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Les propriétés urbaines du patriciat

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Albane Cogné

Première partie. Du groupe social aux familles

Chapitre 3. Patrimoines et parcours familiaux : essai de typologie patricienne

Texte intégral

  • 1  Cette typologie est régulièrement reprise dans les études sur la noblesse lombarde, mais elle n’es (...)

1L’historiographie distingue traditionnellement les familles patriciennes milanaises en fonction de leur origine nobiliaire : une très ancienne noblesse féodale dont les fiefs auraient été concédés par l’Empereur ou par l’archevêque de Milan avant la période ducale ; une noblesse civique ancienne et des familles ayant acquis leurs titres sous les ducs Visconti-Sforza, puis sous les souverains étrangers1. Au XVIIIe siècle, les deux premiers groupes ne constituent plus qu’une part limitée des familles, et si leur ancienneté les fait bénéficier d’un certain prestige, des reclassements internes ont eu lieu et ont marginalisé certaines familles ou du moins certaines branches. À travers quelques études de cas, fondées sur la situation patrimoniale de 1751, il s’agit donc de voir dans quelle mesure l’origine des familles patriciennes a pu conditionner leur rapport à la ville, lieu de résidence, mais aussi d’investissement économique. Derrière un statut nobiliaire plus ou moins ancien, les réalités sociales et les provenances professionnelles s’avèrent très diversifiées marquant durablement les lignages en dépit d’une relative fusion socio-culturelle des familles. Certaines familles sont issues d’un milieu juridique (ancienne noblesse civique, familles anoblies grâce au service administratif rendu au souverain). D’autres proviennent du monde militaire, notamment celles qui doivent leur ascension aux condottieri de l’époque des Visconti-Sforza. D’autres, enfin, ont pour berceau le commerce et la finance : c’est le cas de nombreuses familles anoblies aux XVIIe et XVIIIe siècles, mais aussi, en moindre proportion, à l’époque ducale. Si toutes ces familles ont pu se fondre dans un moule aristocratique commun, des décalages demeurent, en particulier dans les choix d’investissements. Les familles qui doivent leur ascension sociale au milieu urbain sont en effet davantage liées à celui-ci que des familles d’origine féodale et militaire pour lesquelles le centre patrimonial se trouve à la campagne. Ces parcours familiaux, replacés dans la longue durée, révèlent l’existence d’une relation entre l’origine sociale des familles et la consistance de leur patrimoine urbain sans pour autant présumer d’un déterminisme social sur les choix effectués.

Un exemple type de patrimoine patricien moyen : les Resta, famille de la « noblesse civique »

  • 2  Dans le cadastre thérésien, les propriétés sont au nom du comte Carlo Resta (q Francesco).
  • 3  F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. Les informations qui suivent proviennent de cet ouvrage
  • 4  Les descendants de Gasparolo Resta sont quasiment tous notaires ou protonotaires au XIVe siècle : (...)
  • 5  La première branche figure encore dans le cadastre thérésien en la personne de la marquise Giovann (...)
  • 6  Matteo (q Francesco) fait partie des familiers de Filippo Maria Visconti. Il est cameriere ducale (...)
  • 7  Matteo et Giovanni Antonio (q Francesco) sont tous deux podestats à la fin du XVe siècle. Giovanni (...)
  • 8  S. Lorenzo est en effet le lieu de résidence d’Aurelio et Amedeo (q Giovanni Matteo), d’Aurelio Am (...)

2En 1751, le patrimoine urbain de la famille Resta constitue l’exemple type d’un patrimoine moyen. Composé de quatre biens pour une valeur de 4 652 scudi dont un peu moins de la moitié est représentée par la résidence (2 222 scudi)2, il se rapproche de la moyenne établie pour l’ensemble du groupe à 4 270 scudi (dont 2 070 scudi pour la résidence). Les origines de la famille Resta remontent au moins au XIVe siècle, époque à laquelle elle apparaît suffisamment bien insérée dans les institutions civiques milanaises pour être qualifiée d’« autochtone » par F. Calvi3. Plusieurs de ses membres exercent alors la profession notariale4. Bien que la ville constitue le cœur de son activité professionnelle, elle possède des biens dans la campagne voisine : vers 1340, Gasparolo Resta est propriétaire du château de Novilio dans la pieve de Rosate, à une vingtaine de kilomètres au sud de Milan. Ses descendants siègent dans les institutions civiques et ducales de l’époque : Conseil des Neuf Cents, Tribunale di Provvisione, Fabrique du Duomo, ou encore comme consuls de Justice. La famille est alors dotée d’un fort ancrage territorial dans la ville : au XIVe siècle, les différents membres d’une famille nombreuse et ramifiée habitent tous S. Giovanni sul Muro (Porta Vercellina), et c’est à chaque fois en tant que représentants de ce quartier qu’ils sont élus aux différentes charges et magistratures. Ils appartiennent alors à l’élite socio-économique de Milan puisque Gentilino, en 1395, fait partie des vingt personnes les plus riches de la ville, appelées à prêter de l’argent au duc Gian Galeazzo. Au XVe siècle, la famille est divisée en de nombreuses branches qui se sont désormais dispersées dans l’espace urbain. Francesco habite S. Giorgio al Palazzo (Porta Ticinese) en 1431, de même que son fils Giovanni Antonio en 1500. En revanche les frères de ce dernier se trouvent dans S. Bartolomeo (Porta Nuova) et S. Nazaro in Brolio (Porta Romana). Giovanni Matteo (q Giovanni Antonio) réside successivement dans S. Babila en 1528, S. Eufemia en 1536, S. Maria Podone en 1549 puis, finalement, S. Lorenzo (Porta Ticinese) en 1552. Deux branches de la famille connaissent une fortune particulière : celle de Martino reçoit du duc de Parme, le titre de marquis en 1678 et celle descendant de Francesco obtient le titre de comte en 1679 dans le duché de Milan. Dans la liste de 1770, seule la branche comtale, dont le patrimoine a été décrit ci-dessus, est recensée, la première étant alors éteinte5. Francesco Resta incarne, au milieu du XVe siècle, la perpétuation de la tradition familiale : il est l’héritier du château de Novilio et poursuit l’activité juridique de ses ancêtres en étant inscrit au Foro milanais. Il engage aussi des capitaux dans le commerce du coton, ce qui témoigne d’activités et de ressources diversifiées pour la famille. Au XVIe siècle, les Resta jouissent de signes de noblesse (immunité fiscale, qualificatifs de « spettabile e magnifico uomo » ou « cavaliere ») et certains fréquentent l’entourage ducal6. Par la suite, ils continuent à être présents dans le domaine juridique comme dans les activités commerciales7. Giovanni Francesco fait partie du chapitre du Duomo en 1562, avant de devenir protonotaire apostolique en 1573. Les générations suivantes occupent des charges civiques : Carlo est à plusieurs reprises membre du Tribunale di Provvisione, tandis que son frère Giovanni Francesco entre au Collège des Jurisconsultes de Milan. À partir de la seconde moitié du XVIe siècle, les Resta retrouvent une implantation stable dans la paroisse de S. Lorenzo. C’est là que vivent tous les descendants de Giovanni Matteo jusqu’aux premières décennies du XVIIIe siècle8, occupant différentes charges paroissiales : en 1575, Aurelio visite les malades de la peste ; en 1701, Michele est chargé de représenter les habitants pour prêter le serment de fidélité à Philippe V, le nouveau roi d’Espagne. La permanence de la famille dans ce quartier s’y lit à travers la toponymie urbaine puisque la petite place située à proximité du carrobbio de Porta Ticinese s’appelle la piazza dei Resti. Elle permet ainsi de situer précisément l’endroit où habitait la famille jusqu’en 1724. En 1751, la famille n’est plus propriétaire d’aucun bien dans cette paroisse. Elle a en effet redéployé son implantation urbaine suite à un changement de statut social, préparé par Francesco et porté à terme par Carlo (voir généalogie 1).

  • 9  C. Cremonini, Pirro Visconti di Brignano-Borgoratto, al servizio degli Asburgo, in nome dell’Imper (...)
  • 10  Le Grand maître de l’ordre, Emanuele Pinto de Fonseca, écrit en 1745 à Giulia Resta Visconti qu’il (...)
  • 11  La cession est entérinée par une bulle pontificale du 22 mai 1750. Giovanni Battista mène l’essent (...)

3Francesco réalise en effet un pas décisif dans l’ascension de la famille avec l’acquisition du titre de comte en 1679. Au même moment, la famille fait le choix de la primogéniture – tardivement par rapport à d’autres familles milanaises : Michele précise, en 1678, lors de la donation de ses biens à son frère Francesco, qu’ils seront transmissibles seulement par voie de primogéniture. En outre, aucun des frères de Francesco ne se marie, contrairement aux habitudes familiales. L’acquisition d’un titre, transmissible seulement à l’aîné, a sûrement influé sur les comportements familiaux et successoraux. Francesco mène également un cursus honorum remarquable dans les magistratures civiques : d’abord Giudice delle Vettovaglie (1682), puis Conservatore del Patrimonio (1684) et membre du Tribunale di Provvisione (1688), il fait finalement entrer la famille au Consiglio Generale en 1692. Si les Resta siégeaient au Conseil des Neuf Cents au XIVe siècle, ils ne figuraient plus dans l’assemblée après sa fermeture au XVIe siècle. Francesco ouvre ainsi la voie pour son fils Carlo, qui atteint les sommets de la reconnaissance sociale. Carlo est d’abord impliqué dans les institutions civiques, toujours pour le quartier de Porta Ticinese où il réside encore au début du XVIIIe siècle. Après avoir été nommé capitaine de la milice urbaine pour le terzo de Porta Ticinese en 1702, il est élu Conservatore del Patrimonio en 1716 et est chargé par la ville de rédiger la liste des personnes à assister en cas de peste dans le quartier de Porta Ticinese en 1720. En 1722, il entre finalement au Consiglio Generale où il se distingue par différentes missions : il est notamment chargé de représenter l’institution milanaise devant la cour impériale pour traiter du recensement des biens qui est en cours et qui suscite de nombreuses contestations au sein de l’élite milanaise. Son intervention lui vaut des remerciements publics votés par le Consiglio Generale en 1728. Le fait qu’il ait été désigné pour effectuer cette démarche témoigne de sa proximité avec la cour de Vienne, renforcée par le prestigieux mariage réalisé en 1711 avec Giulia Visconti (branche de Borgoratto), fille du marquis Pirro, qui est alors Grand Chancelier de l’État de Milan (1707) et qui devient Grand d’Espagne en 17169. Celui-ci contribue sûrement à intégrer son gendre dans un réseau impérial. Le frère de Pirro, Annibale Visconti, est maréchal dans la cavalerie impériale en 1715, puis castellano de Milan en 1732. À partir de son mariage, Carlo Resta apparaît en contact avec les plus hauts dignitaires de la monarchie autrichienne, tels le prince Eugène de Savoie et le marquis de Rialp qui lui écrivent en 1729 pour le féliciter de sa nomination comme Giudice delle Strade. Carlo conforte également l’assise patrimoniale de la famille puisque l’empereur Charles VI lui accorde le droit de succéder aux frères Barbò pour le fief de Soresina (1728). Il apparaît enfin bien intégré dans la vie mondaine milanaise : en 1711, il participe au financement du nouveau théâtre ducal ; en 1739, il reçoit le prince électeur de Saxe en visite à Milan. Le poids social de la famille Visconti joue un rôle déterminant dans la carrière des enfants de Carlo et Giulia qui, chacun dans leur domaine, atteignent des positions importantes. Grâce aux relations de sa mère, Antonio réussit à faire une belle carrière dans l’ordre de Malte qui le porte en 1779 au priorat de Lombardie10. Alors que la famille Resta ne s’était pas distinguée par des alliances particulièrement brillantes avant la génération de Carlo, les enfants de ce dernier font tous de très beaux mariages : Maria Giuseppa épouse en 1725 le comte Antonio Cavazzi della Somaglia (famille dans laquelle était déjà entrée l’une de ses tantes Visconti) et Margherita le comte Lorenzo Salazar. L’aîné des garçons, Carlo Francesco, a suivi le parcours traditionnel pour accéder aux magistratures milanaises : laurea de droit à Pavie en 1734, puis entrée au Collège des Jurisconsultes l’année suivante. En 1740, son père renonce à son poste de décurion pour qu’il prenne sa succession au Consiglio Generale. En 1747, il devient l’un des Conservatori del Patrimonio et épouse Giovanna Pallavicino Trivulzio (q Giovanni Giorgio Pio), qui provient d’une illustre famille milanaise proche, elle aussi, de la cour impériale. Mais Carlo Francesco meurt en 1754 sans descendance. Son frère cadet, Giuseppe, prend alors le relais pour assurer la continuité de la famille. Ce dernier était d’abord destiné à une carrière ecclésiastique qui l’avait amené à être investi par le pape Benoît XIV de la prestigieuse abbaye milanaise de S. Cosmo et S. Damiano, succédant à son grand-oncle maternel, Luigi Visconti. En 1750, il avait connu une première réorientation vers une carrière militaire et avait renoncé à son bénéfice ecclésiastique, au profit de son frère Giovanni Battista11. En 1754, c’est la mort de son frère aîné qui lui fait changer de voie une seconde fois : il abandonne la carrière militaire pour s’engager dans les charges civiques et, en 1757, se marie avec Camilla Villani (q marquis Giuseppe Antonio). L’année de son mariage signe également son entrée au Consiglio Generale et au Tribunale di Provvisione. Il est nommé chambellan impérial en 1766 et, bien que ses fiefs ne possèdent pas l’étendue requise par la législation en vigueur, il obtient le droit de conserver son titre de comte en 1786.

  • 12  L’ancienne résidence de S. Sisto ne possédait pas de jardin et s’étendait sur une parcelle d’envir (...)
  • 13  Dans Porta Vercellina, la maison de S. Pietro sul Dosso (n° 23, estimée 625 scudi) est donnée en l (...)
  • 14  Les premières années du XIXe siècle sont celles de grands travaux qui poussent la famille à abando (...)

4Si la famille Resta appartient aux anciennes familles milanaises, sa position sociale est restée de second rang jusqu’au mariage de Carlo avec Giulia Visconti. Cette ascension sociale dans la hiérarchie milanaise s’est alors accompagnée d’un déplacement résidentiel. En 1751, Carlo Resta a cédé l’ancien noyau immobilier de Porta Ticinese pour s’installer dans la paroisse de S. Babila (Porta Orientale). Cette nouvelle demeure, située via della Passione, se trouve au-delà des canaux et offre des possibilités d’extension architecturale tout en procurant également la jouissance d’un jardin12. Le comte Carlo Resta met à profit ces possibilités d’extension puisqu’il entreprend dans les années 1740 des travaux de réfection importants. La trace de ceux-ci apparaît dans la demande d’espace public qu’il dépose en décembre 1742, à l’occasion de la réfection de la façade. Le terrain requis lui est accordé le 9 février 1743 à titre gratuit, puisqu’il avait, par ailleurs, fait don d’une quantité similaire d’espace à la Ville. Le résultat aboutit à une résidence dont la valeur a doublé par rapport à celle de Porta Ticinese (2 222 scudi contre 1111 scudi). Mais les motivations qui ont poussé Carlo à déménager peuvent aussi être liées à l’environnement urbain : les paroisses de S. Sisto et S. Lorenzo sont des zones populaires situées dans un contexte essentiellement artisanal et commercial. Le quartier de Porta Orientale est au contraire en train d’amorcer la transformation qui en fera un secteur privilégié d’implantation pour l’élite milanaise (voir chap. 4). Carlo Resta apparaît donc un précurseur dans ce mouvement qui prend une ampleur plus grande à partir des années 1770. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la famille ne fait du reste que renforcer son ancrage dans la paroisse de S. Babila. Elle se sépare des propriétés locatives de Porta Vercellina pour acquérir de nouveaux biens à proximité de sa résidence, en profitant notamment des suppressions ecclésiastiques, puis de la vente des biens nationaux13. La plupart de ces achats sont réalisés avec l’objectif d’agrandir la résidence familiale, et c’est dans ce but explicite qu’est acquise la casa da nobile avec jardin du comte Brebbia contiguë à la résidence Resta (1791)14.

  • 15  Siègent comme décurions : Francesco (1692-99), Carlo (1722-40), Carlo Francesco (1740-54), Giusepp (...)

5Les Resta représentent donc un modèle type de famille patricienne à l’origine milanaise ancienne et dont la carrière s’est déroulée exclusivement dans les magistratures civiques. Durant le XVIIIe siècle, elle est présente presque continuellement au Consiglio Generale15 et son absence des institutions monarchiques ne l’empêche pas de faire partie d’un « réseau impérial » dans lequel elle s’est intégrée grâce à une brillante alliance matrimoniale. L’évolution de son statut au XVIIIe siècle s’accompagne d’un transfert dans une nouvelle résidence qui souligne bien l’importance de la demeure urbaine pour le patriciat et la nécessité d’adapter celle-ci à la progression sociale du lignage.

Les familles dépourvues de propriété dans la capitale

Les Daverio : une petite noblesse ancienne au rôle institutionnel limité

6Les Daverio font partie de ces familles qui ne possèdent aucune propriété à Milan en 1751 et qui n’en acquièrent pas dans la seconde moitié du siècle. Bien qu’ils soient reconnus patriciens milanais en 1770 et qu’un de leurs membres joue un rôle important dans la politique réformatrice de Vienne, la capitale lombarde reste pour eux marginale car ils demeurent essentiellement implantés dans leur terre d’origine, Vergiate, qui constitue leur lieu de résidence principale, à une cinquantaine de kilomètres de Milan. L’implication institutionnelle sur la scène milanaise, au milieu du XVIIIe siècle, n’est, du reste, pas le fait du chef de famille, Giuseppe Antonio, mais de son frère, Michele, qui s’est engagé dans une carrière ecclésiastique.

  • 16  En 1344, Luchino Daverio est appelé « seigneur de nombreuses terres dont celle de Vergiate et de l (...)
  • 17  Uberto, dit « da Vergiate » est conseiller aulique du duc de Milan et habite alors la paroisse de (...)
  • 18  Les actes notariés indiquent que Francesco Maria réside successivement dans les paroisses milanais (...)
  • 19  Sur Michele Daverio : L. Capocchi, « Giurisdizionalismo e riforme ecclesiastiche nella Lombardia d (...)
  • 20  Voir actes notariés du 8 octobre 1768 (r° Giovanni Battista Bianchi) et du 20 mars 1780 (r° Carlo (...)
  • 21  Les quatre fils de Giovanni Antonio et de Margherita Repossi sont nés et morts à Vergiate : Carlo (...)

7Les Daverio appartiennent à une noblesse ancienne, implantée à Vergiate depuis le XIVe siècle au moins16. À cette époque, elle est aussi engagée dans la vie civique milanaise puisque Giovanni fait partie, en 1385, des 36 cittadini qui accompagnent le podestat lors d’une assemblée de la Commune milanaise ; cinq ans plus tard, il contrôle l’approvisionnement de la ville. La famille est aussi inscrite dans la Matricula nobilium d’Ottone Visconti en 1277, qui recense les familles ayant accès au chapitre du Duomo. Au XVe siècle, les Daverio se partagent donc entre leurs terres et la capitale où ils sont intégrés dans l’entourage ducal et jouissent d’un statut noble17. En 1520, Gabardo II habite le quartier de Porta Nuova (paroisse de S. Donnino alla Mazza) et il bénéficie de la qualification de Nobilis et Magnificus, tout comme ses descendants. Au milieu du XVIIe siècle, Francesco Maria puis son fils Carlo Uberto demeurent toujours entre Vergiate et Milan, où la famille ne dispose pas d’une résidence fixe18. La présence à Milan est temporaire, sans que l’on sache si les périodes de résidence dans la capitale correspondent à des périodes précises de la vie d’un individu ou sont saisonnières. Aucune trace d’une activité institutionnelle ou professionnelle dans la ville n’a été retrouvée. Paolo Camillo, né en 1684, s’installe à Milan entre 1715 et 1750. Il meurt néanmoins en 1767 dans son château de Vergiate où tous ses fils sont nés, ce qui laisse supposer que sa famille ne le suivait pas dans la capitale. Les charges importantes occupées par Michele (q Paolo Camillo) ont sans doute été décisives pour expliquer l’inscription de la famille dans la Matricola teresiana, une inscription qui reconnaît un passé prestigieux, désormais lointain mais revivifié par un individu. Michele, né le 14 février 1722, est destiné à la carrière ecclésiastique et entreprend des études de droit19. Diplômé de l’université de Pavie en 1749, il entre au Collège des Jurisconsultes après avoir prouvé la noblesse séculaire de sa famille (24 juillet 1750) et mène une carrière brillante qui lui ouvre les portes du chapitre du Duomo, le fait abbé commanditaire de S. Antonio et du prieuré de S. Lazaro, puis économe et administrateur du Pio Albergo Trivulzio. Son rôle le plus important est néanmoins au sein de la Giunta economale, dans le contexte des réformes ecclésiastiques mises en œuvre par Marie-Thérèse puis Joseph II. Michele doit sa brillante carrière à son expérience d’auditeur de la Rote à Bologne et Rome, ainsi qu’à la protection du duc de Modène et de la famille Castelbarco. Ses idées progressistes en font l’un des personnages clés de la politique ecclésiastique lombarde durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Par ses fonctions, il doit donc résider principalement dans la capitale, mais son statut ecclésiastique le dispense d’investir dans une demeure de prestige. Il figure en tout cas parmi les personnes admises à la cour dans la liste de 1777 après avoir été inscrit dans la Matricola teresiana avec son frère, Giuseppe Antonio, par le décret du 4 avril 1770. Ce dernier semble habiter essentiellement le château de Vergiate et n’est présent dans la capitale que de manière épisodique et dans des paroisses toujours différentes20. Les Daverio présentent donc un profil particulier : ils appartiennent à une vieille famille milanaise, restée en marge de la vie institutionnelle durant les XVIe et XVIIe siècles, qui réside essentiellement dans sa terre de Vergiate et n’apparait que de manière ponctuelle dans la capitale sans y posséder une demeure fixe. Le fait que Michele soit admis au Collège des Jurisconsultes et au chapitre du Duomo dès 1750 démontre son appartenance au patriciat avant même l’inscription sur la liste de 1770. Si plusieurs de ses neveux suivent le chemin de leur oncle en intégrant le Collège des Jurisconsultes de Milan et en choisissant la carrière ecclésiastique, ils demeurent attachés à leurs propriétés de Vergiate où ils terminent leur vie21.

Les Sfondrati della Riviera : une famille prestigieuse au rayonnement international

  • 22  Corrado fait partie des ambassadeurs de la ville de Crémone qui rencontrent l’empereur Henri VII e (...)
  • 23  Acte du 16 juin 1533, r° Nicolò Vignara. Au XVIIe siècle, ces possessions sont complétées par l’ac (...)

8Si les Sfondrati, comme les Daverio, ne possèdent pas de propriétés à Milan en 1751, leur parcours et leur situation au XVIIIe siècle sont en tout cas bien différents. Alors que les Daverio appartiennent à une petite élite nobiliaire locale, les Sfondrati ont donné un pape et plusieurs cardinaux à l’Église romaine et jouissent d’un rayonnement qui dépasse largement le cadre de la Lombardie. C’est une famille originaire de Crémone22 dont une branche s’installe à Milan à la fin du XVe siècle pour se rapprocher de la cour ducale. Giovanni Battista, d’abord jurisconsulte à Crémone, devient cittadino milanese en 1487 par privilège du duc Gian Galeazzo Sforza. Après avoir été ambassadeur de Ludovic Le More dans différents États italiens et européens (à Ferrare et à Naples, en Espagne et en France), il épouse Margherita Omodeo, s’alliant ainsi à une puissante famille de l’élite milanaise tant par son père, un riche banquier, que par sa mère, une Trivulzio. Le transfert des Sfondrati à Milan n’est cependant pas encore définitif puisque le fils de Giovanni Battista, Francesco, naît à Crémone et entre au Collège des Jurisconsultes de cette même ville. La carrière de Francesco, d’abord dans les institutions du duché, puis au sein de l’Église, marque un tournant pour la famille qui intègre l’élite nobiliaire italienne. Après avoir été ambassadeur du duc François II Sforza, Francesco entre au Sénat milanais en 1530, puis devient conseiller de Charles Quint. Celui-ci lui décerne le titre de comte du Saint-Empire en 1534, puis l’envoie à Sienne comme gouverneur en 1543. Francesco Sfondrati avait acquis les fiefs de Vallassina, Mauri et Nibionno en 1533 auprès du comte Paolo Fregoso23. L’investiture féodale, donnée par François II Sforza, est confirmée en 1537 par Charles Quint qui transforme ces terres en comté della Riviera. Francesco épouse Anna Visconti di Modrone et resserre ainsi les liens de la famille avec le patriciat milanais, mais il est veuf très tôt et s’engage alors dans une carrière ecclésiastique avec l’appui du pape Paul III Farnèse. En quelques mois, il devient évêque de Sarni (1543), archevêque d’Amalfi, nonce pontifical, puis cardinal en 1544. Représentant du pape en Allemagne au moment du Concile de Trente, il inaugure une destinée familiale étroitement liée au siège pontifical. En effet, si Francesco, pourtant soutenu par Charles Quint, échoue à succéder à Paul III, son fils Nicolò deviendra pape sous le nom de Grégoire XIV. Francesco termine sa carrière comme évêque de Crémone, sa ville natale, où il meurt en 1550.

  • 24  Son père, Sigismond d’Este, cousin du duc de Ferrare, est l’un des colonels de Charles Quint, qui (...)

9Les fils de Francesco élargissent l’envergure géographique de la famille : Nicolò, devenu cardinal en 1583, reste présent dans les institutions milanaises puisqu’il est membre du Sénat, comme son père et son grand-père, avec la qualité de prélat. En décembre 1590, il est élu pape, mais meurt dix mois plus tard. Les relations entre la famille Sfondrati et la cour pontificale restent néanmoins étroites jusqu’à la fin du XVIIe siècle : Paolo Emilio, neveu de Grégoire XIV, accède au cardinalat en décembre 1590, puis Valeriano (1644-1696) est à son tour élevé à la pourpre cardinalice en 1695 sous le nom de Celestino. Tous deux sont enterrés dans l’église Sainte Cécile du Trastevere à Rome. La famille a ainsi compté quatre cardinaux dont l’un a accédé à la dignité pontificale. Ce parcours lui vaut l’emblème de l’Église sur ses armes (les deux clés croisées) et le verset d’un psaume comme devise : Dextera Domini exaltabit me. Tandis que Nicolò fait carrière dans l’Église catholique, Paolo, son frère aîné, se met au service de la monarchie espagnole. Suivant la tradition familiale, il entre au Sénat et est envoyé par Philippe II en ambassade auprès de la cour de Savoie dans les années 1580. Ercole, le fils aîné de Paolo, s’engage, quant à lui, dans une carrière nouvelle pour la famille : celle des armes qui le porte au service du roi d’Espagne et du pape. D’abord engagé dans l’armée espagnole aux Pays-Bas, il est ensuite envoyé en France par son oncle Grégoire XIV pour soutenir la Ligue. Les services rendus à la monarchie catholique lui valent le titre de chevalier de Santiago et commandeur de Guadalcanal. À la fin du XVIe siècle, la famille est à l’acmé de son rayonnement et peut prétendre à des alliances avec les plus importants lignages de la péninsule italienne : Paolo épouse Sigismonda d’Este24, tandis que son fils Ercole s’allie avec Lucrezia Cibo, dont la famille possède la principauté de Massa et Carrare. Les Sfondrati se distinguent donc par leur réseau familial qui dépasse le cadre endogamique habituel du patriciat milanais.

  • 25  Valeriano est commissaire général de l’armée espagnole en Lombardie en 1637. Il s’illustre dans la (...)
  • 26  Parmi les membres du Consiglio Generale, on trouve Valeriano (1645), puis ses deux fils : Ercole ( (...)
  • 27  En témoigne notamment la présence de la famille au Conseil secret avec Francesco (1536), Valeriano (...)

10C’est seulement au milieu du XVIIe siècle que la famille Sfondrati intègre les institutions civiques de Milan. Valeriano (q Paolo) est en effet le premier de la famille à en faire partie, tout en poursuivant une carrière militaire et en siégeant au Conseil secret du gouverneur de Milan en 164525. Sa nomination au Consiglio Generale, en 1645, inaugure une présence quasiment continue de la famille dans cette institution, où elle détient parfois deux sièges simultanément26. Cette intégration institutionnelle s’accompagne d’un recentrage sur la scène milanaise, comme en témoignent les mariages avec des familles du patriciat milanais, tels les Marliani, Taverna, Caimi, Villani. L’absence des Sfondrati au Consiglio Generale entre 1684 et 1735 ne traduit pas l’éclipse d’une génération complète, mais le fait que Giuseppe Valeriano y est intégré tardivement. En 1684, à la mort de son père Ercole, il n’est en effet âgé que de six ans et ne peut donc lui succéder dans ses fonctions administratives. Il entre au Tribunale di Provvisione en 1729, puis au Consiglio Generale en 1735, soit à l’âge de 57 ans. Ce long intervalle peut s’expliquer par plusieurs raisons. Elles sont d’abord de nature familiale : Giuseppe Valeriano ne bénéficie pas de l’appui de son père pour intégrer l’institution, ni de la famille de sa mère (les Caimi) qui, bien qu’ayant compté de nombreux décurions, se trouve elle aussi absente du Conseil entre 1664 et 1726. Des raisons politiques peuvent également expliquer cette nomination tardive : les Sfondrati étaient très liés à la monarchie espagnole, tant par leur implication institutionnelle que par leurs fonctions diplomatiques et militaires27. Le passage à la souveraineté autrichienne a pu s’accompagner d’une forme de marginalisation, comme en témoignerait leur absence des institutions monarchiques à partir de ce moment. La nomination de Giuseppe Valeriano au Consiglio Generale en 1735 a, du reste, lieu lors de l’occupation piémontaise de Milan dans le contexte de la Guerre de Succession polonaise. La nomination est néanmoins confirmée par le comte de Traun en décembre 1736. La famille s’éteint en 1788 à la mort de Carlo (q Giuseppe Valeriano), qui transmet le fief de Bellagio à Alessandro Serbelloni, auquel le lient de simples relations d’amitié. Le reste des possessions familiales revient à sa nièce, Anna Ricciarda d’Este qui a épousé Alberico Barbiano di Belgioioso.

  • 28  Valeriano, le premier à intégrer le Consiglio Generale en 1645, avait épousé Paola Camilla Marlian (...)
  • 29  G. C. Bascapè la mentionne comme étant le lieu de naissance du pape Grégoire XIV en 1535 : G. C. B (...)
  • 30  Il s’agit du futur palais Orrigoni : G. C. Bascape, I palazzi… cit., p. 64.
  • 31  Les informations sur les lieux d’habitation proviennent de ASM, Araldica, cart. 120.
  • 32  Le bien se trouve à l’angle des contrade di S. Maria Segreta et di S. Prospero et est estimé 1 944 (...)

11Les Sfondrati représentent donc le cas d’une famille provinciale dont l’ascension est due au mérite de ses juristes qui intègrent l’entourage des ducs de Milan, puis le Sénat. Après avoir connu son apogée à la fin du XVIe siècle en plaçant l’un de ses membres sur le trône de St Pierre – ce qui élargit son influence sur la scène italienne –, elle se recentre sur le cadre milanais et s’oriente vers le service politique et militaire de la monarchie espagnole. Au milieu du XVIIe siècle, elle réussit à intégrer les institutions civiques et notamment le prestigieux Conseil des décurions de Milan, peut-être grâce à l’appui des Marliani28. Après une éclipse au début du XVIIIe siècle, liée à des raisons familiales et politiques, elle est à nouveau présente dans les institutions au milieu du siècle. Pourquoi une famille ayant mené un tel parcours se trouve-t-elle dépourvue de résidence en propriété dans la capitale ? Les Sfondrati, à leur arrivée à Milan, avaient pourtant acquis rapidement une casa da nobile située via Rugabella, dans la paroisse de S. Eufemia (Porta Romana). Cette demeure, où habitait Giovanni Battista en 1487 lorsqu’il obtint la cittadinanza milanaise, est rachetée par Francesco à son frère Ercole I en 159729. Elle passe ainsi à la branche des Sfondrati, marquis de Montafia, qui s’éteint au milieu du XVIIe siècle. La branche aînée ne semble pas avoir acquis de nouvelle résidence dans la capitale lombarde. Elle se transfère en effet dans un somptueux palais du corso de Porta Romana, proche de la via Rugabella, appartenant à la famille Acerbo30. Ercole II termine sa vie à Bellagio, sur les bords du lac de Côme, fief familial où il s’est retiré après ses pérégrinations militaires en Europe. Son fils Giuseppe Valeriano (1678-1749) naît et habite d’abord dans la paroisse de S. Nazaro in Brolio (Porta Romana), puis il se déplace dans celle de S. Marcellino (Porta Comasina). Carlo, en 1773, habite une casa da nobile située dans la paroisse de S. Eusebio (Porta Nuova)31. En 1776, il entre en possession d’une maison appartenant au marquis Bartolomeo Calderara, située dans la paroisse de S. Maria Segreta (Porta Comasina)32. On ne sait pas si cette acquisition a lieu avec une finalité résidentielle, mais elle n’est pas destinée à devenir une demeure durable pour la famille : Carlo est alors le dernier représentant d’une famille appelée à s’éteindre puisque son frère est mort trois ans plus tôt. La famille n’a donc pas laissé son empreinte dans l’espace milanais par la possession durable d’un palais. La seule demeure qui lui soit associée est la villa de Bellagio qui revient ensuite aux Serbelloni. La famille reste donc principalement attachée à son fief et ne juge pas utile d’investir dans un immobilier résidentiel dans la capitale. Son prestige, qui repose sur ses rapports étroits avec l’Église et la monarchie espagnole, a pu la dispenser de démontrer un véritable enracinement urbain, si important pour d’autres familles.

Un patrimoine exclusivement (ou essentiellement) résidentiel

12L’importance du fief relevée dans le cas des Sfondrati semble caractériser d’autres familles appartenant également à la noblesse ducale, qui n’ont pas mené d’activités commerciales et qui se caractérisent par un profil militaire. À la différence des Sfondrati, elles possèdent toutefois une résidence à Milan, mais leurs propriétés urbaines se limitent à celle-ci. La ville n’est donc pas perçue comme un lieu d’investissements immobiliers procurant des revenus. Elle est uniquement le centre politique, le lieu de sociabilité dans lequel la résidence doit illustrer le statut de la famille.

Les Belgioioso : une ancienne famille féodale aux origines militaires

  • 33  À cette date, la majeure partie de la fortune appartient toutefois à Lodovico, qui a été ministre (...)

13Les Barbiano di Belgioioso appartiennent à l’élite du patriciat milanais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, tant par leur richesse (ils figurent parmi les familles disposant de plus de 100 000 lires de revenu annuel en 179833) que par leur prestige social (une vieille noblesse féodale étroitement liée à la monarchie autrichienne) et leur position institutionnelle (ils siègent au Consiglio Generale sans interruption de 1728 à 1796). Pourtant, leurs propriétés dans la capitale se limitent quasiment au palais urbain. En 1751, les registres cadastraux font en effet état de seulement trois biens au nom du comte Antonio Barbiano di Belgioioso. Il s’agit d’un important palais (3333 scudi) et de deux petites maisons de location (319 et 572 scudi), situées à proximité de celui-ci dans la paroisse de S. Martino in Nosiggia (Porta Nuova). Cette sous-représentation de l’immobilier locatif semble être une caractéristique des familles féodales qui n’ont jamais été mêlées aux activités commerciales et pour lesquelles les revenus proviennent essentiellement de la propriété terrienne. La consistance de la propriété urbaine est en effet semblable pour des familles au profil similaire tels les Bolognino Attendolo ou des familles d’origine espagnole tels les Salazar ou les Menriquez. Pour ces lignages, l’immobilier urbain n’est pas envisagé comme une source potentielle de revenus. Le parcours de la famille Belgioioso montre que si elle n’a jamais délaissé la capitale, lieu d’exercice des charges institutionnelles, centre du pouvoir et de la sociabilité aristocratique, le cœur de son patrimoine est constitué par le château féodal et les terres qui l’entourent. Par ailleurs, la famille étant extérieure aux activités économiques urbaines (commerce, finance), elle a peut-être moins eu l’occasion d’entrer en possession de biens immobiliers urbains à travers des opérations de crédit, situation assez courante pour d’autres familles du patriciat.

  • 34  Sur la famille Belgioioso, voir F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. ; Dizionario biografico (...)
  • 35  Alberico I Barbiano est célèbre pour avoir fondé la « compagnie de San Giorgio », composée uniquem (...)
  • 36  Accusé d’avoir soutenu les Français, Carlo est emprisonné au retour de Maximilien Sforza, en 1513, (...)
  • 37  En 1513, Carlo est élu au Consiglio Generale comme représentant de Porta Comasina (paroisse de S. (...)
  • 38  Il s’agit d’un bénéfice dans l’église S. Maria Gualtieri à Pavie (1543), de la commende de la prév (...)
  • 39  Giovanni Giacomo (q Lodovico) intervient dans le cadre de la Guerre de Succession portugaise, puis (...)

14En 1663, lorsqu’ils sont admis au Collège des Jurisconsultes de Milan, les Belgioioso font état d’une ascendance nobiliaire en tant que comtes de Cunio et de Barbiano (Romagne) qui remonte à 1145. Ils étaient alors à la tête d’un petit État qui fut rapidement confronté à ses puissants voisins, les marquis de Ferrare et de Mantoue et les ducs de Milan34. Alidosio Barbiano, puis son fils Alberico (dit « le Grand », mort en 1406) mettent leurs talents de condottieri au service des Visconti ainsi que des Républiques de Venise, de Florence et de Sienne ou de la papauté35. L’installation définitive dans le Milanais a lieu avec Alberico II (mort en 1440), qui a perdu les possessions familiales de Romagne au cours des guerres du XVe siècle. Condottiere comme son père, il se lie à Filippo Maria Visconti qui lui fait don de la terre et du château de Belgioioso dans la région de Pavie (diplôme du 29 novembre 1431). La famille ajoute ainsi à son ancien titre de comte de Barbiano celui de Belgioioso. À l’extinction des Visconti, Lodovico Belgioioso (q Alberico II) soutient Francesco Sforza qui lui donne en récompense la cittadinanza de Pavie (1453), puis celle de Milan (1456), valables également pour ses descendants. La famille demeure par la suite dans l’entourage ducal de Ludovic le More, comme en témoigne le parcours de Carlo (q Lodovico) qui est envoyé en ambassade à Paris en 1492, puis devient gouverneur de Pavie en 1495. Lors des retournements politiques dans le contexte des Guerres d’Italie, la famille réussit de manière fort opportune à seconder le parti vainqueur ce qui ne les empêche pas de se retrouver dans des situations parfois délicates36. La fortune des Belgioioso repose donc dès l’origine sur l’activité militaire, situation relativement peu courante pour les autres familles patriciennes. La centralité du fief comme résidence principale de la famille est marquée par le fait qu’il accueille le tombeau familial alors que les patriciens milanais choisissent généralement des églises de la capitale. En 1491, Carlo Belgioioso avait fait don de terres situées à proximité de son château de Belgioioso à des Franciscains afin qu’ils érigent un couvent et une église destinée à accueillir les sépultures de la famille, sur le modèle des ducs de Milan qui viennent de relancer la construction de la Chartreuse de Pavie. Mais les Belgioioso ne sont pas pour autant absents de la scène urbaine milanaise, et les bouleversements politico-institutionnels liés aux Guerres d’Italie ont été mis à profit pour intégrer les institutions civiques. On les retrouve en effet, dans les premières décennies du XVIe siècle au Consiglio Generale – qui vient d’être réformé – et au Sénat – qui vient d’être créé37. Jusqu’au XVIIe siècle, la famille ne possède pas de résidence fixe dans la capitale puisqu’elle habite Porta Ticinese, puis Porta Comasina et enfin Porta Nuova, dans laquelle elle se fixe finalement. Cette entrée dans les institutions milanaises semble être à l’origine d’une diversification du profil familial, jusqu’alors exclusivement militaire : Pietro Francesco et son fils Lodovico suivent des études de droit au XVIe siècle. Lodovico apparaît dès lors dans les principales institutions citadines de Milan : le Tribunale di Provvisione dont il est membre à plusieurs reprises, le Consiglio Generale où il siège entre 1565 et 1590, la Fabrique du Duomo, le Conseil des députés de l’Ospedale Maggiore, etc. Il est également proche de la monarchie espagnole, étant nommé gouverneur de Novare en 1572, puis intégrant l’ordre de Santiago. Son frère Francesco semble être le premier de la famille à embrasser la carrière ecclésiastique, détenant plusieurs bénéfices à Pavie et Milan38. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les Belgioioso diversifient donc leur orientation selon un modèle qui commence à s’imposer dans la plupart des familles patriciennes avec la distribution des carrières institutionnelle, militaire et ecclésiastique au sein de la fratrie. Les Belgioioso restent cependant fidèles à leur vocation première, celle des armes, dans laquelle s’illustrent encore de nombreux membres de la famille39. Cette insertion institutionnelle s’accompagne d’un renforcement de l’ancrage résidentiel dans la capitale. Jusqu’alors, la présence de la famille à Milan ne s’expliquait que par l’existence de la cour ducale, et ses rapports avec la société milanaise passaient essentiellement par le filtre de celle-ci. L’implication dans les institutions politiques et caritatives engendre de nouvelles formes de relations sociales avec la mise en place de réseaux clientélistes.

  • 40  Pour cette branche cadette, la consistance de la propriété urbaine au milieu du XVIIIe siècle est (...)
  • 41  Voir acte du 28 mai 1629, r° Orazio Perego (Fondo Notarile cart. 25 765). Le comte Carlo Barbiano (...)
  • 42  À l’âge de 25 ans, en 1718, on le trouve de passage à la cour du duc de Bavière, puis à celle de l (...)
  • 43  La jouissance de cet appartement lui est accordée en 1783 dans l’acte de division des biens entre (...)
  • 44  Il fut capitaine de la maison militaire de l’archiduc Ferdinand, aide de camp puis lieutenant géné (...)
  • 45  Pour les armes du palais milanais : ASCM, Località Milanesi, cart. 38/5. Le même recours existe po (...)

15Les fils de Lodovico sont à l’origine de la division de la famille en deux branches : l’aîné, Alberico III (mort en 1621), donne naissance à la lignée des comtes de Belgioioso qui deviendront marquis d’Este et princes du Saint-Empire. Son frère Galeotto (1570-1626) est à l’origine de celle des comtes de Belgioioso Boccardi Quarterio40. Les deux lignées sont totalement absentes du Consiglio Generale au XVIIe siècle, mais restent présentes dans d’autres institutions urbaines. Divers facteurs peuvent expliquer ce retrait temporaire : la Guerre de Trente Ans qui mobilise les officiers dans tout le territoire européen, l’épidémie de peste de 1630 qui contribue à rendre la ville peu attractive, mais aussi le mariage médiocre de Carlo II avec Francesca Malombra. C’est toutefois à cette époque que les Belgioioso font construire leur palais milanais dans la paroisse de S. Martino in Nosiggia à partir d’un immeuble acquis en 1629 auprès de Maurizio Visconti, leur débiteur41. Cette acquisition marque la fixation définitive de la famille dans la capitale, devenue le lieu de résidence principal puisque tous les fils d’Alberico naissent à Milan. La branche aînée réintègre le prestigieux conseil en 1728 avec Antonio et s’y maintient jusqu’à la fin de l’institution, en 1796. Antonio, par les nombreux voyages réalisés dans sa jeunesse, a été en contact avec diverses cours européennes et a noué des liens étroits avec celle de Vienne42. De retour à Milan, il est nommé commissaire impérial à Trente et chargé de diverses ambassades, tant pour l’empereur qui l’envoie à Parme et à Modène que pour la ville de Milan. Il fait notamment partie du groupe des patriciens milanais chargés de négocier avec Charles-Emmanuel III lorsque les troupes savoyardes se trouvent à proximité de la capitale en 1733. À la mort de Charles VI, en 1740, il se trouve à Vienne où il présente les condoléances du Consiglio Generale à cette occasion. Sans doute se montre-t-il d’un soutien fidèle pour Marie-Thérèse dans le contexte de la Guerre de succession autrichienne puisqu’en 1748, il est nommé Conseiller intime de Sa Majesté Impériale. Quinze ans plus tard, il reçoit l’ordre de la Toison d’Or (1764) et, en 1769, il est fait prince du Saint-Empire avec le droit de battre monnaie en or et argent et d’y apposer son effigie et ses anciens titres de comte de Cunio et de Lugo. C’est alors qu’Antonio entreprend, au cours des années 1770, les travaux qui feront du palais Belgioioso de Milan l’un des plus somptueux de la ville (voir chap. 8). Son deuxième fils, Lodovico, réalise quelques années plus tard une autre construction prestigieuse dans la capitale milanaise : la Villa Belgioioso (puis Villa Reale). Les deux frères ont débuté par une carrière militaire, dans la tradition familiale. Le métier des armes porte Lodovico à occuper des charges de grande importance et le place à la tête d’une fortune considérable. Chevalier de l’ordre de Malte en 1735, chambellan impérial en 1756, il devient capitaine l’année suivante et s’engage alors, au service de l’Autriche, dans la Guerre de Sept Ans. Devenu colonel à la fin de la guerre, il est envoyé par Vienne dans plusieurs ambassades (en Suède en 1765, puis à Londres en 1769) et devient Conseiller intime impérial en 1770. Parallèlement à ses talents diplomatiques, il continue à gravir les échelons militaires puisqu’il est fait général en 1773, puis lieutenant maréchal en 1783. Sa carrière est finalement couronnée par la charge de ministre plénipotentiaire et vice-gouverneur des Pays-Bas autrichiens (1784-1787). En 1790, il revient à Milan et l’appartement dont il dispose dans le palais familial, achevé une dizaine d’années auparavant, ne suffit pas à satisfaire ses exigences de représentation personnelle43. La fortune qu’il possède lui donne ainsi les moyens de se faire construire une somptueuse résidence : la Villa Belgioioso située à proximité du nouveau quartier en vogue de Milan, Porta Orientale, et juste à côté des jardins publics inaugurés quelques années auparavant. Les charges de son frère Alberico témoignent toujours de l’orientation militaire propre à la famille44, tandis qu’il conserve une proximité avec la cour de Vienne : comme son père, il est conseiller intime et gentilhomme de chambre impérial, puis obtient la Toison d’Or en 1790. Son mariage, en 1757, avec Anna Ricciarda d’Este, héritière de la fortune paternelle, avait contribué encore à renforcer le prestige de la famille en lui apportant, outre des biens matériels, les titres de Grand d’Espagne et de marquis d’Este. En 1796, à l’arrivée des armées napoléoniennes, Alberico est arrêté comme les autres décurions et, à sa libération, il se retire dans son château de Belgioioso. Il semble être l’un des rares patriciens à s’être manifesté auprès des autorités républicaines pour obtenir la possibilité de conserver ses armes sur la façade de son palais milanais alors que l’effacement de ces signes de distinction avait été ordonné dans une perspective égalitariste45.

  • 46  Ce constat n’empêche pas pour autant des alliances avec les plus importantes familles milanaises, (...)

16Les Belgioioso représentent donc une famille au profil un peu particulier au sein du patriciat milanais. Ils se distinguent en effet par l’ancienneté de leur statut féodal, par l’absence d’activité commerciale et par leur parcours essentiellement militaire qui est à l’origine de la fortune familiale et dont la tradition a été maintenue au cours des siècles. Un autre aspect les singularise : leur ouverture sur l’espace italien et même européen. Alors que de nombreuses familles milanaises n’ont pas dépassé le niveau local, l’envergure des Belgioioso est élargie au niveau international : en témoignent les contacts d’Antonio et de ses fils avec les principales cours européennes et les responsabilités de Lodovico comme ambassadeur impérial, puis ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas. Les alliances matrimoniales des Belgioioso avec des familles extérieures à la Lombardie soulignent un dépassement de l’endogamie propre au patriciat milanais. En 1685, Giovanni épouse Isabella Wolgenstein, fille d’un noble flamand, et surtout, en 1757, le mariage d’Alberico avec Anna Ricciarda d’Este montre que la famille peut prétendre à une alliance prestigieuse au-delà du cadre lombard46. S’ils sont propriétaires du plus important palais de Milan à la fin du XVIIIe siècle, ils ne considèrent pas l’immobilier urbain comme une source de revenus. Un état des revenus patrimoniaux établi en 1783 démontre en effet que l’immense majorité provient des possessions rurales (tab. 21).

  • 47  Tableau établi à partir de l’acte de division du patrimoine familial entre Alberico et Lodovico : (...)

Tab. 21 – Revenus annuels de la famille Barbiano di Belgioioso (1783)47.

Types de biens

Revenu annuel net (en lires)

%

Possessions rurales

114 793

82 %

Revenus féodaux (moulins, dazio del pane, vino, etc.)

14 448

10 %

Crédits envers des particuliers

1 983

1 %

Immeubles urbains (dont ceux de Milan)

8 656
(3 304)

6 %
(2,4 %)

Total

139 880

100 %

  • 48  Sur les droits féodaux : C. Magni, Il tramonto del feudo in Lombardia, Milan, 1936, en particulier (...)

17Au moins 82 % des revenus annuels sont issus des propriétés terriennes et même 92 % si l’on y inclut les droits féodaux. La part issue des immeubles en location apparaît en revanche très limitée, ne représentant que 6 % des revenus annuels, et même seulement 2,4 % pour les seuls immeubles milanais, car la majorité des édifices possédés se situe en fait à Pavie, Monza ou Belgioioso. Si d’importantes acquisitions ont été réalisées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à Milan, elles visaient exclusivement à la réalisation du palais et d’une place devant celui-ci. La documentation de 1783 nous confirme en effet que seuls deux immeubles sont alors loués à Milan : une petite maison située près du palais, pour un loyer annuel de 206 lires, et une casa da nobile dans la paroisse de S. Eufemia pour 3 098 lires. Les investissements mobiliers semblent quant à eux quasiment inexistants. En dépit de la diminution générale du rapport des droits féodaux à cause de la dévaluation monétaire, ils représentent encore 10 % des revenus de la famille48.

Les Pertusati : des juristes parvenus au patriciat par les institutions royales

  • 49  L’unique bien de location possède cependant une valeur non négligeable puisque le cadastre l’estim (...)
  • 50  Le chiffre est néanmoins à prendre avec précaution car il est possible qu’il ne tienne pas compte (...)
  • 51  Actes du 25 avril 1733, r° Pietro Antonio Rusca ; du 14 octobre 1737, r° Carlo Fabrizio Beretta ; (...)
  • 52  Les règles d’admission exigent que la majorité des possessions foncières du demandeur se trouvent (...)

18Comme les Belgioioso, les Pertusati possèdent un patrimoine urbain dont le nombre de biens s’avère relativement limité en 1751 : le comte Carlo Pertusati ne possède, outre sa résidence, qu’une maison de location contiguë avec quatre boutiques sur le borgo de Porta Romana49. Le cas des Pertusati se singularise également par le décalage important entre les revenus familiaux et la valeur de la résidence : alors que la famille ne déclare que 18 000 lires annuelles en 179850, la valeur de son palais, situé dans la paroisse de S. Calimero, s’éleve à 3 055 scudi. Ce décalage semble s’expliquer par la nécessité de posséder une résidence en adéquation avec les prestigieuses charges institutionnelles occupées par les Pertusati depuis plusieurs générations. L’origine professionnelle de la famille (le monde juridique et plus précisément le notariat) ne leur a pas permis de se constituer un patrimoine comparable à celui de familles qui ont bénéficié de donations princières (tels les Belgioioso) ou qui ont fait fortune grâce au commerce et aux activités financières (tels les Borromeo). Provenant de l’élite locale d’Alessandria, elle doit son arrivée à Milan et son ascension sociale aux charges occupées dans les magistratures monarchiques. Luca Pertusati n’est que le fils et petit-fils d’un notaire lorsqu’il est appelé à devenir avocat fiscal en 1669, et ce sont donc ses compétences juridiques qui sont à l’origine du transfert dans la capitale à la fin des années 1660. Il devient ensuite sénateur en 1672, régent en 1675 (puis en 1680), président du Magistrato Ordinario en 1675 et finalement président du Sénat en 1683. Ses fonctions l’amènent aussi à être membre du Conseil secret en 1675 et 1684. Ses descendants poursuivent le chemin commencé. Pendant deux générations successives, les Pertusati occupent ainsi le poste le plus prestigieux du cursus honorum : la présidence du Sénat, détenue par Luca de 1683 à 1716, puis par Carlo de 1733 à 1753, qui est aussi Grand Chancelier. Durant cinquante-trois ans, la famille se maintient au sommet de la hiérarchie administrative milanaise. Cette fonction, qui est aussi source d’enrichissement, transforme leur statut social et s’accompagne de l’acquisition de fiefs et de titres nobiliaires, puis de la construction d’un somptueux palais dans la capitale. En 1683, l’année même où il devient président du Sénat, Luca acquiert en effet le titre de comte de Castelferro tandis que l’installation dans le palais de Porta Romana semble contemporaine ou quelque peu antérieure. Un demi-siècle plus tard, l’accès de Carlo à la présidence de la même institution semble clairement en relation avec la mise en œuvre de nouveaux travaux visant à agrandir le palais familial. En effet, entre 1733 et 1747, celui-ci achète plusieurs maisons sur le corso de Porta Romana avec l’intention explicite de les « unir » à sa résidence, comme le mentionnent les actes d’achat51. En 1751, les différents biens immobiliers (à l’exception d’une maison avec quatre boutiques) semblent avoir été fondus dans la résidence puisqu’ils n’apparaissent plus dans le cadastre. Les investissements ont donc été réalisés dans la seule perspective d’embellir la demeure et ils expliquent la valeur importante à laquelle elle est estimée au milieu du siècle. Le palais milanais semble donc avoir mobilisé une large part de la richesse familiale et être investi d’une fonction de sur-représentation. La demeure des Pertusati constitue également un important pôle de la vie culturelle milanaise : siège de l’Accademia degli Arcadi, elle accueille aussi une importante bibliothèque et une belle collection de tableaux qui attire les voyageurs de passage à Milan. Au milieu du XVIIIe siècle, moment où le cadastre fait état de l’estimation de leur palais, les Pertusati ne font pas encore partie du patriciat milanais : ils intègrent celui-ci seulement en 1769, après le siècle de résidence imposé (Luca était arrivé à Milan en 1669, au moment de sa nomination comme avocat fiscal). Ils doivent ensuite attendre deux décennies avant de siéger au Consiglio Generale puisque le comte Francesco n’y entre qu’en 1792. Le fait que les terres de Castelferro se trouvent hors de la Lombardie à la suite des redécoupages territoriaux du XVIIIe siècle a sûrement poussé la famille à faire l’acquisition de propriétés à l’intérieur de ses frontières afin de pouvoir répondre aux critères d’admission au patriciat52. C’est ainsi qu’en 1747 Carlo Pertusati obtient le fief de Comazzo, dans la région de Lodi, par réfutation du marquis Antonio Premoli. L’acquisition inaugure la formation d’un deuxième noyau foncier, plus proche de Milan, qui deviendra aussi le lieu de villégiature. Le parcours des Pertusati contribue ainsi à expliquer l’importance de leur palais urbain dans la capitale : résidence de l’un des principaux personnages de l’administration milanaise, il a aussi pour fonction d’exalter le prestige familial en vue d’une admission au patriciat milanais. Le cas des Pertusati est assez singulier par la rapidité de leur ascension sociale et par leur permanence au Sénat, mais d’autres familles, tels les Imbonati, présentent un parcours assez similaire.

Les Ordogno de Rosales : des militaires d’origine espagnole

  • 53  Garzia Menriquez, officier de l’armée espagnole, arrive à Milan au milieu du XVIe siècle. Il devie (...)
  • 54  Archivio Rosales, Eredità cart. 5, acte de division en date du 22 mars 1738.
  • 55  Le transfert des parcelles 215, 216 et 222 (P. Romana, S. Stefano in Broglio) d’Antonio Ferraio à (...)
  • 56  En 1666, le testament de Matteo (Archivio Rosales, Eredità, cart. 1) évalue la richesse de la fami (...)

19Les Ordogno (initialement Ordoño) de Rosales arrivent en Italie au début du XVIe siècle, servant dans l’armée espagnole lors des guerres contre les Français. Les Menriquez (italianisés ensuite en Manriche) ou les Salazar ont un parcours similaire et se caractérisent par leur profil essentiellement militaire qui s’accompagne ensuite, plus ou moins rapidement, de l’exercice de charges institutionnelles53. Les liens des Rosales avec leur pays d’origine, très marqués au XVIe siècle (charges militaires dans les deux pays, alternance des résidences, mariages avec des nobles espagnoles) tendent ensuite à se distendre, parallèlement à un enracinement milanais qui se marque par l’acquisition d’une demeure et par des alliances avec d’anciennes familles patriciennes. En 1751, le marquis Gaspare Carlo de Rosales ne possède à Milan que son palais, estimé 2 500 scudi dans le cadastre, et une maison de location voisine d’une valeur de 1 041 scudi, pour laquelle les archives familiales nous confirment qu’il s’agit d’une autre casa da nobile destinée à la location. Depuis leur implantation à Milan au XVIe siècle, il semble qu’ils n’aient pas eu d’autres immeubles urbains à l’exception de l’Osteria della Cervia et d’une maison voisine avec sostra, acquises en 1644, mais revendues en 173854. Dans les années 1780, Matteo de Rosales acquiert trois parcelles dans la paroisse de S. Stefano in Broglio (Porta Romana), mais on manque d’indication sur leur destination et les archives familiales ne semblent pas avoir gardé la trace de cette acquisition55. Cette importance limitée de la propriété urbaine ne s’explique pas par des raisons économiques. La famille Rosales possède en effet un capital qui avoisine probablement 1,5 millions de lires et la valeur cadastrale du palais (2 500 scudi) montre qu’il s’agit d’une demeure de prestige. Celle-ci ne représente pourtant que 7 % de la richesse familiale56. Ce moindre investissement dans l’immobilier urbain confirme le modèle d’une famille aux origines militaires déjà illustré par le cas des Belgioioso. L’investissement dans les terres a été privilégié, tandis que les occasions d’entrer en possession d’immeubles urbains ont sans doute été plus limitées que pour des familles impliquées dans l’activité financière et bancaire.

  • 57  Sur l’histoire de la famille, voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1. Le Teatro genealogico (cit (...)
  • 58  Le titre de baron de la Colonella passe ensuite à un premier fils illégitime de Benedetto, Don Gio (...)
  • 59  Voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1, fasc 18 : indice delle scritture che si presentano dal M (...)

20La famille Ordogno de Rosales est originaire de Burgos en Espagne57. L’un de ses cadets, Benedetto (ou Benito) de Rosales, troisième fils de Diaz, arrive en Italie dans le contexte des guerres du XVIe siècle. Servant dans l’armée du roi Ferdinand, puis dans celle de Charles Quint, il est envoyé dans le royaume de Naples. En 1532, engagé dans la compagnie d’Antonio de Leyva, il défend Vienne menacée par les Ottomans et obtient cette même année de Charles Quint le titre de baron della Colonella dans le royaume de Naples58. Benedetto s’installe ensuite dans le duché de Milan, qui vient de passer sous contrôle des Habsbourg à la mort de Francesco II Sforza et qui doit être défendu des prétentions françaises. C’est probablement à ce moment qu’est organisé son mariage avec Maria Arce y Leyva, noble espagnole, parente d’Antonio de Leyva, qui est alors gouverneur de Milan et commandant des forces impériales en Italie. De ce mariage naît Matteo, qui perpétue la lignée Rosales en Italie tandis que ses frères s’installent en Espagne. Toutefois, Matteo voyage encore entre l’Espagne et l’Italie et épouse une noble espagnole. Son fils aîné, Giovanni, épouse Giovanna d’Oliveira, sœur du gouverneur d’Alessandria (sans succession), tandis que son deuxième fils, Lesmes, militaire en Espagne et en Italie, épouse lui aussi une noble d’origine espagnole, Barbara d’Egurza, dont la famille possède un fief près de Pavie. C’est ce dernier qui assure la descendance italienne de la famille avec plusieurs fils : Melchiore, Gaspare, Baltassare, Diego et Matteo qui atteignent l’âge adulte. L’une de leurs sœurs, Catterina, épouse Isidoro Casado d’Azevedo, questeur et conseiller royal d’origine espagnole qui détient la vice-présidence du Magistrato Ordinario. Melchiore contrôle temporairement la Trésorerie de l’État de Milan, tandis que son frère Gaspare, chevalier de Santiago, fait partie du Conseil collatéral à Naples. La famille se fixe définitivement à Milan à la fin du XVIe siècle, dans la paroisse de S. Stefano in Broglio où Mechiore Carlo est baptisé en 1598. À la même époque, elle fait construire la chapelle de San Diego dans l’église della Pace pour accueillir les sépultures familiales59.

  • 60  Archivio Rosales, Famiglia, cart. 5.
  • 61  Cittadinanza obtenue pour sa noblesse et son mérite : Archivio Rosales, Famiglia, cart. 5, fasc. 1 (...)
  • 62  Voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1, fasc 18.
  • 63  Voir son testament en date de 1666 dans Archivio Rosales, Eredità, cart 1.
  • 64  Voir Archivio Rosales, Eredità, cart. 7. 1815-16 : per la divisione dei beni tra il Marchese Don L (...)

21Matteo de Rosales, qui recueille finalement l’héritage de ses frères, marque un véritable tournant dans l’implication et la reconnaissance de la famille sur la scène milanaise. Chevalier de Santiago en 1645, il occupe des charges institutionnelles importantes : secrétaire à la guerre en 1636, questeur au Magistrato straordinario en 1643, il est aussi membre du Conseil secret et effectue diverses ambassades60. Il est investi des fiefs de Vailate et Castelleone, dans la province de Crémone, en 1647. Le premier lui permet d’obtenir en 1650 le titre de comte et le second celui de marquis en 1657. Matteo obtient la cittadinanza de la ville d’Alessandria en 1636 – grâce à son oncle d’Oliveira, gouverneur de la ville –, puis celle de Milan en 1646 qui lui ouvre les portes des charges citadines61. C’est lui qui conforte l’ancrage des Rosales dans la paroisse de S. Stefano in Broglio où la famille vivait jusqu’alors dans un immeuble loué aux Parravicini62. Matteo réalise au moins six achats immobiliers dans cette paroisse entre 1644 et 1651, profitant de la conjoncture de crise qui suit la peste de 1630. Les archives ont gardé peu de traces des travaux effectués à cette époque, mais son testament signale l’importance de ceux-ci. Il confirme aussi l’insertion de la famille dans l’espace milanais avec la fondation de plusieurs chapelles, la dotation d’hôpitaux et l’agrandissement du collège des Vierges espagnoles63. Sa préoccupation pour les institutions caritatives après sa mort poursuit une implication commencée sa vie durant, puisqu’il avait été élu député à la Fabrique de S. Stefano in Broglio avec le prince Trivulzio en 1648. Matteo, décédé en 1674, est le premier de la famille à épouser une noble italienne, Apollonia de Facini, originaire de Vicence. Par la suite, ses descendants confirment cet abandon des alliances espagnoles pour renforcer les liens avec des familles de la noblesse italienne : son fils Melchiore épouse Maria Fossati D’Adda tandis que son frère aîné, Gaspare, se marie en 1653 avec Anna Violante Novati e Bentivoglio, proche de l’impératrice Éleonore. Leur fils Diego poursuit l’ascension sociale de la famille et son insertion dans le duché de Milan : en 1717, il entre au Consiglio Generale et épouse Teresa Visconti, fille du Grand Chancelier Pirro. Cette alliance apparaît déterminante pour renforcer l’inscription de la famille dans les réseaux impériaux. Gaspare (q Diego) effectue des études de droit qui lui permettent d’entrer au Collège des Jurisconsultes. Décurion comme son père, il obtient le titre de Grand d’Espagne et meurt à Milan en 1791. Ses descendants renforcent les liens avec le pouvoir autrichien, comme le laisse supposer la propriété d’une maison à Vienne en 1815 qui est alors évaluée 230 250 lires64.

  • 65  Arch. Rosales, Eredità, cart. 1.
  • 66  Arch. Rosales, Fondo amministrazione, cart. 3.

22Comme pour les Belgioioso, les investissements dans l’immobilier locatif urbain apparaissent très limités. En 1666, ils ne représentent que 6,5 % de leurs revenus annuels (3 292 lires sur un total de 50700 lires)65. En 1736, dans un contexte de crise économique, les immeubles milanais ne rapportent plus que 1 740 lires sur les 45 500 lires que constituent les entrées brutes de la famille (soit seulement 3,8 %)66. À cette date, une part non négligeable des revenus provient d’investissements dans les tanneries de Pavie (impresa delle pelli verdi di Pavia) qui rapportent 8 400 lires, soit 18 % des revenus familiaux. La part des autres placements financiers est vraiment minime (un revenu de 610 lires par an provenant du Banco di S. Ambrogio). L’essentiel provient donc nettement des propriétés terriennes.

Des patrimoines urbains importants et diversifiés : le monde du commerce et de la finance

  • 67  G. Tonelli, Affari e lussuosa sobrietà. Traffici e stili di vita dei negozianti milanesi nel XVII (...)

23Les familles à la tête des principaux patrimoines urbains possèdent quasiment toutes la caractéristique de s’être enrichies grâce au commerce et à la finance. Pour certaines, l’implantation milanaise est antérieure au XVIe siècle (c’est le cas des Borromeo, Litta, Arese), pour d’autres, l’installation dans la capitale s’est faite seulement au XVIIe (Clerici, Durini, Lucini, etc.). Parmi ces dernières, plusieurs proviennent de la région de Côme, qui occupe une position stratégique dans le négoce international, au débouché des Alpes. Giovanna Tonelli a pu mettre en évidence la capacité de certaines familles marchandes à s’enrichir nonobstant la crise économique du XVIIe siècle : elles s’adaptent aux évolutions de la conjoncture, faisant désormais le choix d’importer des biens manufacturés et d’exporter des productions agricoles67. C’est donc une activité économique fondamentalement urbaine qui est à l’origine de leur position sociale, même si celle-ci a souvent été abandonnée au XVIIIe siècle. La nature même de cette activité explique en grande partie les investissements réalisés dans le cadre urbain. Parmi ces familles, beaucoup pratiquaient en effet des opérations de crédit qui leur ont permis d’entrer en possession des propriétés de leurs débiteurs. Ces investissements urbains ne se sont toutefois pas effectués aux dépens d’autres formes de placements car ces familles ont aussi investi massivement dans l’achat de terres au XVIIe siècle.

  • 68  Il s’agit des familles correspondant au groupe 5 dans le tableau 2 et les suivants. On y a ajouté (...)

Tab. 22 – Familles dont le patrimoine immobilier milanais est supérieur à 10 000 scudi en 175168.

Tab. 22 – Familles dont le patrimoine immobilier milanais est supérieur à 10 000 scudi en 175168.
  • 69  P. Mainoni, Mercanti lombardi tra Barcellona e Valenza nel basso medioevo, Bologne, 1982 (et en pa (...)
  • 70  P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta sino alla fine del Settecento, dans ASL, 1971-73, p. (...)
  • 71  Sur le parcours ascensionnel de la famille, voir C. Cremonini, IClerici di Cavenago : una famiglia (...)
  • 72  Gabrio Recalcati entre 1592 et 1617, puis son fils Paolo à partir de 1630.
  • 73  Cette activité financière est manifeste pour Giovanni Battista dans les années 1740 : G. Fumi, Fam (...)

24L’essor de la plupart de ces familles s’est réalisé grâce au négoce et à la finance. Plusieurs de ces lignages ont ainsi occupé un rôle de tout premier plan dans le commerce international, et leur aire d’exercice s’est déplacée, en fonction de l’évolution des grands axes commerciaux, de la Méditerranée vers l’Atlantique. Au début du XVe siècle, une large part des intérêts des Borromeo se trouvait à Barcelone69. Un siècle plus tard, alors que ceux-ci semblent s’être retirés de l’activité commerciale, les Litta, autre grande dynastie de négociants milanais, sont en relation avec le Portugal où ils profitent des bénéfices importants dégagés par le commerce des épices70. Au XVIIe siècle, dans une conjoncture économique bien différente, la fortune des Clerici repose sur le commerce du textile avec les pays allemands71. Ces familles ont ainsi accumulé une richesse importante qui leur a permis d’effectuer des prêts aux souverains et de contrôler les finances publiques. Les Recalcati, ancienne famille de négociants, occupent ainsi pendant plusieurs décennies la charge de commissaire général des finances du duché72 ; les Calderara détiennent quant à eux la Ferme du sel pendant plusieurs générations au XVIIe siècle. Guido Mazenta est provicario du Banco di Sant’Ambrogio. Ces charges sont l’occasion de conforter la fortune accumulée et constituent souvent le premier pas vers l’anoblissement. Certes, pour certaines des familles figurant dans le tableau, la richesse repose moins ouvertement sur le commerce : c’est le cas des Archinto ou des Visconti di Somma, de vieilles familles féodales. Toutefois, pour cette dernière, une large partie des immeubles milanais provient de l’héritage des Pirovano Modrone à la fin du XVIIe siècle. Par ailleurs, la famille est aussi impliquée dans des opérations financières de crédit qui constituent souvent le moyen de récupérer des immeubles provenant de débiteurs insolvables73. À une échelle patrimoniale un peu plus modeste, le cas des Rovida ou des Pozzobonelli confirme encore le lien entre l’origine marchande de la famille et la possession d’un patrimoine immobilier important dont la fonction principale est de procurer des revenus à la famille (voir chap. 5).

Les Borromeo : des négociants devenus de puissants seigneurs féodaux

  • 74  Sur les Borromeo : F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit.
  • 75  Voir G. Chittolini, « Vitaliano Borromeo », dans Dizionario biografico degli Italiani, Rome, 1971, (...)
  • 76  A. Annoni, Lo Stato Borromeo, dans L’alto milanese all’epoca di Carlo e Federico Borromeo : societ (...)
  • 77  P. Mainoni, Mercanti lombardi tra Barcellona e Valenza... cit., (chap. 4, p. 90-121). Les trois fi (...)
  • 78  ABIB, Milano, Piazza Borromeo casa 2852/7 acquisti.

25Impliquée dans le négoce depuis la fin du XIIe siècle, la famille Borromeo possède déjà une fortune importante lorsqu’elle quitte Florence pour des raisons politiques à la fin du XIVe siècle74. En arrivant à Milan, dans les années 1370, sa puissance financière lui permet de se rapprocher des ducs auxquels Giovanni Borromeo prête de l’argent. Son fils adoptif, Vitaliano, obtient la cittadinanza milanaise en 1406, puis devient Grand Trésorier du duché entre 1418 et 143075. En retour de son appui financier, les ducs de Milan favorisent les acquisitions foncières de la famille et lui accordent de nombreux fiefs, ce qui permet à Vitaliano de se retrouver, en quelques années, à la tête d’un domaine féodal exceptionnel, constituant un véritable État dans l’État76. Vitaliano achète ainsi en 1431 Pescheria aux portes de Milan puis, en 1437, Palestro, dans la région de Vigevano sur la route de Gênes. Entre 1439 et 1442, la famille entre en possession des fiefs d’Arona, Lesa et Cannobio, à proximité du lac Majeur ; en 1440 des biens de Camairago dans la région de Lodi ainsi que des fiefs de Bra et Cherasco, à nouveau sur la route de Gênes ; en 1447, elle obtient le fief de Borgo Ticino, Vogogna et Mergozzo (Valle d’Ossola centrale et méridionale) ainsi que celui de Bissone dans la région de Pavie. Elle renforce également son ancrage sur les rives du lac Majeur par l’achat de terres et la fortification du château d’Arona. En 1448, Vitaliano acquiert de nombreuses terres à Robecco et Cusago sur le Naviglio Grande, ainsi qu’à Gallarate et Pizzighettone. En 1449, l’achat d’Angera et de terres sur la rive orientale du lac Majeur donne aux Borromeo le contrôle total du lac puisqu’elle était déjà présente sur la rive occidentale à Arona. La présence sur la route de Gênes s’explique par les intérêts commerciaux et financiers que possède la famille dans la république ligure : Vitaliano est lié au Banco di S. Giorgio et devient même patricien de Gênes en 1445. Ces investissements terriens importants sont financés par l’activité commerciale et surtout financière. Les Borromeo sont, en effet, présents sur les principales places européennes au cours du XVe siècle, en particulier à Barcelone, Bruges et Londres où ils exercent une activité bancaire. La décennie 1430 correspond à l’expansion maximale de la compagnie77. C’est à ce moment que Vitaliano reconstruit la résidence de S. Maria Pedone, où la famille était déjà implantée depuis son arrivée à Milan à la fin du siècle précédent. En 1416, Giovanni Borromeo avait donné à son neveu et fils adoptif, Vitaliano, une casa grande et deux autres maisons situées dans cette paroisse qu’il avait probablement acquises vers 139878. Vitaliano mène ensuite une politique d’acquisition des immeubles voisins : de 1427 à 1438, ce sont huit biens qui sont acquis, pour la somme totale de 2 772 lires milanaises et 660 florins (cf. tab. 23).

Tab. 23 – Acquisitions réalisées par Vitaliano Borromeo dans S. Maria Pedone (XVe siècle).

Tab. 23 – Acquisitions réalisées par Vitaliano Borromeo dans S. Maria Pedone (XVe siècle).
  • 79  L. Patetta, L’Architettura del Quattrocento a Milano, Milan, 1987, p. 241-243.
  • 80  S. Buganza, Palazzo Borromeo : la decorazione di una dimore milanese al tramonto del gottico, Mila (...)
  • 81  Sur la formation de la place par Vitaliano : S. Latuada, Descrizione di Milano, IV, Milan, 1737-38 (...)
  • 82  Sur la chapelle : L. Patetta, L’Architettura del Quattrocento a Milano, Milan, 1987, p. 96-97. Sur (...)
  • 83  ABIB, Milano, Porta Comasina Nuova ; Porta Orientale Romana ; Porta Ticinese Vercellina.
  • 84  ABIB, Milano, Terraggio Ticinese. Acte du 22 septembre 1682, r° Franc Maria Zamara Ottolino : vent (...)

26Ces propriétés servent principalement à l’agrandissement de la résidence familiale où d’importants travaux sont réalisés. Celle-ci se présente sous la forme d’un noyau résidentiel seigneurial autour duquel se distribuent dans des cours mineures bureaux, magazzini, appartements pour les invités et habitations plus modestes pour les subalternes79. Le palais est alors l’un des plus fastueux de la ville et accueille Alphonse le Magnanime en 1435 lors de son passage à Milan. L’accélération des aménagements intérieurs dans les années 1440 est contemporain de l’obtention du titre de comte en 1445. À cette date, de grands artistes comme Michelino da Besozzo, Giacomo et Cosme Biffi, Giovanni da Vaprio, Pietro Marchesi travaillent aux décorations intérieures80. Ces travaux sont accompagnés par la réalisation d’une place devant le palais et l’église de S. Maria Pedone, grâce à l’acquisition de plusieurs maisons qui sont démolies81. Cette place demeure la propriété de la famille jusqu’en 1976 et constitue l’un des principaux exemples de place privée nobiliaire à Milan. Au XVe siècle, elle représente le lieu d’expression du prestige familial à travers l’organisation de jeux, notamment de tournois, qui témoignent de la culture chevaleresque adoptée par les familles issues du commerce. À la même époque est également construite la chapelle de la famille dans l’église de S. Maria Pedone (1440-45)82. Alors que les façades de nombreux palais milanais sont l’objet de travaux au cours des XVIIe et XVIIIe siècles pour les adapter aux nouveaux critères architecturaux, le palais Borromeo conserve les traces de ses origines du XVe siècle et représente toujours le centre du patrimoine familial au milieu du XVIIIe siècle. Estimé 5 555 scudi (soit la valeur maximale pour un édifice non commercial), il est entouré de trois maisons de location voisines (dont l’une est en fait rattachée à la paroisse de S. Pietro alla Vigna). Deux de ces maisons de location sont architecturalement intégrées au palais puisqu’il est précisé dans le cadastre que « sopra si estendono i superiori d’abitazione Borromeo ». Le noyau immobilier de S. Maria Pedone n’atteint pourtant que le tiers de la valeur du patrimoine urbain de la famille (20 179 scudi). Les treize autres immeubles locatifs sont dispersés dans la ville, mais ils se trouvent à l’intérieur des canaux, dans le noyau urbain médiéval (pl. IV). Il s’agit de neuf boutiques localisées dans les paroisses très commerciales de S. Tecla nella Metropolitana et S. Maria Beltrade, d’une maison avec sostra dans le quartier de Porta Ticinese, d’une hôtellerie et de trois maisons de location dans la paroisse de S. Eufemia (PR). Ces biens ont été acquis pour la plupart au cours du XVe siècle83, mais aussi un peu plus tard, telle la maison avec sostra achetée en 168284. Une partie des immeubles provient également de l’héritage Arese à la fin du XVIIe siècle.

  • 85  Les enjeux de ces différentes alliances sont présentés par C. Cremonini, Ritratto politico cerimon (...)
  • 86  Celui-ci a été envisagé par C. Cremonini, Ritratto… cit., mais aussi dans Id., Storia di un ecliss (...)
  • 87  Seuls les Castiglione avec quatorze décurions et les Litta avec treize décurions peuvent avoir une (...)
  • 88  M. Canella, I Borromeo tra il XVII e il XIX secolo : un grande casato dall’antico regime all’età c (...)

27Au XVIe siècle, la famille Borromeo se retire de l’activité commerciale tandis que ses membres s’engagent dans des carrières ecclésiastiques et militaires. Une politique matrimoniale judicieuse la lie aux principales familles princières italiennes (Visconti, Farnèse, Gonzaga, Della Rovere) et à la noblesse romaine (Colonna, Altemps, Barberini) sans négliger pour autant les grandes familles patriciennes milanaises (Trivulzio, D’Adda, Arese, etc.)85. Dans le contexte des Guerres d’Italie, elle constitue un soutien pour Charles Quint puis, pendant plusieurs décennies, elle contrôle l’archevêché de Milan avec Carlo (1566-1584), puis Federico (1595-1631). La puissance de la famille et la possession de deux places fortes stratégiques (Angera et Arona) lui valent toutefois une certaine méfiance du pouvoir monarchique au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Ceci, associé à la personnalité contestée de Carlo III, vaut à la famille un ostracisme institutionnel de plusieurs décennies86. En 1651, Giovanni rentre au Consiglio Generale après une absence de la famille de plus de quatre décennies, et la génération successive voit même deux membres de la famille (Renato et Vitaliano) y siéger ensemble. D’un point de vue numérique, l’insertion des Borromeo au Consiglio Generale, avec quatorze décurions entre 1535 et 1796, apparaît exceptionnelle87. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la famille réussit à renforcer les liens avec la cour impériale sans trancher ceux qui existaient avec la monarchie espagnole. Vitaliano VI s’engage ainsi au service de l’armée impériale, puis obtient la charge de commissaire pour les fiefs impériaux en Italie en 1679. En 1652, l’alliance de Renato avec Giulia Arese, fille du puissant Bartolomeo, président du Magistrato Ordinario, puis du Sénat et régent à Madrid consolide le pouvoir de la famille, mais aussi la richesse de celle-ci puisque Giulia est héritière de son père avec sa sœur Margherita. Leur fils Carlo est nommé vice-roi de Naples (1710-1713), puis conseiller intime de l’empereur et chevalier de la Toison d’or88.

  • 89  Les différentes modalités de gestion de ces biens et leurs rapports locatifs seront envisagés au c (...)
  • 90  Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 31 (Borromeo). Détail des immeubles rapportant u (...)
  • 91  Il s’agit d’une maison avec trois boutiques dans la contrada dei Capellari (1580 L), d’une maison (...)

28En 1751, le patrimoine urbain de la famille associe donc une prestigieuse résidence à la fonction représentative et un immobilier locatif89. Si le nombre de biens détenus dans la ville est particulièrement important (17 parcelles pour une valeur dépassant les 20 000 scudi), leur part dans les revenus familiaux reste relativement faible, étant donné les importantes possessions foncières situées hors de Milan. En 1735, les revenus annuels procurés par les biens qui n’entrent pas dans la primogéniture s’élèvent à 206 517 L dont seulement 2,5 % proviennent d’immeubles situés à Milan. Quatre maisons données en livello rapportent 739 lires90 tandis que les contrats locatifs produisent une rente de 4 603 lires dont 2 333 proviennent du loyer d’un palais situé dans la contrada Rugabella. Les biens concernés par la primogéniture rapportent quant à eux 118 246 lires en 1735, dont 6 972 résultent de la location des immeubles milanais, soit près de 6 %91. Les Borromeo constituent ainsi un exemple singulier par l’importance de leur patrimoine urbain pour lequel seuls les Clerici (I) et les Litta peuvent rivaliser.

Les D’Adda : une dynastie marchande aux patrimoines plus modestes

  • 92  F. Calvi, Famiglie notabili… cit., Antonio fut trésorier de la Chambre ducale au milieu du XVe siè (...)
  • 93  S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale. Storia e arte tra XVI e XVIII secolo, Milan, 2008. L’auteur (...)
  • 94  S. Leydi, cit., p. 33 rapporte l’état des finances de la société D’Adda en 1539. Parmi les princip (...)
  • 95  S. Leydi, La famiglia d’Adda… cit.

29La famille D’Adda, originaire de la Brianza, apparaît implantée à Milan depuis le XVe siècle lorsqu’elle elle figure dans l’entourage ducal92. Au XVIe siècle, elle est devenue l’une des principales dynasties de banquiers marchands de la capitale lombarde93. Ayant accumulé des capitaux grâce au commerce (en particulier au commerce de la laine, particulièrement prospère jusqu’à la fin du XVIe siècle), elle les investit dans la finance94. Outre de bonnes relations avec les monarques, utiles dans une perspective d’acquisition de fiefs et titres nobiliaires, les prêts à la Camera dello Stato s’avèrent particulièrement profitables puisqu’ils peuvent rapporter jusqu’à 18 ou 24 %. Les investissements dans la Ferme du sel, dans le dazio del vino et la mise en bouteille, dans divers droits sur les eaux se révèlent aussi très fructueux, offrant un rendement de 10 à 12 %. Au début du XVIe siècle, les fils de Pagano I avaient donné naissance à différentes lignées dont trois se maintiennent au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. La lignée de Gaspare deviendra celle des D’Adda Salvaterra, la lignée de Rinaldo celle des marquis de Pandino et la lignée de Francesco celle des comtes de Sale. Au XVIe siècle, Rinaldo est encore marchand de laine et banquier avec son frère Palamède. Ses fils, associés avec les Affaitati et les Fugger, poursuivent l’activité commerciale en Italie et à l’étranger, en particulier à Valence en Espagne. Ces immenses richesses familiales sont ensuite investies dans l’achat de terres, de fiefs puis de titres nobiliaires. Giovanni Agostino D’Adda, dans son testament de 1550, impose du reste à ses héritiers de liquider les placements commerciaux et financiers pour les investir dans des biens immobiliers, alors que son frère vient d’acquérir le titre de comte l’année précédente95. Faut-il y voir la volonté de conforter un statut aristocratique qui s’accommode désormais mal avec l’exercice du négoce et de la finance ? Ou est-ce un conseil à teneur essentiellement économique, Giovanni Agostino voyant la conjoncture changer ?

  • 96  Au milieu du XVIe siècle, trois D’Adda siègent ainsi au Consiglio Generale : Giovanni Agostino à p (...)
  • 97  S. Leydi, cit. p. 35. Le testament de Francesco D’Adda, en date du 7 novembre 1575, demande qu’il (...)
  • 98  M. Canella, Il palazzo D’Adda in via Olmetto a Milano e l’edificio attuale, dans M. G Bascapè, P. (...)
  • 99  Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 83. Acte du 1er octobre 1734. Les immeubles vendus (...)
  • 100  ASM, Catasto, Trasporti : il s’agit des parcelles n° 111, 112, 103 et portion du n° 142.
  • 101  Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 72 : Erasmo (q Rinaldo) D’Adda achète le 25 octo (...)
  • 102  Le lieu de décès de Paolo Camillo provient de F. Calvi, Famiglie milanesi, cit. Les registres des (...)

30Les D’Adda sont présents dans les principales institutions milanaises de manière quasiment continue depuis le milieu du XVIe siècle jusqu’en 1796 et plusieurs branches de la famille peuvent y siéger de manière contemporaine96. Les lignées des comtes de Sale et des marquis de Pandino se font également construire de prestigieuses sépultures familiales à Milan : dans une chapelle de S. Maria delle Grazie pour les premiers et dans une chapelle de S. Ambrogio pour les seconds. Cette dernière est acquise par Pagano II et décorée de fresques illustrant l’histoire de S. Giorgio par Bernardino Lanino97. Toutefois, au milieu du XVIIIe siècle, le patrimoine urbain des D’Adda semble relativement restreint. La lignée des comtes de Sale, qui possède les propriétés les plus nombreuses à Milan, ne détient que six unités immobilières pour un total de 4 562 scudi dans le cadastre, au nom du comte Francesco. Le palais de S. Fermo, estimé 1 666 scudi, ne se place pas parmi les principaux palais milanais en termes de valeur98. Les autres immeubles sont des maisons de location dont certaines avec boutiques, situées principalement dans la paroisse voisine de S. Michele alla Chiusa. Le marquis Febo D’Adda, marquis de Pandino, a comme unique propriété à Milan son palais de Porta Nuova (parroisse de S. Bartolomeo), estimé 2 500 scudi, et une petite maison de location voisine (estimée 172 scudi). D’autres propriétés urbaines, provenant des Buttintrocchi (famille maternelle de Febo), viennent d’être vendues pour solder des dettes. En 1734, le marquis Febo avait ainsi cédé à Stefano Lavezzari, quatre immeubles dont deux case da nobili pour un prix total de 74 272 lires qui sont destinées à rembourser divers créditeurs99. Ces immeubles, périphériques par rapport au cœur du patrimoine représenté par le palais, sont donc utilisés pour assainir la situation financière tandis que quelques décennies plus tard, l’emprise spatiale autour du palais est renforcée avec la finalité d’agrandir celui-ci. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, plusieurs autres immeubles sont ainsi achetés dans S. Bartolomeo100. La priorité est donc donnée à la fonction de représentation. Quant à la troisième lignée, celle des D’Adda Salvaterra, elle ne possède qu’un seul immeuble à Milan, situé dans la paroisse de S. Martino in Nosiggia (Porta Nuova) : il s’agit de la résidence familiale (2 500 scudi) dont l’origine remonte au moins à la première moitié du XVIe siècle101. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, cet immeuble est vendu au prince Belgioioso qui l’utilise pour les travaux d’agrandissement de son palais et la réalisation d’une place. La famille se transfère alors dans le Borgonuovo où Paolo Camillo (q Giuseppe) meurt en 1787102.

31L’exemple de la famille D’Adda nuance donc le constat qui associait les gros patrimoines urbains au monde du négoce et de la finance. Ce constat n’en reste pas moins valable, comme le démontre l’origine sociale de la majorité des familles représentées dans le tableau 22. Plusieurs de celles-ci seront étudiées au chapitre 5 qui envisage la formation de quelques gros patrimoines urbains.

Les destins d’une famille aux branches multiples : les Attendolo Bolognino entre Milan, S. Angelo et l’Espagne

32La famille Attendolo Bolognino appartient à une ancienne noblesse féodale, encore très marquée par la tradition militaire au XVIIIe siècle et enrôlée, grâce au service des armes, dans divers réseaux monarchiques européens. En 1770, lors des enregistrements effectués par le Tribunal d’héraldique, huit membres de la famille présentent leur blason commun : Gian Giacomo, Sforza, Giuseppe, Paolo, Vittorio, Ferdinando, Francesco et Idelfonso. Ils partagent tous le même fief de S. Angelo, mais appartiennent à quatre branches distinctes de la famille qui ont mené des parcours différents. Les familles portant le même nom et descendant d’une origine commune sont assez nombreuses à Milan : on dénombre en effet une cinquantaine de familles qui possèdent deux à quatre branches, les Visconti constituant un cas particulier par l’importance de leurs ramifications. La création de ces lignages remonte à des époques différentes. Lorsque les divisions ont été opérés avant le XVIe siècle, soit avant l’imposition de la primogéniture dans les successions féodales, les différents lignages partagent souvent le même fief : c’est le cas des Attendolo Bolognini, qui sont tous confeudataires de Sant’Angelo.

Une noblesse féodale aux traditions militaires

  • 103  Archivio Attendolo Bolognini Morando (ABM), fasc. 74, investiture en date du 15 mars 1452. Elle co (...)
  • 104  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 5 (cittadinanza pavese) et fasc. 18 (cittadinanza milanese).
  • 105  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 31.
  • 106  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 36 : le 3 décembre 1501, Louis XII restitue aux frères Giovanni Ma (...)
  • 107  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 51 : acte de dot en date du 20 janvier 1526.

33Les premières informations sur la famille remontent au XVe siècle, lorsque Gian Matteo, originaire de Bologne (et appelé pour cela « il Bolognino »), s’engage sous la bannière des ducs de Milan, comme condottiere. Pour le récompenser de ses services, Filippo Maria Visconti lui offre, en 1436, les biens de Giovanni Visconti qui vient de mourir sans héritier. En 1447, à la mort de Filippo Maria, Gian Matteo, qui est castellano de Pavie, se range au côté des Sforza. En signe de gratitude, le duc Francesco l’investit en 1452 du fief de S. Angelo, avec le titre de comte103. Deux ans plus tard, en 1454, Bianca Maria lui offre des terres situées dans les territoires d’Olevano et de Ceretto Lumellina (région de Pavie). De manière assez similaire aux Belgioioso, c’est donc la carrière militaire comme condottiere au service des ducs de Milan qui est à l’origine de l’arrivée dans le duché au XVe siècle et de la fortune familiale. Parallèlement à ses fonctions militaires et au renforcement de sa position économique, la famille cherche à s’intégrer dans la vie institutionnelle locale en obtenant les privilèges liés à la cittadinanza. En 1456, Gian Matteo obtient ainsi la cittadinanza de Pavie pour lui et ses descendants, puis son fils Giovanni reçoit celle de Milan, en 1472, par un diplôme du duc Galeazzo Maria104. En 1489, Giovanni, qui est alors conseiller ducal, vend les derniers biens de la famille situés dans la région de Bologne, marquant ainsi son implantation définitive dans le Milanais105. Dans le contexte des guerres d’Italie, les Bolognini Attendolo réussissent à maintenir leurs droits sur le fief de S. Angelo moyennant parfois des compensations financières106. Les descendants de Matteo contractent des alliances avec des familles proches de l’entourage ducal qui représentent l’élite sociale milanaise des XVe et XVIe siècle : Giovanni épouse Caterina Castiglione, puis son fils Francesco Isabella Borromeo, veuve en premières noces de Giuliano de Medici ; Giovanni Paolo épouse en 1526 Paola Visconti Borromeo qui lui apporte une dot de 30 000 lires107. Ses descendants s’allient ensuite aux Litta, Rabia, Cavazzi della Somaglia, renforçant le réseau local de la famille. La génération des fils de Francesco intègre au début du XVIe siècle les institutions urbaines milanaises, bénéficiant d’appuis familiaux et profitant des bouleversements politico-institutionnels engendrés par les Guerres d’Italie. Giovanni Matteo, fils de Francesco et Isabella, devient ainsi membre du Consiglio Generale en 1513, pour la paroisse de S. Pietro sul Dosso.

  • 108  G. De Caro, « Ferrante Bolognini Attendolo », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. 11, (...)
  • 109  ABM, pergamene, fasc. 65, 66, 67.
  • 110  La généalogie de F. Calvi (Famiglie notabili… cit.) fait état de deux autres décurions dans la fam (...)
  • 111  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 59 : 1560, 26 janvier : Philippe II, roi d’Espagne, confère au com (...)

34Au XVIIe siècle, la famille conserve l’orientation militaire qui est à l’origine de sa fortune et se met au service de la monarchie espagnole. Sa singularité, partagée avec d’autres lignages au profil militaire, se marque par le fait que la carrière des armes n’est pas réservée aux seuls cadets. Elle concerne d’abord les chefs de famille. Giovanni (1592-1646, branche I) est capitaine d’une compagnie de 200 fantassins au service du roi d’Espagne. Ferrante (dit aussi Ferdinando, 1594-1644, branche II) s’illustre durant la Guerre de Trente ans, combattant sur les terrains italien, flamand et allemand108. Il participe notamment à la victoire impériale de Nordlingen en 1634. Son frère, Carlo Massimiliano, est ambassadeur du gouverneur espagnol de Milan dans la péninsule italienne au cours des années 1620. Trois fils de celui-ci (Filippo, Massimiliano et Federico) embrassent la carrière militaire et rejoignent leur oncle sur les terrains européens de la Guerre de Trente Ans. Leur cousin Carlo (1603-1677, q Claudio) est quant à lui lieutenant dans l’armée espagnole de 1652 à 1664. Plusieurs membres de la famille font aussi partie de l’ordre de Malte au XVIIe siècle : Ferrante y est admis en 1609 et combat les Turcs aux batailles de Lesbo et Foggah avant de s’engager dans la Guerre de Trente Ans. Giuseppe, devenu chevalier de Malte en 1654, obtient ensuite diverses commendes de l’ordre109. Si l’orientation militaire est donc dominante, l’engagement dans les institutions milanaises demeure en revanche modeste au XVIIe siècle. Les Bolognini ne font pas partie de ces familles historiques présentes de manière continue au Consiglio Generale. Seuls deux de ses membres figurent comme décurions durant la période espagnole : Carlo Massimiliano (lignée II) de 1622 à 1627, puis Galeazzo (lignée I) de 1678 à 1693. Ce dernier eut également la charge de remettre en exercice la milice urbaine en 1690110. L’implication dans les institutions urbaines se réalise en réalité surtout à travers des charges au Tribunale di Provvisione et concerne principalement la branche III. Au niveau des institutions monarchiques, seul Ferrante (branche II) se distingue par son entrée au Conseil secret en 1643. Celle-ci est étroitement liée à ses compétences militaires, particulièrement recherchées à un moment où Milan se voit menacée par les armées ennemies. En effet, l’admission dans la plupart des institutions monarchiques nécessite une formation juridique que les membres de la famille ne possèdent pas. Seul Cesare (q Giovanni Paolo) au XVIe siècle, puis Ferdinando / Giacomo I au XVIIe font le choix de la toge sans toutefois délaisser pour autant l’épée. Cesare est ainsi le seul membre de la famille à entrer au Sénat111. Au XVIIIe siècle, les destinées des différentes branches de la famille apparaissent diversifiées. Seule la branche III est propriétaire à Milan dans le cadastre thérésien et occupe des charges institutionnelles. Les autres lignées se sont éloignées de la capitale lombarde, résidant sur leurs terres de S. Angelo ou demeurant principalement en Espagne. Les difficultés financières des branches I et II, l’engagement continu des branches I et IV dans l’armée espagnole, y compris après le passage à la souveraineté autrichienne, contribuent à expliquer leur absence de la scène milanaise vers 1750. Mais il ne faut pas conclure pour autant, trop rapidement, à une marginalisation de la famille : les funérailles grandioses de Vittorio (en 1775) ou l’accès au poste de chambellan impérial de Giacomo témoignent de la reconnaissance sociale dont elle bénéficie à la fin du XVIIIe siècle.

Des choix résidentiels diversifiés : le devenir des différents lignages

35Sur les quatre branches que compte la famille Attendolo Bolognino au milieu du XVIIIe siècle, une seule est propriétaire dans la capitale : il s’agit de la branche III représentée par le comte Ferdinando (q Giuseppe) qui possède sa résidence avec jardin située dans la paroisse de S. Pietro alla Vigna, à proximité du monastère de S. Ambrogio (estimée 1805 scudi). Les autres branches de la famille ne possèdent pas, à cette date, d’ancrage durable dans la capitale, ayant connu des parcours différents qui les ont amenées à s’éloigner de la Lombardie ou à se retirer sur leurs terres de S. Angelo.

Les branches I et II : de la marginalisation politico-économique au rétablissement

  • 112  ABM, cart. 41 : documents datant de 1751 sur le « concorso creditori » des comtes Giovanni, Antoni (...)
  • 113  Calvi lui attribue des efforts pour l’embellissement de la ville de Carthagène (réfection des rues (...)
  • 114  ABM, cart. 55. 448 000 lires sont dues à ses créditeurs et 50 000 lires doivent financer les dépen (...)

36La branche aînée est celle des descendants de Galeazzo I qui fut décurion du quartier de Porta Romana en 1518. Vers 1690, le lignage est implanté dans la paroisse de S. Giovanni Quattro Faccie, comme en témoignent la charge de Galeazzo de réorganiser la milice de Porta Comasina à cette date et l’acte de baptême de son fils, Giovanni (1669-1741). Ce dernier semble toutefois contribuer à marginaliser la famille dans la première moitié du XVIIIe siècle. F. Calvi le considère « decaduto di fortuna » et précise qu’il est mis aux arrêts dans sa maison durant 235 jours, puis emprisonné en 1718-19, sans en préciser les raisons. Il est toutefois probable qu’il s’agisse d’un fort endettement comme le laissent entendre des documents postérieurs. Toutefois, la destinée du père épargne le fils, Galeazzo, qui reste bien inséré dans la société milanaise puisqu’il reçoit dans sa maison de Milan, en 1739, le prince électeur de Saxe. Proche du roi Charles II de Naples qui lui confie diverses charges diplomatiques dans les années 1740-1750 (en Saxe, puis en Bavière et en Pologne), il accompagne son protecteur à Madrid, mais revient terminer sa vie en Italie en 1762. Il a épousé Margherita Cittadini (q Lodovico) qui, en 1776, est admise à la cour de l’archiduc Ferdinand, mais se trouve sans descendance. Au milieu du XVIIIe siècle, lorsqu’est réalisé le cadastre, son absence de Lombardie peut expliquer qu’il ne soit pas propriétaire dans la capitale, mais il est aussi fort possible que des difficultés économiques y aient contribué. En effet, lorsque son cousin Vittorio est de passage à Milan en 1752, il trouve les affaires de sa famille en très mauvaises conditions suite à l’endettement de son père Antonio et de son oncle Giovanni (père de Galeazzo)112. En dépit de cette situation économique délicate, Vittorio conduit une carrière militaire en Espagne qui le propulse aux sommets de la reconnaissance sociale. Fils du comte Antonio Bolognino et de la marquise Marianna Carlotta Caretta, il profite de l’appui d’un proche parent, Luca Ferdinando Patigno, marquis de Castellar, pour intégrer l’armée espagnole en 1734, alors que la Guerre de Succession polonaise déchire l’Europe. Il fait d’abord partie du régiment de Milan dont le colonel est un autre patricien milanais, le comte Francesco Borromeo. Vittorio succède à ce dernier en 1744 et revient en Italie avec ses troupes pour participer à l’assaut de Tortona contre les Autrichiens en 1745. De retour en Espagne, il est fait maréchal et obtient quelques années plus tard la charge de gouverneur politique et militaire de Carthagène dans le royaume de Murcie (1760)113. En 1767, il est commandant général d’Oran et de Mazalquivir. Vittorio revient en Italie au début des années 1770 après quasiment deux décennies d’absence. Son positionnement anti-autrichien dans les années 1740 a sans doute contribué à cet éloignement du Milanais dont l’impératrice Marie-Thérèse a repris le contrôle. À son retour, ayant obtenu le pardon de l’impératrice, il s’efforce de remettre en ordre les finances familiales. Le 15 octobre 1770, il obtient ainsi le droit de vendre une partie des terres féodales de S. Angelo afin de satisfaire ses créditeurs. La somme obtenue, 500 000 lires, montre l’ampleur de l’endettement114. Dans les années 1770, Vittorio réside entre S. Angelo et un appartement qu’il prend en location à Milan, à l’intérieur du Palais Cagnola, via della Guastella. Il est enterré en 1775, après des funérailles grandioses, dans l’église de S. Alessandro où son frère Felice est religieux. Comme héritier de ses biens allodiaux, il choisit Giuseppe della Casa, un jeune Espagnol qu’il a ramené avec lui et fait éduquer au Collège San Luigi de Bologne.

  • 115  ABM, cart. 39, fasc. 6 : atti relativi all’interdizione del Co Gio Batta Attendolo Bolognini (q Co (...)
  • 116  ABM, cart. 39, fasc 7 : 1680, 5 février : inventario giudiziale dei mobili esistenti nella casa da (...)
  • 117  ABM, cart. 39, fasc. 8.
  • 118  Paolo Rido della Silva a comme première épouse Elena Bolognini, tante de Giovanni Giacomo. Il se r (...)
  • 119  ASM, Catasto, Trasporti.

37Au milieu du XVIIIe siècle, la situation financière de la branche II ne semble guère meilleure. Massimiliano, mort en 1574, aurait contribué à dilapider le patrimoine familial par le jeu et les voyages. En 1679, son descendant, Giovanni Battista, perd la libre administration de ses biens pendant quatre ans, suite à un endettement important115. C’est dans ce contexte qu’est réalisé, le 5 février 1680, l’inventaire judiciaire des meubles existants dans sa demeure milanaise de la paroisse de S. Vincenzo in Prato (Porta Ticinese), où il était né en 1652116. Le document laisse entrevoir une résidence relativement modeste par rapport au standard d’autres familles patriciennes. Elle se compose d’une grande salle de réception, de six autres pièces et huit petites pièces, d’un studietto et de luoghi di servizio (cuisine, laverie, cave, pièce pour les domestiques). Les meubles et les tableaux qu’elle accueille sont d’une valeur limitée puisque le total s’élève à 1 614 lires. Il est fort possible qu’une partie de ceux-ci ait été vendue précédemment puisque les bijoux ont déjà été gagés117. En 1684, Giovanni Battista épouse Cecilia Medici di Marignano, héritière de son père et membre d’une illustre famille qui apparait toutefois davantage en retrait de la scène milanaise au XVIIe siècle. Malgré ses difficultés économiques, la famille réussit à réaliser des alliances matrimoniales de qualité qui contribuent à expliquer son rétablissement dans les dernières décennies du XVIIIe siècle. Celui-ci peut aussi s’expliquer par le choix de soutenir les Habsbourgs de Vienne et de s’engager à leur service alors que la branche I s’était ralliée aux Bourbons d’Espagne. Durant dix ans, de 1764 à 1774, Giovanni Giacomo est absent de Milan car il s’est enrôlé dans l’armée impériale et parcourt toute l’Europe : Mantoue, Venise, Trieste, Prague, la Saxe et Vienne. Pendant son absence, son frère Giovanni Battista, père barnabite, administre le patrimoine familial. En 1770, lorsqu’il revient à Milan, il habite d’abord l’ancienne maison d’Antonio della Silva, frère de son parrain, Paolo della Silva118. Quelques années plus tard, cette même maison, située au bord du naviglio dans la paroisse de S. Lorenzo, lui est donnée en livello par le monastère S. Orsola di Monza, avec deux autres maisons voisines119. En 1779, Giovanni Giacomo est ainsi propriétaire des parcelles n° 153, 154, 155 de S. Lorenzo (dont l’une est dotée d’un jardin). En 1795, il complète ce patrimoine en achetant la maison voisine (n° 156) à Don Antonio Cambiago. En quelques années, il réussit ainsi à se constituer un patrimoine immobilier d’une valeur de 3 673 scudi dans le cadastre. Ce retour dans la capitale a en effet été suivi d’une prestigieuse alliance avec une famille proche des Habsbourgs : en 1780, Giovanni Giacomo épouse Anna Margherita Pallavicini Trivulzio, fille du marquis Giorgio Gaetano. Les relations familiales qui unissent Giovanni Giacomo avec les Pallavicini et les Della Silva ont sans doute contribué à la réinsertion de cette lignée Bolognino dans les institutions milanaises. En effet, en 1791, Giovanni Giacomo devient membre du Consiglio Generale, puis Giudice delle Strade en 1795.

La branche III : une implantation durable dans la capitale lombarde

  • 120  ABM, cart. 5, fasc. 13.
  • 121  La présence au Collège des Jurisconsultes ne figure pourtant pas dans la liste publiée par F. Ares (...)
  • 122  ABM, cart. 5, fasc. 1 : 1705, 13 juillet : patente di capitano di una compagnia di Milizia urbana (...)
  • 123  ABM cart. 5, fasc. 4, 5 et 6.
  • 124  ABM, cart. 5, fasc. 27.
  • 125  ABM, cart. 5, fasc. 32 pour Francesco ; cart. 6, fasc. 1 pour Idelfonso.

38La branche III des Bolognini se différencie des autres par son ancrage durable dans la capitale lombarde et son orientation juridique qui prime sur l’engagement militaire. Sans doute l’héritage de Giacomo Francesco, imposant un fidéicommis dans son testament de 1680, a-t-il marqué la lignée en l’encourageant à poursuivre une vocation juridique et en lui transmettant sa résidence milanaise (voir chap. 10). Le comte Girolamo (q Ferdinando) est en effet inscrit à l’université de Pavie en 1709 pour des études de droit120. En rapport avec cette présence dans la capitale, l’implication de la famille dans les institutions caritatives milanaises apparaît particulièrement marquée : Ferdinando (qui devient en 1680 Giacomo II) est l’un des douze députés du Luogo Pio di S. Corona en 1710. Il occupe la même fonction auprès des très prestigieuses Fabrique du Duomo et Scuola del Santissimo Rosario dell’Arbore (fondée par Carlo Borromeo en 1584 et rattachée au Duomo). Selon Calvi, il aurait également été membre du Collège des Jurisconsultes, puis du Tribunale di Provvisione où il lui attribue la fonction de Giudice della Legna (1693) et de Giudice delle Vettovaglie quelques années plus tard121. Son fils, Giuseppe Giacomo, à défaut d’intégrer les institutions municipales, succède à son père, en 1715, comme député de la Scuola del Rosario et fait également partie du chapitre de la Causa Pia di S. Valeria. Son petit-fils, Ferdinando, cumule les charges de député du Luogo Pio dei Vecchi di Porta Vercellina, du Luogo Pio dei Melzi, de la Causa Pia di S. Valeria (en 1756) et de la Scuola del Rosario (1768). La branche III se caractérise aussi par des alliances avec les plus prestigieuses familles du patriciat milanais, notamment les Visconti et Trivulzio, tandis que son engagement militaire apparaît différent des autres branches Bolognini. Il est, de manière plus conforme aux habitudes patriciennes, le fait des cadets et s’effectue dans les rangs de l’armée autrichienne. Au moment de la transition politique, au début du XVIIIe siècle, le comte Angelo, qui avait en charge la milice urbaine de Porta Vercellina122, fait le choix de rallier le prince Eugène de Savoie qui le nomme capitaine d’une compagnie de dragons en 1707, puis l’envoie en mission à Naples en mars 1711123. En 1754, Idelfonso, frère d’Angelo, obtient un brevet de colonel dans le régiment Wohlfenbuttel124. Leur neveu, Francesco, né en 1730, devient capitaine de l’armée autrichienne en 1755, puis colonel en 1773. Quelques années plus tard, Francesco puis son neveu Idelfonso obtiennent le titre de chambellan impérial, qui démontre leurs bonnes relations avec la cour viennoise125.

  • 126  Achats de deux maisons appartenant au marquis Orrigoni, pour l’une et à Giovanni Ambrogio Ghio pou (...)
  • 127  ABM, cart. 57, fasc. 4. La location des biens S. Angelo avec droit de pêche rapporte 52 000 lires (...)
  • 128  ABM, cart. 66 et 68.

39La résidence milanaise de la branche III, située dans la paroisse de S. Pietro alla Vigna (Porta Vercellina), sur la contrada du Capuccio, fut acquise par Giacomo I en 1664126. À sa mort, en 1680, son héritier, Giacomo II, s’y transfère. Elle devient dès lors la demeure principale de la famille comme en attestent les actes de baptême des enfants. Son estimation de 1 805 scudi dans le cadastre laisse supposer une véritable casa da nobile, mais ne la place pas parmi les plus somptueux palais milanais. Les autres demeures de la famille sont une casa da nobile située à Motta Visconti et une partie du château de S. Angelo, partagé avec les autres branches. La branche III est sûrement celle qui connaît la meilleure situation financière. En effet, en 1807, Idelfonso déclare comme revenus annuels 61 300 lires milanaises pour ses biens de S. Angelo et Villanterio127. À cette déclaration, il faudrait aussi ajouter les revenus d’Olevano et Ceretto. La branche III a peut-être été protégée par le fidéicommis de Giacomo I, mais elle doit aussi cette bonne santé financière à la gestion attentive de ses héritiers. Cette situation lui a permis, au début du XVIIIe siècle, d’acquérir de nombreux biens dans le territoire de S. Angelo auprès d’étrangers, mais aussi auprès des autres lignages Bolognini contraints à vendre pour solder leurs dettes128. Ces investissements ruraux témoignent de l’enracinement de la branche III dans son territoire féodal d’origine parallèlement à ses activités urbaines. Elle n’effectue en revanche aucun investissement dans la ville de Milan dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

La branche IV : une présence ponctuelle à Milan

  • 129  F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit.
  • 130  ABM, cart. 65, fasc. 9 : Acte en date du 22 novembre 1678. En contrepartie, Gio Batta vend à Sforz (...)

40La branche IV, qui a comme ancêtre Sforza Attendolo Bolognini, se caractérise par un profil militaire marqué. Au début du XVIIIe siècle, Federico (q Sforza) est lieutenant capitaine au service de l’archiduc Charles d’Autriche, prétendant au trône d’Espagne. Lorsque Charles succède à son frère sur le trône impérial, les Bolognini de la branche IV conservent leur ancrage espagnol. Federico a en effet épousé Angiola Alvarez y Sonza, fille d’un sergent major espagnol en poste à Pavie. À la génération suivante, deux fils, Sforza et Giuseppe, continuent à servir dans l’armée espagnole et épousent des Espagnoles. Le premier s’allie à Antonia Fons de Prado Hortado y Mendoza et le second à Teresa Suazo y Ovalla Zamorra. Sforza participe à la campagne d’Italie en 1748 comme capitaine d’infanterie dans le régiment de Milan dont leur cousin Vittorio (branche I) a reçu le commandement. Cette activité militaire n’empêche pas les membres de la famille d’habiter à Milan, de manière ponctuelle, dans des résidences qu’ils louent. Federico habite ainsi la paroisse de S. Stefano in Brolio vers 1750 tandis que son fils Paolo (1735-1792) réside dans S. Vito al Pasquirolo. Ce dernier épouse Onorata Gandini en 1757 (q Fabrizio, patricien de Lodi) puis Isabella von Hennisch (q baron Ugo, ministre impérial auprès de l’Électeur de Cologne). Les belles-sœurs espagnoles, qui survivent de plusieurs années à leur mari, apparaissent bien intégrées dans la vie milanaise à la fin du XVIIIe siècle : Teresa Suazo est en effet Dama della Croce Stellata en 1794 et habite contrada dei Bossi durant la République Cisalpine129. Son neveu, Filippo, fils de Sforza, partage sa vie entre le château de S. Angelo et une résidence en location dans la paroisse S. Eustorgio à Milan vers 1800. La branche IV est donc présente à Milan au XVIIIe siècle, du moins ponctuellement, mais elle y est dépourvue d’une demeure en propriété. En 1678, elle avait cédé à la branche II la casa da nobile de la contrada S. Simone (S. Vincenzo in Prato, Porta Ticinese) pour 21 250 lires130.

  • 131  Sur l’exploitation de la possession de S. Angelo par la famille Bolognini au XVIe siècle : E. Rovi (...)

41À l’exception de la branche III, l’ancrage urbain apparaît donc marginal pour les Bolognino Attendolo. Leur point d’attache est avant tout le fief de S. Angelo, dont ils peuvent vanter une possession ancienne, à la différence de nombreux patriciens milanais qui n’ont acquis leur blason qu’au XVIIe siècle. L’essentiel des revenus familiaux provient du reste de leurs terres et d’immeubles situés à Sant’Angelo131. Le faible engagement des branches I, II et IV sur la scène urbaine, tant du point de vue économique – ils n’ont jamais été impliqués dans des activités marchandes – que du point de vue institutionnel, contribue à expliquer le fait qu’elles ne disposaient pas d’une résidence fixe à Milan au XVIIIe siècle.

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42Une étude plus approfondie des parcours familiaux contribue donc à expliquer la très grande diversité des patrimoines urbains du patriciat, voire l’absence de propriété à Milan. Outre les critères envisagés au chapitre précédent (niveau de richesse et implication institutionnelle), la provenance sociale des familles détermine aussi certains comportements patrimoniaux en offrant, par exemple, des opportunités d’acquisition. Les différents types envisagés n’épuisent pas la diversité du patriciat milanais. Ils permettent toutefois de mettre en relation la provenance sociale des familles, leur parcours et leurs comportements immobiliers. Les familles originaires du monde marchand et de la finance ont pu ainsi entrer en possession d’un parc immobilier urbain important grâce aux systèmes de crédit dans lesquels elles sont insérées. Elles ont souvent conservé des biens locatifs – et notamment des boutiques au rendement important –, ce qui n’empêche pas la possession de somptueux palais cherchant à faire oublier leurs origines roturières. C’est le cas des Borromeo, des Litta, des Clerici ou des Calderara. Les familles provenant de la noblesse féodale et militaire tendent, quant à elles, à considérer la scène urbaine exclusivement comme un lieu d’expression de leur prestige social à travers la demeure familiale, tandis que le centre économique de leur patrimoine se trouve à la campagne autour du château. Pour les familles qui doivent leur ascension sociale à leurs seules compétences juridiques et à leur intégration au sein des institutions monarchiques, la propriété urbaine est aussi essentiellement circonscrite à la résidence qui doit illustrer le rang conquis. Leurs disponibilités économiques sont généralement plus réduites que pour les familles provenant du commerce et de la finance, ce qui aboutit à une sur-représentation du palais urbain dans l’ensemble des patrimoines. Certaines familles, enfin, ne possèdent aucune propriété à Milan car elles vivent en retrait sur leurs terres ou car elles sont en service à l’étranger. Ces études de cas démontrent l’éventail des parcours possibles et leur relation avec la consistance des patrimoines immobiliers.

Notes

1  Cette typologie est régulièrement reprise dans les études sur la noblesse lombarde, mais elle n’est pas illustrée par des exemples de familles : J. M. Roberts, L’aristocrazia lombarda nel XVIII secolo, dans Occidente, VIII, 1952, p. 305-325 ; C. Cremonini, Il Gran Teatro della nobiltà : l’aristocrazia milanese tra Cinque e Settecento, dans Id. (éd.), Teatro genealogico delle famiglie nobili milanesi, 2 vol., Mantoue, 2003, vol. 1, p. 11-48.

2  Dans le cadastre thérésien, les propriétés sont au nom du comte Carlo Resta (q Francesco).

3  F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. Les informations qui suivent proviennent de cet ouvrage.

4  Les descendants de Gasparolo Resta sont quasiment tous notaires ou protonotaires au XIVe siècle : c’est le cas de ses fils Gabriele et Alberto, puis de ses petit-fils Nicolao, Luigi, Francesco, Giacomo Antonio, Gentilino.

5  La première branche figure encore dans le cadastre thérésien en la personne de la marquise Giovanna Resta, née Lonati, veuve depuis 1728, qui meurt en 1753. Elle est alors propriétaire d’un unique bien : sa résidence dans la paroisse de S. Pietro sul Dosso (Porta Vercellina). À sa mort, la demeure passe à ses deux filles, les comtesses Salazar et Litta, qui la revendent peu après à Don Girolamo Bonacina.

6  Matteo (q Francesco) fait partie des familiers de Filippo Maria Visconti. Il est cameriere ducale de 1460 à 1473.

7  Matteo et Giovanni Antonio (q Francesco) sont tous deux podestats à la fin du XVe siècle. Giovanni Matteo (q Giovanni Antonio) fait partie de la Chambre des marchands de laine au début du XVIe siècle. Ses fils Aurelio et Giovanni Francesco sont notaires à Milan au milieu du XVIe siècle, tandis qu’un troisième, Amedeo, devient un jurisconsulte célèbre.

8  S. Lorenzo est en effet le lieu de résidence d’Aurelio et Amedeo (q Giovanni Matteo), d’Aurelio Amedeo (q Amedeo), de Matteo (q Aurelio Amedeo), de Francesco (q Matteo). Et si Carlo est mentionné comme habitant de S. Sisto « où la famille possède ses propriétés », tout porte à croire qu’il s’agit d’un redécoupage paroissial puisque les deux paroisses sont voisines.

9  C. Cremonini, Pirro Visconti di Brignano-Borgoratto, al servizio degli Asburgo, in nome dell’Impero (1674-1711), dans Cheiron, 53-54 (« Italiani e Spagnoli al servizio della Monarchia »), 2012, p. 198-264.

10  Le Grand maître de l’ordre, Emanuele Pinto de Fonseca, écrit en 1745 à Giulia Resta Visconti qu’il se montre disposé à favoriser son fils.

11  La cession est entérinée par une bulle pontificale du 22 mai 1750. Giovanni Battista mène l’essentiel de sa carrière à Rome où il s’installe à l’âge de 29 ans, en 1761. Proche du pape, gouverneur d’Orvieto, puis auditeur de la Rote, il est aussi représentant du Collège des Jurisconsultes milanais à Rome.

12  L’ancienne résidence de S. Sisto ne possédait pas de jardin et s’étendait sur une parcelle d’environ 678 m2, alors que celle de S. Babila est dix fois plus grande.

13  Dans Porta Vercellina, la maison de S. Pietro sul Dosso (n° 23, estimée 625 scudi) est donnée en livello à Don Carlo Benzone (enregistré dans le cadastre en 1763) ; la maison de S. Mattia alla Moneta est vendue au Banco de S. Ambrogio (n° 16 estimée 416 scudi, enreg en 1774) ; celle de S. Maria Pedone est vendue à Pinchiroli (enreg. 1780). En revanche, la famille acquiert un bien provenant des Jésuites aux enchères (n° 142 de S. Babila, estimé 416 scudi, enregistré en 1776). Elle achète ensuite aux héritiers du comte Brebbia le n° 159 (estimé 1 527 scudi), pour 80 000 lires (enregistré en 1791). En 1799, elle entre en possession du n° 158 1/3 (M) qui provient du monastère de S. Marcella, situé juste derrière leur résidence, pour une valeur de 1 665 scudi. La même année, ils en revendent une portion valant 533 scudi.

14  Les premières années du XIXe siècle sont celles de grands travaux qui poussent la famille à abandonner temporairement sa résidence : Carlo, né en 1768, habite en 1805 contrada Velasca (Porta Romana), mais en 1818, il est revenu dans la demeure familiale de la via della Passione.

15  Siègent comme décurions : Francesco (1692-99), Carlo (1722-40), Carlo Francesco (1740-54), Giuseppe (1757-96). Carlo Francesco est aussi Vicario di Provvisione en 1752.

16  En 1344, Luchino Daverio est appelé « seigneur de nombreuses terres dont celle de Vergiate et de la Rocca de Montonate », tandis que son frère Antonio institue dans son testament, en 1383, un bénéfice ecclésiastique dans l’église S. Maria de Vergiate. Les actes notariés qui rapportent ces faits datent respectivement du 31 août 1344 (r° Giovannolo da Roncate) et du 11 mai 1383 (r° Martino de Daverio). Ces informations, comme celles qui suivent, sont tirées de F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit., t. 1. Le fonds Araldica p.a. de l’ASM ne comporte que peu de documentation sur cette famille.

17  Uberto, dit « da Vergiate » est conseiller aulique du duc de Milan et habite alors la paroisse de S. Michele alla Chiusa (acte du 21 novembre 1414, r° Giovanni Piccinelli). Son fils Gabardo est appelé Nobilis Vir Mediolani Ducis Familiaris dilectus dans le privilège ducal du 6 juin 1444 qui lui donne le droit de fortifier sa terre de Vergiate en y élevant des tours.

18  Les actes notariés indiquent que Francesco Maria réside successivement dans les paroisses milanaises de S. Maurilio en 1604, S. Ambrogio in Solario en 1615, S. Maria al Cerchio en 1637, S. Alessandro in Zebedia en 1658, S. Maria della Scala en 1667. En 1712, son fils Carlo Uberto se trouve dans la paroisse de S. Protaso.

19  Sur Michele Daverio : L. Capocchi, « Giurisdizionalismo e riforme ecclesiastiche nella Lombardia di Maria Teresa e Giuseppe II : la carriera di Michele Daverio (1722- 1803) », tesi di laurea, Università degli Studi di Milano, 1980. Michele Daverio était présenté par Wilczek comme « un des pauvres gentilshommes du pays » (consulta du 9 septembre 1791, ASM, Uffici Regi p. a., cart. 342, cité par C. Capra, La Lombardia austriaca… cit., p. 234).

20  Voir actes notariés du 8 octobre 1768 (r° Giovanni Battista Bianchi) et du 20 mars 1780 (r° Carlo Lamberto Rusca). Il y figure comme habitant de S. Stefano in Brolio, puis de S. Babila, et enfin de S. Marco. Par ailleurs, tous ses enfants naissent à Vergiate, ce qui confirme qu’il s’agit de son lieu de résidence principal et que sa famille y demeure de manière permanente.

21  Les quatre fils de Giovanni Antonio et de Margherita Repossi sont nés et morts à Vergiate : Carlo Antonio (1772-1845), docteur en droit, prêtre et membre du Collège des Jurisconsultes ; Ercole Carlo Giuseppe Maria (1773-1833), docteur en droit, membre du Collège des Jurisconsultes, qui épouse Anna Fanini de Varese ; Michele Paolo Francesco Maria (1770- ?) qui entre au séminaire helvétique à 15 ans et Antonio Carlo Maria (1775-1850).

22  Corrado fait partie des ambassadeurs de la ville de Crémone qui rencontrent l’empereur Henri VII en 1311 ; Lodovico, son arrière petit-fils, est patricien de Crémone en 1413 et jouit des titres de « nobile, magnifico ed egregio signore ». Le fils de ce dernier, Francesco, est décurion de Crémone en 1451. Les informations concernant la famille Sfondrati proviennent de ASM, Araldica p. a., cart. 120 et de F. Calvi (dir.), Famiglie notabili milanesi… cit.

23  Acte du 16 juin 1533, r° Nicolò Vignara. Au XVIIe siècle, ces possessions sont complétées par l’acquisition de Rozzeno (1656).

24  Son père, Sigismond d’Este, cousin du duc de Ferrare, est l’un des colonels de Charles Quint, qui le nomme gouverneur perpétuel de Pavie.

25  Valeriano est commissaire général de l’armée espagnole en Lombardie en 1637. Il s’illustre dans la défense du Tessin contre les troupes françaises dans le contexte de la Guerre de Trente Ans (1644).

26  Parmi les membres du Consiglio Generale, on trouve Valeriano (1645), puis ses deux fils : Ercole (1645-84) et Francesco (1664-76). Après une interruption d’un demi-siècle, les Sfondrati effectuent un retour avec Giuseppe Valeriano (1735-36, 1736-49) et Ercole (1751-73).

27  En témoigne notamment la présence de la famille au Conseil secret avec Francesco (1536), Valeriano (1636), Carlo (1650) et Ercole (1682). Voir F. Arese, Le supreme cariche del ducato… cit.

28  Valeriano, le premier à intégrer le Consiglio Generale en 1645, avait épousé Paola Camilla Marliani (q Luigi, comte de Busto Arsizio), dont la famille apparaît présente de manière quasiment continue au Conseil du XVIe au XVIIIe siècle.

29  G. C. Bascapè la mentionne comme étant le lieu de naissance du pape Grégoire XIV en 1535 : G. C. Bascape, I palazzi della vecchia Milano, Milan, 1986 (1ère éd. 1945), p. 69.

30  Il s’agit du futur palais Orrigoni : G. C. Bascape, I palazzi… cit., p. 64.

31  Les informations sur les lieux d’habitation proviennent de ASM, Araldica, cart. 120.

32  Le bien se trouve à l’angle des contrade di S. Maria Segreta et di S. Prospero et est estimé 1 944 scudi. En 1796 (soit huit ans après la mort de Carlo Sfondrati), le cadastre enregistre son transfert à Giuseppe Domenico Sala.

33  À cette date, la majeure partie de la fortune appartient toutefois à Lodovico, qui a été ministre plénipotentiaire dans les Pays-Bas autrichiens. Son frère Alberico, le chef de famille et le seul à se marier, ne possède selon la source fiscale que 50 000 lires de revenus annuels. La somme est certes conséquente, mais elle le situe en-dessous des familles patriciennes qui se sont enrichies par le commerce et la finance comme les Borromeo ou les Litta (F. Arese, Patrizi, nobili e ricchi borghesi… cit., p. 122-123). La division des biens familiaux entre Alberico et Lodovico en 1783 faisait état de revenus supérieurs à 140 000 lires par an (ASM, Notarile, cart. 44 697, acte du 7 mai 1783, r° Francesco Longhi).

34  Sur la famille Belgioioso, voir F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit. ; Dizionario biografico degli Italiani, vol. 6, Rome, 1964.

35  Alberico I Barbiano est célèbre pour avoir fondé la « compagnie de San Giorgio », composée uniquement d’Italiens et qui fut considérée comme un modèle à cette époque. Le mot d’ordre d’Alberico qui figure sur les armes de la famille est Italia liberata ad exteris. On retrouve cette devise sur les plafonds du palais Belgioioso de Milan construit à la fin du XVIIIe siècle.

36  Accusé d’avoir soutenu les Français, Carlo est emprisonné au retour de Maximilien Sforza, en 1513, et voit ses biens temporairement confisqués. Ses fils Lodovico (1488-v.1530) et Pierfrancesco (1489-1546), fidèles à la vocation militaire de la famille, s’engagent quant à eux clairement dans l’armée française, alors sous la direction du Milanais Gian Giacomo Trivulzio, puis sous celle de Gaston de Foix. À la chute des Français et à l’instauration de la domination impériale, ils se mettent au service du nouveau souverain de Milan, Charles Quint.

37  En 1513, Carlo est élu au Consiglio Generale comme représentant de Porta Comasina (paroisse de S. Tommaso), son fils Pietro Francesco y siège aussi de 1535 à sa mort en 1546 pour le quartier de Porta Nuova. Il est aussi nommé sénateur milites en 1535.

38  Il s’agit d’un bénéfice dans l’église S. Maria Gualtieri à Pavie (1543), de la commende de la prévôté des Humiliati de S. Giovanni Battista (Porta Orientale à Milan) en 1552, puis de celle de S. Zenone à Pavie en 1565.

39  Giovanni Giacomo (q Lodovico) intervient dans le cadre de la Guerre de Succession portugaise, puis dans les Flandres. Il est commissaire général de la cavalerie des Pays-Bas en 1601, puis commandant des pays entre Sambre et Meuse en 1606. Son frère, Francesco, se trouve également en Flandres puis en Hongrie et Bohême au service de l’armée impériale. Son neveu, Carlo, est engagé dans le régiment du comte Ferrante Bolognino en Flandres en 1630. À la génération suivante, Giovanni (q Carlo), s’engage dans l’armée impériale. Carlo (q Giovanni) fait quant à lui un choix plus singulier : colonel dans l’armée française de Louis XV, à la suite du maréchal de Villars et des troupes savoyardes, il s’oppose à l’armée de Charles VI en Lombardie (1733). En 1735, lors de l’occupation piémontaise, il est commissaire général de l’État de Milan.

40  Pour cette branche cadette, la consistance de la propriété urbaine au milieu du XVIIIe siècle est relativement similaire : le comte Galleato (q Francesco) ne possède que sa résidence située dans S. Pietro alla Vigna, estimée à 2 361 scudi.

41  Voir acte du 28 mai 1629, r° Orazio Perego (Fondo Notarile cart. 25 765). Le comte Carlo Barbiano di Belgioioso et ses frères achètent aux héritiers de Maurizio Visconti une maison avec jardin, dans la paroisse de S. Martino in Nosiggia (PN). Maurizio Visconti était débiteur envers les Belgioioso de 20 000 lires. Sur les 50 000 lires, prix estimé de la maison, les Belgioioso n’ont donc à payer que 30 000. Dans les années qui suivent, ils complètent l’achat par celui de quelques maisons voisines : achat d’une maison contre l’église de S. Martino aux sœurs D’Adda (23 novembre 1631, r° Perego), d’une casa grande avec jardin et autre maison voisine dans la contrada dei Moroni au comte Arcimboldi (8 mars 1660, r° P. G. Macchio), d’une autre maison aux frères Bergazzi (28 août 1670). Une grande partie de ces édifices voisins sont intégrés à la résidence.

42  À l’âge de 25 ans, en 1718, on le trouve de passage à la cour du duc de Bavière, puis à celle de l’empereur Charles VI, qui le nomme alors gentilhomme de chambre. Il passe ensuite à Paris où il rencontre le régent Philippe d’Orléans, les philosophes Voltaire et Rousseau, puis s’arrête en Lorraine, en Flandres et en Angleterre.

43  La jouissance de cet appartement lui est accordée en 1783 dans l’acte de division des biens entre Alberico et Lodovico (ASM, Notarile, cart. 44 697, acte du 7 mai 1783, r° Francesco Longhi).

44  Il fut capitaine de la maison militaire de l’archiduc Ferdinand, aide de camp puis lieutenant général du maréchal de Soubise durant la Guerre de Sept Ans.

45  Pour les armes du palais milanais : ASCM, Località Milanesi, cart. 38/5. Le même recours existe pour leur château de Belgioioso : ASM, Araldica p.a., cart. 48.

46  Ce constat n’empêche pas pour autant des alliances avec les plus importantes familles milanaises, tels les Casati, Visconti, Sforza (comtes de Borgonuovo), Mauruzzi di Tolentino, Pallavicino, Trivulzio, Visconti di Somma, Cusani, Carcano, Borromeo, Simonetta, Arcimboldi, Archinti, D’Adda, Cavazzi della Somaglia...

47  Tableau établi à partir de l’acte de division du patrimoine familial entre Alberico et Lodovico : ASM, Notarile, cart. 44 697, acte du 7 mai 1783, r° Francesco Longhi.

48  Sur les droits féodaux : C. Magni, Il tramonto del feudo in Lombardia, Milan, 1936, en particulier p. 20 et p. 110-120. À titre de comparaison, les Sfondrati déclarent seulement 1 745 lires de revenus annuels pour leurs fiefs en 1722 (F. Calvi, Famiglie Notabili milanesi… cit.).

49  L’unique bien de location possède cependant une valeur non négligeable puisque le cadastre l’estime à 1 111 scudi. Sans doute bénéficie-t-il d’une position favorable, se trouvant sur l’un des grands axes urbains. Une autre maison de location, toujours sur le borgo de Porta Romana, est au nom de Lucrezia Pertusati, née Gaffuri.

50  Le chiffre est néanmoins à prendre avec précaution car il est possible qu’il ne tienne pas compte des propriétés de Castelferro (province d’Alessandria), qui n’appartiennent plus à la Lombardie après les redécoupages territoriaux du XVIIIe siècle.

51  Actes du 25 avril 1733, r° Pietro Antonio Rusca ; du 14 octobre 1737, r° Carlo Fabrizio Beretta ; du 5 août 1743 ; du 20 juillet 1744, r° Antonio Maggi ; du 21 avril 1745, r° Gio Maria Valera ; du 15 octobre 1746, r° Gian Tomaso Ferrario. Ce sont au total huit maisons ou petites maisons qui sont achetées en treize ans.

52  Les règles d’admission exigent que la majorité des possessions foncières du demandeur se trouvent à l’intérieur du duché de Milan.

53  Garzia Menriquez, officier de l’armée espagnole, arrive à Milan au milieu du XVIe siècle. Il devient gouverneur de Plaisance et conseiller du roi en 1549. En 1580, son fils Francesco est investi du fief de Desio avec le titre de marquis et épouse une Borromeo. Deux générations plus tard, le marquis Giovanni fait partie du Consiglio Generale. Sur l’acquisition des fiefs, voir K. Visconti, Il commercio dell’onore : un’indagine prosopografica della feudalità nel Milanese in età moderna, Milan, 2008 (capitolo 3 : « Fortune e sfortune della feudalità in terra lombarda : il marchesato dei Manriquez de Mendoza, 1580-1759 »). Pour les Salazar, l’origine militaire se double rapidement d’une formation juridique qui permet à Diego de devenir sénateur en 1589, puis régent à Madrid et Grand Chancelier de Milan en 1592. En 1618, il obtient le fief de Romanengo (province de Crémone). Par la suite, la famille conserve une implication dans les institutions monarchiques, Giovanni (q Diego) étant questeur au Magistrato Ordinario en 1627. Le petit-fils de celui-ci, Sebastiano est intégré au Conseil des Soixante décurions.

54  Archivio Rosales, Eredità cart. 5, acte de division en date du 22 mars 1738.

55  Le transfert des parcelles 215, 216 et 222 (P. Romana, S. Stefano in Broglio) d’Antonio Ferraio à Matteo Ordogno de Rosales figure dans ASM, Catasto, Libri di trasporti en date de l’année 1786.

56  En 1666, le testament de Matteo (Archivio Rosales, Eredità, cart. 1) évalue la richesse de la famille à 1,1 million de lires. En 1815, elle est évaluée à 1,7 million de lires (Archivio Rosales, Eredità, cart. 7, 1815-16 : divisione dei beni tra il Marchese Don Luigi e il Conte Don Tommaso). En 1815, le palais urbain est estimé 117 000 lires.

57  Sur l’histoire de la famille, voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1. Le Teatro genealogico (cit.) présente Benedetto comme originaire de Séville.

58  Le titre de baron de la Colonella passe ensuite à un premier fils illégitime de Benedetto, Don Giovanni, qui demeure à Naples, tandis que ses descendants légitimes s’installeront à Milan.

59  Voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1, fasc 18 : indice delle scritture che si presentano dal Marchese Don Matteo Francesco in prova della centenaria abitazione in Milano nel 1699.

60  Archivio Rosales, Famiglia, cart. 5.

61  Cittadinanza obtenue pour sa noblesse et son mérite : Archivio Rosales, Famiglia, cart. 5, fasc. 11.

62  Voir Archivio Rosales, Famiglia, cart. 1, fasc 18.

63  Voir son testament en date de 1666 dans Archivio Rosales, Eredità, cart 1.

64  Voir Archivio Rosales, Eredità, cart. 7. 1815-16 : per la divisione dei beni tra il Marchese Don Luigi e Conte Don Tommaso.

65  Arch. Rosales, Eredità, cart. 1.

66  Arch. Rosales, Fondo amministrazione, cart. 3.

67  G. Tonelli, Affari e lussuosa sobrietà. Traffici e stili di vita dei negozianti milanesi nel XVII secolo (1600-1659), Milan, 2012.

68  Il s’agit des familles correspondant au groupe 5 dans le tableau 2 et les suivants. On y a ajouté quelques familles qui ont intégré le patriciat après 1751 (elles sont en italique).

69  P. Mainoni, Mercanti lombardi tra Barcellona e Valenza nel basso medioevo, Bologne, 1982 (et en particulier le chapitre 4, « la filiale Borromeo di Barcellona », p. 90-121).

70  P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta sino alla fine del Settecento, dans ASL, 1971-73, p. 284-346. Sur la famille Litta, voir infra chap. 4.

71  Sur le parcours ascensionnel de la famille, voir C. Cremonini, IClerici di Cavenago : una famiglia lombarda tra mercatura e nobiltà, burocrazia togata ed esercito, dans Ca’ de Sass, 131, 1995, p. 38-43. Sur le patrimoine urbain des Clerici, voir L. Mocarelli, Ascesa sociale e investimenti immobiliari : la famiglia Clerici nella Milano del ‘600-’700, dans Quaderni storici, 113, 2003, p. 419-436. Voir aussi infra chap. 4.

72  Gabrio Recalcati entre 1592 et 1617, puis son fils Paolo à partir de 1630.

73  Cette activité financière est manifeste pour Giovanni Battista dans les années 1740 : G. Fumi, Famiglia e patrimonio nobiliare nella Lombardia del Settecento : I Visconti di Modrone, dans Tra rendita e investimenti : formazione e gestione dei grandi patrimoni in Italia in età moderna e contemporanea, Bari, 1998, p. 349-389 (p. 380).

74  Sur les Borromeo : F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit.

75  Voir G. Chittolini, « Vitaliano Borromeo », dans Dizionario biografico degli Italiani, Rome, 1971, vol. 13.

76  A. Annoni, Lo Stato Borromeo, dans L’alto milanese all’epoca di Carlo e Federico Borromeo : società e territorio, Varese, 1987, p. 27-101.

77  P. Mainoni, Mercanti lombardi tra Barcellona e Valenza... cit., (chap. 4, p. 90-121). Les trois filiales à Bruges, Londres et Barcelone sont ouvertes par Vitaliano en 1431, 1435 et 1436, mais la famille était déjà présente auparavant sur ces grandes places commerciales européennes.

78  ABIB, Milano, Piazza Borromeo casa 2852/7 acquisti.

79  L. Patetta, L’Architettura del Quattrocento a Milano, Milan, 1987, p. 241-243.

80  S. Buganza, Palazzo Borromeo : la decorazione di una dimore milanese al tramonto del gottico, Milan, 2008. Voir notamment la Sala dei Giochi. Les fresques ont été très endommagées lors des bombardements de 1943 et certaines ont été transférées à la Rocca d’Angera.

81  Sur la formation de la place par Vitaliano : S. Latuada, Descrizione di Milano, IV, Milan, 1737-38, p. 196.

82  Sur la chapelle : L. Patetta, L’Architettura del Quattrocento a Milano, Milan, 1987, p. 96-97. Sur le lien de la famille avec la paroisse de S. Maria Pedone : L. Demoli, S. Maria Pedone e i Borromeo, dans ASL, 1938, p. 358-364.

83  ABIB, Milano, Porta Comasina Nuova ; Porta Orientale Romana ; Porta Ticinese Vercellina.

84  ABIB, Milano, Terraggio Ticinese. Acte du 22 septembre 1682, r° Franc Maria Zamara Ottolino : vente par Gio Antonio et Ferdinando Tinelli, au comte Borromeo d’une sostra avec deux maisons dans PT, S. Vincenzo in Prato et cession de 2000 lires dues par le locataire, Baldassare Parmesano.

85  Les enjeux de ces différentes alliances sont présentés par C. Cremonini, Ritratto politico cerimoniale con figure. Carlo Borromeo Arese e Giovanni Tapia, servitore e gentiluomo, Rome, 2008. L’auteur parle à ce sujet « d’œcuménisme relationnel ».

86  Celui-ci a été envisagé par C. Cremonini, Ritratto… cit., mais aussi dans Id., Storia di un eclissi apparente : la famiglia Borromeo tra dissidi interni e octracismo spagnolo (1600-1652), dans P. Pissavano et G. Signorotto (dir.), Lombardia borromaica, Lombardia spagnola (1554-1669), Rome, 1995, p. 477-513.

87  Seuls les Castiglione avec quatorze décurions et les Litta avec treize décurions peuvent avoir une position comparable, mais ces effectifs concernent les trois lignées familiales.

88  M. Canella, I Borromeo tra il XVII e il XIX secolo : un grande casato dall’antico regime all’età contemporanea, dans M. Natale (dir.), Capolavori da scoprire : la collezione Borromeo [catalogo della mostra], Milan, 2006, p. 19-37.

89  Les différentes modalités de gestion de ces biens et leurs rapports locatifs seront envisagés au chapitre 9.

90  Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 31 (Borromeo). Détail des immeubles rapportant un livello annuel : maison dans Porta Romana, S. Giovanni Laterano (46 L) ; deux maisons dans Porta Orientale, S. Stefano in Brolio (276 L et 130 L) ; maison dans Porta Nuova, S. Stefano in Nosiggia (287 L).

91  Il s’agit d’une maison avec trois boutiques dans la contrada dei Capellari (1580 L), d’une maison près de S. Bernardino avec jardin (910 L) et de l’hôtellerie du Capello (1982 L).

92  F. Calvi, Famiglie notabili… cit., Antonio fut trésorier de la Chambre ducale au milieu du XVe siècle, puis Palamede obtint la même fonction auprès de Louis XII en 1500. Pagano I est désigné comme « courtisan » de Ludovic Le More. Les alliances avec les familles Trivulzio et Della Torre confirment cette insertion dans l’élite milanaise à la fin du XVe siècle.

93  S. Leydi, La famiglia D’Adda di Sale. Storia e arte tra XVI e XVIII secolo, Milan, 2008. L’auteur renvoie à A. De Maddalena, qui la considérait comme la « dynastie marchande la plus active et la plus puissante de l’État de Milan » au milieu du XVIe siècle.

94  S. Leydi, cit., p. 33 rapporte l’état des finances de la société D’Adda en 1539. Parmi les principaux créditeurs, on trouve la Camera dello Stato di Milano (41 400 lires), le roi de France (23 000 lires), Antonio de Leyva, gouverneur de Milan (10 000 lires). En 1529, à la mort de Francesco, l’inventaire fait état de plusieurs dizaines de milliers de lires prêtées à l’empereur Charles Quint.

95  S. Leydi, La famiglia d’Adda… cit.

96  Au milieu du XVIe siècle, trois D’Adda siègent ainsi au Consiglio Generale : Giovanni Agostino à partir de 1545, Pagano II à partir de 1549 et Erasmo à partir de 1553.

97  S. Leydi, cit. p. 35. Le testament de Francesco D’Adda, en date du 7 novembre 1575, demande qu’il soit enseveli dans la chapelle de S. Maria delle Grazie qu’il oblige ses héritiers à faire construire.

98  M. Canella, Il palazzo D’Adda in via Olmetto a Milano e l’edificio attuale, dans M. G Bascapè, P. M. Galimberti et S. Rebora (éd.), Il tesoro dei Poveri : il patrimonio artistico delle istituzioni pubbliche di assitenza e beneficenza di Milano, Milan, 2001, p. 438-440.

99  Archivio Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 83. Acte du 1er octobre 1734. Les immeubles vendus sont les suivants : une casa da nobile avec une petite maison annexe dans la contrada di S. Simone, une autre casa da nobile dans la contrada del crocefisso, une petite maison dans la stretta dei Cittadini. La dispense au fidéicommis d’origine Buttintrocchi est accordée pour leur vente.

100  ASM, Catasto, Trasporti : il s’agit des parcelles n° 111, 112, 103 et portion du n° 142.

101  Archivio D’Adda Borromeo, Eredità e legati, cart. 72 : Erasmo (q Rinaldo) D’Adda achète le 25 octobre 1539 une maison avec jardin située dans la paroisse de S. Martino in Nosiggia (PN) aux héritiers de Bernardino Mandello. Celle-ci est voisine d’un immeuble qu’il possèdait déjà.

102  Le lieu de décès de Paolo Camillo provient de F. Calvi, Famiglie milanesi, cit. Les registres des transferts de propriété du cadastre mentionnent l’acquisition des parcelles n° 55 (2) et 56 de S. Bartolomeo (Porta Nuova), soit l’ancien palais du prince Antonio Maria Melzi.

103  Archivio Attendolo Bolognini Morando (ABM), fasc. 74, investiture en date du 15 mars 1452. Elle concerne le comté de S. Angelo, avec le château et les territoires qui l’entourent, les droits de juridiction, édifices, moulins, fours, ponts, transmissibles à ses fils de légitime naissance.

104  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 5 (cittadinanza pavese) et fasc. 18 (cittadinanza milanese).

105  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 31.

106  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 36 : le 3 décembre 1501, Louis XII restitue aux frères Giovanni Matteo et Galeazzo le fief de S. Angelo et confirme leurs privilèges, moyennant le paiement de 26 000 scudi, puis le 4 novembre 1536, l’empereur Charles Quint confirme l’investiture du fief de S. Angelo au comte Giovanni Matteo degli Attendoli Bolognini et à ses fils (ABM, Araldica, pergamene, fasc. 56).

107  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 51 : acte de dot en date du 20 janvier 1526.

108  G. De Caro, « Ferrante Bolognini Attendolo », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. 11, Rome, 1969. Voir aussi ABM, pergamene, fasc. 60.

109  ABM, pergamene, fasc. 65, 66, 67.

110  La généalogie de F. Calvi (Famiglie notabili… cit.) fait état de deux autres décurions dans la famille : Claudio à la fin du XVIe siècle, puis son fils Carlo en 1603, mais ils ne figurent pas dans la liste de F. Arese, Elenco dei magistrati patrizi… cit.

111  ABM, Araldica, pergamene, fasc. 59 : 1560, 26 janvier : Philippe II, roi d’Espagne, confère au comte Cesare Attendolo Bolognino, a motu proprio, une charge de sénateur. Voir aussi liste de F. Arese, Le supreme cariche del Ducato di Milano da Francesco II Sforza a Filippo V (1531-1706)… cit.

112  ABM, cart. 41 : documents datant de 1751 sur le « concorso creditori » des comtes Giovanni, Antonio et Vittorio, oncle et neveux.

113  Calvi lui attribue des efforts pour l’embellissement de la ville de Carthagène (réfection des rues, édification d’un théâtre et d’une majestueuse fontaine avec la statue de Neptune sur laquelle il fait graver les armes du roi et de la famille Bolognini, fondation d’un hôpital). Voir F. Calvi, Famiglie notabli milanesi… cit.

114  ABM, cart. 55. 448 000 lires sont dues à ses créditeurs et 50 000 lires doivent financer les dépenses judiciaires. Les transactions durent au moins jusqu’en 1777. Voir aussi cart. 84 : 1773-74 : memorie relative alla vendita di alcuni beni feudali sit in S. Angelo fatta per asta pubblica il 16 dic. 1772 dal Co Vittorio Attendolo Bolognini (r° Giovanni de Luca, 7 janvier 1773).

115  ABM, cart. 39, fasc. 6 : atti relativi all’interdizione del Co Gio Batta Attendolo Bolognini (q Co Carlo) nel 1679 e alla revoca dell’interdizione stessa nel 1683. L’interdiction concerne la signature de contrats et autres actes. F. Calvi évoque aussi un bannissement de l’État de Milan durant cette période, mais qui n’a pas été confirmé par les archives familiales consultées.

116  ABM, cart. 39, fasc 7 : 1680, 5 février : inventario giudiziale dei mobili esistenti nella casa da nobile del Sig. Co Gio Battista Attendolo Bolognini sit in Milano, P. Ticinese, S. Vincenzo in Prato.

117  ABM, cart. 39, fasc. 8.

118  Paolo Rido della Silva a comme première épouse Elena Bolognini, tante de Giovanni Giacomo. Il se remarie, en 1742, avec Vittoria, la mère de Giovanni Giacomo, devenue veuve également. Sur Paolo della Silva, cf. chap. 2.

119  ASM, Catasto, Trasporti.

120  ABM, cart. 5, fasc. 13.

121  La présence au Collège des Jurisconsultes ne figure pourtant pas dans la liste publiée par F. Arese, « Il Collegio dei nobili Giureconsulti di Milano », ASL, 1977, p. 129-197.

122  ABM, cart. 5, fasc. 1 : 1705, 13 juillet : patente di capitano di una compagnia di Milizia urbana di Milano conferita al Co Angelo Attendolo (q Co Ferdinando) per Porta Vercellina.

123  ABM cart. 5, fasc. 4, 5 et 6.

124  ABM, cart. 5, fasc. 27.

125  ABM, cart. 5, fasc. 32 pour Francesco ; cart. 6, fasc. 1 pour Idelfonso.

126  Achats de deux maisons appartenant au marquis Orrigoni, pour l’une et à Giovanni Ambrogio Ghio pour l’autre le 31 janvier 1664 (r° Andrea Cima).

127  ABM, cart. 57, fasc. 4. La location des biens S. Angelo avec droit de pêche rapporte 52 000 lires milanaises, celle des propriétés de Villanterio 10 500 lires.

128  ABM, cart. 66 et 68.

129  F. Calvi, Famiglie notabili milanesi… cit.

130  ABM, cart. 65, fasc. 9 : Acte en date du 22 novembre 1678. En contrepartie, Gio Batta vend à Sforza une possession de Sant’Angelo et des revenus sur la communauté d’Oleggio.

131  Sur l’exploitation de la possession de S. Angelo par la famille Bolognini au XVIe siècle : E. Rovida, Uomini, terre e acque : studi sull’agricoltura della bassa lombarda tra XV e XVII secolo, Milan, 2012, p. 131-139.

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Titre Tab. 22 – Familles dont le patrimoine immobilier milanais est supérieur à 10 000 scudi en 175168.
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Titre Tab. 23 – Acquisitions réalisées par Vitaliano Borromeo dans S. Maria Pedone (XVe siècle).
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