’un fossé, dont plusieurs tronçons de quelques mètres de large ont été reconnus au sud du djebel Bargou, dans la région de Ksar Lamsa et jusqu’au flanc oriental du djebel Bou Dabbous66. Ce fossé, tel qu’il peut être restitué à partir de ces segments, ne peut correspondre, a priori, à la limite de la Thusca, puisqu’il la traverse en plein cœur. Pourtant, son identification aux « fosses phéniciennes » ne semble pas devoir être totalement exclue. Si l’on reporte sur une même carte les limites de la Thusca préalablement proposées et les tronçons découverts par N. Ferchiou, nous constatons qu’ils coïncident entre Mactar et Assouras (pl. II). Assurément, ce fossé ne peut s’identifier à la Fossa Regia, dont le tracé est bien connu entre le djebel Mansour et le djebel Cheid : alors que la Fossa Regia remonte vers le nord-ouest pour se diriger vers le djebel Cheid, le fossé se prolonge vers le sud-ouest. Plusieurs indices permettent d’estimer que cet ouvrage est antérieur au Ier siècle ap. J.-C. Dans la vallée de Ksar Lamsa, le fossé influence la répartition du réseau routier romain, ce qui témoigne de sa plus grande ancienneté. Dans le même secteur, N. Ferchiou signale une petite ferme dont l’occupation serait datable du Ier siècle ap. J.-C. au moins. La ferme étant disposée obliquement et l’un de ses angles touchant le talus méridional de la tranchée, il apparaît que le fossé n’est plus en usage durant ce siècle.

  • 67  L’auteur se réfère en particulier à la borne-limite de Henchir Abd es-Selam (CIL VIII, 23395), qui (...)
  • 68  Sur cette permanence, infra, § 2.2.2.1.

42Ces constatations, qui plaident en faveur de son identification aux « fosses phéniciennes », se heurtent donc à la définition des limites sud de la Thusca proposée précédemment par G.-Ch. Picard puis A. M’Charek. Ce dernier se fonde notamment sur l’existence de deux bornes romaines datables du IIIe siècle ap. J.-C. Ce bornage officiel aurait matérialisé la frontière méridionale du pagus Thuscae avec des terres impériales situées dans la Gamonia, région qui couvre l’ensemble du bassin versant de l’oued Zeroud67. Ainsi, depuis les environs de Mididi, cette limite s’étendrait vers l’est au sud de Mactar, au pied des djebels Skarna et Barbrou, derniers contreforts du Haut-Tell, jusqu’à atteindre Henchir Abd es-Selam et rejoindrait sans doute la sebkha Kelbia en passant au sud de Ouesslatia, entre les djebels Bou Dabbous et Ousselat. La permanence des limites administratives dans l’Antiquité, qui semble particulière à cette partie du nord-est tunisien actuel, ne peut être considérée comme un phénomène systématique68. Si l’ensemble des données exposées incite à fixer l’extrémité méridionale de la Thusca préromaine à l’emplacement des bornes implantées au IIIe siècle ap. J.-C., l’état de la documentation ne suffit pas à résoudre la question de ces diverses délimitations territoriales pour le moment.

  • 69  Phénomène préalablement souligné par St. Gsell (1913-1930, II, p. 102 ; Id. 1905, p. 360-361). Dio (...)

43Quoi qu’il en soit, les « fosses phéniciennes » sont manifestement tracées à une époque antérieure à l’an 247 av. J.-C., date à laquelle Théveste (Tébessa) est conquise par Carthage69. La localisation de Théveste, bien plus occidentale que le tracé supposé des « fosses phéniciennes », nous amène à penser que Massinissa I la récupère suite au traité clôturant la deuxième guerre punique, qui oblige Carthage à lui rendre ses terres et celles ayant appartenu à ses ancêtres.

  • 70  Polybe, I, 66 et 67.
  • 71  Cornélius Nepos, Hamilcar, II, 5 ; Diodore, XXV, 10, 3.
  • 72  Appien, Lib., 10, 37 et 39. Sur l’année de naissance de Massinissa, Gsell 1913-1930, III, p. 182, (...)
  • 73  Tite-Live, XXIX, 29.
  • 74  Appien, Lib., 10 et 79 ; Tite-Live, XXIV, 49.

44Les Carthaginois effectuent visiblement une série d’empiètements au-delà des « fosses phéniciennes » dans la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C. Outre Théveste, ils conquièrent apparemment la région de Sicca (Le Kef). La cité semble en tout cas dépendre de Carthage en 241 av. J.-C., date à laquelle, d’après Polybe, cette dernière envoie à Sicca les mercenaires qu’il est nécessaire d’éloigner de la capitale et de surveiller. Nous apprenons alors qu’Hannon, qui commande dans la partie de la Libye soumise aux Carthaginois, se rend également à Sicca avec pour mission de leur faire entendre raison70. Ces empiètements se poursuivent dans les années 230 av. J.-C. : Cornelius Nepos rapporte qu’après la guerre des mercenaires, en 238- 237 av. J.-C., Amilcar rétablit la paix et étend les limites de Carthage, tandis que Diodore affirme qu’Asdrubal, quelque temps plus tard, soumet des Numides et les oblige à payer tribut71. Les conquêtes carthaginoises réalisées aux dépens des Massyles ne se prolongent certainement pas au-delà de cette période puisque Massinissa, né en 238 av. J.-C., est élevé dans la métropole punique72. Les mariages sont par ailleurs fréquents à la fin du IIIe siècle av. J.-C. entre les princes numides et les filles de l’aristocratie carthaginoise. Amilcar promet notamment sa fille à Naravas et Oezalcès a pour femme une nièce d’Hannibal73. Cela suppose des rapports cordiaux entre les deux voisins africains. En 213 av. J.-C., les empiètements carthaginois prennent assurément fin, les Massyles et les Carthaginois s’alliant alors ensemble contre les Romains74.

1.1.3.1.3. Quand la Massylie s’étendait de l’Ampsaga à la région de Thugga

45Si l’on ne peut déterminer avec exactitude à quel moment ni dans quelles circonstances certaines régions massyles passent sous domination carthaginoise, il apparaît clairement que le territoire massyle est bien plus étendu dans le courant du IIIe siècle av. J.-C. qu’à la fin du règne de Gaïa. Il recouvre vraisemblablement les terres situées entre l’oued Rhumel et la région de Thugga.

  • 75  Strabon, XVII, 3, 9 et 13. Timosthène (d’après Strabon) situe le Metagonium en face de Marseille, (...)
  • 76  Infra, p. 52.
  • 77  Selon Victor de Vita (II, 14), Cirta est sise sur l’Ampsaga. CIL VIII, 5884 ; Camps 1973b, p. 60. (...)
  • 78  Supra, § 1.1.3.1.1.

46Son extrémité occidentale est connue grâce au témoignage de Strabon selon lequel la limite des territoires massyle et masaesyle est le cap Trêton. Parfois dénommé Metagonium, il s’identifie au cap Bougaroun (péninsule de Collo)75. Le fleuve Ampsaga sépare sans doute plus au sud les deux peuples numides. Il débouche juste à l’ouest du cap Bougaroun et constitue assurément une frontière à des époques postérieures76. Néanmoins, pour les anciens, le cours de l’Ampsaga, au sud de Cirta, doit correspondre à l’un des affluents du Rhumel, à savoir l’oued Bou Merzoug. Une dédicace au génie du fleuve Ampsaga a en effet été découverte non loin des sources de celui-ci, près de la cité de Sila77. Cirta apparaissant comme la possession orientale la plus avancée du roi Syphax avant qu’il ne s’empare du royaume massyle78 (pl. IV), il faut en conclure que ce dernier débute juste à l’est du Rhumel et du Bou Merzoug.

  • 79  Supra, p. 11-12.
  • 80  RIL 2. L’inscription est gravée en l’an 10 du règne de Micipsa et peut donc être datée de 139 av. (...)
  • 81  Infra, § 2.2.1.1.

47Côté est, les éléments précédemment exposés nous indiquent que le territoire massyle comprend, avant les années 240 av. J.-C., les régions de Sicca et de Théveste. Il inclut manifestement aussi celle de Thugga. Cette dernière est peut-être sous l’autorité des Massyles dès la fin du IVe siècle av. J.-C., d’après l’existence du roi Ailymas79. L’hypothèse de son insertion au sein des territoires massyles est renforcée par l’attachement que manifeste la cité envers la famille royale en érigeant, sous le règne de Micipsa, un monument dédié à Massinissa I, témoignage qui s’avère être un unicum en Afrique du Nord80. Durant cette même époque, l’administration municipale de Thugga se révèle être essentiellement d’origine numide et non carthaginoise81. Ces données ne permettent pas, à notre avis, de douter de l’appartenance de la cité aux Massyles avant sa conquête par les Carthaginois et sa localisation, à l’est de Sicca, amène à déduire qu’elle est intégrée au territoire de Carthage au moins à partir de la première guerre punique.

  • 82  Camps 1961, p. 53-54, 120 et fig. 2 ; Id. 1973b, fig. 2 et 3.
  • 83  Sur ces petits hypogées de l’Afrique du Nord, de forme généralement cubique, voir notamment Camps  (...)
  • 84  Infra, § 1.3.1.

48L’étendue du territoire massyle avant les empiètements carthaginois est appuyée par la répartition des nécropoles dites d’époque « protohistorique », déjà évoquée82. Celle-ci illustre à la fois une plus grande concentration des haouanet83 dans l’extrême nord-est de la Tunisie et une abondance particulière de dolmens depuis la région située au sud-est de Cirta jusqu’à celle de Thugga, suivant le bassin de la Medjerda. Cette zone d’unité dans les traditions funéraires comprend aussi le cap Bougaroun et les régions de Mactar et de Théveste, cette dernière cité pouvant être considérée comme la plus méridionale des possessions massyles. Il faut de fait en conclure que les Grandes Plaines et la Thusca appartiennent également aux Massyles avant d’être incluses au sein du territoire carthaginois. Les revendications émises quant à ces deux contrées par Massinissa I à la suite du traité de 201 av. J.-C. s’avéreraient ainsi légitimes84.

49La reprise des sources littéraires anciennes et archéologiques nous amène donc à situer le cœur du territoire massyle entre Madaure et Thubursicu Numidarum, tout en soulignant l’importance, au sein de celui-ci, du bassin moyen de la Medjerda. Ce territoire ne s’étend très probablement pas au-delà des régions de Thugga et de Mactar à l’est, de l’oued el Kebir et de ses affluents (le Rhumel et le Bou Merzoug) à l’ouest, de Théveste au sud. Les conquêtes carthaginoises amoindrissent l’aire dominée par les Massyles. Les premières d’entre elles, vraisemblablement effectuées sur les régions de Thugga, des Grandes Plaines et de Mactar, sont intégrées dans le territoire délimité par les « fosses phéniciennes ». Carthage empiète par la suite au-delà de ce fossé, s’emparant de Théveste et manifestement de Sicca. Dès la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C., le royaume massyle est cantonné sur un espace restreint, annexé par Syphax entre 205 et 203 av. J.-C. (pl. III à V).

1.1.3.2. Les « Mauritaniens des bords de l’Océan », les voisins masaesyles conquérants

  • 85  Strabon, XVII, 3, 6 et 9.

50D’après Strabon, le royaume des Masaesyles débute à l’ouest à l’embouchure de la Molochath, un fleuve qui le sépare du territoire des Maures et qu’il faut désormais identifier à l’oued Moulouya, dans le Maroc oriental85. L’auteur transpose sans doute ici une situation postérieure et il apparaît d’ailleurs que Syphax a dû étendre sa domination au-delà de ce fleuve. Néanmoins, il ne semble pas falloir exclure l’idée que la Molochath ait constitué la limite de ces royaumes à partir de l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C., époque à laquelle les Maures ont probablement repoussé les Masaesyles vers l’est.

  • 86  Desanges 1980a, p. 188. Ch. Tissot (1878, p. 148-150) l’identifie au cap de l’Agua mais celui-ci a (...)
  • 87  Voir les remarques de G. Camps (1960a, p. 135-146 et p. 167 ; Id. 1973b, p. 62).
  • 88  Pline, HN, V, 19 ; Pomponius Mela, I, 29. Sur l’identification de Portus Magnus, Gsell 1911, f° 21 (...)
  • 89  H. Tauxier (1885, p. 41-69) considère sans valeur l’indication de Strabon ; contra Ch. Tissot (187 (...)
  • 90  Pline, HN, V, 18 ; Ptolémée, IV, 1, 3-4 ; IV, 2, 1. L’Itinéraire d’Antonin (It. Ant., 11, 6-12, 2) (...)
  • 91  Rebuffat 1971, p. 45-46. L’auteur semble être revenu depuis sur son interprétation, reconnaissant (...)

51L’identification du fleuve Molochath ou Mulucha à l’oued Moulouya, à plusieurs reprises contestée, mérite d’être explicitée. Strabon le situe à l’ouest de Siga (Takembrit, en Oranie) et non loin du Metagonium qui fait face au pays de Carthagène et semble ici correspondre au cap Tres Forcas86. Entre la cité et le cap s’écoulent trois cours d’eau, l’oued Moulouya, l’oued Kiss et l’oued Tlata. Seul l’oued Moulouya est un fleuve d’importance et représente une coupure bien marquée87. Les témoignages de Pline l’Ancien et de Pomponius Mela ont cependant provoqué le débat. Ces deux auteurs placent en effet le fleuve Mulucha à l’est de Portus Magnus (Bettioua), soit dans l’ouest de l’Algérie actuelle88. De fait, on propose parfois d’identifier la Mulucha à l’oued Chélif ou encore à l’oued Macta89. Dans sa description du littoral méditerranéen entre Rusaddir (Melilla) et Siga, Pline fait par ailleurs état de l’existence du fleuve Maluane, qu’il qualifie de navigable. À l’inverse de Pline, Ptolémée, qui mentionne ce fleuve sous la forme Malua, le fixe à l’est de la Mulucha et le définit comme la frontière entre les provinces romaines de Maurétanie tingitane et de Maurétanie césarienne90. Certains historiens estiment donc que la Malua désigne l’oued Moulouya ou l’oued Kiss, situé juste à l’est de ce dernier. À cette dernière hypothèse s’oppose le fait que l’oued Kiss n’est pas navigable. De plus, son emplacement ne concorde pas avec les indications géographiques de Ptolémée91.

  • 92  Gsell 1913-1930, V, p. 91-93 ; Desanges 1980a, p. 150-151 et 154-155.
  • 93  Infra, p. 39-41 et § 1.2.3.

52St. Gsell et J. Desanges soumettent une toute autre interprétation qui permet d’expliquer le caractère confus des témoignages anciens relatifs à la localisation ou à la dénomination de la frontière de la Maurétanie : Mulucha et Malua ne feraient qu’un et s’appliqueraient à l’oued Moulouya92. La confusion serait liée au fait qu’à partir de 105 av. J.-C., le royaume maure de Bocchus I, que nous savons limité au moins depuis 118 av. J.-C. par le fleuve Mulucha, s’étend progressivement à l’est de celui-ci, au détriment des Numides, jusqu’à atteindre le fleuve Ampsaga en 38 av. J.-C. ; une évolution que les sources littéraires ne nous permettent d’ailleurs pas de retracer précisément93.

  • 94  Desanges 2001, p. 23.

53Une analyse convaincante de J. Desanges montre que Pomponius Mela et Pline tiennent très vraisemblablement leurs informations d’une source commune établissant que la Mulucha est la limite des territoires de Bocchus I et de Jugurtha, et qui doit donc dater au plus tard de la fin du IIe siècle av. J.-C.94. Il pourrait s’agir d’Artémidore, contemporain de la fin de la guerre de Jugurtha. Celui-ci n’aurait pas eu le temps d’enregistrer l’extension récente du royaume de Bocchus I. Puis Poseidonios, reprenant et mettant à jour quelques décennies plus tard le témoignage d’Artémidore, aurait tenu compte de cette modification, mais en reportant la localisation de la Mulucha vers l’est. Si ces deux fleuves ne font effectivement qu’un, on comprend que la Malua a pu être considérée par Ptolémée comme la frontière de la Maurétanie tingitane. La réflexion de J. Desanges permet donc, selon nous, de clore les débats concernant l’identification de la Mulucha.

  • 95  Desanges 1980a, p. 154 ; Id. 2001, p. 23.
  • 96  On considère généralement que la limite orientale de la Maurétanie subsiste à l’emplacement de la (...)
  • 97  Tite-Live, XXVIII, 17. Signalons tout de même que l’auteur indique précédemment que « les Masaesyl (...)
  • 98  Tite-Live, XXIV, 49 : « Syphax s’échappa de la mêlée, accompagné d’un petit nombre de cavaliers, e (...)

54Cette même analyse incite à penser que Strabon fixe la limite des territoires masaesyles et maures d’après le témoignage d’Artémidore. J. Desanges suppose que ce dernier a dû s’exprimer en ces termes : « le fleuve Molochath, limite entre les Maurousii de Bocchus et les Nomades (= Numides) Masaesyles de Jugurtha »95. De fait, et contrairement aux considérations habituelles, il n’est pas certain que ce fleuve sépare ces royaumes avant 118 av. J.-C.96. Il ne joue pas en tout cas, a priori, ce rôle avant l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C. Une série de témoignages plaide en effet en faveur de l’autorité exercée par Syphax dans une région où l’on situe traditionnellement les Maures, celle du détroit de Gibraltar. Cette souveraineté est mentionnée explicitement par Tite-Live qui, à propos du roi masaesyle et des événements de 206 av. J.-C., précise : « la position géographique de son royaume le mettait en contact direct avec l’Espagne, dont il n’est séparé que par un étroit bras de mer »97. Tite-Live nous apprend par ailleurs qu’en 213 av. J.-C., après une première défaite contre Massinissa, Syphax se réfugie chez les Maures, où il trouve un renfort considérable lui permettant de reconstituer une grande armée. S’agit-il de Maures vassaux de Syphax, comme le pensait préalablement J. Desanges, ou de Masaesyles implantés dans la région et qui accourent pour soutenir leur souverain98 ?

  • 99  De vir. ill., 49.
  • 100  Par exemple, Silius Italicus (XVI, 170, 234, 258 et XVII, 110) qualifie à tort Syphax de roi des M (...)
  • 101  Plutarque, Sertorius, 9.

55Syphax est parfois qualifié de roi des Maures99. On pourrait bien évidemment croire à une erreur, liée à la méconnaissance des différents peuples et rois d’Afrique du Nord, illustrée dans les textes anciens par un certain nombre de confusions et de localisations imprécises100. Néanmoins, nous retrouvons peut-être une allusion à la domination de Syphax dans la région du Détroit à travers la légende, rapportée par Plutarque, de l’origine de Tingi (Tanger). Ses habitants racontent qu’après la mort d’Antée, sa femme Tingé s’unit à Héraklès. Leur fils, Sophax, devient roi du pays et donne à la ville le nom de sa mère. Plus loin, Plutarque dédie ces lignes à la mémoire du souverain maure Juba II (25 av. J.-C.-23 ap. J.-C.), qu’il qualifie de plus grand historien qu’il y ait eu parmi les rois et dont les ancêtres descendent de Sophax101. Juba II est en effet descendant des Numides, mais de la branche des Massyles.

  • 102  Pline, HN, V, 17 (à propos de la Maurétanie tingitane) : « Voici les peuples qui l’habitent : celu (...)

56D’autres données relatives à une implantation masaesyle dans le nord du Maroc actuel viennent par ailleurs renforcer l’hypothèse d’une souveraineté de Syphax dans cette région. Ainsi Pline, précisant que les Masaesyles sont éteints à son époque, semble les fixer anciennement en Maurétanie tingitane, au voisinage des Maures. Ératosthène, contemporain de Syphax, dont les propos sont rapportés par Strabon, estime apparemment que les abords du Détroit, qu’il nomme Metagonium, sont peuplés de Numides. D’après le témoignage de Strabon, le Metagonium paraît ici inclure tout le pays montagneux qui s’étend du cap Cotès (cap Spartel) à l’embouchure de la Molochath. Selon les indications de Ptolémée, les Métagonites, habitants de la Métagonie, vivent entre le cap Spartel et Septem Fratres (Ceuta)102.

  • 103  Polybe, III, 33. Hannibal fait passer des soldats d’Afrique en Espagne, et d’Espagne en Afrique : (...)
  • 104  Pline, HN, V, 22 : « À partir de l’Ampsaga, c’est la Numidie, rendue célèbre par le nom de Massini (...)

57Le nom Metagonium est manifestement appliqué spécifiquement à des lieux ou à des contrées faisant partie du royaume numide. Il peut désigner de manière plus générale l’ensemble des territoires masaesyles. Polybe nous apprend que des fantassins issus des villes de Métagonie, en Afrique, sont envoyés en Espagne et à Carthage durant la deuxième guerre punique. Il ne nous donne aucune indication géographique supplémentaire, mais s’agissant principalement de transferts de troupes entre l’Espagne et l’Afrique on est enclin à penser que la Métagonie correspond à la partie occidentale de l’Afrique du Nord. Toutefois, suivant l’opinion de St. Gsell, cette région, que les Grecs auraient appelée Metagonion ou Metagonia, englobe sans doute toute la bande littorale comprise entre le cap Bougaroun et le cap Spartel103. Cette interprétation s’accorde avec les conclusions que nous formulons quant à l’étendue du royaume masaesyle juste avant la conquête du royaume massyle. Pline étant le seul à situer la Métagonie à l’est de l’Ampsaga, on peut supposer qu’il commet une erreur et que la Métagonie se rapporte bien ici à la Numidie des Masaesyles104.

  • 105  Ex Masaisulis (AE, 1934, 122, p. 34 ; RIL 882 ; IAM I, p. 37-40).

58Les Masaesyles ne seraient-ils pas finalement originaires de l’aire du détroit de Gibraltar ? Il est intéressant d’évoquer ici certaines données d’époque romaine indiquant que la tribu s’est maintenue dans cette zone après l’extinction du royaume masaesyle. Il s’agit tout d’abord d’une inscription funéraire libyco-latine trouvée dans l’Anjra, soit l’arrière-pays de Ceuta (Septem Fratres) et de Tétouan (Tamuda). Datable de la fin du IIe siècle ou du IIIe siècle ap. J.-C., elle mentionne que le défunt est un Masaesyle105. Nous pouvons en déduire que Pline fait erreur lorsqu’il énonce que les Masaesyles sont éteints à son époque. En revanche, il semble avoir raison de les placer en Maurétanie tingitane, l’inscription bilingue tendant à révéler que la tribu vit entre Tamuda et Septem Fratres à l’époque romaine.

  • 106  Prudence, 45.
  • 107  Geogr. Latini Minores, p. 54.
  • 108  Ptolémée, IV, 2, 5. À condition d’admettre que les Sorae, que Ptolémée situe au nord des Masaesyle (...)
  • 109  Pline, HN, V, 52 (à propos de la source du Nil, située dans une montagne de la Maurétanie inférieu (...)

59Nous pouvons ajouter à ce dossier une indication de Prudence, selon lequel les habitants de Tingi célèbrent les rois massyles106. Les éléments précédemment énumérés laissent envisager que l’auteur est victime d’une confusion et qu’il faut comprendre ici les rois masaesyles. Il en est peut-être de même de Iulius Honorius lorsqu’il rapporte que les Massyles se trouvent au voisinage du détroit de Gibraltar107. La tribu masaesyle se serait non seulement maintenue dans la région du Détroit, mais se serait aussi fractionnée, puisque Ptolémée et Pline, dans un autre passage, la situent en Maurétanie césarienne. Les indications géographiques sont imprécises, mais les deux auteurs paraissent la localiser en Oranie, le premier dans la région de Mascara (arrière-pays de Mostaganem)108, le second dans le sud oranais109.

  • 110  Camps 1960a, p. 149-150, n. 466 et p. 283 ; Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1412, n. 55.

60G. Camps réfute l’idée que les Masaesyles sont implantés en Maurétanie tingitane. Selon lui, la mention de l’origine du défunt sur l’inscription bilingue montrerait que le personnage est étranger à la région où elle a été gravée. Pline (V, 17) aurait quant à lui simplement remarqué la coïncidence du sort réservé aux Maures et aux Masaesyles et aurait tenu à l’évoquer. Enfin, les rois massyles de Prudence correspondraient à Juba II et Ptolémée, descendants, en effet, de la dynastie massyle. Néanmoins, suivant H. Ghazi-Ben Maïssa, soulignons que c’est sous le vocable de « rois maures » qu’ils sont désignés dans la littérature antique110.

  • 111  Infra, p. 37, n. 132.
  • 112  Camps 1980, p. 81-84 et 101.

61G. Camps fixe le berceau masaesyle en Oranie. Il s’appuie en premier lieu sur les témoignages de Pline et de Ptolémée qui situent les Masaesyles en Maurétanie césarienne. Il rappelle que l’Oranie, non seulement accueille la capitale de Syphax, Siga111, mais est aussi la région au sein de laquelle le souverain masaesyle puise les forces qui lui permettent de jouer un rôle historique de premier plan. Enfin, d’après ses travaux relatifs à l’époque dite « protohistorique », l’oued Moulouya séparerait assez distinctement « deux provinces archéologiques », qu’il nomme Berbérie occidentale et centrale. Cette dernière présenterait le plus de spécificités et se confondrait précisément avec le royaume masaesyle112. Si la répartition des monuments funéraires est significative en ce qui concerne la distinction entre pays masaesyle, massyle et carthaginois, elle ne permet cependant pas d’établir une telle différenciation entre pays maure et masaesyle, le nord du Maroc et de l’Oranie actuels étant caractérisés par l’influence de la civilisation ibérique. En l’absence de données complémentaires, l’opinion de G. Camps ne doit pas être rejetée, mais celle qui fait de la région du détroit de Gibraltar l’aire d’implantation masaesyle apparaît tout aussi probable.

  • 113  Polybe, III, 33, 15 ; Tite-Live XXIV, 45 ; Appien, Lib., 106. Voir aussi Tite-Live, XXI, 12 : « de (...)
  • 114  La dernière mention du roi massyle en Espagne (fin 206 av. J.-C.) le situe à Gadir (Tite-Live, XXV (...)
  • 115  Sur les découvertes monétaires, infra annexe 1. A. Siraj a démontré l’existence de routes traversa (...)

62L’hypothèse de la domination de Syphax dans cette contrée est finalement renforcée par la localisation des Maures sur le littoral atlantique, énoncée par deux auteurs qui font référence à l’époque de la deuxième guerre punique. Ainsi, Polybe mentionne « des Mauritaniens des bords de l’Océan » dans l’armée d’Hannibal, tandis que Tite-Live, à propos de la fuite de Syphax en 213 av. J.-C. chez les Maures, situe ces derniers « aux extrémités de l’Afrique, le long des côtes de l’Océan, en face de Cadix ». Appien précise par ailleurs que la Maurétanie est voisine de l’Océan à l’époque de Massinissa I113. Il est donc très vraisemblable que les Maures n’occupent pas la façade méditerranéenne à l’origine. Cette constatation peut être rapprochée du fait que le prince Massinissa semble être parti de Gadir en 206 av. J.-C. pour rejoindre la Maurétanie, la cité s’avérant le port d’embarquement privilégié pour les côtes atlantiques africaines, en particulier pour Lixus114. Enfin, la découverte d’une quantité particulièrement importante de monnaies de Massinissa I et/ou de ses successeurs à Tamuda (pl. XX) illustre les liens étroits qui unissent encore la région du Détroit et le royaume numide dans le courant du IIe siècle av. J.-C., malgré la barrière que constitue le massif du Rif115.

  • 116  Infra, p. 53-56.
  • 117  Infra, p. 53-56.
  • 118  Tite-Live, XXIX, 30. Baga fournit alors une armée à Massinissa pour traverser le royaume masaesyle
  • 119  Tite-Live, XXIX, 4.
  • 120  Appien, Lib., 14 ; Gsell 1913-1930, III, p. 197, n. 1 et V, p. 100. Puisque le départ de Syphax n’ (...)
  • 121  Contra H. Ghazi-Ben Maïssa (1996, p. 1403-1416) qui estime que le royaume masaesyle a englobé la f (...)

63Si Syphax exerce son pouvoir jusqu’aux abords du détroit de Gibraltar, à quel moment faut-il fixer la fin de la souveraineté numide dans cette zone et l’extension des Maures jusqu’à l’oued Moulouya, par ailleurs attestée en 118 av. J.-C. ? Au cours de la première moitié du IIe siècle av. J.-C., le royaume de Massinissa I n’empiète visiblement pas sur le nord du Maroc actuel116. Il faut donc remonter encore dans le temps et deux possibilités s’offrent à nous : l’emprise masaesyle sur la frange méditerranéenne du Maroc s’achève soit au cours du règne de Syphax, soit au cours de celui de son fils Vermina. Ce dernier n’apparaît pas comme un roi puissant117 et les Maures profitent peut-être de l’affaiblissement du royaume masaesyle sous son règne pour s’en emparer partiellement. Toutefois, cette conquête paraît davantage coïncider avec l’époque où Syphax est occupé à combattre le prince Massinissa dans les confins orientaux de son vaste royaume, sur lequel il est manifestement difficile de maintenir son autorité. Ainsi, il semble bien que Baga et Syphax soient en mauvais termes en 206 av. J.-C., le roi maure choisissant alors de rompre avec la neutralité pour aider le prince massyle à rejoindre son pays118. Il pourrait s’agir là d’un parti pris opportun de la part de Baga qui vise à étendre son territoire. Ajoutons qu’en 205-204 av. J.-C., Syphax est « pris dans des conflits frontaliers »119. En 204, alors qu’il se trouve dans les environs d’Utique, où les Romains et le prince Massinissa s’apprêtent à livrer bataille contre les Carthaginois, il « prétexta quelque dommage causé à son royaume par des barbares frontaliers et leva le camp pour regagner ses possessions »120. L’essor du royaume maure au détriment des Masaesyles, sans doute jusqu’au fleuve Moulouya, doit donc probablement dater des années 206-204 av. J.-C.121.

  • 122  Ce à quoi G. Camps ajoute que Siga est la véritable capitale de Syphax, ce qui ne constitue pas da (...)
  • 123  G. Camps s’appuie alors sur l’analyse de J. Mazard, selon laquelle ces monnaies sont fabriquées da (...)

64S’il faut déduire que le royaume masaesyle s’étend progressivement vers l’est jusqu’au cap Bougaroun, il est impossible de restituer les étapes de cette évolution. Les sources sont silencieuses ou particulièrement confuses quant au déroulement des faits. L’opinion de G. Camps, selon laquelle ce n’est qu’à partir de 206-205 av. J.-C. que Syphax accroît sa souveraineté vers l’est, ne peut en tout cas être soutenue. Ses arguments ne s’avèrent pas significatifs. Ils ont surtout pour but de confirmer l’origine oranaise des Masaesyles et le fait que Cirta est une conquête récente de Syphax. L’historien souligne que les sources relatives aux événements antérieurs à 206-205 av. J.-C. situent Syphax dans l’ouest de son royaume122. Or ces textes n’indiquent nullement que Syphax est cantonné en Oranie ni ne fournissent d’information sur sa localisation. Il est vrai cependant qu’il n’est fait mention du roi masaesyle dans les confins algéro-tunisiens qu’à partir de 206 av. J.-C. L’influence ibérique de son monnayage montrerait par ailleurs qu’il témoigne plus d’intérêt aux affaires espagnoles que massyles durant la majeure partie de son règne. Or, cette influence n’est décelable que sur la seconde série monétaire du souverain, qui est indiscutablement la plus récente123.

  • 124  Supra, § 1.1.3.1.1.
  • 125  Tite-Live, XXIV, 49.
  • 126  À l’inverse, la première série monétaire, d’aspect plus rudimentaire, a dû être frappée à une péri (...)

65Nous attribuons cette seconde série monétaire aux années 216- 213 av. J.-C., époque à laquelle ce roi ambitieux et conquérant est, selon nous, déjà parvenu à agrandir considérablement son royaume, en soumettant assez rapidement, par la force ou par des jeux d’alliances, les tribus peuplant le nord de l’Algérie centrale et orientale jusqu’à la région de Cirta124. Cette période marque son apparition sur la scène internationale, Rome et Carthage tentant alors de se ménager son appui dans le contexte de la deuxième guerre punique. Les Carthaginois sont d’ailleurs conscients de la menace que représente alors le Masaesyle125. La seconde série monétaire de Syphax illustre l’existence d’un royaume puissant, d’ores et déjà étendu. Sur ces monnaies, le roi porte le diadème (fig. 9), un insigne lui permettant de se distinguer des autres chefs de tribus et d’asseoir son autorité sur ceux-ci. Syphax est ainsi le premier souverain nord-africain à adopter le modèle d’une monarchie de type hellénistique126. Les souverains massyles jusqu’à Gaïa, ainsi que le roi Baga, règnent sur des territoires beaucoup plus restreints et ne semblent pas avoir suivi une telle politique.

66Au cours de son règne, Syphax s’empare donc d’une large partie de l’Afrique du Nord, depuis la frange méditerranéenne du Maroc jusqu’aux limites du territoire de Carthage, l’apogée de son royaume pouvant être fixée en 205 av. J.-C. Le roi masaesyle ne peut toutefois conserver ces acquis très longtemps. À l’ouest, Baga semble l’avoir repoussé jusqu’au fleuve Moulouya aux alentours de cette date, tandis qu’à l’est, Massinissa réussit à reprendre le territoire de ses ancêtres dès 203 av. J.-C.

  • 127  Périple du pseudo-Scylax dans Geogr. Gr. Min., p. 90 ; Appien, Lib., 57 ; Polybe, III, 39.

67La question de l’étendue des royaumes nord-africains jusqu’à la fin du IIIe siècle av. J.-C. conduit en dernier lieu à poser le problème de la situation des établissements côtiers mentionnés comme possessions carthaginoises dans les textes littéraires anciens, tel le périple du pseudo-Scylax. Plus encore, d’après Appien, Carthage est maîtresse de plus de la moitié de l’Afrique, tandis que, selon Polybe, les Carthaginois sont maîtres de toutes les côtes de la Libye depuis la Grande Syrte jusqu’au détroit de Gibraltar au début de la deuxième guerre punique127. Nous pouvons exposer plus précisément le cas de trois cités littorales qui s’avèrent identifiables sans trop de difficultés : Hippo, Thapsa et Siga.

  • 128  Diodore (XX, 55 et 57) distingue deux Hippou Acra. La première, entourée d’un lac, s’identifie à B (...)
  • 129  Cornelius Nepos, Hamilcar, II, 4.
  • 130  Geogr. Gr. Min., p. 90. Un géographe romain mentionne un fleuve Thapsus, près de Rusicade, qui doi (...)
  • 131  Sur Hippone et Thapsus, Silius Italicus, III, 259.
  • 132  Pline, HN, V, 19 : « la ville de Siga, à l’opposite de Malaca dans l’aire de l’Espagne, résidence (...)
  • 133  Le lieu n’est pas mentionné dans les récits faisant état de cette rencontre : Tite-Live, XXVIII, 1 (...)

68La première semble bel et bien avoir appartenu aux Carthaginois puisqu’elle correspond à l’Hippou Acra qui tombe vers la fin du IVe siècle av. J.-C. aux mains d’Eumaque, lieutenant du Grec Agathocle, lors de l’expédition menée contre Carthage en Libye128. La cité apparaît de plus dans la liste des villes révoltées qu’Amilcar aurait rendues à son pays après la guerre des mercenaires (241- 237 av. J.-C.)129. La seconde, identifiée à Rusicade (actuelle Skikda), et la troisième figurent quant à elles dans l’énumération du périple du pseudo-Scylax130. Si l’on admet que Siga fait partie des villes de Métagonie qui, d’après Polybe, soutiennent militairement Carthage, ces trois établissements auraient ainsi fourni un contingent de guerriers à la métropole punique lors de la deuxième guerre punique131. Ils sont manifestement intégrés au sein des royaumes numides, sans qu’on puisse déterminer à quel moment, ni dans quelles circonstances. Nous savons toutefois que Siga est la capitale de Syphax, et ce depuis au moins 206 av. J.-C.132. Il faut très certainement y placer l’entrevue du roi masaesyle et de Scipion organisée lors de cette même année133. En effet, selon Tite-Live, Scipion embarque à Carthagène, située presque en face de Siga, pour rejoindre Syphax.

  • 134  Appien, Iber., 15-16 : « les deux Scipions soutinrent la guerre en Ibérie avec Asdrubal pour adver (...)
  • 135  Camps 1960a, p. 168-169 ; Id. 1979, p. 47 ; Decret – Fantar 1981, p. 89.
  • 136  Tite-Live, XXIV, 48. Les Scipions obtiennent l’alliance de Syphax. « Dès que les Carthaginois en f (...)
  • 137  Infra, § 3.2.2.2.
  • 138  Voir notamment les critiques portées sur la véracité des informations contenues dans le périple du (...)

69Entre 216 et 214 av. J.-C., Syphax se déclare subitement ennemi de Carthage qui rappelle alors Asdrubal et une partie de ses troupes combattant en Espagne134. Certains historiens estiment que l’origine de ce conflit est liée au fait que Syphax s’est rendu maître des villes littorales135. L’administration de ces enclaves aurait suscité des frictions et des heurts, Syphax les considérant comme territoire masaesyle et les Carthaginois devant les conserver comme points d’appui pour leurs armées de terre et leur flotte. La gravité de l’affaire expliquerait le retour d’Asdrubal et la décision des Carthaginois d’envoyer une ambassade à Gaïa pour obtenir son alliance136. Cette hypothèse ne peut être consolidée car aucun autre témoignage n’atteste que l’intégration de ces établissements au sein des royaumes nord-africains ait nécessité une guerre. Par ailleurs, les données de l’archéologie, au vu des résultats actuels, ne viennent pas renforcer la thèse de leur appartenance à Carthage. Elles révèlent, certes, l’influence de la civilisation punique en Numidie, jusque dans l’intérieur des terres et postérieurement à la chute de Carthage137. Cela ne signifie pas pour autant que ces établissements sont fondés par les Carthaginois ou qu’ils leur appartiennent. Il est plus probable que Carthage n’exerce sur ceux-ci qu’une domination relative et rien n’interdit finalement de penser qu’ils sont indépendants, tout en entretenant un lien particulier avec la métropole punique. Il faut ainsi, sans doute, nuancer les informations issues du périple du pseudo-Scylax, d’Appien et de Polybe à ce sujet138.

  • 139  Supra, p. 17.
  • 140  Cf. Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1403, n. 4 et p. 1406, n. 23 ; Silius Italicus, XVI, 252-253 ; Appie (...)

70La raison du conflit qui oppose Syphax aux Carthaginois ne peut être explicitée. L’opinion de H. Ghazi-Ben Maïssa, selon laquelle cette guerre démontre que le roi masaesyle a dès lors agrandi son royaume jusqu’aux abords du territoire placé sous le contrôle direct de Carthage, n’est pas davantage probante. L’auteur s’appuie d’une part sur le fait que Syphax possède Madaure, d’autre part sur le récit de Silius Italicus, selon lequel le roi masaesyle serait parvenu jusqu’aux pays des Syrtes, et sur le récit d’Appien faisant état des razzias exercées par Syphax sur « les possessions carthaginoises ». Or, il nous semble plus vraisemblable que Syphax ne se soit emparé de Madaure qu’en 205 av. J.-C., au moment de la conquête du royaume massyle139. En outre le témoignage de Silius Italicus apparaît de faible valeur car il résulte davantage d’une exagération de l’auteur visant à glorifier le souverain masaesyle. Enfin, la date des pillages effectués par Syphax ne peut être située qu’approximativement entre 212 et 206 av. J.-C., alors que le conflit masaesylo-carthaginois prend fin en 212 av. J.-C. Le récit d’Appien est de toute façon empreint d’une certaine confusion qui laisse planer le doute sur la véracité de ces propos140.

  • 141  Infra, p. 65.
  • 142  Tite-Live, XXIX, 3 et 32. L’hypothèse est émise par St. Gsell (1913-1930, II, p. 149-150 ; Gsell 1 (...)

71Quant à Hippo Regius, nous pouvons seulement affirmer qu’elle fait partie du royaume massyle après 146 av. J.-C., le point de départ de la Fossa Regia étant localisé plus à l’est141 (pl. II). Tite-Live cite la ville à deux reprises lorsqu’il décrit les événements de la fin du IIIe siècle av. J.-C., une fois sous le nom d’Hippo et une autre sous le nom d’Hippo Regius. La première mention n’apporte pas de renseignements précis sur son statut : l’auteur évoque simplement le fait que Massinissa I, après être entré en guerre contre Syphax, s’établit entre Cirta et Hippo. La seconde appellation laisse entendre que la cité est rattachée au royaume numide mais le récit contredit cette interprétation car il se rapporte à un acte d’hostilité des Romains envers Carthage. Il s’agit du débarquement nocturne de Caius Laelius près d’Hippo Regius, dont la nouvelle aurait terrifié toute la métropole punique. Or, Hippone est située relativement loin de celle-ci. Il est donc fort probable que l’auteur latin ait confondu ici Hippone et Bizerte142.

  • 143  Tite-Live, XXIX, 30 : Massinissa « courut vers Thapsus au-devant du petit roi Lacumazès qui se ren (...)

72La question du statut de Thapsa et de son intégration au sein du royaume numide n’est pas davantage résolue. Tite-Live la désigne sous le nom de Thapsus dans un récit également relatif à la reconquête des terres massyles par le prince Massinissa à l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C.143. Rien ne permet cependant d’affirmer qu’elle est alors sous l’autorité des Numides. Nous apprenons seulement que ceux d’entre eux qui escortent le roi Lacumazès s’y réfugient après avoir été battus par Massinissa. Celui-ci les poursuit jusque-là et pénètre en force dans la cité pour y massacrer une partie de ses ennemis.

1.2. De l’Atlantique à l’Ampsaga : un royaume maure en pleine extension (206-33 av. J.-C.)

1.2.1. Du roi Baga (206) au règne de Bocchus I (118 ?-80 ?) : une multiplication des hypothèses historiques face au silence des sources

1.2.1.1. Un hiatus généalogique, des acquis territoriaux

  • 144  Salluste, Bell. Iug., CX.
  • 145  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7 et infra, p. 159.
  • 146  Plutarque, Sertorius, 9.
  • 147  Infra, § 1.2.2.

73Les sources littéraires anciennes, pour le moins silencieuses en ce qui concerne la Maurétanie avant la guerre de Jugurtha, et l’absence de données archéologiques complémentaires rendent impossible la reconstitution de la généalogie des rois maures durant près d’un siècle. Bocchus I est ainsi le premier roi de Maurétanie à apparaître dans la tradition littéraire après la mention de Baga. On admet que son règne débute au plus tard en 118 av. J.-C., d’après Salluste qui nous informe qu’il gouverne déjà au temps du roi numide Micipsa (148-118 av. J.-C.)144. Il exerce son autorité sur les Maures au moment de la guerre de Jugurtha (113-105 av. J.-C.) et est encore au pouvoir en 91 av. J.-C., date à laquelle il fait ériger un monument à Rome145. On peut estimer qu’il maintient sa souveraineté jusqu’à la fin de 81 ou jusqu’en 80 av. J.-C., ce qui représente environ quarante années de règne. Cette datation est fondée sur un passage de Plutarque révélant l’existence d’un certain Ascalis, chassé du trône de Maurétanie à cette époque146. Il est probable selon nous que les événements qui bouleversent alors le royaume soient en partie liés à la récente accession au trône du fils de Bocchus I, Sosus/ Mastanesosus147.

  • 148  Le nom du fleuve apparaît sous la forme Mulucha ou Muluccha. Pomponius Mela, I, 29 (à propos de la (...)
  • 149  Salluste, Bell. Iug., XCVII et CXI ; Appien, Num., 4.

74Si au temps des rois numides Micipsa et Jugurtha nous pouvons assurément situer la limite occidentale du royaume de Bocchus I au fleuve Muluccha (oued Moulouya, pl. VII), l’étendue de ce territoire après 105 av. J.-C. est difficile à établir148. En 105 av. J.-C., Bocchus I reçoit une partie de l’ancien territoire de Jugurtha, qui pourrait correspondre au tiers de la Numidie. D’après Salluste, Jugurtha promet au roi maure de lui octroyer ce tiers si les Romains sont chassés d’Afrique. Appien confirme la cession par Jugurtha d’une partie de son royaume à Bocchus I, tandis que Salluste nous informe que Sylla lui garantit ce gain territorial en échange de sa trahison contre Jugurtha149.

  • 150  Decret – Fantar 1981, p. 74. ; Callegarin 1999, p. 69.
  • 151  C’est l’avis de G. Camps, reprenant une erreur de Strabon qui situe la frontière du royaume au tem (...)
  • 152  Gsell 1913-1930, VII, p. 264 ; Desanges 1978a, p. 649.
  • 153  Sur cette hypothèse, infra, p. 91-93.

75La nouvelle limite du royaume a été localisée de manière très approximative entre l’oued Chélif et l’embouchure de l’Ampsaga (oued el Kebir)150, plus précisément parfois au niveau de celle de l’oued Soummam151. L’hypothèse de J. Desanges, selon laquelle Bocchus I étend sa domination au moins jusqu’à l’embouchure du Chélif, paraissait la plus vraisemblable jusqu’à l’apport des derniers travaux portant sur la numismatique de l’Afrique antique. C’est désormais l’interprétation de St. Gsell qui attire davantage notre attention152. L’auteur déduit du texte de Salluste que cette limite doit se situer entre l’embouchure du Chélif et le cap Ténès. Or Timici, précisément situé entre l’oued Chélif et le cap Ténès (pl. VIII), pourrait bien s’avérer l’atelier monétaire le plus oriental du royaume de Bocchus I153.

1.2.1.2. Ascalis, un aguellid érigé à tort en souverain

76Certains historiens pensent que Bocchus I ne règne pas sur l’ensemble du Maroc septentrional actuel, et ce d’après le passage précédemment évoqué de Plutarque selon lequel Ascalis se réfugie dans la cité de Tingi. Ces événements se déroulent après une première tentative de débarquement chez les Maures par Sertorius et ses compagnons qui, repoussés par des barbares, rembarquent pour l’Espagne. Des pirates ciliciens se joignent alors à eux. Mais Sertorius est séduit par les Îles Fortunées, dont il entend parler par des marins, et où il désire finalement s’établir pour vivre paisiblement. Voici ce que rapporte alors Plutarque :

Mais les Ciliciens (…), (qui) n’avaient nul besoin de paix et de loisir, mais de richesses et de butins, (…) s’embarquèrent pour la Libye, afin de ramener Ascalis, fils d’Iphtha, sur le trône de Maurétanie. Cependant, Sertorius ne se découragea pas ; il résolut d’aller se joindre aux ennemis d’Ascalis, afin de fournir à ses compagnons un renouveau d’espérances et l’occasion d’autres exploits, pour les empêcher de se disperser faute de subsistances. Les Maurétaniens le virent arriver avec plaisir. Il se mit à l’œuvre, défit Ascalis et l’assiégea. Sylla ayant envoyé Paccianus au secours d’Ascalis avec une armée, Sertorius lui livra bataille, le fit périr, s’attacha ses troupes qu’il avait vaincues, et prit d’assaut Tingis, où Ascalis s’était réfugié avec ses frères.

  • 154  Plutarque, Sertorius, 7 à 11.

77Sertorius, devenu maître de tout le pays, ne fit aucun tort à ceux qui vinrent le supplier et se remettre à sa discrétion ; au contraire, il leur rendit leurs biens, leurs villes et leur gouvernement, qu’ils lui avaient cédé de leur plein gré154.

  • 155  Callegarin 2002, p. 12-15.

78Ni la date ni les circonstances de l’arrivée au pouvoir et du renversement d’Ascalis ne sont donc précisées. L’intervention des pirates ciliciens et de Sertorius peut néanmoins être située peu avant l’automne 81 ou le printemps 80 av. J.-C.155. Plutarque n’indique pas non plus si le père d’Ascalis règne auparavant, ni l’étendue du territoire dominé par Ascalis. La fin du règne de Bocchus I étant par ailleurs mal assurée, les hypothèses de restitution historique se sont multipliées. Ascalis est ainsi perçu comme un membre de la dynastie royale maure, un usurpateur du trône ou un roi vassal, selon que l’on estime qu’il a régné sur l’ensemble du territoire ou non. Bien que la situation politique de la Maurétanie reste difficile à cerner à cette époque, à l’issue du réexamen de ce dossier, nous sommes amenée à identifier ce personnage à un prince local de la région de Tingi et à mettre en relation l’intervention de Sylla avec le développement des forces marianistes en Maurétanie occidentale.

1.2.1.2.1. Ascalis le successeur de Bocchus I ou l’usurpateur du trône : des hypothèses à réfuter

  • 156  D’après les hypothèses respectives de St. Gsell (1913-1930, VII, p. 272), de J. Mazard (1955, p. 6 (...)
  • 157  Le partage du pouvoir est attesté dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. en Maurétanie et (...)
  • 158  Sur Volux, cf. Salluste, Bell. Iug., CV. Sur Bogud, infra, p. 78, n. 351.
  • 159  Si l’existence de deux Bogud est perçue par G. Camps (1991b, p. 1557 ; Id. 1970, p. 5), certains a (...)
  • 160  Infra, § 1.2.2.

79Il faut tout d’abord rejeter l’interprétation selon laquelle Ascalis succède à Bocchus I après sa mort, que ce soit en tant que descendant de la dynastie royale en place, dans le cadre d’un partage du pouvoir entre ses héritiers, ou en tant qu’usurpateur qui aurait profité de troubles dans la succession pour s’emparer du territoire de Bocchus156. Ces opinions s’appuient sur l’idée qu’Ascalis aurait régné sur l’ensemble du royaume, d’après la mention de Plutarque – Ascalis est rétabli « sur le trône de Maurétanie » – alors que l’auteur ne fait aucune allusion à l’existence d’un autre roi maure. Or, si le partage du pouvoir est attesté dans les royaumes nord-africains, il obéit à des règles précises de transmission : pour qu’il puisse avoir lieu, il aurait fallu, conformément à la tradition, qu’Ascalis soit le fils de Bocchus I ou que celui-ci l’adoptât157. Or, aucun élément ne permet de rattacher Ascalis à la dynastie maure, pas plus que son père Iphtas. On sait que Bocchus I a trois fils en âge de lui succéder à l’époque des événements. Rien n’atteste que les deux premiers, mentionnés dans les textes littéraires anciens, ont régné sur la Maurétanie. Il s’agit de Volux, qui commande l’infanterie de son père durant la guerre de Jugurtha, et de Bogud, le Bocchi Maurorum regis filius qui combat aux côtés de Pompée en Numidie en 81 av. J.-C.158. Ce dernier doit être différencié du roi Bogud, contemporain de Bocchus II, qui règne de 49 à 38 av. J.-C. sur la Maurétanie de l’ouest159. En revanche, des découvertes archéologiques démontrent qu’un certain Sosus dirige le royaume au cours de la première moitié du Ier siècle av. J.-C.160. C’est ce souverain qui doit être considéré comme le successeur légitime de Bocchus I.

  • 161  Suivant une juste remarque de H. Ghazi-Ben Maïssa (1996, p. 1415). Infra, p. 157-162.

80Deux arguments de taille viennent par ailleurs s’opposer à l’hypothèse qui fait d’Ascalis un usurpateur du trône de Maurétanie. Il est en premier lieu difficile d’admettre que Sylla soit intervenu pour soutenir un usurpateur au détriment de la dynastie royale, car Bocchus I est client de Sylla, et ce depuis l’alliance conclue entre les deux hommes pendant la guerre de Jugurtha161. En second lieu, le successeur légitime de Bocchus I ne serait certainement pas resté indifférent si un prince local avait tenté de s’emparer de son pouvoir, ce dont la tradition littéraire aurait certainement fait écho.

1.2.1.2.2. Juxtaposition de pouvoir sur le territoire maure

  • 162  Carcopino 1943, p. 175 ; Scardigli 1971, p. 246 ; Desanges 1978a, p. 637 ; Camps 1989, p. 954 ; Gh (...)
  • 163  Callegarin 2002, p. 16-17.
  • 164  Salluste, Hist., II, 20 (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 271-272). Voir aussi Euzennat 1966, p. 338.

81En accord avec la plupart des historiens modernes qui se sont intéressés à la question, nous estimons qu’Ascalis étend sa domination sur la seule région de Tingi, où se déroulent les événements décrits par Plutarque162. Son récit tend à confirmer qu’il domine un territoire relativement restreint : le recours aux pirates ciliciens indique qu’il ne dispose pas d’une armée conséquente. Au sein de ce territoire, qui comporte néanmoins plusieurs villes, Tingi doit jouer un rôle de premier plan puisqu’Ascalis et ses compagnons y trouvent refuge. Ascalis n’est pas pour autant un dynaste local qui a usurpé le pouvoir dans la seule région de Tingi à la mort de Bocchus I. Cette hypothèse est fondée sur une supposition : son fils Bogud aurait gouverné la Maurétanie et rejoint Pompée en Numidie afin que le général romain l’aide à recouvrer l’intégralité de son royaume163. Une autre opinion met en exergue l’existence d’une seconde dynastie, soit une famille princière qui résiderait à Tingi et régnerait depuis deux générations. Salluste mentionne en effet un certain Leplasta, roi de Maurétanie, que St. Gsell propose d’identifier à Iphtas, le père d’Ascalis164. Comme Plutarque n’attribue pas le titre de roi à Iphtas, il reste préférable de s’en tenir à une simple déduction : Iphtas était un personnage important, que l’auteur grec juge bon de citer. L’hypothèse d’une juxtaposition de pouvoir en Maurétanie mérite cependant d’être examinée attentivement.

  • 165  Supra, p. 42.

82Il n’y a aucune raison plausible pour avancer l’idée que le trône de Maurétanie est vacant lors de la chute d’Ascalis165. Reste donc à expliquer pourquoi Plutarque ne l’évoque pas. Il est alors possible de considérer que le roi maure se tient à l’écart, soit parce qu’il est occupé ailleurs à ce moment et n’a de fait ni le temps ni les moyens d’intervenir, soit parce qu’il a intérêt à rester neutre, satisfait d’apprendre qu’Ascalis est assiégé, dans l’espoir de renforcer sa souveraineté dans la région de Tingi ou de contrer les éventuelles ambitions de ce dernier.

  • 166  Suivant l’avis de St. Gsell (1913-1930, V, p. 129-130). Infra, § 2.1.
  • 167  Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 79. Voir aussi Carcopino 1943, p. 175 ; Desanges 1978a, p. 637. Sur l (...)

83En tout cas, en dépit de nombreuses incertitudes, cet épisode nous semble révélateur de la marge de manœuvre d’un prince local pour accroître son pouvoir au sein d’un royaume maure dont les structures très lâches sont caractérisées par l’existence de cités autonomes ou de communautés au sein desquelles des chefs peuvent affirmer leur autorité comme ils l’entendent, tant que les intérêts essentiels du roi ne sont pas menacés166. Le soutien et l’amitié que Sylla accorde à la fois à la dynastie royale maure et à Ascalis confirment, selon nous, qu’Ascalis, prince dans la région de Tingi, est en place avec l’accord du roi maure. Nous rejoignons ainsi les historiens qui estiment que Tingi et sa région sont le fief d’une famille princière bénéficiant d’une certaine indépendance, tout en reconnaissant la souveraineté de Bocchus I ou de son fils. M. Coltelloni-Trannoy souligne à juste titre que ni le nom d’Ascalis, ni celui de son père ne figurent sur les monnaies de Tingi. Elle compare de fait leur situation à celle des rois numides Massinissa II et Arabion, qui n’ont sans doute pas obtenu le droit de frappe et apparaissent en partie pour cette raison aux yeux de certains comme des rois vassaux167.

  • 168  Carcopino 1943, p. 175. Sur l’existence de principautés, infra, § 2.1.
  • 169  Sur l’inscription bilingue du temple de Massinissa à Thugga (RIL 2), le terme désigne le roi et le (...)

84Comme d’autres éléments plaident en faveur de l’existence de principautés au sein des royaumes nord-africains, nous pouvons admettre, comme le proposait déjà J. Carcopino, que Plutarque a érigé le prince Ascalis en souverain indépendant, ou confondu les termes de rex et de regulus168. Ascalis serait finalement un aguellid, expression qui se présente en libyque sous la forme GLD et peut désigner tout à la fois des rois, des princes, des chefs ou encore des magistrats169.

1.2.1.2.3. Une superposition des luttes entre factions romaines aux conflits internes ?

  • 170  Sur l’ouverture au monde romain, infra, § 3.2.1.1.

85Il faut enfin s’interroger sur les raisons de l’intervention de Sylla dans cette affaire et les circonstances de la chute d’Ascalis. Le développement des forces marianistes en Maurétanie occidentale nous paraît devoir être souligné. Les autres hypothèses, déjà énoncées, n’apparaissent guère convaincantes, pas plus que celle qui propose de voir dans la révolte contre Ascalis le résultat d’une lutte entre deux partis rivaux de Maurétanie. Les partisans d’Ascalis représenteraient la tendance pro-romaine, favorable aux contacts avec Rome, tandis que leurs ennemis s’opposeraient à la domination romaine. Certes, cette division entre deux partis ne serait pas surprenante à une époque où le royaume s’ouvre au monde romain170. Cependant, le discours de Plutarque précise que les ennemis d’Ascalis voient arriver Sertorius avec plaisir, réaction illogique pour des partisans anti-romains.

  • 171  Plutarque, Sertorius, 7.
  • 172  Sur Siga résidence royale, infra, § 2.1.1.2. Callegarin 2002, p. 12-14. L’hypothèse d’un débarquem (...)

86Nous estimons que les marianistes, sous la conduite de Sertorius, cherchent à susciter des troubles dans le royaume afin de renverser l’alliance des Maures avec les syllaniens, et ce avant même la chute d’Ascalis. Sertorius tente en effet une première fois de débarquer en Maurétanie au printemps de 81 av. J.-C.171. Il est alors refoulé par les Maures, sans doute parce que ceux-ci appuient avec force le parti syllanien. Suivant L. Callegarin, nous pouvons penser que le marianiste débarque alors à Siga, l’une des résidences royales de Bocchus I, dans le but de gagner le souverain maure à la cause des populares172. Après l’échec de leur manœuvre, les marianistes auraient décidé de traiter directement avec les villes autonomes du royaume. Certains d’entre eux ont dû, selon nous, réussir à réunir des partisans dans la région de Tingi, et cela dès avant le second débarquement de Sertorius, venu cette fois se joindre aux ennemis d’Ascalis.

  • 173  Infra, p. 160-161.
  • 174  M. Majdoub (1998, p. 1322-1323) met bien en valeur l’action de Pompée à la suite des événements de (...)

87L’existence de factions marianistes dans cette région pourrait en premier lieu éclairer les raisons de la chute d’Ascalis, partisan de Sylla. Sans doute parvenus dans le nord de la Maurétanie depuis l’Espagne, les marianistes profitent vraisemblablement des conflits locaux pour rallier à leur cause les ennemis d’Ascalis et soutiennent peut-être à cette occasion un rival au dynaste de Tingi. La présence de partisans de Marius dans la région, avant même le second débarquement de Sertorius, expliquerait ainsi que les ennemis d’Ascalis le voient arriver « avec plaisir ». L’hypothèse se trouve également confortée par le fait qu’un événement similaire se déroule à la même période en Numidie : en 81 av. J.-C. le marianiste Cn. Domitius Ahenobarbus soutient un rival des rois Hiempsal II et Massinissa II173. L’appui éventuel que des marianistes apportent aux ennemis d’Ascalis pour le chasser du pouvoir justifierait également, non seulement le secours envoyé par Sylla au dynaste de Tingi, mais aussi l’intervention postérieure de Pompée174. Ainsi, en Maurétanie occidentale, comme en Numidie, les luttes entre factions romaines viennent se superposer à des conflits internes.

88Ces événements tendent finalement à confirmer la mort du roi Bocchus I en 81 ou 80 av. J.-C. En effet, il est probable que les ennemis d’Ascalis, encouragés par les marianistes, profitent de la mort de Bocchus I et de la récente accession au trône de Sosus pour renverser le prince de Tingi, qui règne avec l’accord de Bocchus I. Sosus, depuis peu au pouvoir, n’aurait pas su faire preuve d’une aussi grande autorité que son prédécesseur face aux troubles occasionnés par les marianistes.

1.2.2. REX SOS et MSTNS/MSTNSN : un seul et unique roi, héritier de Bocchus I (80 ?-49) ?

  • 175  Type Mazard n° 118. Cette légende était précédemment attribuée aux années 33-25 av. J.-C., dites d (...)
  • 176  Marion 1960, p. 488-490 ; Euzennat 1966, p. 336.
  • 177  Venerisne in Sardiniam atque inde in Africam ? Fuerisne... in regno Hiemsalis ? Fuerisne in regno (...)
  • 178  Camps 1970, p. 3-5.

89Le nom de l’héritier de Bocchus I est révélé par une série monétaire du roi Bocchus II (49-33 av. J.-C.) qui arbore au droit la légende latine REX BOCCHUS SOSI F.175 (fig. 19). Six balles de fronde en plomb portant l’inscription en relief REX SOS, datant du Ier siècle av. J.-C. et provenant de Volubilis, viennent témoigner de la souveraineté qu’exerce Sosus176. Le nom de ce souverain est à mettre en relation avec un passage de Cicéron qui fait état d’un certain Mastanesosus, roi de Maurétanie en 62 av. J.-C., année durant laquelle Vatinius se rend en Espagne par l’Afrique177. Nous devons à G. Camps l’identification de Mastanesosus à Sosus, le qualificatif mastan, qui signifie le protecteur, étant ainsi accolé au nom libyque Sosen ou Zosen, latinisé en Sosus. De plus, G. Camps souligne un lien de parenté manifeste avec Bocchus I, qui se traduit par le choix de Sosus de donner le nom de Bocchus à l’un de ses fils178.

  • 179  Infra, p. 150.

90La datation du règne de Sosus/Mastanesosus demande encore confirmation. Par déduction et jusqu’à preuve du contraire, il faut considérer qu’il règne de 81 ou 80 av. J.-C., date vraisemblable de la fin du règne de Bocchus I, à 49 av. J.-C., Bogud et Bocchus II étant alors assurément rois de Maurétanie179.

  • 180  Euzennat 1966, p. 336-337 ; Camps 1970, p. 3-4.
  • 181  Toutefois, le motif qui figure sur ces pièces est davantage rectiligne et symétrique (types Mazard (...)
  • 182  Infra, § 2.1.1. et 2.1.2.

91Nous pensons que Sosus/Mastanesosus exerce son pouvoir sur l’ensemble de la Maurétanie, un territoire qu’il aurait donc hérité de Bocchus I, contrairement à l’opinion traditionnellement admise : certains estiment qu’il n’a régné que sur la Maurétanie de l’est, puisque son fils gouverne initialement ce territoire, les autres sur la Maurétanie de l’ouest. À l’appui de cette seconde hypothèse est notamment évoqué le fait que les témoignages archéologiques de son règne proviennent exclusivement des sites du Maroc septentrional actuel. Ainsi, des balles de fronde attestent la présence de troupes à son service à Volubilis et d’autres ont été trouvées à Thamusida (plaine du Gharb)180. Certes, le nom du roi n’y figure pas, mais elles sont issues d’un niveau d’occupation qui ne serait pas antérieur à 70-60 av. J.-C. et elles portent le même motif linéaire coudé en sens inverse aux deux extrémités qui orne celles de Volubilis. Ce signe distinctif a déjà été remarqué sur le revers des monnaies émises par les ateliers de Tamuda et de MQM ŠMŠ181 (fig. 15 à 17). Ces frappes monétaires, autrefois datées de la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C., ont été réattribuées à Bocchus I et il nous semble vraisemblable qu’elles perdurent jusqu’à l’époque de Sosus/Mastanesosus182.

  • 183  Euzennat 1966, p. 337-339. Sur les règnes de Bocchus II et Bogud, infra, p. 50-52.
  • 184  Dion Cassius, XLVIII, 45. Infra, p. 175.
  • 185  Müller – Falbe – Lindberg 1862, p. 100 ; contra Amandry 1989, p. 82.

92Par ailleurs, Bocchus II, après avoir unifié la Maurétanie, soucieux de rappeler sa filiation avec son père et donc sa légitimité, aurait choisi l’une des principales cités de l’ancien royaume de Bogud, Tingi, pour émettre ce monnayage à légende REX BOCCHUS SOSI F.183. Cette démarche n’aurait de sens que si son père Sosus a régné sur l’ouest de la Maurétanie. Or l’identification de l’atelier repose sur la lecture de la légende D(ecreto) D(ecurionum) au droit de ces monnaies. Une telle mention implique de situer l’atelier dans une cité dont le statut est romain, soit Tingi qui devient municipe romain en 38 av. J.-C.184. Toutefois la lecture de la légende, que l’on doit à L. Müller, n’est pas assurée car les deux lettres pourraient faire partie de l’ornement figurant au-dessus de la tête de Janus185.

  • 186  Supra, p. 47.

93S’il faut attendre la découverte éventuelle d’un nouvel exemplaire pour trancher sur ce point, il existe d’autres indices qui tendent à démontrer que Sosus/Mastanesosus règne sur l’ensemble de la Maurétanie. La seule mention d’un souverain maure dans les sources littéraires à cette époque est celle de Cicéron à propos du voyage de Vatinus qui, pour passer d’Afrique en Espagne, traverse deux royaumes avant le détroit de Gibraltar : celui d’Hiempsal et celui de Mastanesosus186.

  • 187  Müller – Falbe – Lindberg 1862, p. 49-50.
  • 188  Mazard 1955, p. 55-56.
  • 189  Appien, Bell. civ., IV, 54 ; De vir. ill., 77. Sur le règne de Massinissa II, infra, § 1.3.5.2
  • 190  Camps 1970, p. 3-4.

94Or la numismatique nous apporte des données complémentaires. Plusieurs monnaies, à savoir les types Mazard n° 99 à 102, datables du Ier siècle av. J.-C., portent le nom d’un roi orthographié en néopunique, que l’on peut lire MŠTNSN sur les types n° 101-102 et MŠTNS sur le type n° 99 (fig. 19). L’ensemble de ces frappes a été attribué à Massinissa II, le seul roi de cette époque alors connu des historiens187. Lorsque l’on ne connaissait pas encore l’existence de Sosus, on pensait donc que le Mastanesosus mentionné par Cicéron désignait ce roi de Numidie occidentale. J. Mazard a proposé de lire la légende MŠTNSN « Mastanissan » et en a conclu que les auteurs anciens qui mentionnent ce roi l’appelaient à tort Massinissa188. Cependant, d’autres auteurs citent ce souverain numide sous la forme Massinissa189. Suivant G. Camps, nous considérons que MŠTNSN est l’abréviation du nom du roi qui doit s’écrire MŠTNSSN en associant le qualificatif mastan – le protecteur – à la transcription punique du nom libyque du roi – Zosen ou Sosen –190.

  • 191  Alexandropoulos 2000, p. 188-191.
  • 192  Infra p. 91.

95Cependant cette interprétation n’a pas convaincu J. Alexandropoulos, selon lequel il est peu probable que l’on utilise deux systèmes différents pour désigner le souverain. En particulier, il ne voit pas pourquoi on aurait éprouvé le besoin d’abréger le nom royal de sa partie la plus signifiante sur les monnaies de types Mazard n° 99-100, alors que la place est suffisante pour le nom complet sur les revers en question. En outre, il rappelle que la lecture MŠTNSN est conjecturale et reste à vérifier d’après de bons exemplaires191. Mais nous retrouvons sur les monnaies portant le nom de MŠTNS des thèmes iconographiques propres à la Maurétanie, tels l’épi de blé et la grappe de raisin, et le style de l’effigie royale invite de même à se tourner vers les frappes de Maurétanie (fig. 15 à 18). Nous constatons de plus que les monnaies de types Mazard n° 99-100 sont tout à fait semblables à celles qui sont probablement émises par la cité de Camarata (Oranie) durant le règne de Bocchus I, voire celui de Sosus192 (fig. 18 et 19).

  • 193  Alexandropoulos 2000, p. 188-191. L’auteur se refuse à considérer Mastanesosus comme souverain de (...)

96Le refus d’attribuer les monnaies à légende MŠTNSN ou MŠTNS à Sosus tient surtout au fait que deux séries (types Mazard n° 101- 102) présentent des modules, des factures, sinon des poids, proches des monnaies frappées par les cités de la province d’Afrique à l’époque préaugustéenne. J. Alexandropoulos propose de les dater des environs de 45 av. J.-C. et de les ranger dans les séries royales de Numidie occidentale, « puisque le nom du souverain que l’on croit y lire ne trouve pas sa place au sein de la dynastie de Numidie orientale »193. Quant aux monnaies de types Mazard n° 99-100, il accepte, étant donné les motifs de tradition maure évoqués plus haut, de les attribuer à un souverain de Maurétanie de la première moitié du Ier siècle av. J.-C.

  • 194  Infra, p. 52.

97La confrontation de ces données et du bilan des connaissances sur la généalogie des rois maures et numides conduit à voir dans les types Mazard n° 99-100 des frappes royales de Sosus. À notre avis et contrairement à celui de J. Alexandropoulos, il en va de même pour les séries de type Mazard n° 101-102 : l’influence iconographique de la Numidie orientale que l’on y décèle pourrait s’expliquer par le fait que Sosus est maître d’un territoire hérité de Bocchus I, qui englobe donc une partie de l’ancienne Numidie et qu’il étend peut-être jusqu’à l’oued Soummam194 (pl. IX). Malheureusement, la provenance de l’ensemble de ces émissions est inconnue et la confirmation de cette hypothèse est subordonnée à l’obtention de nouvelles données issues de contextes de découvertes bien documentés.

1.2.3. Sous les règnes de Bogud et de Bocchus II (49-33) : la Maurétanie partagée, étendue et réunifiée

98Notre connaissance du royaume maure sous la souveraineté de Bogud et de Bocchus II est moins lacunaire, tant pour la datation des règnes de ces souverains que pour les limites de leur territoire respectif.

  • 195  Strabon, XVII, 3, 7 ; Dion Cassius, XLI, 42, 7.
  • 196  Supra, § 1.2.2.
  • 197  Son hypothèse est liée au fait qu’il assimile Bogud, fils de Bocchus I, et Bogud, roi de Maurétani (...)
  • 198  Infra, p. 52.

99Outre Strabon, Dion Cassius mentionne les deux monarques maures et nous indique précisément qu’ils sont reconnus comme tels par Rome en 49 av. J.-C., ce qui permet de fixer leur accession au trône au cours de cette même année195. Bogud règne sur la Maurétanie occidentale, Bocchus II sur la Maurétanie orientale. Si la date et les circonstances de ce partage sont inconnues, il y a une forte probabilité pour qu’il ait été effectué à la mort de Sosus, ce qui laisse penser que Bogud est aussi le fils de Sosus, par nature ou par adoption196. Le nom même de Bogud, que porte aussi l’un des fils de Bocchus I, vient appuyer l’hypothèse de la filiation. Toutefois, certains historiens se demandent pourquoi Bogud, s’il est fils de Sosus, ne fait pas, comme Bocchus, figurer sa filiation sur son monnayage. Cette interrogation a conduit L. Callegarin à refuser ce lien de parenté entre Bogud et Bocchus II, d’autant qu’ils sont ennemis et que les auteurs anciens n’auraient pas manqué de signaler cette haine fraternelle197. Mais les monnaies de Bocchus II qui précisent sa filiation sont plus vraisemblablement datables de la seconde partie de son règne (38-33 av. J.-C.), alors qu’il vient d’unifier la Maurétanie198 et elles répondent à la nécessité pour ce roi d’affirmer son pouvoir sur l’ensemble du territoire autrefois divisé.

  • 199  Pline, HN, V, 19 ; Desanges 1980a, p. 152-153.
  • 200  Dion Cassius, XLVIII, 45, 1-8.

100Une indication de Pline suggère que la limite entre les royaumes de Bogud et de Bocchus II est la même que celle des deux provinces romaines de Maurétanie, c’est-à-dire l’oued Moulouya199 (pl. XIII). Nous sommes par ailleurs informés qu’en 38 av. J.-C., alors que Bogud combat en Espagne, « les habitants de son royaume, dans la région de Tingi, se soulevèrent contre lui : il évacua l’Espagne sans pouvoir revenir chez lui ; car les partisans de César en Espagne et Bocchus vinrent à l’aide des rebelles et l’emportèrent sur lui. Alors Bogud partit rejoindre Antoine pendant que Bocchus prenait aussitôt possession de son royaume, ce qui, par la suite, fut confirmé par César »200.

  • 201  Sittius rassemble en Maurétanie des bandes composées d’Italiens et d’Espagnols et intervient de 64 (...)
  • 202  Appien, Bell. civ., IV, 54.

101La limite orientale du royaume de Bocchus II est plusieurs fois modifiée (pl. X à XIV). Pendant la lutte du roi numide Juba I contre César, Bocchus II et l’aventurier campanien Sittius pénètrent en Numidie, conquièrent le royaume de Massinissa II et s’emparent de Cirta, capitale de Juba I201. Au moment de la chute de Juba I, en 46 av. J.-C., le roi Massinissa II périt visiblement lui aussi et son fils Arabion se réfugie en Espagne. Selon Appien, César partage le territoire de Massinissa II entre Sittius et Bocchus II en récompense de leurs services, mais en réserve la meilleure partie à Sittius202.

  • 203  Pline, HN, V, 19. Pomponius Mela fixe la limite orientale de la Numidie au niveau de l’Ampsaga (Po (...)
  • 204  Infra, p. 145.
  • 205  Desanges 1978a, p. 650 ; Id. 1980b, p. 79.

102Du fait que le fleuve Ampsaga sépare les provinces romaines de Maurétanie césarienne et de l’Africa et soit encore utilisé comme frontière à l’époque vandale, les historiens modernes considèrent en général que le fleuve constituait déjà la limite du royaume de Juba II et auparavant de celui de Bocchus II203. Il est cependant difficile de concevoir que Bocchus II ait régné dès 46 av. J.-C. jusqu’à l’Ampsaga. En effet, nous savons que le royaume de Massinissa II ne s’étendait pas, à l’est, au-delà de ce fleuve, puisque Cirta, située le long de celui-ci, appartenait à Juba I204. Or, la cité et, selon toute logique, la partie orientale du territoire de Massinissa II sont remises à Sittius. Il faut donc admettre que la limite orientale de la Maurétanie était alors fixée bien à l’ouest du cours de l’Ampsaga, pour laisser place à la principauté de Sittius. J. Desanges pense que dès la première moitié du Ier siècle av. J.-C. le royaume maure s’est encore accru vers l’est, aux dépens de la Numidie, et ce jusqu’à l’oued Soummam, ou tout du moins jusqu’à l’Algérois205. L’hypothèse est tout à fait vraisemblable. Massinissa II apparaît en effet comme un roi de moindre importance. Il serait donc étonnant qu’il soit à la tête d’un territoire s’étendant du Chélif ou du cap Ténès – où l’on fixe approximativement les limites du royaume de Bocchus I, héritées en principe par ses successeurs – jusqu’à la région de Cirta.

  • 206  Cicéron, Ad Att., XV, 17 ; Appien, Bell. civ., IV, 54 ; Desanges 1978a, p. 643.
  • 207  Dion Cassius, XLIX, 43, 7.

103C’est en fait à partir de la mort d’Arabion, en 41 av. J.-C., que Bocchus II règne sans doute jusqu’à l’Ampsaga. Nous savons qu’Arabion, de retour en Afrique après la mort de César, repousse Bocchus II vers l’ouest et tue Sittius206. Il est probable que le roi numide récupère alors dans son intégralité le territoire de son père. À la mort d’Arabion, Bocchus II se serait emparé de l’ensemble de ce royaume. C’est ainsi qu’à partir de 38 av. J.-C., après avoir conquis le royaume de Bogud, Bocchus II se retrouve à la tête d’un vaste territoire, de l’Atlantique à l’Ampsaga, sur lequel il règne jusqu’à sa mort en 33 av. J.-C.207.

1.3. Constitution et démantèlement d’un puissant royaume numide-massyle (203-41 av. J.-C.)

1.3.1. Massinissa I : une œuvre de conquête et d’unification (203-148)

  • 208  Tite-Live, XXX, 11-12 ; Appien, Lib., 26.
  • 209  Tite-Live, XXX, 15.
  • 210  Appien, Lib., 105 et 106 ; Zonaras, IX, 27, p. 465, a ; Polybe, XXXVI, 16 ; Diodore, XXXII, 16 ; L (...)
  • 211  La dédicace du monument élevé en l’honneur de Massinissa à Thugga, trois inscriptions de Délos et (...)

104Pour avoir combattu aux côtés des Romains, le roi Massinissa I est très souvent évoqué dans les sources littéraires anciennes et présenté comme le modèle du roi allié et ami du peuple romain. Les dates de son règne sont donc assurées. Il accède au trône en 203 av. J.-C., année au cours de laquelle, avec l’aide des Romains, il vainc Syphax, détenteur du territoire massyle depuis 205 av. J.-C.208. Scipion reconnaît la souveraineté de Massinissa I209. Le Massyle reste au pouvoir jusqu’à sa mort en 148 av. J.-C., à l’âge de 90 ans210. Nous disposons parallèlement d’une série de témoignages archéologiques sur son règne, à savoir des inscriptions et des monnaies à légende punique mentionnant son nom et sa titulature royale : MSNSN HMMLKT211 (fig. 11).

  • 212  Supra, § 1.1.3.1.

105L’étendue du royaume massyle évolue tout au long du règne de Massinissa I (pl. VI). Ce royaume, cantonné en 205 av. J.-C. dans les confins algéro-tunisiens actuels212, est considérablement accru au détriment des Masaesyles vers l’ouest et des Carthaginois vers l’est. Grâce aux textes, il est possible de retracer partiellement les étapes de ces conquêtes.

  • 213  Polybe, XV, 4, 4 et 5, 13 ; Salluste, Bell. Iug., V, 3-4 ; Tite-Live, XXX, 44 ; XXXI, 11 ; XXXVII, (...)

106À l’ouest, les conditions et la chronologie de la prise de contrôle des territoires masaesyles demeurent incertaines. Les récits des auteurs anciens sont imprécis, voire contradictoires. Polybe affirme que Massinissa I place sous sa domination tous les anciens sujets du roi masaesyle. Selon Salluste, Massinissa I reçoit du peuple romain les villes et les territoires ayant appartenu à Syphax et qu’il a conquis, en récompense de ses nombreux faits d’armes au cours de la deuxième guerre punique. De même, d’après Tite-Live, les territoires masaesyles auraient été donnés à Massinissa I par les Romains après la deuxième guerre punique. L’auteur indique par ailleurs que le Massyle récupère la partie la plus riche du territoire de Syphax213.

  • 214  Types Mazard n° 13-16 ; Alexandropoulos 2000, p. 141-147.
  • 215  Dion Cassius, dans Zonaras, IX, 13, p. 440c.
  • 216  Polybe, XV, 4, 4 ; Appien, Lib., 32 ; Gsell 1913-1930, III, p. 284.
  • 217  Appien, Lib., 26.
  • 218  Tite-Live, XXX, 16 et 17 ; Gsell 1913-1930, III, p. 284-285, n. 6.
  • 219  Appien, Lib., 33. Tite-Live affirme en outre que Vermina n’arrive qu’après la bataille de Zama ave (...)
  • 220  Tite-Live, XXXI, 11, 13-17. Un passage mutilé de Dion Cassius (fragment 57, 9) permet de dater cet (...)
  • 221  Tite-Live, XXXI, 19.
  • 222  Mazard 1955, p. 21.

107Nous avons la preuve que Massinissa I ne peut, dans un premier temps, étendre son autorité sur toute la Masaesylie. La découverte de monnaies à légende punique VRMND HMMLKT (fig. 9) ne permet pas de mettre en doute que Vermina, fils de Syphax, succède à son père, malgré les données contradictoires des sources214. Selon le récit de Dion Cassius, repris par Zonaras, Vermina est fait prisonnier en même temps que son père en 203 av. J.-C. et envoyé en Italie. Là, les Romains lui auraient attribué le royaume de Syphax et remis les Numides qu’ils tenaient en captivité215. Cependant, tout comme St. Gsell, nous estimons que les Romains n’avaient guère de raison de traiter favorablement Vermina et de lui permettre de régner en Numidie, alors qu’ils ont eux-mêmes aidé Massinissa I à conquérir les États de Syphax216. Il faut donc considérer que l’abréviateur de Dion Cassius commet une erreur quant à l’identité du fils de Syphax qui est capturé. Appien rapporte en effet qu’un fils de Syphax est envoyé en même temps que son père à Scipion, mais il ne fait aucune allusion à Vermina217. Un auteur, ayant cru à tort qu’il s’agissait de Vermina et sachant que ce dernier a été plus tard roi des Masaesyles, aurait inventé la fable de son renvoi par les Romains. St. Gsell a émis également l’hypothèse d’une confusion entre Vermina et Massinissa I car, selon Tite-Live, lorsque Laelius emmène à Rome Syphax et d’autres prisonniers de marque, des députés de Massinissa I l’accompagnent. Ils obtiennent du sénat romain qu’il confirme à leur maître la possession du royaume des Massyles et qu’il relâche des Numides captifs à Rome218. Ajoutons à ces arguments que les Romains n’auraient pas récompensé un prince qui, suivant la politique de son père, s’était vraisemblablement allié à Carthage, comme le montre le récit d’Appien qui indique la souveraineté de Vermina lorsque celui-ci vient soutenir les Carthaginois au début de 202, même si Tite-Live le désigne alors comme prince219. Tite-Live fait par ailleurs état de la souveraineté de Vermina en 200 av. J.-C. dans un passage où il relate l’envoi d’une ambassade au sénat de Rome pour solliciter les titres de roi, d’ami et d’allié du peuple romain220. Les députés du sénat romain seraient venus lui dicter les conditions de la paix. Vermina les aurait accueillis à la frontière de son royaume et se serait soumis à leurs exigences. Il aurait envoyé de nouveau une ambassade à Rome pour ratifier le traité221. Nous ne pouvons donc pas apprécier si le règne du Masaesyle se poursuit au-delà de ces événements mais l’absence de toute autre attestation dans les textes et la rareté de ses frappes monétaires iraient dans le sens d’un règne de courte durée222. Nous devons donc nous contenter d’affirmer que Massinissa I n’a pu s’emparer de l’intégralité du royaume masaesyle avant 200 av. J.-C.

  • 223  Appien, Lib., 33 et 59. Voir aussi Tite-Live, XXX, 36.
  • 224  Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1410-1412 ; Tite-Live, XXX, 44 ; Pline, HN, V,
  • 225  Gsell 1913-1930, III, p. 305.
  • 226  Tite-Live, Epit., XLVIII.

108La limite entre les territoires massyles et masaesyles de 202 à 200 av. J.-C. ne nous est pas connue. Appien indique que Vermina possède encore, au début de 202 av. J.-C., la plus grande partie des États de Syphax. La suite de son récit amène bien à conclure que le roi masaesyle est à la tête d’un territoire relativement vaste, puisqu’il s’avère capable d’apporter un soutien considérable aux Carthaginois après la bataille de Zama223. En s’appuyant sur Tite-Live, quand il rapporte que Massinissa I récupère la partie la plus riche du territoire de Syphax, H. Ghazi-Ben Maïssa estime que le royaume de Vermina se situe au sud de l’Atlas tellien où le roi aurait été refoulé. Ainsi s’expliqueraient les allusions de Pline qui semble localiser la tribu des Masaesyles dans le sud oranais224. Dans le même ordre d’idées, St. Gsell pense que des princes masaesyles maintiennent quelque temps un pouvoir indépendant entre le Tell et le désert, dans les steppes parcourues par les Gétules qui n’ont visiblement pas tous été soumis à Massinissa I225. Cette hypothèse se fonde, elle aussi, sur un passage de Tite-Live, selon lequel un certain Arcobarzane, petit-fils de Syphax, se rend en 152 av. J.-C. avec une puissante armée sur le territoire carthaginois226. Le maintien de la royauté masaesyle dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. n’est toutefois appuyé par aucun autre témoignage.

  • 227  Hypothèse auparavant émise par G. Camps et J. Desanges (Camps 1960a, p. 191 ; Desanges 1978a, p. 6 (...)
  • 228  Infra, p. 169-172.
  • 229  Infra, p. 133-134.

109C’est plus probablement dans l’Oranie actuelle qu’il faut situer le royaume masaesyle de Vermina, même si cette opinion contredit le récit d’Appien227. Selon lui, durant la guerre de Jugurtha, les Romains reprochent au roi Bocchus I de s’être emparé de l’extrémité occidentale de la Numidie aux dépens du souverain numide. Les Romains considèrent qu’il leur appartient de disposer de ce territoire, puisqu’ils l’ont jadis pris à Syphax et donné à Massinissa228. Nous devrions donc en déduire que dès 203-202 av. J.-C. la partie du royaume des Masaesyles qui confine à la Maurétanie est tombée au pouvoir des Massyles. Or, d’une part Siga est manifestement l’atelier monétaire royal de Syphax puis de Vermina, d’autre part le monument funéraire de Beni Rhénane, édifié à proximité de l’ancienne capitale de Syphax à la fin du IIIe siècle ou au début du IIe siècle av. J.-C., correspond vraisemblablement au mausolée dynastique des rois masaesyles229. On peut alors admettre qu’Appien a omis le court intermède constitué par Vermina, à ses yeux peu important dans le contexte de la guerre de Jugurtha.

  • 230  Supra, § 1.1.3.2.
  • 231  Supra, p. 29-30.

110Vermina n’a donc dû régner que peu de temps sur un territoire masaesyle réduit, confiné dans le Nord-Ouest algérien actuel. Ce territoire est sans doute annexé intégralement par Massinissa I, qui étend alors ses possessions jusqu’au fleuve Moulouya, limite vraisemblable des royaumes masaesyle et maure à l’extrême fin du IIIe siècle av. J.-C.230. Les circonstances de cette annexion demeurent inconnues mais on peut la replacer juste après les événements de 200 av. J.-C., d’autant que Massinissa I, dès 201 av. J.-C., libéré de son engagement contre les Carthaginois, peut dès lors se consacrer à prendre le contrôle de l’ensemble du royaume masaesyle. Cette situation expliquerait les raisons pour lesquelles Vermina fait appel à la protection des Romains. Plus aucun témoignage ne fait état du royaume masaesyle après cette période, mais la contrée comprise entre la Moulouya et le cap Bougaroun continue à être qualifiée dans les sources littéraires de pays des Masaesyles, bien qu’elle appartienne désormais aux rois massyles231.

  • 232  Polybe, XV, 18.
  • 233  Le traité de Zama interdit à Carthage de faire la guerre en Afrique sans y être autorisée par Rome (...)
  • 234  Gsell 1913-1930, III, p. 314-322 ; Saumagne 1931a, p. 225-253 et 1931b, p. 1-42 ; Rossetti 1960, p (...)
  • 235  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7 ; Strabon, XVII, 3, 15 ; Appien, Bell. civ., IV, 53. Sur le tracé de (...)
  • 236  Supra, p. 17, n. 43.

111À l’est, Massinissa I repousse progressivement les limites de son royaume entre la fin de la deuxième guerre punique et le début de la troisième (201-149 av. J.-C.), annexant des régions sous contrôle carthaginois. Ces conquêtes s’inscrivent dans le cadre des conflits consécutifs au traité de paix de Zama, ratifié en 201 av. J.-C., dont Polybe nous fait connaître les clauses : les Carthaginois conserveraient en Afrique les villes qu’ils possédaient en 218 av. J.-C. Ils rendraient à Massinissa I les maisons, les terres, les villes et tout ce qui avait appartenu soit à ce roi, soit à ses ancêtres, jusqu’aux frontières qui leur seraient assignées232. Massinissa I tire manifestement parti de certaines clauses obscures du traité pour émettre une série de revendications et effectuer à ce titre des empiètements sur le territoire de la cité punique. Les Carthaginois protestent et, ne pouvant utiliser la force, invoquent à de nombreuses reprises l’arbitrage de Rome, laquelle tranche souvent en faveur du roi massyle233. La liste de ces annexions ne nous est pas transmise et les quelques passages relatifs à ces événements, issus principalement des récits de Tite-Live et d’Appien, dans une moindre mesure de Polybe, sont difficilement conciliables, comme l’ont constaté tous les commentateurs234. Si les limites assignées à Carthage lors du traité de Zama demeurent inconnues, en revanche, la Fossa Regia, frontière occidentale de la province romaine créée en 146 av. J.-C., correspondait à la limite de la contrée possédée par Carthage au début de la troisième guerre punique235. Cela permet de repérer celle du royaume de Massinissa I au terme d’un demi-siècle d’empiètements. L’analyse des données conduit à proposer une chronologie des annexions massyles : dès 203 av. J.-C. Massinissa I étend son territoire en reprenant Madaure au roi Syphax236. Puis, sans doute dès l’application du traité de Zama, il s’empare des villes de Sicca et de Théveste au détriment des Carthaginois. Il conquiert vraisemblablement la région des Emporia en 162-161 av. J.-C., celles des Grandes Plaines et de la Thusca en 153-152 av. J.-C. et enfin la cité d’Oroscopa, que nous identifions à Vaga (Béjà), en 151-150 av. J.-C.

  • 237  Appien, Lib., 67-68. La reprise des conflits se déroule, selon Appien, à l’époque où les Romains s (...)
  • 238  En 153 av. J.-C., des députés romains seraient venus en Afrique afin de servir d’arbitres entre le (...)

112Exposons tout d’abord le témoignage d’Appien, qui s’avère concorder davantage avec le texte de Polybe, avant de le confronter à celui de Tite-Live. Selon Appien, après la deuxième guerre punique, Massinissa I attaque un vaste territoire dépendant des Carthaginois, sous prétexte qu’il lui a jadis appartenu. Ces derniers s’adressent alors à Rome qui envoie une commission d’arbitrage. Celle-ci reçoit pour instruction de favoriser le roi massyle. C’est ainsi que Massinissa I conserve ce qu’il a pris. À la suite de ce premier empiètement, un traité aurait été conclu entre les deux États. La paix aurait duré environ 50 ans, jusqu’à ce que les conflits territoriaux reprennent, à partir de 153 av. J.-C.237. C’est alors que Carthalon, à l’instigation du parti démocratique de Carthage, envahit un territoire annexé par Massinissa I. Il ramasse du butin sur les sujets du roi et rameute les cultivateurs de la région contre les Numides. Bien d’autres actes de guerre auraient opposé les Carthaginois aux Massyles, jusqu’à ce que survienne une nouvelle ambassade romaine pour faire cesser les hostilités. Celle-ci a de nouveau pour instruction de favoriser autant que possible Massinissa I. Ainsi, les Romains ne décident rien et le roi reste en possession du pays contesté. Ces événements correspondent peut-être aux informations issues des sommaires de l’histoire de Tite-Live, qui mentionnent en 153 et en 152 av. J.-C. des arbitrages romains sur des différends ayant opposé les Carthaginois aux Numides238.

  • 239  Appien, Lib., 68-69 ; Gsell 1913-1930, III, p. 230 et n. 3.
  • 240  Appien, Lib., 70-73. Notons que ce conflit est l’un des prétextes au déclenchement de la troisième (...)

113Peu de temps après, à la fin de 153 ou en 152 av. J.-C., les revendications de Massinissa I portent sur les Grandes Plaines, ainsi que sur le territoire de la Thusca. Les Carthaginois cherchent de nouveau protection auprès des Romains. Ceux-ci envoient des ambassadeurs, mais aucun arrangement n’est trouvé et les Romains se retirent239. En 151-150 av. J.-C., la guerre éclate entre Carthage et le royaume massyle. Les démocrates chassent de Carthage les sympathisants de Massinissa I. Celui-ci envoie deux de ses fils, Gulussa et Micipsa, pour demander le rappel des exilés. Ils ne peuvent cependant pénétrer dans la ville et, sur le chemin du retour, Micipsa et ses hommes sont attaqués. Massinissa I prend prétexte de ces agissements pour assiéger la ville d’Oroscopa, qu’il convoite. Les Carthaginois partent en expédition contre le roi mais à l’issue de la bataille, affaiblis, ils se rendent240.

  • 241  Gsell 1913-1930, III, p. 327, n. 6 ; Walsh 1965, p. 159 ; Di Vita-Évrard 1986, p. 38-42.
  • 242  Infra, p. 68.
  • 243  G. Di Vita-Évrard n’exclut pas que Vaga ait pu être incluse dans la province d’Afrique en 146 av. (...)
  • 244  Di Vita-Évrard 1986, p. 42.
  • 245  Infra, p. 185.
  • 246  Appien, Lib., 70.
  • 247  Mahjoubi 1978, p. 42 et n. 131, contra Di Vita-Évrard 1986, p. 40 et n. 39.
  • 248  Camps 1960a, p. 194, contra Di Vita-Évrard 1986, p. 42, n. 48.
  • 249  Ferchiou 1990b, p. 46-47 ; Id. 1997, p. 2902.

114Suivant une hypothèse précédemment émise, nous proposons d’identifier Oroscopa à la ville de Vaga241. Vaga, qui fait assurément partie des possessions numides au temps de Jugurtha242, ne pouvait donc être à l’intérieur de la province romaine créée en 146 av. J.-C. et avait été certainement conquise par Massinissa I avant cette date, postérieurement à la main mise sur les Grandes Plaines, situées plus à l’ouest243. La prise de Vaga coïncide ainsi chronologiquement avec la prise d’Oroscopa. Par ailleurs, la localisation de Vaga, dans une région accidentée, sur une colline de 300 mètres d’altitude, d’où l’on peut apprécier le paysage environnant, s’accorde avec celle d’Oroscopa. La forme grecque du toponyme évoque en effet une position naturelle élevée dominant la région montagneuse244. Enfin, nous savons que Vaga est le marché le plus important de tout le royaume numide dans le dernier tiers du IIe siècle av. J.-C. et sa richesse est confirmée par les événements qui s’y déroulent durant la guerre de Jugurtha245. Or, Oroscopa est manifestement une ville de premier plan, bien défendue par les Carthaginois qui, pour obliger Massinissa I à se retirer, envoient une puissante armée246. L’hypothèse qui propose d’identifier Oroscopa à Vaga reste en outre la plus solide à l’heure actuelle. A. Mahjoubi situe de manière imprécise Oroscopa à l’est du Bled Béja, où sont connus plusieurs sites, mais cette proposition n’est pas fondée sur des arguments probants. L’auteur considère, sans doute à tort, que Vaga est incluse dans la région des Grandes Plaines et qu’elle est donc conquise par Massinissa I avant le siège d’Oroscopa. Mais Vaga appartient à un système géographique naturel différent de celui des Grandes Plaines247. G. Camps propose quant à lui de fixer Oroscopa quelque part en Kroumirie, ce qui semble de même peu plausible étant donné les caractéristiques physiques de la région248. Une dernière hypothèse mérite néanmoins d’être mentionnée, celle de N. Ferchiou qui souligne qu’à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau à l’ouest de Vaga se dresse une table rocheuse, occupée et puissamment fortifiée dès l’époque hellénistique (Kef Rechga). Elle surplombe la vallée de l’oued Medjerda et la vue porte très loin depuis son sommet, aussi bien vers l’ouest, le sud et l’est. L’auteur se demande donc si Oroscopa n’est pas plutôt établie en cet endroit249.

  • 250  Polybe, XXXI, 21.
  • 251  Tite-Live, XXXIII, 47 ; XXXIV, 62 ; XL, 17 et 34 ; XLIII, 3.

115Revenons aux témoignages des sources littéraires et à la mention d’Appien, selon lequel aucun litige numido-carthaginois ne survient entre le début et le milieu du IIe siècle av. J.-C. Polybe fait également allusion à une longue période de paix qui précède des conflits datables de 162-161 av. J.-C.250. En revanche, Tite-Live indique en 195, en 193, en 182 et en 172 av. J.-C., les interventions des Romains afin de résoudre des contentieux territoriaux entre les Carthaginois et Massinissa I. Avare d’informations quant à la localisation des faits, Tite-Live précise toutefois qu’en 193 av. J.-C. Massinissa I aurait ravagé les côtes de la région des Emporia. Il aurait tiré des contributions de plusieurs villes tributaires de Carthage, parmi lesquelles Leptis. Les Carthaginois auraient envoyé une ambassade à Rome pour s’en plaindre, soutenant que la région des Emporia était comprise dans les limites qui leur avaient été assignées par Scipion. Ils auraient rappelé l’aveu même de Massinissa I qui, à une époque de peu antérieure, aurait reconnu l’appartenance des Emporia à Carthage, lorsqu’il demanda à la cité l’autorisation de poursuivre dans cette contrée un rebelle dénommé Aphtir. Le sénat aurait décidé d’envoyer une commission en Afrique, à laquelle Scipion l’Africain aurait pris part. Cependant les Romains auraient laissé l’affaire en suspens251.

  • 252  Polybe, XXXI, 21. Il situe cet épisode peu avant la troisième année de la 154e Olympiade, ce qui c (...)
  • 253  D’après le plaidoyer d’un Carthaginois émis en 149 av. J.-C. aux Romains, nous apprenons seulement (...)
  • 254  Appien, Lib., 72. Cf. Gsell 1913-1930, III, p. 322 ; Desanges 1995, p. 75. Les arguments émis par (...)
  • 255  Contra Ch. Saumagne qui suppose que Polybe et Tite-Live utilisent une source commune et admet la c (...)
  • 256  Polybe, IX, 25, 4 ; Pline, HN, VIII, 31.

116Polybe présente une version très différente de ces faits : Massinissa I, qui a depuis longtemps des ambitions sur les nombreuses villes du littoral de la Petite Syrte, ne peut s’en emparer, mais les prive de leurs campagnes, en 162 ou 161 av. J.-C.252. Les Carthaginois, une fois de plus, portent le différend devant le sénat romain, auquel ils envoient des députés, mais les Romains leur donnent encore tort. Comme Tite-Live, Polybe expose le récit de l’épisode du rebelle numide de peu antérieur aux événements : Massinissa I, poursuivant dans la région de Cyrène un rebelle nommé Aphther, prie lui-même les Carthaginois de lui permettre de traverser la contrée des Emporia. L’autorisation lui est refusée car il n’a aucun droit sur ce pays. Mais les Carthaginois sont finalement contraints de renoncer aux villes et aux campagnes de la région des Emporia. Appien, quant à lui, fait allusion aux conquêtes de Massinissa I dans cette contrée, mais il ne les date pas avec précision253. Il nous informe par ailleurs que ce n’est qu’au lendemain de la bataille d’Oroscopa, soit en 150 av. J.-C., que les Carthaginois sont prêts à céder à Massinissa I le territoire autour « d’Emporion ». L’expression, utilisée au singulier, désigne vraisemblablement le principal de ces comptoirs, à savoir Leptis Magna254. Le témoignage de Polybe apparaît comme le plus fiable255. L’auteur, contemporain de ces épisodes, ami de Scipion Émilien, a entretenu aussi des relations personnelles avec Massinissa I et son fils Gulussa, ce qui le met à même de se renseigner sur le déroulement et la chronologie de ces événements256.

  • 257  Dion Cassius, dans Zonaras, IX, 18, p. 450, a. Cf. Gsell 1913-1930, III, p. 316-317.
  • 258  Rien ne permet en effet de mettre en doute les faits rapportés par Appien à partir de 154-153 av. (...)
  • 259  Appien, Lib., 72.

117S’il n’y a pas de raison de douter que Scipion a été chargé d’enquêter en Afrique à la date indiquée par Tite-Live, mais aussi par Dion Cassius, les autres données chronologiques énoncées par Tite-Live doivent sans doute être rejetées257. J. Desanges, en se fondant sur le récit d’Appien et sur celui, lacunaire, de Polybe, estime que la paix mentionnée par les deux auteurs anciens est vraisemblablement rompue entre les deux États à cause du litige relatif aux Emporia258. L’attaque des Carthaginois en 153 av. J.-C., rapportée par Appien, sur un territoire annexé par Massinissa I, se situerait dans la région des Emporia. En effet, les Carthaginois dressent manifestement sans difficulté contre les Numides les cultivateurs libyens de la région qui paraissent ainsi plus profondément punicisés et davantage étrangers aux Massyles. On peut en conclure qu’ils habitent dans une contrée lointaine. Carthage aurait alors reconquis, au moins partiellement, les Emporia. Cela serait confirmé par le fait qu’en 150 av. J.-C. les Carthaginois acceptent de céder à Massinissa I le territoire autour d’Emporion et proposent de verser en dédommagement mille talents259. La somme pourrait correspondre aux quatre années de redevances non perçues par Massinissa entre 153 et 150 av. J.-C.

  • 260  Entre 193 et 171, les craintes des Romains sont mentionnées par Tite-Live (XXXIV, 62 ; XLI, 22 ; X (...)

118De fait, J. Desanges propose de suivre la chronologie de Polybe et de dater l’affaire des Emporia des années 162-161 av. J.-C. Son analyse s’avère convaincante. Les Emporia, situés à la charnière des mondes punique et hellénistique, constituent de fait un enjeu d’importance. Or, dans le premier tiers du IIe siècle av. J.-C., Rome craint que la cité punique ne s’allie aux États hellénistiques qu’elle affronte encore à cette époque260. Cette crainte se justifie si Massinissa I ne s’est pas encore emparé de cette contrée. Après l’effondrement de la monarchie antigonide, en 168 av. J.-C., Rome encourage certainement le roi massyle à conquérir les Emporia pour priver Carthage d’un trait d’union avec ce qui subsiste du monde hellénistique.

  • 261  Desanges 1995, p. 72-73. Les 70 villes et fortins dont Massinissa I se serait emparé en 172 av. J. (...)

119Il apparaît donc plus judicieux de donner du crédit aux récits d’Appien et de Polybe qui font état d’une longue période de paix entre Carthage et Massinissa I, au moins jusqu’en 162-161 av. J.-C. La datation des annexions du roi massyle au détriment de Carthage fournie par Tite-Live, soit les années 182 et 172 av. J.-C., doit ainsi être rejetée. Nous savons que Tite-Live, dans la narration des événements de cette période, a recours à Polybe et/ou aux annalistes de l’époque syllanienne. Il s’agit donc là, vraisemblablement, d’anticipations dues à la tradition des annalistes, peut-être soucieuse d’antidater un fait acquis261.

  • 262  R. Rebuffat met bien en valeur le fait que le mot Emporia désigne au sens strict du terme les étab (...)
  • 263  Appien (Lib., 69) rapporte qu’aucun arrangement n’est trouvé lors de la venue de l’ambassade romai (...)
  • 264  Salluste, Bell. Iug., LXXV, 1 ; LXXVI, 2-3 ; LXXXIX, 4-5. Voir à ce sujet Gsell 1913-1930, V, p. 1 (...)

120D’après les quelques indications géographiques issues des textes littéraires anciens, nous constatons que le roi massyle s’est emparé dès 162-161 av. J.-C. des Emporia syrtiques depuis Thaenae, au sud de Sfax, jusqu’à Leptis Magna, un territoire très étendu dont la richesse est fondée sur l’agriculture et par voie de conséquence sur le commerce262. En 153-152 av. J.-C., il ajoute à son royaume la région de Mactar (Thusca)263 et les Grandes Plaines de la moyenne Medjerda qui renferment encore de nos jours les plus riches terres à céréales de la Tunisie. Il s’empare certainement, peu de temps après, de la région de Thugga, située plus à l’est et non incluse dans la province romaine d’Afrique créée en 146 av. J.-C. ni, par conséquent, dans le territoire dépendant de Carthage juste avant la troisième guerre punique. Cette conquête peut donc être placée entre 153 et 149 av. J.-C. et est ainsi contemporaine de celle de Vaga/Oroscopa (151-150 av. J.-C.). De fait, les cités plus occidentales de Sicca et de Théveste, aux mains des Carthaginois depuis au moins la première guerre punique, sont probablement récupérées par Massinissa I dès l’application du traité de Zama. Enfin, en suivant les remarques de St. Gsell, nous estimons que les régions de Capsa et de Thala, dans le sud de la Tunisie, font certainement partie du royaume de Massinissa I. Elles permettent en effet de relier le pays numide aux Syrtes. Les deux villes sont par ailleurs mentionnées comme des possessions de Jugurtha264.

  • 265  Appien, Lib., 106.
  • 266  L’œuvre de Massinissa I est souvent amplifiée. Comme le fait remarquer G. Camps, le souverain est (...)

121À la veille de sa mort, Massinissa I étend donc sa domination depuis le milieu de la Grande Syrte, Leptis comprise, jusqu’à la limite du royaume maure. Cette constatation concorde avec un passage d’Appien, selon lequel le souverain accroît considérablement son royaume, depuis la Maurétanie jusqu’au royaume de Cyrène265. L’ampleur de ces conquêtes et l’unification de la Numidie sont l’œuvre principale du souverain massyle266.

1.3.2. Les règnes de Micipsa (148-118), Mastanabal (148-140 ?) et Gulussa (148-140 ?) : la rupture du mode successoral, la permanence des limites territoriales

1.3.2.1. Un partage éphémère

  • 267  Berthier – Charlier 1955, stèle n° 63. Par ailleurs, Polybe (XXXVIII, 7) qualifie Gulussa de roi d (...)
  • 268  Appien, Lib., 106.
  • 269  Sur les raisons de ce changement, infra, p. 174.

122Les trois fils légitimes de Massinissa I, Micipsa, Mastanabal et Gulussa parviennent sur le trône en 148 av. J.-C. Ils portent chacun le titre de roi, comme le révèle une stèle du sanctuaire d’El Hofra à Constantine. Datée de l’année du décès de Massinissa I, elle nomme ses trois successeurs et rien ne laisse apparaître une différence quelconque entre eux267. Selon Appien, néanmoins, les attributions royales sont partagées. Micipsa, l’aîné, reçoit l’administration du royaume, Gulussa le commandement des armées et Mastanabal la justice268. Ce partage met ainsi fin au mode de succession traditionnellement pratiqué par les Massyles, selon laquelle le trône revenait au prince le plus âgé de la branche régnante269.

  • 270  Salluste, Bell. Iug., V, 6.
  • 271  Micipsa apparaît seul sur cette dédicace, gravée en l’an 10 de son règne (RIL 2).
  • 272  Salluste, Bell. Iug., IX, 4 et XI, 5. Le sommaire du livre LXII de Tite-Live mentionne la mort de (...)
  • 273  Il s’agit, à Cherchell, d’une inscription funéraire néopunique en l’honneur de Micipsa, roi des Ma (...)
  • 274  Types Mazard n° 19-36. Certaines d’entre elles sont sans doute attribuables à Massinissa I. Infra, (...)

123Salluste rapporte que la maladie emporte Gulussa et Mastanabal, laissant Micipsa seul au pouvoir, mais il ne précise pas la date de leur mort270. Nous savons cependant que Gulussa est encore en vie au cours de la troisième guerre punique et pouvons déduire de la dédicace du monument de Massinissa I à Thugga qu’en 139 av. J.-C. Micipsa règne seul sur la Numidie271. Celui-ci demeure au pouvoir jusqu’en 118 av. J.-C., année de sa mort272. Outre les inscriptions de Thugga et du djebel Massouge précédemment évoquées, le règne de Micipsa est mentionné dans deux autres inscriptions, découvertes à Cherchell et Thigibba (région de Mactar)273. Le souverain frappe manifestement monnaie à légende punique MN274 (fig. 12 et 13).

1.3.2.2. De la Maurétanie à l’Africa vetus : entre la Mulucha et la Fossa Regia

124L’étendue du territoire gouverné par Micipsa est indiquée dans les textes littéraires anciens. À l’ouest, ce territoire parvient en 118 av. J.-C. jusqu’au fleuve Mulucha (oued Moulouya), tandis qu’à l’est il est délimité depuis 146 av. J.-C. par la frontière de la province romaine d’Afrique (pl. VII).

  • 275  Strabon, XVII, 3, 15 ; Pline, HN, V, 22 et 25. Le nom de la frontière nous est donné par les borne (...)
  • 276  Tissot 1888, p. 14-19 ; Poinssot L. 1907, p. 466-481 ; Saumagne 1928, p. 451-459 ; Id. 1962, p. 40 (...)
  • 277  Appien, Bell. civ., IV, 53 ; Dion Cassius, XLVII, 9 ; Pline, HN, V, 25. L’inscription CIL VIII, 25 (...)
  • 278  L’une provient d’Henchir Barhala (CIL VIII, 1, 4882), trois de Sidi Abdallah Bou Behaïm (Pachtère  (...)
  • 279  Desanges 1980b, p. 82.
  • 280  Di Vita-Évrard 1986, p. 43-44, n. 3. Voir aussi les doutes déjà émis par J. Gascou (1972, p. 173).
  • 281  Sur les regiae, infra, § 2.2.2.1.

125À la suite d’un accord entre Scipion et les rois numides, cette frontière est matérialisée par un fossé, la Fossa Regia, qui a assurément pour point de départ le fleuve Tusca et pour point d’arrivée Thaenae275. Son tracé n’est cependant que très approximativement restitué, hormis dans la partie centrale du nord de la Tunisie (pl. II). Depuis les premiers travaux de Ch. Tissot, complétés par ceux de L. Poinssot puis de Ch. Saumagne, la recherche sur le sujet n’a pas fait d’avance décisive. Mais il faut tenir compte désormais des remarques de G. Di Vita-Évrard sur le secteur septentrional du tracé, de celles de N. Ferchiou sur le secteur central et d’une étude d’A. M’Charek portant sur la région de Kairouan276. Les différentes hypothèses de restitution émises jusqu’à présent sont essentiellement fondées sur une documentation d’époque romaine impériale, en particulier des bornes et des inscriptions relatives au statut de certaines localités. Cela n’est pas sans poser de problèmes, d’autant qu’il n’est pas si certain que la frontière n’ait pas été modifiée entre 146 av. J.-C. et le Bas-Empire. À partir de 46 av. J.-C., la Fossa Regia sépare l’Africa vetus et l’Africa nova, laquelle vient d’être créée suite à l’annexion de la Numidie orientale277. Des bornes sont implantées à l’époque impériale pour jalonner son emplacement. Neuf bornes ont été découvertes jusqu’à présent. Elles sont néanmoins concentrées exclusivement dans un secteur qui s’étend du djebel Cheid à Abthugnos. Or, aucune trace de fossé n’y a été identifiée. Il se pourrait donc que ces bornes aient été mises en place à l’époque flavienne en raison d’un changement de tracé278. Par ailleurs, si le statut des localités à l’époque romaine peut servir d’indices, ce type de données doit être manié avec précaution. Il est lié à la politique de romanisation pratiquée à partir de 46 av. J.-C., une politique jugée moins contraignante dans l’Africa vetus, soit les anciennes possessions de Carthage. Ainsi, sous le principat d’Auguste, dans cette province, la norme aurait été la liberté des villes, alors qu’au-delà Rome aurait doté les agglomérations de modèles institutionnels plus communs, sous la direction d’un groupe de citoyens romains279. Les pagi de Carthage et les grands domaines impériaux seraient donc le plus souvent situés au-delà de l’Africa vetus. Néanmoins, selon des études récentes, ce phénomène n’est pas aussi certain qu’on ne l’a pensé280. Enfin, pour tenter de restituer le tracé de la Fossa Regia, l’historien peut faire appel à des toponymes anciens. Ainsi, les établissements dont le nom comprend le terme regia relevaient selon toute logique du royaume numide281. Les toponymes actuels El Hadd et Hadada, qui signifient frontière ou limite, sont également utiles, mais encore faut-il admettre qu’ils fassent bien référence à des délimitations instaurées durant l’Antiquité.

126Le réexamen des témoignages nous conduit à soutenir une hypothèse de restitution fondée principalement sur les travaux de Ch. Tissot et de J. Desanges qui s’avèrent bénéficier de ceux, plus récents, de N. Ferchiou et A. M’Charek (pl. II).

  • 282  Gsell 1913-1930, III, p. 327 et V, p. 247, n. 6 ; Saumagne 1962, p. 415- 416 ; Desanges 1980a, car (...)
  • 283  Tissot 1884, p. 47 ; Id. 1888, p. 4 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 9.
  • 284  Desanges 1980a, p. 205 ; Ferchiou 1997, p. 2902.

127Une première indication doit être admise : le point de départ de la Fossa Regia (fleuve Tusca) se situe aux environs de Tabarka, ville qu’il faut exclure de la province d’Afrique282. En effet, si l’on suit l’énumération de Pline, dans sa description de la côte, Thabraca (Tabarka) se trouve près de la frontière mais en territoire numide. En revanche, l’identification du fleuve Tusca à l’oued el Kebir, qui prend sa source dans l’ancien territoire numide et débouche au niveau de Tabarka, peut être mise en doute283. Il est plus logique de fixer le fleuve Tusca juste à l’est de la cité et ainsi de l’identifier à l’oued Zouara. Son tracé est plus conforme à celui de la Fossa Regia, qui se dirige vers l’est en contournant les Grandes Plaines. Cette opinion permet en outre de prendre en compte l’étendue du territoire de la Tabarka antique284.

  • 285  Pline, HN, V, 25. Sur les différentes orthographes du nom de la cité et son identification à Tyna, (...)
  • 286  Cf. Bell. Afr., LXXVII, 2, qu’il faut confronter avec Strabon, XVII, 3, 12. Gsell 1913-1930, VII, (...)
  • 287  Tissot 1888, p. 18-19. Voir également à ce sujet Ferchiou 1997, p. 2908- 2909. Ch. Saumagne situe (...)

128Le point d’arrivée de la Fossa Regia (Thaenae) doit être localisé à Tyna, sur la côte méditerranéenne, à dix kilomètres au sud de Sfax285. Cette cité correspond à la Thabena qui, selon l’auteur du Bellum Africum, est établie sur le littoral, aux limites du royaume de Juba I, et dont César se rend maître. Ainsi, certains historiens considèrent qu’elle est incluse dans le royaume de Numidie286. Cependant, l’auteur du Bellum Africum rapporte que la ville de Thaenae a pris l’habitude de se trouver sous la dépendance et l’autorité de Juba (I), le fils de Hiempsal II. Cela pourrait donc sous-entendre qu’elle appartenait auparavant à la province d’Afrique. L’hypothèse se trouverait appuyée par l’existence, signalée par Ch. Tissot, d’un fossé qui, partant au sud de Tyna, serait relié à la sebkha de Sidi El-Hani. Ce fossé est désigné sous le nom de Seguiet El Had (le fossé de la frontière)287.

  • 288  Poinssot L. 1907, p. 466-481.
  • 289  Ferchiou 1986, p. 358-360 ; Ferchiou 1997, p. 2905. Les hypothèses précédentes proposent de faire (...)

129Entre le fleuve Tusca et la ville de Thaenae, les bornes d’époque impériale fournissent l’indication suivante : dans un premier temps, la Fossa Regia suit, sur les djebels qui bordent à l’est l’oued Kalled, la ligne de partage des eaux entre cette vallée et celle de l’oued Siliana288. Nous ne disposons ensuite d’aucun repère entre la borne de l’oued Ouaar et celle d’Abthugnos. Cependant, il est désormais vraisemblable que la frontière est fixée au sud de Seressi et de Furnos Maius qui est attestée comme cité de Proconsulaire au Bas-Empire. La limite de la centuriation romaine semble par ailleurs ne dépasser que de peu Seressi au sud, ce qui tend à confirmer l’emplacement de la Fossa Regia289.

  • 290  Di Vita-Évrard 1986, p. 31-58. Contra Tissot 1888, p. 6 ; Gsell 1913-1930, III, p. 327 et V, p. 24 (...)
  • 291  Poinssot L. 1930-1931, p. 370 ; Ferchiou 1977, p. 14 ; Id. 1980, p. 14-15 et 18. Sur le diocèse d’ (...)
  • 292  Di Vita-Évrard 1986, p. 36-37.
  • 293  Une inscription de Vaga livre le nom d’un légat du proconsul Decimius Hilarianus Hesperius (376-37 (...)
  • 294  Salluste, Bell. Iug., XLVII, 1 et LXVI, 2.
  • 295  Di Vita-Évrard 1986, p. 38-45.

130Au nord de la région des bornes impériales, trois tracés hypothétiques sont proposés. Le premier, formulé par G. Di Vita-Évrard, part de l’oued el Kebir et rejoint le secteur des bornes en passant, non pas à l’est de Vaga comme on l’admet généralement, mais à l’ouest de celle-ci290. La ville ferait donc partie de la province romaine d’Afrique et non du royaume numide. À partir du Haut-Empire, il existe une division interne de la province d’Afrique en diocèses, dont deux sont connus, celui de Carthage et celui dit d’Hippone. L. Poinssot, puis N. Ferchiou, ont suggéré que la limite entre ces derniers correspondait, sur un segment de son secteur septentrional et dans son secteur central, à la Fossa Regia291. Seules les cités de Thibursicum Bure (Téboursouk) et de Vaga auraient été placées sous la dépendance du légat de Carthage malgré leur situation à l’ouest de la Fossa Regia. La première est en fait une ville du diocèse d’Hippone292. En revanche, Vaga dépend assurément du légat de Carthage au IVe s. ap. J.-C.293. Cela conduit à supposer que Vaga est incorporée dans la province d’Afrique puis rattachée au royaume de Numidie, puisqu’elle appartient assurément à Jugurtha294. G. Di Vita-Évrard estime donc que la ville relève de la province romaine entre 146 av. J.-C. et 105 av. J.-C., année de la défaite de Jugurtha295. La démarche de l’auteur est logique, mais aucun témoignage ne vient conforter le fait que Vaga soit conquise par Rome durant cette période.

  • 296  Ferchiou 1997, p. 2903.
  • 297  Gascou 1972, p. 175 ; Pflaum 1970, p. 75-117.
  • 298  CIL VIII, 14428 ; Lassère 1977, p. 319 ss.

131La seconde hypothèse, émise par N. Ferchiou, propose, depuis l’oued el Kebir ou l’oued Zouara, de faire passer la Fossa Regia à l’est de Vaga, mais aussi de Thunigaba et de Ksar Mezouar296. Un pagus est en effet mentionné à Thunigaba. Il est possible qu’il soit rattaché à la pertica de Carthage qui s’étend fort loin de la capitale, comme le montre la présence de plusieurs pagi de Carthage à l’ouest de la Fossa Regia, à une trentaine de kilomètres au sud de Vaga297. Le site de Ksar Mezouar a quant à lui livré une inscription indiquant qu’il y a très vraisemblablement en ce lieu un domaine impérial. Étant donné que plusieurs domaines impériaux sont établis dans l’Africa nova, donc à l’ouest de la Fossa Regia, il est permis de se demander s’il n’en est pas de même dans ce cas précis298.

  • 299  Pline, HN, V, 29 ; Desanges 1980b, p. 82 ; Id. 1980a, carte 3 en fin de volume.
  • 300  Ferchiou 1997, p. 2904.

132La troisième hypothèse, celle de J. Desanges, dessine, à partir de l’oued el Kebir, ou plus logiquement à partir de l’oued Zouara, une courbe très marquée vers l’est, au-delà de Chiniava, située à une quarantaine de kilomètres à vol d’oiseau au nord-est de Vaga. Pline mentionne un oppidum civium romanorum chiniavense qui pourrait correspondre à cette agglomération. Or, la plupart des oppida de ce type sont localisés en terre numide. J. Desanges suppose donc que le royaume numide s’étend jusque-là299. Cette proposition de tracé est consolidée par l’existence, à une dizaine de kilomètres au nord-est de l’oued Zouara, d’une ligne de hauteurs appelée djebel Hadada et, à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Matara, d’un djebel El Had300.

  • 301  Tissot 1888, p. 14-16 ; Bell. Afr., XLIII.
  • 302  Ferchiou 1997, p. 2907-2908.
  • 303  Ferchiou 1986, p. 360 ; Id. 1997, p. 2905-2908.

133Au sud du secteur des bornes impériales, le tracé devient de plus en plus incertain. Les recherches dans cette région sont moins développées et nous sommes mal renseignés sur le statut des agglomérations. Deux hypothèses, celles de Ch. Tissot et celle de Ch. Saumagne, ont été avancées. Ch. Tissot fait passer la Fossa Regia près de la côte, par la sebkha Kelbia, celle de Sidi El Hani et celle d’El Gorra qui forment des obstacles naturels. L’historien se fonde en premier lieu sur la restitution du parcours de Considius exposé par l’auteur du Bellum Africum301. L’itinéraire suivi correspondrait au tracé de la Fossa Regia. Selon ce récit, Considius quitte Acholla, située sur le littoral à la hauteur de Thysdrus, pour rejoindre Hadrumète, en passant par le royaume de Juba I. Considius doit éviter la voie directe qui relie Acholla et Hadrumète, que l’armée césarienne commande. D’Acholla, il se serait dirigé vers Thysdrus, mais comme la ville, située en Africa vetus, était sous domination romaine, il aurait rejoint Hadrumète en longeant les berges occidentales de la sebkha de Sidi El Hani. Cette proposition de parcours est tout à fait acceptable, d’autant plus que Ch. Tissot souligne l’existence, aux alentours des sebkhas en question, de toponymes Hadd/Hadada qui paraissent jalonner un tracé relativement cohérent. Ainsi, au sud de Nadour, une longue ligne de crêtes rocheuses, qui selon la tradition locale porte le nom de Satour Hadada, court du nord vers le sud en direction de la sebkha Kelbia, qu’elle contourne par l’ouest. Cette série de crêtes constitue une coupure très nette dans le paysage. Le toponyme se retrouve également plus au sud où il désigne plusieurs lieux-dits302. N. Ferchiou a, plus récemment, renforcé cette hypothèse303. Notons, en particulier, qu’à onze kilomètres environ au sud-est d’Abthugnos, près de Nadour, se dresse un monument en forme de borne milliaire, qui plaide en faveur du fait que la Fossa Regia prend ensuite la direction des sebkhas.

  • 304  Saumagne 1928, p. 451-459. Bell. Afr., XXXII, 3 ; XXXV, 4 ; LVI, 4 ; LXVII. Cicéron, Leg. Agrar., (...)
  • 305  Infra, p. 160. Gsell 1913-1930, VII, p. 276-278.
  • 306  Infra, p. 76.

134Ch. Saumagne a émis une proposition très différente. Son tracé, plus occidental, est orienté en quasi-ligne droite vers le sud depuis Abthugnos en suivant la ligne des reliefs des djebels Bou Dabbous et Ousselat, puis s’infléchit vers la côte approximativement à la hauteur du djebel Khechem pour rejoindre Thaenae. Il s’appuie sur l’hypothèse que la région comprise entre la ligne des reliefs mentionnés et la région des sebkhas appartient à l’Africa vetus. Selon lui, la Fossa Regia doit être recherchée à l’ouest des sebkhas, d’abord parce que, entre elles et la côte existent les territoires de villes et de peuples libres – mais on peut objecter que leur étendue n’est pas connue avec exactitude – ; puis parce qu’il est persuadé, d’après son interprétation du Bellum Africum, que la contrée située à l’ouest des sebkhas est occupée par des Gétules. Le texte du pseudo-César nous apprend en effet que Marius a récompensé les Gétules qui ont combattu sous ses ordres pendant la guerre de Jugurtha en leur offrant des terres. Ch. Saumagne, partant du fait que ces terres sont incluses au sein de la province d’Afrique et que la ville d’Aggar a souvent souffert des incursions gétules, conclut que Marius les établit dans cette région. Les terres accordées aux Gétules sont ensuite, toujours selon l’auteur du Bellum Africum, placées sous l’autorité de Hiempsal II. Ch. Saumagne propose donc de les identifier à un territoire qui, selon Cicéron, est octroyé à ce roi dans la province d’Afrique et doit donc être logiquement contigu au royaume304. L’historien peut ainsi s’accorder avec Ch. Tissot sur l’itinéraire suivi par Considius quelques décennies plus tard, puisque la région située à l’ouest des sebkhas était alors passée sous la domination numide. Pour conforter sa position, Ch. Saumagne évoque l’épisode de la fuite de Marius en Afrique, en 88 av. J.-C., qui se serait réfugié auprès des Gétules fidèles à sa personne. Cependant, les textes nous indiquent seulement que le Romain passa de l’île de Méninx (Djerba) au territoire de Carthage, puis retourna vers la Petite Syrte, au-delà de la province, avant de s’embarquer pour l’île de Cercina (îles Kerkennah) où il voit arriver sur le rivage des cavaliers envoyés par Hiempsal II305. En définitive, le territoire gétule, s’il s’identifie bien à celui qui est octroyé à Hiempsal II, peut difficilement correspondre à la région située à l’ouest des sebkhas puisque Cicéron précise que celui-ci est in ora maritima. L’étude des témoignages épigraphiques a en outre bien montré que le cantonnement gétule établi par Marius était vraisemblablement localisé entre l’oued Siliana et l’oued Tessa, donc au sein du royaume numide et non pas dans la province d’Afrique306.

  • 307  M’Charek 1999, p. 139-183. L’emplacement exact de la ville n’est pas connu, mais celle-ci se situe (...)

135Enfin l’hypothèse d’un tracé oriental de la Fossa Regia, proposée par Ch. Tissot, tend à être confirmée par une étude d’A. M’Charek. L’auteur met en valeur l’existence d’une région, la Gamonia, couvrant l’ensemble du bassin versant de l’oued Zeroud. Son identification est fondée sur le rapprochement entre le toponyme Qamûnia, qui apparaît dans les sources arabes du Moyen Âge, et l’ethnique abrégé qui figure sur une dédicace pour le salut des Sévères, provenant de Douar Bayoud, sur laquelle on peut lire [c]oloni Gam. L’auteur estime sans doute avec raison que la Gamonia est une ancienne région numide. Aquae Regiae, dont le nom révèle son appartenance au royaume en question, doit en constituer l’un des principaux centres307. Ainsi, la vallée de l’oued Marguellil serait à placer en dehors de la province d’Afrique, ce qui contredit l’opinion de Ch. Saumagne.

1.3.2.3. L’héritage des Syrtes et les concessions en terres romaines

  • 308  Loi de 111, l. 81. Gsell 1913-1930, VII, p. 75-81 ; Peyras 2015, p. 130.
  • 309  Cicéron, Leg. Agrar., II, 22, 58-59 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 79-80.
  • 310  Loi de 111, l. 81 : (Scipion) [leib]ereis regis Massinissae dedit, habereve fruive ius[sit]. Gsell (...)
  • 311  Selon Cicéron, en 75 av. J.-C., le roi numide conclut avec le consul C. Aurélius Cotta un accord a (...)
  • 312  Vitruve, VIII, 3, 24. Selon Ch. Saumagne, ces terres, situées dans la région de Zama, auraient déb (...)

136Le royaume de Micipsa comprend également, à l’intérieur de la province romaine d’Afrique, des terres concédées en 146 av. J.-C. par Scipion aux fils de Massinissa I308. Cette information soulève une question : faut-il les identifier à celles que Hiempsal II se voit plus tard garantir in ora maritima ? Dans ce cas, Hiempsal les aurait tenues de ses ancêtres. Dans la mesure où Cicéron rapporte qu’elles furent adjugées par Scipion l’Africain au peuple romain309, et donc qu’elles sont laissées en jouissance au roi numide tout en restant la possession de Rome, cela est fort possible, d’autant plus que les fils de Massinissa I ne devaient être que les usufruitiers des terres qui leur avaient été concédées310. Cependant, la concession faite à Hiempsal II pourrait tout aussi bien résulter d’une mesure de Sylla, car elle fut contestée en 75 av. J.-C. par les comices311. Ch. Saumagne s’appuyait sur un passage de Vitruve pour localiser les terres concédées aux fils de Massinissa I dans la région comprise entre Zama Regia et à la province d’Afrique. Mais Vitruve se contente de noter l’appartenance de la ville de Zama à Juba I et l’immensité de la campagne environnant la cité312 et ce témoignage ne suffit pas à montrer le bien fondé de la proposition de Ch. Saumagne. Comme aucun élément ne peut être ajouté à ce dossier, retenons simplement que les terres concédées aux fils de Massinissa I, si elles correspondent à celles qui sont octroyées à Hiempsal II, sont situées le long du littoral et doivent être logiquement contiguës au royaume numide.

  • 313  Infra, p. 75 et 122-123.

137Enfin, Micipsa hérite manifestement de son père les Emporia de la Petite Syrte, ainsi que Leptis Magna qui, tout comme Capsa et Thala, appartient encore aux Numides durant le règne de Jugurtha313.

1.3.3. Au temps de Jugurtha (118-105), Adherbal (118-112) et Hiempsal I (118) : la Numidie en guerre

1.3.3.1. Des luttes fratricides pour le pouvoir à l’origine de l’intervention militaire romaine

  • 314  Salluste, Bell. Iug., V, 7 ; VIII, 2 ; IX ; LXV, 1.

138Le Bellum Iugurthinum de Salluste constitue bien évidemment une source d’informations privilégiée pour aborder l’histoire de la Numidie sous les règnes de Jugurtha, Adherbal et Hiempsal I. Il nous fournit en particulier d’intéressantes données sur les modalités de la succession au trône et les luttes occasionnées par le partage de l’autorité royale314.

  • 315  Phénomène bien mis en évidence pas St. Gsell et Ch. Saumagne (Gsell 1913-1930, VII, p. 141, n. 1 ; (...)
  • 316  Paul Orose, Adv. Pagan., V, 15, 3 ; Florus, I, 36, 3 ; Salluste, Bell. Iug., LXV, 1.
  • 317  Jugeant Jugurtha trop entreprenant, Micipsa aurait préalablement décidé de l’exposer aux périls de (...)
  • 318  Salluste, Bell. Iug., XII, 1.

139Micipsa a deux fils légitimes, Adherbal et Hiempsal. Son frère, Mastanabal, a également laissé deux fils, Gauda et Jugurtha. Ce dernier est né d’une concubine et de ce fait ne peut accéder au pouvoir. Scipion Émilien, séduit par la bravoure de Jugurtha lors de sa participation au siège de Numance, aurait néanmoins demandé à Micipsa d’adopter son neveu, pour que le jeune numide puisse régner après la mort du roi. Malgré une certaine confusion dans le récit de Salluste, il semble qu’il faille distinguer deux actes de Micipsa en faveur de Jugurtha. Dans un premier temps, le roi l’adopte, vraisemblablement à son retour de Numance, au plus tard en 131 av. J.-C. Jugurtha obtient alors le rang d’un prince du sang, apte à régner. Dans un second temps, sans doute juste avant sa mort, Micipsa l’inscrit sur le testament royal, pour qu’il puisse, conformément à la loi numide, régner aux côtés d’Adherbal et de Hiempsal315. À défaut, la couronne doit revenir à Gauda316. D’après Salluste, Micipsa adopte Jugurtha en raison de la crainte que lui inspire le jeune numide. Ces explications paraissent peu crédibles et, avec G. Camps, il faut plutôt considérer que les talents militaires de Jugurtha incitent le roi à répartir les charges royales, comme cela a été le cas à la mort de Massinissa I317. Nous ignorons si dans son testament Micipsa réglait sa succession de la même manière, mais cela est probable puisque Salluste écrit que les trois princes ne peuvent « s’entendre sur la distribution des pouvoirs » et optent ensuite pour un partage territorial318.

  • 319  Salluste, Bell. Iug., XII et XIII, 1-7. Voir aussi Tite-Live, Epit., LXII ; Florus, I, 36, 4 ; Pau (...)
  • 320  Outre le Bellum Iugurthinum de Salluste (XX, 1, 3-8 ; XXI, 2 ; XXIV, 3 ; XXV, 1-11 ; XXVI, 1-3), l (...)

140Adherbal, Hiempsal I et Jugurtha divisent donc la Numidie en trois royaumes. Mais rapidement, Jugurtha complote contre Hiempsal qui trouve la mort probablement dès 118 av. J.-C. Adherbal, cherchant à venger son frère, perd la bataille contre Jugurtha et se réfugie dans la province d’Afrique pour, de là, gagner Rome. Jugurtha devient maître de toute la Numidie319. Après que l’affaire ait été portée devant le sénat romain, la Numidie est partagée entre Jugurtha, roi de la partie occidentale, et Adherbal, roi de la partie orientale. En 113 av. J.-C., quatre années après le partage, Jugurtha envahit le royaume de son frère. Un an plus tard, contre l’avis des commissaires romains, il s’empare de Cirta et fait massacrer Adherbal. Ces événements sont à l’origine du déclenchement de la guerre contre Rome. Après plusieurs années de conflit, les tractations entre Bocchus I et Sylla aboutissent à la capture de Jugurtha en 105 av. J.-C.320.

1.3.3.2. Répartition, réunification et perte de contrôle des territoires

  • 321  C’est dans cette ville qu’il se réfugie pour échapper à Jugurtha (Salluste, Bell. Iug., XX, 3-8 ; (...)
  • 322  Type Mazard n° 40 ; Alexandropoulos 2000, p. 156.

141Au temps du partage entre Jugurtha et Adherbal, l’étendue des territoires respectivement dominés par les deux souverains demeure imprécise. La limite occidentale du royaume d’Adherbal est inconnue et nous ne disposons d’aucun indice pour proposer une quelconque hypothèse à ce sujet. Nous pouvons seulement certifier que ce royaume englobe la contrée comprise depuis la frontière de la province romaine jusqu’à Cirta, que le roi semble avoir choisie comme capitale321. C’est vraisemblablement dans l’atelier monétaire de la ville qu’il fait alors émettre un monnayage à légende punique ‘L (ou AL ?), dont une seule série nous est parvenue322 (fig. 10).

  • 323  Sur la Moulouya, supra, p. 40 ; Salluste (Bell. Iug., XIX, 7) rapporte qu’au moment de la guerre d (...)
  • 324  Berthier – Juillet – Charlier 1950-1951, p. 3-104. Contra Desanges 1974, p. 143-150 ; Id. 1982, p. (...)

142Jugurtha règne quant à lui jusqu’à l’oued Moulouya qui le sépare du royaume de Bocchus I. Entre 112 et 105 av. J.-C., Jugurtha gouverne donc un territoire délimité par le fleuve Mulucha (Moulouya) et la Fossa Regia323 (pl. VII). Les discontinuités et les ellipses du récit de Salluste ne conduisent pas à remettre en cause ces limites, comme l’ont fait autrefois A. Berthier, J. Juillet et R. Charlier qui estimaient que la Numidie de Jugurtha ne dépassait guère à l’ouest les frontières de l’actuelle Tunisie. Cette hypothèse reposait sur l’identification, par ces auteurs, du fleuve Mulucha à l’oued Mellègue, principal affluent de la Medjerda, et de Cirta à la ville que les Romains appellent Cirta nova Sicca (Le Kef). Mais outre le fait que la Mulucha correspond à l’oued Moulouya, J. Desanges a démontré clairement que Cirta désigne uniquement l’actuelle Constantine, tant dans les textes anciens que les inscriptions d’époque romaine324.

  • 325  Infra, p. 85.
  • 326  Sur l’extension territoriale de la Maurétanie, supra, p. 39-40. Salluste, Bell. Iug., LXXVII, 2-3.
  • 327  Aucun monnayage ne peut être attribué à Jugurtha (Alexandropoulos 2000, p. 156). Contra J. Mazard (...)
  • 328  Infra, § 2.2.3.

143Au sud-est, Jugurtha détient assurément Capsa et les Emporia des Syrtes325, le royaume numide n’ayant finalement pas subi de modifications territoriales depuis la fin du règne de Massinissa I. En revanche, à partir de la guerre de Jugurtha, le royaume est amputé, à l’ouest à la suite de l’extension territoriale de la Maurétanie en 105 av. J.-C. et, à l’est, par la perte de Leptis Magna qui se détache de Jugurtha dès le début du conflit. Des députés de Leptis Magna sont alors envoyés au consul Bestia, puis à Rome, pour solliciter le titre de cité amie et alliée, ce qu’ils obtiennent326. Par ailleurs, les grandes villes du royaume échappent peut-être au pouvoir de Jugurtha qui n’aurait contrôlé que les petits bourgs fortifiés de l’intérieur où sont entreposés ses trésors et où il se réfugie. La perte des grandes villes, centres de l’économie monétaire, expliquerait l’absence de monnayage au nom du roi327. Il faut néanmoins rappeler sur ce point que d’autres souverains du IIe siècle et surtout du Ier siècle av. J.-C. n’ont pas non plus frappé de monnaies à leur nom328.

1.3.4. Un royaume amoindri, gouverné par Gauda « le roi docile » (105-88 ?)

  • 329  Infra, p. 160.
  • 330  CIL II, 3417 (Carthagène) ; ILAlg. I, 1242 (Thubursicu Numidarum, actuelle Khamissa).
  • 331  Types Mazard n° 37-39.
  • 332  Cette orthographe nous est indiquée par une stèle du sanctuaire d’El Hofra à Constantine (Berthier (...)
  • 333  Salama – Gérin 1999, p. 37. J. Alexandropoulos se refuse à se prononcer sur la question (Alexandro (...)

144Marius promet à Gauda le commandement de la Numidie si Jugurtha est capturé ou tué329 et les droits du prince, de par le testament de Micipsa, sont visiblement confirmés dès après la victoire romaine en 105 av. J.-C. Le règne de Gauda est en tout cas attesté par deux inscriptions latines où figure son titre de rex330. Par ailleurs, c’est sans doute à ce souverain qu’il faut attribuer la série monétaire portant la légende GN331 (fig. 10). Ces lettres devant désigner l’initiale et la finale du nom du roi, nous ne pouvons exclure qu’elles fassent référence à Gulussa, dont le nom s’écrivait GLSN332. D. Gérin plaide en faveur de cette hypothèse renforcée par la présence dans le trésor mixte d’Alger, datable de l’époque de Micipsa, d’un certain nombre de monnaies présentant selon elle les traits stylistiques caractéristiques des monnaies à légende GN333. Cependant, aucune monnaie de ce trésor ne porte la légende en question et aucun argument décisif ne permet de trancher. L’absence de monnaies frappées au nom de Mastanabal qui, comme son frère Gulussa, règne peu de temps, incite davantage à penser que les monnaies à légende GN sont émises à l’époque de Gauda.

  • 334  Gsell 1913-1930, VII, p. 263.
  • 335  Salluste, Bell. Iug., LXV, 1.
  • 336  Supra, p. 39-41.

145La question du partage du royaume en 105 av. J.-C. a déjà été posée. Une division de la Numidie, analogue à celle que le sénat romain avait instituée entre Adherbal et Jugurtha vers 117 av. J.-C., aurait constitué une garantie de sécurité pour les Romains334. Néanmoins la défaite de Jugurtha ne semble pas avoir entraîné de partage car Gauda, que les auteurs anciens s’emploient à décrire comme un prince faible d’esprit, est manifestement considéré par les Romains comme un roi docile335. Le souverain doit donc régner sur l’ensemble de la Numidie. À la suite de l’annexion par Bocchus I des territoires occidentaux336, le royaume s’étend vraisemblablement depuis la région comprise entre l’embouchure de l’oued Chélif et le cap Ténès à la Fossa Regia (pl. VIII). Cette limite orientale n’est pas mentionnée, mais aucun élément ne conduit à penser que des modifications sont apportées à cette époque. Il en est de même des limites sud-est du royaume qui doit donc englober la région des Syrtes.

  • 337  Supra, p. 70-72.
  • 338  Gascou 1969, p. 555-568 ; Id. 1970, p. 723-736. Ajoutons que Thibaris (Henchir Thibar) et Uchi Mai (...)

146Des Gétules peuplent par ailleurs le territoire numide, après l’octroi de terres par Marius en 103 av. J.-C.337, qui se situent principalement entre l’oued Siliana et l’oued Tessa, comme il ressort de la minutieuse enquête de J. Gascou sur la répartition du gentilice Marius en Afrique à partir de la découverte de l’inscription latine à Tébessa mentionnant un gentilice Marius suivi d’un cognomen Gaetulus ou Gaetulicus. Cette étude démontre que les Marii africains sont les descendants d’anciens pérégrins à qui Marius avait accordé des terres. Comme aucune indication ne vient confirmer que ces pérégrins ne sont pas Africains, il est logique de penser qu’il s’agit essentiellement de Gétules338.

1.3.5. Les années sombres (88-41) : la Numidie divisée et progressivement annexée

  • 339  Infra, page suivante.

147À la mort de Gauda, sans doute survenue en 88 av. J.-C.339, se constituent deux royaumes numides qui coexistent jusqu’à la victoire de César à Thapsus en l’an 46 av. J.-C. De manière générale, pour cette période, les données archéologiques ne suffisent pas à confirmer les rares informations fournies par les récits anciens relatives aux luttes civiles romaines sur le territoire africain, ni à combler les lacunes de notre connaissance. De fait, la liste des souverains n’est pas établie en toute certitude et les opinions divergent, en particulier pour les noms des rois qui gouvernent la partie occidentale du royaume. Les dates de règnes de ces souverains et les limites de leurs territoires respectifs sont encore plus difficilement restituables.

1.3.5.1. Masteabar (88-81) et Hiempsal II (88-50 ?) : deux héritiers sur un territoire partagé

  • 340  Kontorini 1975, p. 95-98.
  • 341  Camps 2001, p. 77. Selon l’auteur, il faudrait donc également désigner ce roi Mastanabal II.
  • 342  Infra, p. 80.

148Masteabar, fils de Gauda, porte le titre de roi, comme l’atteste une inscription grecque de Syracuse340. G. Camps considérait ce nom comme une version fautive de celui de Mastanabal (ou plutôt Mastanaba) et il proposait d’attribuer ces deux dénominations à ce roi numide341. Il est néanmoins préférable de se référer à l’inscription grecque et d’appeler ce roi Masteabar, afin d’éviter toute confusion supplémentaire quant à la généalogie des souverains numides. Les dates de son règne sont inconnues, mais nous pouvons penser qu’il accède au trône en 88 av. J.-C., si cette date correspond bien à la mort de Gauda. Masteabar n’est manifestement plus au pouvoir en 81 av. J.-C., année durant laquelle un roi du nom de Massinissa II exerce son autorité sur son territoire342 dont nous avons des raisons de penser qu’il se confond avec la Numidie occidentale, plus précisément entre l’oued Soummam et le fleuve Ampsaga (oued el Kebir, pl. IX).

  • 343  CIL II, 3417 (Carthagène) ; ILAlg. I, 1242 (Thubursicu Numidarum).
  • 344  Infra, p. 160.

149L’autre successeur de Gauda, Hiempsal II, est mieux connu. Deux inscriptions précisent qu’il est lui aussi un fils du souverain défunt343. Nous savons qu’il est au pouvoir en 88 av. J.-C., date à laquelle le fils de Marius se rend auprès de lui pour lui demander son aide344.

  • 345  C’est du moins l’avis de St. Gsell (1913-1930, I, p. 331-332), suivi par V. Kontorini (1975, p. 94 (...)
  • 346  Salluste, Bell. Iug., XVII, 8 et XVIII.
  • 347  Pline (HN, XVIII, 22) rapporte que les fonds des bibliothèques de Carthage sont abandonnés aux roi (...)
  • 348  Infra, p. 145, n. 259.
  • 349  Camps 2000, p. 3464.

150Hiempsal II passe pour être l’auteur des Livres puniques345. Salluste rapporte leur avoir emprunté un récit sur les prétendues origines des peuples africains. L’expression dont se sert Salluste, Libri punici qui regis Hiempsalis dicebantur, prête à confusion346. Elle amène à se demander si ces livres ne désignent pas plutôt ceux qui sont remis par Scipion Émilien aux rois numides après la chute de Carthage347. Si Hiempsal en est bien l’auteur, et non le simple détenteur, il faudrait alors déterminer de quel Hiempsal il s’agit. Leur attribution à Hiempsal II repose sur le fait qu’il est vraisemblablement un homme lettré : il établit des relations avec Rhodes, une cité renommée pour son rayonnement culturel348. Le roi Hiempsal I n’a quant à lui laissé que peu de traces dans l’histoire. Pourtant, G. Camps a fait remarquer que si l’auteur des Livres puniques était Hiempsal II, cela voudrait dire que ces ouvrages ont été rédigés moins d’une trentaine d’années avant la venue de Salluste en Afrique. Dans ce cas, l’historien latin aurait sans doute mentionné plus explicitement l’œuvre et l’identité d’un auteur qui était presque son contemporain349. La remarque, pertinente, incite davantage à identifier le roi cité par Salluste à Hiempsal I.

  • 350  Tite-Live, Epit., LXXXIX ; Plutarque, Pompée, 12. Paul Orose (Adv. Pagan., V, 21,14) et Eutrope (V (...)
  • 351  Paul Orose, Adv. Pagan., V, 21, 14 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 282.
  • 352  Types Mazard n° 94-98 ; Coltelloni-Trannoy 1999, p. 68-69.
  • 353  Avis partagé par J. Alexandropulos (2000, p. 189, n. 11) et G. Camps (Camps 2000, p. 3464).
  • 354  Alexandropoulos 2000, p. 188 et 191.
  • 355  Camps 2000, p. 3464. J. Mazard classe plusieurs séries monétaires dans la catégorie des émissions (...)

151En 81 av. J.-C., Hiempsal II est détrôné par Hiarbas, un partisan de Marius qui, d’après les informations éparses dans les textes, établit sa capitale à Bulla Regia350. C’est en tout cas dans cette ville qu’il retourne, quand il s’enfuit devant Pompée puis devant le prince Bogud, le premier venant de la région d’Utique, le second de la Maurétanie351. J. Mazard attribue à cet usurpateur des monnaies sur lesquelles apparaît notamment l’effigie de l’Afrique coiffée de la dépouille d’éléphant (fig. 14), représentation qui, pour M. Coltelloni-Trannoy, aurait pour fonction de légitimer sa prise de pouvoir352. Toutefois, la pertinence de cette remarque est fragilisée par l’absence totale de légende au nom du souverain sur ces types353. Ces émissions, dont l’iconographie révèle à la fois l’influence de la Maurétanie et de la Numidie orientale, sont classées par J. Alexandropoulos dans la catégorie des monnaies incertaines de Numidie occidentale et datées du milieu du Ier siècle av. J.-C354. Ainsi, le buste de l’Afrique les rapproche géographiquement et chronologiquement des monnaies de Juba I, tandis que la présence d’un motif en forme de zig-zag rappelle les monnayages maures. La facture de l’effigie royale peut être prêtée quant à elle aux deux régions numides en question. Comme le type Mazard n° 98 laisse apparaître la légende IL, nous sommes tentée, suivant G. Camps, de l’attribuer à Hiempsal II (Iemsal)355, une identification qui concorde en outre avec la datation proposée pour ces séries monétaires.

  • 356  Appien, Bell. civ., I, 80 ; Salluste, Hist., I, 53 (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 281, n. 10) ; Plu (...)
  • 357  Cicéron, In Vatinium, 5, 12 ; Dion Cassius, XLI, 41, 3.

152En 81 av. J.-C., Hiempsal II est rétabli sur le trône grâce à l’aide de Pompée356. Il est assurément encore au pouvoir en 62 av. J.-C. et règne probablement jusqu’en 50 av. J.-C., année durant laquelle nous savons que son fils, Juba I, détient le pouvoir357. Il n’y a pas lieu de faire débuter le règne de Juba I en 60 av. J.-C., comme il est couramment fait mention dans la littérature scientifique. À notre connaissance, cette datation ne repose sur aucune donnée.

  • 358  ILAlg. I, 1242 (supra, p. 70-72).
  • 359  Infra, § 1.3.5.2.
  • 360  Supra, p. 70-72.

153Hiempsal II gouverne la Numidie de l’est (pl. IX), d’après la dédicace de Thubursicu Numidarum (Khamissa) et le fait qu’il rétablit la souveraineté numide sur la région située entre l’oued Siliana et l’oued Tessa, peuplée de Gétules depuis 103 av. J.-C.358. Si la limite orientale de son territoire doit être matérialisée par la Fossa Regia, la limite occidentale demeure mal assurée. Les informations dont nous disposons sur le règne de son successeur Juba I invitent néanmoins à penser que ce territoire ne dépasse pas l’oued Ampsaga359. Au sud-est, il demeure difficile de délimiter l’extension du royaume. Le seul élément que l’on puisse évoquer à ce sujet, qui n’est guère explicite, concerne l’épisode de la fuite de Marius en 88 av. J.-C., avec la mention de la poursuite de son fils par les cavaliers de Hiempsal II jusqu’au littoral situé en face des îles Kerkennah : ces détails pourraient sous-entendre que la Petite Syrte est encore sous domination numide. L’ampleur des territoires localisés le long du littoral de la province romaine, que Hiempsal II tente de garantir contre une reprise, reste également imprécise360.

1.3.5.2. L’État vassal de Massinissa II (81-46) et le royaume massyle de Juba I (50-46) sous le joug des Romains et des Maures

1.3.5.2.1. De Mastenissa à Massinissa II : retour sur une confusion historique

  • 361  De vir. ill., 77.
  • 362  Supra, § 1.2.2.
  • 363  Appien, Bell. civ., IV, 54. L’auteur l’appelle Masanassès, équivalent grec de la forme latine Mass (...)
  • 364  Supra, p. 47.
  • 365  Bell. Afr., XXV, 2-3 ; Camps 1984, p. 308 et 310 ; Id. 1999b, p. 832 ; Id. 2001, p. 77.
  • 366  Supra, p. 79.

154Alors qu’Appien, Salluste, Plutarque et Paul Orose nous informent que Hiempsal II recouvre le pouvoir en 81 av. J.-C. grâce au soutien de Pompée, l’auteur du De viris illustribus rapporte que le chef militaire romain rend la Numidie à un certain Massinissa361. Cette remarque suggère que ce dernier règne aux côtés de Hiempsal II, l’un et l’autre étant alors renversés par Hiarbas. D’autre part, Appien nous indique qu’un souverain du nom de Massinissa, père du futur roi Arabion, est détrôné en 46 av. J.-C. Il n’y a pas lieu d’appeler le père d’Arabion « Mastenissa ». Cette dénomination, fréquente dans la littérature scientifique, résulte d’une attribution des monnaies à légende MŠTNSN à Massinissa II, qu’il faut désormais rejeter car elles sont attribuables à Sosus362. Le Massinissa cité par Appien doit donc s’identifier à celui du De viris illustribus363. Cette hypothèse est a priori contredite par le récit de Cicéron, lequel ne fait pas référence au royaume de Massinissa II lors de la traversée de Vatinius en 62 av. J.-C.364. Ce silence pourrait s’expliquer par la situation de Massinissa II, qui règne sur un royaume vassal des Massyles de l’est, détaché de la Numidie traditionnelle qu’il administre depuis 81 au moins et jusqu’en 46 av. J.-C. Cette hypothèse a été formulée par G. Camps qui souligne ainsi que, d’après le Bellum Africum, Bocchus II et Sittius, venant de Maurétanie, pénètrent directement dans les États de Juba I, comme si le territoire soumis à Massinissa II faisait intégralement partie du royaume numide365. Le fait même que Cirta et une partie du territoire de Massinissa II soient plus tard réunies sous la domination de Sittius, ainsi que l’absence de frappes monétaires au nom de Massinissa II puis de son fils Arabion tendraient à confirmer cette opinion. Rappelons toutefois qu’aucune monnaie n’est non plus attribuable à Masteabar et que les émissions au nom du roi Hiempsal II demeurent mal assurées366. On ne tire évidemment pas les mêmes conclusions à partir de cette constatation, puisqu’il est certain que les deux hommes sont issus de la dynastie royale massyle.

  • 367  Appien, Bell. civ., IV, 54.
  • 368  L’étendue de ce territoire a déjà été perçue ainsi par St. Gsell (Gsell 1913- 1930, VII, p. 291-29 (...)

155Le récit d’Appien ne permet pas de douter que Massinissa II est souverain et l’auteur qualifie explicitement son fils Arabion de roi367. Mais Ascalis était, de la même façon, qualifié de roi par Plutarque, alors qu’il s’identifie plus vraisemblablement à un prince local de Maurétanie. Massinissa II et Arabion seraient également des princes. L’analyse des importantes modifications politiques et territoriales en Numidie à la suite de la victoire de César en 46 av. J.-C. conduit à localiser la principauté de Massinissa II dans l’ouest de la Numidie (pl. IX), depuis l’embouchure de l’oued Soummam à l’ouest, au contact de la Maurétanie, au fleuve Ampsaga à l’est, à la limite du royaume de Juba I368.

1.3.5.2.2. Juba I et la disparition du royaume de Numidie orientale

  • 369  Les récits diffèrent sur la façon dont il met fin à ses jours (Bell. Afr., XCI ; Florus, II, 13, 6 (...)
  • 370  Types Mazard n° 84-93 ; Alexandropoulos 2000, p. 173-186.

156Les sources littéraires anciennes nous informent donc que Juba I, fils de Hiempsal II, règne depuis 50 au moins, jusqu’en 46 av. J.-C. Après la victoire des césariens à Thapsus, le roi numide tente de se réfugier à Zama mais les habitants, informés de sa défaite, lui interdisent l’entrée. C’est alors qu’il se donne la mort369. Outre ces récits, son règne est attesté par de nombreuses séries monétaires frappées au nom du souverain370 (fig. 14).

  • 371  Supra, § 1.2.3.
  • 372  Bell. Afr., LXXVII, 2 ; Strabon, XVII, 3, 12.
  • 373  Bell. Afr., XCVII, 1-3 ; César, Bell. civ., II, 38, 1.

157Depuis le fleuve Ampsaga, le royaume de Juba I doit s’étendre vers l’est jusqu’à la Fossa Regia371 (pl. X). Le roi massyle possède Thaenae, située à la limite de la frontière romaine, tout du moins en 46 av. J.-C.372. Il s’empare par ailleurs de Leptis Magna. Cet acte de reconquête pourrait indiquer qu’il a en outre hérité des Emporia de la Petite Syrte, précédemment aux mains des Massyles. Après la défaite du roi numide, la partie orientale de son royaume est annexée et constitue la nouvelle province d’Afrique, tandis que la partie occidentale est remise à Sittius373 (pl. XI).

1.3.5.3. Le règne d’Arabion ou le dernier souffle de la monarchie numide (44-41)

  • 374  Voir en particulier Appien, Bell. civ., IV, 53-56 ; Dion Cassius, XLVIII, 21-22.
  • 375  Contra J. Mazard (1955, p. 55). J. Mazard attribue à Arabion deux monnaies à l’effigie imberbe por (...)

158Les rares informations dont nous disposons sur le dernier roi numide sont transmises par Appien et Dion Cassius374. Aucun témoignage archéologique ne permet de confirmer ou de mieux cerner son règne375.

  • 376  Supra, p. 51-52.
  • 377  Bell. Afr., XCVI, 1.
  • 378  Gsell 1913-1930, VIII, p. 159 et 184.
  • 379  Infra, p. 167.

159Aussitôt après la mort de César, Arabion récupère vraisemblablement l’intégralité du territoire de son père376, tandis que les Sittiani conservent la totalité de leur territoire à l’est de l’Ampsaga (pl. XII). Ces voisins des Numides sont alors implantés jusqu’à un point inconnu situé entre Rusicade (Ras Skikda) et Hippo Regius. Cette dernière, dont Sittius s’empare à la fin du conflit, est en effet rétrocédée à l’Africa nova377. C’est sans doute en 44 av. J.-C., à la mort de Sittius, que le territoire des Sittiani est rattaché à la province romaine d’Afrique, décision qui aurait permis de le protéger contre les éventuelles convoitises d’Arabion378. Le souverain numide périt vraisemblablement en 41 av. J.-C. dans le conflit qui voit s’opposer Sextius et Fango, gouverneurs de l’Africa379. Ainsi disparaît définitivement le royaume numide, dès lors annexé aux territoires de Bocchus II.

160Entre 88 et 46 av. J.-C., le royaume des Massyles de l’est est ainsi détenu par Hiempsal II puis Juba I, tandis qu’entre celui-ci et la Maurétanie s’étend manifestement un territoire administré par Masteabar puis Massinissa II, lequel est reconquis par les Numides et gouverné par Arabion de 44 à 41 av. J.-C.

  • 380 Infra, § 2.2.1.2.

161Des témoignages permettent d’affirmer que les souverains Masteabar, Hiempsal II et Juba I appartiennent à la dynastie royale massyle. En revanche, nous n’avons aucune information sur les liens de parenté pouvant unir Masteabar à Massinissa II et à son fils Arabion. D’après ce que nous savons des modes de succession au sein de la monarchie numide, nous pourrions supposer que Masteabar est le père de Massinissa II. L’existence vraisemblable de principautés au sein du royaume380 laisse présager que Massinissa II et Arabion sont bien à la tête d’un royaume vassal de la dynastie massyle dont Juba I serait de fait le dernier roi.

Conclusion

162La restitution de la généalogie des rois nord-africains et de l’évolution des territoires dominés par ces derniers repose encore sur un grand nombre d’hypothèses. Au terme de cette étude, il n’y a cependant plus lieu de douter de l’existence et de la longévité des dynasties royales maure et massyle, même si, en Maurétanie, les liens de parenté ne sont véritablement démontrés qu’entre Sosus et Bocchus II. Les constatations émises quant aux noms des souverains et à l’hérédité du pouvoir royal renforcent cette interprétation.

163L’apparition tardive du royaume maure dans la tradition littéraire s’explique par la neutralité de ses souverains dans les conflits méditerranéens jusqu’à la guerre de Jugurtha. À l’inverse, l’implication des rois numides dans les guerres puniques, et ce dès la fin du IIIe siècle av. J.-C., nous permet de mieux cerner l’histoire de la monarchie massyle. Toutefois, cette histoire est plus difficile à reconstituer au Ier siècle av. J.-C., au moment où les rois numides participent pleinement aux guerres civiles romaines. En l’absence de données archéologiques suffisantes, l’historien demeure tributaire des récits des auteurs anciens. Focalisés sur les faits militaires, ces derniers ne nous fournissent pas explicitement la liste et la chronologie des règnes qui se succèdent. L’appartenance de Massinissa II et d’Arabion à la dynastie massyle est douteuse et l’existence de rois vassaux au moins depuis le début du Ier siècle av. J.-C. est plus vraisemblable, tout comme en Maurétanie à la même époque.

164Les limites des royaumes maure et numide ne sont généralement pas indiquées dans les récits anciens. Quand elles le sont, l’historien peine parfois à définir ces tracés dans leur intégralité. Une autre difficulté relève de la mouvance de ces territoires qui, souvent dirigés par des rois de nature belliqueuse ou ambitieuse, évoluent au gré des alliances ou des conflits entre peuples voisins qui s’accentuent dans le contexte des guerres civiles romaines.

  • 381  St. Gsell a réuni les rares indications relatives à ces tribus. Il est à noter que le terme Gétule (...)
  • 382  Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 70 ; Desanges 1999, p. 29-33.
  • 383  Bell. Afr., XXV, 2 ; Gsell 1913-1930, V, p. 111 ; Desanges 1980a, p. 343.
  • 384  Remarque également formulée par G. Camps (1960a, p. 155).
  • 385  Gascou 1970, p. 732-734 ; Apulée, Apologie, XXIV, 1.
  • 386  Strabon, XVII, 3, 19.
  • 387  Table de Peutinger, segment IV, 2.
  • 388  Bell. Afr., LXVII ; Virgile, Énéide, V, 192 ; Florus, II, 31.
  • 389  Supra, p. 63, 71-72.

165Par ailleurs, les limites méridionales de ces royaumes nous échappent. Elles devaient être fixées là où commençait l’aire de domination des Gétules. Nous ne trouvons pas mention de ce peuple avant la guerre de Jugurtha et leur localisation approximative, au nord de la lisière saharienne, tend à révéler la méconnaissance des auteurs anciens à leur sujet381. Toutefois cette limite n’était probablement pas précisément établie382. À l’est, St. Gsell et J. Desanges estiment que de l’époque de Marius à celle de César les Gétules ne sont pas très éloignés de Cirta. L’auteur du Bellum Africum nous informe en effet que, pendant la guerre civile, deux « villes gétules » sont prises par Sittius après l’occupation de Cirta383. L’affirmation ne signifie pas pour autant que ces villes sont à proximité de la cité numide384. Cependant J. Gascou relève la présence d’un assez grand nombre d’individus appelés Gaetulus ou Gaetulicus dans la confédération cirtéenne et Apulée, originaire de Madaure, se qualifie de semi-Numide, semi-Gétule385. Néanmoins, il faut manifestement situer l’aire d’implantation originelle des Gétules plus au sud. Ainsi Strabon signale entre la Gétulie et le littoral méditerranéen beaucoup de plaines et de montagnes, voire des grands lacs et des fleuves dont le cours est parfois brusquement interrompu et se perd sous terre386. La Table de Peutinger permet par ailleurs de localiser leur aire de peuplement entre Théveste (Tebessa) et Thelepte (Medinet el-Kdima), en passant par Capsa387. Plus à l’est, la ville d’Aggar, établie dans la province d’Afrique à la même latitude que la sebkha de Sidi El-Hani, est victime des incursions des Gétules, qui atteignent par ailleurs le littoral des Syrtes388. Les steppes et les régions désertiques doivent donc correspondre à leur principale région de domination. Au sud-ouest de Kairouan, la cité d’Aquae Regiae, et plus à l’ouest, à peu près à la même latitude que cette dernière, celle de Thala, sont incluses au sein du royaume numide389. Elles doivent donc occuper une zone située à la limite des territoires gétules.

  • 390  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7.
  • 391  Élien, Nat. Anim., VII, 23.
  • 392  Bell. Afr., LV.

166Les souverains numides sont amenés à étendre leur souveraineté sur ce peuple. Selon Salluste, une grande partie des Gétules obéit à Jugurtha et, en effet, Capsa lui appartient390. Juba I semble quant à lui avoir peiné à maintenir son autorité sur ce peuple. Nous savons ainsi que le souverain numide a entrepris une longue expédition dans le sud contre des tribus rebelles qui pourraient bien s’identifier aux Gétules391. Assurément, pendant que Juba I est en guerre contre César, des Gétules se soulèvent et le roi doit détacher une partie de ses forces pour protéger son royaume392.

  • 393  Strabon, XVII, 3, 5 : « Bogos, roi de Maurusie, après une guerre contre les Éthiopiens occidentaux (...)
  • 394  Voir la synthèse sur la connaissance de ces établissements, cf. Bridoux 2008b, p. 369-426.
  • 395  Pline, HN, V, 5 et 17. E. Frézouls montre que les Autololes occupent le territoire qui s’étend ent (...)

167Du côté de la Maurétanie, seule une indication de Strabon peut être évoquée. L’auteur rapporte que le roi Bogud marche contre les Gétules qu’il faut probablement, d’après ce récit, localiser dans le Sous393. Cette expédition n’a sans doute pas pour but de repousser les limites de son territoire. En effet, la répartition des établissements attestés à cette époque incite à fixer la limite méridionale de ce royaume au sud d’une ligne formée par les sites de Sala (actuelle Rabat) et de Volubilis394. Cela nous est confirmé par un passage de Pline, selon lequel Sala est exposée aux attaques de la tribu (gétule) des Autololes395.

Anmerkungen

1  Ces témoignages épigraphiques nous renseignent sur l’orthographe punique et grecque du nom du souverain. Sur l’inscription de Thugga, RIL 2. Sur les inscriptions de Délos, Homolle 1878, p. 400 ; Id. 1879, p. 469-470 ; Hatzfeld Roussel 1909, p. 484-489.

2  Tite-Live, XXVII, 19 : « Gala, roi des Numides » ; Tite-Live, XXIV, 48 : « Gala, qui régnait sur une autre partie de la Numidie, dont les peuples se nomment Massyliens ». Le nom du souverain apparaît également dans Tite-Live, XXIV, 49 ; XXVII, 5 ; XXIX, 29, 30 et 31. Sur les différentes transcriptions du nom du roi en grec et en latin, Gsell 1913-1930, III, p. 96 ; Desanges 1980a, p. 335.

3  Tite-Live, XXIV, 49.

4  Tite-Live, XXIX, 29.

5  Tite-Live, XXIX, 30.

6  Cette attribution revient à G. Camps (Id. 1981, p. 1-5 ; Id. 1993, p. 1771- 1772). J. Mazard, malgré l’identification des deux lettres puniques, se refuse à les attribuer à Capussa, sans en préciser davantage les raisons (type Mazard n° 41). J. Alexandropoulos ne se prononce pas sur cette question et n’émet par ailleurs aucune hypothèse de datation (Alexandropoulos 2000, p. 397). Ces monnaies proviennent d’une épave du Lavandou (Charlin – Gassend – Lequément 1978, p. 10-93) et du trésor de Mezin en Croatie, la troisième étant conservée au médailler du musée d’Alger.

7  Appien rapporte que Massinissa est emmené en Espagne par Asdrubal (Appien, Lib., 10). Selon le même auteur, Asdrubal y serait venu après la guerre des Carthaginois contre Syphax, qui prend fin en 212 av. J.-C., et un certain temps avant le désastre des Scipion, qui a probablement lieu en 211 av. J.-C. (Appien, Iber., 16 ; Gsell 1913-1930, III, p. 183, n. 3). Voir aussi Tite-Live, XXIV, 49. Erreur de Tite-Live (XXVIII, 16) qui indique que « les Carthaginois furent chassés d’Espagne, la quatorzième année depuis le début de la guerre », ce qui nous place en l’an 205. En XXVIII, 10, il parle bien de la treizième année (206). Voir les commentaires de P. Jal (traduction du livre XXVIII de Tite-Live, p. XXIX-XXXI).

8  Tite-Live, XXVIII, 13 et 16. Voir les commentaires de P. Jal (traduction du livre XXVIII de Tite-Live, p. XXX-XXXI).

9  Nous pouvons d’ailleurs penser, suivant St. Gsell, que ce premier séjour en Afrique a davantage pour but de venir saluer Oezalcès, récemment proclamé souverain (Gsell 1913-1930, III, p. 188, n. 2).

10  Selon Tite-Live (XXVIII, 35), le prince Massinissa rentre à Gadir après son séjour en Afrique tandis que Scipion rentre à Rome à la fin de l’année 206. Le retour du Massyle en Espagne ainsi que la rencontre avec Scipion sont niés par P. Walsh, pour qui Massinissa est resté en Afrique. Cependant l’auteur date la bataille d’Ilipa de 207. Il s’étonne, de fait, que Massinissa ait attendu un an après la bataille en question pour rencontrer Scipion et en conclut que cette entrevue est inventée (Walsh 1965, p. 150). Notons qu’Appien (Iber., 37 et Lib., 10) et Silius Italicus (XVI, 115-169) mentionnent aussi cette entrevue en Espagne.

11  Tite-Live, XXIV, 48 : « Syphax, roi des Numides » ; Tite-Live, XXVIII, 17 : Scipion décide « de sonder d’abord le roi Syphax. C’était le roi des Masaesyles ». Le nom du roi apparaît à maintes reprises dans les livres XXIX et XXX. Polybe (XVI, 23) et Polyen (VIII, 16, 7) indiquent également que Syphax était roi des Masaesyles. Syphax est qualifié à tort de roi des Massyles par Silius Italicus (XVI, 170, 234, 258 et XVII, 110). Les séries monétaires correspondent aux types Mazard n° 1 à 12.

12  Contra Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1403-1404.

13  Infra, p. 54.

14  Tite-Live, XXX, 45 ; Appien, Lib., 28.

15  Tite-Live, XXIX, 30 : « Le roi des Maures était à cette époque Baga ».

16  Justin, XIX, 2 et 3 ; Diodore, XIII, 80. Sur les différentes transcriptions du terme maure, Gsell 1913-1930, V, p. 88 ; Desanges 1962, p. 35.

17  Diodore, XX, 17-18 et 57. St. Gsell était déjà enclin à identifier Tocaï à Thugga (Gsell 1913-1930, III, p. 49-50). Voir aussi Camps 1960a, p. 159 ; Id. 1986, p. 325-326. Contra Ch. Tissot (1884, p. 539) qui l’identifie à Tucca Terebinthina, située à l’ouest de Mactar, ce qui paraît peu probable car il s’agit d’une petite cité.

18  Infra, § 1.1.3.1.

19  Tite-Live, XXIX, 30.

20  RIL 2. L’inscription du monument de Massinissa I à Thugga mentionne Zilalsan en tant que sufète (infra, p. 106).

21  Polybe, I, 78 : Naravas est « un Numide des plus illustres, un homme plein de fougue guerrière, qui avait toujours été favorable aux Carthaginois à l’exemple de son père ».

22  Polybe, XV, 18.

23  Camps 1973a, p. 510 ; Id. 1995, p. 243-247.

24  Infra, p. 128-129.

25  Hégésianax, 11, dans FHG, III, p. 70 ; Gsell 1913-1930, V, p. 98.

26  Justin, XXI, 4.

27  Sur l’extension progressive de ce terme, Gsell 1913-1930, V, p. 94-95 ; Camps 1954, p. 253-254 ; Id. 1967, p. 29 ; Février P.-A. 1985, p. 291-306.

28  Plutarque, De mul. virt., 10 ; Polybe, III, 33.

29  Justin, XVIII, 6 ; Desanges 1967, p. 304-308 ; Picard G.-Ch. 1966, p. 1257- 1265. Sur l’existence probable de rois libyens dès l’époque des navigations phéniciennes, voir aussi Decret – Fantar 1981, p. 68-70.

30  Gsell 1913-1930, III, p. 174-175 ; Camps 1960a, p. 160-161 et 174-175 ; Id. 1967, p. 62-63 ; Desanges 1978a, p. 646 ; Decret – Fantar 1981, p. 100 ; Coltelloni – Trannoy 1997a, p. 76.

31  Infra, § 1.1.3.

32  Tite-Live, XXIX, 31 ; Camps 1960a, p. 178-182 ; Id. 1967, p. 32-37 ; Id. 1980, p. 95-98.

33  Tite-Live, XXIX, 30 et XXX, 11 ; Appien, Lib., 27 ; Zonaras, IX, 13.

34  Pomponius Mela, I, 30.

35  Tite-Live XXX, 11 et 12.

36  Infra, § 1.1.3.1.2.

37  Tite-Live, XXX, 44 : Scipion déclare, au nom du peuple romain, « qu’il ajoutait aux états que Massinissa tenait de ses pères, Cirta et les autres villes et provinces de Syphax, dont les armes romaines l’avaient rendu maître ».

38  Infra, p. 152-154.

39  Cf. Appien, Lib., 106 ; Strabon, XVII, 3, 13 ; Paul Orose, Adv. Pagan., V, 15, 10. Sur les attributions de ces tombeaux, infra, § 2.2.2.2.2.

40  Camps 1961, p. 120-121, 145-146, 409-411 et fig. 2 ; Id. 1973b, fig. 2.

41  Pline, HN, V, 30. La localisation de ces peuples est établie à partir des indications géographiques de Ptolémée (IV, 3, 5) et les données épigraphiques de l’époque romaine (Lancel 1955, p. 289-298). Desanges 1978a, p. 646-647 ; Id. 1980a, p. 333-337. Sur l’identification du fleuve Ampsaga, infra, p. 25.

42  Infra, § 1.1.3.1.3.

43  Apulée, Apologie, XXIV : « Non pas pourtant que j’aie jamais eu la pensée de rougir de mon pays, dût-il appartenir encore à la domination de Syphax ; mais on sait que, quand ce prince fut vaincu, le peuple romain fit présent de notre province au roi Massinissa ».

44  ILAlg. I, 1242.

45  Camps 1999a, fig. 2.

46  Gsell – Joly 1914, p. 11-20.

47  Appien, Lib., 54. Voir aussi Appien, Lib. 32 et 59. Les fragments d’un historien grec, Eumachos, font également état d’un fossé creusé par les Carthaginois tout autour de leur territoire (FHG, III, p. 622).

48  Tite-Live, XXX, 9.

49  Appien, Lib., 54 (discours de Scipion) : « dans les soixante jours (à compter de la conclusion de la paix), il faudra que Magon quitte la Ligurie et que vous retiriez les garnisons des villes situées à l’extérieur des “fosses phéniciennes” ». « Vous conserverez votre cité et le territoire que vous possédiez, en deçà des “fosses phéniciennes”, à l’époque où je passais en Afrique ». Polybe et Tite-Live font état de ce traité mais ne font pas référence aux « fosses phéniciennes » et ne précisent ni les limites assignées à Carthage ni la localisation des terres que celle-ci devait rendre à Massinissa I (Polybe, XV, 18 ; Tite-Live, XXX, 37).

50  Appien, Lib., 68-69. Sur l’étendue et la chronologie des usurpations effectuées par Massinissa entre 201 et 146 av. J.-C., infra, § 1.3.1.

51  Beschaouch – Mahjoubi – Picard G.-Ch. 1963, p. 124-130. Ch. Tissot (1884, p. 47 ; Id. 1888, p. 4) et G. Camps (1960a, p. 194) la situaient en Kroumirie, tandis que St. Gsell la localisait dans la région de Thugga (1913-1930, II, p. 110 ; Id. 1913-1930, III, p. 321 ; Id. 1905, p. 10-11).

52  Traduction établie par M. Sznycer (1997, p. 134), à la suite des premières lectures de l’inscription par J.-B. Chabot (1943-1945, p. 64-67) puis J.-G. Février (1951-1952, p. 116-119 ; 1957, p. 119-124).

53  Picard G.-Ch. 1966, p. 1262-1265. L’existence d’une autre circonscription carthaginoise dans la région de Thysdrus est par ailleurs probable. Polybe, dans son livre XII, définit la Byzacène comme une Chôra proche des Syrtes. Le terme employé semble bien désigner en grec l’équivalent du RST punique et correspondre à une circonscription administrative.

54  Tite-Live, XXX, 8 et 9. Voir aussi Polybe, XIV, 7 à 9 ; Tissot 1884, p. 61-63 et 556-557 ; Id. 1888, p. 5 et 264 ; Gsell 1913-1930, II, p. 96 ; Id. 1913-1930, III, p. 230.

55  Sur le tracé de la Fossa Regia, infra, § 1.3.2.2.

56  Contra J.-G. Février (1951-1952, p. 116-121 ; Id. 1957, p. 119-124) qui propose comme lecture de l’inscription du djebel Massouge : « À partir de la pierre qui est auprès du tombeau et jusque vers (?) cette pierre-ci (il y a) deux cent quarante stades ». L’auteur pense que le tombeau choisi pour repère est celui de Thugga.

57  M’Charek 1999, p. 139-183.

58  Sur l’identification de Zama Regia, Ferjaoui 2001, p. 837-864.

59  Selon J.-B. Chabot, « sur l’emplacement où on a trouvé cette pierre, qui est situé près d’un point d’eau, les Romains ont postérieurement bâti des constructions » (Chabot 1943-1945, p. 64). Selon P. Cintas, l’emplacement est situé non loin de la crête du djebel Massouge, au-dessous de l’indication « RR aqueduc » sur la carte au 200 000e, feuille de Mactar (dans Picard G.-Ch. 1966, p. 1257,

60  AE, 1949, 108 et 109 ; Beschaouch 1995, p. 42 ; M’Charek 1999, p. 145.

61  J.-B. Chabot émet déjà l’hypothèse que la borne de Micipsa est une pierre de bornage placée à la limite d’un domaine royal (1943-1945, p. 64-65).

62  Bell. Afr., XCVII.

63  Romanelli 1959, p. 131-132 ; Lassère 1977, p. 146.

64  Beschaouch 1995, p. 42.

65  Vitruve, VIII, 3, 24.

66  Ferchiou 1986, p. 351-365 ; Id. 1990a, p. 107-115.

67  L’auteur se réfère en particulier à la borne-limite de Henchir Abd es-Selam (CIL VIII, 23395), qui marquerait la limite entre des terres impériales et le territoire de Chusira (Kessera) situé dans le sud de la Thusca, ainsi qu’à la borne de Ouesslatia (AE, 1946, 75 et 76), qui marquerait la limite entre des terres impériales situées au sud de la Thusca et un grand domaine privé autonome, celui de Gallikanus (M’Charek 1999, p. 152-158).

68  Sur cette permanence, infra, § 2.2.2.1.

69  Phénomène préalablement souligné par St. Gsell (1913-1930, II, p. 102 ; Id. 1905, p. 360-361). Diodore, IV, 18, 3 : « Cette ville se maintint dans un état florissant jusqu’au temps assez rapproché de nous où les Carthaginois l’attaquèrent avec des forces considérables commandées par des généraux habiles, et s’en rendirent maîtres » ; Diodore XXIV, 10, 2. Voir aussi Polybe (I, 73) qui rapporte que les Carthaginois confient à Hannon la tâche de soumettre la région d’Hécatompylos. Sur l’identification de Théveste à Hécatompylos, Gsell 1913-1930, II, p. 95-96 ; Id. 1905, p. 356.

70  Polybe, I, 66 et 67.

71  Cornélius Nepos, Hamilcar, II, 5 ; Diodore, XXV, 10, 3.

72  Appien, Lib., 10, 37 et 39. Sur l’année de naissance de Massinissa, Gsell 1913-1930, III, p. 182, n. 3.

73  Tite-Live, XXIX, 29.

74  Appien, Lib., 10 et 79 ; Tite-Live, XXIV, 49.

75  Strabon, XVII, 3, 9 et 13. Timosthène (d’après Strabon) situe le Metagonium en face de Marseille, une localisation qui concorde avec la description de Pomponius Mela (Strabon, XVII, 3, 6 ; Pomponius Mela, I, 33). Sur les différentes désignations du Metagonium, infra, p. 30-31. Le cap Trêton est également mentionné par Ptolémée (IV, 3, 2) qui intervertit cependant les positions respectives du cap et de Collo, situant par erreur cette ville à l’ouest du cap Trêton et non à l’est. Tissot 1884, p. 151-152 ; Gsell 1913-1930, II, p. 155-156 ; Id. 1905, p. 37 ; Camps 1960a, p. 167-168 ; Id. 1973b, p. 62-63 ; Desanges 1980a, p. 188.

76  Infra, p. 52.

77  Selon Victor de Vita (II, 14), Cirta est sise sur l’Ampsaga. CIL VIII, 5884 ; Camps 1973b, p. 60. En aval, la branche occidentale du système fluvial est peut-être parfois tenue pour le fleuve Ampsaga et l’oued Endja aurait donc pu constituer une partie de celui-ci. Une inscription trouvée à Aïn Aziz Ben Tellis, à une quinzaine de kilomètres au nord de Saint-Donat, semble fixer l’origine du fleuve à cet endroit, c’est-à-dire à la source de l’oued Dekri, affluent du moyen Rhumel (AE, 1913, 225 ; Desanges 1980b, p. 88 ; Id. 1980a, p. 175).

78  Supra, § 1.1.3.1.1.

79  Supra, p. 11-12.

80  RIL 2. L’inscription est gravée en l’an 10 du règne de Micipsa et peut donc être datée de 139 av. J.-C.

81  Infra, § 2.2.1.1.

82  Camps 1961, p. 53-54, 120 et fig. 2 ; Id. 1973b, fig. 2 et 3.

83  Sur ces petits hypogées de l’Afrique du Nord, de forme généralement cubique, voir notamment Camps – Longerstay 2000, p. 3361-3387.

84  Infra, § 1.3.1.

85  Strabon, XVII, 3, 6 et 9.

86  Desanges 1980a, p. 188. Ch. Tissot (1878, p. 148-150) l’identifie au cap de l’Agua mais celui-ci apparaît beaucoup trop modeste pour avoir servi de repère. Sur les différentes désignations du Metagonium, infra, p. 30-31.

87  Voir les remarques de G. Camps (1960a, p. 135-146 et p. 167 ; Id. 1973b, p. 62).

88  Pline, HN, V, 19 ; Pomponius Mela, I, 29. Sur l’identification de Portus Magnus, Gsell 1911, f° 21, n° 6 ; CIL VIII, 9759, 21613, 21614.

89  H. Tauxier (1885, p. 41-69) considère sans valeur l’indication de Strabon ; contra Ch. Tissot (1878, p. 142-147).

90  Pline, HN, V, 18 ; Ptolémée, IV, 1, 3-4 ; IV, 2, 1. L’Itinéraire d’Antonin (It. Ant., 11, 6-12, 2) y fixe également la frontière entre la Maurétanie tingitane et la Maurétanie césarienne. Pomponius Mela ne mentionne pas ce fleuve mais celui-ci apparaît dans les écrits de Paul Orose, de Iulius Honorius et du Géographe de Ravenne sous la forme Malua ou Malba (Paul Orose, Adv. Pag., I, 2, 47 ; Iulius Honorius, Cosm. A 47, dans Geogr. Latini Minores, p. 53 ; l’Anonyme de Ravenne, 3, 8, p. 158).

91  Rebuffat 1971, p. 45-46. L’auteur semble être revenu depuis sur son interprétation, reconnaissant que la Malua de l’Itinéraire d’Antonin peut correspondre au cours de la Moulouya (Rebuffat 1999, p. 276).

92  Gsell 1913-1930, V, p. 91-93 ; Desanges 1980a, p. 150-151 et 154-155.

93  Infra, p. 39-41 et § 1.2.3.

94  Desanges 2001, p. 23.

95  Desanges 1980a, p. 154 ; Id. 2001, p. 23.

96  On considère généralement que la limite orientale de la Maurétanie subsiste à l’emplacement de la Molochath depuis le début du règne de Syphax jusqu’à la fin du règne de Jugurtha. Gsell 1913-1930, V, p. 99-100 ; Camps 1960a, p. 168 ; Decret – Fantar 1981, p. 81.

97  Tite-Live, XXVIII, 17. Signalons tout de même que l’auteur indique précédemment que « les Masaesyles, nation voisine des Maures, habitent un pays qui, pour l’essentiel, fait face à la partie de l’Espagne où se trouve Carthagène ». L’expression « pour l’essentiel » n’incite cependant pas à remettre en question la localisation des Masaesyles dans le Maroc nord oriental.

98  Tite-Live, XXIV, 49 : « Syphax s’échappa de la mêlée, accompagné d’un petit nombre de cavaliers, et se réfugia chez les Maurusiens, peuples qui habitent aux extrémités de l’Afrique, le long des côtes de l’Océan, en face de Cadix. L’affluence des Barbares qui, sur le bruit de son nom, accoururent de toutes parts sous ses drapeaux, lui forma bientôt une armée aussi considérable ». Syphax a pour but de franchir le Détroit, mais Massinissa l’en empêche. J. Desanges propose de voir dans cette armée « des Maurétaniens considérés comme des Numides » qui semblent bien les vassaux de Syphax (Desanges 1968, p. 123 ; Id. 1978a, p. 646). Il en tire plus tard argument pour montrer que Syphax peut apparaître comme une sorte de suzerain dans la région du détroit de Gibraltar et est ainsi le premier à soulever cette hypothèse (Desanges 1980b, p. 79).

99  De vir. ill., 49.

100  Par exemple, Silius Italicus (XVI, 170, 234, 258 et XVII, 110) qualifie à tort Syphax de roi des Massyles.

101  Plutarque, Sertorius, 9.

102  Pline, HN, V, 17 (à propos de la Maurétanie tingitane) : « Voici les peuples qui l’habitent : celui des Maures, jadis le principal d’entre eux - d’où le nom <de Maurétanie> - que la plupart des auteurs ont appelés Maurusii. Diminué par les guerres, il est réduit à un petit nombre de clans. Son voisin le plus proche était le peuple des Masaesyli ; mais il s’est éteint de la même façon ». Ératosthène apud Strabon, III, 5, 5 (à propos de la description de la région du Détroit) : « Certains auteurs pensaient que les Colonnes d’Hercule étaient Calpé et Abilyca : c’est la montagne située en Libye en face de Calpé ; selon Ératosthène, elle s’élève sur le territoire du peuple numide de Metagonium » (Roget 1924, p. 21). Strabon, XVII, 3, 6. Ptolémée, IV, 1, 3 (l’auteur situe par erreur le cap à l’est de la Moulouya, cf. Ptolémée, IV, 1, 5, p. 585 ; Desanges 1962, p. 36). Infra pages suivantes.

103  Polybe, III, 33. Hannibal fait passer des soldats d’Afrique en Espagne, et d’Espagne en Afrique : « Des forces susdites la plus grande partie fut cantonnée dans la Métagonie en Afrique et certaines à Carthage même. Des villes de Métagonie il envoya d’autres fantassins à Carthage, au nombre de 4000, en qualité à la fois d’otages et de réserves ». Ces échanges de troupes sont également signalés par Tite-Live (XXI, 21, cité dans Gsell 1913-1930, II, p. 155-156).

104  Pline, HN, V, 22 : « À partir de l’Ampsaga, c’est la Numidie, rendue célèbre par le nom de Massinissa, contrée que les Grecs ont appelée Métagonite ». Desanges 1980a, p. 188-189.

105  Ex Masaisulis (AE, 1934, 122, p. 34 ; RIL 882 ; IAM I, p. 37-40).

106  Prudence, 45.

107  Geogr. Latini Minores, p. 54.

108  Ptolémée, IV, 2, 5. À condition d’admettre que les Sorae, que Ptolémée situe au nord des Masaesyles, ont bien un rapport avec le nom de la Sira (oued Habra). Desanges 1962, p. 62.

109  Pline, HN, V, 52 (à propos de la source du Nil, située dans une montagne de la Maurétanie inférieure, non loin de l’Océan) : « aussitôt, il (le Nil) s’étale en un lac qu’on appelle Nilis [...]. Sorti de ce lac, il s’indigne de couler à travers des pays sablonneux et arides, et il se cache sur une longueur de quelques jours de marche. Puis il s’élance hors d’un plus grand lac, situé en Maurétanie césarienne dans le pays des Massaesyliens » (Roget 1924, p. 35). Pline, HN, XXI,

110  Camps 1960a, p. 149-150, n. 466 et p. 283 ; Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1412, n. 55.

111  Infra, p. 37, n. 132.

112  Camps 1980, p. 81-84 et 101.

113  Polybe, III, 33, 15 ; Tite-Live XXIV, 45 ; Appien, Lib., 106. Voir aussi Tite-Live, XXI, 12 : « des Maures qui habitaient près de l’Océan » et Coelius (dans H. R. frag., p. 107, n° 55) : Maurusii, qui iuxta Oceanum colunt (Gsell 1913-1930, III, p. 175).

114  La dernière mention du roi massyle en Espagne (fin 206 av. J.-C.) le situe à Gadir (Tite-Live, XXVIII, 35). Diverses légendes et traditions lient Gadir à Lixus, au point qu’on les qualifie de jumelles. Selon les auteurs anciens, les deux villes sont fondées par les Phéniciens à la fin du XIIe siècle av. J.-C. (Strabon, III, 5, 4 ; Velleius Paterculus, I, 2, 3 ; Pseudo-Aristote, Sur les merveilles entendues,

115  Sur les découvertes monétaires, infra annexe 1. A. Siraj a démontré l’existence de routes traversant le Rif au Moyen-Âge (Siraj 1988, p. 314-382). A priori, dans l’Antiquité, rien n’empêche les populations de traverser cette région montagneuse mais les voies maritimes devaient être privilégiées dans le cadre des échanges entre la région du Détroit et le Maroc oriental ou l’Algérie actuels.

116  Infra, p. 53-56.

117  Infra, p. 53-56.

118  Tite-Live, XXIX, 30. Baga fournit alors une armée à Massinissa pour traverser le royaume masaesyle.

119  Tite-Live, XXIX, 4.

120  Appien, Lib., 14 ; Gsell 1913-1930, III, p. 197, n. 1 et V, p. 100. Puisque le départ de Syphax n’est pas attesté ailleurs, P. Goukowsky pense que ce passage a été inspiré à Appien par souci de souligner la versatilité et la fourberie du roi massyle (cf. la traduction de l’Histoire romaine d’Appien, livre VIII (Lib.), p. 137).

121  Contra H. Ghazi-Ben Maïssa (1996, p. 1403-1416) qui estime que le royaume masaesyle a englobé la frange méditerranéenne du Maroc jusqu’au règne de Jugurtha (118-105 av. J.-C.).

122  Ce à quoi G. Camps ajoute que Siga est la véritable capitale de Syphax, ce qui ne constitue pas davantage un argument pour situer ses conquêtes à partir de 206-205 av. J.-C. (Camps 1960a, p. 168-169).

123  G. Camps s’appuie alors sur l’analyse de J. Mazard, selon laquelle ces monnaies sont fabriquées dans un atelier du sud de l’Espagne (Mazard 1955, p. 17). Il faut plus vraisemblablement les attribuer à l’atelier de Siga. Infra, p. 121, n. 150.

124  Supra, § 1.1.3.1.1.

125  Tite-Live, XXIV, 49.

126  À l’inverse, la première série monétaire, d’aspect plus rudimentaire, a dû être frappée à une période antérieure à l’extension du royaume jusque Cirta. Contra H. R. Baldus et L. I. Manfredi qui, constatant l’absence des influences ibériques, proposent d’attribuer cette première série à un possible atelier cirtéen (Baldus 1979, p. 188-190 ; Manfredi 1995, p. 194-195). Notons, à l’appui de nos conclusions, que ces monnaies sont rares dans les confins algéro-tunisiens, alors que des exemplaires ont été retrouvés à Siga même (Alexandropoulos 2000, p. 143). Sur l’adoption d’une monarchie de type hellénistique, infra, § 2.2.2.

127  Périple du pseudo-Scylax dans Geogr. Gr. Min., p. 90 ; Appien, Lib., 57 ; Polybe, III, 39.

128  Diodore (XX, 55 et 57) distingue deux Hippou Acra. La première, entourée d’un lac, s’identifie à Bizerte. L’Hippou Acra mentionnée dans le périple de Scylax semble s’appliquer également à Bizerte. En revanche, Ptolémée (IV, 3, 2) fait référence à un cap signalé sous le nom d’Hippou Acra. Celui-ci semble correspondre au cap de Garde, situé au nord d’Hippone (Gsell 1913-1930, II, p. 149).

129  Cornelius Nepos, Hamilcar, II, 4.

130  Geogr. Gr. Min., p. 90. Un géographe romain mentionne un fleuve Thapsus, près de Rusicade, qui doit donc correspondre à l’oued Safsaf (Geogr. Latini Minores, p. 151).

131  Sur Hippone et Thapsus, Silius Italicus, III, 259.

132  Pline, HN, V, 19 : « la ville de Siga, à l’opposite de Malaca dans l’aire de l’Espagne, résidence royale de Syphax ». Strabon (XVII, 3, 9), à propos de la côte entre la Molochath et le cap Trêton, cite également Siga comme la résidence royale de Syphax. L’atelier monétaire royal de Syphax semble devoir y être localisé, infra p. 121, n. 150. Sur l’identification de Siga, également mentionnée par l’Itinéraire d’Antonin (12, 8, 13, 1) et Ptolémée (IV, 2, 2), cf. Gsell 1911, f°31, n° 1 ; Vuillemot 1971, p. 41-43 ; Desanges 1980a, p. 151-153.

133  Le lieu n’est pas mentionné dans les récits faisant état de cette rencontre : Tite-Live, XXVIII, 17 ; Appien, Iber., 29 et 30 ; Polybe, XI, 24a. St. Gsell et G. Camps situent également l’entrevue à Siga (Gsell 1913-1930, III, p. 176 et 185, n.1 ; Camps 1979, p. 47).

134  Appien, Iber., 15-16 : « les deux Scipions soutinrent la guerre en Ibérie avec Asdrubal pour adversaire, jusqu’au jour où les Carthaginois, auxquels Syphax, le prince des Numides, faisait la guerre, rappelèrent Asdrubal et une partie de son armée, tandis que les Scipions l’emportaient aisément sur le reste ». Tite-Live (XXIV, 48), ne mentionne pas véritablement ce conflit : « P. et Cn. Scipion, animés par le cours de leurs prospérités en Espagne, où ils avaient réussi à ramener les anciens alliés, ainsi qu’à ménager aux Romains de nouvelles alliances, portèrent leurs vues jusque sur l’Afrique. Syphax, roi des Numides, venait de se déclarer tout à coup l’ennemi de Carthage ». L’attaque de Syphax peut être placée à partir de 216 car d’après Tite-Live (XXIII, 26-29), Asdrubal est en Espagne cette année-là. Il s’y trouve également en 215 et 214 (Tite-Live, XXIII, 49 et XXIV, 41).

135  Camps 1960a, p. 168-169 ; Id. 1979, p. 47 ; Decret – Fantar 1981, p. 89.

136  Tite-Live, XXIV, 48. Les Scipions obtiennent l’alliance de Syphax. « Dès que les Carthaginois en furent instruits, ils envoyèrent une ambassade à Gala ».

137  Infra, § 3.2.2.2.

138  Voir notamment les critiques portées sur la véracité des informations contenues dans le périple du pseudo-Scylax par J. Desanges et P. Arnaud (Desanges 1978b, p. 87-120 ; Arnaud 1992, p. 57-77).

139  Supra, p. 17.

140  Cf. Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1403, n. 4 et p. 1406, n. 23 ; Silius Italicus, XVI, 252-253 ; Appien, Lib., 10. Appien rapporte qu’Asdrubal a promis la main de sa fille, Sophonisbe, à Massinissa. Sitôt les fiançailles prononcées, il emmène le jeune homme en Ibérie (ce qui nous place en 212), « où il exerçait le commandement, cependant que Syphax, brûlant d’amour pour la jeune fille, pillait les possessions des Carthaginois et concluait un accord avec Scipion, arrivé d’Ibérie pour le rencontrer » (cette dernière mention étant à fixer en 206 av. J.-C.). Malgré la fin du conflit masaesylo-carthaginois en 212 av. J.-C. (Tite-Live, XXVII, 4), Syphax semble être resté ennemi des Carthaginois jusqu’en 206, date à laquelle il s’allie avec eux contre Massinissa (Appien, Iber., 16).

141  Infra, p. 65.

142  Tite-Live, XXIX, 3 et 32. L’hypothèse est émise par St. Gsell (1913-1930, II, p. 149-150 ; Gsell 1905, p. 374). Voir aussi les commentaires de P. François (traduction du livre XXIX de Tite-Live, p. 92).

143  Tite-Live, XXIX, 30 : Massinissa « courut vers Thapsus au-devant du petit roi Lacumazès qui se rendait chez Syphax ».

144  Salluste, Bell. Iug., CX.

145  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7 et infra, p. 159.

146  Plutarque, Sertorius, 9.

147  Infra, § 1.2.2.

148  Le nom du fleuve apparaît sous la forme Mulucha ou Muluccha. Pomponius Mela, I, 29 (à propos de la Maurétanie) : « Le Mulucha, ce cours d’eau dont nous avons parlé, forme la limite, maintenant entre des peuples, jadis aussi entre des royaumes, ceux de Bocchus et de Jugurtha » ; Salluste, Bell. Iug., XIX, 7 : « une grande partie des Gétules et la Numidie jusqu’au fleuve Muluccha obéissaient à Jugurtha » ; Salluste, Bell. Iug., XCII, 5 : « non loin du fleuve Muluccha, qui séparait les royaumes de Bocchus et de Jugurtha » ; Salluste, Bell. Iug., CX, 8 (discours de Bocchus I) : « Je ne franchirai pas le fleuve Muluccha, qui servait de frontière entre Micipsa et moi ». Voir aussi Pomponius Mela, I, 25. Sur l’identification du fleuve à l’oued Moulouya. Infra, p. 27-29.

149  Salluste, Bell. Iug., XCVII et CXI ; Appien, Num., 4.

150  Decret – Fantar 1981, p. 74. ; Callegarin 1999, p. 69.

151  C’est l’avis de G. Camps, reprenant une erreur de Strabon qui situe la frontière du royaume au temps du roi Juba II aux environs de Saldae, soit près de l’oued Soummam, une erreur qu’il attribue à une confusion chronologique plutôt que géographique (Camps 1991a, p. 1545). Cependant cette erreur pourrait aussi s’expliquer par le fait que l’oued Soummam constitue sans doute la limite du royaume de Bocchus II lorsque celui-ci est repoussé par Arabion (infra, p. 51-52).

152  Gsell 1913-1930, VII, p. 264 ; Desanges 1978a, p. 649.

153  Sur cette hypothèse, infra, p. 91-93.

154  Plutarque, Sertorius, 7 à 11.

155  Callegarin 2002, p. 12-15.

156  D’après les hypothèses respectives de St. Gsell (1913-1930, VII, p. 272), de J. Mazard (1955, p. 60), de B. Scardigli et P. Romanelli (Scardigli 1971, p. 246 ; Romanelli 1959, p. 97), d’A. Jodin et M. Majdoub (Jodin 1987, p. 307 ; Majdoub 1992, p. 237). L’hypothèse de St. Gsell est également réfutée par Gwl. Bernard (2018, chapitre II, paragraphes 46 à 50, cf. https://books.openedition.org/cvz/4379).

157  Le partage du pouvoir est attesté dans la deuxième moitié du Ier siècle av. J.-C. en Maurétanie et dès le milieu du IIe siècle av. J.-C. en Numidie. Infra, § 1.2.3. et p. 64. Voir notamment Salluste, Bell. Iug., VIII et IX.

158  Sur Volux, cf. Salluste, Bell. Iug., CV. Sur Bogud, infra, p. 78, n. 351.

159  Si l’existence de deux Bogud est perçue par G. Camps (1991b, p. 1557 ; Id. 1970, p. 5), certains auteurs ne la prennent pas en considération (Callegarin 1999, p. 66 ; Jodin 1987, p. 307-311 ; Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1415-1416).

160  Infra, § 1.2.2.

161  Suivant une juste remarque de H. Ghazi-Ben Maïssa (1996, p. 1415). Infra, p. 157-162.

162  Carcopino 1943, p. 175 ; Scardigli 1971, p. 246 ; Desanges 1978a, p. 637 ; Camps 1989, p. 954 ; Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1414-1415 ; Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 79 ; Callegarin 2002, p. 16 ; Bernard 2018, chapitre II, paragraphe 53, cf. https://books.openedition.org/cvz/4379. Contra Jodin 1987, p. 307-311. L’auteur estime que le siège d’Ascalis a lieu à Volubilis, parce qu’il considère Ascalis comme un usurpateur de Bocchus I et la cité du Zerhoun comme capitale de son royaume, ce qui est pure hypothèse. Il signale par ailleurs la découverte de balles de fronde et de boulets à Volubilis mais ces traces de luttes demeurent d’interprétation difficile, l’absence de données stratigraphiques ne permettant pas de leur attribuer une datation précise.

163  Callegarin 2002, p. 16-17.

164  Salluste, Hist., II, 20 (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 271-272). Voir aussi Euzennat 1966, p. 338.

165  Supra, p. 42.

166  Suivant l’avis de St. Gsell (1913-1930, V, p. 129-130). Infra, § 2.1.

167  Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 79. Voir aussi Carcopino 1943, p. 175 ; Desanges 1978a, p. 637. Sur les rois vassaux, infra, § 2.1.

168  Carcopino 1943, p. 175. Sur l’existence de principautés, infra, § 2.1.

169  Sur l’inscription bilingue du temple de Massinissa à Thugga (RIL 2), le terme désigne le roi et le premier magistrat municipal de la cité. Pour un résumé de l’emploi de ce terme, Camps 1985 p. 248-249.

170  Sur l’ouverture au monde romain, infra, § 3.2.1.1.

171  Plutarque, Sertorius, 7.

172  Sur Siga résidence royale, infra, § 2.1.1.2. Callegarin 2002, p. 12-14. L’hypothèse d’un débarquement à Siga est appuyée par le fait que Sertorius est parti de Carthagène. Les courants marins et les vents étaient favorables pour rejoindre la côte africaine à cet endroit. Les relations commerciales sont d’ailleurs attestées entre la Maurétanie, notamment orientale, et le Levant ibérique. Infra, § 3.2.

173  Infra, p. 160-161.

174  M. Majdoub (1998, p. 1322-1323) met bien en valeur l’action de Pompée à la suite des événements de Maurétanie qui aboutissent à des conséquences défavorables pour Sylla. En revanche, nous ne nous accordons pas avec l’historien lorsqu’il estime que Pompée aide alors Sosus à prendre le pouvoir. Infra, p. 160-162.

175  Type Mazard n° 118. Cette légende était précédemment attribuée aux années 33-25 av. J.-C., dites de l’interrègne (Müller – Falbe – Lindberg 1862, p. 101). Ces auteurs estiment que le pays est alors gouverné par deux magistrats, l’un romain, l’autre autochtone. J. Mazard reprend cette hypothèse. Selon lui, la mention SOSI F. aurait fait référence au nom d’un magistrat appartenant à la famille romaine des Sosii, en charge du royaume après la mort de Bocchus II. Ce nom, associé au souvenir de la royauté indigène – il traduit en effet la légende néopunique BQS HMMLKT située au revers par « royaume ou royauté de Bocchus » – témoigne donc pour lui de la mise en place d’une sorte de protectorat (Mazard 1953, p. 13-21 ; Id. 1955, p. 67-69). J.-G. Février démontre par la suite que la légende BQS HMMLKT est la traduction punique de REX BOCCHUS, que REX BOCCHUS SOSI F. ne peut se traduire que par « le roi Bocchus, fils de Sosus » et que cette série doit être attribuée à Bocchus II (Février J.-G. 1961, p. 12-14).

176  Marion 1960, p. 488-490 ; Euzennat 1966, p. 336.

177  Venerisne in Sardiniam atque inde in Africam ? Fuerisne... in regno Hiemsalis ? Fuerisne in regno Mastanesosi ? Venerisne in fretum per Mauritaniam ? (Cicéron, In Vatinium, 5, 12).

178  Camps 1970, p. 3-5.

179  Infra, p. 150.

180  Euzennat 1966, p. 336-337 ; Camps 1970, p. 3-4.

181  Toutefois, le motif qui figure sur ces pièces est davantage rectiligne et symétrique (types Mazard n° 113-117 et n° 581-588).

182  Infra, § 2.1.1. et 2.1.2.

183  Euzennat 1966, p. 337-339. Sur les règnes de Bocchus II et Bogud, infra, p. 50-52.

184  Dion Cassius, XLVIII, 45. Infra, p. 175.

185  Müller – Falbe – Lindberg 1862, p. 100 ; contra Amandry 1989, p. 82.

186  Supra, p. 47.

187  Müller – Falbe – Lindberg 1862, p. 49-50.

188  Mazard 1955, p. 55-56.

189  Appien, Bell. civ., IV, 54 ; De vir. ill., 77. Sur le règne de Massinissa II, infra, § 1.3.5.2

190  Camps 1970, p. 3-4.

191  Alexandropoulos 2000, p. 188-191.

192  Infra p. 91.

193  Alexandropoulos 2000, p. 188-191. L’auteur se refuse à considérer Mastanesosus comme souverain de Maurétanie et le désigne comme roi de Numidie occidentale.

194  Infra, p. 52.

195  Strabon, XVII, 3, 7 ; Dion Cassius, XLI, 42, 7.

196  Supra, § 1.2.2.

197  Son hypothèse est liée au fait qu’il assimile Bogud, fils de Bocchus I, et Bogud, roi de Maurétanie de 49 à 38 av. J.-C. Selon lui, cet unique Bogud serait frère de Mastanesosus et le partage entre les deux hommes se serait effectué à la mort de Bocchus I (Callegarin 1999, p. 66).

198  Infra, p. 52.

199  Pline, HN, V, 19 ; Desanges 1980a, p. 152-153.

200  Dion Cassius, XLVIII, 45, 1-8.

201  Sittius rassemble en Maurétanie des bandes composées d’Italiens et d’Espagnols et intervient de 64 à 46 av. J.-C. dans les querelles des rois, soutenant tantôt l’un tantôt l’autre. Bell. Afr., XXV, 2, 3 ; Appien, Bell. civ., II, 96 ; Dion Cassius, XLIII, 3-4. Cf. Gsell 1913-1930, VIII, p. 54-56 et 80. Sur les règnes de Juba I et Massinissa II, infra, § 1.3.5.2.

202  Appien, Bell. civ., IV, 54.

203  Pline, HN, V, 19. Pomponius Mela fixe la limite orientale de la Numidie au niveau de l’Ampsaga (Pomponius Mela, I, 30). Cette limite officielle de l’Africa est celle qu’indique aussi Ptolémée (Ptolémée, IV, 2, 3 et IV, 3, 1). Gsell 1913- 1930, VIII, p. 156-157 ; Camps 1973b, p. 59-67 ; Desanges 1978a, p. 641 ; Id. 1980b, p. 79-80 ; Camps 1984, p. 308.

204  Infra, p. 145.

205  Desanges 1978a, p. 650 ; Id. 1980b, p. 79.

206  Cicéron, Ad Att., XV, 17 ; Appien, Bell. civ., IV, 54 ; Desanges 1978a, p. 643.

207  Dion Cassius, XLIX, 43, 7.

208  Tite-Live, XXX, 11-12 ; Appien, Lib., 26.

209  Tite-Live, XXX, 15.

210  Appien, Lib., 105 et 106 ; Zonaras, IX, 27, p. 465, a ; Polybe, XXXVI, 16 ; Diodore, XXXII, 16 ; Lucien, Macrobioi, 17. Les événements se situent assurément en 148 av. J.-C. (Gsell 1913-1930, III, p. 363, n. 7). Erreurs de Tite-Live (Epit., XLVIII), de Valère-Maxime (V, 2, ext. 4), d’Eutrope (IV, 11) et de Cicéron (De senectute, 10, 34).

211  La dédicace du monument élevé en l’honneur de Massinissa à Thugga, trois inscriptions de Délos et une inscription d’Athènes font référence au roi Massinissa. Sur l’inscription de Thugga, RIL 2. Sur les inscriptions de Délos, Homolle 1878, p. 400 ; Id. 1879, p. 469-470 ; Hatzfeld – Roussel 1909, p. 484-489. Sur l’inscription d’Athènes, IG, II, 968. Certaines stèles du sanctuaire d’El-Hofra à Cirta sont en outre datées suivant les années de son règne (Berthier – Charlier 1955, stèles n° 58, 59, 62 et 63). Sur les monnaies, cf. types Mazard n° 17 et 18.

212  Supra, § 1.1.3.1.

213  Polybe, XV, 4, 4 et 5, 13 ; Salluste, Bell. Iug., V, 3-4 ; Tite-Live, XXX, 44 ; XXXI, 11 ; XXXVII, 25 et 53.

214  Types Mazard n° 13-16 ; Alexandropoulos 2000, p. 141-147.

215  Dion Cassius, dans Zonaras, IX, 13, p. 440c.

216  Polybe, XV, 4, 4 ; Appien, Lib., 32 ; Gsell 1913-1930, III, p. 284.

217  Appien, Lib., 26.

218  Tite-Live, XXX, 16 et 17 ; Gsell 1913-1930, III, p. 284-285, n. 6.

219  Appien, Lib., 33. Tite-Live affirme en outre que Vermina n’arrive qu’après la bataille de Zama avec ses troupes pour venir au secours des Carthaginois. Les Numides, attaqués par les Romains, sont défaits mais Vermina réussit à s’échapper (Tite-Live, XXX, 36).

220  Tite-Live, XXXI, 11, 13-17. Un passage mutilé de Dion Cassius (fragment 57, 9) permet de dater cet épisode de 200 av. J.-C. Gsell 1913-1930, III, p. 283 et n. 6.

221  Tite-Live, XXXI, 19.

222  Mazard 1955, p. 21.

223  Appien, Lib., 33 et 59. Voir aussi Tite-Live, XXX, 36.

224  Ghazi-Ben Maïssa 1996, p. 1410-1412 ; Tite-Live, XXX, 44 ; Pline, HN, V,

225  Gsell 1913-1930, III, p. 305.

226  Tite-Live, Epit., XLVIII.

227  Hypothèse auparavant émise par G. Camps et J. Desanges (Camps 1960a, p. 191 ; Desanges 1978a, p. 647 ; Id. 1988, p. 116).

228  Infra, p. 169-172.

229  Infra, p. 133-134.

230  Supra, § 1.1.3.2.

231  Supra, p. 29-30.

232  Polybe, XV, 18.

233  Le traité de Zama interdit à Carthage de faire la guerre en Afrique sans y être autorisée par Rome. Polybe, XV, 18 ; Tite-Live, XXX, 37 et XLII, 23.

234  Gsell 1913-1930, III, p. 314-322 ; Saumagne 1931a, p. 225-253 et 1931b, p. 1-42 ; Rossetti 1960, p. 336-353 ; Camps 1960a, p. 192-196 ; Walsh 1965, p. 149-

235  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7 ; Strabon, XVII, 3, 15 ; Appien, Bell. civ., IV, 53. Sur le tracé de la Fossa Regia, infra, § 1.3.2.2.

236  Supra, p. 17, n. 43.

237  Appien, Lib., 67-68. La reprise des conflits se déroule, selon Appien, à l’époque où les Romains sont en guerre contre les Celtibères. Nous savons que les Romains, qui n’ont pas eu de guerre à soutenir en Espagne entre 179 et

238  En 153 av. J.-C., des députés romains seraient venus en Afrique afin de servir d’arbitres entre les Carthaginois et les Massyles. Il en serait de même en

239  Appien, Lib., 68-69 ; Gsell 1913-1930, III, p. 230 et n. 3.

240  Appien, Lib., 70-73. Notons que ce conflit est l’un des prétextes au déclenchement de la troisième guerre punique, les Carthaginois ayant porté la guerre contre Massinissa I au mépris du traité de 201 av. J.-C. À ce sujet, Saumagne 1931a, p. 225-253.

241  Gsell 1913-1930, III, p. 327, n. 6 ; Walsh 1965, p. 159 ; Di Vita-Évrard 1986, p. 38-42.

242  Infra, p. 68.

243  G. Di Vita-Évrard n’exclut pas que Vaga ait pu être incluse dans la province d’Afrique en 146 av. J.-C., puis qu’elle soit passée aux mains des rois numides dans le cours de la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. (Di Vita-Évrard 1986, p. 42).

244  Di Vita-Évrard 1986, p. 42.

245  Infra, p. 185.

246  Appien, Lib., 70.

247  Mahjoubi 1978, p. 42 et n. 131, contra Di Vita-Évrard 1986, p. 40 et n. 39.

248  Camps 1960a, p. 194, contra Di Vita-Évrard 1986, p. 42, n. 48.

249  Ferchiou 1990b, p. 46-47 ; Id. 1997, p. 2902.

250  Polybe, XXXI, 21.

251  Tite-Live, XXXIII, 47 ; XXXIV, 62 ; XL, 17 et 34 ; XLIII, 3.

252  Polybe, XXXI, 21. Il situe cet épisode peu avant la troisième année de la 154e Olympiade, ce qui correspond à cette date (Desanges 1995, p. 352).

253  D’après le plaidoyer d’un Carthaginois émis en 149 av. J.-C. aux Romains, nous apprenons seulement que Massinissa a auparavant cherché à enlever à Carthage un autre territoire dans la région d’Emporion. À peine l’a-t-il pris qu’il en envahit un autre (Appien, Lib., 79).

254  Appien, Lib., 72. Cf. Gsell 1913-1930, III, p. 322 ; Desanges 1995, p. 75. Les arguments émis par ces deux historiens à ce sujet s’avèrent plus convaincants que ceux de R. Rebuffat (1990, p. 122, n. 23) qui suggère d’identifier l’Emporion d’Appien à celui que Strabon (XVII, 3, 17) situe au fond de la Petite Syrte (Gabes ?).

255  Contra Ch. Saumagne qui suppose que Polybe et Tite-Live utilisent une source commune et admet la chronologie de Tite-Live (Saumagne 1931a, p. 245- 253). L’hypothèse ne tient pas, en particulier car il ne peut y avoir de tradition antérieure à Polybe (Rossetti 1960, p. 336-353).

256  Polybe, IX, 25, 4 ; Pline, HN, VIII, 31.

257  Dion Cassius, dans Zonaras, IX, 18, p. 450, a. Cf. Gsell 1913-1930, III, p. 316-317.

258  Rien ne permet en effet de mettre en doute les faits rapportés par Appien à partir de 154-153 av. J.-C. (Desanges 1995, p. 74). Le passage d’Appien (Lib., 79) permet de déduire que le différend entre Massinissa I et Carthage a commencé par la saisie du territoire d’Emporion par le Massyle (Desanges 1995, p. 74-78).

259  Appien, Lib., 72.

260  Entre 193 et 171, les craintes des Romains sont mentionnées par Tite-Live (XXXIV, 62 ; XLI, 22 ; XLIII, 3). Cf. Desanges 1995, p. 77.

261  Desanges 1995, p. 72-73. Les 70 villes et fortins dont Massinissa I se serait emparé en 172 av. J.-C., pourraient ainsi correspondre pour partie aux 50 villes du pays de la Thusca que le roi massyle revendique en 153 ou 152 av. J.-C. selon Appien. C’est aussi l’avis de P. Walsh (1965, p. 157-158).

262  R. Rebuffat met bien en valeur le fait que le mot Emporia désigne au sens strict du terme les établissements littoraux de la Petite Syrte. Mais l’expression est également employée dans un sens élargi, qui inclue tantôt la Byzacène, tantôt Sabratha, et au-delà, mais plus rarement, Oea et Leptis Magna (Rebuffat 1990, p. 111-126). La remarque avait déjà été formulée par Ch. Tissot (1884, p. 535). Pour les historiens modernes, les Emporia sont souvent considérés avant tout comme des ports. Mais la prospérité des Emporia est liée à la fertilité du sol, ce qu’indiquent clairement les auteurs anciens (Polybe, III, 23 et XXXI, 21 ; Tite-Live, XXIX, 25 et XXXIV, 62). C’est donc cette richesse agricole qui leur vaut d’avoir la possibilité d’être des places de commerce (Rebuffat 1990, p. 112).

263  Appien (Lib., 69) rapporte qu’aucun arrangement n’est trouvé lors de la venue de l’ambassade romaine. Néanmoins, les Romains concèdent visiblement ce territoire à Massinissa I, puisqu’il n’est pas inclus dans la province d’Afrique en 146 av. J.-C. Infra, § 1.3.2.2.

264  Salluste, Bell. Iug., LXXV, 1 ; LXXVI, 2-3 ; LXXXIX, 4-5. Voir à ce sujet Gsell 1913-1930, V, p. 112, n. 4.

265  Appien, Lib., 106.

266  L’œuvre de Massinissa I est souvent amplifiée. Comme le fait remarquer G. Camps, le souverain est considéré comme l’auteur de tout ce qui s’est lentement élaboré au cours des siècles précédents. Il serait ainsi à l’origine du développement de l’agriculture, ou encore de l’ouverture de son royaume au culte grec des Cereres. Voir à ce sujet Camps 1960a, en particulier la conclusion de l’ouvrage (p. 297-302).

267  Berthier – Charlier 1955, stèle n° 63. Par ailleurs, Polybe (XXXVIII, 7) qualifie Gulussa de roi des Numides et une inscription latine de la région de Ksar Sbahi s’adresse au Genio col (oniae) R(egi) N(umi) d (iae ?) Gulugae Nu (midiae) Regis (Mas) sin (isae) Fil (io), cf. CIL VIII, 18752.

268  Appien, Lib., 106.

269  Sur les raisons de ce changement, infra, p. 174.

270  Salluste, Bell. Iug., V, 6.

271  Micipsa apparaît seul sur cette dédicace, gravée en l’an 10 de son règne (RIL 2).

272  Salluste, Bell. Iug., IX, 4 et XI, 5. Le sommaire du livre LXII de Tite-Live mentionne la mort de Micipsa entre la guerre faite à un peuple alpin par Q. Marcius, consul en 118 av. J.-C., et celle que fait aux Dalmates L. Caecilius Metellus, consul en 117 av. J.-C.

273  Il s’agit, à Cherchell, d’une inscription funéraire néopunique en l’honneur de Micipsa, roi des Massyles (Berger 1888, p. 35-46 ; Février J.-G. 1951, p. 139- 150) et, à Thiggiba, d’une inscription libyque mentionnant Micipsa, chef suprême (Février J.-G. 1949, p. 652-655). Sur l’inscription du djebel Massouge supra, p. 19.

274  Types Mazard n° 19-36. Certaines d’entre elles sont sans doute attribuables à Massinissa I. Infra, p. 125 et 137.

275  Strabon, XVII, 3, 15 ; Pline, HN, V, 22 et 25. Le nom de la frontière nous est donné par les bornes de l’époque impériale. Voir par exemple CIL VIII, 25967.

276  Tissot 1888, p. 14-19 ; Poinssot L. 1907, p. 466-481 ; Saumagne 1928, p. 451-459 ; Id. 1962, p. 409-416 ; Ferchiou 1977, p. 9-14 ; Id. 1986, p. 351-365 ; Di Vita-Évrard 1986, p. 31-58 ; Ferchiou 1997, p. 2897-2911 ; M’Charek 1999, p. 139-183.

277  Appien, Bell. civ., IV, 53 ; Dion Cassius, XLVII, 9 ; Pline, HN, V, 25. L’inscription CIL VIII, 25967 indique que les limites entre la nouvelle province romaine et l’ancienne correspondent à la Fossa Regia.

278  L’une provient d’Henchir Barhala (CIL VIII, 1, 4882), trois de Sidi Abdallah Bou Behaïm (Pachtère 1911, p. 402-403, n° 36-38), une des environs de l’oued Kachbar (Pachtère 1911, p. 404, n° 39), une du djebel Chetlou (CIL VIII, 25967), une de Sidi Ahmed Ghrib (Contencin 1934-1935, p. 390), une de l’oued Ouaar (Poinssot L. 1938-1940, p. 203-204), une de l’oued Hadada (Cagnat 1894, p. 3-11). M. Le Glay estime que ces bornes sont mises en place en raison d’une révision des terres imposables (Le Glay 1968, p. 225-226). J. Desanges souligne que cette œuvre de restauration doit avoir d’autres justifications (Desanges 1980b, p. 81). N. Ferchiou se demande si le secteur en question n’aurait pas fait l’objet de litige et s’interroge sur la nature des terres que l’on a voulu délimiter (zone des grands domaines impériaux ? Pertica de la colonie de Carthage ?). Bien que ces bornes mentionnent expressément la Fossa Regia, n’y aurait-il pas eu une entorse à la vérité historique, au nom de la raison d’État et des intérêts en jeu ? (Ferchiou 1997, p. 2909).

279  Desanges 1980b, p. 82.

280  Di Vita-Évrard 1986, p. 43-44, n. 3. Voir aussi les doutes déjà émis par J. Gascou (1972, p. 173).

281  Sur les regiae, infra, § 2.2.2.1.

282  Gsell 1913-1930, III, p. 327 et V, p. 247, n. 6 ; Saumagne 1962, p. 415- 416 ; Desanges 1980a, carte 3 en fin de volume ; Ferchiou 1997, p. 2902. Contra J.-M. Lassère (1977, p. 46).

283  Tissot 1884, p. 47 ; Id. 1888, p. 4 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 9.

284  Desanges 1980a, p. 205 ; Ferchiou 1997, p. 2902.

285  Pline, HN, V, 25. Sur les différentes orthographes du nom de la cité et son identification à Tyna, Gsell 1913-1930, V, p. 247, n. 6 ; Desanges 1980a, p. 235.

286  Cf. Bell. Afr., LXXVII, 2, qu’il faut confronter avec Strabon, XVII, 3, 12. Gsell 1913-1930, VII, p. 9 ; Desanges 1980a, p. 235.

287  Tissot 1888, p. 18-19. Voir également à ce sujet Ferchiou 1997, p. 2908- 2909. Ch. Saumagne situe également Thaenae dans l’Africa vetus (Saumagne 1928, p. 458).

288  Poinssot L. 1907, p. 466-481.

289  Ferchiou 1986, p. 358-360 ; Ferchiou 1997, p. 2905. Les hypothèses précédentes proposent de faire passer la Fossa Regia au nord de Furnos Maius et de Seressi, cf. Poinssot L. 1907, p. 480 ; Romanelli 1959, p. 45 ; Picard G.-Ch. 1966, p. 1259.

290  Di Vita-Évrard 1986, p. 31-58. Contra Tissot 1888, p. 6 ; Gsell 1913-1930, III, p. 327 et V, p. 247, n. 6 ; Romanelli 1959, p. 45 ; Camps 1960a, p. 222, fig. 24 ; Saumagne 1962, p. 415-416 ; Picard G.-Ch. 1966, p. 1260 ; Lassère 1977, p. 46 ; Desanges 1980a, carte 3 en fin de volume.

291  Poinssot L. 1930-1931, p. 370 ; Ferchiou 1977, p. 14 ; Id. 1980, p. 14-15 et 18. Sur le diocèse d’Hippone, CIL IX, 1592. Sur le diocèse de Carthage, Chastagnol 1958, p. 7-8 et n. 3.

292  Di Vita-Évrard 1986, p. 36-37.

293  Une inscription de Vaga livre le nom d’un légat du proconsul Decimius Hilarianus Hesperius (376-377), Magius Rufinus, en charge du diocèse de Carthage d’après une inscription de Thuburbo Maius (CIL VIII, 1219 ; ILAfr. 275). Voir aussi une inscription de Belalis Maior, située à 10 kilomètres à l’est de Vaga (Mahjoubi 1978, p. 174-175).

294  Salluste, Bell. Iug., XLVII, 1 et LXVI, 2.

295  Di Vita-Évrard 1986, p. 38-45.

296  Ferchiou 1997, p. 2903.

297  Gascou 1972, p. 175 ; Pflaum 1970, p. 75-117.

298  CIL VIII, 14428 ; Lassère 1977, p. 319 ss.

299  Pline, HN, V, 29 ; Desanges 1980b, p. 82 ; Id. 1980a, carte 3 en fin de volume.

300  Ferchiou 1997, p. 2904.

301  Tissot 1888, p. 14-16 ; Bell. Afr., XLIII.

302  Ferchiou 1997, p. 2907-2908.

303  Ferchiou 1986, p. 360 ; Id. 1997, p. 2905-2908.

304  Saumagne 1928, p. 451-459. Bell. Afr., XXXII, 3 ; XXXV, 4 ; LVI, 4 ; LXVII. Cicéron, Leg. Agrar., I, 4, 10 et II, 22, 58-59.

305  Infra, p. 160. Gsell 1913-1930, VII, p. 276-278.

306  Infra, p. 76.

307  M’Charek 1999, p. 139-183. L’emplacement exact de la ville n’est pas connu, mais celle-ci se situe plus ou moins à la latitude du djebel Trozza, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Kairouan. Sur les regiae et les circonscriptions numides, infra, § 2.2.2.1.

308  Loi de 111, l. 81. Gsell 1913-1930, VII, p. 75-81 ; Peyras 2015, p. 130.

309  Cicéron, Leg. Agrar., II, 22, 58-59 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 79-80.

310  Loi de 111, l. 81 : (Scipion) [leib]ereis regis Massinissae dedit, habereve fruive ius[sit]. Gsell 1913-1930, VII, p. 80, n. 2 ; Peyras 2015, p. 130.

311  Selon Cicéron, en 75 av. J.-C., le roi numide conclut avec le consul C. Aurélius Cotta un accord au sujet de ces terres, afin de le garantir contre une reprise. Cette convention n’étant pas soumise à la ratification du peuple romain, beaucoup estime qu’elle n’est pas valable. Lors d’un séjour à Rome, en 64-63 av. J.-C., Juba I, alors prince royal, répand ses largesses afin que la convention ne soit pas abrogée. Finalement, le tribun Rullus propose une loi dans laquelle il excepte les terres possédées par Hiempsal II de la vente générale du domaine public de la province d’Afrique (Cicéron, De leg. agrar., I, 4, 10 et II, 22, 58).

312  Vitruve, VIII, 3, 24. Selon Ch. Saumagne, ces terres, situées dans la région de Zama, auraient débordé en Africa. Elles correspondraient à une zone autrefois possédée par Massinissa I au détriment du territoire carthaginois (Saumagne 1928, p. 455 et 458, n. 1).

313  Infra, p. 75 et 122-123.

314  Salluste, Bell. Iug., V, 7 ; VIII, 2 ; IX ; LXV, 1.

315  Phénomène bien mis en évidence pas St. Gsell et Ch. Saumagne (Gsell 1913-1930, VII, p. 141, n. 1 ; Saumagne 1966, p. 104-109).

316  Paul Orose, Adv. Pagan., V, 15, 3 ; Florus, I, 36, 3 ; Salluste, Bell. Iug., LXV, 1.

317  Jugeant Jugurtha trop entreprenant, Micipsa aurait préalablement décidé de l’exposer aux périls de la guerre en l’envoyant combattre à Numance (Salluste, Bell. Iug., VI, 3-4, VII, 1-2 et IX). Camps 1960a, p. 241.

318  Salluste, Bell. Iug., XII, 1.

319  Salluste, Bell. Iug., XII et XIII, 1-7. Voir aussi Tite-Live, Epit., LXII ; Florus, I, 36, 4 ; Paul Orose, Adv. Pagan., V, 15, 3 ; Eutrope, IV, 26, 1.

320  Outre le Bellum Iugurthinum de Salluste (XX, 1, 3-8 ; XXI, 2 ; XXIV, 3 ; XXV, 1-11 ; XXVI, 1-3), le déroulement du conflit est documenté par quelques passages subsistant des Numidica d’Appien. Voir aussi Tite-Live, Epit., LXIV (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 147, n. 3).

321  C’est dans cette ville qu’il se réfugie pour échapper à Jugurtha (Salluste, Bell. Iug., XX, 3-8 ; Tite-Live, Epit., LXIV).

322  Type Mazard n° 40 ; Alexandropoulos 2000, p. 156.

323  Sur la Moulouya, supra, p. 40 ; Salluste (Bell. Iug., XIX, 7) rapporte qu’au moment de la guerre de Jugurtha les Romains administrent les territoires occupés en dernier lieu par Carthage.

324  Berthier – Juillet – Charlier 1950-1951, p. 3-104. Contra Desanges 1974, p. 143-150 ; Id. 1982, p. 469-471 ; Id. 1988, p. 133-135.

325  Infra, p. 85.

326  Sur l’extension territoriale de la Maurétanie, supra, p. 39-40. Salluste, Bell. Iug., LXXVII, 2-3.

327  Aucun monnayage ne peut être attribué à Jugurtha (Alexandropoulos 2000, p. 156). Contra J. Mazard qui propose de lui attribuer trois séries monétaires, tout en exprimant de sérieuses réserves (Mazard 1955, p. 44-45). Il s’agit de monnaies en argent, présentant au droit une tête imberbe ceinte d’un diadème de laurier et au revers un éléphant (types n° 73-75). Les arguments énoncés ne sont guère probants, la barbe caractérisant en général les portraits des monnaies royales numides et le style de l’éléphant se rapprochant davantage des monnaies des Barcides.

328  Infra, § 2.2.3.

329  Infra, p. 160.

330  CIL II, 3417 (Carthagène) ; ILAlg. I, 1242 (Thubursicu Numidarum, actuelle Khamissa).

331  Types Mazard n° 37-39.

332  Cette orthographe nous est indiquée par une stèle du sanctuaire d’El Hofra à Constantine (Berthier – Charlier 1955, stèle n° 63).

333  Salama – Gérin 1999, p. 37. J. Alexandropoulos se refuse à se prononcer sur la question (Alexandropoulos 2000, p. 155-156).

334  Gsell 1913-1930, VII, p. 263.

335  Salluste, Bell. Iug., LXV, 1.

336  Supra, p. 39-41.

337  Supra, p. 70-72.

338  Gascou 1969, p. 555-568 ; Id. 1970, p. 723-736. Ajoutons que Thibaris (Henchir Thibar) et Uchi Maius (Henchir el Douamis) conserve sous l’Empire le surnom de Marianum/Mariana, ce qui amenait St. Gsell à situer les Gétules dans la région de Thugga (CIL VIII, 26181 ; 15440 ; 15455 ; 26170 ; 26275 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 10). Une inscription de Thuburnica (Sidi Ali Belkacem) rappelle également le nom de Marius et semble indiquer que la ville accueille ses vétérans (Quoniam 1950, p. 332-336).

339  Infra, page suivante.

340  Kontorini 1975, p. 95-98.

341  Camps 2001, p. 77. Selon l’auteur, il faudrait donc également désigner ce roi Mastanabal II.

342  Infra, p. 80.

343  CIL II, 3417 (Carthagène) ; ILAlg. I, 1242 (Thubursicu Numidarum).

344  Infra, p. 160.

345  C’est du moins l’avis de St. Gsell (1913-1930, I, p. 331-332), suivi par V. Kontorini (1975, p. 94) et M. Coltelloni-Trannoy (2005b, p. 75-77).

346  Salluste, Bell. Iug., XVII, 8 et XVIII.

347  Pline (HN, XVIII, 22) rapporte que les fonds des bibliothèques de Carthage sont abandonnés aux rois numides après la chute de celle-ci.

348  Infra, p. 145, n. 259.

349  Camps 2000, p. 3464.

350  Tite-Live, Epit., LXXXIX ; Plutarque, Pompée, 12. Paul Orose (Adv. Pagan., V, 21,14) et Eutrope (V, 9, 1) font erreur : le premier mentionne le nom d’Hiartas, le second qualifie Hiarbas de roi de Maurétanie. Sur la date de cet épisode, Gsell 1913-1930, VII, p. 283.

351  Paul Orose, Adv. Pagan., V, 21, 14 ; Gsell 1913-1930, VII, p. 282.

352  Types Mazard n° 94-98 ; Coltelloni-Trannoy 1999, p. 68-69.

353  Avis partagé par J. Alexandropulos (2000, p. 189, n. 11) et G. Camps (Camps 2000, p. 3464).

354  Alexandropoulos 2000, p. 188 et 191.

355  Camps 2000, p. 3464. J. Mazard classe plusieurs séries monétaires dans la catégorie des émissions de Hiempsal II (types Mazard n° 76-83), tout en considérant ces attributions conjecturales. Des études postérieures montrent que ces monnaies n’appartiennent pas aux frappes numides (Alexandropoulos 2000, p. 107-108 et 158).

356  Appien, Bell. civ., I, 80 ; Salluste, Hist., I, 53 (cf. Gsell 1913-1930, VII, p. 281, n. 10) ; Plutarque, Pompée, 11-13 ; Paul Orose, Adv. Pagan., 5, 21, 14.

357  Cicéron, In Vatinium, 5, 12 ; Dion Cassius, XLI, 41, 3.

358  ILAlg. I, 1242 (supra, p. 70-72).

359  Infra, § 1.3.5.2.

360  Supra, p. 70-72.

361  De vir. ill., 77.

362  Supra, § 1.2.2.

363  Appien, Bell. civ., IV, 54. L’auteur l’appelle Masanassès, équivalent grec de la forme latine Massinissa (Gsell 1913-1930, VII, p. 291). Cette identification avait déjà été proposée par St. Gsell avec quelques réserves, puisque l’auteur était enclin à identifier ce souverain à Mastanesosus, lequel s’avère très vraisemblablement correspondre à Sosus, roi de Maurétanie (supra, § 1.2.2). Gsell 1913-1930, VII, p. 291.

364  Supra, p. 47.

365  Bell. Afr., XXV, 2-3 ; Camps 1984, p. 308 et 310 ; Id. 1999b, p. 832 ; Id. 2001, p. 77.

366  Supra, p. 79.

367  Appien, Bell. civ., IV, 54.

368  L’étendue de ce territoire a déjà été perçue ainsi par St. Gsell (Gsell 1913- 1930, VII, p. 291-292).

369  Les récits diffèrent sur la façon dont il met fin à ses jours (Bell. Afr., XCI ; Florus, II, 13, 69 ; Dion Cassius, XLIII, 8-4 ; Appien, II, 10 ; Tite-Live, Epit., CXIV ; Eutrope, VI, 23, 2. Cf. Gsell 1913-1930, VIII, p. 152).

370  Types Mazard n° 84-93 ; Alexandropoulos 2000, p. 173-186.

371  Supra, § 1.2.3.

372  Bell. Afr., LXXVII, 2 ; Strabon, XVII, 3, 12.

373  Bell. Afr., XCVII, 1-3 ; César, Bell. civ., II, 38, 1.

374  Voir en particulier Appien, Bell. civ., IV, 53-56 ; Dion Cassius, XLVIII, 21-22.

375  Contra J. Mazard (1955, p. 55). J. Mazard attribue à Arabion deux monnaies à l’effigie imberbe portant la légende MŠTNSN, considérant ainsi qu’Arabion a également porté le nom de son père, qu’il identifie à Mastenissa. Son hypothèse repose sur une identification erronée des monnaies à légende MŠTNSN (supra, § 1.2.2).

376  Supra, p. 51-52.

377  Bell. Afr., XCVI, 1.

378  Gsell 1913-1930, VIII, p. 159 et 184.

379  Infra, p. 167.

380 Infra, § 2.2.1.2.

381  St. Gsell a réuni les rares indications relatives à ces tribus. Il est à noter que le terme Gétule n’apparaît pas chez Polybe. C’est à un chroniqueur romain que Tite-Live (XXIII, 18) emprunte un récit où figurent des Gaetuli au service d’Hannibal. Il faut attendre le récit de Salluste (Bell. Iug., XVIII, 1) pour trouver mention de ce peuple. Cf. Gsell 1913-1930, V, p. 109-112. Sur la localisation des Gétules, cf. Salluste, Bell. Iug., XIX, 5 ; Strabon, II, 5, 33 ; XVII, 3, 2, 9 et 19 ; Pline, HN, XXI, 77 ; Ptolémée, IV, 6, 5.

382  Coltelloni-Trannoy 1997a, p. 70 ; Desanges 1999, p. 29-33.

383  Bell. Afr., XXV, 2 ; Gsell 1913-1930, V, p. 111 ; Desanges 1980a, p. 343.

384  Remarque également formulée par G. Camps (1960a, p. 155).

385  Gascou 1970, p. 732-734 ; Apulée, Apologie, XXIV, 1.

386  Strabon, XVII, 3, 19.

387  Table de Peutinger, segment IV, 2.

388  Bell. Afr., LXVII ; Virgile, Énéide, V, 192 ; Florus, II, 31.

389  Supra, p. 63, 71-72.

390  Salluste, Bell. Iug., XIX, 7.

391  Élien, Nat. Anim., VII, 23.

392  Bell. Afr., LV.

393  Strabon, XVII, 3, 5 : « Bogos, roi de Maurusie, après une guerre contre les Éthiopiens occidentaux, envoya en présent à sa femme des cannes semblables à celles de l’Inde [...] » ; Desanges 1978a, p. 648. Nous retrouvons par ailleurs ces Gétules plus au sud, dans l’Atlas (Pline, HN, V, 10 et 17). Voir aussi Callegarin 2012, p. 125-148.

394  Voir la synthèse sur la connaissance de ces établissements, cf. Bridoux 2008b, p. 369-426.

395  Pline, HN, V, 5 et 17. E. Frézouls montre que les Autololes occupent le territoire qui s’étend entre Sala et le Grand Atlas (Frézouls 1957, p. 98-100).

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