Version classiqueVersion mobile

Les propriétés urbaines du patriciat

 | 
Albane Cogné

Deuxième partie. Habiter et bâtir la ville

Chapitre 6. Espace privé et espace public

Texte intégral

1Les palais patriciens sont l’objet de réaménagements importants qui impliquent souvent l’espace public qui les entoure. En tant que témoignage matériel de la dignité et de la richesse d’une famille, leur édification se traduit dans la recherche d’un rapport avec la ville non plus subi mais imposé. Tout comme les patriciens cherchent à conquérir les propriétés entourant leur résidence, ils tentent également d’empiéter sur les espaces publics voisins. Face à ces atteintes, un encadrement normatif existe depuis le Moyen Âge pour préserver les espaces publics, garantir l’intérêt général et le decoro urbano. Au XVIIe siècle, dans un contexte d’immobilisme de l’urbanisation et de désengagement du pouvoir monarchique, la gestion de l’édification est laissée aux magistratures civiques. Dans le contexte réformateur de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le pouvoir central reprend en main l’urbanisme milanais cherchant à transformer la ville en véritable capitale et à adapter celle-ci aux canons des Lumières. Une réglementation nouvelle instaure un contrôle plus étroit sur les espaces publics, mais concerne aussi les constructions de particuliers. La multiplication des permis de construire témoigne d’un encadrement plus rigoureux qui ne concerne plus seulement les concessions d’espace public, mais aussi les opérations mineures, telles l’ouverture d’une porte ou de fenêtres tandis que les choix architecturaux des propriétaires sont également soumis à l’approbation des pouvoirs publics.

Les espaces publics face aux outrages des particuliers

Règles et pratiques de l’occupation du sol urbain

Un encadrement normatif ancien

  • 1  Les premières licentiae aedificandi connues datent des années 1470. Elles sont concédées pour ouvr (...)
  • 2  Statuti di Milano volgarizzati con note e spiegazioni a pubblica intelligenza e utilità, Milan, G. (...)
  • 3  Le corps des ingénieurs et architectes de la ville a pour origine les Pubblici Estimatori mentionn (...)
  • 4  Constitutiones Dominii Mediolanensis decretis et Senatus consultis, édité par Gabriele Verri, Mila (...)

2Au milieu du XVIIIe siècle, les interventions architecturales des particuliers dans la ville sont réglementées par des normes instaurées au Moyen Âge qui furent confirmées au XVIe siècle. La période ducale et, en particulier, la fin du XVe siècle s’est caractérisée par la mise en place d’un contrôle sur la construction privée, avec l’instauration des licentiae aedificandi1. À l’époque moderne, le cadre de référence est composé de deux corpus normatifs : les Statuts de Milan, forgés au cours du Moyen Âge, qui représentent le droit municipal de la capitale ambrosienne et les Nouvelles Constitutions, promulguées en 1541, qui avaient pour objectif d’unifier les principales sources juridiques des provinces composant l’État de Milan. La nécessité d’obtenir un permis pour toute nouvelle construction est déjà présente dans les Statuts de Milan qui définissent également ce qui est entendu par le terme de « nouvelle construction » : non seulement un nouvel édifice construit, mais aussi « toute intervention par laquelle on ajoute ou enlève à l’édifice existant certains de ses éléments ce qui entraîne une modification de la forme initiale »2. Les Statuts comprennent également une série de dispositions qui règlementent les rapports entre particuliers. Celles-ci concernent les servitudes diverses auxquelles peut être soumis un édifice (servitudes de passage, de lumière, etc.) ; elles portent également sur les confins de propriété et les murs mitoyens, problème essentiel par le nombre de recours qu’ils occasionnent (distances à respecter en cas de construction, hauteur des murs, etc.). Ces questions sont par ailleurs l’objet d’une jurisprudence de la part du Collège des Ingénieurs et Architectes de Milan, institution qui joue un rôle essentiel dans l’établissement de la réglementation édilitaire et son application depuis sa fondation3. En matière de construction, les constitutions de 1541 reprennent une mesure essentielle des Statuts de Milan : l’interdiction aux constructions nouvelles d’empiéter sur l’espace public sous peine de la destruction de l’édifice et d’une amende de 25 scudi au contrevenant4. Au XVIIe siècle et durant la première moitié du XVIIIe siècle, les changements en matière de réglementation édilitaire se limitent à quelques précisions issues de la jurisprudence et entérinées par décrets sénatoriaux, ainsi qu’à la mise à jour du prix des amendes.

  • 5  A. Visconti, La pubblica amministrazione nello Stato milanese (1541 – 1796), Rome, 1913. Un chapit (...)
  • 6  La charge est analogue à celle d’autres villes italiennes. ÀVenise, cet office est rempli par le G (...)

3La magistrature chargée de veiller au respect et à la manutention des espaces publics milanais est l’Ufficio delle Strade. Composé de six magistrats et d’un juge, il dépend directement du Tribunale di Provvisione. Le juge, renouvelé chaque année, est du reste choisi parmi les douze membres du Tribunale di Provvisione5. L’Ufficio delle Strade a donc en charge l’entretien des rues, des canaux et s’occupe plus généralement de la gestion des espaces publics, contrôlant la construction privée à travers l’attribution des permis de construire6. Lorsque les propriétaires milanais souhaitent entreprendre une construction nouvelle ou modifier un édifice existant (pour ses parties donnant sur l’espace public) c’est au Giudice delle Strade qu’ils adressent leur requête. Un ingénieur de la ville est alors envoyé sur les lieux pour examiner le projet et son avis s’avère déterminant pour la décision finale, prise par les autorités municipales. Les critères d’évaluation se fondent sur le fait que l’édifice ne portera pas préjudice à l’intérêt public : il s’agit d’abord de ne pas gêner la circulation et de ne pas nuire à la visibilité. Ensuite, est appréciée la contribution de la nouvelle construction à l’ornement de la ville (ornato urbano). Les habitants sont invités à dénoncer toute construction abusive et, pour encourager les démarches de ce type, ils bénéficient de la moitié de l’amende infligée au contrevenant. L’édifice construit illégalement sera quant à lui détruit.

  • 7  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 62. Le prix fixé est de « 36 lire per ciascun quadretto (...)

4Lorsque le projet de construction nécessite la concession d’espace public, la demande doit alors être adressée au Consiglio Generale, la plus éminente magistrature milanaise qui dispose du contrôle du sol urbain. Le Conseil accorde la concession de terrains publics, après examen du rapport de l’ingénieur et du Giudice delle Strade, par un vote collégial. L’ingénieur doit vérifier que la concession ne nuira pas à l’intérêt public et, le cas échéant, réduire éventuellement la superficie demandée. Il est également chargé de mesurer précisément le terrain requis de manière à pouvoir fixer le montant à payer par l’acquéreur. Le prix de vente des terrains publics a été révisé en 1684 par le Consiglio Generale et ne connaît pas d’évolution au cours du XVIIIe siècle : ceux-ci sont divisés en trois cercles et leur valeur décroît au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre7. Lors de l’instauration de ces nouveaux tarifs, le Conseil insiste sur la nécessité d’être plus rigoureux dans les concessions d’espace public. Le gouverneur de Milan a aussi une fonction de contrôle des usages de l’espace urbain : plusieurs édits sont publiés pour rappeller les règles à respecter, témoignant par là même des nombreuses incartades qui ont lieu. Au cours du XVIIe siècle et de la première moitié du XVIIIe siècle, son intervention se limite toutefois à ces promulgations et peu de réalisations concrètes sont entreprises. L’encadrement normatif fourni par les Nouvelles Constitutions et les Statuts de Milan apparaît donc relativement rigoureux, mais pose le problème de son application. Par ailleurs, dans la mesure où les instances chargées de ce contrôle sont aux mains des patriciens, d’éventuels conflits d’intérêts peuvent surgir.

Dans les faits : des entorses courantes à la procédure réglementaire

  • 8  Le fonds Strade (parte antica) de l’Archivio di Stato a brûlé en 1943.

5Une large partie de la documentation émanant des diverses magistratures civiques a disparu et, en particulier, celle provenant de l’Ufficio delle Strade8. Les reclassements thématiques du XIXe siècle ne respectent pas l’origine administrative des documents et ont contribué à compliquer l’accès à l’information. Le fonds Località Milanesi (ASCM), recueille une documentation variée sur les lieux de la ville qui comprend notamment les permis de construire classés par ordre géographique. Plus de 700 demandes déposées par des familles patriciennes ont été identifiées pour la période 1500-1806.

Tab. 36 – Répartition des demandes de permis de construire déposées par des patriciens (1500-1806).

Tab. 36 – Répartition des demandes de permis de construire déposées par des patriciens (1500-1806).
  • 9  Voir par exemple, l’édit du 12 janvier 1651 (Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6) et celui du 24 f (...)
  • 10  Édit du 18 juillet 1670, Bibl. Braidense, Gridario, AO.I. 12.

6Si le grand écart entre la période antérieure et la période postérieure à 1750 conduit à s’interroger sur d’éventuelles lacunes dans la conservation de la documentation, l’état des sources reflète le faible nombre de demandes déposées au XVIIe siècle, avec un creux particulièrement marqué pour la période 1650-1750. Certes, les périodes de guerre de la première moitié du XVIIIe siècle ne s’avèrent pas propices à une grande activité édilitaire, mais plusieurs palais sont construits ou agrandis. Les concessions de site constituent l’essentiel des requêtes conservées avant 1750 et il est donc possible que des interventions mineures (telle la catégorie « transformation » qui renvoie à l’ouverture d’une fenêtre, d’une porte, à la réalisation d’un balcon) n’aient pas donné lieu au respect de la procédure. La récurrence des édits qui rappellent les règles à observer en matière d’intervention édilitaire entre 1650 et 1750 appuie l’hypothèse d’un manque de respect du cadre normatif. C’est globalement toujours le même imprimé qui est reproduit et signé par les différents Giudici delle Strade9. Après avoir rappelé l’intérêt général à conserver les rues et ponts dans un bon état, après avoir déploré les « abus et désordres » en la matière, suit l’énumération de tous les points à respecter. Parmi ceux-ci, figure la nécessité d’obtenir l’autorisation du Giudice delle Strade pour des interventions sur le bâti donnant vers la rue (reconstruction de murs, réfection des fondations, démolition de vieilles façades) sous peine de 50 scudi d’amende. Les appropriations indues d’espace public sont dénoncées par les gouverneurs qui tentent d’effectuer un contrôle des droits des particuliers à ce niveau : en juillet 1670, le duc d’Ossuna publie un édit rappelant que les personnes s’étant approprié un espace devant leur maison en plantant des colonnettes doivent présenter leurs titres et privilèges au Sénat. Il dénonce les atteintes à la commodité publique et au décor urbain qu’elles engendrent et menace d’enlever les colonnettes en l’absence de titre10. De nombreuses familles patriciennes se sont en effet approprié des sites publics à proximité de leur demeure pour isoler celle-ci du reste de l’espace urbain ou pour renforcer la majesté du portail d’entrée. Le caractère répétitif de ces édits et la mention explicite des « abus » démontrent que la réglementation encadrant les constructions et les usages de l’espace public n’est pas respectée et ce laxisme semble particulièrement important depuis les années 1660, comme l’affirme le duc d’Ossuna. Le creux observé dans le tableau entre 1650 et 1750 correspondrait donc bien à un manque de respect de la législation en vigueur. Les phénomènes d’appropriation du sol urbain ont en effet été facilités au cours des décennies qui suivent la crise de 1630 et qui correspondent à la Guerre de Trente Ans. À la suite de l’épidémie de peste et de la forte diminution de la population milanaise, la pression foncière s’est amoindrie tandis que le pouvoir central est affaibli. Certes, des mesures sont prises ; des commissions sont mises en place pour enquêter sur les abus des particuliers, mais l’efficacité de celles-ci paraît bien limitée. Il semble donc qu’une certaine tolérance soit à l’oeuvre, en particulier pour les personnes qui occupent une position institutionnelle importante et qui font jouer en leur faveur l’argument de l’embellissement urbain. Si certaines familles exhibent par la suite, comme preuve de leurs droits, la reconnaissance de la possession par des commissions publiques, les références renvoient davantage à l’enquête menée en 1590 qu’aux commissions du XVIIe siècle. Sans doute, la faiblesse de l’autorité publique à cette époque a-t-elle contribué à faire échouer ces tentatives de reprise en main de l’espace public.

  • 11  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 79/4.
  • 12  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 96/7.
  • 13  Sur la famille Resta, voir supra chap. 3.
  • 14  ASCM, Località Milanesi, cart. 288, fasc. 1.

7Lorsque la procédure est respectée et que la demande d’espace public est présentée au Consiglio Generale, les institutions religieuses et caritatives ou les familles patriciennes s’avèrent nettement favorisées dans leurs demandes. Du fait de leur fonction sociale, les institutions caritatives bénéficient même généralement d’une exemption de paiement pour le terrain qui leur est cédé. Quant aux familles patriciennes, leur statut social et leur implication institutionnelle leur accorde souvent un traitement de faveur. C’est par exemple le cas du comte Calderara qui dépose, le 17 mai 1715, une demande de concession d’espace public. Le compte-rendu du Consiglio Generale précise qu’elle lui a été accordée « étant donné les actions particulières réalisées par le dit comte sénateur en faveur de la Ville »11. De même, lorsque le comte Resta présente une requête, le 20 décembre 1742, afin de « parfaire » une pièce de sa maison dans la paroisse de San Babila, l’espace demandé lui est également cédé « étant donné les circonstances particulières exposées et les services et mérites particuliers du comte Resta »12. Ce dernier est même exempté du paiement du terrain. Ces exemples démontrent que la position institutionnelle du demandeur influe indéniablement. En 1715, le comte Calderara n’est pas encore patricien (l’admission date de 1747), mais il est membre du Magistrato Ordinario depuis 1695 et représente la troisième génération de la famille à occuper ce poste. En 1711, il est aussi entré au Sénat. Quant au comte Resta, il siège lui-même depuis deux ans au Consiglio Generale et sa famille a une longue tradition de service dans les institutions civiques13. Il ne faut pourtant pas exagérer la portée de ces faveurs réalisées à des patriciens en matière de concession d’espace public. D’abord, l’espace accordé s’avère souvent relativement modeste : dans le cas du comte Resta, il est estimé à seulement 90 lires. Ensuite, ces concessions profitent parfois à l’intérêt public lorsqu’elles visent à redresser les façades pour les aligner et offrir au passant une perspective plus belle. Enfin, il arrive dans certains cas que les familles les plus prestigieuses de Milan se voient refuser leurs demandes lorsqu’elles s’avèrent trop gourmandes. Le cas de la famille Arese en témoigne14. En 1642, le comte Bartolomeo Arese effectue en effet une première demande d’espace public pour « mettre en ligne droite » la façade de son palais : il réclame alors 213 quadretti (soit 74 m2) de terrain public qui lui sont cédés. Il obtient également la possibilité de clore l’espace obtenu par des colonnettes dans la mesure où il décide finalement de reporter la réalisation des travaux. En 1738, le comte Giulio Visconti Borromeo Arese présente une nouvelle demande de site public à l’occasion de la réfection de la façade : les délibérations du Consiglio Generale témoignent du dépôt de la demande, mais n’évoquent pas la concession du terrain, ce qui laisserait penser qu’elle n’a pas été accordée. Sans doute la largeur requise (11 braccie soit 6,50 m) s’avérait-elle préjudiciable à la circulation. En revanche, une nouvelle demande, présentée par le marquis Litta Visconti Borromeo Arese en 1752, est acceptée. Les exigences de ce dernier sont aussi plus modestes puisqu’il ne réclame que 7 braccie au maximum (soit un peu plus de 4 m).

8Les patriciens, qui disposent du contrôle sur les institutions délivrant les concessions d’espace public, tendent donc à accueillir de manière favorable les demandes déposées par leurs pairs. Outre le statut du demandeur et les services qu’il a pu rendre à la ville, les réseaux de parentèle et de clientélisme peuvent s’avérer déterminants pour obtenir l’accord du Consiglio Generale. Néanmoins, cet accord n’est pas pour autant systématique et les familles les plus puissantes peuvent voir leur requête repoussée. Par ailleurs, si quelques grandes familles s’approprient parfois de manière irrégulière des terrains avoisinant leur résidence, ces phénomènes de grignotage peuvent être limités par les oppositions des voisins. Les recours de particuliers érigent alors les magistratures municipales en simples arbitres de conflits privés.

La ville, terrain d’affrontement entre particuliers au XVIIe siècle

  • 15  G. Labrot, Baroni in città : residenze e comportamenti dell’aristocrazia napoletana 1530 – 1734, N (...)
  • 16  ASCM, Località Milanesi, cart. 278, fasc. 2.
  • 17  ASCM, Località milanesi, cart. 278, fasc. 2.
  • 18  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 79, fasc. 4.

9Au XVIIe siècle, la situation milanaise rappelle celle décrite par G. Labrot à Naples où la noblesse s’affrontait dans des conflits de voisinages et rivalisait de travaux pour exprimer sa préséance sur les voisins15. En 1680, Carlo Pagano dépose ainsi une plainte contre les frères Carcano, ses voisins, « qui s’étaient permis abusivement d’avancer les murs de leur maison sur la voie publique ». Si Carlo Pagano intervient, ce n’est pas tant pour préserver l’espace public que pour défendre ses intérêts personnels16 : la construction en cours lui ôtera la vue dont il jouit sur le corso de Porta Romana, elle lui rendra plus obscure sa résidence et l’ouverture de deux fenêtres par son voisin sera la cause qu’il ne « pourra pas faire un pas sans être observé ». Il déplore que les carrosses et chariots ne pourront plus entrer par son portail à cause de l’angle créé par la nouvelle construction et que le recoin ainsi formé deviendra un dépôt pour les immondices et un lieu où se cacheront les voleurs durant la nuit. C’est donc tout à la fois à son confort et à sa sécurité que la nouvelle construction porte atteinte. Carlo Pagano donne l’impression d’être un voisin particulièrement pointilleux, mais son action est en tout cas efficace : les frères Carcano sont assujettis à l’amende et l’édifice qu’ils venaient de construire est démoli pour avoir dépassé les limites du site qui leur avait été accordé. Si l’attribution de la moitié de l’amende à l’accusateur rend le système relativement efficace, il est aussi évident que de simples cittadini milanais peuvent difficilement s’élever contre de grandes familles patriciennes pour les dénoncer auprès des autorités municipales. La démarche est d’autant plus délicate que ces grandes familles sont elles-mêmes présentes dans les magistratures, soit directement, soit par le biais d’une famille à laquelle elles sont apparentées. Dans le cas présent, la documentation ne permet pas de savoir si les frères Carcano, contraints à la destruction de leur édifice, appartiennent bien à la famille patricienne du même nom et les sources n’ont pas permis de relever d’autres dénonciations d’initiatives patriciennes de la part de simples cittadini. En revanche, les oppositions qui surgissent entre différentes familles patriciennes ou qui émanent d’institutions religieuses ou caritatives sont plus courantes. En 1707, le comte Giulio Calderara demande la possibilité d’occuper un peu d’espace public pour rectifier l’alignement de sa maison. Il justifie sa requête par l’argument des perspectives du corso de Porta Romana, l’un des principaux axes urbains qui est déjà doté d’une rectitude exceptionnelle. Celle-ci n’est entâchée que de trois exceptions : sa propre maison, celles du comte Salazar et du duc d’Alvito, toutes trois voisines17. Rappelant que les Nouvelles Constitutions encouragent les particuliers à embellir la ville par des constructions somptueuses et symétriques, il espère se voir accorder le permis. Il se heurte cependant aux recours contraires du duc d’Alvito et du comte Salazar, dont le renfoncement des maisons sera rendu plus pénible par la nouvelle construction de leur voisin. Ces oppositions semblent bloquer toute intervention jusqu’en 1714, date à laquelle le comte Calderara dépose une nouvelle demande. Sa nomination au Sénat, en 1711, lui a sans doute donné un poids plus important et lui permet de tenter ce second recours. Il n’hésite pas à s’élever désormais contre le duc d’Alvito qui ne peut s’opposer à cette initiative car il n’est que le locataire de la maison qui héberge ses agents et seuls les propriétaires ont le droit de s’élever contre une action de ce type. Le propriétaire de la maison voisine n’a du reste pas intérêt à gêner l’entreprise du comte Calderara car il sera sans doute bientôt contraint à avancer, lui aussi, sa construction sur le corso afin de l’aligner avec les immeubles voisins. En ce qui concerne le comte Salazar, l’argumentation expose qu’une partie de sa maison se trouve déjà dans l’alignement de celle du comte Annone et qu’il serait donc également à son avantage d’entreprendre des travaux pour la redresser et la rendre ainsi plus régulière et plus conforme aux normes des édifices « nobles ». Les travaux à entreprendre seraient du reste limités et ne nécessiteraient pas une réfection complète de la façade. Depuis 1707, un retournement s’est donc opéré et c’est désormais le comte Calderara qui se pose en accusateur contre ses voisins. Il se sent probablement en position de force car le Consiglio Generale vote en effet en sa faveur et lui accorde l’espace requis le 25 mai 171518. Les alignements de façades sont l’occasion de conflits entre particuliers : si tous les voisins n’entreprennent pas en même temps la rectification, les travaux des uns se font au préjudice des autres. Dans le cas présent, le pouvoir municipal a tranché en faveur de ce qui semble le plus conforme à l’avantage public. Toutefois, la reconnaissance institutionnelle obtenue par le demandeur a probablement contribué à faire évoluer la position du Consiglio Generale.

  • 19  ASCM, Località milanesi, cart. 358, fasc. 10.
  • 20  G. Labrot, Études napolitaines : villages, palais, collections XVIe–XVIIIe siècle, Seyssel, 1993, (...)

10Les difficultés auxquelles se heurte le marquis Talenti di Fiorenza pour obtenir l’espace demandé lors de la réfection de sa demeure sont davantage documentées et témoignent du fait que les patriciens n’ont pas toujours gain de cause face aux institutions municipales et ecclésiastiques19. En 1602, le marquis Giovanni Battista Talenti di Fiorenza dépose une première demande pour obtenir un peu d’espace public lors de l’agrandissement de son palais qui se trouve dans la paroisse de S. Silvestro (PN), à l’angle des contrade di S. Giuseppe et degli Andegari. Le marquis voudrait occuper une partie de la petite place qui existe à l’angle des deux rues. Pour justifier sa demande et obtenir les bonnes grâces des autorités municipales, il utilise une rhétorique jouant sur le prestige de sa famille et l’embellissement de la ville. D’une part, la nouvelle construction, qui possèdera une « façade droite et alignée », sera plus conforme « à la grandeur et au modèle de celle qu’avaient commencée ses ancêtres » ; d’autre part, elle répond aux statuts de Milan qui « recommandent et favorisent la construction d’édifices qui la rendent toujours plus grande et magnifique ». Mais la demande est refusée par le Giudice delle Strade : après visite des lieux, celui-ci considère que ladite concession porterait préjudice aux voisins et aux passants étant donné l’étroitesse de la rue (pl. XXXIV). En 1609, le Luogo Pio de S. Giuseppe vient de réaliser une petite place devant son église, en face du palais Talenti. Le marquis Talenti représente alors la demande, espérant que la nouvelle configuration spatiale lui sera plus favorable. Il se heurte désormais à l’opposition du Luogo Pio et du voisinage qui déposent un recours au Giudice delle Strade, en date du 14 mars 1609. Plusieurs habitants du quartier soulignent le fait que « les rues sont très étroites et auraient plutôt besoin d’être élargies afin que les carrosses et chariots puissent commodément passer et entrer dans les propriétés ». Le Luogo Pio avance également que le site dégagé devant l’église doit être fermé par des colonnettes et ne sera donc pas accessible à la circulation : l’objectif de la petite place est, en effet, de faciliter l’entrée dans l’église aux fidèles qui étaient souvent gênés par les chevaux et carrosses en stationnement. Se plaçant en défenseurs du bien public et du decoro urbano, les députés du Luogo Pio obtiennent gain de cause auprès du Tribunale di Provvisione et une nouvelle réponse négative est faite au marquis Talenti. Ce dernier ne se décourage pourtant pas et l’année suivante, en 1610, il présente une nouvelle demande, mais diminue cette fois ses exigences : au lieu de 8 braccie, il n’en occupera que 4. Ses adversaires lui opposent désormais le manque de magnificence de son projet : il s’agit en effet de construire des écuries et non plus une nouvelle façade pour la résidence. Ils cherchent ainsi à empêcher le marquis Talenti de faire jouer en sa faveur l’argument de l’embellissement urbain. Les Talenti rétorquent que la construction ne portera aucun dommage ni indécence au Luogo Pio puisque « les chevaux ne sortiront pas sur la rue et qu’il n’y aura même pas de porte le permettant ». Ils insistent sur l’étroitesse du site requis qui doit seulement servir à mettre au carré l’angle existant entre les contrade di S. Giuseppe et degli Andegari tandis que la réalisation sera suivie par l’acquisition du jardin qui se trouve à côté de l’église et qui servira à l’ouverture d’une petite place devant le portail de la demeure puisque l’entrée principale de celle-ci se trouve dans la contrada degli Andegari. Pour cette acquisition, le marquis Fiorenza affirme qu’il aura recours à l’article De Aedificiis des Nouvelles Constitutions qui permet l’expropriation des édifices ou terrains voisins dans le cadre d’une construction de prestige. Il précise que la mesure doit pouvoir s’appliquer à sa demeure car celle-ci n’est pas une maison quelconque, mais une véritable casa da nobile, dotée d’une grande cour à portique, de magnifiques appartements (quatre appartements possédant chacun six à sept pièces), d’un jardin et d’une loggia avec un immense salon. Il ajoute que ses successeurs disposeront de revenus importants permettant d’effectuer les agrandissements voulus, donnant à son projet une dimension pluri-générationnelle. En dépit de cette argumentation, le Tribunale di Provvisione refuse à nouveau l’espace requis. Face à cet ultime échec, la famille Talenti di Fiorenza trouve un autre moyen d’étendre son emprise spatiale dans les décennies qui suivent : elle fait l’acquisition d’une maison se trouvant de l’autre côté de la contrada de S. Giuseppe (propriété du comte Vimercati) et demande l’autorisation de relier les deux maisons par un arc enjambant la rue. Cette fois, la requête est considérée positivement et le permis de construire est accordé en 1649. Dans le cas milanais, c’est l’un des rares exemples où une famille patricienne recourt à cette stratégie d’extension spatiale qui semble en revanche plus courante à Naples20. On voit donc, à travers ces exemples, combien la compétition pour l’espace peut opposer des intérêts particuliers, notamment dans les quartiers centraux de la ville où l’occupation du sol est extrêmement dense et les rues étroites. Pour servir ses objectifs, chaque partie mobilise une rhétorique renvoyant au bien public et au décor urbain tandis que les magistratures urbaines semblent parfois réduites à un rôle d’arbitrage entre particuliers.

La reprise en main du sol public dans la seconde moitié du XVIIIe siècle

11Le contexte réformateur de la seconde moitié du XVIIIe siècle marque une rupture importante. Le pouvoir autrichien, qui avait jusqu’alors délaissé l’espace urbain milanais, renoue avec une véritable politique urbanistique. Les institutions civiques, qui possédaient le contrôle de l’espace urbain voient leur rôle remis en cause avec la création de nouvelles instances chargées de veiller à l’harmonie du décor urbain. La volonté d’uniformiser l’architecture de la capitale lombarde, comme cela a été opéré à Vienne, et celle de favoriser la circulation donnent naissance à une réglementation qui limite davantage les marges de liberté des particuliers. Les projets de construction doivent désormais être soumis à l’approbation du professeur de la nouvelle Académie des Beaux-Arts de Brera tandis que le Nouveau Plan pour les rues (1777) retire aux particuliers l’entretien des voies publiques et s’accompagne d’une enquête sur les appropriations illégales d’espace au cours des siècles précédents. Un nouveau cadre normatif s’accompagne donc de nouvelles pratiques pour la gestion des constructions urbaines.

Le renforcement de l’encadrement traditionnel

  • 21  Sur l’importance de l’activité édilitaire à Milan dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, voir L (...)
  • 22  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6. Les 35 points énumérés sont identiques à ceux de l’édit de 16 (...)
  • 23  J.-C. Perrot, Genèse d’une ville moderne : Caen au XVIIIe siècle, Paris, 1975 ; J.-L. Harrouel, L’ (...)
  • 24  C. Capra souligne le changement d’attitude du patriciat, à la fin des années 1760, suite à son éch (...)

12La chronologie des permis de construire (tab. 32) a mis en évidence une explosion des demandes à partir de 1750. Cette augmentation est le reflet d’une activité édilitaire plus intense21, mais aussi d’un plus grand respect de la législation y compris pour les interventions mineures. Les requêtes concernant de simples transformations d’un édifice n’étaient quasiment pas présentes auparavant et constituent dès lors la grande majorité des demandes (426 sur 590). Est-ce l’effet de l’édit du Giudice delle Strade qui rappelle les règles à observer, le 9 janvier 175022 ? Pourquoi cet édit aurait-il eu davantage d’effet que les précédents ? Il est reconnu que la sensibilité générale pour les questions d’urbanisme devient plus importante au XVIIIe siècle. La thématique de l’alignement des rues et de leur largeur intéresse la plupart des villes européennes dans la perspective de faciliter la circulation et d’embellir la ville23. Dans le contexte milanais, les grandes réformes impulsées par la monarchie viennoise ont commencé et il est indubitable que le contrôle des autorités publiques sur l’espace urbain se renforce. La réalisation du cadastre, avec l’établissement de cartes parcellaires, facilite ce contrôle et donne les moyens de connaître immédiatement les propriétaires des édifices : sans doute n’est-ce pas un hasard si les demandes de permis de construire augmentent à partir de la fin des années 1750, lorsque le cadastre est achevé. Par ailleurs, les patriciens eux-mêmes sont sûrement plus sensibles à la nécessité de promouvoir une véritable politique urbanistique à Milan, à l’égal d’autres capitales européennes. L’implication du comte Francesco D’Adda dans la rédaction du Piano per le strade (Plan pour les rues) témoigne du fait qu’une frange du patriciat seconde la politique réformatrice24. Enfin, la politique de la monarchie autrichienne, qui réduit peu à peu les marges d’action du patriciat au niveau institutionnel, contribue sûrement à mettre un terme à la gestion interne de ces problèmes par l’élite milanaise. La volonté d’encadrer l’activité édilitaire dans la capitale lombarde se traduit ainsi par de nouvelles mesures législatives à partir des années 1760. Le ministre plénipotentiaire Firmian et l’archiduc Ferdinand, tous deux intéressés par les questions d’urbanisme, sont également amenés à intervenir directement pour faire respecter l’intérêt public dans les cas de conflits entre les magistratures et les particuliers.

Le contrôle de la construction dans la Lombardie des réformes : un enjeu politique

  • 25  G. Bertrand, L’impossible invention d’une capitale : Milan à la fin du XVIIIe siècle, dans Lieux d (...)

13L’attention nouvelle du gouvernement autrichien pour l’espace urbain milanais correspond à la volonté d’élever Milan au rang de véritable capitale25. La visite de Joseph II, en 1769, contribue à faire prendre conscience des carences de la ville à ce niveau et la monarchie autrichienne cherche alors à mettre en valeur les édifices publics dans une ville dominée par l’architecture religieuse et privée depuis la Contre Réforme. La réfection du Palazzo Reale, résidence du gouverneur et siège des principales institutions monarchiques, est l’une des premières réalisations. Elle doit offrir au nouveau gouverneur, Ferdinand de Habsbourg, une résidence digne de son statut. Par la suite, plusieurs chantiers sont entrepris afin de donner une plus grande visibilité aux lieux du pouvoir et de doter Milan des institutions sociales et culturelles d’une capitale. Outre un nouveau siège pour le Conseil de gouvernement, des écoles, bibliothèques, hôpitaux, orphelinats sont créés ou réorganisés. Les suppressions d’ordres religieux, dans le contexte des années 1770- 1780, permettent de réaffecter les anciens édifices ecclésiastiques à l’usage des nouvelles institutions publiques : l’Académie de Brera est ainsi fondée sur les lieux de l’ancien collège des Jésuites, le monastère de S. Pietro in Gessate est transformé en orphelinat, le Teatro alla Scala est inauguré sur le lieu de l’église du même nom, etc. À côté de ces interventions édilitaires publiques se manifeste aussi la volonté de contrôler l’édification privée afin d’harmoniser le décor urbain. Celle-ci engendre une série d’interventions et d’innovations en rupture avec la gestion traditionnelle de la ville. Trois réformes principales sont à relier à ce tournant : la création de l’Académie des Beaux Arts de Brera à laquelle est attribué le contrôle général des nouvelles constructions dans la capitale ; la réforme du Collège des Ingénieurs et Architectes qui est soumis à des règles plus strictes et se retrouve, de fait, sous la dépendance du professeur d’architecture de Brera et, enfin, le plan pour les rues qui instaure de nouvelles formes de gestion des espaces publics et confirme, avec quelques modifications, les réformes précédentes.

La promotion du style néoclassique : le rôle de Piermarini et de l’Académie de Brera

  • 26  ASM, Fondi camerali, p. a., cart. 182, note du 10 octobre 1787.
  • 27  Sur les réalisations néoclassiques en Lombardie : G. Mezzanotte, Architettura neoclassica in Lomba (...)

14Le projet d’ériger Milan en capitale passe par un contrôle plus étroit des constructions nouvelles. Il a pour objectif de promouvoir une certaine homogénéité architecturale dans la ville, dans l’esprit de ce qui a déjà été réalisé à Vienne sous le contrôle des architectes impériaux, Fischer von Erlach et Nicola Pacassi. La présence, à Milan, du ministre Firmian et de l’archiduc Ferdinand qui s’intéressent de près aux questions architecturales et urbanistiques, contribue aussi à une intense activité des pouvoirs publics dans ce domaine jusqu’à la fin des années 1780, moment où le gouvernement central pose des limites aux réalisations pour des raisons financières26. Dans le contexte des réformes, émerge l’idée que les choix architecturaux ne relèvent plus seulement des aspirations des particuliers, mais sont considérés comme un acte public qui doit être encadré. C’est ainsi qu’apparaît l’obligation de soumettre les projets de construction à l’approbation de l’Académie de Brera et, en particulier, à celle de Giuseppe Piermarini qui y occupe la charge de professeur d’architecture. C’est donc une institution nouvelle, issue de la politique réformatrice, qui possède le contrôle de la construction dans la capitale et qui contribue à développer le style néoclassique en Lombardie27. Si les patriciens, à partir des années 1770, adoptent tous celui-ci pour leurs nouvelles constructions, c’est un phénomène de mode qui revêt aussi une dimension politique.

  • 28  Voir Piermarini e il suo tempo, Milan, 1983. Le ministre plénipotentiaire Firmian était à Naples a (...)
  • 29  P. Mezzanotte, Storia del Collegio degli ingegneri di Milano, Milan, 1963, p. 61.
  • 30  Francesco Croce (1696-1773) a essentiellement travaillé sur le chantier du Duomo, à la surélévatio (...)
  • 31  Parini met en évidence l’originalité des inventions de Piermarini : G. Parini, Descrizione delle f (...)
  • 32  La Bibliothèque de Foligno conserve aussi de nombreux projets pour des aménagements intérieurs (dé (...)

15Giuseppe Piermarini (1734-1808), originaire de Foligno en Ombrie, a été l’élève de Vanvitelli entre 1765 et 1769. C’est pour suppléer à celui-ci qu’il arrive à Milan en 1769 afin de présider à la réfection du Palazzo Reale qui doit accueillir l’archiduc Ferdinand28. Dès son arrivée à Milan, Piermarini est investi d’un rôle officiel auprès du gouvernement autrichien : en effet, sa nomination comme Imperial Regio Architetto, en 1769, lui assure la direction de toutes les entreprises édilitaires de la couronne en Lombardie et le statut de fonctionnaire public. En 1776, il est officiellement appelé à la charge de professeur d’architecture à l’Académie de Brera qui lui confie le contrôle de la formation des élèves et le recrutement du corps enseignant. Finalement, en 1784, il devient Sovrintendente all’Edilizia e all’Ornato della città, fonction qui lui attribue le contrôle officiel de l’ensemble des constructions réalisées dans la ville. Paolo Mezzanotte le considère dès lors comme le « dictateur de la construction » en Lombardie29. Giuseppe Parini, son contemporain, le présente comme « l’architecte de Sa Majesté l’impératrice ». Vienne fait donc appel à un architecte de culture romaine et non à ceux qui représentaient la tradition lombarde et étaient issus du Collège des architectes milanais : Carlo Giuseppe Merlo ou Francesco Croce, certes plus âgés que Piermarini, ne sont pas investis de charges importantes par la cour30. Giuseppe Piermarini est particulièrement actif dans les années 1770 qui constituent la période de grands travaux édilitaires à Milan. Il intervient pour la réfection du Palazzo Reale (1772-1778), pour la construction du Teatro alla Scala (1776-1778), du Teatro alla Cannobiana (1777-1779), de la Villa Reale de Monza (commencée en 1777). Il préside aussi à l’urbanisme milanais en réalisant l’aménagement du corso de Porta Orientale et la piazza Fontana, conçue comme la première place monumentale de Milan. Dépourvue de boutiques et accueillant une fontaine en son centre, elle constitue la liaison entre le palais ducal et le palais de Justice. Dès 1771, Piermarini avait gagné l’estime du gouvernement et de la population en imaginant l’appareil architectural du corso de Porta Orientale à l’occasion des noces de l’archiduc Ferdinand31. Au delà du cadre strictement milanais, il joue aussi un rôle, au début des années 1770, auprès de l’Académie de Mantoue et lors de la réfection de l’Université de Pavie. Ces différentes réalisations, voulues par les souverains viennois, témoignent de l’activité du pouvoir monarchique en matière d’urbanisme après une longue période de désengagement. Le prestige de Piermarini contribue à lui faire obtenir de nombreuses commandes de familles patriciennes, en particulier celles qui sont les plus liées à la monarchie viennoise, tels les Belgioioso et les Moriggia ou encore les Greppi, une famille de fermiers généraux qui acquiert le titre de comte à la fin du XVIIIe siècle32. L’arrivée de Piermarini à Milan signe ainsi une véritable rupture avec le style rococo (ou barocchetto teresiano) qui caractérisait jusqu’alors l’architecture lombarde et marque l’importation du style néoclassique.

  • 33  A. Scotti, Brera 1776 – 1815 : nascita e sviluppo di una istituzione culturale milanese, Florence, (...)
  • 34  À Vienne, la structure était dominée par un Protektor, qui avait un rôle d’intermédiaire avec l’em (...)
  • 35  G. C. Bascape, T. Celona, M. P. Bassi, La Villa Reale di via Palestro, Milan, 1986 ; G. Buccellati (...)
  • 36  Il est l’auteur de plusieurs projets pour des édifices d’État à Mantoue, Crémone, Lodi et Pavie. À (...)

16L’Académie des Beaux-Arts de Brera naît officiellement en 1776, dans le contexte de la réforme de l’instruction, mais le projet était en germe depuis plusieurs années33. Sa création correspond à la nécessité de doter la ville – et l’État – d’un lieu de formation de qualité pour les architectes, remédiant aux carences des institutions préexistantes. En effet, le Collège des Ingénieurs et Architectes n’exerce pas une véritable activité de formation, mais se limite à contrôler les capacités de ses membres au moment de leur recrutement. L’Académie des Beaux-Arts de Milan est instituée bien plus tard que celles d’autres villes européennes ou d’Italie du Nord. Installée dans l’ex-collège jésuite de Brera, elle est organisée sur le modèle de l’Académie viennoise qui vient d’être réformée en 1770 et joue un rôle essentiel dans la formation des architectes qui marqueront la fin du XVIIIe siècle, grâce à l’enseignement de Piermarini (architecture) et de G. Albertolli (décoration intérieure)34. Mais l’influence viennoise sur l’architecture milanaise est également marquée par l’envoi de Pollack qui succède à Piermarini dans la capitale lombarde. Léopold Pollack (1751-1806) est né à Vienne dans une famille d’architectes et arrive à Milan sur recommandation du chancelier Kaunitz. Après avoir suivi une première formation à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, il s’inscrit à l’école d’architecture de l’Académie de Brera en 1776, dès son arrivée en Lombardie. Il commence alors une collaboration étroite avec Piermarini, mais reste longtemps dans l’ombre de celui-ci. Pollack travaille notamment comme maître d’œuvre pour la construction du palais Belgioioso (1776-1778). On lui attribue aussi de nombreuses interventions dans des édifices commencés par Piermarini. Bénéficiant de l’appui de Firmian, il devient cassiere di fabbrica pour les constructions d’État dirigées par l’architecte impérial Piermarini puis il enseigne la perspective à l’Académie de Brera. Son parcours en fait donc le continuateur direct de Piermarini lorsqu’il commence, dans les années 1790, ses principales réalisations. La plus célèbre est la villa commandée par Lodovico Belgioioso qui est édifiée à proximité des jardins de Porta Orientale35. Le fait d’avoir déjà travaillé au palais Belgioioso dans les années 1770 a sûrement contribué à lui faire obtenir la réalisation de l’ouvrage. Son lien particulier avec la famille Belgioioso est également visible à travers la réfection des jardins du château familial dans la région de Pavie, selon le style anglais désormais à la mode. À Milan, Pollack réalise aussi le Teatro Filodrammatici en 1798, en collaboration avec Luigi Canonica. Toutefois, il se distingue surtout par ses interventions dans d’autres villes de Lombardie et par la réalisation de nombreuses villas36. Durant le Triennio républicain, Pollack substitue Piermarini comme premier architecte de Brera (1798), mais il perd le poste pour avoir maintenu des contacts avec Vienne et ne le retrouve que de manière très brève durant le retour des Autrichiens (1799-1800). Durant la période napoléonienne Pollak demeure marginalisé, mais il est nommé architecte de la Fabrique du Duomo en 1803, poste qu’il conserve jusqu’à sa mort en 1806. Ces vicissitudes témoignent bien de la fonction éminemment politique du premier architecte de l’Académie de Brera.

  • 37  Sur Simone Cantoni : N. Ossana Cavadini, Simone Cantoni architetto, Milan, 2003 ; G. Martinola, I (...)

17Pour étudier les relations qu’entretiennent les commanditaires patriciens avec les principaux architectes milanais, la documentation est rare ou se révèle d’accès difficile. Ce sont les familles proches de Vienne qui font appel à l’architecte impérial Piermarini pour la réalisation de leurs palais. D’autres familles patriciennes font, en revanche, le choix de se tourner vers des architectes plus marqués par les traditions artistiques locales. C’est notamment le cas des Serbelloni, qui confient la construction de leur palais à Simone Cantoni (1739- 1818), originaire du Tessin37. Par sa formation, Cantoni possède certains points communs avec Piermarini : après une première période passée à Gênes, il effectue un séjour à Rome durant lequel il est aussi l’élève de Vanvitelli. À son retour dans le nord, il séjourne à l’Académie des Beaux-Arts de Parme (1766-1768) qui le met en contact avec le néoclassicisme français et trouve son premier emploi à Milan avec la construction du palais Mellerio (1772), une famille de fermiers généraux ayant accédé à la noblesse comme les Greppi. En 1778, il remporte le concours pour la reconstruction du palais ducal de Gênes qui avait été incendié l’année précédente avant de s’installer définitivement en Lombardie. Le palais Serbelloni, réalisé entre 1775 et 1794, représente la grande œuvre milanaise de Cantoni qui reste par la suite en contact étroit avec la famille Serbelloni puisqu’il réalise l’église de S. Gervasio et S. Protasio à Gorgonzola, sur les terres des Serbelloni, à la demande du duc Gian Galeazzo. C’est là qu’il meurt en 1818 et il est alors enseveli dans le mausolée des Serbelloni. Outre le palais Serbelloni, Cantoni est également intervenu dans la restructuration du palais Pertusati (il réalise, en 1789, la façade vers le jardin), du palais Castiglione (1775), du palais Resta (1792) et d’autres demeures non-patriciennes tels les palais Pezzoli (1779) ou Trecchi (1786). Le choix de se tourner vers Simone Cantoni, plutôt que vers Piermarini marque, de la part de ces familles, une certaine indépendance par rapport à l’influence viennoise, tout en se conformant au goût néoclassique. Cette indépendance se retrouve dans les choix politiques réalisés en 1796, à l’arrivée des Français : si le prince de Belgioioso, particulièrement lié à la monarchie autrichienne se retire sur ses terres, le duc Gian Galeazzo Serbelloni devient président de la municipalité jacobine en 1797. Le rôle de Piermarini et de l’Académie de Brera, instruments directs de la monarchie viennoise, a donc été décisif pour transformer l’espace urbain milanais selon les nouveaux canons du style néoclassique. La recherche d’une certaine uniformité architecturale passe toutefois également par la réforme d’une institution traditionnelle qui contrôlait la construction milanaise : le Collège des Ingénieurs et Architectes.

La réforme du Collège des Ingénieurs et Architectes et la nouvelle réglementation pour l’édification.

  • 38  Les statuts du Collège en limitent l’accès aux seules familles pouvant prouver une ancienne origin (...)
  • 39  A. Scotti, Lo Stato e la città… cit. ; Id., Dal collegio all’accademia : la formazione degli archi (...)

18Parallèlement à la fondation de l’Académie de Brera, le Collège des Ingénieurs et Architectes de Milan, marqué par un fort corporatisme, est l’objet d’une réorganisation38. Celle-ci aboutit, en 1775, à la publication du Regolamento generale per gli ingegneri dello Stato di Milano. Promulgué en réponse au désir des membres du Collège de réaffirmer leur monopole sur la construction milanaise et de rationaliser la réglementation de l’institution, le règlement de 1775 introduit aussi de nouveaux éléments. Il établit d’abord une distinction entre les diverses composantes du Collège (ingénieurs, architectes, géomètres et arpenteurs) et précise la nouvelle hiérarchie. Chaque membre doit exclusivement se limiter aux fonctions pour lesquelles il a été admis et doit avoir reçu une formation spécifique selon la catégorie qu’il veut intégrer. Les architectes doivent notamment être soumis à une instruction plus approfondie dans laquelle les mathématiques occupent une place de choix. La nouvelle fonction de l’architecte, dans la perspective d’une harmonisation du décor urbain, implique une formation nouvelle qui ne relève plus, comme par le passé, d’une simple transmission des savoirs traditionnels effectuée de manière « artisanale »39. Elle suppose aussi une véritable connaissance théorique. Une première série de mesures a ainsi pour objectif de renforcer la qualification des membres du collège qui sont amenés à jouer un rôle important dans l’urbanisme de la capitale lombarde. En effet, si les architectes du collège n’interviennent pas forcément dans l’élaboration des projets de construction – qui peuvent être réalisés par des architectes extérieurs ou, plus couramment, par des maîtres maçons –, ils donnent leur avis lors de la délivrance des permis de construire par l’Ufficio delle Strade. L’innovation de la réforme de 1775 ne concerne pas seulement la formation des membres du collège, elle tient aussi à leur mise sous tutelle par le gouvernement :

  • 40  Regolamento generale per gli ingegneri… cit., article IX, § 2 et 4. Il faut noter que la référence (...)

Afin que les constructions dans la ville contribuent à l’ornement de celle-ci, il ne pourra plus à l’avenir être réalisé aucune, ni être entrepris une modification importante de la façade sans que le projet n’ait été revu et approuvé par trois architectes qui seront affectés à cette fonction. Les personnes contrevenant payeront 60 scudi d’amende qui seront répartis entre les trois architectes. Un de ces trois architectes devra toujours être le professeur d’architecture pratique de l’Académie et les deux autres seront choisis par le gouvernement40.

19Le professeur d’architecture auquel le texte se réfère est Piermarini qui, désormais, domine l’ensemble de l’activité édilitaire milanaise au delà des seules constructions publiques. Les deux autres architectes qui examineront le projet seront choisis par le gouvernement ce qui dépossède le collège de son autorité totale sur l’édification milanaise. Avec cette décision, le gouvernement autrichien se donne donc les moyens de contrôler toutes les constructions réalisées dans la capitale. L’État, tout en sauvegardant l’existence des institutions traditionnelles telles que le Collège des Architectes ou l’Ufficio delle Strade, confie à d’autres acteurs qu’il nomme le contrôle de la qualité architecturale des édifices privés. Cette démarche s’appuie sur la conviction que la rue et le décor urbain relèvent de l’intérêt collectif et que la liberté de construire de chaque individu doit se conjuguer au respect d’une harmonie d’ensemble des façades donnant sur la voie publique. Le contrôle des constructions vise d’abord à favoriser l’alignement des édifices sur la rue et à imposer une certaine uniformité dans leur hauteur comme cela est déjà instauré dans d’autres capitales européennes. Mais le décor des façades est également examiné et doit correspondre à la simplicité, à la symétrie et à la rationalité du style néoclassique. L’architecture est alors conçue comme un élément de la pubblica felicità, objectif essentiel d’une monarchie éclairée, comme le souligne A. Scotti.

  • 41  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 48 : Raccolta degli ordini e de’ regolamenti delle stra (...)

20Deux ans plus tard, le plan pour les rues de 1777 entérine ces mesures et confirme le contrôle de l’Académie des Beaux-Arts de Brera sur toute nouvelle construction41. Il modifie pourtant légèrement la procédure puisque l’examen de la construction n’est plus confié à un groupe de trois architectes, mais au seul professeur de Brera, soit à Piermarini. La décision ne fait donc que renforcer le rôle éminent de l’architecte impérial. La nouvelle version du plan datant, de 1780, renforce la procédure de contrôle prévoyant une seconde visite, au cours des travaux, afin de pouvoir remédier à d’éventuels débordements :

  • 42  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 57 : Regolamento delle Strade (1780).

Avant que la construction ou la réparation ne soit achevée [l’ingénieur ou architecte] devra effectuer une reconnaissance pour s’assurer que les limites établies n’aient pas été violées et pour pouvoir en ordonner la correction42.

21Derrière l’idée d’une concertation avec les propriétaires pour les choix architecturaux, c’est toutefois la domination totale du professeur d’architecture de Brera qui ressort de la dernière version du plan en 1784 :

  • 43  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 84 : Regolamento delle Strade, 26 aprile 1784, § 27.

Quant à la ville de Milan, nous ordonnons aux propriétaires qui voudront entreprendre des travaux dans leur maison comportant la réfection de la façade, de présenter auparavant les dessins au Regio Giudice delle Strade, lequel, en conformité avec le Professeur d’architecture de l’Académie royale et impériale, décidera en accord avec les propriétaires et autant que possible avec les idées de ceux-ci, de l’exécution la plus adaptée pour respecter la régularité du décor urbain43.

22Toutefois, dans quelle mesure cette nouvelle législation, qui a connu différents remaniements, a t-elle été mise en pratique ?

Un contrôle effectif de Piermarini sur les constructions milanaises ?

  • 44  Il s’agit des permis de construire délivrés à des patriciens par l’Ufficio delle Strade entre 1750 (...)

23Il s’avère délicat d’évaluer l’application de la mesure obligeant les propriétaires à soumettre au professeur de Brera les projets de construction les plus importants à partir de 1775. La règlementation s’applique à toutes les constructions nouvelles ou à toute « altération importante de la façade ». Dans la documentation examinée44, une seule note de Piermarini témoignant de sa fonction de « Surintendant à la construction et à l’ornato » de la ville, a été retrouvée. Il s’agit d’un cas un peu particulier car le propriétaire, qui s’était d’abord vu refuser le projet de construction, a déposé un recours auprès de l’Ufficio delle Strade. Le 13 janvier 1787, le maître maçon Giovanni Battista Gargantini remet un dessin à Piermarini concernant le projet de réédification de la maison de Don Giuseppe Casati dans la contrada dei Fustagnari. Il se heurte manifestement à un refus de la part du Surintendant à l’ornato puisque, deux mois plus tard, il passe par l’Ufficio delle Strade pour demander le réexamen de son projet. Le 13 mars, le marquis Cusani, délégué royal pour les rues (la fonction reprend les attributions du Giudice delle Strade suite aux réformes de 1786), s’adresse alors à Piermarini en le priant de revoir le projet. C’est à la suite de cette démarche que le dossier conserve la note de Piermarini, en date du 14 mars, qui accorde finalement la réalisation de la construction, en dépit de certaines réserves :

  • 45  ASCM, Località Milanesi, cart. 175, fasc. 9.

Le manque de solidité et plus encore de symétrie, élément auquel je dois veiller en particulier, ne me permettent pas d’approuver le dessin de la façade à refaire, sans manquer précisément à mon devoir. Cependant, compte tenu des circonstances critiques qui ne permettent pas de mieux faire sans l’entière démolition de la maison (...) je serais d’avis que Votre Ill. permette [sa réalisation]45.

  • 46  A. Doria, Caratteri e novità dell’edilizia privata del Piermarini a Milano, dans ACME, 31, 1978, p (...)
  • 47  Le dossier conserve l’accord de la Congregazione del Patrimonio, le 18 août 1786, pour l’achat, pa (...)
  • 48  G. Ricci, Milano : per il decoro della città : appunti in materia di microurbanistica, dans Pierma (...)

24Il ressort clairement des paroles de Piermarini, une attention particulière pour la régularité et la symétrie de la façade. Le rapport de l’édifice avec la rue est essentiel. Comme l’affirme A. Doria, la rue est conçue comme un espace public, régulier et rectiligne, qui ne doit pas être interrompu par des saillies et des débordements et qui doit, autant que possible, posséder une certaine uniformité des façades46. Toutefois, ces différents critères ne s’avèrent pas toujours faciles à concilier, surtout dans le centre de la ville où le bâti est particulièrement dense et les rues étroites, ce qui est le cas de la contrada dei Fustagnari. Piermarini semble finalement prêt à des concessions sur le manque de régularité de la façade parce que, l’année précédente, Giuseppe Casati a cédé une partie de sa propriété afin d’élargir la voie publique47. Il accueille donc l’asymétrie de la façade comme une contrepartie nécessaire à celle d’une rue plus régulière. Un second témoignage du contrôle exercé par Piermarini est rapporté par G. Ricci et concerne une construction sur le corso de Porta Romana48. La note de Piermarini, datée du 14 mai 1787 est de nouveau très critique et semble donner un accord un peu forcé :

Je retourne à V. Sig. Ill.ma les constructions qui doivent être réalisées l’une vers Porta Romana, l’autre vers Porta Vigentina. J’ai souscrit à la dernière, étant donné son caractère régulier mais je ne peux m’empêcher de souligner […] que le dessin est si barbare et si contraire à tout bon style d’architecture qu’il pourrait faire déshonneur à la ville d’Europe la plus mesquine.

  • 49  G. Mezzanotte, Architettura neoclassica… cit., p. 83.

25Le contrôle de la part du professeur d’Architecture de Brera apparaît donc effectif, du moins vers 1787 et pour certains projets. Pour beaucoup d’autres demandes de construction – y compris des projets importants –, il ne reste aucune trace de son avis dans la documentation émanant de l’Ufficio delle Strade. Par ailleurs, les opinions critiques de Piermarini sur les projets présentés en 1787 sont à resituer dans un contexte de relative marginalisation de l’architecte officiel. En effet, après les grandes réalisations des années 1770, il connaît une certaine mise à l’écart de la part des commanditaires privés ce qui engendre probablement une amertume de sa part. G. Mezzanotte associe cette mise à l’écart à une forme d’opposition de l’élite milanaise face à l’attitude étouffante du gouvernement viennois durant les années du règne de Joseph II49. Parini, qui le louait jadis, s’élève désormais contre Piermarini, lui reprochant de ne pas respecter la tradition milanaise en élevant des édifices qui contrastent avec les habitudes locales et en détruisant de célèbres monuments du passé. Ces critiques, qui font suite au bouleversement complet des institutions milanaises en 1786, constituent, en quelque sorte, un moyen de manifester une rébellion face aux réformes qui visent à limiter l’autonomie de l’État milanais.

  • 50  G. Mezzanotte, Architettura neoclassica… cit., voir en particulier l’introduction sur les origines (...)
  • 51  Lettre de Kaunitz à Firmian, 17 avril 1779, HHSAW, Lombardei Korrespondenz, cart. 176.

26Pourtant, si le style néoclassique se développe à Milan durant cette période, ce n’est pas uniquement lié à la volonté de Vienne et au rôle de Piermarini. C’est aussi un phénomène de mode qui voit les familles aristocratiques milanaises se conformer au nouveau goût européen. Depuis les publications de Winckelmann et le voyage de Soufflot en Italie, une large partie de l’Europe a adopté le style néoclassique. La proximité de certaines familles patriciennes milanaises avec la France, par les voyages qu’elles ont effectués et les relations qu’elles possèdent, contribue à sa diffusion. De nombreuses bibliothèques patriciennes possèdent des écrits d’architectes français comme Briseux, Blondel ou Courtonne. Le voisinage de l’Académie de Parme où s’est illustré l’architecte Alexandre Petitot a également joué un rôle important dans la propagation du style néoclassique en Lombardie50. Des architectes et des artistes comme Cantoni, Albertolli puis Aspari sont du reste passés par Parme. À Milan, l’essor du style néoclassique correspond aussi à un phénomène de génération : les artistes qui avaient marqué le baroque puis le rococo milanais, tels Merlo, Croce ou Bibiena arrivent en fin de vie. Toutefois, le style néoclassique est soutenu par l’administration autrichienne dans la mesure où il correspond aux critères de sobriété et d’économie prônés par Kaunitz. Ce dernier écrit à Firmian en 1779 pour lui recommander « intelligence, bon goût et économie » pour la construction de la Villa Reale de Monza51. Il est certain, par ailleurs, que la carrière de Piermarini doit beaucoup au soutien personnel de l’archiduc Ferdinand, comme le démontre une lettre de Pietro Verri datée de 1779 :

  • 52  Lettre du 31 juillet 1779, dans G. Seregni (éd.), Carteggio di P. et A. Verri, Milan, 1939, vol. X (...)

Piermarini est venu et a fait usage de la ligne droite et de la circulaire, il a montré l’architecture, tous les nôtres se sont indignés (…) mais le royal archiduc l’a soutenu ; outre deux théâtres et le palais ducal, il a fait différentes façades qui ont du mérite et ceci a eu pour effet de faire discuter d’architecture pour le critiquer52.

  • 53  Sur les loges de la Scala : O. Faron, Marché de prestige ou marché impossible ? La distribution de (...)

27Si Piermarini a joué un rôle tellement important dans les transformations de l’espace urbain milanais, c’est aussi dans la mesure où ses propositions architecturales correspondaient aux aspirations des commanditaires. L’administration autrichienne a donc contribué à lancer une impulsion que les élites locales ont reçue et déployée. La centralisation viennoise, dans le cadre des principales réalisations publiques des années 1770, doit donc être relativisée. En ce qui concerne la construction du Teatro alla Scala, des débats opposent la cour aux preneurs de loges, mais ces derniers réussissent finalement à s’imposer. Ce sont en effet eux qui financent la construction : sur les 189 000 lires nécessaires, l’aristocratie milanaise en a procuré 91 %. Il s’agit pour la première fois, par ses modes de structuration et de gestion, d’un théâtre de la ville et non plus seulement d’un théâtre de cour. En effet, les loges de la Scala ne sont pas réservées exclusivement à l’aristocratie et accueillent aussi la nouvelle bourgeoisie53. Finalement, la mesure urbanistique qui suscite sûrement le plus de contestations et qui apparaît véritablement comme une remise en cause de l’emprise du patriciat sur la ville concerne la gestion des rues et le statut des espaces qui avaient été « privatisés » par certaines familles.

Une nouvelle conception des espaces publics : le plan pour les rues de 1777

  • 54  Il est déjà évoqué le 28 janvier 1762, dans les comptes-rendus du Consiglio Generale (ASCM, Dicast (...)
  • 55  La giunta gouvernementale pour les eaux, les frontières et les rues comprend notamment le sénateur (...)
  • 56  Francesco D’Adda suit les traces de son père Costanzo qui avait été décurion et Giudice delle Stra (...)
  • 57  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 119/2, compte-rendu du 5 avril 1777. Pour les réexamens (...)

28Le 13 février 1777, le Nuovo Piano stradale della città e delle province dello Stato est publié. En gestation depuis plusieurs années, il a pour objectif de favoriser la circulation à l’intérieur et à l’extérieur des villes et de rendre ainsi un véritable dynamisme au commerce et à l’économie54. Dans le cadre spécifique de la capitale, il doit aussi contribuer à l’embellissement urbain et à la meilleure gestion des espaces publics. La charge de rédiger un premier projet est confiée à Francesco d’Adda qui est entré en 1768 dans la giunta gouvernementale pour les eaux, les frontières et les rues55. Bien que son parcours en fasse un parfait représentant de l’oligarchie patricienne56, il se place du côté du courant réformateur et présente en 1773 le résultat de son étude. Son projet est largement repris par le plan officiellement publié en 1777, mais une certaine flexibilité est accordée dans sa mise en application : lorsque le Consiglio Generale ordonne la remise du plan au Tribunale di Provvisione, il laisse à celui-ci la liberté de juger ce qui doit être l’objet d’une exécution immédiate et ce qui doit être l’objet de réexamens57. Par la suite, deux nouvelles versions sont publiées en 1780 et en 1784 avec quelques modifications qui témoignent des tâtonnements dans l’instauration de cette nouvelle législation.

  • 58  Dans le plan présenté à Firmian par le comte Francesco d’Adda, tout le chapitre 5 est consacré aux (...)

29A l’intérieur de ce plan, qui concerne toute la Lombardie et aboutit à une classification des voies de circulation, les rues de la capitale occupent une place particulière58. Pour celles-ci, l’objectif est d’assurer « la sécurité, la commodité et la propreté », notamment en veillant au bon état du pavement, à la structure et à l’extension des maisons qui les bordent. À première vue, le plan semble donc reprendre les normes traditionnelles de l’Ufficio delle Strade, qui étaient régulièrement rappelées dans les édits. Il s’agit de la nécessité de demander une autorisation pour les nouvelles constructions, pour toute forme d’occupation temporaire des rues, de l’obligation de réparer les maisons dont le mauvais état constitue un danger pour les passants, de veiller au bon état des voies de circulation, etc. Pourtant, des changements sont bien réels : d’abord, le plan émane de la volonté royale. Les autorités locales ont certes contribué à son élaboration, mais se trouvent finalement en position subordonnée face au souverain qui promulgue la nouvelle réglementation. Ensuite, le plan établit des mesures qui témoignent d’un tournant dans la manière de concevoir l’espace public et la gestion de celui-ci. Deux mesures principales peuvent être mises en évidence : la première instaure de nouvelles modalités d’entretien des voies publiques, la seconde concerne la volonté de revenir sur les empiètements indus sur des sites publics. Toutes deux aboutissent à une dépossession des prérogatives que les familles patriciennes avaient pu s’attribuer sur l’espace urbain.

L’entretien des rues et son financement

30Dans le système traditionnel, l’entretien des rues de la ville était confié aux propriétaires des édifices donnant sur cette rue. Le cadastre avait du reste tenu compte de cette charge en effectuant les déductions voulues pour l’imposition des immeubles. Les propriétaires avaient l’obligation d’assurer le bon état des voies publiques qui bordent leurs immeubles comme le rappelaient les édits de l’Ufficio delle Strade. Leur publication répétée témoigne cependant du faible respect de la législation dans ce domaine. En cas de négligence de la part des propriétaires, les autorités municipales intervenaient directement auprès d’eux pour leur rappeler leurs obligations. Si celles-ci n’étaient toujours pas effectuées, la ville décidait de la mise en œuvre des travaux et leur faisait parvenir la facture. Francesco d’Adda, dans son projet de 1773, souligne les défauts de ce système : à côté de la nécessité récurrente d’inciter les propriétaires récalcitrants à entreprendre les travaux, le principe se révèle source d’un manque d’homogénéité dans l’apparence générale des voies urbaines et peut susciter des problèmes liés à l’emploi de mauvais matériaux ou à des différences de niveaux. Le nouveau plan pour les rues prévoie ainsi de retirer aux particuliers l’entretien des espaces publics et d’en charger directement les autorités municipales qui, selon un système d’adjudication, confieront l’exécution des travaux à l’entreprise la plus intéressante. Les modalités de financement sont également transformées car les propriétaires ne paieront plus en fonction de la longueur de leur façade donnant sur la rue, mais selon la valeur attribuée par le cadastre à leur bien. Lorsque ce projet est présenté au Tribunale di Provvisione, celui-ci concorde sur la nécessité de rendre publique la gestion et l’entretien des rues, mais se montre en revanche plus réticent sur les nouvelles modalités de financement :

  • 59  « Riflessioni al Nuovo Piano delle Strade civiche e provinciali », 7 juillet 1773. (ASCM, Dicaster (...)

(…) Mais en ce qui concerne la transformation du système de répartition, diverses oppositions s’élèvent. Nous avons contraire une loi qui nous vient de l’antiquité la plus éclairée, corroborée par une perpétuelle observation. Il s’y ajoute ce que la Giunta del Censimento avait décidé, déduisant de l’estimation des maisons les frais de voierie associés à d’autres. Elle l’a considéré comme un poids particulier et non comme une charge répartissable dans une forme identique aux autres. Ne pouvant alléguer un motif d’utilité publique, ce serait un mauvais exemple de dévier arbitrairement les lois. Il pourrait en naître le préjudice d’un tiers car les acquéreurs de maisons en ont réglé le prix en se fondant sur cette loi et avec un tel changement, beaucoup d’entre eux seraient surchargés alors que d’autres bénéficieraient d’un profit non dû (… )59

  • 60  Le débat sur le financement de l’entretien des voies extra-urbaines suscite davantage de problèmes (...)
  • 61  Bibl. Ambr. N 32 suss. Diario del sacerdote Borrani. La réforme des rues est évoquée dans le journ (...)
  • 62  ASCM, Località Milanesi, cart. 354/2. Giuseppe Maria Visconti intervient en tant que tuteur des mi (...)
  • 63  ASCM, Località Milanesi, cart. 272.
  • 64  ASCM, Località Milanesi, cart. 273.

31Le plan, officiellement publié en 1777, reprend les principes exposés par Francesco d’Adda tant pour les modalités d’entretien des rues que pour leur financement60. Le nouveau système était déjà mis en application dans le cadre de la capitale par les magistratures civiques depuis 1773. Les mesures étaient suffisamment importantes et novatrices pour être évoquées par Borrani dans son journal61. Ces nouvelles modalités suscitent de nombreuses contestations de la part des particuliers, notamment des patriciens. C’est ainsi le cas du marquis Giuseppe Maria Visconti qui, le 2 mai 1791, envoie une lettre au Délégué pour les rues suite à la notification qui lui a été faite de devoir participer financièrement à la réalisation d’une conduite d’eau souterraine dans la contrada de S. Giorgio in Palazzo62. Habitué à l’ancien système qui avisait les propriétaires des travaux à réaliser, il affirme qu’il n’a jamais été prévenu de leur mise en œuvre, ni de sa participation à leur financement. Il tente finalement de se dégager en argumentant que le coût d’une telle opération doit être soutenu par les institutions municipales, celle-ci étant d’intérêt public. La réfection du corso de Porta Orientale, en 1770, en prévision de l’entrée des archiducs, avait déjà été l’occasion de mettre en œuvre de nouvelles modalités d’entretien des rues. Les travaux avaient donné lieu à un décret gouvernemental et les patriciens avaient participé, de plus ou moins bon gré, au coût financier des aménagements. Ils déploraient surtout le principe qui leur retirait l’initiative des travaux et leur en imposait la facture, comme le montre l’exemple du comte Gaetano Barbò63. L’Ufficio delle Strade lui envoie en effet une note de travaux pour un montant de 149 lires au titre des dépenses effectuées pour les aménagements de la rue en 1770. Le 4 février 1771, Gaetano Barbò se présente devant le Giudice delle Strade et dépose un mémoire qui énumère ses raisons de ne pas participer. Un premier argument repose sur le fait qu’il n’était pas au courant des travaux qui devaient être entrepris et qu’il avait déjà réalisé, à ses propres frais, la rénovation de la portion de rue dont il était responsable. La dépense qui lui est demandée constitue donc un doublon superflu. Le deuxième argument consiste dans la somme exagérée qui lui est demandée et qui constitue le triple de ce qu’il paye habituellement pour la réfection de la rue (50 lires). Il joint du reste ses propres factures pour les travaux qu’il a entrepris. Face à ce recours et conscient du problème, le Giudice delle Strade – qui est alors le comte Vitaliano Bigli – s’adresse à l’archiduc Ferdinand pour lui demander comment régler l’affaire. Le comte Barbò n’est pas le seul à protester : en 1772, le marquis Gerolamo Arrigone s’adresse directement à Ferdinand pour une plainte identique64. En dépit de ces contestations qui peuvent apparaître liées aux problèmes de transition occasionnant une double dépense, le nouveau système de réfection de la voierie s’impose peu à peu dans les mentalités et finit par être envisagé comme une forme de progrès. Outre ce premier volet sur l’entretien des voies publiques, un second volet du Plan pour les rues concerne la structure et l’extension des propriétés qui bordent la voie publique : il s’agit non seulement d’empêcher les empiètements des particuliers sur l’espace public mais aussi de revenir sur les appropriations indues des siècles précédents. Les patriciens ont en effet largement participé à celles-ci en aménageant des espaces privatisés autour de leurs résidences.

La dépossession des espaces privatisés

  • 65  Piano pel governo delle strade... cit., p. 61.
  • 66  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 115, « Riflessioni al Nuovo Piano delle Strade civiche (...)

32Pour mettre fin aux abus concernant l’appropriation d’espaces publics, le nouveau plan pour les rues exige que chaque propriétaire revendiquant des droits sur une place, une rue ou tout autre espace de la ville en établisse les preuves. En effet, les phénomènes d’appropriation par les familles, notamment à travers la mise en place de colonnettes, ont été nombreux au cours du XVIIe siècle. La volonté de remédier à ces empiètements indus n’est pas nouvelle et émane d’abord des autorités municipales elles-mêmes. Une assez longue partie du projet de Francesco d’Adda concerne les abus effectués aux dépens des espaces publics. L’auteur donne d’abord une estimation des espaces concernés par une telle situation : 88 253 quadretti, soit plus de trois hectares de la ville, sont délimités par des colonnettes et constituent des sites privatisés65. Bien peu de personnes, selon lui, seraient en mesure de présenter leurs titres de propriété sur ces espaces et le fait d’avoir confié l’entretien des rues aux particuliers a pu favoriser ces appropriations indues à l’occasion de travaux. L’un des problèmes concernant ces espaces privatisés est que le propriétaire est en droit de ne pas les entretenir, de les conserver à l’état de chemin de terre non pavé ou d’y entreposer des objets qui nuisent au décor urbain et à la circulation. Il serait donc plus avantageux, dans l’intérêt général, de les rendre publics pour assurer leur entretien régulier. F. d’Adda précise néanmoins le caractère particulier des maisons achetées puis démolies pour créer une place. Dans une telle configuration, l’espace dégagé demeure évidemment au propriétaire. Lors de l’examen du projet de F. D’Adda, le Tribunale di Provvisione et le Consiglio Generale soulignent que les particuliers « ne doivent pas être privés des sites dont ils sont en possession sur la voie publique sans, auparavant, avoir entendu leurs raisons »66. Les magistratures civiques se montrent donc plus conciliantes face aux intérêts particuliers. Elles engagent néanmoins, dès l’année suivante, des mesures de contrôle de ces espaces privatisés : en effet, l’Ufficio delle Strade publie deux avis, en date du 7 juillet et du 29 novembre 1774, qui obligent tous les particuliers revendiquant des droits sur des espaces à usage public à produire leurs titres de possession. En 1777, le plan pour les rues est publié officiellement par l’impératrice et réitère la nécessité de prouver les droits sur les espaces à usage public. Il précise également l’obligation, pour les particuliers, d’assurer l’entretien de ces espaces lorsqu’ils demeurent de statut privé. Si leur propriétaire, après avoir prouvé ses droits, ne veille pas au bon état de ces places et rues, celles-ci reviendront dans la sphère publique et seront soumises au système général précédemment exposé. Ces publications ont un effet réel puisque le fonds Località milanesi conserve plusieurs dossiers datant des années 1770 qui, en réponse aux édits, démontrent les droits de certaines familles sur le sol public. Deux systèmes de preuves sont mobilisés : un premier renvoie au caractère immémorial de la possession et argumente qu’un siècle de dominio établi équivaut de fait à la possession effective ; un second s’appuie sur une documentation juridique témoignant de la cession du site (concession d’espace public réalisée par le Consiglio Generale, édifice acheté qui a ensuite été démoli pour créer une place, etc.). Si le second type de preuve est bien accepté, le premier est sujet à controverses en dépit de sa valeur juridique. Néanmoins, les cas de véritables expropriations de la part de l’autorité publique sont rares et l’on observe plutôt une forme de pression pour convaincre les familles patriciennes à abandonner leurs droits sur les lieux afin de faciliter la circulation. Finalement, selon les situations, certaines familles conservent la propriété du site, d’autres font un acte volontaire en faveur de l’intérêt général et cèdent au public les espaces concernés.

  • 67  ASCM, Località Milanesi, cart. 337/9. La résidence des San Giuliani se trouve dans Porta Nuova, S. (...)
  • 68  Cette rue est aussi appelée la stretta dei morti. En 1743, le prince Antonio Tolomeo Trivulzi avai (...)
  • 69  ASCM, Località Milanesi, cart. 444/3.

33À la suite de l’avis du 7 juillet 1774, le comte Gianstefano San Giuliani décide de retirer les barres qui se trouvaient devant sa maison située contrada de S. Dalmazio67. Il pouvait pourtant prouver ses droits sur l’espace qu’elles délimitaient car les barres avaient été installées par Giulia Orombelli, ancienne propriétaire, après avoir obtenu de la ville 501 quadretti d’espace public, à l’occasion de la réfection de sa façade en 1604, puis l’autorisation de placer des barres en 1613. Bien qu’il puisse justifier de ses titres de propriété, le comte San Giuliani rend rapidement au public l’espace concerné : le 3 août 1774, il adresse une lettre à l’Ufficio delle Strade affirmant que les barres ont été enlevées. Dans ce cas, la promptitude de l’intervention s’explique par le voisinage de l’archiduc Ferdinand, alors hébergé dans le palais Clerici, le temps des travaux de réfection du Palazzo Reale. Il s’agit donc de se concilier les faveurs du fils de l’impératrice en facilitant la circulation des carrosses qui, chaque jour, se rendent à sa demeure. La lettre de San Giuliani ne laisse pas de doutes sur ses motivations. Par ailleurs, les barres se trouvaient au niveau de l’entrée de service et, de ce fait, possédaient un moindre impact symbolique qu’au niveau du portail principal. Devant l’ancien palais Trivulzi, les colonnettes, chaînes et barres qui bloquaient la strada della Signora, jadis propriété de la famille, sont enlevées en 178868. En réalité, l’espace avait été cédé au public, dès 1769, par le Luogo Pio Trivulzi, fondé à la mort du dernier représentant de la famille. La nouvelle institution y voyait un avantage, laissant ainsi à charge de la municipalité le soin de paver la rue encore en terre, particulièrement insalubre pour les personnes hébergées dans les établissements à cause de la poussière qu’elle dégageait69. Ces cessions rapides représentent cependant des cas un peu particuliers à cause de la proximité de la résidence de l’archiduc ou du fait de la transformation du palais Trivulzi en institution caritative. Dans d’autres cas, la procédure s’avère plus longue et les familles s’efforcent généralement de conserver leurs droits sur ces espaces.

  • 70  ASCM, Località Milanesi, cart. 358/1. L’objectif étant de réaliser une petite place devant leur de (...)
  • 71  ASCM, Località Milanesi, cart. 299/4.
  • 72  ASCM, Località Milanesi, cart. 373/17. Le dossier est particulièrement important.
  • 73  Acte du 21 juin 1614 et du 11 janvier 1611, r° Antonio Maria Bozzi ; acte du 7 mai 1654 et du 13 a (...)
  • 74  En 1603, le comte Antonio Visconti demande de pouvoir y déposer terre et fumier. Durant l’hiver 16 (...)
  • 75  Le transport du corps est occasionné par la réfection de la chapelle qui l’accueillait. La process (...)
  • 76  Les Borromeo ne semblent pas faire référence aux maisons achetées au XVe siècle qui auraient servi (...)

34Le comte Scipione Rossi, marquis de S. Secondo, attend ainsi 1777 (soit la publication du plan pour les rues dans toute la Lombardie), pour présenter les preuves de ses droits sur l’espace qu’il occupe. Il obtient la reconnaissance de sa légitime possession dans la mesure où le lieu correspond au site d’une maison qui avait été démolie en 1615 par les comtes Simonetta, alors propriétaires du palais70. L’emplacement est donc, par son origine même, de statut privé et un acte notarié en a gardé la trace : la reconnaissance des droits du comte Rossi se fait sans problème. Dans d’autres cas, il n’existe pas de documentation officielle et le propriétaire a recours au caractère immémorial de la possession. La reconnaissance des droits peut néanmoins advenir relativement facilement y compris dans ce cas. En 1779, Don Antonio Miconi, nouveau propriétaire de la Casa Resta dans le quartier de Porta Ticinese, doit prouver la possession de la petite place dite « dei Resti » qui se trouve devant la demeure. Il affirme que celle-ci remonte au moins à la fin du XVIe siècle et exhibe un certificat daté de 1670, signé par les Anciens de la paroisse, qui reconnaissent la légitimité des colonnettes marquant la propriété privée71. Ce certificat, qui avait sûrement été établi suite à l’un des nombreux édits réclamant les titres de possession sur ces espaces, est accepté par les autorités. Dans le cas de la piazza Borromeo, il ne s’agit plus d’un petit espace délimité par des barres ou d’une « piazzetta » comme celle des Resti, mais bien d’une véritable place sur laquelle donne d’un côté le palais familial et de l’autre l’église de S. Maria Pedone72. L’origine de la place est particulièrement ancienne et la famille présente un ensemble de preuves, au premier rang desquelles figure le caractère immémorial de la possession, qui est ensuite justifié par une série d’investitures et de permis accordés à d’autres personnes. Le mémoire joint ensuite huit actes notariés s’échelonnant de 1614 à 1759 qui concernent généralement la location de la place73. Plusieurs autres preuves sont également présentées par la famille. D’abord, le fait qu’en 1678, le marquis Bartolomeo Carpani, propriétaire de la maison appartenant aujourd’hui aux Molinari, ouvrit une porte sur la place et que les Borromeo, en vertu de leur possession, l’obligèrent à la fermer et à réaliser l’ouverture du côté de la contrada de S. Maria Pedone. On peut y lire au passage la volonté d’éviter toute concurrence de la part d’autres familles nobles sur la place. La même année, le 17 août 1678, les Borromeo accordèrent le permis d’utiliser la place pour jouer au ballon. Par ailleurs, tous les voisins qui ont dû entreposer des matériaux sur la place, ont au préalable requis l’autorisation de la famille74. Chaque année, à l’occasion de la fête de S. Anna, la Compagnie des marchands doit demander l’accord des Borromeo pour édifier un dais sur la place. En revanche, lorsque la famille souhaite organiser une fête sur la place, elle n’a aucun permis à demander, l’espace lui appartenant : ce fut notamment le cas pour le transport du corps de San Carlo qui a donné lieu à la construction d’un vaste temple devant le palais par le comte Renato, le 18 septembre 175275. Depuis des siècles, la famille s’occupe de l’entretien de la place et des arbres qu’elle y a planté : ces derniers constituent un témoignage visible, pour toute la ville, des droits des Borromeo sur le site. Les preuves sont donc fondées sur les usages et sur l’ancienneté de ceux-ci plus que sur des actes prouvant des titres de propriété76. Dans le cas des Borromeo, la possession de la place leur est reconnue sans problème (et elle restera leur propriété jusqu’aux années 1970), mais dans d’autres cas, qui peuvent s’avérer préjudiciables à l’intérêt public, notamment à cause d’entraves à la circulation, les dossiers sont examinés avec rigueur. La dépossession ne se fait cependant pas de manière trop brutale et les autorités procèdent par négociations. L’exemple des Marliani montre comment une famille accepte finalement de céder ses droits à condition d’en obtenir un bénéfice mémoriel.

Le cas des Marliani : une dépossession à la gloire de la famille

  • 77  S. Lyons Caroselli, The Casa Marliani and palace building in late Quattrocento Lombardy, New York, (...)
  • 78  ASCM, Località Milanesi, cart. 233, fasc. 1.

35Les Marliani appartiennent à une ancienne famille milanaise, proche des ducs Sforza, qui se caractérise par sa permanence résidentielle dans la paroisse de S. Andrea, au moins depuis le XVe siècle77. Son ancrage urbain est donc relativement contemporain de celui des Borromeo et leur palais de S. Andrea est entouré par des barres reposant sur des colonnettes. Le 16 septembre 1775, le comte Paolo Camillo II présente à l’Ufficio delle Strade les preuves qui attestent de ses droits, en réponse aux édits du 7 juillet et 29 novembre 177478. En 1583, son ancêtre, le comte Paolo Camillo I avait présenté une requête de permis de construire à l’Ufficio delle Strade dans le cadre de la réfection de la demeure familiale. Ces aménagements, réalisés dix ans après l’acquisition du fief de Busto Arsizio (1573), suivie du titre de comte (1575), visent à conforter le statut nobiliaire de la famille. Paolo Camillo proposait alors de déplacer spontanément la barre de 16 oncie pour élargir la rue et demandait, en contrepartie, la possibilité d’étendre celle-ci vers l’église de S. Andrea pour suivre l’agrandissement de la résidence. Il justifiait ses droits sur l’espace circonscrit en affirmant que ces barres avaient toujours été présentes « à mémoire d’homme ». La requête lui avait été accordée par le marquis Cusani, Giudice delle Strade, à la condition de ne jamais occuper l’espace délimité par les dites barres par un édifice. En 1590, alors que le gouverneur de Milan, le marquis d’Ayamonte, avait mis sur pied une commission chargée de relever tous les abus sur les rues de la ville, le cas des Marliani avait été jugé légitime et la possession avait été entérinée par le Sénat où la famille Marliani possédait des relations, le père de Paolo Camillo ayant été sénateur. À la fin du XVIIIe siècle, leur descendant, Paolo Camillo II, conclut sa lettre adressée à l’Ufficio delle Strade en espérant que la documentation produite servira de preuve de l’antichissimo possesso de la famille. Le 30 septembre 1775 (soit moins de deux semaines après l’envoi des preuves), il reçoit la réponse du sindaco Venini qui ne considère pas cette documentation comme preuve de la propriété : rien ne justifie la possession de l’espace délimité par les barres qui nuisent à l’intérêt général : « on peut douter que ladite concession ait été à l’avantage public, lequel aurait été l’élargissement de la rue sans le préjudice amené par l’extension de la barre ». Par ailleurs, l’extension alors requise n’avait pas emprunté le parcours normal puisqu’elle n’avait pas été soumise à l’accord du Consiglio Generale, magistrature disposant du contrôle du sol urbain. Les Marliani avaient fait légitimer leur emprise spatiale par le Sénat, institution à laquelle ils étaient davantage liés. En de telles circonstances, le sindaco juge préférable de mettre en oeuvre « des négociations par lesquelles les intérêts du comte soient assurés, notamment sa juste volonté de conserver la mémoire d’une ancienne possession et, qu’en même temps, un remède soit trouvé au grave désagrément d’une telle servitude ».

36Le 18 janvier 1777 un premier projet de conciliation est présenté par la famille. Les Marliani considèrent légitimes leurs prétentions sur l’espace délimité par les barres, étant donné une « possession pacifique » de plus de deux siècles, mais ils se disent prêts à contribuer à la commodité publique en procurant l’élargissement de la rue qui s’avère en effet trop étroite à cet endroit. Le comte Marliani propose de déplacer les barres et les colonnettes qui les soutiennent pour les rapprocher du mur de sa maison (à seulement 18 oncie de distance, soit 88 centimètres) ; en lieu et place de l’espace cédé au public, sera installée une pierre avec la mention « sito della Casa Marliani ». L’enlèvement des colonnettes existantes se fera aux frais de la ville tandis que la remise des nouvelles sera à la charge des Marliani. L’entretien de l’espace contenu à l’intérieur des nouvelles barres sera effectué par la Ville, mais la possession du site sera officiellement attribuée à la famille. Le projet, qui émane des Marliani, ne satisfait manifestement pas les pouvoirs publics. Une lettre datée du 4 mars 1777 évoque en effet les difficultés à parvenir à un accord et il semble finalement que ce soit la mort du comte Paolo Camillo Marliani, en avril 1778, qui débloque la situation ainsi que l’intervention de l’archiduc lui-même. En effet, les trois filles de Paolo Camillo, seules héritières, se montrent disposées à faire retirer les barres, moyennant une compensation en argent de la part de la Ville, comme l’affirme un rapport du Vicario di Provvisione daté du 13 juillet 1778. La Congregazione del Patrimonio est alors saisie puisqu’il s’agit de questions financières et accepte le principe. Plusieurs échanges de courriers témoignent du fait que l’archiduc Ferdinand lui-même est impliqué dans les démarches et demande à être informé de l’issue de cette affaire. L’accord final des héritiers Marliani est finalement donné à travers une lettre datée du 18 septembre 1778, rédigée par Pietro Pietrasanta, le représentant de la famille, dont la tonalité est particulièrement significative :

Le comte Girolamo Gambarana, la princesse donna Bianca Pietrasanta, la comtesse Teresa Cicogna Mozzoni, héritiers de la Casa Marliani désormais éteinte, allant au devant de la volonté de la ville ont spontanément renoncé à leur ancien droit de tenir des barres le long de leur maison de S. Andrea afin de rendre plus large et plus libre la rue. Leur générosité illustre et perpétue les mérites de cette famille prestigieuse envers la Patrie (...).

37La Congrégation leur répond que :

Les représentants des pouvoirs publics, désireux de manifester leur reconnaissance envers ces remarquables personnes, trouvent bien raisonnable que la mémoire de ce fait soit gravée sur une pierre qui sera mise sur les lieux, aux frais de la congrégation, selon les instructions données (...) Le dégagement de la rue devant recevoir l’approbation du gouvernement, ils se feront une gloire d’exposer à Son Altesse Royale [l’archiduc Ferdinand] la rapidité et la valeur d’un tel bénéfice. La certitude que les citoyens vivants et à venir applaudiront une action aussi louable et avantageuse à travers le monument établi, met Notre Congrégation dans la satisfaction d’avoir rempli son propre devoir en récompensant de la manière la plus digne les âmes nobles qui ont bien mérité.

  • 79  Le monument, qui devait perpétuer la mémoire familiale auprès des générations futures, sera retiré (...)
  • 80  ASM, Catasto, Trasporti : son transfert au Monte di S. Teresa est enregistré en 1791.
  • 81  ASCM, Località Milanesi cart. 470, fasc. 4.

38L’inscription lapidaire en latin est finalement posée sur les lieux le 5 novembre 177879 et les trois héritières Marliani sont remerciées de leur généreuse concession par un cadeau de la Congrégation : trois tabatières en or provenant de Paris, achetées pour 2 378 livres tournois. Le cas Marliani montre bien la difficulté à déposséder les familles patriciennes de droits qu’elles peuvent légitimer par une possession de fait durant plusieurs siècles. Les Marliani et, en particulier, la branche des comtes de Busto Arsizio, figurent parmi les plus anciennes familles présentes dans les institutions municipales et au Sénat. La décision, présentée comme un acte magnanime de leur part, est sûrement ce qu’ils pouvaient faire de mieux pour perpétuer la mémoire familiale dans la ville puisqu’en l’absence de descendant masculin, le palais était destiné à être vendu80. Plusieurs autres familles patriciennes, sur le modèle des Marliani, acceptent par la suite de céder au public l’espace en leur possession à la condition de délimiter au sol les traces de leur ancienne propriété et d’apposer une plaque en mémoire de leur geste. D’autres formes de compensations sont également trouvées : le comte Della Somaglia, ayant enlevé les barres qui bordaient sa demeure en 1787, est par exemple autorisé à réaliser deux sièges en pierre de chaque côté du portail81.

  • 82  Sur instance de l’archiduc Ferdinand, le monastère de S. Giovanni in Conca accepte, en 1776, de re (...)
  • 83  ASCM, Località Milanesi, cart. 43, fasc. 3.
  • 84  ASCM, Località Milanesi, cart. 13, fasc. 9.

39Les familles patriciennes, de plus ou moins bon gré, participent donc aux transformations urbanistiques de la ville dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, tout comme les institutions ecclésiastiques qui sont, elles aussi, confrontées aux mêmes nécessités82. À côté de ce mouvement qui tend à déposséder les patriciens pour élargir les rues de la capitale, il existe encore des concessions d’espace public en faveur de ceux-ci, mais elles apparaissent très limitées. Par ailleurs, ces cessions d’espace public se font désormais exclusivement dans le cadre des alignements de rues et, si l’on constate un certain nombre d’autorisations pour fermer une rue ou une ruelle, la mesure est motivée par des raisons d’ordre public : éviter qu’elle puisse servir de repaire, la nuit, aux gens de mauvaises mœurs. Dans ce dernier cas, la demande est généralement déposée par plusieurs habitants du voisinage. Le comte San Giuliani, en 1764, s’associe ainsi à trois autres voisins (Giovanni Santo Carpano, Francesco Zucchi et Antonio Lana) pour demander la possibilité de fermer un espace situé à l’angle de sa maison, au niveau de la contrada dei Bossi et de la piazzetta di S. Dalmazio, étant donné les « grandes indécences qui, chaque jour, portent atteinte à la vue, à la salubrité et à la décence des habitants voisins »83. En 1786, le comte Vitaliano Confalonieri demande de pouvoir fermer un « passage personnel » menant à la contrada degli Andegari. Bien que l’origine de ses droits sur le dit passage n’ait pas été retrouvée, la demande est accordée par le Consiglio Generale puisque la contrada dei Luoghi Pii offre une nouvelle voie de circulation84.

* **

40Au cours de l’époque moderne, des formes d’appropriation d’espace public aux alentours des résidences patriciennes sont menées avec plus ou moins de succès. Bien qu’une législation ancienne protège le sol public, la faiblesse du pouvoir central, qui doit faire face à des difficultés financières et à la Guerre de Trente Ans, est l’occasion d’empiètements plus ou moins illégitimes de la part des familles qui contrôlent les institutions urbaines. La ville apparaît alors comme un lieu de conflits entre particuliers, dans lesquels les autorités municipales jouent un simple rôle d’arbitre. La seconde moitié du XVIIIe siècle marque une évolution dans la conception et la gestion de l’espace public urbain qui s’insère dans le contexte réformateur milanais et, plus largement, dans le nouvel urbanisme des Lumières. Les mesures prises visent à faciliter la circulation dans la ville en redéfinissant les frontières entre privé et public et en veillant à l’entretien régulier et homogène des rues. Les choix architecturaux doivent désormais être encadrés par le pouvoir pour favoriser une certaine uniformité du décor urbain. Ce nouveau cadre normatif s’avère contraignant pour les familles patriciennes qui voient remises en cause une partie de leurs prérogatives. La dépossession des espaces qu’elles s’étaient attribués plus ou moins légitimement au cours des siècles précédents advient toutefois en ménageant leur prestige tandis que les interventions directes de l’archiduc Ferdinand, particulièrement intéressé aux questions d’urbanisme, contribuent indubitablement à faciliter le retrait des grandes familles milanaises.

Notes

1  Les premières licentiae aedificandi connues datent des années 1470. Elles sont concédées pour ouvrir une boutique ou un passage, pour construire un mur ou des portiques : G. Soldi Rondinini, Le strutture urbanistiche di Milano durante l’età di Ludovico il Moro, dans Milano nell’età di Ludovico il Moro, t. 1, Milan, 1983, p. 553-576 ; P. Boucheron, Le Pouvoir de bâtir : urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe–XVe siècles), Rome, 1998. Pour le cadre antérieur à la période ducale : voir P. Grillo, Milano in età comunale (1183 – 1276) : istituzioni, società, economia, Spoleto, 2001, en particulier p. 55-87.

2  Statuti di Milano volgarizzati con note e spiegazioni a pubblica intelligenza e utilità, Milan, G. Galeazzi, 1773, 2 vol., cap. 340, p. 219. Il s’agit d’une compilation de la législation urbaine dont les origines remontent au moins au XIIIe siècle. L’auteur n’est pas connu.

3  Le corps des ingénieurs et architectes de la ville a pour origine les Pubblici Estimatori mentionnés dans les Statuts médiévaux de Milan qui deviennent ensuite Magistri Fabrorum Ingenierii ed architecti. Dans la seconde moitié du XVIe siècle naît officiellement le Collège des ingénieurs et architectes de Milan : voir P. Mezzanotte, Storia del Collegio degli ingegneri di Milano ed atti del Collegio degli ingegneri di Milano, Milan, 1963 ; A. Scotti, Il Collegio degli architetti ingegneri ed agrimensori tra il XVI e il XVIII secolo, dans A. Castellano et O. Selvafolta (dir.), Costruire in Lombardia : aspetti e problemi di storia edilizia, Milan, 1983, p. 92-108 ; G. Liva, Il Collegio degli ingegneri e agrimensori di Milano dal ’500 al primo decennio dell’800, dans Cartografia e istituzioni in età moderna [Atti della Società ligure di storia patria], vol. XXVII, fasc. I, Gênes, 1987, p. 467-487. En ce qui concerne la fonction de jurisprudence du Collège, la documentation se trouve notamment à l’ASM, Fondo Stilati del Collegio degli ingegneri ed architetti di Milano. Une grande partie de la documentation émanant du collège a toutefois été dispersée ou détruite en 1943. Un inventaire des documents existants a été réalisé par G. Albergoni et C. Canesi, Gli antichi archivi del Venerando Collegio degli ingegneri e architetti di Milano. Introduzione all’inventario della documentazione storica, et Inventario della documentazione storica del Venerando Collegio degli ingegneri e architetti, dans Storia in Lombardia, 1, 2006, p. 9-30 et p. 31-152.

4  Constitutiones Dominii Mediolanensis decretis et Senatus consultis, édité par Gabriele Verri, Milan, 1747, article De Aedificiis privatis du livre IV, p. 172.

5  A. Visconti, La pubblica amministrazione nello Stato milanese (1541 – 1796), Rome, 1913. Un chapitre entier est consacré au Giudice delle Strade.

6  La charge est analogue à celle d’autres villes italiennes. ÀVenise, cet office est rempli par le Giudice del Piovego. Sur l’étude des permis de construire vénitiens : F. Thiriet, Espace urbain et groupes sociaux à Venise au XVIIe siècle, dans P. Francastel (dir.), L’Urbanisme de Paris et l’Europe, 1600 – 1680, Paris, 1969, p. 199-209.

7  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 62. Le prix fixé est de « 36 lire per ciascun quadretto nella parte più frequentata della città, cioè quella che dal centro di essa giunge in circonferenze sino alle croci che restano erette in principio di ciascun borgo, di 24 lire dalle sudette croci sino al naviglio e di 12 lire almeno dal naviglio sino alle mura ». À titre de comparaison, un terrain situé dans la paroisse de S. Silvestro (Porta Nuova), soit dans la bande intermédiaire, avait été cédé pour 3 lires le quadretto en 1583 (ASCM, Località Milanesi, cart. 412.3), un autre sur le corso de Porta Orientale, en 1627, pour 4 lires le quadretto (ASCM, Località Milanesi, cart. 271.2).

8  Le fonds Strade (parte antica) de l’Archivio di Stato a brûlé en 1943.

9  Voir par exemple, l’édit du 12 janvier 1651 (Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6) et celui du 24 février 1653 (ASCM, Dicasteri, cart. 251). Le Giudice delle Strade rappelle, dans les deux cas, que ces obligations sont conformes aux ordonnances du gouverneur en date du 8 novembre 1559 et du 19 mars 1609 et ont été entérinées par le Sénat le 15 octobre 1615.

10  Édit du 18 juillet 1670, Bibl. Braidense, Gridario, AO.I. 12.

11  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 79/4.

12  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 96/7.

13  Sur la famille Resta, voir supra chap. 3.

14  ASCM, Località Milanesi, cart. 288, fasc. 1.

15  G. Labrot, Baroni in città : residenze e comportamenti dell’aristocrazia napoletana 1530 – 1734, Naples, 1979. Voir en particulier, p. 61, le cas de la duchesse de Montaleone qui priva de débouché le marquis Del Vasto après que celui-ci eut surélevé la façade de son palais.

16  ASCM, Località Milanesi, cart. 278, fasc. 2.

17  ASCM, Località milanesi, cart. 278, fasc. 2.

18  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, deliberazioni, cart. 79, fasc. 4.

19  ASCM, Località milanesi, cart. 358, fasc. 10.

20  G. Labrot, Études napolitaines : villages, palais, collections XVIe–XVIIIe siècle, Seyssel, 1993, p. 134.

21  Sur l’importance de l’activité édilitaire à Milan dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, voir L. Mocarelli, Costruire la città : edilizia e vita economica nella Milano del secondo Settecento, Bologne, 2008. Voir aussi infra chap. 7.

22  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6. Les 35 points énumérés sont identiques à ceux de l’édit de 1651.

23  J.-C. Perrot, Genèse d’une ville moderne : Caen au XVIIIe siècle, Paris, 1975 ; J.-L. Harrouel, L’embellissement des villes : l’urbanisme français au XVIIIe siècle, Paris, 1993 ; G. Simoncini, La città nell’età dell’illuminismo : le capitali italiane, Florence, 1996.

24  C. Capra souligne le changement d’attitude du patriciat, à la fin des années 1760, suite à son échec à bloquer les réformes précédentes. Si certains patriciens demeurent contraires à la politique réformatrice, une partie s’engage dans les commissions gouvernementales chargées d’étudier les réformes à entreprendre : C. Capra, La Lombardia austriaca… cit., p. 267.

25  G. Bertrand, L’impossible invention d’une capitale : Milan à la fin du XVIIIe siècle, dans Lieux de pouvoir, Europe XVe–XXe, Lisbonne, 1998, p. 287-310 ; A. M. Brizio, Il rinnovamento urbanistico di Milano nella seconda metà del Settecento, dans Nuove idee e nuove arte nel Settecento italiano, Rome, 1977, p. 361-409 ; A. Scotti, La « magnificenza civile » : rinnovamento edilizio e urbanistico dal Piermarini a Napoleone, dans F. Della Peruta (dir.), Storia illustrata di Milano, Milan, 1992, p. 1401-1420 ; L. Patetta (dir.), L’idea della Magnificenza civile : architettura a Milano (1770 – 1848), Milan, 1978.

26  ASM, Fondi camerali, p. a., cart. 182, note du 10 octobre 1787.

27  Sur les réalisations néoclassiques en Lombardie : G. Mezzanotte, Architettura neoclassica in Lombardia, Naples, 1966.

28  Voir Piermarini e il suo tempo, Milan, 1983. Le ministre plénipotentiaire Firmian était à Naples avant d’arriver à Milan et suggère de faire appel à Vanvitelli pour la réfection du Palazzo Reale de Milan. Vanvitelli envoie alors son élève Piermarini. Le projet de Piermarini est approuvé en 1772. Sur le Palazzo Reale : G. C. Bascape, Il Regio Ducal Palazzo di Milano dai Visconti ad oggi, Milan, 1970 ; M. Forni, Il Palazzo regio ducale di Milano a metà Settecento : considerazioni sulla residenza, Milan, 1997 ; E. Colle et F. Mazzocca (dir.), Il Palazzo Reale di Milano, Milan, 2001.

29  P. Mezzanotte, Storia del Collegio degli ingegneri di Milano, Milan, 1963, p. 61.

30  Francesco Croce (1696-1773) a essentiellement travaillé sur le chantier du Duomo, à la surélévation du Palazzo della Ragione et à la réalisation de plusieurs villas du patriciat. Sur Merlo (1690-1760) : M. L. Gatti Perrer, Carlo Giuseppe Merlo architetto, Milan, 1966.

31  Parini met en évidence l’originalité des inventions de Piermarini : G. Parini, Descrizione delle feste celebrate in Milano… cit.

32  La Bibliothèque de Foligno conserve aussi de nombreux projets pour des aménagements intérieurs (décoration des salles, des plafonds, miroirs et cheminées). Voir E. Filippini, Giuseppe Piermarini nella vita e nelle opere con documenti inediti, illustrazioni e bibliografia, Foligno, 1936 ; G. Ricci, L’architetto Giuseppe Piermarini, dans Duecento anni alla Scala 1778 – 1978, Milan, 1978.

33  A. Scotti, Brera 1776 – 1815 : nascita e sviluppo di una istituzione culturale milanese, Florence, 1979.

34  À Vienne, la structure était dominée par un Protektor, qui avait un rôle d’intermédiaire avec l’empereur, et un secrétaire. À Milan, elle se compose d’un président et d’un secrétaire. Le premier président de l’institution est le prince Alberico Barbiano di Belgioioso, un proche de la cour impériale qui a confié la réfection de son palais à Piermarini (voir infra chap. 8). Le secrétaire est l’abbé Carlo Bianconi qui est aussi l’auteur d’un célèbre guide de la ville. Aurora Scotti a montré comment, à travers la fondation de l’Académie des Beaux-Arts et la réforme de l’enseignement de l’architecture, Giuseppe Piermarini a orienté la formation de nombreux professionnels : A. Scotti, Lo Stato e la Città : architettura, istituzioni e funzionari nella Lombardia illuminista, Milan, 1984, p. 40.

35  G. C. Bascape, T. Celona, M. P. Bassi, La Villa Reale di via Palestro, Milan, 1986 ; G. Buccellati, A. Marchi, G. Barbarisi, Nuovo Palazzo Belgiojoso (Villa Reale) 1790, dans Parini e le arti nella Milano neoclassica, Milan, 2000.

36  Il est l’auteur de plusieurs projets pour des édifices d’État à Mantoue, Crémone, Lodi et Pavie. À Pavie, il réalise le théâtre anatomique et la bibliothèque de l’Université (1787) et intervient dans les travaux de l’hôpital de San Matteo (1783). À partir des années 1790, il travaille surtout à la construction de villas, parmi lesquelles on peut citer la Villa Villani, dite « La Rotonda », à Borgovico, près de Côme (1790-93), la villa Mezzabarba à Casatisma, province de Pavie (1791-96), le palais Agosti-Grumelli à Bergame (1796-97), la villa Amalia à Crevenna di Erba (1798-1801) et la villa Pesenti Agliardi à Sombreno (1798-1801).

37  Sur Simone Cantoni : N. Ossana Cavadini, Simone Cantoni architetto, Milan, 2003 ; G. Martinola, I Taccuini di Simone Cantoni, dans Bolletino storico della Svizzera Italiana, 4, 1943, p. 145-154 ; C. Rodi, Simone Cantoni architetto, Côme, 1973 ; V. Fossati Bellani, I rapporti tra architetto, committenti e maestranze in alcuni cantieri lombardi di Simone Cantoni, dans A. Rossari et A. Scotti Tosini (dir.), Aspetti dell’abitare e del costruire a Roma e in Lombardia tra XV e XIX secolo, Milan, 2005, p. 39-53 (sur le palais Serbelloni de Milan, p. 41-42).

38  Les statuts du Collège en limitent l’accès aux seules familles pouvant prouver une ancienne origine milanaise (voir Raccolta degli ordini e statuti del Ven. Collegio de’ Sig. Ingegneri ed Architetti di Milano (1767), Bibl. Braidense, Gridari, AO.I.30, fasc. 94). L’institution est ainsi dominée par quelques familles présentes de père en fils, tels les Richini ou les Quadrio. En théorie, seuls les architectes membres du Collège pouvaient opérer à Milan, même si la pratique témoigne de nombreuses dérogations. Voir aussi ASM, Studi p. a., cart. 150.

39  A. Scotti, Lo Stato e la città… cit. ; Id., Dal collegio all’accademia : la formazione degli architetti lombardi alla fine dell’antico regime, dans A. Ferraresi, E. M. Visioli (éd.), Formarsi alle professioni : architetti, ingegneri, artisti (secoli XV – XIX), Milan, 2012, p. 73-94 ; voir aussi G. Liva, La formazione professionale di ingegneri e agrimensori in Lombardia al primo decennio dell’800, dans L’immagine interessata : territorio e cartografia in Lombardia tra ‘500 e ‘800, Côme, 1988, p. 83-94.

40  Regolamento generale per gli ingegneri… cit., article IX, § 2 et 4. Il faut noter que la référence au professeur d’architecture de l’Académie advient une année avant son instauration officielle (1776), mais le projet est en cours d’étude depuis les années 1760.

41  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 48 : Raccolta degli ordini e de’ regolamenti delle strade della Lombardia austriaca stabiliti in seguito ai Reali Dispacci del 13 febbraio 1777 e del 30 marzo 1778, Milan, Giuseppe Galeazzi, 1785.

42  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 57 : Regolamento delle Strade (1780).

43  Bibl. Braidense, Gridario, AO. II.6, fasc. 84 : Regolamento delle Strade, 26 aprile 1784, § 27.

44  Il s’agit des permis de construire délivrés à des patriciens par l’Ufficio delle Strade entre 1750 et 1806 (637 permis consultés sur la base des seules requêtes déposées par des patriciens) : ASCM, Località milanesi. Il est possible que les documents émanants du professeur d’architecture de Brera aient été détruits avec le fonds de l’Ufficio delle Strade.

45  ASCM, Località Milanesi, cart. 175, fasc. 9.

46  A. Doria, Caratteri e novità dell’edilizia privata del Piermarini a Milano, dans ACME, 31, 1978, p. 409-427.

47  Le dossier conserve l’accord de la Congregazione del Patrimonio, le 18 août 1786, pour l’achat, par la ville, de l’espace cédé par Giuseppe Casati.

48  G. Ricci, Milano : per il decoro della città : appunti in materia di microurbanistica, dans Piermarini e il suo tempo, Milan, 1983, p. 45-60 (p. 54).

49  G. Mezzanotte, Architettura neoclassica… cit., p. 83.

50  G. Mezzanotte, Architettura neoclassica… cit., voir en particulier l’introduction sur les origines du néoclassicisme. L’Académie de Parme a été fondée en 1752 sur l’initiative de G. du Tillot, soit plus de 20 ans avant celle de Milan.

51  Lettre de Kaunitz à Firmian, 17 avril 1779, HHSAW, Lombardei Korrespondenz, cart. 176.

52  Lettre du 31 juillet 1779, dans G. Seregni (éd.), Carteggio di P. et A. Verri, Milan, 1939, vol. X, p. 336.

53  Sur les loges de la Scala : O. Faron, Marché de prestige ou marché impossible ? La distribution des loges de la Scala de Milan (1778 – 1930), dans Popolazione e storia, 2000, p. 49-72.

54  Il est déjà évoqué le 28 janvier 1762, dans les comptes-rendus du Consiglio Generale (ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale ordinazioni, cart. 109/1).

55  La giunta gouvernementale pour les eaux, les frontières et les rues comprend notamment le sénateur Muttoni, le conseiller Wilzeck, le questeur Ottolini, le commissaire général des frontières, Giovanni Mario Andreani, le surintendant aux eaux et aux rues, Giuseppe Pecis et Luigi Lambertenghi (voir C. Capra, La Lombardia austriaca… cit., p. 274).

56  Francesco D’Adda suit les traces de son père Costanzo qui avait été décurion et Giudice delle Strade en 1727. Après avoir siégé au Tribunale di Provvisione en 1751, Francesco entre au Consiglio Generale en 1752. Il est Vicario di Provvisione en 1759 et 1766 puis Conservatore degli Ordini. En 1761, il fait partie des délégués chargés d’examiner le plan de réforme de la Congregazione del Patrimonio puis, en 1763, on le retrouve dans la giunta urbana pour le commerce.

57  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 119/2, compte-rendu du 5 avril 1777. Pour les réexamens, une commission comprenant au moins deux décurions et les Conservatori degli Ordini doit être formée. Les deux décurions délégués à cette tâche sont Francesco d’Adda – l’auteur du projet de 1773 – et Benedetto Arese Lucini.

58  Dans le plan présenté à Firmian par le comte Francesco d’Adda, tout le chapitre 5 est consacré aux rues de la capitale : ASM, Catasto, cart. 3080, Piano pel governo delle strade presentato a Sua Eccellenza il Sig. Conte di Firmian, dal Conte Francesco d’Adda (1773), p. 41-67 pour les rues de Milan.

59  « Riflessioni al Nuovo Piano delle Strade civiche e provinciali », 7 juillet 1773. (ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 115). Ces réflexions émanent du Tribunale di Provvisione et ont été remises au Consiglio Generale le 7 juillet 1773.

60  Le débat sur le financement de l’entretien des voies extra-urbaines suscite davantage de problèmes. Il s’articule autour de deux grandes questions : fallait-il faire participer à l’entretien les étrangers qui utilisaient ces routes ? Fallait-il les financer avec des péages ?

61  Bibl. Ambr. N 32 suss. Diario del sacerdote Borrani. La réforme des rues est évoquée dans le journal de l’année 1773 (p. 70) : « Dall’ufficio delle strade fu pubblicato un avviso per diffidare tutti i possessori delle case in questa città e i suoi borghi, affinchè nissuno di essi facesse riaddattare le strade fronteggianti i loro fondi, o trasportar neve e ghiacci, mentre tutto ciò sarebbesi fatto sotto la sola direzione del detto ufficio. La spesa poi di tali riparazioni viene ripartita con qualche accrescimento della tassa solita pagarsi dai detti possessori (...) ». Cela témoigne du fait que la mesure fut mise en application par les autorités municipales avant l’édit impérial de 1777.

62  ASCM, Località Milanesi, cart. 354/2. Giuseppe Maria Visconti intervient en tant que tuteur des mineurs Porro. Il doit payer 291 lires pour les maisons n° 3955 e 3956, 120 lires pour le n° 3927 et 296 lires pour le n° 3940, soit une facture s’élevant à 707 lires, une somme particulièrement élevée.

63  ASCM, Località Milanesi, cart. 272.

64  ASCM, Località Milanesi, cart. 273.

65  Piano pel governo delle strade... cit., p. 61.

66  ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, cart. 115, « Riflessioni al Nuovo Piano delle Strade civiche e provinciali ».

67  ASCM, Località Milanesi, cart. 337/9. La résidence des San Giuliani se trouve dans Porta Nuova, S. Protaso ad Monacos (parcelle n° 54) et est estimée 2 222 scudi.

68  Cette rue est aussi appelée la stretta dei morti. En 1743, le prince Antonio Tolomeo Trivulzi avait remis une clé à la comtesse Loaysa Monti pour lui permettre d’ouvrir la chaîne qui barrait la rue et lui faciliter ainsi l’accès à l’église de S. Stefano Maggiore (ASM, Fondo Trivulzio, Archivio milanese, cart. 99). La voie privée permettait notamment à la famille Trivulzi de se rendre dans sa chapelle privée dans l’église de S. Stefano.

69  ASCM, Località Milanesi, cart. 444/3.

70  ASCM, Località Milanesi, cart. 358/1. L’objectif étant de réaliser une petite place devant leur demeure, près de l’église de S. Giovanni Quattro Faccie (PN), les Simonetta avaient obtenu l’autorisation de mettre des barres pour conserver la mémoire de la propriété du site.

71  ASCM, Località Milanesi, cart. 299/4.

72  ASCM, Località Milanesi, cart. 373/17. Le dossier est particulièrement important.

73  Acte du 21 juin 1614 et du 11 janvier 1611, r° Antonio Maria Bozzi ; acte du 7 mai 1654 et du 13 avril 1662, r° Francesco Manino ; acte du 26 janvier 1675 et du 13 mai 1679, r° Francesco Maria Zamara ; acte du 23 mars 1703, r° Bartolomeo Borrone ; acte du 27 janvier 1759, r° Fulvio Curione.

74  En 1603, le comte Antonio Visconti demande de pouvoir y déposer terre et fumier. Durant l’hiver 1678, les Borromeo autorisent d’entreposer la neige sur la place puis ils accordent à Cristoforo Benzi d’y stocker du bois.

75  Le transport du corps est occasionné par la réfection de la chapelle qui l’accueillait. La procession est évoquée dans le journal de Borrani : Bibl. Ambr. Diario di Borrani, N. 12 suss.

76  Les Borromeo ne semblent pas faire référence aux maisons achetées au XVe siècle qui auraient servi à agrandir la place déjà existante (voir chap. 3).

77  S. Lyons Caroselli, The Casa Marliani and palace building in late Quattrocento Lombardy, New York, 1987.

78  ASCM, Località Milanesi, cart. 233, fasc. 1.

79  Le monument, qui devait perpétuer la mémoire familiale auprès des générations futures, sera retiré en 1797 par l’administration républicaine qui s’efforce alors d’effacer tous les signes de la prééminence patricienne dans la ville. L’enlèvement des barres, en 1778, entraîne des travaux de mise à niveau de la rue puisque la superficie qu’elles délimitaient ne se trouvait pas à la même hauteur. Le 13 octobre 1778, la Congregazione del Patrimonio requiert l’accord de l’archiduc Ferdinand pour entreprendre ceux-ci.

80  ASM, Catasto, Trasporti : son transfert au Monte di S. Teresa est enregistré en 1791.

81  ASCM, Località Milanesi cart. 470, fasc. 4.

82  Sur instance de l’archiduc Ferdinand, le monastère de S. Giovanni in Conca accepte, en 1776, de retirer les colonnettes qui délimitent la place de S. Giovanni in Conca, pour faciliter l’accès au théâtre royal qui n’est alors que provisoire. Le 11 septembre 1778, le théâtre étant fermé, le monastère demande de pouvoir replacer les colonnettes comme il était initialement prévu, mais les autorités urbaines exercent une pression afin que l’espace reste ouvert et que des pierres marquant l’appartenance de la place au monastère remplacent les colonnettes. La mesure est approuvée par l’archiduc Ferdinand dont l’intervention paraît, là encore, déterminante (ASCM, Località Milanesi, cart. 356, fasc. 2).

83  ASCM, Località Milanesi, cart. 43, fasc. 3.

84  ASCM, Località Milanesi, cart. 13, fasc. 9.

Table des illustrations

Titre Tab. 36 – Répartition des demandes de permis de construire déposées par des patriciens (1500-1806).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/31507/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 27k

© Publications de l’École française de Rome, 2017

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search