Les propriétés urbaines du patriciat
|Troisième partie. L’immobilier urbain dans l’économie familiale
Chapitre 10. Transmission et usages familiaux des biens immobiliers
Texte intégral
- 1 C. Lévi–Strauss, Maison, dans P. Bonte et M. Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’an (...)
- 2 M. A. Visceglia, Il bisogno di eternità : i comportamenti aristocratici a Napoli in età moderna, N (...)
1Les études sur les groupes aristocratiques ont généralement souligné la mise en œuvre de stratégies familiales et le recours à des instruments juridiques visant à préserver l’intégrité des patrimoines au fil des générations. Une véritable identification s’opère alors entre la famille et ses biens immobiliers dépositaires d’une fonction mémorielle au même titre que les généalogies ou la répétition des prénoms. C. Lévi–Strauss identifiait ainsi parmi les caractères constitutifs de la Maison noble la possession d’un domaine, de biens matériels et immatériels, la transmission du nom, de la fortune, des titres en ligne réelle ou fictive1. Le palais est ainsi chargé d’exalter la pérennité de la famille qui s’identifie et même à se confond avec sa demeure. Il s’insère dans ce « besoin d’éternité » au même titre que les sépultures aristocratiques2. Les traces de cette fonction mémorielle, apparaissent aussi dans la toponymie urbaine qui conserve le souvenir de l’implantation de certaines familles à travers le nom d’une place ou d’une rue qui a abrité leur demeure pendant plusieurs siècles. Les stratégies mises en œuvre par les familles dégagent ainsi des biens centraux à l’intérieur des patrimoines sur lesquels portent les efforts pour garantir leur permanence et leur entité. Le palais urbain et les biens qui l’entourent, au même titre que le fief, sont ainsi l’objet d’une attention spécifique visant à perpétuer les centres les plus manifestes du prestige familial. La mise en oeuvre de fidéicommis et l’adoption de la primogéniture constituent les moyens les plus répandus pour préserver l’intégrité du patrimoine familial jusqu’à leur remise en cause à la fin du XVIIIe siècle. À Milan, certaines familles se distinguent toutefois de ce modèle dominant en conservant des modalités de transmission plus égalitaires. D’autres stratégies, tel le mariage d’un seul des frères, évitent alors la dispersion du patrimoine. Par ailleurs, si dans le système de la primogéniture les cadets sont écartés de la transmission, ils n’en conservent pas moins des droits sur les biens familiaux, notamment un droit de résidence dans la ou les demeures familiales. La question des usages des biens à l’intérieur de la famille déborde alors le simple concept de leur propriété.
Maintenir l’intégrité des patrimoines
Le développement des fidéicommis et de la primogéniture dans la Lombardie espagnole
- 3 Sur le fidéicommis et son évolution : R. Trifone, Fedecommesso, dans Nuovo Digesto italiano, Turin (...)
- 4 Sur le rôle identitaire du fidéicommis : R. Descimon, Don de transmission, indisponibilité et cons (...)
- 5 Sur l’évolution des comportements : M. Barbagli, Sotto lo stesso tetto : mutamenti della famiglia (...)
- 6 De Feudis, dans Constitutiones Dominii Mediolanensis decretis et Senatus consultis, édité par Gabr (...)
- 7 M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio : riflessioni sull’uso del fedecommesso in Lomb (...)
- 8 L. Arcangeli, Ragioni di stato e ragioni di famiglia : strategie successorie dell’aristocrazia mil (...)
- 9 G. Delille, Le Maire et le Prieur : pouvoir central et pouvoir local en Méditerranée occidentale ( (...)
- 10 Sur le sujet : M. Piccialuti, L’immortalità dei beni : Fedecommessi e primogenitura a Roma nei sec (...)
- 11 Fedecomesso, dans Nuovo digesto italiano, cit., p. 1009.
- 12 ABIB, Milano, Piazza Borromeo, casa n° 2852, acquisti. Voir aussi L. Arcangeli, Ragioni di stato e (...)
- 13 ASM, TAM, cart. 424.
- 14 Voir acte de division des biens entre Alberico et Lodovico en date du 7 mars 1783, r° Francesco Lo (...)
- 15 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale : storia e arte tra XVI e XVIII secolo, Milan, 2008. Testamen (...)
2Le principal instrument juridique à disposition des familles pour la perpétuation des patrimoines est le fidéicommis, qui permet au testateur d’assurer sa volonté non seulement de la part de ses successeurs immédiats mais aussi de ceux à venir. Utilisé pour maintenir dans la famille ce qui a été reçu des ancêtres ou ce qui a été gagné durant une vie, il se fonde sur l’interdiction d’aliéner les biens transmis et l’obligation de restituer ce qui a été reçu. Le choix des héritiers est déterminé par le testateur initial (fondateur) qui indique la ligne de succession et l’ordre des substitutions. Le fidéicommis s’articule donc sur le couple restitution des biens / substitution des héritiers. Si la pratique trouve son origine dans le droit romain, elle a cependant évolué, se transformant en forme contraignante, de plus en plus codifiée3. Dans la Lombardie moderne, s’impose ainsi une succession en ligne masculine excluant d’abord les femmes puis les cadets. Cette exclusion s’accompagne du développement du célibat et de la destination des cadets vers des carrières militaires ou ecclésiastiques. Si au moins une des filles est destinée à se marier, les autres sont envoyées au couvent pour éviter une déperdition trop importante du patrimoine avec les dots. Portée à son degré maximal, le fidéicommis doit éviter la sortie des biens de la famille et empêcher aussi leur fractionnement à l’intérieur de celle–ci. Associant étroitement les biens possédés à la famille, il devient un élément clé de l’identité lignagère4. La préoccupation d’assurer une continuité familiale au-delà de la mort s’est diffusée de manière générale dans l’Europe occidentale de l’époque moderne5 mais, en Italie, la politique féodale de la monarchie catholique a joué un rôle important dans le développement de la primogéniture masculine. En effet, les règles qui encadraient la transmission des fiefs milanais étaient auparavant héritées de la tradition lombarde qui permettait de partager ceux–ci entre les différents descendants à parité de droits (dividuum ou iure langobardorum). Pour les fiefs obtenus avant le XVIe siècle, il n’est donc pas rare que différentes branches d’une même famille soient toutes feudataires du même fief : c’est par exemple le cas des Bolognino Attendolo ou des Visconti di Somma. Ce partage ou cette communauté du fief devient par la suite impossible puisque la monarchie espagnole impose son propre modèle de succession qui se fait exclusivement en faveur du fils aîné (individuum ou iure francorum). L’instauration de la primogéniture rendant plus probable les extinctions, la couronne y trouve son intérêt en voyant multipliées les possibilités d’inféodations, pour le plus grand bénéfice de ses finances6. M. C. Zorzoli, à travers l’examen des testaments, démontre ainsi que le recours au fidéicommis devient courant dans la Lombardie du XVIe siècle mais ne s’établit pas encore en faveur d’un seul individu. C’est seulement au cours du siècle suivant que se diffuse la primogéniture, essentiellement dans les familles qui viennent de faire l’acquisition d’un fief7. Le rôle déterminant de l’influence espagnole dans la diffusion des fidéicommis et de la primogéniture, qui s’accompagnait d’une vision négative héritée de l’historiographie risorgimentale, est toutefois l’objet de révisions : les études actuelles démontrent en effet la variété des formes et des ressorts qui conduisent à l’adoption des fidéicommis pour divers groupes sociaux. Dans le cas spécifiquement lombard, Letizia Arcangeli souligne l’existence, dès le XVe siècle, de fidéicommis avec une ébauche de primogéniture pour de grandes familles, tels les Borromeo, Visconti ou Trivulzio. Elle associe cette concentration de la richesse entre les mains d’un seul à la forme politique du régime (une principauté en relation avec les monarchies française et habsbourgeoise) tandis que les formes de divisions caractérisent plutôt les contextes politiques citadins et communaux8. Dans son étude sur la Méditerranée occidentale et, en particulier, sur le cas de Casalnuovo (aujourd’hui Manduria), Gérard Delille voit aussi des enjeux politiques dans l’adoption de la primogéniture9. À partir de la fin du XVIe siècle, les rapports entre pouvoir central et pouvoirs locaux se modifient et l’État moderne n’aurait donc plus besoin de ces lignages hiérarchisés comme intermédiaires avec la société civile, des intermédiaires dangereux car volontiers rebelles. L’État encouragerait donc l’adoption de la primogéniture. La pratique des fidéicommis ne concerne toutefois pas seulement l’aristocratie même si elle lui reste étroitement liée et peut clairement apparaître comme un signe de distinction pour des familles en phase d’ascension sociale10. À Milan, le contexte du XVIe siècle contribue également au développement des fidéicommis et de la primogéniture étant donné le renforcement du groupe des possesseurs de biens allodiaux face à l’ancienne noblesse féodale qui a perdu de son poids politique. Les premiers cherchent ainsi à assurer le maintien de l’intégrité de leur patrimoine au cours du temps et à faciliter leur intégration dans le groupe aristocratique. R. Trifone note ainsi que ces pratiques sont particulièrement utilisées dans les milieux urbains car le besoin de force et de cohésion s’y fait davantage sentir que dans les campagnes où le système féodal contribue à cette cohésion11. En ville, l’exercice du commerce a permis l’accumulation de richesses et fait naître le désir de les conserver pour égaler la noblesse et défendre la dignité familiale qui prime désormais sur toute forme d’intérêt individuel. La précocité avec laquelle les Borromeo, famille issue du commerce et du milieu urbain, réalise une primogéniture étaye ce constat : celle–ci est en effet établie par le comte Giovanni Borromeo dans son testament du 15 novembre 1492 où il stipule notamment que la propriété de la Casa grande de Milan doit revenir exclusivement à l’aîné de la famille12. Le testament de Teodoro Trivulzio, en date du 6 mars 1531, établit également une primogéniture en faveur d’un seul fils, Gian Giacomo, et interdit l’aliénation des biens13. Il ne s’agit plus, cette fois, d’une famille d’origine négociante qui doit protéger des acquisitions récentes mais d’une ancienne famille milanaise de tradition militaire et féodale qui cherche à éviter le fractionnement des biens. Le patrimoine des Belgioioso, famille au profil similaire, est également concerné par au moins six fidéicommis avec primogéniture : deux d’entre eux ont été instaurés par des Belgioioso mais les autres proviennent d’héritages d’autres familles14. Il n’est pas rare que ce soit un oncle sans descendance qui instaure le fidéicommis en faveur de son frère ou de l’aîné de ses neveux. C’est ainsi le cas de Giovanni Agostino D’Adda dans le testament qu’il rédige en 1550. Marié avec Zenobia Tolentini, mais sans descendance, il lègue la grande fortune qu’il a accumulée par le commerce et la banque à son frère Costanzo et institue un fidéicommis avec primogéniture en faveur de l’aîné de ses neveux15. Ses propriétés, inaliénables, seront transmises après Costanzo au fils aîné de celui–ci et ainsi de suite. Une disposition singulière prévoit qu’en l’absence de descendance les députés de l’Ospedale Maggiore tirent au sort parmi tous les parents D’Adda le nouveau chef de famille et héritier en privilégiant les personnes qui se sont distinguées à la guerre, au service d’un prince ou celles en possession d’un doctorat de droit ou de médecine. Un an avant la rédaction du testament par son frère, Costanzo avait acquis le fief et le titre de comte de Sale. Étant lui aussi sans descendant masculin légitime, il obtient le droit, moyennant un versement supplémentaire, de faire passer le titre à son fils naturel, Francesco, qui devient le continuateur de la lignée et le destinataire des biens de son oncle Giovanni Agostino. Le fidéicommis instauré en 1550 concernait toutefois essentiellement des biens ruraux et non le palais familial de l’Olmetto où les deux frères résidaient.
- 16 L’exemple est donné par M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio… cit., p. 114 (fidéicom (...)
- 17 M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio… cit., p. 144. Elle cite, à cet effet, un refus (...)
- 18 M. Piccialuti, L’immortalità dei beni… cit. Voir en particulier le chapitre 5 sur la composition d (...)
- 19 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Case Milano, cart. 1.
3La demeure urbaine est pourtant souvent l’objet d’une attention spécifique de la part des testateurs et la clause interdisant sa vente ou obligeant les héritiers à y résider pour entrer en possession des biens apparaît régulièrement. On la retrouve dans le testament de Giovanni Battista Negroni en 165416 ou encore dans celui de Bartolomeo Arese en 1671. Le rédacteur du fidéicommis interdit ainsi son aliénation mais peut également empêcher sa mise en location. M.C. Zorzoli rappelle la rigueur avec laquelle est défendue l’inaliénabilité de ces « façades patrimoniales » (résidences urbaines et châteaux) par le Sénat lui-même. Il apparaît en effet plus facile pour une famille mineure d’obtenir du Sénat l’autorisation de démembrer l’ensemble d’un patrimoine soumis à un fidéicommis que pour une famille prestigieuse d’obtenir le droit de vendre le palais familial17. Dans le cas de l’aristocratie romaine, M. Piccialuti a pu également mettre en évidence la place centrale occupée par le palais urbain dans les fidéicommis18. Lors des conflits successoraux, la demeure milanaise apparaît clairement au coeur des enjeux. Dans la mesure où elle est généralement composée de plusieurs acquisitions successives, des enquêtes sont menées pour tenter de distinguer la part soumise au fidéicommis et destinée à l’aîné de celle qui pourrait éventuellement revenir aux cadets. Les archives familiales offrent ainsi une documentation précieuse permettant de reconstituer les différentes phases d’achat qui ont abouti à la formation de l’édifice. La succession de Tiberio Crivelli, mort en 1726, engendre un important conflit entre ses fils qui ne se clôt qu’en 1743. À l’intérieur de cette controverse, qui concerne l’ensemble du patrimoine familial, le palais urbain est l’objet de contestations particulières entre l’aîné (Enea) et les cadets (Flaminio et Giovanni). Ces derniers refusent que la totalité de la propriété revienne à Enea et s’efforcent de prouver que toutes les acquisitions qui composent la résidence, ainsi que les sommes d’argent dépensées pour les réfections successives, ne relèvent pas de la primogéniture19. La controverse se termine finalement en faveur de l’aîné auquel est reconnue la complète propriété du palais milanais.
- 20 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ? Le cas de la Lombardie (...)
4Le fidéicommis a donc pour objectif d’interdire la division et l’aliénation des biens, mais celle–ci demeure toutefois permise dans certains cas particuliers. À Milan, c’est le Sénat, autorité juridique suprême, qui accorde les dérogations nécessaires pour la vente. Celles–ci sont bien loin d’être exceptionnelles et semblent accordées relativement facilement au XVIIIe siècle pour des biens qui ne constituent pas le centre des patrimoines20. Le système est donc moins rigide et immobile qu’il n’y paraît et le Sénat fait en sorte de favoriser des choix de gestion rationnels (la formation de patrimoines compacts ou des investissements destinés à valoriser les principales propriétés). Les dérogations sont aussi octroyées, après examen des situations familiales, lorsqu’il s’agit de pourvoir aux legs requis par le testateur, à l’entretien des enfants ou de la veuve, à la dot des filles ou aux frais de leur mariage et afin de solder des dettes. Cependant, la vente des biens nécessite l’accord de toutes les personnes susceptibles d’être appelées à la succession et les ventes sans substitution ne sont accordées qu’en cas d’impossibilité d’aliéner des biens extérieurs au fidéicommis. Par ailleurs, aucun cas de dérogation pour vendre une demeure patricienne n’a été rencontré avant la fin du XVIIIe siècle, ce qui confirme le statut particulier de celles–ci.
- 21 B. Borello, Prossimi e lontani : fratelli aristocratici a Roma e Siena (secoli XVII-XIX), dans R. (...)
- 22 ABIB, Milano, Piazza Borromeo, casa n° 2852, acquisti. Ces pièces sont estimées pour un peu plus d (...)
- 23 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Araldica, cart. 10.
- 24 Acte de division entre Alberico et Lodovico en date du 7 mars 1783, r° Francesco Longhi (ASM, Nota (...)
5Si la demeure milanaise est généralement destinée à être la propriété de l’aîné en étant l’objet privilégié des primogénitures, elle accueille néanmoins couramment les frères cadets, ce qui pose la question de ses usages et du partage des espaces. La mort du chef de famille est ainsi souvent l’occasion de redéfinir les pratiques de cohabitation à l’intérieur de la famille. Dans certains cas, le testament laissé par celui–ci fixe précisément les droits des uns et des autres. Dans d’autres cas, des accords sont stipulés entre les frères. Si les relations entre frères ont longtemps été examinées en termes d’accès à la propriété, la question de l’utilisation des espaces à l’intérieur des demeures familiales a été relativement négligée. Même si le palais est transmis au seul aîné (ou au seul fils qui se marie et perpétue la famille), il représente l’espace dans lequel vivent, parfois pendant le reste de leur vie, les autres frères, qu’il y ait ou non une injonction testamentaire à leur conserver un usage de la demeure. La question du partage de l’espace habité apparaît alors fondamentale. À travers l’exemple des Pamphili, à Rome, Benedetta Borello a montré que les cadets ne sont pas forcément défavorisés à ce niveau21. La possession d’une demeure de prestige est essentielle pour toute ambition au cardinalat et ceci explique que la partie la plus importante du palais Pamphili soit transmise au frère qui s’engage dans la carrière ecclésiastique. Le cas romain semble toutefois assez singulier à cause de la cour pontificale et, à Milan, c’est généralement le frère chargé de perpétuer la famille qui obtient les appartements les plus spacieux et les plus prestigieux. Le 19 février 1550, le comte Giberto Borromeo, propriétaire du palais familial en vertu de la primogéniture établie en 1492, accorde à Dionisio et à Filippo Borromeo l’usage de plusieurs pièces qui sont décrites précisément dans un acte notarié : elles sont incomparablement plus modestes que celles dont il jouit lui–même22. Le 14 mars 1674, Giovanni Battista Crivelli, sans enfants, laisse tous ses biens à son neveu, Flaminio. Il établit une primogéniture perpétuelle en sa faveur qui stipule, entre autres, l’obligation d’accorder à Enea (frère cadet de Flaminio) le quart de la résidence de S. Simpliciano à titre d’habitation bien que la propriété reste toute entière entre les mains du principal représentant de la famille23. En 1783, lors de la division des biens entre les frères Alberico et Lodovico Belgioioso, il est stipulé que le cadet, Lodovico, obtiendra la propriété d’un appartement à l’intérieur du palais milanais de S. Martino in Nosiggia24. Le fait qu’il en obtienne la « propriété » est rendu possible par le fait que la totalité du palais n’est pas concernée par la primogéniture étant donné les importants travaux d’agrandissement réalisés à partir des années 1770. Ces accords ne concernent toutefois que les frères et rien de similaire n’a été envisagé pour des soeurs. Les éventuelles célibataires, qui auraient échappé au couvent et pourraient rester dans la maison familiale, semblent invisibles dans les sources. Il en va différemment pour les mères, qui bénéficient généralement d’un statut privilégié (voir infra).
La communauté des biens et la limitation des mariages
- 25 Testament du 8 octobre 1610, r° Pietro Melli.
- 26 Cette première division a lieu entre les deux fils naturels de Gabrio (1508–1580) : Giovanni Batti (...)
- 27 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283, testament du 25 avril 1717 r° Francesco Bozzacco.
- 28 G. Fumi, Famiglia e patrimonio nobiliare nella Lombardia del Settecento : I Visconti di Modrone, d (...)
- 29 Benedetta Borello cite le cas des frères Borghese envoyés ensemble au Collège Tolomei de Sienne po (...)
- 30 R. Ago, Destin des cadets et carrière ecclésiastique dans la noblesse italienne du XVIIe siècle, d (...)
- 31 G. Brizzi, La Formazione della classe dirigente nel Sei-Settecento, Bologne, 1976.
6Si le recours à la primogéniture devient très courant à partir du XVIIe siècle, il n’est pas général. Le cadastre thérésien démontre en effet que plusieurs familles patriciennes ont fait le choix d’une communauté de biens. Les propriétés de la famille Cavenago dans S. Tomaso in Terramara sont ainsi au nom de Francesco, Carlo et Ambrogio ; celles des Arese (comtes de Barlassina) dans S. Babila appartiennent à Benedetto, Giulio et Francesco. C’est aussi le cas des Besozzi, des Brivio, des Candiani, des Fossani et des Moriggia pour lesquels toutes les propriétés urbaines apparaissent communes aux frères, ce qui est confirmé par les actes notariés qui établissent la vente ou l’acquisition de biens au nom de ceux–ci. Chez les Serbelloni, le patrimoine urbain est commun à tous les frères mais il est cependant soumis à un fidéicommis établi par Giovanni Battista en 161025. Après avoir largement contribué à agrandir le patrimoine, ce dernier a voulu s’assurer du maintien de son intégrité au cours du temps. L’absence de primogéniture engendre la création de différentes branches familiales : d’abord, la naissance de la branche cadette des comtes de Dovera à la fin du XVIe siècle26, puis une nouvelle division à la fin du XVIIIe siècle. Dans les différents lignages Visconti, dont la possession des fiefs est bien antérieure à la période espagnole, semble prédominer la pratique d’un partage égalitaire des biens entre les frères. Au début du XVIIIe siècle, le marquis Francesco Visconti di Modrone institue ainsi un fidéicommis en faveur de ses quatre fils et, en cas d’extinction de ceux–ci, en faveur de la femme la plus proche puis de ses descendants masculins27. Quelques années plus tard, en 1722, Nicolò Maria Visconti transmet ses biens libres de fidéicommis à ses fils, à parts égales, à l’inverse de sa femme Teresa qui institue une primogéniture28. De même, Giovanni Vincenzo Visconti di Modrone établit ses neveux héritiers à part égale avec son testament du 11 septembre 1797. Le système d’indivision est alors généralement pratiqué jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle. En l’absence d’établissement d’une primogéniture, les familles développent néanmoins des stratégies internes qui visent, de fait, à la préservation de l’intégrité des biens : un seul fils se marie afin de n’avoir qu’une descendance unique et la part des oncles reviendra ainsi aux neveux. L’administration des biens demeure généralement commune, à la charge de l’aîné, qui verse une rente annuelle à ses frères. On retrouve donc, au final, un schéma semblable à celui de la primogéniture mais qui, au lieu de se fonder sur une obligation juridique, repose sur une hiérarchie de valeurs qui place la famille avant l’individu. L’éducation des enfants vise au respect de celle–ci29. Il ne faut toutefois pas considérer les cadets comme relégués dans des fonctions de moindre importance. Renata Ago a ainsi révisé la vision des cadets « victimes du lignage » pour montrer qu’ils pouvaient aussi être « artisans de la grandeur familiale », renvoyant notamment au cas des prélats de haut rang qui renflouent le patrimoine familial grâce aux revenus de leurs nouveaux bénéfices et aux pensions qu’ils obtiennent30. Les possibilités de carrière à l’intérieur de l’Église ne sont pas négligeables pour les cadets des familles lombardes bien qu’elles soient moins importantes que pour l’aristocratie romaine. La proximité des Sfondrati, des Borromeo ou des Archinti avec la papauté explique largement le prestige et la richesse de ces familles. Gianpaolo Brizzi a également démontré un investissement dans l’éducation scolaire des cadets souvent plus important que pour les aînés31. Des oncles célibataires ont pu aussi jouer un rôle décisif dans la formation et la gestion des patrimoines destinés à leurs neveux.
- 32 AR, Eredità, cart.1
- 33 AR, Eredità cart. 3, 1675–1725, Convenzioni tra il Co Giuseppe Maria Ordogno de Rosales e il Sig. (...)
- 34 AR, Eredità cart. 5, 1720–1752 : Donazione generale fatta dal Sig. Co Giuseppe Maria Ordogno de Ro (...)
- 35 Il s’agit d’un animal gras, 24 chapons et autant de poulets, 24 douzaines d’oeufs, deux charrettes (...)
- 36 AR, Eredità, cart. 5, 1720–1752. Accord signé le 22 mars 1738.
- 37 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale… cit., p. 108.
- 38 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 40, Borromeo. Carlo Borromeo (1657–1734) fut vice– (...)
7Par ailleurs, les fidéicommis et primogénitures concernent rarement l’ensemble du patrimoine. Une partie des biens peut donc revenir aux cadets. Dans le cas des Rosales, la primogéniture avec fidéicommis établie par Matteo dans son testament de 1666 concernait uniquement la casa da nobile de Milan et le fief de Castelleone obtenu quelques années auparavant (en 1657) avec le titre de marquis32. Le reste des biens peut donc être partagé mais la tradition veut qu’un seul frère se marie. Les cadets qui n’ont pas de famille à charge confient la gestion de leur part du patrimoine à l’aîné et reçoivent une rente mensuelle ou annuelle. On peut ainsi y voir un véritable partage des tâches à l’intérieur de la famille, les cadets étant délivrés de la gestion patrimoniale pour se consacrer à d’autres activités (institutionnelles, militaires, ecclésiastiques). En 1712, après la mort de son père, l’aîné des Rosales, Diego, s’engage à prendre à charge l’entretien de toute la maison et notamment celui de sa mère avec tout le lustre requis33. Il versera à son frère Giuseppe 350 lires par mois outre la table commune, la jouissance d’un appartement dans la résidence familiale (celui où il réside actuellement ou un autre équivalent) et l’entretien de trois chevaux. Giuseppe s’engage en revanche à payer ses domestiques, à entretenir son carosse et le maréchal ferrant pour ses chevaux. Si le linge de table et de lit est fourni et entretenu par le marquis, le comte Giuseppe doit se charger de son linge personnel. Dans le cadre d’une absence de plus de huit jours pour villégiature, le marquis versera 4 lires supplémentaires par jour à son frère pour les frais de bouche. Quelques années plus tard, s’étant engagé dans une carrière ecclésiastique, Giuseppe effectue en 1735 une donation générale de ses biens en faveur de son frère aîné, en échange d’une pension annuelle et du règlement de ses dettes actuelles dans la limite de 29 000 lires34. Les événements qui peuvent survenir dans la famille sont anticipés dans cet accord, telle la mort de leur mère, Maria Antonia Novati, qui mettra fin au versement de la pension qui lui est due. Diego s’engage alors à augmenter la rente annuelle versée à son frère, faisant passer celle–ci à 9 000 lires par an. Et lorsque le marquis Don Gaspare Carlo (fils de Diego) se mariera, son oncle Giuseppe recevra des bijoux de famille pour les offrir à la jeune épouse. En 1735, les deux frères vivent encore sous le même toit selon les règles établies en 1712. Il est toutefois précisé qu’en cas d’augmentation du nombre de chevaux, leur entretien sera déduit de la rente annuelle versée à Giuseppe. Il est aussi prévu, « quand il ne plaira plus au Comte de continuer la cohabitation avec le Marquis », que ce dernier lui donne 6 000 lires supplémentaires par an pour contribuer à sa nouvelle habitation. Pour la villégiature, le comte jouira, de manière privative, de la villa de Cassano. Il s’engage, en contrepartie, à financer les dépenses et réparations annuelles nécessaires. De même, une partie définie des productions agricoles du domaine lui sera réservée chaque année pour sa consommation personnelle lors de la villégiature35. En 1738, à la suite de la mort du marquis Diego, un nouvel accord est négocié entre le comte Giuseppe et son neveu, le marquis Gaspare, dans des termes relativement similaires tandis que Giuseppe continue à habiter dans la demeure familiale36. Des pratiques semblables sont observées dans la famille D’Adda. En 1752, Lorenzo, frère cadet engagé dans l’armée, renonce à ses prétentions héréditaires en échange d’une rente de 6 000 lires par an. C’est à cette occasion qu’est réalisé l’inventaire du palais milanais de S. Fermo (1753)37. De tels accords sont aussi scellés chez les Borromeo qui furent parmi les premiers à établir fidéicommis et primogéniture. À la suite de la mort du comte Carlo Borromeo, en 1734, plusieurs transactions sont ainsi réalisées par ses fils Giovanni Benedetto et Federico38. Le 20 janvier 1736, Giovanni Benedetto, l’aîné, obtient la jouissance de tous les biens de la famille (outre les biens en primogéniture, il gère également ceux qui étaient en commun). En contre–partie, il s’engage à verser 5 000 scudi par an (soit 30 000 lires) à son frère Federico et lui réserve la possibilité de résider dans les demeures familiales. À cette date, Federico doit quitter Milan pour un séjour à Rome suivi d’un long voyage : il lui est donc avantageux de laisser la gestion des biens familiaux à son frère et de ne pas avoir à entretenir une résidence personnelle dans la capitale lombarde. L’accord lui permet de conserver son appartement dans le palais milanais et lui donne le droit d’aller en villégiature à Oreno. Quelques années plus tard, la mort du cardinal Giberto Borromeo, leur oncle, et de Camilla Barberini (seconde épouse de Carlo Borromeo et mère de Federico) conduit à modifier les termes de l’accord de 1736. Une révision, effectuée le 7 novembre 1740, augmente de 7 000 scudi par an la pension versée à Federico qui récupère donc ce que touchait sa mère. Avec une disponibilité de 12 000 scudi (ou 72 000 lires) par an, il a donc de quoi vivre tout à fait confortablement. En 1744, à la mort de son frère Giovanni, c’est le fils de celui–ci, Renato, qui devient chef de famille et reprend les engagements établis envers son oncle. Le 22 juin 1744, Federico vend à son neveu Renato tous les meubles qu’il possède dans le palais de Milan mais aussi dans ses autres résidences pour 1 000 zecchini. Les motivations de cette vente sont mal connues mais il est probable que des raisons financières entrent en jeu car Federico a alors plus de 140 000 lires de dettes. Si les frères cadets sont donc exclus de la propriété de certains biens concernés par la primogéniture, ils ne disposent pas moins de ressources financières, plus ou moins importantes selon les cas.
Des exceptions : le fractionnement en plusieurs lignées
- 39 Sur cette famille, voir aussi supra chap. 3, généalogie p. 148.
- 40 ABM, cart 33, fasc. 8. Acte du 8 décembre 1525, r° Francesco Scaraggio de Gandino, notaire de Pavi (...)
8Alors que de nombreuses familles milanaises s’efforcent de maintenir l’unité patrimoniale en recourant à des instruments juridiques (fidéicommis, primogéniture) ou en limitant le mariage au fils aîné, d’autres adoptent des pratiques différentes qui donnent naissance à plusieurs ramifications familiales. C’est le cas des Attendolo Bolognini39. Une première division de la famille en deux lignages survient au XVIe siècle avec Giovanni Matteo et son frère Galeazzo. En 1525, les fils de Giovanni Matteo (Gerolamo, Giovanni Paolo et Federico) effectuent ainsi un partage des biens familiaux, féodaux comme allodiaux, avec leurs cousins, Alessandro, Giovanni Francesco, Sagramoro, Giovanni et Francesco Bernardino (fils de Galeazzo I)40. Quelques générations plus tard, une nouvelle division s’effectue entre les trois fils de Carlo : Sforza, Giovanni Battista et Ferdinando Giacomo.
- 41 ABM, cart. 39, fasc. 9. En date du 1er octobre 1680, istrumento di divisione dei locali del Castel (...)
- 42 ABM, cart. 43, fasc. 1. Convention en date du 3 juin 1716.
- 43 ABM, cart. 43, fasc 5. Accord du 21 mars 1724.
- 44 ABM, cart.43, fasc. 7. Acte en date du 11 août 1731, r° Luca Alberganti.
- 45 ABM, Pergamene fasc. 64.
- 46 ABM, cart. 4. 1647 : comparition du comte Giacomo Francesco Attendolo pour être admis au Collège d (...)
- 47 ABM, cart. 40, fasc. 3. Testament r° Giacinto Ferrario.
- 48 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ?... cit.
- 49 ABM, cart, 43, fasc. 6. Convention du 10 avril 1728.
- 50 Les informations sur la résidence proviennent de F. CALVI, Famiglie notabili milanesi… cit. Angelo (...)
9Ces différentes lignées, qui sont toutes confeudataires de S. Angelo en vertu d’une investiture antérieure à la période espagnole, semblent partager le fief et la demeure familiale sans trop de conflictualité. Le château de S. Angelo demeure, au fil des siècles, l’ancrage résidentiel principal de la famille bien que les différentes branches aient également d’autres résidences. À tel titre, ses usages sont étroitement circonscrits et les pièces qui composent le château sont partagées entre les différents lignages. L’acte de division de 1680 établit ainsi précisément les espaces dont jouiront tel ou tel membre de la famille et stipule également les droits de passage dans les espaces communs (cour, portique, escalier, etc.)41. Entre frères, à l’intérieur d’un même lignage, la communauté des biens est généralement pratiquée. En 1716, un an après la mort de leur père, Giacomo Giuseppe, Angelo, Gerolamo, Cesare et Idelfonso (branche III) établissent ainsi une convention qui réglemente cette communauté des biens, mentionnant les dépenses à charge et les revenus qui pourront être divisés entre les frères42. L’accord, qui évoque le « respect de la volonté paternelle », a aussi pour finalité de maintenir le « lustre de leur maison ». Dans un accord successif, datant de 1728 et apportant quelques modifications à la convention de 1716, les frères évoquent leur « amorevolessima reciproca unione », et leur « buon affetto » sans que l’on puisse réellement savoir la réalité de ces sentiments. En 1716, le revenu brut de la fratrie s’élève à 18 717 lires annuelles, ce qui donne une rente nette de 14 143 lires après avoir déduit les diverses charges. Il faut encore y retrancher 3 700 lires consacrées à l’entretien de leur mère, notamment pour couvrir ses frais de carosse et de domesticité. Pour le reste, les frais de maison (alimentation, salaire de cinq domestiques en livrée, de la femme de chambre et du cuisinier) constituent le principal poste de dépenses avec 6 394 lires annuelles auxquelles il faut encore ajouter 200 lires pour le linge de maison et les ustensiles de cuisine. Les aumônes et diverses dépenses absorbent 153 lires tandis que la somme restante, partagée entre les frères pour leurs dépenses personnelles, s’élève modestement à 3 704 lires. La convention de 1716 subit par la suite des modifications en fonction des reconfigurations familiales. En 1724, Idelfonso quitte la demeure familiale pour rejoindre son régiment. Ses frères conviennent alors que l’aîné, Giuseppe, lui versera 1 000 lires par an pour sa table et ses dépenses personnelles en supplément des 700 lires dont il jouissait déjà depuis 171643. Le régime communautaire de la branche III est toutefois quelque peu modifié en 1731 par une division partielle des biens44. Il est fort probable que celle–ci s’effectue après la disparition de leur mère qui les libère d’une charge commune. Avec l’aide du comte Francesco Archinto, ami de la famille, les frères s’entendent sur la constitution de cinq parts de valeur équivalente (procurant chacune 2 980 lires de revenus annuels). Certains biens, dûment spécifiés, restent toutefois communs, tels leurs logements dans le château de S. Angelo et la casa del fattore. Ces accords réalisés par les fils de Ferdinando ne concernent toutefois que les biens qu’ils possèdent en commun (le fief d’Olevano et Cerretto et d’autres possessions) car une partie des biens de S. Angelo est soumise à une primogéniture, cas exceptionnel chez les Bolognini. En effet, l’un des membres de la famille s’est singularisé en instaurant un fidéicommis avec primogéniture. Il s’agit de Giacomo Francesco (q Massimiliano), époux de Cecilia Carcano, mort en 1680 sans héritier masculin. Diplomé en droit à l’université de Pavie en 164545, il est admis dans les années qui suivent au Collège des Jurisconsultes de Milan46 et mène une carrière institutionnelle qui le conduit à la charge d’avocat fiscal en 1666, puis de vicaire du capitaine de justice. Sa formation juridique pourrait contribuer à expliquer ses choix successoraux qui se démarquent des traditions familiales. Propriétaire de biens dans les territoires de S. Angelo et Villanterio, il institue comme héritier universel Ferdinando Attendolo Bolognino, fils de son cousin Carlo, par son testament du 15 avril 168047. Il institue aussi une primogéniture masculine et un fidéicommis qui interdit toute vente des biens y compris pour « des affaires très urgentes ou nécessaires ». Sachant que le Sénat accorde assez facilement des dérogations aux fidéicommis pour des raisons familiales (paiement d’une dot, éducation des enfants) ou pour des raisons de gestion48, Giacomo Francesco demande à cette institution, au cas où un héritier présenterait une demande de dispense, de refuser celle–ci et de faire passer l’héritage à un autre « appelé ». Si les sénateurs ne tiennent pas compte de sa volonté, il les menace de devoir répondre à ce manquement devant la justice divine. Pour éviter tout risque de saisie des biens, il prévoit qu’un héritier ne remplissant pas ses devoirs fiscaux se verrait privé de son héritage qui passerait alors à un autre « appelé ». Par ailleurs, pour perpétuer sa mémoire, ses héritiers (qui portent déjà le même nom de famille) devront reprendre son prénom, le premier d’entre eux s’appelant Giacomo II puis Giacomo III, etc. Pour que l’identité des biens légués ne se dissolve pas, il exige qu’un inventaire de ceux–ci soit réalisé tous les quinze ans, mentionnant les « justes voisinages » (les parcelles contiguës). C’est là un exemple particulièrement contraignant de la volonté d’un testateur de contrôler le devenir de ses biens après sa mort et c’est, semble–t–il, le seul cas de fidéicommis avec primogéniture établi dans la famille Bolognini. La résidence milanaise, située dans la paroisse de S. Pietro alla Vigna et acquise quelques années auparavant, fait bien sûr partie du fidéicommis. Du point de vue des usages, elle est le lieu d’une cohabitation familiale restreinte. En 1716, alors que Ferdinando (Giacomo II) meurt, ses cinq fils âgés de 20 ans à 35 ans habitent ensemble. En 1728, la demeure de S. Pietro alla Vigna n’héberge plus que l’aîné Giuseppe Giacomo et son frère, l’abbé Gerolamo49. Le troisième frère, Cesare, également ecclésiatique, habite sur son lieu de fonction tandis que les deux derniers, Angelo et Idelfonso, sont éloignés par leurs charges militaires. Restés tous deux célibataires, ils terminent leur vie dans une résidence louée à Milan, dans la paroisse de S. Lorenzo (Porta Ticinese) pour Idelfonso et dans celle de S. Giovanni in Conca (Porta Romana) pour Angelo50.
- 51 www.lombardiabeniculturali.it/archivi/soggetti–produttori/famiglia/MIDD 000232/consulté le 5 juin (...)
- 52 Sur les propriétés des deux branches Visconti di Brignano : A. Kluzer, « I due palazzi uniti con q (...)
- 53 Acte du 14 novembre 1538, r° Giacomo Antonio del Conte (ASM, Feudi camerali, p.a., cart. 738). Voi (...)
10Si l’on excepte le choix singulier de la branche III qui établit une primogéniture, le modèle successoral des Bolognini demeure celui d’une communauté de biens entre les frères comme pour beaucoup d’autres familles ayant acquis leur fief avant le XVIe siècle, modèle qui peut s’accompagner de la création de lignages collatéraux. Les Visconti représentent une autre famille au statut féodal ancien qui a connu la formation de plusieurs lignages et a adopté parfois des solutions successorales assez singulières. Le cas du fief de Brignano représente au XVe siècle une « expérimentation politique d’alliances » dans le contexte de la lutte contre Venise puis contre la France, témoignant des relations des souverains Sforza avec les différents lignages Visconti51. En 1504, Francesco Bernardino rend définitive la division du fief de Brignano, effective depuis la division de 1465 entre son père Sagramoro II et Pietro Francesco I, en instituant un fidéicommis dividuo. Cette division explique la construction de deux palais dans la commune de Brignano : le palazzo nuovo et le palazzo vecchio, situés l’un à côté de l’autre52. Les deux édifices donnent aussi leur nom aux lignées familiales. La branche Visconti du palazzo vecchio connaît une nouvelle division en 1538 entre Annibale (qui reçoit le fief de Saliceto) et Pietro Francesco II, qui perpétue la lignée de Brignano. Tous les deux continuent intialement à se partager la résidence milanaise de S. Maria Podone (Porta Vercellina), mais quelques années plus tard, Pietro Francesco cède sa part à son frère Annibale53. La branche du palazzo nuovo partage quant à elle les biens familiaux en 1551 entre les fils de Barnabò, mais réserve le titre de confeudataire de Brignano à l’aîné d’entre eux, Giovanni Battista. Pour les deux branches, le XVIe siècle marque donc l’instauration de primogénitures pour la succession féodale.
- 54 Ottavio Cusani fut à plusieurs reprises vicario di provvisione entre 1534 et 1559 (F. Arese, Supre (...)
11Les cas de fractionnements lignagers sont rares à partir du XVIIe siècle, mais ils ne sont pas inexistants comme le démontre le cas des Cusani et des Durini. Les Cusani n’ont pas suivi le modèle de la succession unique qui s’est développé au XVIIe siècle car si Ferdinando avait institué une primogéniture en faveur de ses neveux, à la fin du XVIIe siècle, les autres membres de la famille sont restés attachés au partage du patrimoine entre les frères. Les Cusani possèdent le fief de Chignolo depuis 1441 et se caractérisent par une longue tradition de service institutionnel dans les institutions civiques et monarchiques54. Ils ont réalisé des alliances matrimoniales avec d’anciennes familles milanaises aux traditions féodales similaires tels les Lampugnani, Visconti, Bigli ou Besozzi. Au XVIIIe siècle, ils occupent une place prestigieuse dans la société milanaise, grâce notamment à Agostino Cusani (1655–1730), nommé cardinal en 1712, après avoir occupé diverses charges dans la Curie romaine et avoir été nonce apostolique en France. Au milieu du XVIIIe siècle, la famille se compose de différentes branches issues d’une division à la fin du XVIIe siècle entre Luigi et son frère Giacomo qui forment la branche aînée et la branche cadette des marquis de Chignolo (cf. généalogie p. 482).
- 55 Le palais milanais, proche de Brera, fut magnifiquement refait par Agostino au XVIIe siècle : voir (...)
- 56 F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. Pour régler ses dettes, le Sénat autorise la vente de q (...)
- 57 Sur les Durini, voir C. Geddo, Il cardinale Angelo Maria Durini (1725-1796) : un mecenate lombardo (...)
- 58 L’un des rares fidéicommis fut réalisé par Carlo Francesco I dans son testament en 1694.
- 59 C. Cremonini, Breve storia della famiglia Durini… cit.
12La branche aînée a connu une seconde division à la génération suivante entre Carlo et Gerolamo et la branche cadette entre Filippo et Francesco. Dans le cadastre, quatre biens sur les cinq que possède la famille dans la paroisse milanaise de S. Eusebio sont au nom du marquis Gerolamo (q Luigi), représentant de la branche aînée. Le cinquième bien, la résidence familiale, apparaît en revanche partagé entre trois membres de la famille55 : Gerolamo, représentant de la branche aînée, en possède la moitié (pour une valeur de 2 222 scudi), Agostino (q Giacomo) et Francesco (q Filippo), représentants de la branche cadette, détiennent les deux quarts restants (1111 scudi chacun). La part plus importante détenue par Gerolamo est liée au fait qu’il a récupéré le quart de son frère Carlo dont la conduite dépensière a suscité des problèmes financiers l’obligeant à céder une partie de ses biens à son frère aîné56. Les Durini représentent un autre exemple de famille qui se divise en deux branches au XVIIIe siècle. Originaires de Côme et enrichis par le négoce, les Durini se transfèrent à Milan au début du XVIIe siècle et sont admis au patriciat en 174157. Si, à partir de ce moment, ils intègrent les principales magistratures civiques (Tribunale di Provvisione en 1748, Consiglio Generale en 1766), ils ne furent que peu présents dans les magistratures monarchiques, à la différence des Clerici, avec lesquels ils partagent une origine sociale similaire. Contrairement à d’autres familles issues du négoce, la pratique des fidéicommis et de la primogéniture est peu répandue chez les Durini et ne concerne pas le noyau central du patrimoine58. Les Durini font donc majoritairement le choix d’un partage des biens entre les frères, choix original pour une famille dont l’ascension est récente et qui a accumulé de grosses richesses. Il est sans doute à mettre en relation avec la clause spécifique qui permet à tous les frères de jouir du titre de comte acquis avec le fief de Monza en 1648. Cinzia Cremonini souligne toutefois que les divisions fraternelles des biens ne se font pas sans controverses judiciaires59. Au milieu du XVIIe siècle, un premier litige éclate ainsi entre Giovanni Battista, l’aîné et Giuseppe le second, pour la succession paternelle qui s’élève à plus de trois millions de lires. Giovanni Battista est accusé d’une mauvaise gestion du patrimoine durant la tutelle de ses frères mineurs tandis que Giuseppe a besoin de liquidités pour construire la villa Mirabello. C. Cremonini présente alors les deux frères comme rivalisant dans les dépenses de représentation. En 1657, les autres frères, Angelo Maria et Carlo Francesco aboutissent à un accord avec leur frère aîné et obtiennent des ajouts à la part d’hérédité qui leur revenait initialement. À la génération suivante, tous les biens convergent vers Giacomo, fils de Giovanni Battista et unique héritier masculin. La pratique de ne marier que l’aîné permet ainsi d’éviter un éclatement des patrimoines, comme chez les Rosales. Cependant, au début du XVIIIe siècle, les fils de Giacomo brisent cette tradition et la famille se divise en deux branches. En 1723, Giuseppe, le cadet, se marie avec Costanza Barbavara, issue d’une famille de juristes de condition économique plus modeste, mais néanmoins insérée dans les magistratures. L’alliance est moins brillante que pour son frère aîné, Gian Battista, qui avait épousé Anna Archinto en 1715, mais elle aboutit à une division durable du patrimoine. Entre 1723 et 1731, les frères Durini apparaissent en conflit pour le partage du patrimoine. Ils remettent en cause la division des biens faite, non par leur père, mais par leur frère aîné, l’une des caractéristiques de la famille étant la rareté des dispositions testamentaires.
- 60 Testament d’Angelo Maria en date du 16 décembre 1685, r° Mauro Casati (ASM, Notarile, cart. 33 094 (...)
- 61 La consultation des archives Durini permettrait sûrement de préciser les termes des accords entre (...)
13Au milieu du XVIIe siècle, la demeure milanaise des Durini est partagée entre Gian Battista II (1612–1677) et son frère célibataire, Angelo Maria I (1631–1685). Ce dernier, dans son testament, laisse à son neveu Giacomo la moitié du palais, dont il jouit avec tout le mobilier60. Un autre frère, Carlo Francesco I (1634–1694), a acquis aux enchères une demeure à Monza en 1659 qu’il réaménage de manière grandiose et qui devient sa résidence principale. Le quatrième frère, Giuseppe I (1624–1701) s’est engagé dans une carrière militaire qui le conduit dans les Flandres et en Allemagne, au service de l’Empire et de l’Espagne. Il fait construire par l’architecte Gerolamo Quadrio la Villa Mirabello à Monza entre 1656 et 1675, rénove la Villa Robarello et s’installe à Milan, dans la contrada de S. Pietro all’Orto. Ces somptueuses propriétés des frères Durini convergent vers leur unique fils et neveu, Giacomo, avant d’être à nouveau distribuées entre les fils de Giacomo. La branche cadette, dont est issu le cardinal Angelo Maria, récupère notamment la Villa Mirabello. Au milieu du XVIIIe siècle, la principale résidence milanaise, le palais de S. Stefano in Borgogna, apparaît comme une propriété commune aux descendants masculins des deux branches : dans le cadastre, il est au nom de Giacomo et Giuseppe (q Gian Battista, branche aînée) ainsi que d’Ercole et Angelo (q Giuseppe, branche cadette). La seconde résidence milanaise de la famille, située dans S. Pietro all’Orto, est au nom exclusif de Giuseppe (second frère célibataire de la branche aînée qui s’y est installé)61. Les principales demeures familiales (palais de Milan, château de Monza) demeurent donc des propriétés communes et constituent le lieu de résidence privilégié des aînés tandis que d’autres résidences sont transmises exclusivement aux cadets (Villa Mirabello, casa da nobile de S. Pietro all’Orto).
Les patrimoines face aux extinctions : d’autres formes de perpétuation
- 62 D. E. Zanetti, La demografia del patriziato milanese nei secoli XVII-XVIII-XIX, Pavie, 1972. Voir (...)
14La pratique de la primogéniture et de la restriction des mariages, destinée à limiter la fragmentation des patrimoines, a pour effet, sur le long terme, de nombreuses extinctions de familles. Celles–ci se multiplient au cours du XVIIIe siècle alors que les effets de ces pratiques se font davantage sentir62. Plusieurs possibilités se présentent pour le devenir des patrimoines familiaux. Lorsqu’un fidéicommis a imposé une succession exclusivement masculine, les biens peuvent passer à une branche cousine de la famille (succession agnatique). Lorsqu’il y a une descendance féminine et que les filles peuvent jouer un rôle de relais dans la transmission des biens, ils reviennent à une autre famille par le biais des alliances matrimoniales (succession cognatique). Enfin, en l’absence de descendant, ils peuvent aussi être destinés à la création d’une fondation pieuse.
La transmission à des branches cousines : choix ou obligation ?
15Deux exemples présentent des situations différentes pour le devenir des biens dans le cadre de l’extinction d’une lignée. Dans le cas des Trivulzio, princes de Mesocco, la famille s’éteint en 1678 et le dernier représentant a librement choisi de transmettre le patrimoine à son cousin maternel, auquel le lient des relations amicales. Dans le cas des Clerici, un fidéicommis impose en revanche la succession à une lignée cousine par voie agnatique. Dans ce second cas, la transmission se fait de manière contrainte et le dernier représentant de la famille dilapide volontairement le patrimoine, démontrant finalement les limites du fidéicommis.
- 63 L. De Nardi, « I Trivulzio principi di Mesocco nel pieno Seicento : patrimonio e carriere (1630–16 (...)
- 64 Testament en date du 25 juillet 1678.
16Les Trivulzio appartiennent à une très ancienne famille milanaise, qui figurait dans la matricule d’Ottone Visconti recensant les familles ayant accès au chapitre du Duomo en 1277. Vieille famille féodale, bien intégrée dans les magistratures, elle a joué un rôle politique et militaire important au moment des guerres d’Italie. Au XVe siècle, comme la plupart des autres grandes familles féodales, elle se fractionne en plusieurs branches dont la plupart s’éteignent au cours des siècles suivants. La succession des comtes de Melzo, princes du Saint–Empire et de Mesocco dont le dernier représentant, Antonio Teodoro Trivulzio, meurt sans héritier direct en 1678, s’accompagne de l’obligation de reprendre son nom pour jouir des biens. Antonio Teodoro est le petit–fils de Gian Giacomo Teodoro Trivulzio, qui s’est illustré au service de Philippe III d’Espagne, obtenant le titre de prince et de Grand d’Espagne en 164263. Mort à 29 ans, Antonio Teodoro transmet son patrimoine et ses titres à son cousin Gaetano Gallio, fils de sa tante Ottavia Trivulzio et de Tolomeo Gallio, duc d’Alvito. Les liens d’affection semblent avoir été déterminants dans ce choix successoral. En effet, Antonio est très proche de sa tante et de son oncle, qui furent ses tuteurs, et il a partagé son adolescence avec Gaetano. Son cousin doit toutefois reprendre son nom et son prénom, devenant Antonio Teodoro Gaetano Trivulzio Gallio. Le testament prévoit si besoin une substitution des Borromeo aux Gallio, parents plus éloignés, avec cette fois un quart de l’héritage destiné également à la fondation d’une oeuvre de charité64. Cette tentative de perpétuer la famille Trivulzio n’aura toutefois qu’une durée limitée puisque deux générations plus tard, le problème successoral se pose à nouveau suggérant une réponse différente (voir infra).
- 65 Testament de Giorgio I en date du 10 juillet 1660 (r° Giacomo Filippo Biumi). ASM, Notarile, cart. (...)
- 66 ASM, Clerici r. a., cart. 6.
- 67 L. Mocarelli, Ascesa Sociale e investimenti… cit., p. 422.
- 68 Sur les ventes réalisées par Antonio Giorgio : ASM, Clerici, r. m. cart. 8.
- 69 Quatre biens sont donnés en livello : les deux propriétés de S. Giovanni al Muro qui appartenaient (...)
- 70 ASM, Clerici r. m., cart. 123, acte du 23 octobre 1812, r° Lonati.
17Les Clerici ont un profil social bien différent des Trivulzio et sont issus d’une famille de négociants arrivée à Milan au début du XVIIe siècle. Giorgio IClerici (dit Giorgione, 1575–1665) est à l’origine de l’immense fortune familiale qu’il cherche à protéger par l’établissement d’un fidéicommis en 166065. Il n’établit pourtant pas de primogéniture et, à sa mort, les richesses familiales sont partagées entre ses trois fils, qui se sont tous mariés : Pietro Antonio (avec Vittoria D’Adda), Carlo (avec Eufemia Bonella) et Francesco (avec Anna Imbonati puis Anna Arbona). Seul Carlo assure toutefois la descendance familiale avec deux fils : Giorgio, à l’origine de la branche aînée, et Paolo, fils naturel légitimé, qui hérite les biens de son oncle Francesco et donne naissance à la branche cadette. Pietro Antonio (fils aîné de Giorgio I) avait acquis le fief de Cavenago en 1666, puis le titre de marquis l’année suivante. Se sachant sans descendance, il a obtenu la possibilité de les transmettre à son neveu, Giorgio, et instaure une primogéniture dans son testament. L’entrée dans la noblesse se marque donc par l’abandon des pratiques successorales traditionnelles de la famille qui prévoyaient la division des biens entre les frères. Par ailleurs, à partir de 1684, un conflit éclate entre Paolo et Giorgio qui cherche à écarter son demi–frère du riche patrimoine paternel. Quelques générations plus tard, Antonio Giorgio Clerici (1715–1768), dernier représentant masculin de la branche aînée, connaît le couronnement de l’ascension familiale en étant admis au patriciat milanais en 1739 et au Consiglio Generale l’année suivante. Petit–fils du comte Archinto et mari de Fulvia Visconti, il est intégré dans le réseau de deux anciennes et prestigieuses familles patriciennes, proches de la cour impériale. La carrière militaire, dans laquelle il s’est engagé, l’a porté au rang de général d’artillerie (1758) et lui fait obtenir la Toison d’Or en 1759. Toutefois, Antonio Giorgio représente aussi le début du déclin familial, engageant une véritable dilapidation du patrimoine. À partir de 1742 et jusqu’en 1761, il présente au Sénat plusieurs demandes de dispense pour vendre des biens soumis à fidéicommis66. Presque chaque année, ce sont plusieurs centaines de milliers de lires qui sont concernées pour un total de plus de cinq millions de lires sur les vingt ans. À chaque fois, pour appuyer sa requête, il en justifie l’usage : il s’agit de rembourser différents créditeurs, de payer des marchands ou des ouvriers. En 1744, la somme est destinée à former un régiment de soldats, puis, en 1747, à en payer les soldes. En 1756, c’est pour acheter des bijoux et de l’argenterie, financer diverses dépenses pour la décoration du palais milanais ainsi que l’achat d’une loge dans un théâtre de Milan. En 1758, une partie des 421 000 lires obtenues par la vente de terres doit financer une ambassade à Rome. Cette dissipation du patrimoine familial provoque les protestations des héritiers de la branche cadette qui se voient spoliés d’une partie des biens devant leur revenir. En 1761, ils déposent donc un recours auprès du Sénat en soulignant que les fonds ainsi dégagés ne sont pas affectés aux dépenses faisant l’objet de la demande, mais servent à financer d’autres biens de consommation, ce qui ne résorbe pas les dettes existantes. Ils reprochent au Sénat de ne pas vérifier l’usage des fonds et de se laisser abuser par le marquis Clerici qui dilapide volontairement son patrimoine. Leur recours est du reste pris en compte par le Sénat, qui suspend l’accord pour d’ultérieures dérogations au fidéicommis. Si Antonio Giorgio mène un train de vie particulièrement dispendieux, c’est sûrement à cause d’un goût du faste particulièrement prononcé, mais aussi parce qu’il sait qu’il ne pourra pas transmettre à sa fille unique, Claudia, les propriétés soumises à un fidéicommis : celles–ci doivent passer uniquement à un héritier masculin et Antonio Giorgio entretient de très mauvais rapports avec la branche cadette des Clerici représentée par Don Giorgio (1698–1766), puis par son fils Francesco. Il vend donc sans état d’âme les propriétés familiales. En 1759, environ la moitié des terres qu’il possédait a été cédée67 et le patrimoine urbain connaît en partie le même sort : en 1802, le comte Francesco Clerici (q Giorgio), représentant de la branche cadette, ne possède plus que 9 826 scudi d’estimo dans la ville de Milan sur les 27 788 scudi qui appartenaient au marquis Antonio Giorgio en 1751 (pl. XLII). Neuf immeubles urbains, pour une valeur de 8 073 scudi, ont été cédés par Antonio Giorgio avant 1760, soit avant que la branche cadette ne présente son recours au Sénat. Le fait que le noyau de S. Protaso et S. Tomaso, où se trouve la résidence, n’ait pas été préservé est significatif de cette politique volontaire de dilapidation du patrimoine : deux des biens vendus avant 1760 y étaient localisés. Par la suite – et c’est sûrement l’effet du recours présenté par la branche cadette –, le nombre de ventes réalisées par le marquis Antonio Giorgio diminue : seulement deux sont enregistrées en 1765 et 1766, mais elles concernent toujours deux biens proches du palais68. Vers 1773–1774, une autre série de cessions est enregistrée : elles se font dans le cadre de la liquidation de l’héritage du marquis Antonio Giorgio, qui est mort en 1768, et servent à rétablir l’équilibre financier d’un patrimoine grevé de nombreuses dettes. Par la suite, et jusqu’en 1802, si le cadastre enregistre de nouvelles cessions, il ne s’agit plus de ventes, mais de contrats de livello qui sont établis par le comte Francesco, représentant de la branche cadette69. Le palais est loué par Francesco à l’archiduc Ferdinand durant la période de travaux du Palazzo Ducale. En 1812, il est acquis par l’État et sert à accueillir le Ministère du Trésor du royaume d’Italie70. Le cas des Clerici qui se caractérise par la dilapidation volontaire du patrimoine est assez exceptionnel et témoigne de l’efficacité toute relative du fidéicommis. L’instrument qui semblait sceller pour l’éternité les volontés du testateur initial trouve ici ses limites. Il faut toutefois souligner le rôle du contexte chronologique : dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le fidéicommis commence à être remis sérieusement en cause et il est donc possible que le Sénat ne soit plus aussi attentif à respecter celui–ci. Dans le cas des Clerici, les femmes ont donc été exclues de la transmission des biens. Claudia, fille unique d’Antonio Giorgio, ne peut recevoir que quelques bribes du patrimoine paternel, l’essentiel – ou du moins ce qu’il en reste – parvenant à la branche cadette des Clerici. Dans d’autres familles, les femmes peuvent toutefois avoir un rôle plus important dans la transmission des biens.
Les femmes : de simples relais dans la transmission des biens ?
La législation successorale milanaise
- 71 A. Monti, Iudicare tamquam deux : i modi della giustizia senatoria nel ducato di Milano tra Cinque (...)
- 72 Cette exclusion des filles s’est mise en place au cours du Moyen Âge, dérogeant aux pratiques du d (...)
- 73 A. Monti, Iudicare… cit. p. 310 et sq.
- 74 A. Monti, Iudicare… cit. ; C. Valsecchi, L’istituto della dote… cit.
- 75 G. P. Massetto, Il lucro dotale nella dottrina e nella legislazione… cit.
18À Milan, la place des filles dans la transmission des biens et les rapports patrimoniaux entre époux ont été examinés surtout par des historiens du droit et demeurent encore à approfondire pour certains aspects71. Comme ailleurs en Italie, les filles sont exclues de l’héritage paternel au profit de leurs frères et elles reçoivent une dot lors de leur mariage qui a pu être considérée comme une forme d’héritage72. Les règles de succession sont établies par les statuts locaux et le droit commun sur lesquel se fonde le Sénat pour trancher les différends qui surviennent. Les Statuts de 1498 prévoyaient ainsi l’exclusion des filles de la succession et seulement dans un deuxième temps imposent de les doter, mais leur interprétation est sujette à débat car ces mêmes statuts peuvent par ailleurs laisser penser que les filles sont exclues de la succession seulement dans la mesure où elles sont dotées73. Les Nouvelles Constitutions de 1541 ne présentent pas de réelles nouveautés en matière de succession. Dans la pratique, le Sénat interprète les statuts en considérant que la dot n’est pas conférée à la place de la legittima, ce qui est important pour le calcul de cette dernière, qui peut varier d’un tiers à la moitié du patrimoine selon le nombre d’ayants droits. En l’absence d’héritier masculin, les filles peuvent hériter du patrimoine paternel et le Sénat favorise (y compris contre la volonté du père) une égalité entre les héritières74. Lorsque l’un des conjoints décède, le devenir de la dot peut être sujet à conflit. Si l’épouse décède en premier, les statuts prévoient un passage de la dot au mari. Lorsque l’époux décède en premier et que l’épouse se remarie, les seconds maris obtiennent également des droits sur la dot en l’absence d’enfants mais ils ne peuvent nier complètement les droits des enfants du premier lit. Ces derniers restent toutefois flous et les débats juridiques sont importants sur la question75. Dans la pratique, la jurisprudence milanaise cherche généralement à préserver au maximum les droits des enfants.
- 76 M. C. Zorzoli, Una incursione nella pratica giurisprudenziale milanese del Seicento e qualche rifl (...)
- 77 Deux numéros spéciaux de revues sont consacrés à ces thématiques : Clio, 7, 1998 (intitulé « Femme (...)
- 78 Il s’agit de républiques maritimes où la richesse mobilière occupe une importance majeure, ce qui (...)
- 79 S. Feci, Pesci fuor d’acqua : donne a Roma in età moderna : diritti e patrimoni, Rome, 2004.
- 80 I. Chabot, La dette des familles : femmes, lignage et patrimoine à Florence aux XIVe et XVe siècle (...)
- 81 R. Ago, Universel / particulier : femmes et droits de propriété (Rome, XVIIe siècle), dans Clio. H (...)
- 82 S. Beauvalet–Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, 2001 ; Id., La femme seule à l’ép (...)
19Dans les Statuts milanais, les capacités juridiques de la femme connaissent de lourdes limitations, dans la mesure où elle doit avoir l’accord de l’homme, chef de la famille, lorsqu’elle signe un contrat, sous peine de nullité de l’acte76. Dans les faits, la jurisprudence lui reconnaît toutefois une plus grande liberté. Le Sénat accorde ainsi systématiquement la dispense permettant à la femme de signer librement un acte juridique. Elle possède également la liberté de tester pour les biens extra–dotaux, mais pas pour les biens dotaux qui requièrent le consentement du mari. Veuve, séparée ou lorsque le mari a été reconnu incapable, la femme réacquiert ses droits et ses capacités juridiques. Elle peut ainsi stipuler librement son contrat de remariage mais, à partir du moment où elle se remarie, elle perd à nouveau ses capacités juridiques pour passer sous le contrôle du second mari. En ce qui concerne le droit d’héritage et la capacité juridique des femmes, Milan occupe donc une situation intermédiaire entre Gênes ou Venise, où elles jouissent d’une assez large autonomie et Rome ou Florence où elles sont plus limitées dans leurs droits77. À Venise, la réciprocité matrimoniale était l’une des facettes du mythe de l’égalité qui imprégnait l’élite politique. Si la succession paternelle est partagée entre les fils, tous les enfants – filles comprises – héritent de leur mère de façon égalitaire78. À Rome, les femmes mariées sont juridiquement incapables de signer un contrat, ce qui restreint évidemment les possibilités de gestion des propriétés qui leur appartiennent79. Le cas florentin, bien connu grâce aux travaux d’Isabelle Chabot et Giulia Calvi, se caractérise par une exclusion croissante des filles de l’héritage à partir de la fin du Moyen Âge80. L’évolution des statuts concernant la succession ab intestat les prive en effet de l’héritage de leur père mais aussi de celui de leur mère au bénéfice de leurs frères et d’agnats toujours plus éloignés. La dot de la mère, incorporée dès le mariage dans le patrimoine du mari, est destinée à ses fils tandis que les biens des veuves remariées tendent à être assimilés au patrimoine de leur nouvel époux, même si cette seconde union n’a pas engendré d’enfants, au détriment des enfants du premier lit de la veuve. Les biens des femmes tendent donc à glisser dans l’héritage paternel, redoublant ainsi l’exclusion des filles. De leur vivant, les femmes dotées et propriétaires de biens extra–dotaux tendent aussi à être exclues de leur gestion par leur mari. Par ailleurs, la faible proportion de femmes mariées rédigeant des testaments renforce l’idée d’un contrôle des hommes sur les biens féminins. Dans les faits, la transmission des biens est toutefois souvent moins rigide que ne le prévoit la loi. Les femmes disposent en effet d’une certaine marge de manœuvre à travers la manipulation des normes et les négociations avec familles et institutions. Renata Ago a ainsi démontré dans le cas romain l’existence de « vides juridiques » sur lesquels les femmes jouent81. La veuve est généralement considérée comme jouissant de plus grandes libertés que la femme mariée82. Elle peut vendre, acheter, louer et choisir ses legs testamentaires, mais son degré de liberté est aussi déterminé par la présence ou non d’enfants, par le niveau social, par la pression familiale, surtout lorsque la femme possède un patrimoine important.
Les pratiques patriciennes
20Au milieu du XVIIIe siècle, il est rare que la dot des patriciennes milanaises soit composée d’immeubles urbains. Toutefois, plusieurs femmes sont propriétaires de biens immobiliers dans le cadastre, biens qu’elles ont reçus en dot ou en héritage. Sur les 5 927 parcelles que comprend la ville de Milan, 212 sont ainsi détenues par des femmes (soit 3,5 % des parcelles) et une majorité de ces femmes appartiennent à la noblesse (57 femmes qui détiennent 119 parcelles). La plupart d’entre elles ne possèdent qu’un ou deux immeubles à destination locative. C’est le cas de Maria Giulia Serbelloni, née Trotti Bentivoglio, qui est propriétaire de deux immeubles avec boutiques dans le centre commercial de Milan ou de Barbara Barbiano di Belgioioso, fille de Costanzo D’Adda, qui possède deux parcelles dans S. Nazaro in Broglio. Certaines femmes sont toutefois à la tête de patrimoines plus importants qui résultent d’un héritage. Vittoria Tosi, fille d’Antonio Somaglia, est ainsi propriétaire de quatre parcelles locatives dans S. Babila ; la comtesse Rosa Aliprandi Carenna possède également quatre parcelles dont une casa da nobile située dans la paroisse de S. Eufemia où elle réside et qui est estimée à 1 805 scudi. Ces propriétés proviennent de son père, Gaetano, qui n’a pas eu de succession masculine. La marquise Bianca Visconti, née Rho, possède le plus gros patrimoine urbain féminin à Milan avec sept parcelles, dont plusieurs dotées de boutiques, une hôtellerie et une résidence estimée 2 013 scudi dans la paroisse de S. Giovanni in Conca. Enfin, certaines femmes figurent dans le cadastre en tant que tutrices de leurs fils, telle Anna Fossani ou la marquise Angiola Parravicini.
- 83 Le phénomène est désormais bien connu pour la noblesse française. Voir en particulier E. Haddad, F (...)
- 84 Testament du comte Bartolomeo Arese, 24 septembre1671, r° Annoni. Giulia reçoit, en revanche, le p (...)
- 85 Celle–ci avait été achetée par le comte Pirro Visconti Borromeo à la famille Arrigoni, en 1596, po (...)
- 86 Les propriétés du corso Monforte (S. Babila) sont louées à Angelo Mantegazza en 1684, puis au comt (...)
- 87 AOM, Litta, cart. 256.
- 88 Testament en date du 3 mars 1746.
- 89 P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta sino alla fine del Settecento, dans ASL, 1971–73, p. (...)
- 90 F. Arese, Elenco… I decurioni… cit.
- 91 Voir aussi supra chap. 2.
- 92 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283. Testament de Francesco en date du 16 septembre 1777, de Gi (...)
- 93 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283, Acte de vente du 30 janvier 1787.
- 94 G. Fumi, Famiglia e patrimonio nobiliare nella Lombardia del Settecento : i Visconti di Modrone, d (...)
- 95 M. G. Cagna (éd.), La famiglia D’Adda Salvaterra e la Valsesia, Borgosesia, 1986.
- 96 ASM, Catasto, Trasporti.
- 97 Archivio D’Adda Borromeo, cart. 44.
21Si les femmes n’ont qu’une place limitée dans la transmission des patrimoines, elles n’en sont pas pour autant totalement exclues. En l’absence de descendance masculine, elles peuvent en effet jouer un rôle de relais lorsque les règles familiales de la succession le leur permettent83. C’est notamment le cas de la famille Arese, avec deux transmissions féminines importantes. En 1674, le comte Bartolomeo Arese meurt sans héritier masculin, puisque son fils Giulio est décédé prématurément. Ce sont donc ses deux filles qui se partagent son patrimoine : Giulia, qui a épousé le comte Renato Borromeo et Margherita qui a épousé Fabio Visconti Borromeo. Ces deux familles reprendront alors le nom d’Arese. C’est à Margherita, l’aînée, que reviennent les possessions de Porta Vercellina et le palais Arese84. Lorsqu’elle entre en possession de son héritage, Margherita vient habiter le palais paternel et y emmène sa famille. Son mari possédait pourtant une belle résidence située sur le corso Monforte, dans la paroisse de S. Babila85. Le prestige de la résidence Arese contribue à expliquer ce transfert, mais il s’agit aussi d’une obligation juridique : le comte Bartolomeo Arese avait établi un fidéicommis qui obligeait ses héritiers à habiter sa demeure, en interdisant sa vente et même sa mise en location. En cas de contravention, l’héritier se voyait obligé de payer une amende de 4 000 scudi à l’Ospedale Maggiore. Le transfert dans Porta Vercellina n’empêche toutefois pas les Visconti Borromeo Arese de conserver l’ex–résidence de S. Babila ainsi que les maisons qui l’entourent et de louer l’ensemble à une autre famille patricienne86. On constate donc, dans le cas Arese comme dans celui des Visconti Borromeo, la centralité représentée par le palais urbain à l’intérieur du patrimoine familial : celui–ci n’est pas mis en vente lorsque la famille se transfère ailleurs, ce qui n’est pas le cas de simples maisons de location isolées87. Quelques décennies plus tard, la succession du comte Giulio Visconti Borromeo Arese (fils de Margherita) pose à nouveau problème car il n’a pas de descendant masculin et ce sont ses deux filles, Paola et Elisabetta, qui recueillent l’héritage88. Toutes deux sont mariées à un Litta : Paola a épousé en 1722 le marquis Antonio Litta et Elisabetta, en 1745, Pompeo Litta, le fils d’Antonio et Paola (et donc son propre neveu). Ces stratégies matrimoniales constituaient l’assurance de réunir les deux patrimoines et d’éviter la dispersion des biens89. Le patrimoine Visconti Borromeo Arese est l’un des plus gros patrimoines patriciens et dépasse de loin celui des Litta. Les propriétés sont en effet réparties dans huit provinces, sur sept fiefs. Il faut leur ajouter des revenus sur la couronne, près de 400 000 lires de liquidités et les propriétés urbaines de Milan. Au total, c’est un patrimoine estimé à 9,8 millions de lires qui passe aux Litta, duquel restent 8 millions après la déduction des passifs. À la mort de Giulio Visconti Borromeo Arese, en 1750, on retrouve donc un scénario similaire à celui qui avait eu lieu moins d’un siècle auparavant. La famille héritière reprend le nom de Visconti Borromeo Arese et abandonne sa propre résidence pour venir habiter le palais Arese de Porta Vercellina qui devient le palais Litta Visconti Borromeo Arese. L’alliance d’Antonio avec Paola, en 1722, insère par ailleurs la famille dans de puissants réseaux de pouvoir qui contribuent manifestement à rendre une place aux Litta à l’intérieur du Consiglio Generale : absents depuis 1652, ils y sont ensuite présents de manière continue de 1724 à 179690. Bien d’autres exemples de transmission successorale par voie féminine existent au sein du patriciat milanais91. En 1777, le marquis Francesco Castelli institue comme héritière universelle son unique fille, Luigia, avec un fidéicommis perpétuel pour sa descendance masculine et, celle–ci venant à manquer, pour sa descendance féminine. Ses frères, Gian Francesco Castelli puis le cardinal Giuseppe Maria testent également en faveur de leur nièce dans les années qui suivent, mais ce dernier établit une primogéniture masculine en faveur du fils aîné de Luigia92. Les biens de la famille Castelli passent ainsi aux Visconti, Luigia ayant épousé le comte Giuseppe Visconti (q marquis Alessandro Visconti di Modrone). Le 10 juin 1786, ce dernier demande une dispense au fidéicommis portant sur son propre palais afin de pouvoir vendre celui-ci et propose de reporter la valeur du fidéicommis sur le palais Castelli dans lequel il va désormais demeurer. Si les actes notariés présentent ce transfert comme la volonté de Luigia de continuer à résider dans la demeure paternelle, il est manifeste que celle–ci sied aussi à son mari. Estimé à 4 166 scudi, le palais Castelli compte en effet parmi les plus somptueux de la ville. Initialement prévu comme partie de la dot de Luigia, le palais est finalement vendu par celle–ci à son mari en 1787 sans que les raisons de cette transaction soient clairement explicitées93 : s’agit–il pour les Visconti de se garantir contre une éventuelle rétrocession de la dot ? Est–ce une forme de garantie face aux prétentions du baron Luigi Castelli, qui aspire à récupérer une partie de l’héritage de Luigia, d’autant que le palais est en partie soumis à un fidéicommis ? Le tuteur de Luigia, qui négocie le contrat, stipule simplement l’intérêt pour sa pupille d’entrer en possession de liquidités, peut–être pour liquider l’héritage paternel. Un siècle auparavant, ce même lignage Visconti avait récupéré les patrimoines de deux familles nobiliaires sans descendance masculine grâce au mariage, en 1683, de Nicolò Maria avec Teresa Modrone, héritière de son père (Antonio Modrone) et de sa mère (Giovanna Pirovano)94. L’enrichissement des Crivelli à la suite de deux héritages successifs par voie féminine, celui des Giussani et des Gallina, a déjà été évoqué (voir chap. 5). C’est également par le truchement d’une femme que la famille D’Adda Salvaterra entre en possession d’un patrimoine important à Varallo à la fin du XVIe siècle. Celui–ci est apporté par la femme de Giacomo, Francesca Scarognini, héritière de son père. La famille D’Adda est ainsi amenée à s’impliquer dans la gestion du Monte Sacro de Varallo pour les siècles à venir et à mettre en oeuvre une importante activité d’extraction dans cette région riche en mines de fer, or et argent95. Deux siècles plus tard, une autre branche de la famille D’Adda, celle des comtes de Sale, récupère un héritage important par voie féminine. Francesco D’Adda obtient ainsi en 1767 le patrimoine des Corbella par l’intermédiaire de sa première femme, Barbara, unique héritière de son père Carlo, marquis d’Affori et de son oncle Luigi. Celui–ci se compose, entre autres, de dix–neuf biens immobiliers situés dans la ville de Milan, dont le palais Corbella de S. Giovanni in Conca (Porta Romana), estimé à 2500 scudi – soit une valeur bien supérieure à celle du palais D’Adda de S. Fermo. L’ensemble des immeubles Corbella est estimé dans le cadastre à 14 287 scudi, ce qui en fait un des principaux patrimoines particuliers. Trois autres immeubles, provenant de Don Lodovico Corbella, pour une valeur de 1 236 scudi, parviennent également à Francesco D’Adda. À la différence des exemples précédents, ces biens hérités sont toutefois rapidement revendus96. En 1781, l’inventaire réalisé après la mort de Francesco D’Adda ne mentionne comme propriétés à Milan que le palais de S. Fermo et les maisons voisines de S. Michele alla Chiusa ainsi qu’une autre située à S. Mattia Moneta97. L’héritage Corbella a donc été liquidé dans sa totalité, ce qui a été facilité par l’absence de fidéicommis. Les biens apportés par les femmes peuvent donc, selon les cas, être considérés comme des biens périphériques à céder ou comme des biens centraux à conserver, dans la mesure où l’absence d’instruments juridiques contraignants laisse une liberté de choix au nouveau propriétaire. Dans le cas des Arese comme dans celui des Corbella, les femmes deviennent héritières des biens paternels en l’absence de descendant masculin. Toutefois, ces biens sont ensuite amenés à revenir dans une transmission masculine classique et la femme n’a donc constitué qu’un simple relais entre deux familles. Ce rôle de relais est renforcé par certaines dispositions qui n’en font que de simples usufruitières du patrimoine qui reviendra en pleine propriété à leur fils.
- 98 Le cas est exposé par G. Coltorti, Via Filodrammatici prima di Mediobanca, Milan, 2015. Les renvoi (...)
- 99 Archivio Verderio Inferiore, Fondo Gnecchi Ruscone, 1.1.7–23. Actes du 28 septembre 1623 et du 22 (...)
- 100 Isabella Lonati, mère de Giustina, s’était remariée à la mort de Pietro Antonio Riva avec Francesc (...)
- 101 G. Calvi et I. Chabot (éd.), Le ricchezze delle donne : diritti patrimoniali e poteri familiari in (...)
- 102 AR, Eredita cart. 5, 1720–1784 ; testament du 16 mars 1737, r° Gio Antonio Cignani (contenu mentio (...)
- 103 Testament du 26 janvier 1769, r° F. A Longhi.
22Exceptionnellement, les filles peuvent récupérer une partie du palais paternel en la présence d’un héritier masculin. Le palais Archinto–Riva–Visconti est ainsi l’objet de plusieurs transmissions par voie féminine et constitue par là un cas particulier98. À la mort de Pietro Giorgio Archinto (q Giuseppe), en 1622, le palais familial est divisé entre son fils Francesco II et sa fille Margherita qui l’apporte en dot à son époux Paladino Crivelli. Cette branche de la famille Archinto est destinée à s’éteindre à la mort de Francesco et ceci explique sans doute le manque d’intérêt à conserver le palais familial qui est vendu aux Riva en deux temps99. À la mort de Pietro Antonio Riva, au cours de la peste de 1630, le palais passe à sa fille Giustina qui avait épousé Paolo Antonio Caravaggi, puis Filippo Leyzaldi. Avant d’être assassinée par son second mari, Giustina avait transmis tous ses biens à sa soeur utérine, Fulvia Arnolfi, épouse Visconti, en instituant un fidéicommis en faveur des fils de cette dernière100. Cette branche des Visconti, confeudataire de Brignano, se transfère alors dans le palais de San Lorenzino et y réalise d’importants travaux d’agrandissement dans les décennies qui suivent. Cet exemple montre donc la liberté testamentaire dont les femmes peuvent jouir dans certains cas mais la demeure revient aussi finalement dans un système de transmission masculine par la volonté même de la testatrice. Les femmes adhèrent en effet au principe successoral favorisant les fils, ce qui a pu être envisagé comme « un moyen de consolider leur appartenance familiale et d’ancrer leur mémoire dans le temps », mais qui marque surtout une intériorisation des normes socio–juridiques101. Par ailleurs, l’existence de la legittima impose de ne pas négliger les fils dans la transmission des biens. Le fief de Buscate (2 800 perches avec casa da nobile, de provenance Novati Medici Bentivoglio) parvient aux Rosales comme héritage de leur mère Antonia qui avait elle–même reçu le fief de sa mère Anna Violante Novati Bentivoglio. Antonia, fille unique de Gaspare II de Rosales et d’Anna Novati, épouse son oncle Baldassare Rosales qui devient le chef de famille à la mort de Gaspare. Comme dans le cas précédent des Litta, le mariage a pour objectif de récupérer l’important patrimoine des Novati Bentivoglio et se défie des règles de consanguinité. Dans son testament, Antonia marque sa volonté de transmettre tout ce qu’elle peut à une femme : elle choisit comme héritière universelle Donna Teresa de Rosales, son arrière–petite–fille mais elle ne peut exclure son fils Giuseppe de la legittima et celui–ci récupère donc la majeure partie des biens immobiliers102. Y compris en présence de fils, les transmissions par voie féminine peuvent néanmoins se révéler importantes. En 1769, la comtesse Barbara di Belgioioso (née D’Adda) transmet ainsi sa fortune à ses deux petites-filles : Barbara reçoit 50 000 scudi (soit 300 000 lires) et les deux–tiers de ses bijoux tandis que 40 000 scudi (soit 240 000 lires) et le tiers restant des bijoux vont à sa soeur Beatrice. Cet héritage se fait toutefois à titre dotal et exempte ainsi le patrimoine paternel de participer à la constitution de la dot103.
Tutrices de leurs enfants
- 104 A. Monti, Iudicare… cit., p. 323 ; G. Di Renzo Villata, Note per la storia della tutela nell’Itali (...)
- 105 Exemple cité par A. Monti, Iudicare… cit. p. 330.
- 106 ASM, TAM, cart. 425.
- 107 D’Adda, Eredità e legati, cart. 84, acte du 6 mars 1671.
- 108 ASM, Notarile, cart. 45 003, Acte du 20 octobre 1781.
- 109 Témoignage de Pietro Verri à ce sujet rapporté par F. Pino Pongoli, Contributo alla biografia di C (...)
23À la mort de leur mari, les femmes peuvent être tutrices de leurs enfants en attendant qu’ils atteignent la majorité. Elles gèrent ainsi l’ensemble du patrimoine familial et effectuent achats et cessions en leur nom. En matière de tutelle, le Sénat considère de manière préférentielle la mère puis, en seconde position, la grand–mère, jugeant « l’amour maternel comme meilleure garantie d’un comportement honnête »104. Quel qu’il soit, le tuteur est responsable sur ses biens du patrimoine qu’il doit gérer et le Sénat insiste sur la nécessaire réalisation d’un inventaire à la prise en charge de celui–ci (même lorsque le mari en exempte son épouse). Les Nouvelles Constitutions conservent cette position favorable à la mère mais prévoient l’extinction de la tutelle lorsque celle–ci se remarie. Dans les faits, la mère peut parfois conserver la tutelle après un remariage : c’est le cas de Claudia Erba Litta en 1710 qui s’engage à rendre un état des lieux tous les trois ans, mais sans que soit même exigée l’obligation solidale de son nouveau mari105. Lorsque la tutelle concerne une fille et que celle–ci se marie, c’est toutefois généralement le nouveau mari qui récupère cette fonction. En tant que tutrices, ces femmes accomplissent des choix parfois déterminants pour l’avenir de la famille, telles la recomposition du patrimoine, l’acquisition d’une nouvelle demeure ou la mise en œuvre de travaux d’envergure. C’est le cas d’Anna Crivelli, née Gallina, qui, en 1633, achète la nouvelle résidence milanaise de la famille dans la paroisse de S. Simpliciano (chap. 5) ou encore de Lucia Cusani Litta qui installe ses fils dans la paroisse de S. Eufemia (chap. 4). C’est aussi celui d’Ottavia Trivulzio Marliani, qui administre tout le patrimoine familial au nom de ses deux petits–fils, entre 1606 et 1621, à la suite du décès de son fils, le comte Carlo Emanuele Trivulzio sur le champ de bataille106. Elle joue aussi un rôle particulièrement actif dans la construction du palais de Porta Tosa (chap. 8). À la mort de son mari Febo D’Adda, en 1671, Isabella Leyzaldi devient la tutrice de leur fils Benedetto107. Un siècle plus tard, Teresa Litta est tutrice de son unique fille, Maria, lorsque décède son conjoint, Francesco D’Adda en 1779. En 1781, Teresa Anguissola continue à gérer le patrimoine de son défunt mari, le marquis Carlo Galeazzo Busca Arconati Visconti, alors que son fils aîné a déjà atteint la majorité108. Anna Barbò, la seconde épouse de Cesare Beccaria, reçoit la charge d’administrer le patrimoine familial étant donné les charges politico–administratives qui absorbent complètement son mari et conduit une action tout à fait positive pour les finances familiales109. Si ces situations ne sont pas la norme, les femmes n’en ont pas moins une fonction socio–économique essentielle en permettant la transmission de biens d’une famille à une autre par leur dot ou par leur héritage. L’importance accordée aux alliances matrimoniales dans les stratégies familiales le prouve bien.
La possibilité d’une résidence indépendante ?
- 110 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale… cit. p. 86. Zenobia se remarie en 1554 avec Francesco Borrom (...)
- 111 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 62, testament du 7 janvier 1652, r° Gio Stefano Cl (...)
- 112 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Araldica, cart. 36.
- 113 Archivio Rosales, eredità cart. 1, testament de Matteo.
- 114 Archivio Rosales, Fondo Amministrazione, cart. 3 , fasc. 1 : prospetti delle entrate annuali di Ca (...)
24Les patriciennes non mariées demeurent chez leurs parents ou sont envoyées au couvent, les femmes mariées partagent la résidence de leur mari, mais qu’en est–il des veuves ou des femmes séparées, qui apparaissent finalement les seules à pouvoir éventuellement jouir d’un domicile indépendant ? À défaut d’être destinataires d’une partie de l’héritage, les épouses ne sont pas complètement oubliées dans le testament de leurs maris. Ceux–ci se préoccupent, en particulier, de leur assurer de bonnes conditions de vie après leur décès en prévoyant notamment leur résidence. Giovanni Agostino D’Adda, marié mais sans enfants, avait fait le choix, en 1550, de transmettre tous ses biens à son frère Costanzo puis aux fils de celui–ci. À son épouse, Zenobia Tolentini, il laisse le droit de continuer à résider dans le palais familial de Porta Ticinese après sa mort, palais qu’il partageait avec son frère Costanzo. Il lègue aussi à sa femme les meubles du palais de Milan en sa possession avec la possibilité, pour Costanzo, de les récupérer moyennant le versement de 1 000 scudi. Lorsque son mari décède, Zenobia décide cependant de ne plus résider avec son beau–frère et se voit alors assigner un versement de 400 lires par mois pour son nouveau logement, ainsi que le prévoit le testament de son mari, en supplément des 100 scudi mensuels qui lui étaient déjà attribués pour ses dépenses courantes110. Par la suite, Costanzo récupère seulement une partie des meubles du palais, correspondant au quart de la somme fixée. En 1652, Ambrogio D’Adda, marquis de Pandino, lègue à sa seconde épouse, Dorotea Arnolfi, une casa da nobile située dans la paroisse de S. Vittore al Teatro (Porta Vercellina)111. Dans la mesure où Ambrogio n’a pas eu de descendance masculine, Dorotea devra en effet quitter le palais de S. Bartolomeo (Porta Nuova) où elle habitait avec son mari car celui–ci reviendra à Febo D’Adda, fils du cousin Benedetto. Le 15 janvier 1726, Tiberio Crivelli fixe dans son testament le devenir de sa femme si elle reste veuve : elle conservera son appartement dans le palais tant que son fils Enea ne se mariera pas mais, après le mariage de celui–ci, elle devra le céder à sa belle–fille. Au cas où elle ne pourrait plus vivre dans le palais familial, Tiberio prévoit une somme annuelle de 10 000 lires afin de lui assurer un logement112. Pourtant, plus généralement, l’entretien de la veuve est prévu dans le cadre de la demeure familiale. En 1666, Matteo de Rosales laisse ainsi à sa veuve la jouissance des appartements de la Casa Grande où ils habitent ainsi qu’une cuisine et la place pour deux chevaux dans les écuries113. Les veuves Rosales semblent particulièrement bien traitées : en 1736, l’entretien annuel de leur mère absorbe 9 561 lires sur un revenu familial brut de 45 500 lires. Cette somme importante, proportionnellement aux entrées de la famille, est essentiellement destinée au vestiaire de la comtesse (2 400 lires par an) et à ses onze domestiques114. Face à cela, les trois soeurs religieuses ne constituent qu’un poids minime pour la famille avec une charge annuelle de 300 lires chacune, soit moins que les dépenses religieuses (messes, fêtes, cierges, entretien d’un prêtre) qui occupent un budget annuel de 1 000 lires. Le souci louable des maris d’assurer une demeure confortable à leurs épouses après leur mort peut toutefois être interprété comme une stratégie pour retenir la femme et sa dot dans la famille. L’usufruit de certains biens est en effet limité à la condition que la veuve demeure chastement sous le toit des héritiers et ne se remarie pas.
- 115 L’un des rares ouvrages sur le sujet est : S. Seidel Menchi et D. Quaglioni (dir.), Coniugi nemici (...)
- 116 Archivio Durini, Fabbriche Durini, Matrimoni, 11.3.4. Convenzione stipulata tra i coniugi per la s (...)
- 117 La lettre, datée du 21 mars 1772, se trouve dans HHSW, Italien Spanisch Rat, Lombardei Korresponde (...)
25En cas de séparation, l’épouse doit théoriquement avoir la jouissance d’une nouvelle demeure indépendante. Ces séparations conjugales sont sûrement moins rares qu’on ne l’imagine et mériteraient d’être mieux étudiées115. En 1674, Maddalena Durini se sépare ainsi de Paolo Emilio Borromeo avec lequel elle est mariée depuis 1660116 ; en 1751, Maria Archinto se sépare de son second mari, le prince Antonio Tolomeo Trivulzio, qu’elle avait épousé en 1718 après avoir perdu son premier mari, le marquis Clerici. Le cas de la duchesse Vittoria Ottoboni, épouse du duc Gabrio Serbelloni, apparaît bien documenté grâce à une lettre retrouvée dans les archives autrichiennes. Il témoigne des difficultés d’une femme à obtenir sa propre résidence après la séparation conjugale. Issue d’une illustre famille d’origine vénitienne, transférée à Rome à la suite du pape Alexandre VIII, Vittoria épouse à 20 ans, en 1741, Gabrio Serbelloni qui est alors âgé de 48 ans. Après quinze ans de mariage, elle se sépare de son mari en 1756 et aspire à quitter la demeure conjugale. Toutefois, en dépit de cette séparation, elle peine à obtenir un nouveau domicile. En 1772, elle s’adresse alors à un correspondant autrichien dont l’identité nous est inconnue mais qui s’active visiblement auprès de la cour viennoise pour lui faire obtenir une résidence indépendante117. Son mari cherche cependant à la retenir, prétextant, selon les termes de Vittoria, « qu’il n’est pas de la décence de la famille qu’[elle] habite une autre maison ». Vittoria objecte alors en évoquant plusieurs « dames de la première noblesse qui logent en des maisons séparées ». La cohabitation avec les hommes de la famille – son mari mais aussi ses beaux–frères et son fils – lui est devenue parfaitement insupportable :
Je crois que la famille dont je suis née ne leur cède en rien et il sera permis, même malgré tant de soumissions que j’ai faites à mon mari de me traiter comme une inconnue, à Monsieur le Maréchal de chercher toutes les occasions pour me marquer de mépris, à l’autre beau–frère de dire mille sottises à tout le monde qui vient chez moi, à ce fils ingrat et dénaturé que j’ai comblé de bienfaits de me manquer de respect en toutes les occasions, même sous les yeux de nos Augustes Princes et, pour surcroît de barbarie, ils me veulent forcer à vivre au milieu d’eux pour qu’il leur soit plus facile de me tourmenter et parce que leur avarice leur fait trouver insupportable d’être obligé de débourser cette somme de plus (…).
- 118 Sur cette relation avec Pietro Verri : C. Capra, I progressi della ragione… cit.
- 119 R. Bizzocchi, Cicisbei : morale privata e identità nazionale in Italia, Roma–Bari, 2008.
- 120 Lettre de Pietro à Alessandro Verri du 9 octobre 1767 dans Carteggio, I, 2, p. 80, citée par C. Ca (...)
26Comme le laisse deviner le ton de la lettre, Vittoria Ottoboni Serbelloni a une forte personnalité et souhaite son indépendance. Femme cultivée, accumulant les dépenses et les dettes, elle fait également preuve d’une certaine désinvolture sentimentale comme en témoigne sa relation avec Pietro Verri, commencée en 1752118. Dans la société de l’époque, une liberté sentimentale est toutefois reconnue aux femmes d’un rang élevé. La figure du sigisbée, jeune chevalier servant, est tolérée et apparaît comme la conséquence acceptée de mariages patrimoniaux qui ne tiennent pas compte des penchants et de l’âge des époux119. La séparation légale entre les époux Serbelloni date de 1756, période vers laquelle la duchesse met fin aussi à sa relation avec Pietro Verri120. Seize ans après sa séparation, la question de sa résidence semble donc ne pas être encore résolue tandis qu’elle est toujours contrainte à vivre sous le même toit que son mari. Cet exemple témoigne de la liberté limitée dont disposent alors les femmes, même richement dotées. Ce n’est toutefois pas uniquement le sexe qui limite les possibilités d’action économique au sein de la famille patricienne. Les fils sont aussi soumis à la patria potestas et tant que le père est en vie, ils ne peuvent stipuler des actes à contenu économique, à moins d’obtenir une dérogation exceptionnelle du Sénat. Pietro Verri doit ainsi attendre 54 ans pour avoir en main la gestion du patrimoine familial.
Les fondations pieuses : le meilleur chemin vers l’immortalité ?
- 121 Voir notamment L. Aiello, M. Bascapè, D. Zardin (éd.), Milano e le sue associazioni : cinque secol (...)
- 122 Sur la fondation de l’Ospedale Maggiore : P. Boucheron, Le pouvoir de bâtir… cit. Sur les dons eff (...)
- 123 http://milanoassociazioni.unicatt.it/web/guest/umilta–144–1784. Consulté le 20 juin 2015. Le nom d (...)
27En l’absence de descendance directe, plusieurs patriciens choisissent de léguer leurs biens à une institution caritative ou de créer leur propre fondation. Le salut par les œuvres, recommandé par l’Église, est mis en pratique à Milan comme ailleurs, mais peut–être plus qu’ailleurs dans la capitale ambrosienne, comme en témoigne le renouveau des études sur ces fondations121. Bien que les pratiques testamentaires des patriciens restent mal connues sur la longue durée, des consultations ponctuelles démontrent l’importance des legs de charité destinés à doter des filles pauvres ou à aider des institutions pieuses. La fondation de l’Ospedale Maggiore par les ducs de Milan au XIVe siècle a donné un exemple à l’élite milanaise qui pratique de manière massive les dons à cette institution122 et qui a aussi créé ses propres fondations. En 1444, Vitaliano Borromeo institue ainsi le Luogo Pio dell’Umilta, chargé de distribuer quotidiennement du pain aux pauvres, et le dote de vingt immeubles123. En 1636, le riche patricien, Giovanni Ambrogio Melzi, marchand d’or et de soie, établit dans son testament le Luogo pio dei Melzi chargé de doter chaque année douze jeunes filles pauvres et méritantes. L’objectif est identique pour la Causa pia Modrone instituée en 1645. L’influence des archevêques Borromée sur la société milanaise a contribué à la revitalisation des pratiques de charité tout au long du XVIIe siècle. Et si, à la fin du XVIIIe siècle, la plupart de ces institutions sont l’objet d’une réorganisation lors des réformes autrichiennes, deux fondations importantes voient alors le jour avec l’assentiment du gouvernement : le Pio Albergo Trivulzio et la Causa Pia D’Adda. Instituées par deux patriciens sans descendance, elles constituent un moyen de perpétuer la mémoire familiale et offrent deux exemples opposés quant à l’utilisation des propriétés urbaines.
Le Pio Albergo Trivulzio
- 124 Voir en particulier, G. Cosmacini et C. Cenedella, I vecchi e la cura : storia del Pio Albergo Tri (...)
- 125 E. Roveda Enrico, Il patrimonio fondiario dei Trivulzio principi di Mesocco tra la fine del Cinque (...)
- 126 C. Capra, Il principe Trivulzio e la fondazione del Pio Albergo, dans C. Cenedella (dir.), Dalla c (...)
- 127 C. Capra, Il Pio Albergo Trivulzio : un’eredità del secolo dei lumi, dans La nascita del Pio Alber (...)
28Les conditions de création du Pio Albergo Trivulzio sont bien connues, mais il est intéressant de revenir sur ce cas qui constitue un exemple spécifique de réutilisation et de conversion du palais urbain. Devenu un lieu d’accueil pour les pauvres, l’édifice conserve une fonction mémorielle pour la famille durant près de 150 ans124. Le 29 décembre 1767, Antonio Tolomeo Gallio Trivulzio s’éteint sans descendance après avoir destiné tous ses biens à l’instauration d’un pio albergo accueillant les pauvres, âgés ou infirmes. Il appartient à l’une des principales familles patriciennes de Milan, tant par le prestige que par la richesse, détenant le fief de Codogno depuis le milieu du XVe siècle. Fils d’Antonio Teodoro Gaetano Gallio (qui avait repris le nom des Trivulzio à la mort de son cousin – voir supra) et de Lucrezia Maria Borromeo, il reçoit les titres héréditaires de Grand d’Espagne, chevalier de la Toison d’Or et prince du Saint Empire. En 1710, il accompagne son oncle maternel, Carlo Borromeo, qui se rend à Naples pour y exercer la charge de vice–roi. Rentré à Milan en 1711 pour y accueillir Charles de Habsbourg, il se rend à Vienne l’année suivante pour le couronnement impérial de celui–ci. Sa proximité avec la monarchie autrichienne lui permet d’obtenir les charges de chambellan impérial, conseiller d’État, général de cavalerie et gouverneur militaire de Lodi. En 1714, quittant la tutelle de sa mère, il se retrouve à la tête d’un patrimoine de plusieurs milliers d’hectares situés dans la plaine irriguée entre Lambro, Adda et Tessin et dans la basse plaine padane, des zones où l’agriculture est particulièrement avancée et prospère125. Outre le palais de Milan, situé contrada della Signora, il possède deux prestigieuses villas à Omate et Codogno et une résidence plus modeste à Melzo. Son mariage avec Maria Archinto (veuve de Antonio Giorgio Clerici) ne lui a donné aucune descendance. Ses deux sœurs sont elles aussi dépourvues d’héritier direct : Giustina est entrée dans un couvent d’Arona et Ottavia, qui avait épousé le marquis Rossi di San Secondo, est morte prématurément en 1715. Homme ouvert aux idées des Lumières, comme en témoigne le contenu de sa bibliothèque ainsi que ses relations avec Montesquieu, il demeure pourtant attaché à certaines idées traditionnelles126. Peut–être inspiré par son père qui avait déjà envisagé une possible fondation caritative dans son testament, le projet du pio albergo occupe les douze dernières années de sa vie. En 1757, une première requête adressée par le prince Trivulzio à l’impératrice témoigne des objectifs sociaux et moraux qui conduisent son projet127. Après avoir oeuvré plusieurs années en concertation avec le gouvernement autrichien pour préparer la réalisation de son dessein, il peut finalement exposer celui–ci dans son testament, le 23 août 1766. Antonio Tolomeo institue alors comme héritier universel de ses biens l’albergo dei poveri qui sera fondé à sa mort dans son propre palais et qui sera dédié à San Carlo et San Luigi Gonzaga. Le testament prévoit notamment la réalisation d’une inscription en italien qui indique « avec la plus grande simplicité » la mémoire du fondateur. La dimension mémorielle est donc bien consciente chez Antonio Tolomeo, qui voit dans cette réalisation le moyen de perpétuer la gloire familiale. Outre l’indéniable dimension pieuse et charitable du projet, on peut y lire une volonté d’exalter sa renommée et peut–être même une stratégie pour exclure de l’héritage ses cousins Gallio. Tout comme Antonio Giorgio Clerici fut soupçonné de dilapider le patrimoine familial pour réduire la part qui reviendrait à la branche cadette avec laquelle il entretenait des relations conflictuelles, le projet d’Antonio Tolomeo Trivulzio peut avoir eu aussi une dimension plus étriquée. Il est en effet en conflit depuis les années 1730 avec Francesco Gallio D’Alvito, un cousin napolitain, appelé à lui succéder dans le testament rédigé par son père en 1701. Francesco tente du reste de s’opposer aux nombreuses dispenses de fidéicommis demandées par Antonio Tolomeo pour céder des biens à partir des années 1730. Cette situation conflictuelle l’a sans doute conforté dans la volonté d’exclure ses parents napolitains de l’héritage paternel et la fondation du Pio Albergo était probablement l’unique moyen de réaliser ce dessein. Connu à partir du milieu des années 1750, son projet ne fait qu’envenimer les relations avec les D’Alvito qui tentent de s’y opposer pour garder la main sur l’important patrimoine des Gallio Trivulzio. Toutefois, fort de l’appui impérial, Antonio Tolomeo peut mener à bien son projet. Le 18 décembre 1766, l’impératrice Marie-Thérèse l’autorise même à vendre ses fiefs pour affecter les bénéfices à la fondation caritative. Il obtient aussi des souverains l’instauration d’un fidéicommis avec l’interdiction d’aliéner les biens destinés à cette institution après le règlement de sa succession et l’aptitude, pour le nouveau luogo pio, à recevoir donations et legs. Ces caractéristiques sont exceptionnelles dans le contexte réformateur qui caractérise la Lombardie des années 1760 : la politique générale est en effet tournée vers la réduction des nombreux luoghi pii existant à Milan afin de rationaliser la politique d’assistance et de renforcer le contrôle de l’État sur celle–ci. Par ailleurs, la pragmatique sur la mainmorte de décembre 1766 interdit, de fait, les donations aux luoghi pii. En réalité, outre la proximité existant entre les princes Trivulzio et la cour impériale, ces mesures exceptionnelles s’expliquent aussi par le fait que la fondation Trivulzio est contrôlée par l’État et, en particulier, par le ministre Firmian. Elle permet de suppléer au projet d’un albergo dei poveri public, délicat à mettre en œuvre pour des raisons financières.
29À la mort du prince, le 30 décembre 1767, la nouvelle institution héritière de son patrimoine s’attache à régler la succession. Il s’agit notamment de solder les dettes existantes (470 000 lires) et de résoudre les litiges juridiques avec d’autres familles pour des questions successorales. C’est chose faite, en 1770, avec les Moles, qui obtiennent les biens de Melzo pour une valeur de 200 000 lires et avec les marquis Trivulzio qui recueillent une partie du patrimoine équivalente à 615 000 lires et composée des biens de Locate, Trivulzio et Omate, dont la villa construite par Antonio Tolomeo. Avec les Gallio D’Alvito, le conflit se poursuit en revanche jusqu’au début du XIXe siècle. Meubles, argenterie, bijoux de famille sont vendus aux enchères ainsi que quelques fiefs (en particulier celui de Rettegno et Bettole, cédé à Firmian avec assentiment impérial) pour régler la succession et financer la transformation du palais milanais en lieu d’assistance. Les travaux doivent rendre celui–ci apte à accueillir 200 pauvres invalides, en opérant une nette division de l’espace entre hommes et femmes. Les chambres, salons, galeries, et autres pièces de la demeure princière se transforment en dortoirs pour les malades ou les personnes âgées, en infirmerie, bureau médical, réfectoire et bureau des administrateurs. Ce n’est pas une simple adaptation des pièces qui est conduite mais une totale réfection de l’immeuble. Certaines parties de l’édifice sont détruites pour être reconstruites tandis que des escaliers extérieurs sont réalisés pour accéder plus facilement aux différentes parties de l’immeuble. Les critères d’hygiène et de modernité conduisent à une attention particulière pour l’aération des pièces, l’adduction en eau courante, l’évacuation des eaux usées et la construction de latrines. Toutes ces transformations sont menées sous le contrôle du père barnabite Ermenegildo Pini, mathématicien et architecte royal, et de Piermarini, pour un coût total de 60 000 lires. Finalement, le Pio Albergo Trivulzio, situé dans le palais de la via della Signora, ouvre ses portes en mars 1771, accueillant les 100 premiers pauvres, hommes et femmes, dont beaucoup sont des personnes âgées. Les personnes qui ont travaillé pour les Trivulzio, en particulier leurs anciens domestiques, y ont un droit d’entrée privilégié. À la fin de l’année 1771, 150 personnes y sont hébergées, dont certaines souffrent de pathologies variées (sourds et muets, aveugles, personnes avec de graves déformations physiques…).
- 128 Voir le site de l’institution : www.iltrivulzio.it. Celle–ci a défrayé la chronique ces dernières (...)
30Le 14 mars 1771, l’État loue l’ouverture du pio albergo et laisse envisager l’agrégation à celui–ci d’autres institutions d’assistance. En effet, dans le cadre de la politique de réorganisation des institutions religieuses et caritatives, de nombreuses suppressions sont effectuées et permettent la réaffectation de leurs revenus au Pio Albergo Trivulzio, qui reçoit aussi de nombreuses donations de l’élite milanaise, en particulier, du cardinal Pozzobonelli, dernier représentant d’une ancienne famille patricienne. Dix ans après son ouverture, les requêtes d’admission étant en augmentation constante, il est décidé d’augmenter les capacités d’accueil de l’institution. En 1782, puis en 1787, des immeubles voisins sont acquis pour agrandir l’immeuble tandis que l’architecte Piermarini supervise les travaux qui aboutissent à offrir une capacité d’accueil de 460 personnes en 1791. Si l’institution a dû se transférer dans un autre siège au début du XXe siècle, abandonnant la via della Signora, pour permettre son agrandissement et sa mise aux normes sanitaires, elle existe toujours aujourd’hui, conservant sa spécialisation dans le soin aux personnes âgées et perpétue la mémoire des Trivulzio à travers l’édifice de la Baggina, achevé en 1910 dans la banlieue ouest de Milan128.
La Causa Pia D’Adda
- 129 M. Mattarozzi, La carezza della beneficenza : carità, assistenza e istruzione nell’opera della Cau (...)
- 130 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 44. Un contrat de location en date du 29 septembre (...)
- 131 Les premières requêtes de substitution sont demandées par Costanzo IV à partir de 1735, puis par s (...)
- 132 Id., citation donnée p. 24.
- 133 Testament du 21 avril 1808, r° Luigi Bonola (notaire de Monza).
31Dans le cas du Pio Albergo Trivulzio, le palais milanais demeure dans les biens de la fondation et est transformé en lieu d’accueil pour les plus pauvres. La mémoire familiale est donc conservée dans l’emplacement géographique qui semblait le plus significatif et qui se prêtait aussi à ces transformations. Elle se maintient au cœur de la capitale. En ce qui concerne la Causa Pia D’Adda, le palais milanais a été vendu par le testateur ainsi que les immeubles qui l’entouraient mais les biens ruraux – terres et villas – ont été conservés. Chez les D’Adda, il y a donc la volonté de privilégier la bienfaisance dans un ancrage rural qui exalte sûrement davantage le rôle de la famille que sur la scène milanaise où elle serait confrontée à d’autres réalisations similaires. À la mort de Francesco D’Adda, dernier comte de Sale, en 1779, ne subsistent que sa fille Maria et son frère Ferdinando, qui s’est engagé dans une carrière ecclésiastique. Maria meurt à son tour en 1788 sans descendance. Elle avait désigné sa mère, Teresa Litta, comme héritière universelle, mais cette dernière ne pouvait récupérer les biens concernés par un fidéicommis qui passent donc à son oncle Ferdinando et à d’autres lignées collatérales. La liquidation de l’héritage impose à Ferdinando de nombreuses ventes entre 1795 et 1797 qui concernent notamment les propriétés urbaines. Une série d’immeubles avec boutiques, situés près du palais milanais et estimés à 26 694 lires est vendue en 1797 aux Brivio qui acquièrent également le palais. Quelques années auparavant, Ferdinando avait déjà vendu au marquis Gerolamo Arrigoni la loge de la Scala et à Giovanni Maria Cotta un autre immeuble, situé près de S. Maria alla Rosa. Les sommes obtenues par ces ventes servent à dédommager les parents D’Adda pour leur part des biens de Burago, Seguro et Arcore destinés à la nouvelle fondation et provenant de Giovanni Agostino D’Adda qui avait établi un fidéicommis en 1550. Cette volonté de conserver les biens ruraux s’explique notamment par le parcours personnel de Ferdinando, qui a passé une large partie de sa vie dans la villa d’Arcore, la Montagnola, que lui avait cédée son frère Francesco en 1758 et qu’il avait fait agrandir129. Il souhaite donc conserver les possessions rurales de la famille et céder les immeubles urbains, y compris le palais familial, qui est du reste loué depuis la mort de son frère Francesco130. Le palais milanais est toutefois concerné par un fidéicommis, résultant de substitutions de biens effectuées au milieu du XVIIIe siècle pour rationaliser le patrimoine foncier131. En dépit du fidéicommis qui le concerne, Ferdinando fait le choix de vendre la résidence urbaine et de conserver la villa rurale. Ce choix, facilité par les évolutions législatives concernant les fidéicommis, se justifie par des motifs économiques (il conserve la propriété de plus grande valeur et qui produit une rente agricole), mais aussi par son attachement personnel à Arcore. L’éloge funèbre inscrit sur sa pierre tombale à Arcore présente en effet Ferdinando comme un « sacerdote de singulière modestie qui préféra aux honneurs de l’Église, la vie sans préoccupation dans ce village, en repos actif, soignant sa santé et sa vertu, exemple de religiosité et de bienfaisance (…) Appelé à l’unisson des villages voisins Père des pauvres qu’il assista sa vie durant et par son testament »132. En effet, son testament en date du 21 avril 1808, lègue tous ses biens aux pauvres des paroisses d’Arcore, Settimo, Burago, Segrate, Olginate, Cappiate et leurs dépendances. Il s’agit d’environ 9 000 perches de terres avec des immeubles ruraux et les prestigieuses villas d’Arcore et Settimo. Il prévoit, pour chaque paroisse, qu’un tiers des revenus de ses biens soit destiné à financer un médecin, un chirurgien et des médicaments, un autre tiers à secourir veuves, orphelins, malades et misérables et le tiers restant à financer un enseignement élémentaire dans les communes concernées133. Ferdinando confie la gestion de la fondation à un patrono qui sera le marquis Febo D’Adda puis ses descendants masculins (lignée collatérale des marquis de Pandino). Le choix marque bien la volonté de rattacher la fondation à la famille, mais se révèle quelque peu singulier car les fondations pieuses sont généralement confiées à un conseil d’administration. Ferdinando meurt le 24 août 1808. Comme le Pio Albergo Trivulzio, la Causa pia D’Adda existe encore. Les deux institutions ont donc pleinement rempli leur fonction mémorielle pour les familles. Il est d’ailleurs étonnant pour un visiteur du XXIe siècle de voir à quel point la Causa Pia D’Adda bénéficie d’une reconnaissance locale, à Settimo Milanese en particulier, grâce à la création de crèches pour enfants.
32Ces deux exemples de fondations charitables à la fin du XVIIIe siècle se rattachent à des pratiques anciennes pour l’élite milanaise, tout en se singularisant par leur forte dimension philanthropique. Illustrant une modalité possible de perpétuation de la mémoire familiale, elles ne doivent pourtant pas cacher les évolutions sociales et culturelles de la période des Lumières qui conduisent à une considération nouvelle de l’individu et de son rapport à la famille.
L’évolution des pratiques familiales dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
La remise en cause des fidéicommis
- 134 L. A. Muratori, Dei difetti della giurisprudenza, cap. XVII, 1742, Venise, p. 889–891 (Fideicommis (...)
- 135 A. Padoa Schioppa, Sul fedecommesso nella Lombardia teresiana, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G (...)
- 136 ASM, Censo p. a. cart. 24, Legge mediante cui potere svincolare li fondi dai fedecommessi (12 avri (...)
- 137 Le cas est rapporté par G. Coltorti, Via Filodrammatici prima di Mediobanca… cit., p. 71. Dispense (...)
33Les débats qui agitent les intellectuels milanais des Lumières démontrent que le sacrifice de l’individu au nom de l’intérêt familial, sur lequel était fondée une large partie des stratégies de perpétuation des patrimoines, est de moins en moins accepté. Simultanément, les institutions juridiques contraignantes comme le fidéicommis sont désormais perçues comme des obstacles au développement économique. Les écrits de Muratori puis ceux de Longo portent une critique radicale au fidéicommis au nom de l’égalité entre héritiers, de la libre circulation des biens et de la pleine souveraineté de la propriété134. D’un point de vue économique, il est notamment accusé de constituer un obstacle au crédit et d’être responsable du déclin du commerce. Sa remise en cause, modérée sous Marie–Thérèse135 , est plus radicale sous Joseph II : l’édit du 12 avril 1786 vise en effet à favoriser le démantèlement des fidéicommis sur les biens immobiliers puisqu’il en autorise la vente sans l’accord des successeurs, à condition de placer les fonds obtenus dans des rentes publiques. Il impose aussi l’obligation de demander au souverain l’autorisation d’établir de nouveaux fidéicommis sur des biens immobiliers (soit l’application à la Lombardie de la loi autrichienne de 1763)136. L’objectif n’est donc pas tant d’abolir l’institution que de stimuler les placements dans des titres publics. L’abolition générale a finalement lieu en 1796 avec l’arrivée des Français : la disposition du 7 novembre 1796 autorise le démantèlement des fidéicommis non seulement sur demande des actuels possesseurs, mais aussi sur celle de leurs créditeurs. Toutefois, avant même cette abolition, les dispenses semblent avoir été accordées relativement facilement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les cas évoqués d’Antonio Giorgio Clerici ou d’Antonio Tolomeo Trivulzio en témoignent. Celui de Ferdinando D’Adda, qui parvient à vendre le palais milanais à la fin du XVIIIe siècle, marque encore un échelon supérieur dans la caducité de l’institution juridique. Il s’agit en effet là du coeur même du patrimoine familial que l’instrument devait protéger contre toute forme de cession. Alors qu’aucun cas similaire n’avait été rencontré auparavant, un deuxième exemple démontre que le fidéicommis ne protège absolument plus les demeures familiales. Le 28 juin 1793, Antonio Visconti Ajmi obtient la permission de dégager complètement le palais milanais des fidéicommis Riva et Visconti auquel il était soumis, motivant cette décision par la volonté d’éviter tout conflit futur entre les héritiers137. Avant même l’arrivée des armées napoléoniennes porteuses des idéaux révolutionnaires, les réformes des Habsbourg ont donc largement ébranlé cet instrument juridique au service de la perpétuation familiale des biens.
L’abandon de la primogéniture et le partage des biens
- 138 D. Zanetti, La demografia del patriziato… cit., p. 83–88 : la proportion des garçons qui ont survé (...)
- 139 G. Di Renzo Villata, Il governo della famiglia : profili della patria potestà nella Lombardia dell (...)
- 140 F. Pino Pongoli, Contributo alla biografia di Cesare Beccaria : le vicende economiche e patrimonia (...)
- 141 Chiffres tirés de L. Talamini, « L’aristocrazia milanese alla fine del Settecento attraverso gli a (...)
- 142 AR, Eredità, cart. 7. Testament en date du 29 octobre 1791, r° Giorgio de Castiglia, notaire de Mi (...)
- 143 AR, Eredità, cart. 7. 1798, 17 mars : appuntamenti per la cessione di questo giorno tra i fratelli (...)
34Les évolutions qui caractérisent la seconde moitié du XVIIIe siècle ne sont pas seulement juridiques et législatives, elles sont aussi sociales et engendrent une transformation des modèles familiaux. Les cadets acceptent moins bien la répartition traditionnelle des fonctions qui réservait le mariage à l’aîné et, au mieux, offrait la communauté des biens aux autres frères. La valorisation de l’individu tend à remettre en cause la primauté traditionnelle de la famille sur celui–ci. La recherche du bonheur personnel est désormais envisagée de manière positive et s’accompagne d’une évolution des modes de vie. Plusieurs familles opèrent ainsi des partages des biens entre les frères dans les dernières décennies du XVIIIe siècle et ces partages, contrairement à la tradition, s’accompagnent du mariage des cadets, engendrant un éclatement durable des patrimoines. Certes, le cas des Clerici ou des Durini avait pu démontrer l’existence de comportements similaires au XVIIe ou au début du XVIIIe siècle, mais ils demeuraient alors des exceptions. Les dernières décennies du XVIIIe siècle voient une véritable explosion des mariages de cadets qui refusent de se destiner à la carrière ecclésiastique ou au célibat laïc138. C’est le cas chez les Isimbardi, les Serbelloni, les Cavenago, les Verri, ou les Cusani. Bien souvent, l’existence de ces nouvelles cellules familiales s’accompagne d’une nouvelle implantation résidentielle. Une évolution de la conception de la famille apparaît aussi avec la remise en cause de l’autorité absolue du père et de la patria potestas. Les conflits générationnels sont nombreux chez les patriciens dans les dernières décennies du XVIIIe siècle139. Ceux de Pietro Verri et de Cesare Beccaria sont emblématiques. Finalement, en 1774, Gian Saverio Beccaria renonce à l’administration de son patrimoine en faveur de ses fils, décision qui s’accompagne du partage du patrimoine entre les frères140. Six mois après l’abdication du pater familias, Francesco, l’un des cadets, décide de quitter le palais familial pour avoir sa propre résidence et obtient pour cela une rente annuelle de 2 600 lires tant que la division des biens n’est pas encore achevée. Il se marie en février 1775 ainsi qu’Annibale, l’autre cadet, en septembre 1776. En 1778 advient le partage des biens entre les frères. Les testaments montrent bien le déclin de la primogéniture et une forte tendance à privilégier les partages égalitaires : entre 1776 et 1796, les testaments qui privilégient les aînés en présence d’autres fils ne sont plus que 2 contre 83 cas de divisions égalitaires141. Le testament de Gaspare Carlo de Rosales, rédigé en 1791, institue ainsi héritiers universels à parts égales tous ses fils142. Quelques années après la mort de leur père, en 1798, les frères Rosales décident de procéder à une division des biens et chargent l’ingénieur Ripamonti Carpano de leur estimation et de la constitution de parts semblables qu’ils administreront directement143. Cette décision met fin aux pratiques familiales traditionnelles qui confiaient à l’aîné la gestion du patrimoine en contrepartie du versement d’une rente annuelle. Dès lors, chaque frère revendique aussi la possession de sa propre demeure dans la capitale.
Un nouveau rapport à la demeure familiale
- 144 ASM, Serbelloni, cart. 17. Acte du 8 octobre 1748, r° Francesco Lambertenghi. Les quatre pièces à (...)
- 145 Sur la constitution d’un nouveau noyau de propriétés dans S. Babila au cours de la seconde moitié (...)
- 146 À ce sujet, voir F. Cerini, I Serbelloni nel XVIII-XIX secolo... cit.
- 147 La note du 31 mars 1776 démontre que ses frères cèdent à la requête de Gian Galeazzo (ASM, Serbell (...)
- 148 « Non può negarsi che non sia la maggior parte abitabile con vari appartamenti nobili di molto mer (...)
- 149 ASM, Fondo Serbelloni, cart. 17 : Acte du 18 mai 1786.
- 150 Ceci semble confirmé par le fait qu’il se fasse représenter dans les actes concernant la successio (...)
- 151 Acte du 29 mai 1789, r° Stefano Marinone. Auparavant, Marco habitait la paroisse de S. Giovanni al (...)
35Le lien à la résidence familiale se fait désormais moins impératif : avec l’abandon du fidéicommis, il devient plus facile d’en changer et les frères cadets peuvent, eux aussi, devenir propriétaires de leur habitation. Il ne s’agit plus d’un appartement de célibataire qu’ils louaient, mais d’une véritable casa da nobile où ils s’installent avec femme et enfants. Les membres de la famille tendent donc plus facilement à abandonner la résidence familiale pour partir s’installer ailleurs. L’exemple de la famille Serbelloni démontre ainsi un éclatement total de la famille. Alors que la tradition était celle d’une communauté fraternelle des biens, plusieurs accords sont passés entre Gabrio et son frère Galeazzo, au sujet du partage de la demeure familiale dans les années 1748–1752. Mais aucun n’aboutit à une solution réellement satisfaisante. En 1748, le duc Gabrio accorde d’abord à son frère une portion d’immeuble dans S. Maria Passarella à travers un livello perpétuel de 224 lires par an. Il est convenu que le duc y aménage quatre pièces destinées à la domesticité de son frère144. En 1751, un nouvel accord modifie le précédent, augmentant le nombre de pièces données au comte Galeazzo sans toutefois que cette solution le satisfasse réellement. La cohabitation dans le palais familial apparaît difficile entre les frères, comme en témoignait la correspondance de Vittoria, épouse de Gabrio. L’acquisition d’une nouvelle demeure dans la paroisse voisine de S. Babila constitue donc aussi une solution à cette situation conflictuelle145. À la mort de Gabrio, en 1774, ses quatre fils se déchirent pour le partage de l’héritage146. Rompant avec le modèle familial qui, à défaut d’une véritable primogéniture, réservait le mariage et la continuité familiale à l’aîné, les quatre frères Serbelloni se marient au cours des années 1770–1780. Le conflit successoral dure jusqu’à l’accord du 18 mai 1786 qui sanctionne le partage des propriétés urbaines. La difficulté à entreprendre la division du nouveau palais de S. Babila fait rapidement abandonner cette option et Gian Galeazzo, l’aîné, conformément à son souhait, reçoit les possessions acquises par son père au–delà du naviglio147. En 1776, le nouveau palais est encore en travaux et n’est habitable qu’en partie148. Le conflit entre les frères porte essentiellement sur l’ancien noyau de S. Maria Passarella. Alessandro obtient finalement de ses frères qu’ils lui cèdent, à titre onéreux, la quasi–totalité de celui–ci, qui était jusqu’alors la propriété commune des quatre frères149. La valeur de l’ensemble est alors estimée à 210 000 lires (soit une valeur bien inférieure au nouveau palais de S. Babila estimé à 320 000 lires) et Alessandro doit verser 44 642 lires au duc Galeazzo et 51 785 lires à chacun des deux autres frères, Fabrizio et Marco. Le 20 mars 1790, Marco renonce au capital restant pour une rente à vie. Cette issue favorable à Alessandro, second fils, peut s’expliquer aussi dans la mesure où il est le continuateur de la lignée Serbelloni alors que l’aîné, Gian Galeazzo, n’a eu qu’une fille. Si les deux aînés ont obtenu les résidences de S. Babila et S. Maria Passarella, les deux cadets doivent se contenter de résidences plus modestes. Fabrizio ne possède pas de propriété à Milan car sa carrière militaire le tient souvent éloigné de la capitale lombarde150. Marco fait, quant à lui, l’acquisition d’une maison dans la paroisse de S. Maria al Cerchio (Porta Ticinese) qui appartenait à la marquise Costanza Brusati et qui est estimée à 1111 scudi151. L’abandon de l’état ecclésiastique et son mariage en 1789 ont certainement constitué les éléments déterminants dans l’acquisition de la propriété de S. Maria al Cerchio qui est cependant beaucoup moins prestigieuse que les palais de ses frères aînés. Le cas des Serbelloni témoigne donc de la difficile cohabitation fraternelle dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et de la volonté de chacun des frères de posséder sa propre demeure.
36Dans le cas des Verri, Pietro a dû menacer sa famille de quitter définitivement le palais familial pour obtenir l’appartement qu’il souhaitait, au moment de son mariage, en 1775 :
- 152 G. Barbarisi (éd.), Edizione nazionale delle opere di Pietro Verri, V, Scritti di argomento famili (...)
Mon oncle voulait m’installer dans les pièces proches de l’entrée et voulait les arranger à son goût ; il traitait l’affaire comme si je n’étais qu’un pupille, oubliant que j’avais 47 ans, que j’étais Vice–Président et Conseiller d’État et que j’avais entre les mains les finances royales. Une conduite aussi offensante m’entraîna finalement à quitter la maison et à prendre un appartement en location. Puis, comme cet acte ne produisit pas l’effet attendu, je recourus au Sénat pour obtenir une pension légale, ainsi que me le conseillait l’Archiduc, persuadé de l’impossibilité de vivre en paix avec la vieille génération. Lorsque mes parents surent que j’avais établi un contrat de location, ils se décidèrent à agir, reconnaissant que cela ne pouvait engendrer qu’un tort public, la coutume étant, comme dans d’autres pays, de séparer l’habitation de la belle–mère et de la belle–fille. Mon père fit intervenir le comte Trotti notre cousin et lui offrit 3 000 sequins à me remettre pour les dépenses courantes à la condition que je demeure dans la maison familiale152.
- 153 Acte de division en date du 14 février 1795, r° Giambattista Riva e Giorgio de Castiglia.
- 154 Giovanni récupère le n° 185, et Alessandro, les n° 180 et 181 de S. Simpliciano. Giovanni, qui a a (...)
- 155 Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 40, Stato della casa in via S. Orsola (1779).
- 156 Sur le parcours de la famille Rasini, voir chap. 2.
- 157 Plusieurs divisions des biens sont réalisées entre les deux frères (actes du 1er février 1770 et d (...)
- 158 Acte du 28 août 1776, r° Gaetano Milano Rodiolano.
- 159 Acte du 17 septembre 1786, r° Giuseppe Delfinone. Le transfert des propriétés dans le cadastre men (...)
37Pietro accepte finalement de revenir habiter le palais familial mais la démarche entreprise témoigne d’une évolution des comportements familiaux. Ceux–ci contribuent à une mobilité plus grande, qui s’ajoute à celle requise traditionnellement par les exigences de représentation. Deux décennies plus tard, les propriétés sont réparties entre les fils de Gabriele alors qu’à la génération précédente, les biens étaient gérés en commun. La supériorité traditionnellement reconnue à l’aîné est conservée à travers la hiérarchie des différents ensembles constitués153. À Pietro, premier né, revient la casa da nobile de S. Andrea et les deux maisons qui l’entourent. Il recueille aussi l’essentiel du patrimoine locatif que possédait la famille en 1751 (à l’exception de deux maisons dans S. Nazaro et de la sostra de S. Pietro in Caminadella, passées à Giovanni). Les cadets se partagent le reste des propriétés et notamment le nouveau noyau de S. Simpliciano154. Chez les Borromeo, l’année 1755 marque une nouvelle étape dans la gestion des biens familiaux : Federico et son neveu Renato, depuis quelques années chef de famille, se partagent les possessions du Piémont qui comprennent notamment les îles du lac Majeur. Les biens sont divisés en deux parts égales qui rapportent 29 200 lires de revenus annuels à chacun de leur possesseur. Federico obtient ainsi l’Isola Madre, sur laquelle il établit sa résidence de villégiature tandis que Renato conserve l’Isola Bella qui accueille la prestigieuse villa familiale. En contrepartie, Federico perd la possibilité d’aller en villégiature dans les autres villas de la famille. À la génération suivante, le chef de famille, Giberto (fils de Renato), accorde à ses deux frères, Giovanni et Antonio, la jouissance d’une maison située via S. Orsola, qui devient leur demeure milanaise. Certes bien plus modeste que le palais de S. Maria Pedone, elle s’organise autour de plusieurs cours et se compose de seize pièces principales dont certaines ont une vocation représentative bien affirmée. La description en date de 1779 mentionne des sols et des cheminées de marbre blanc, des plafonds peints, une galerie. La demeure comprend également neuf petites pièces, des pièces de service (cuisine, cave, dépôt, conciergerie…), une écurie pouvant accueillir huit chevaux, un jardin avec des jeux de perspective155. On peut voir ici de nouvelles pratiques avec la volonté des cadets de posséder une résidence autonome. Reste toutefois à s’interroger sur les retombées symboliques de ce choix : vaut–il mieux un appartement de dimension plus restreinte, mais au sein du prestigieux palais familial, ou une demeure indépendante qui a certes le statut de casa da nobile, mais qui n’est en rien comparable à la demeure familiale ? Dès le milieu du XVIIIe siècle, la configuration patrimoniale et résidentielle des Rasini témoigne de ces exigences. Le cadastre thérésien montre que les propriétés familiales sont divisées en trois ensembles, nettement individualisés, qui ont tous une fonction et une provenance spécifiques et qui se répartissent entre les différents membres de la famille. Le premier ensemble appartient au prince Marc’Antonio, l’aîné : il se compose d’un prestigieux palais et d’une maison de location dans la paroisse de S. Babila ; le second est au nom de son frère Rodolfo, qui possède, lui aussi, sa propre résidence et une maison de location dans S. Stefano in Brolio ; le troisième, constitué de deux maisons de location dans la paroisse de S. Calimero, provient de Cécilia, l’épouse de Marc’Antonio, née Vonner156. Les Visconti di Somma se distinguent aussi par l’existence de deux demeures à Milan, partagées entre les frères. Il s’agit toutefois d’une famille, comme on l’a vu, qui n’a pas de réelle tradition de primogéniture. L’une de ces demeures se trouve dans la paroisse de S. Sisto (Porta Ticinese). Estimée 3 125 scudi, elle est la propriété exclusive d’Alessandro, l’aîné, et constitue sa résidence. La seconde, plus modeste (1 944 scudi), se trouve dans S. Pietro in Caminadella (Porta Ticinese) et figure dans le cadastre au nom des trois frères Visconti. Il est probable qu’elle soit la résidence de l’un des cadets, Carlo ou Filippo. Pour la famille Isimbardi, le mariage du cadet, Giulio Cesare, accompagne la division des biens et la multiplication des noyaux de propriétés à Milan157. Giulio Cesare acquiert d’abord l’ancienne résidence des Caimi dans S. Bartolomeo, mais la revend dès 1776 au comte Serponti158. En 1786, sa veuve entre finalement en possession de l’ex–palais Corrado d’Olivera dans la paroisse de S. Giovanni sul Muro en déboursant 96 000 lires159. Chez les Belgioioso, la possession d’un appartement dans le palais familial de S. Martino in Nosiggia ne suffit plus pour le cadet Lodovico, qui a certes occupé de hautes fonctions au service de l’Empire, et se fait construire une somptueuse demeure à proximité des jardins de Porta Orientale dans les années 1790. On constate donc un véritable éclatement résidentiel des familles patriciennes dans les dernières décennies du XVIIIe siècle.
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38Si la perpétuation des patrimoines et, en particulier, des centres patrimoniaux tels le fief et le palais urbain, apparaît un enjeu essentiel pour la conservation de la mémoire familiale et du statut aristocratique, il apparaît difficile de considérer de manière monolithique les comportements patriciens à ce niveau. Certes, les fidéicommis et la primogéniture se sont développés au XVIe et surtout au XVIIe siècle. Toutefois, certaines familles y demeurent étrangères. Qu’il s’agisse d’anciennes familles féodales dont le fief peut être partagé (tels les Bolognini ou les Cusani) ou qu’il s’agisse de familles plus récentes (tels les Durini), on rencontre à Milan des formes de fratries et des partages du patrimoine entre différents lignages. Le modèle majoritaire de la primogéniture a cependant engendré un phénomène important d’extinctions de familles en ligne masculine qui peut donner aux femmes un rôle de transmission des biens lorsque celui–ci ne leur est pas interdit par d’éventuels fidéicommis. En l’absence même de filles pour assurer la continuité familiale directe, certains patriciens choisissent d’assurer la perpétuation de leur mémoire par des fondations pieuses qui deviennent héritières de leurs patrimoines. Enfin, la seconde moitié du XVIIIe siècle marque une évolution des pratiques familiales liée à l’émergence de l’individualisme et à des réflexions de nature politico-économique. Le développement des mariages de cadets s’accompagne dès lors de la formation de nouveaux noyaux résidentiels marquant l’éclatement de la famille patricienne et la redéfinition des fonctions de la résidence urbaine.
Notes
1 C. Lévi–Strauss, Maison, dans P. Bonte et M. Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, 1991. Sur le concept de maison, voir aussi : E. Haddad, Qu’est-ce qu’une « maison » ?, dans L’Homme, 212, 2014–4, p. 109–138.
2 M. A. Visceglia, Il bisogno di eternità : i comportamenti aristocratici a Napoli in età moderna, Naples, 1988. Voir aussi R. Ago, Il gusto delle cose : una storia degli oggetti nella Roma del Seicento, Rome, 2006, en particulier p. 19–22.
3 Sur le fidéicommis et son évolution : R. Trifone, Fedecommesso, dans Nuovo Digesto italiano, Turin, 1938, p. 1002–1016 ; R. Trifone, Il fedecommesso, storia dell’istituto in Italia, I, Naples, 1914 ; L. Tria, Il fedecommesso nella legislazione e nella dottrina dal XVI secolo ai giorni nostri, Milan, 1945 ; J.–M. Augustin, Famille et société : les substitutions fidéicommissaires à Toulouse et en Haut-Languedoc au XVIIIe siècle, Paris, 1980 ; S. Calonaci, Dietro lo scudo incantato : i fedecommessi di famiglia e il trionfo della borghesia fiorentina, 1400-1750, Florence, 2005. Plus récemment : Fidéicommis, procédés juridiques et pratiques sociales (Italie-Europe, Bas Moyen Âge-XIXe siècle), dans MEFRIM, 124–2, 2012 et, en particulier, l’introduction par J.–F. Chauvard, A. Bellavitis et P. Lanaro, « De l’usage du fidéicommis à l’âge moderne. État des lieux », p. 321–337.
4 Sur le rôle identitaire du fidéicommis : R. Descimon, Don de transmission, indisponibilité et constitution des lignages au sein de la bourgeoisie parisienne au XVIIe s., dans Hypothèse, Paris, 2006, p. 413–422.
5 Sur l’évolution des comportements : M. Barbagli, Sotto lo stesso tetto : mutamenti della famiglia in Italia dal XV al XX secolo, Bologne, 1984, p. 189–233.
6 De Feudis, dans Constitutiones Dominii Mediolanensis decretis et Senatus consultis, édité par Gabriele Verri, Milan, 1747, p. 108.
7 M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio : riflessioni sull’uso del fedecommesso in Lombardia tra Cinque e Seicento, dans ASL, 115, 1989, p. 91–148.
8 L. Arcangeli, Ragioni di stato e ragioni di famiglia : strategie successorie dell’aristocrazia milanese tra Quattro e Cinquecento (Visconti, Trivulzio, Borromeo), dans MEFRIM, 124–2, 2012, p. 447–469.
9 G. Delille, Le Maire et le Prieur : pouvoir central et pouvoir local en Méditerranée occidentale (XVe-XVIIIe siècle), Rome–Paris, 2003.
10 Sur le sujet : M. Piccialuti, L’immortalità dei beni : Fedecommessi e primogenitura a Roma nei secoli XVII e XVIII, Rome, 1999, en particulier chapitre 1. Ce sont principalement les familles pontificales qui ont recours aux fidéicommis pour concentrer les richesses accumulées. Les vieilles familles baronales les utilisent beaucoup moins. Voir aussi E. Garino, Insidie familiari : il retroscena della successione testamentaria a Venezia alla fine del XVIII secolo, dans G. Cozzi, Stato, società e giustizia nella Repubblica veneta (sec. XV-XVIII), II, Rome, 1985 ; J. Goody, J. Thirsk, E. P. Thompson (éd.), Family and Inheritance : Rural Society in Western Europe, 1200-1800, Cambridge, 1976.
11 Fedecomesso, dans Nuovo digesto italiano, cit., p. 1009.
12 ABIB, Milano, Piazza Borromeo, casa n° 2852, acquisti. Voir aussi L. Arcangeli, Ragioni di stato e ragioni di famiglia… cit.
13 ASM, TAM, cart. 424.
14 Voir acte de division des biens entre Alberico et Lodovico en date du 7 mars 1783, r° Francesco Longhi (ASM, Notarile, cart. 44 697) : primogéniture ascendente ordonnée par la comtesse Paola Torelli di Barbiano di Belgioioso (testament du 9 novembre 1563, r° Marco Guerenzio, notaire de Pavie) ; primogéniture ascendente ordonnée par le comte Lodovico Affaitati (testament du 7 septembre 1584, r° Luigi Guascone, notaire de Madrid) ; primogéniture transversale ordonnée par le comte Pietro Francesco II di Belgioioso (testament du 26 mars 1689, r° Gaudenzio Botta, notaire de Milan) ; primogéniture transversale ordonnée par le comte Alberico Barbiano di Belgioioso (testament du 4 octobre 1683, r° Gio Carlo Longone, notaire de Milan), primogéniture ascendante ordonnée par le comte Gio Castellino Scaramuzza Visconti (testament du 7 septembre 1509, r° Bartolomeo Aicardi, notaire de Pavie) ; primogéniture transversale ordonnée par Pompeo Spairani (testament du 4 septembre 1574, r° Cesare Caresana, notaire de Pavie).
15 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale : storia e arte tra XVI e XVIII secolo, Milan, 2008. Testament du 10 septembre 1550, r° Giovanni Filippo Carcani (ASM Notarile, cart. 10 804). Cette fortune se compose de biens immeubles pour une valeur d’environ 150 000 lires et de placements financiers s’élevant à 600 000 lires qu’il impose de liquider afin de les investir dans du foncier.
16 L’exemple est donné par M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio… cit., p. 114 (fidéicommis en faveur de sa fille Francesca en date du 4 septembre 1654 : ASM, Fondo Senato, fedecommessi, cart. 59, fasc. Belcredi).
17 M. C. Zorzoli, Della famiglia e del suo patrimonio… cit., p. 144. Elle cite, à cet effet, un refus du Sénat d’accorder la dérogation nécessaire à la vente d’un palais : le 9 février 1664, lorsque les héritiers de la famille Gallio réclament la possibilité de vendre la domus a nobile comprise dans le fidéicommis Gallio, ils se heurtent à un veto incontournable. La documentation se trouve dans Bibl. Ambr., ms Trotti 23, f° 104.
18 M. Piccialuti, L’immortalità dei beni… cit. Voir en particulier le chapitre 5 sur la composition des fidéicommis.
19 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Case Milano, cart. 1.
20 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ? Le cas de la Lombardie durant la période moderne, dans MEFRIM, 124–2, 2012, p. 501–517. Voir aussi A. Monti, Fedecommessi lombardi : profili giuridici e riflessi privati nelle dispense senatorie, dans MEFRIM, 124–2, 2012, p. 489–500. Dans le cas vénitien : J.–F. Chauvard, Adaptabilité versus inaliénabilité : les dérogations aux fidéicommis dans la Venise du XVIIIe siècle, dans Annales HSS, 2015–4, p. 849–878.
21 B. Borello, Prossimi e lontani : fratelli aristocratici a Roma e Siena (secoli XVII-XIX), dans R. Ago et B. Borello (éd.), Famiglie : circolazione di beni, circuiti di affetti in età moderna, Rome, 2008, p. 117–140.
22 ABIB, Milano, Piazza Borromeo, casa n° 2852, acquisti. Ces pièces sont estimées pour un peu plus de 6000 lires tandis que l’ensemble du palais atteint une estimation de près de 40 000 lires.
23 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Araldica, cart. 10.
24 Acte de division entre Alberico et Lodovico en date du 7 mars 1783, r° Francesco Longhi (ASM, Notarile, cart. 44 697). Il s’agit de l’appartement situé en rez–de–chaussé du palais, à droite de l’entrée, dont jouissait auparavant le feu prince Antonio. Il consiste en deux antichambres, une pièce de réception, une chambre à coucher, un cabinet, une chambre pour le domestique, une salle à manger (tinello), un petit jardin. Le comte possède aussi l’usage de la cuisine, de l’écurie et de la remise à carosses.
25 Testament du 8 octobre 1610, r° Pietro Melli.
26 Cette première division a lieu entre les deux fils naturels de Gabrio (1508–1580) : Giovanni Battista donne naissance à la branche aînée qui deviendra celle des ducs de S. Gabrio en 1684 et Alessandro à celle des comtes de Dovera qui apparaît beaucoup plus marginale sur la scène milanaise et s’éteint au XVIIIe siècle.
27 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283, testament du 25 avril 1717 r° Francesco Bozzacco.
28 G. Fumi, Famiglia e patrimonio nobiliare nella Lombardia del Settecento : I Visconti di Modrone, dans Tra rendita e investimenti : formazione e gestione dei grandi patrimoni in Italia in età moderna e contemporanea, Bari, 1998, p. 349–389 (voir p. 376).
29 Benedetta Borello cite le cas des frères Borghese envoyés ensemble au Collège Tolomei de Sienne pour développer leur sens de la solidarité : B. Borello, Prossimi e lontani : fratelli aristocratici… cit.
30 R. Ago, Destin des cadets et carrière ecclésiastique dans la noblesse italienne du XVIIe siècle, dans G. Ravis Giordani et M. Segalen (dir.), Les cadets, Paris, 1994, p. 231–240.
31 G. Brizzi, La Formazione della classe dirigente nel Sei-Settecento, Bologne, 1976.
32 AR, Eredità, cart.1
33 AR, Eredità cart. 3, 1675–1725, Convenzioni tra il Co Giuseppe Maria Ordogno de Rosales e il Sig. March di Castelleone e Co di Vailate riguardante il mantenimento della Casa (1712).
34 AR, Eredità cart. 5, 1720–1752 : Donazione generale fatta dal Sig. Co Giuseppe Maria Ordogno de Rosales, Preposto nella Collegiata di S. Maria Fulcorina, al Sig Marchese Senatore Don Diego, suo fratello, per dimostrazione d’affetto particolare (septembre 1735, le jour semble laissé en blanc mais le document est bien signé par les deux frères).
35 Il s’agit d’un animal gras, 24 chapons et autant de poulets, 24 douzaines d’oeufs, deux charrettes de foin, deux charrettes de bois, une moggia de riz blanc, 24 livres de buttiro (produit laitier), une moggia de biada (céréales destinées à l’alimentation des chevaux), un fromage.
36 AR, Eredità, cart. 5, 1720–1752. Accord signé le 22 mars 1738.
37 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale… cit., p. 108.
38 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 40, Borromeo. Carlo Borromeo (1657–1734) fut vice–roi de Naples au nom de Charles VI jusqu’en 1713. Il est ensuite commissaire impérial, conseiller intime et chevalier de la Toison d’Or en 1715. Fils de Giulia Arese, il récupère l’immense héritage de son grand–père maternel Bartolomeo Arese dont il ajoute le nom à celui des Borromeo. Cf. généalogie Borromeo, p. 138.
39 Sur cette famille, voir aussi supra chap. 3, généalogie p. 148.
40 ABM, cart 33, fasc. 8. Acte du 8 décembre 1525, r° Francesco Scaraggio de Gandino, notaire de Pavie.
41 ABM, cart. 39, fasc. 9. En date du 1er octobre 1680, istrumento di divisione dei locali del Castello di S. Angelo intervenuta tra i Co Gio Giacomo II (q Carlo) e Co Sforza suo fratello.
42 ABM, cart. 43, fasc. 1. Convention en date du 3 juin 1716.
43 ABM, cart. 43, fasc 5. Accord du 21 mars 1724.
44 ABM, cart.43, fasc. 7. Acte en date du 11 août 1731, r° Luca Alberganti.
45 ABM, Pergamene fasc. 64.
46 ABM, cart. 4. 1647 : comparition du comte Giacomo Francesco Attendolo pour être admis au Collège des Jurisconsultes. Un document de 1656 prouve ensuite son admission.
47 ABM, cart. 40, fasc. 3. Testament r° Giacinto Ferrario.
48 A. Cogné, Le fidéicommis, un instrument d’immobilisation des patrimoines ?... cit.
49 ABM, cart, 43, fasc. 6. Convention du 10 avril 1728.
50 Les informations sur la résidence proviennent de F. CALVI, Famiglie notabili milanesi… cit. Angelo meurt dans cette paroisse en 1766.
51 www.lombardiabeniculturali.it/archivi/soggetti–produttori/famiglia/MIDD 000232/consulté le 5 juin 2015.
52 Sur les propriétés des deux branches Visconti di Brignano : A. Kluzer, « I due palazzi uniti con quei belli giardini che si vedono » : La riforma settecentesca della residenza Visconti di Brignano, dans A. Spiriti (éd.), La nobiltà lombarda : questioni storiche e artistiche, Brignano Gera d’Adda, 2008, p. 24–26. Sur la seigneurie commune (consignoria) du fief de Brignano : C. Cremonini, Pirro Visconti di Brignano-Borgoratto al servizio degli Asburgo in nome dell’impero, dans Cheiron, 53–54, 2010, p. 276–277.
53 Acte du 14 novembre 1538, r° Giacomo Antonio del Conte (ASM, Feudi camerali, p.a., cart. 738). Voir aussi P. Litta, Famiglie celebri italiane, Milan, 1825, Visconti, tavola V.
54 Ottavio Cusani fut à plusieurs reprises vicario di provvisione entre 1534 et 1559 (F. Arese, Supreme cariche…). Le Teatro genalogico en fait un ambassadeur de Charles Quint et un membre du Sénat en 1582. Son arrière–petit–fils, prénommé également Ottavio, fut questeur au Magistrato straordinario en 1642. Le fils de celui–ci, Ferdinando, intégra aussi cette institution. La famille est présente au Conseil des soixante décurions entre 1535 et 1583 puis de 1633 à 1640 et enfin de 1733 à 1796 (F. Arese, Elenchi dei magistrati patrizi… cit.).
55 Le palais milanais, proche de Brera, fut magnifiquement refait par Agostino au XVIIe siècle : voir C. Perogalli et C. Mauri, Palazzo Cusani a Milano, Milan, 1986.
56 F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. Pour régler ses dettes, le Sénat autorise la vente de quelques terres soumises à un fidéicommis, avec l’accord de tous les héritiers appelés (soit du cousin Francesco Cusani, des familles Litta, Bigli, Crivelli, d’Adda, Dal Verme, Taverna, Borromeo, Archinto, Gonzaga, Barbiano di Belgioioso, Cavazzi della Somaglia, Isimbardi, Belloni, Busca, Barbo, Gambarana, Pietrasanta).
57 Sur les Durini, voir C. Geddo, Il cardinale Angelo Maria Durini (1725-1796) : un mecenate lombardo nell’Europa dei Lumi fra arte, lettere e diplomazia, Milan, 2011 ; C. Cremonini, Breve storia della famiglia Durini, banchieri milanesi, conti di Monza, tra marcatura, nobiltà e interessi culturali, dans Le ville Mirabello e Mirabellino nel parco reale di Monza, Monza, 2006, p. 12–31 ; K. Lofrano, « Ricerche sulla famiglia Durini tra XVII e XIX secolo », tesi di laurea, Università degli Studi di Milano, 2001.
58 L’un des rares fidéicommis fut réalisé par Carlo Francesco I dans son testament en 1694.
59 C. Cremonini, Breve storia della famiglia Durini… cit.
60 Testament d’Angelo Maria en date du 16 décembre 1685, r° Mauro Casati (ASM, Notarile, cart. 33 094). Cité par C. Geddo.
61 La consultation des archives Durini permettrait sûrement de préciser les termes des accords entre les frères et cousins, mais il n’a pas été possible d’y accéder.
62 D. E. Zanetti, La demografia del patriziato milanese nei secoli XVII-XVIII-XIX, Pavie, 1972. Voir aussi supra chap. 2.
63 L. De Nardi, « I Trivulzio principi di Mesocco nel pieno Seicento : patrimonio e carriere (1630–1664) », tesi di laurea, Università degli Studi di Milano, 2009.
64 Testament en date du 25 juillet 1678.
65 Testament de Giorgio I en date du 10 juillet 1660 (r° Giacomo Filippo Biumi). ASM, Notarile, cart. 31 937. Sur les Clerici, voir supra chap. 5, généalogie p. 263.
66 ASM, Clerici r. a., cart. 6.
67 L. Mocarelli, Ascesa Sociale e investimenti… cit., p. 422.
68 Sur les ventes réalisées par Antonio Giorgio : ASM, Clerici, r. m. cart. 8.
69 Quatre biens sont donnés en livello : les deux propriétés de S. Giovanni al Muro qui appartenaient à l’origine à la branche cadette ainsi que deux immeubles de S. Protaso ad Monacos.
70 ASM, Clerici r. m., cart. 123, acte du 23 octobre 1812, r° Lonati.
71 A. Monti, Iudicare tamquam deux : i modi della giustizia senatoria nel ducato di Milano tra Cinque e Settecento, Milan, 2003 (voir chap. 5, 1 : « la prassi civile : il diritto di famiglia e delle successioni ») ; C. Valsecchi, L’istituto della dote nella vita del diritto del tardo Cinquecento : i Consilia di Jacopo Menochio, dans Rivista di Storia del diritto italiano, 67, 1994, p. 205–282. G. P. Massetto, Il lucro dotale nella dottrina e nella legislazione statutaria lombarde dei secoli XIV-XVI, dans Ius Mediolani : studi di storia del diritto milanese offerti dagli allievi a Giulio Vismara, Milan, 1996, p. 189–364 ; G. Di Renzo Villata, L’altra metà del cielo : donne, documenti e diritto attraverso i secoli, dans I colori della scrittura, Milan, 2002, p. XVIII–XLV.
72 Cette exclusion des filles s’est mise en place au cours du Moyen Âge, dérogeant aux pratiques du droit romain. À ce sujet, les théories de Jack Goody sur la bilatéralité de la parenté ont été critiquées par C. Klapisch–Zuber et D. Owen Hugues qui refusaient de considérer la dot comme une forme d’héritage pour y voir plutôt une forme d’exhérédation dans la mesure où elle ôte aux filles toute prétention à la succession paternelle. J. Goody, Inheritance, Property and Women : Some comparative Considerations, dans J. Goody, J. Thirsk, E. P. Thompson (éd.), Family and Inheritance Rural Society in Western Europe, 1200-1800, Cambridge, 1976, p. 10–36 ; D. O. Hughes, From Brideprice to Dowry in Mediterranean Europe, dans Journal of Family History, 7, 1978, p. 262–296 ; C. Klapisch–Zuber, Le complexe de Griselda : dot et dons de mariage au Quattrocento, dans Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge–Temps modernes, 94–1, 1982, n° 94–1, p. 7–43.
73 A. Monti, Iudicare… cit. p. 310 et sq.
74 A. Monti, Iudicare… cit. ; C. Valsecchi, L’istituto della dote… cit.
75 G. P. Massetto, Il lucro dotale nella dottrina e nella legislazione… cit.
76 M. C. Zorzoli, Una incursione nella pratica giurisprudenziale milanese del Seicento e qualche riflessione su temi che riguardano la famiglia, dans Ius Mediolani : studi di storia del diritto milanese offerti dagli allievi a Giulio Vismara, Milan, 1996, p. 617–657.
77 Deux numéros spéciaux de revues sont consacrés à ces thématiques : Clio, 7, 1998 (intitulé « Femmes, dots et patrimoines ») et Quaderni storici, 98, 1998. Voir aussi G. Delille, Famille et propriété dans le Royaume de Naples (XVe-XVIe siècles), Rome–Paris, 1985 ; A. Fauve–Chamoux, Le rôle des femmes dans la transmission des biens en France XVIIIe-XIXe siècle, dans C. Dessureault, J. A. Dickinson et J. Goy (dir.), Famille et marché, XVIe-XXe siècles, Montréal, 2003, p. 245–260.
78 Il s’agit de républiques maritimes où la richesse mobilière occupe une importance majeure, ce qui explique les particularités du système successoral. Sur Venise : A. Bellavitis, N. M. Filippini, T. Plebani (dir.), Spazi, poteri, diritti delle donne a Venezia in età moderna, Vérone, 2012. Voir aussi A. Bellavitis, Famille, genre, transmission à Venise au XVIe siècle, Rome, 2008.
79 S. Feci, Pesci fuor d’acqua : donne a Roma in età moderna : diritti e patrimoni, Rome, 2004.
80 I. Chabot, La dette des familles : femmes, lignage et patrimoine à Florence aux XIVe et XVe siècles, Rome, 2011. L’auteur explique ce durcissement législatif vis–à–vis des droits des femmes, à la fin du Moyen Âge, par les conséquences démographiques de la grande peste noire. Dans un contexte où les remariages des veuves sont particulièrement importants, il s’agit d’éviter la sortie des biens du lignage. Voir aussi G. Calvi, Sans espoir d’hériter : les mères, les enfants et l’État en Toscane, XVIe-XVIIe siècles, dans Clio, 21, 2005, p. 43–68 ; G. Calvi, Il contratto morale : madre e figli nella Toscana moderna, Rome–Bari, 1994.
81 R. Ago, Universel / particulier : femmes et droits de propriété (Rome, XVIIe siècle), dans Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 7, 1998, p. 101–116. Parfois les femmes tentent d’assimiler leurs biens dotaux à des biens paraphernaux pour en jouir librement ; parfois, elles revendiquent au contraire le régime dotal pour protéger les biens du ménage contre les créanciers et préserver ainsi les successions des héritiers.
82 S. Beauvalet–Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, 2001 ; Id., La femme seule à l’époque moderne : une histoire à écrire, dans Annales de démographie historique, 2001, p. 127–142.
83 Le phénomène est désormais bien connu pour la noblesse française. Voir en particulier E. Haddad, Fondation et ruine d’une maison : histoire sociale des comtes de Belin (1582-1706), Limoges, 2009.
84 Testament du comte Bartolomeo Arese, 24 septembre1671, r° Annoni. Giulia reçoit, en revanche, le palais de Cesano Maderno, des immeubles urbains se trouvant hors du quartier de Porta Vercellina (par exemple une boutique située près de la place du Duomo) et des terres au nord de Milan. À Margherita reviennent, en plus du palais, les terres situées au sud de la capitale. Sur la constitution du patrimoine urbain, voir supra chap. 5.
85 Celle–ci avait été achetée par le comte Pirro Visconti Borromeo à la famille Arrigoni, en 1596, pour 45 000 lires : AOM, Fondo Litta, cart. 256, promemoria casa Monforte.
86 Les propriétés du corso Monforte (S. Babila) sont louées à Angelo Mantegazza en 1684, puis au comte Antonio Cavazzi della Somaglia en 1707. AOM, Litta, cart. 253.
87 AOM, Litta, cart. 256.
88 Testament en date du 3 mars 1746.
89 P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta sino alla fine del Settecento, dans ASL, 1971–73, p. 284–346.
90 F. Arese, Elenco… I decurioni… cit.
91 Voir aussi supra chap. 2.
92 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283. Testament de Francesco en date du 16 septembre 1777, de Gian Francesco en date du 25 avril 1778 et de Giuseppe Maria en date du 29 septembre 1779.
93 Archivio Visconti Modrone, cart. I 283, Acte de vente du 30 janvier 1787.
94 G. Fumi, Famiglia e patrimonio nobiliare nella Lombardia del Settecento : i Visconti di Modrone, dans Tra rendita e investimenti : formazione e gestione dei grandi patrimoni in Italia in età moderna e contemporanea, Bari, 1998, p. 349–389 (en particulier p. 367 et sq).
95 M. G. Cagna (éd.), La famiglia D’Adda Salvaterra e la Valsesia, Borgosesia, 1986.
96 ASM, Catasto, Trasporti.
97 Archivio D’Adda Borromeo, cart. 44.
98 Le cas est exposé par G. Coltorti, Via Filodrammatici prima di Mediobanca, Milan, 2015. Les renvois aux fonds archivistiques qui suivent proviennent de cet ouvrage.
99 Archivio Verderio Inferiore, Fondo Gnecchi Ruscone, 1.1.7–23. Actes du 28 septembre 1623 et du 22 janvier 1624, r° Matteo Croce : Francesco Archinto vend a Pietro Antonio Riva sa part de la casa da nobile proche de San Lorenzino pour 40 500 lire. Entre 1634 et 1635, la partie du palais passée en dot à Margherita Archinto Crivelli est cédée aux Riva. Transaction entre les frères Pietro Giorgio, Prospero et Giuseppe Crivelli (q Paladino) et Giustina Riva (Archivio Verderio Inferiore, Fondo Gnecchi Ruscone, actes du 3 août 1634 et du 4 avril 1635, 1.1.7–24).
100 Isabella Lonati, mère de Giustina, s’était remariée à la mort de Pietro Antonio Riva avec Francesco Arnolfi. Testament de Giustina Riva, en date du 27 mars 1657, r° Carlo Bernasconi (ASM, Atti notarili, cart. 29 318).
101 G. Calvi et I. Chabot (éd.), Le ricchezze delle donne : diritti patrimoniali e poteri familiari in Italia (XIII-XIX secc.), Turin, 1998 (p. 14).
102 AR, Eredita cart. 5, 1720–1784 ; testament du 16 mars 1737, r° Gio Antonio Cignani (contenu mentionné dans l’acte du 22 mars 1738).
103 Testament du 26 janvier 1769, r° F. A Longhi.
104 A. Monti, Iudicare… cit., p. 323 ; G. Di Renzo Villata, Note per la storia della tutela nell’Italia del Rinascimento, dans La famiglia e la vita quotidiana in Europa dal ‘400 al ‘600 : fonti e problemi, Rome, 1986, p. 59–95.
105 Exemple cité par A. Monti, Iudicare… cit. p. 330.
106 ASM, TAM, cart. 425.
107 D’Adda, Eredità e legati, cart. 84, acte du 6 mars 1671.
108 ASM, Notarile, cart. 45 003, Acte du 20 octobre 1781.
109 Témoignage de Pietro Verri à ce sujet rapporté par F. Pino Pongoli, Contributo alla biografia di Cesare Beccaria… cit. (p. 606).
110 S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale… cit. p. 86. Zenobia se remarie en 1554 avec Francesco Borromeo.
111 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 62, testament du 7 janvier 1652, r° Gio Stefano Clerici.
112 ASM, Fondo Crivelli Giulini, Araldica, cart. 36.
113 Archivio Rosales, eredità cart. 1, testament de Matteo.
114 Archivio Rosales, Fondo Amministrazione, cart. 3 , fasc. 1 : prospetti delle entrate annuali di Casa Rosales. La domesticité de la comtesse se compose de deux pages (7 lires par mois), quatre femmes de chambre (146 lires par mois), 1 bracciere (432 lires par an), trois écuyers avec leur livrée (100 lires par mois), un cocher avec sa livrée (588 lires par an). Les dépenses d’alimentation sont évaluées à quatre lires par jour tandis que l’entretien des chevaux et carrosses représente plus de 800 lires par an.
115 L’un des rares ouvrages sur le sujet est : S. Seidel Menchi et D. Quaglioni (dir.), Coniugi nemici : la separazione in Italia dal XII al XVIII secolo, Bologne, 2000.
116 Archivio Durini, Fabbriche Durini, Matrimoni, 11.3.4. Convenzione stipulata tra i coniugi per la separazione amichevole del 10 febbraio 1674. Cité par C. Cremonini, Breve storia della famiglia Durini… cit., p. 16.
117 La lettre, datée du 21 mars 1772, se trouve dans HHSW, Italien Spanisch Rat, Lombardei Korrespondenz, cart. 234, fasc. 23. Elle est rédigée en français.
118 Sur cette relation avec Pietro Verri : C. Capra, I progressi della ragione… cit.
119 R. Bizzocchi, Cicisbei : morale privata e identità nazionale in Italia, Roma–Bari, 2008.
120 Lettre de Pietro à Alessandro Verri du 9 octobre 1767 dans Carteggio, I, 2, p. 80, citée par C. Capra, I progressi della ragione… cit., p. 126.
121 Voir notamment L. Aiello, M. Bascapè, D. Zardin (éd.), Milano e le sue associazioni : cinque secoli di storia cittadina (XVI-XX secolo), Milan, 2014 ; L. Aiello, M. Bascapè, S. Rebora, Milano : radici e luoghi della carità, Turin, 2008. M. Tognetti Bordogna et V. A. Sironi (éd.), Milano, capitale del bene comune, Milan, 2013. Voir aussi le portail internet Milano e le sue associazioni : luoghi, storia, arte, et en particulier les fiches concernant les différents luoghi pii. Plus anciennement, A. Noto, Gli amici dei poveri di Milano, 1305-1964, Milan, 1966.
122 Sur la fondation de l’Ospedale Maggiore : P. Boucheron, Le pouvoir de bâtir… cit. Sur les dons effectués : P. Canetta, Elenco dei Benefattori dell’Ospedale Maggiore di Milano, 1456-1886, Milan, 1886. Canetta recense 513 patriciens sur les 5 742 donateurs de l’Ospedale Maggiore du XVe à la fin du XIXe siècle.
123 http://milanoassociazioni.unicatt.it/web/guest/umilta–144–1784. Consulté le 20 juin 2015. Le nom de l’institution reprend la devise de la famille Borromeo : Humilitas.
124 Voir en particulier, G. Cosmacini et C. Cenedella, I vecchi e la cura : storia del Pio Albergo Trivulzio, Rome, 1994.
125 E. Roveda Enrico, Il patrimonio fondiario dei Trivulzio principi di Mesocco tra la fine del Cinquecento e gli inizi del Seicento, dans Società e Storia, 1979, p. 667–681 ; Id., Una grande possessione lodigiana dei Trivulzio, dans Ricerche di Storia moderna II, Aziende e patrimoni di grandi famiglie (sec. XV-XIX), Pise, 1979, p. 25–140.
126 C. Capra, Il principe Trivulzio e la fondazione del Pio Albergo, dans C. Cenedella (dir.), Dalla carità all’assistenza, Milan, 1993, p. 68–76 ; C. Cremonini, Ritratto ineditto di un celebre benefattore : la vita e le opinioni di Antonio Tolomeo Gallio Trivulzio, dans C. Cenedella (dir.), op. cit., p. 77–100. Et plus anciennement : E. Guicciardi (éd.), Disegno per una vita : il principe Antonio Tolomeo Trivulzio, Milan, 1968.
127 C. Capra, Il Pio Albergo Trivulzio : un’eredità del secolo dei lumi, dans La nascita del Pio Albergo Trivulzio : orfani, vecchi e poveri a Milano fra Settecento e Ottocento, Milan, 1993, p. 13–19.
128 Voir le site de l’institution : www.iltrivulzio.it. Celle–ci a défrayé la chronique ces dernières décennies : en 1992 d’abord, avec l’enquête du juge Di Pietro qui a lancé Tangentopoli puis, en 2011, avec la location ou vente d’appartements à bas prix à des personnes influentes.
129 M. Mattarozzi, La carezza della beneficenza : carità, assistenza e istruzione nell’opera della Causa Pia D’Adda, Milan, 2008, p. 22.
130 Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 44. Un contrat de location en date du 29 septembre 1781 témoigne d’un loyer 3 200 lires par an pour une durée de 5 ans (1780–1785). Maria D’Adda, la fille de Francesco avait épousé le prince Orsini di Roma et n’habitait plus le palais.
131 Les premières requêtes de substitution sont demandées par Costanzo IV à partir de 1735, puis par son fils Francesco IV qui doit réorganiser les finances familiales et rembourser des dettes assez importantes à la mort de son père. C’est ainsi que le fidéicommis de Giovanni Agostino, établi en 1550 pour une valeur de 286 200 lires est transféré sur le palais milanais (125 180 lires) et la propriété d’Arcore (235 334 lires), soit une valeur supérieure d’un quart à l’original, ainsi que l’exige la loi. Voir S. Leydi, La famiglia d’Adda di Sale… cit. p. 107.
132 Id., citation donnée p. 24.
133 Testament du 21 avril 1808, r° Luigi Bonola (notaire de Monza).
134 L. A. Muratori, Dei difetti della giurisprudenza, cap. XVII, 1742, Venise, p. 889–891 (Fideicommissi, maggiorasco, primogeniture e sostituzioni) ; A. Longo, Osservazioni sui fedecommessi (1764-1765), dans F. Venturi (éd.), Illuministi italiani : il Caffè, vol. III, Milan–Naples, 1958, p. 223–258.
135 A. Padoa Schioppa, Sul fedecommesso nella Lombardia teresiana, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (éd.), Economia, istituzioni, cultura in Lombardia nell’età di Maria Teresa, t. 3, Bologne, 1982, p. 807–826. La principale intervention législative de Marie–Thérèse concerne ses États autrichiens : la loi du 22 janvier 1763 oblige à demander l’accord du souverain pour l’établissement de fidéicommis sur des biens immeubles et fixe une valeur maximale de 400 000 florins. Pour la Lombardie, la première mesure concerne les fidéicommis fiscaux qui portent préjudice aux finances publiques en 1775. Marie–Thérèse a également restreint les fidéicommis à deux grades (L. Tria, Il fedecommesso nella legislazione e nella dottrina dal XVI secolo ai nostri giorni, Milan, 1945, p. 97).
136 ASM, Censo p. a. cart. 24, Legge mediante cui potere svincolare li fondi dai fedecommessi (12 avril 1786). Les réformes lombardes se montrent néanmoins plus modérées que celles entreprises par Pierre Léopold en Toscane qui ordonnaient, dès 1782, le démantèlement de tous les fidéicommis individuels après quatre grades de succession, puis leur suppression complète en 1789.
137 Le cas est rapporté par G. Coltorti, Via Filodrammatici prima di Mediobanca… cit., p. 71. Dispense en date du 28 juin 1793 se trouvant dans l’acte du 27 juillet 1793 (ASM, Notarile, Bartolomeo Guerrini, cart. 47 734). Le fidéicommis Riva concernait une partie de l’édifice estimée 59 156 lires, tandis que celui laissé par le maréchal Annibale Visconti s’élevait à 58 566 lires.
138 D. Zanetti, La demografia del patriziato… cit., p. 83–88 : la proportion des garçons qui ont survécu à l’âge de 15 ans et qui entrent dans un monastère passe de 30,9 % (vers 1600) à 5 % (1750–1800). Pour les filles, elle passe de 48 % (vers 1600) à 30–31 % (1650–1750) puis à seulement 2,8 % (1750–1800). De même, le taux de célibat définitif pour les garçons passe de 50,5 % (1700–1750) à 36,5 % (1750–1800) et pour les filles de 34,5 % à 13 %.
139 G. Di Renzo Villata, Il governo della famiglia : profili della patria potestà nella Lombardia dell’età delle riforme, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (éd.), Economia, istituzioni, cultura… cit., t. 3, p. 771–806.
140 F. Pino Pongoli, Contributo alla biografia di Cesare Beccaria : le vicende economiche e patrimoniali della famiglia, dans Cesare Beccaria tra Milano e Europa, Milan–Rome, 1990, p. 587–633.
141 Chiffres tirés de L. Talamini, « L’aristocrazia milanese alla fine del Settecento attraverso gli atti testamentari », tesi di laurea, Università statale di Milano, 1981.
142 AR, Eredità, cart. 7. Testament en date du 29 octobre 1791, r° Giorgio de Castiglia, notaire de Milan.
143 AR, Eredità, cart. 7. 1798, 17 mars : appuntamenti per la cessione di questo giorno tra i fratelli Rosales.
144 ASM, Serbelloni, cart. 17. Acte du 8 octobre 1748, r° Francesco Lambertenghi. Les quatre pièces à aménager sont destinées à deux domestiques, à la garde–robe (cette pièce devra être plus grande que les autres) et à une jeune servante.
145 Sur la constitution d’un nouveau noyau de propriétés dans S. Babila au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, voir supra chap. 5.
146 À ce sujet, voir F. Cerini, I Serbelloni nel XVIII-XIX secolo... cit.
147 La note du 31 mars 1776 démontre que ses frères cèdent à la requête de Gian Galeazzo (ASM, Serbelloni, cart. 18).
148 « Non può negarsi che non sia la maggior parte abitabile con vari appartamenti nobili di molto merito, ma in gran parte come lo è ben noto, inabitabile e imperfetta sia tutta l’estensione verso il corso per le case di ultimo acquisto ivi incorporate, e nell’odierna sistema per il proseguimento della fabbrica del palazzo in buona parte di già demolita (...) ». ASM, Serbelloni, cart. 18, note de l’ingénieur D. Ferrario en date du 28 mars 1776.
149 ASM, Fondo Serbelloni, cart. 17 : Acte du 18 mai 1786.
150 Ceci semble confirmé par le fait qu’il se fasse représenter dans les actes concernant la succession de son père par le comte Gio Giacomo Attendolo Bolognino.
151 Acte du 29 mai 1789, r° Stefano Marinone. Auparavant, Marco habitait la paroisse de S. Giovanni al Muro ainsi que l’atteste l’acte de vente du palais de S. Maria Passarella en 1786.
152 G. Barbarisi (éd.), Edizione nazionale delle opere di Pietro Verri, V, Scritti di argomento familiare e autobiografico, Rome, 2003 (« Memorie sincere », p. 282).
153 Acte de division en date du 14 février 1795, r° Giambattista Riva e Giorgio de Castiglia.
154 Giovanni récupère le n° 185, et Alessandro, les n° 180 et 181 de S. Simpliciano. Giovanni, qui a aussi hérité de la sostra de S. Caminadella et de deux maisons dans S. Nazaro in Brolio, revend quelques années plus tard sa parcelle de S. Simpliciano aux frères Masnago.
155 Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 40, Stato della casa in via S. Orsola (1779).
156 Sur le parcours de la famille Rasini, voir chap. 2.
157 Plusieurs divisions des biens sont réalisées entre les deux frères (actes du 1er février 1770 et du 3 octobre 1775, r° C. A. Cognola). Giulio Cesare avait épousé Maddalena Beccaria.
158 Acte du 28 août 1776, r° Gaetano Milano Rodiolano.
159 Acte du 17 septembre 1786, r° Giuseppe Delfinone. Le transfert des propriétés dans le cadastre mentionne trois parcelles (n° 44, 49 et 50), mais il est fort probable que celles–ci ait été fondues en un même édifice, lors de l’agrandissement de la demeure, dans les années 1760, par le marquis Corrado d’Olivera.
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