Chapitre 1. Une élite noble et urbaine
p. 25-59
Texte intégral
1L’historiographie présente traditionnellement le patriciat milanais comme l’élite sociale, politique et économique de la ville mais aussi de l’ensemble de l’État. Il apparaît comme le groupe « hégémonique » ou « dominant » de la Lombardie qui, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, structure autour de lui toute la société, à l’intérieur d’un « système patricien » autoréférentiel qui permet au groupe social de légitimer sa domination1. Outre un rôle politique qui dépasse largement le cadre des seules institutions municipales, le patriciat milanais possède en effet une large part des richesses et de la propriété foncière en Lombardie ainsi qu’un prestige social immense. Il correspond parfaitement aux critères proposés par S. F. Nadal pour parler d’élite sociale : un certain degré de corporatisme, une identité de groupe, un sentiment d’exclusivité et une supériorité de type très général, qui recouvre ici le champ politique, social et économique2. Cette position dominante, qui déborde le cadre urbain pour s’étendre à l’ensemble de l’État, est renforcée par la constitution d’un réseau d’alliances qui a permis la formation d’une « Repùblica de las parentelas » aidant à monopoliser les grâces du souverain à travers ses ramifications locales et curiales3.
Le patriciat : un rôle institutionnel
2Le patriciat a pu être défini comme « ce type particulier de noblesse qui jouit de droits exclusifs pour la participation au gouvernement de la ville4 ». La fonction institutionnelle est donc l’essence même du statut patricien dont la formation remonte à la période des Guerres d’Italie et à l’instauration de la souveraineté étrangère. Elle résulte d’une longue maturation à l’intérieur de la société et des institutions citadines et s’inscrit dans une double évolution : une évolution institutionnelle qui donne aux familles d’origine milanaise un poids nouveau dans la vie politique et une évolution sociale qui aboutit à une fermeture du groupe dirigeant avec la définition de critères de plus en plus restrictifs5. La première est liée à un contexte bien précis, celui des Guerres d’Italie : les souverains étrangers cherchant à obtenir l’appui des élites locales leur accordent un rôle plus important dans les institutions, tant au niveau des magistratures urbaines (Consiglio Generale) qu’à travers la création de nouvelles magistratures à l’échelle de tout l’État (Sénat). Cette évolution institutionnelle est confirmée par la monarchie espagnole avec la promulgation, en 1541, des Nouvelles Constitutions. La seconde évolution s’insère dans une conjoncture plus large qui caractérise de nombreux États italiens : celle d’une nouvelle idéologie nobiliaire et d’une fermeture du groupe dirigeant. À l’exclusion traditionnelle des étrangers pour l’accès aux charges municipales s’ajoute, à partir du XVIe siècle, celle des non-nobles, le statut de noblesse se voyant défini par des critères de plus en plus précis et en particulier par celui du non-exercice d’un art vil.
3La mise en œuvre d’une réglementation pour accéder aux charges municipales remonte à la période ducale et la première institution concernée par ces restrictions est le Collège des Jurisconsultes6. Elle répond à la volonté des familles qui contrôlent les institutions municipales d’en interdire l’accès aux fidèles des ducs, d’origine parfois étrangère et récemment anoblis. C’est ainsi qu’au XIVe siècle, l’ancienneté de l’implantation à Milan devient le critère principal d’admission. C’est seulement à la fin du XVe siècle qu’apparait une nouvelle condition : celle de l’abstention de tout exercice d’un art vil. Le Consiglio Generale se trouve en revanche davantage exposé au contrôle des ducs qui nomment ses 900 membres (150 pour chacun des six quartiers de la ville) et limitent ses pouvoirs. À l’extrême fin du XVe siècle, l’arrivée des armées françaises et impériales ouvre de nouvelles perspectives et renverse les équilibres internes : certaines familles choisissent en effet de soutenir la France ou l’Espagne car une souveraineté étrangère pouvait apparaître comme la garantie d’une certaine autonomie pour l’élite locale. Soucieux de gagner l’appui de l’élite milanaise, les souverains étrangers lui accordèrent alors de nombreux droits. Le Sénat, fondé en 1499 par Louis XII, devient l’organe principal de contact entre l’élite locale et le pouvoir central. À partir de 1515, les Milanais obtiennent aussi le droit de choisir le Vicario di Provvisione, chef de l’administration civique, parmi les membres du Collège des Jurisconsultes, alors qu’il s’agissait auparavant d’un étranger nommé par les ducs de Milan. Sous la domination française, les membres du Consiglio Generale passent de 900 à 150 (1516) puis à 60 (1518) et voient leurs pouvoirs renforcés. Cette réduction numérique s’accompagne d’une fermeture sociale et renforce le caractère oligarchique de l’institution. C’est ainsi que se met en place « l’età patrizia », une période où l’hégémonie d’un petit groupe contrôlant l’ensemble des charges institutionnelles lui permet de conserver une relative autonomie et une forte influence dans la conduite des affaires publiques7. Œuvre de juristes milanais, les nouvelles constitutions de 1541 (Nuove Costituzioni) confirment la prééminence de l’élite locale dans les magistratures civiques (Consiglio Generale, Tribunale di Provvisione) comme dans les magistratures royales (Sénat, Magistrato ordinario et Magistrato straordinario).
4C. Mozzarelli souligne la spécificité de la situation institutionnelle milanaise par rapport à celle du royaume de Naples, également sous souveraineté espagnole aux XVIe et XVIIe siècles8. À Milan, si les Espagnols détiennent directement l’administration militaire et la charge de gouverneur, les élites locales contrôlent la plupart des autres institutions. Dans le cas napolitain, il existe en revanche une véritable administration royale sous la dépendance directe du vice-roi. Le pouvoir des barons, réelle force de dissolution de l’autorité étatique, a en effet nécessité un contrôle institutionnel plus fort de la part de la monarchie. À Milan, le gouvernement patricien ne s’oppose pas à l’État mais au contraire le représente, même s’il peut parfois s’exercer à travers une gestion privative. Bien davantage que les barons napolitains, le patriciat soutient la monarchie espagnole qui a contribué à lui donner son rôle institutionnel. L’absence de mouvements hostiles aux souverains espagnols a pu, du reste, être interprétée comme le signe d’un équilibre entre pouvoir central et pouvoirs locaux, ce qui n’empêche pas la formation de partis durant les périodes de crise9.
Le contrôle exclusif des institutions municipales
5Le rayon d’action des institutions municipales milanaises dépasse en réalité largement le simple cadre urbain, héritage de l’époque communale qui a vu la ville établir sa domination sur le contado. La mention des institutions municipales milanaises dans les nouvelles constitutions de 1541 souligne ainsi l’importance qu’elles possèdent au niveau de l’État tout entier et le principe d’une certaine autonomie des élites locales10.
Le Consiglio Generale
6Il constitue par excellence l’émanation du pouvoir patricien. Héritier de l’assemblée communale des Neuf Cents, il acquiert sa composition définitive de 60 membres (ou décurions) au moment des Guerres d’Italie (dix membres pour chacune des six portes de la ville). Nommé à vie par le gouverneur parmi trois noms qui lui sont proposés par le Consiglio Generale lui-même, le décurion doit répondre à trois conditions : faire partie du patriciat, ne pas avoir de dettes ou de procès avec la ville, être âgé d’au moins 35 ans. Organe délibératif, le Conseil décide des questions d’administration quotidienne comme des questions d’intérêt général ou requises par une conjoncture particulière. Son rôle est principalement de voter les propositions d’autres magistratures aux compétences plus techniques (Tribunale di Provvisione, Conservatori degli Ordini, Congregazione del Patrimonio, etc.). Principale instance décisionnelle dans les institutions milanaises, il gère notamment les finances urbaines, les concessions de sol public et les admissions au sein du patriciat. Son importance et son pouvoir sont aussi liés au fait qu’il contrôle l’accès aux autres magistratures urbaines (Lieutenant Général, Tribunale di Provvisione) et qu’il nomme des ambassadeurs – généralement choisis parmi ses membres – aux cours de Madrid, Vienne ou Rome, ce qui témoigne du caractère étatique des institutions milanaises11. À l’intérieur du Conseil, le pouvoir apparaît en réalité concentré entre les mains de ceux qui décident de l’ordre du jour et préparent les ordonnances : le Vicario di Provvisione, les décurions les plus anciens et les membres des diverses giunte. Les grandes décisions politiques ne relèvent toutefois pas du Consiglio Generale mais du Conseil secret qui assiste le gouverneur. La charge de décurion a souvent été prise en compte pour définir une élite à l’intérieur du patriciat (« les familles décurionales ») et une sorte de hiérarchie à l’intérieur de celles-ci en fonction de leur permanence au sein de ce conseil. Les familles patriciennes les plus prestigieuses mobilisent leurs réseaux d’influence pour être choisies lorsqu’une place est vacante et s’assurent ainsi une continuité dans l’institution. Elles font pour cela appel aux cardinaux romains, aux ministres, voire aux monarques eux-mêmes12. Le Conseil constitue donc une oligarchie au sein du patriciat puisque ses sièges sont monopolisés par un petit nombre de familles tandis que s’opère une distinction entre les familles décurionales et les autres. Sur les 273 familles patriciennes que comprend la liste remise au Tribunal d’héraldique en 1770, 152 (soit 55 %) n’ont jamais fait partie du Consiglio Generale13. Le décurionat constitue en effet le couronnement des processus d’ascension sociale tandis que certaines familles se distinguent par une présence plus marquée que d’autres au sein de l’institution14. Les pratiques de transmission des sièges à de proches parents ou de renonciation des pères qui s’assurent ainsi de leur vivant que leur fils leur succèdera, sont courantes15. Les critères d’admission favorisent aussi une concentration des sièges au sein d’un nombre restreint de familles puisque, parmi ceux-ci, figure « l’implication du demandeur et de ses ancêtres au service public et royal ». Les familles les plus anciennes et les plus illustres sont donc favorisées. Toutefois, à partir de 1755, moment où l’autorité du pouvoir monarchique s’affirme à travers une politique réformatrice, les successions directes entre membres d’une même famille deviennent quasi inexistantes. Sans doute peut-on y voir une volonté explicite du gouvernement autrichien de limiter les pouvoirs du patriciat avant la véritable remise en cause de ceux-ci par les réformes joséphines.
Le Tribunale et le Vicario di Provvisione
7Composé de douze membres et présidé par le Vicario di Provvisione, le Tribunale di Provvisione gère l’administration ordinaire de la ville et du duché. Il se compose notamment de trois juges responsables de la voirie (Giudice delle strade), de l’approvisionnement en vivres (Giudice delle vettovaglie) et en bois (Giudice della legna). Comme en témoignent les comptes-rendus de sessions, une grande partie de l’activité du Tribunale consiste à contrôler, juger et condamner à des amendes ceux qui transgressent la réglementation en matière d’annone et de fiscalité16. Il intervient également dans l’entretien des rues, ponts et canaux de la ville et examine les demandes de particuliers telles les concessions d’espace public pour de nouvelles constructions ou les autorisations délivrées pour introduire certains produits étrangers. Le Vicario constitue le sommet de l’administration municipale puisqu’il préside l’ensemble des congrégations et le Consiglio Generale où il possède une voix décisive en cas de parité des suffrages. Sa juridiction s’étend à tout l’État de Milan et constitue en cela un témoignage de l’ancienne hégémonie urbaine sur le contado qui ne sera limitée qu’avec l’instauration d’une Congregazione del Ducato, chargée de représenter les intérêts des communautés extérieures à partir de 1595. La fonction de Vicario peut constituer un tremplin pour l’accès aux prestigieuses charges royales : Sénat, Magistrati ordinario et straordinario. Parmi les 200 personnes qui ont occupé la charge durant la période 1535- 1796, 88 accédèrent ensuite aux principales magistratures royales17. Si les personnes qui ont occupé le poste de Vicario sont bien connues grâce à la liste reconstituée par F. Arese, il n’en est pas de même pour les membres du Tribunale qui sont nommés pour un an mais peuvent voir leur charge renouvelée. Une forte présence au Consiglio Generale n’implique pas systématiquement une représentation au Vicariato di Provvisione : les Borromeo, qui ont eu 15 décurions, n’ont jamais donné de Vicario. Il s’agit là d’un cas exceptionnel alors que la situation contraire est beaucoup plus courante : plusieurs familles ont accédé à la charge de Vicario sans avoir jamais eu de membre au Consiglio Generale18. Ce sont généralement des familles dont l’insertion au patriciat est plus récente ou encore des familles anciennes, mais dont la position économique se révèle moins florissante.
Les autres institutions patriciennes
8Le Collège des Jurisconsultes ne représente pas une magistrature municipale à proprement parler, mais il joue un rôle fondamental dans les institutions car, outre ses fonctions naturelles (contrôle de la formation pour l’exercice des professions juridiques), il définit les conditions d’accès au patriciat et constitue le vivier d’où proviennent les hommes qui exerceront les plus importantes charges civiques19. C’est en effet parmi ses membres que sont choisis le Vicario di Provvisione, les assesseurs du Tribunale di Provvisione, le juge des monnaies, le juge des octrois, le juge du bois, etc. Favorisé par les différents souverains de Milan, il acquiert un prestige particulier à partir de 1560 lorsque l’un de ses membres, Giovanni Angelo Medici, est élu pape et prend le nom de Pie IV20. Le rôle du collège souligne aussi l’importance que le système patricien accorde à la culture juridique. Beaucoup de membres du patriciat ont suivi une formation en droit et possèdent une laurea de l’Université de Pavie. Cette formation leur permet non seulement d’intégrer le Collège des Jurisconsultes, mais aussi les magistratures urbaines et surtout royales où un certain nombre de places sont réservées aux togati, recrutés au sein de ce même collège21. L’admission au Collège des Jurisconsultes peut en tout cas être considérée comme l’antichambre du patriciat : elle nécessite de prouver un statut nobiliaire et une présence séculaire à Milan22.
9Le Collège des Physiciens joue un rôle institutionnel moins important : il se contente d’élire, chaque année, deux de ses membres au Magistrato di Sanità et est obligatoirement représenté au Tribunale di Provvisione. Il n’est pas réservé exclusivement aux patriciens et ce sont généralement des familles de moindre importance qui y figurent. La Congregazione del Patrimonio (ou Tribunale dei Conservatori del Patrimonio), qui s’occupe des questions financières23, et la Congregazione del Banco di S. Ambrogio sont en revanche exclusivement réservées au patriciat. Créée au XVIe siècle, cette dernière joue un rôle d’intermédiaire entre la ville et les particuliers qui la subventionnent : elle invite ainsi les cittadini à prêter de l’argent à la Commune à des conditions moins lourdes que les grands capitalistes24. Les trois Conservatori degli Ordini constituent quant à eux une magistrature éminemment patricienne dont l’élection est totalement indépendante du gouverneur. Ils ont notamment la charge d’examiner les demandes d’admission au patriciat.
10Par un système de recrutement en circuit fermé, dont la base émane essentiellement du Consiglio Generale et du Collège des Jurisconsultes, le patriciat monopolise ainsi la totalité des charges municipales d’importance. Les institutions locales possèdent donc une large autonomie, en particulier dans le domaine du ravitaillement et des finances. Le gouverneur intervient dans la nomination de certains magistrats, mais sa marge de manœuvre est réduite puisque le choix doit être effectué au sein du patriciat. Pour de nombreuses fonctions, il est encore restreint à trois personnes présentées par le Consiglio Generale. Si ces magistratures gardent un prestige très important au cours de la période moderne, celui des institutions de la monarchie n’est pas moins grand et le patriciat milanais a su s’y réserver une place prépondérante.
Une place prépondérante dans les magistratures royales
11Les charges réservées aux représentants directs de la monarchie sont occupées le plus souvent par des Espagnols mais elles sont aussi confiées à des nobles italiens non lombards, phénomène qui se renforce au temps de la domination autrichienne25. Il s’agit du gouverneur, chef de l’armée et de la politique étrangère, qui a pour mission de faire appliquer les directives du souverain. Il est assisté dans ses fonctions par une chancellerie et un Conseil secret. Une seule fois, et à titre temporaire, la charge de gouverneur a été occupée par un patricien milanais : le Cardinal Teodoro Trivulzio en 1655. Toutefois, à côté de ces charges individuelles existent des institutions collégiales qui laissent à l’élite locale une place de choix : le Sénat à la fonction essentiellement juridique et les deux magistratures financières26.
12Le Sénat (ou Sacrum Consilium Mediolani) est créé dans le contexte des Guerres d’Italie, lorsque les puissances étrangères cherchent à obtenir l’appui des élites locales en leur confiant un véritable rôle institutionnel. Fondé en 1499 par Louis XII, il accueille alors essentiellement des membres de la vieille noblesse et devient la plus haute juridiction de l’État27. Chargé d’entériner les décisions du souverain, il possède des pouvoirs de juridiction civile et criminelle absolus dans tout l’État et contrôle également la vie administrative des principales villes de Lombardie. L’admission au Sénat représente la consécration d’une carrière institutionnelle qui ne peut plus espérer que la présidence de l’institution elle-même (ou celle d’un des Magistrati) et le poste de régent au Conseil d’Italie, ces dernières fonctions ayant une dimension éminemment politique. Le Sénat est le principal organe assurant le contact entre le pouvoir central et les institutions locales et le poids du patriciat milanais y est majoritaire28. La plupart des sénateurs milanais (90 %) sont issus du Collège des Jurisconsultes.
13Les Magistrati, héritage des institutions ducales, sont au nombre de trois. Les deux principaux, le Magistrato camerale delle entrate ordinarie et le Magistrato camerale delle entrate straordinarie, ont en charge les questions financières, le troisième, le Magistrato di Sanità, s’occupe de la santé publique. Les Magistrati Ordinario comme Straordinario sont composés d’un président et de six questeurs, dont trois togati (des juristes choisis parmi les membres du Collège des Jurisconsultes). Le Magistrato Ordinario suit l’administration financière courante de l’État (impôts, bilan des administrations publiques, questions douanières, etc.) tandis que le Straordinario s’occupe des fiefs, des droits sur l’eau, des regalie, etc. Ephémèrement réunis, les deux principaux Magistrati ont été rétablis par la monarchie espagnole pour satisfaire les intérêts et ambitions du patriciat milanais en offrant davantage de sièges29. Cette situation perdure jusqu’aux réformes du XVIIIe siècle au nombre desquelles figure la réunion des deux Magistrati en 1749.
14Le Conseil secret se caractérise par une fonction plus politique qu’administrative. Il assiste le gouverneur et le remplace durant son absence, mais ne possède qu’un rôle purement consultatif. Un décret de 1622 fixe sa composition à treize membres, dont neuf de droit (le Grand Chancelier, le président du Sénat, celui des deux Magistrati, le castellano de Milan, le commissaire général de l’armée, les deux généraux de cavalerie et d’artillerie) et quatre nommés par le roi, mais celle-ci est ensuite l’objet de variations. Les patriciens milanais y sont présents à travers les postes réservés aux présidents du Sénat et du Magistrato Ordinario qui généralement leur reviennent. Le régent, établi auprès de la cour espagnole, occupe un poste éminemment politique et prestigieux qui lui permet de nouer des relations au plus haut niveau de la monarchie. Là encore, il s’agit très souvent d’un patricien milanais. Outre le Trésorier Général, qui contrôle toutes les entrées et sorties d’argent, il existe aussi trois avocats fiscaux qui ont en charge tous les procès impliquant la Regia Camera et traitant de problèmes fiscaux. Cette charge constitue souvent une première étape dans le cursus honorum des institutions monarchiques.
15Sur près de 300 familles patriciennes mentionnées dans la liste de 1770, 134 ont été intégrées dans les magistratures royales : 26 y sont présentes à la fois au XVIIe et au XVIIIe siècles, 86 durant la seule période espagnole et 23 durant la seule période autrichienne30. Si la transmission des charges à l’intérieur d’une même famille est plus rare que pour les magistratures civiques, certaines dynasties réussissent néanmoins à se maintenir dans une institution sur plusieurs générations31. L’insertion dans les réseaux des cours madrilène et viennoise apparaît fondamentale pour l’obtention de charges royales32. L’introduction de sièges de questeurs surnuméraires démontre clairement que la concession de charges s’inscrit aussi dans une politique de faveurs. Les besoins financiers de la monarchie espagnole engendrent également la vénalité de certains offices et la diffusion de la futura, droit acquis, moyennant paiement, d’occuper un office public une fois qu’il sera rendu vacant. Du point de vue du gouverneur, l’octroi de charges constitue l’un des principaux moyens de gagner l’appui des grandes familles lombardes. Pour obtenir le respect de ses sujets, il devait du reste être reconnu comme une source influente de patronage auprès de la cour madrilène puis viennoise. Les charges royales constituent aussi une voie possible pour gravir les échelons de l’ascension sociale et obtenir finalement le statut de patricien milanais. Plusieurs familles nobles originaires de villes de province (Pavie, Côme, Crémone, etc.) se transfèrent dans la capitale pour siéger dans les magistratures royales. Au fil des générations, après avoir démontré un ancrage séculaire à Milan, elles sont admises au sein du patriciat milanais. C’est par exemple le cas des Pertusati originaires d’Alessandria ou des Odescalchi, originaires de Côme. Pour les familles déjà patriciennes, l’insertion dans les magistratures royales offre un supplément de prestige social et politique et permet de renforcer l’insertion dans les réseaux d’influence. Certaines familles se caractérisent par une répartition des rôles à l’intérieur de la fratrie : l’aîné, appelé à assurer la descendance, prend souvent part aux institutions civiques et entre au Consiglio Generale tandis qu’un plus jeune, qui a suivi des études de droit, entreprend une carrière dans les magistratures royales.
16Finalement, du XVIe siècle aux réformes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le patriciat milanais dispose d’une autonomie politique qui justifie bien l’expression d’« età patrizia »33. Si les Espagnols contrôlent l’administration militaire, ils laissent une large influence au patriciat milanais à l’intérieur des principales magistratures, en particulier dans le domaine financier. Le rôle prépondérant des élites locales dans la vie politique se voit même favorisé par le contexte de tensions internationales. G. Signorotto montre combien les phases d’état d’urgence que connaît Milan durant la Guerre de Trente ans – en particulier vers 1635 – ont pu constituer des périodes d’importants transferts de pouvoir entre les mains de l’élite locale34. Au milieu du XVIIe siècle, certains membres de familles patriciennes milanaises occupent ainsi les devants de la scène politique, tel le cardinal Teodoro Trivulzio, qui détient le poste de gouverneur en 1655, ou le comte Bartolomeo Arese, qui cumule les fonctions de président du Magistrato Ordinario (1641), régent (1649) et président du Sénat (1660). Plus tard, lors de la Guerre de Succession espagnole, les absences du prince Eugène de Savoie, premier gouverneur de Milan nommé par Charles VI (1706-1716), favorisent « une dilatation sans précédent des pouvoirs locaux, en particulier du patriciat »35. Le passage à la souveraineté autrichienne ne signe donc pas une véritable rupture du point de vue politico-institutionnel. Celle-ci advient seulement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec la mise en œuvre de réformes qui bouleversent complètement le rôle politique traditionnel du patriciat et instaurent un ordre nouveau, affirmant la primauté de l’État sur l’oligarchie au pouvoir.
L’hégémonie patricienne sur les charges ecclésiastiques et caritatives
17Au sein des institutions ecclésiastiques milanaises, plusieurs charges sont traditionnellement monopolisées par le patriciat de la capitale : l’archevêché, les chapitres canoniaux (en particulier celui du Duomo), ainsi que de nombreux bénéfices. Comme l’a souligné Mario Rosa, la Lombardie donne l’exemple d’une « extraordinaire intégration entre classe ecclésiastique et classe nobiliaire »36. Fer de lance de la Réforme catholique au XVIe siècle, l’Église milanaise jouit de relations étroites avec Rome ayant donné plusieurs papes et grâce à la présence constante de cardinaux milanais. L’archevêché de Milan, dont la juridiction déborde les frontières du duché, est ainsi traditionnellement réservé au patriciat local. Entre le XVIe et le XVIIe siècle, tous les archevêques appartiennent à des familles lombardes à l’exception d’Ippolito d’Este. Les Borromeo, famille qui a sûrement le plus marqué cette fonction, occupèrent la charge avec Carlo (entre 1560 et 1584) puis Federico (entre 1595 et 1631)37. Lors de chaque succession, pour s’assurer de la nomination d’un patricien milanais, le Consiglio Generale envoie un ambassadeur à Rome38. Le patriciat milanais a également fourni un nombre important d’évêques et de cardinaux durant la période moderne39. Entre 1535 et 1804, 62 Lombards furent élevés à la dignité cardinalice dont 56 patriciens milanais et six patriciens de villes provinciales (principalement Côme et Pavie). Les Lombards représentent ainsi près de 6 % de l’ensemble des cardinaux nommés durant la période et connaissent en moyenne une nouvelle nomination tous les quatre ans et demi mais ces nominations furent évidemment particulièrement nombreuses lorsque des Milanais occupèrent le trône pontifical40. La dignité de prince de l’Église a contribué à l’ascension sociale de certains lignages sur la scène locale : pour certaines familles, l’admission au patriciat suit en effet de peu celle au cardinalat : c’est par exemple le cas de Giuseppe Maria Castelli, qui est nommé cardinal en 1759 et dont la famille est admise au patriciat l’année suivante. Certaines lignées milanaises ont fourni un nombre particulièrement important de cardinaux, tels les Borromeo (six cardinaux) ou encore les Archinto et les Sfondrati (trois cardinaux chacun). Ces familles les plus insérées dans les réseaux romains peuvent du reste s’affranchir du passage par le Collège des Jurisconsultes41.
18Le chapitre du Duomo est, quant à lui, exclusivement réservé aux familles patriciennes42. C’est un privilège qui remonte au moins au XIIIe siècle et la Matricula de 1377, qui recensait les familles d’origine milanaise ayant droit d’accéder au chapitre de la cathédrale, reste longtemps une référence pour définir l’appartenance au patriciat, bien que le recrutement se soit inévitablement élargi depuis cette date43. À partir du XVe siècle, les statuts définissant le recrutement du chapitre du Duomo se calquent en grande partie sur ceux du Collège des Jurisconsultes : ils requièrent un statut noble et une résidence centenaire dans le duché. Si le chapitre du Duomo accueille quelques étrangers, il constitue une charge très largement réservée aux patriciens milanais et la requête de 1681 effectuée par le Tribunale di Provvisione à ce sujet semble avoir porté ses fruits44. En effet, le groupe de familles représentées au chapitre s’est resserré, au profit des familles milanaises, parallèlement à une diminution du nombre de chanoines : 108 familles y siégeaient au XVIIe siècle contre seulement 88 au siècle suivant. Si les familles extérieures (non milanaises, mais souvent lombardes), nommées par le pape, représentaient environ un tiers des chanoines au XVIIe siècle, elles n’en forment plus que 20 % au XVIIIe siècle. Certaines dynasties milanaises sont particulièrement présentes au chapitre du Duomo tels les Visconti, les Besozzi, les Croce et les Archinto au XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, de tels phénomènes de concentration apparaissent moins répandus : chaque famille place un, voire deux membres au chapitre. Ce quasi-monopole des patriciens caractérise aussi d’autres institutions ecclésiastiques milanaises tels le chapitre de S. Maria alla Scala, les principaux monastères et abbayes. Enfin, les patriciens gèrent également la puissante Fabrique du Duomo qui se trouve à la tête du plus gros patrimoine immobilier milanais45.
19Outre cette emprise étroite sur les institutions ecclésiastiques milanaises – et sur les revenus qui y sont liés – les familles patriciennes contrôlent aussi les principales institutions caritatives. C’est notamment le cas de l’Ospedale Maggiore et des nombreux luoghi pii souvent fondés par des patriciens46. Le Conseil des députés de l’Ospedale Maggiore doit ainsi gérer un patrimoine considérable, sans cesse accru par les nombreux legs. Les députés sont élus à partir d’une liste de 36 patriciens milanais (six pour chaque porte) selon une procédure complexe impliquant diverses institutions milanaises et l’archevêque, pour n’en retenir au final que 18 (trois par porte). La charge est annuelle et un intervalle de deux ans doit être maintenu entre chaque exercice. G. Garufi a pu noter l’étroit recoupement entre les familles – et même les individus – qui occupent cette charge et celles qui siègent au Consiglio Generale ou au Tribunale di Provvisione47. Les statuts du Luogo Pio dei Melzi, institué par Gianambrogio Melzi, un patricien mort en 1637, prévoient que quatre membres du chapitre doivent obligatoirement appartenir à la famille Melzi48. Au Luogo Pio dell’Umiltà, fondé par Vitaliano Borromeo en 1444, l’administrateur en chef est obligatoirement un membre de la famille, de même au Luogo Pio della Carità, institué par Giovanni Pusterla dans son testament en 147149. Le Luogo Pio della Santa Corona est quant à lui géré par douze personnes choisies également parmi les patriciens milanais et âgées d’au moins 35 ans. Cette présence dans les institutions caritatives, outre le prestige qui l’accompagne, facilite le contrôle de la société milanaise. Elle permet de nouer des relations clientélaires et représente un pouvoir non négligeable du fait des patrimoines considérables que possèdent ces institutions.
Prestige social et richesse
Patricien : une auto-dénomination à finalité célébrative
20Le terme « patriciat », dont les origines proviennent de la Rome antique et qui a suscité d’importants débats chez les historiens médiévistes50, apparaît comme une récupération volontaire de la part de l’élite milanaise pour légitimer son pouvoir. Mais celle-ci n’advient que progressivement. En effet, Giulini note qu’au XIVe siècle, on ne parlait pas de patriciat à Milan51. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les écrits de contemporains semblent encore préférer le terme plus générique de « noblesse » qui déborde le groupe patricien52. La première occurrence du terme « patriciat » semble dater de 1663 au Collège des Jurisconsultes53. À partir du milieu du XVIIIe siècle, il connaît une plus large diffusion, entrant notamment dans le vocabulaire courant et dans la documentation de nature normative et juridique qui, auparavant, faisait usage de périphrases évoquant les personnes « admises aux charges de gouvernement de la ville » ou « aux honneurs de cette ville »54. Il apparaît, par exemple, dans les lettres de recommandation : le 14 janvier 1749, le comte Ferdinand de Harrach écrit au comte de Khevenhüller afin que celui-ci appuie à la cour de Vienne la candidature du comte Galeazzo Arconati Visconti comme chambellan impérial. Il présente ce dernier comme « patrizio milanese (...) di una delle famiglie illustri »55. Le terme devient donc de plus en plus courant au XVIIIe siècle et émane des intéressés eux-mêmes. C’est une chronologie assez similaire qui est observée dans les villes allemandes et flamandes pour la diffusion du terme56. Les références à la Rome antique sont par ailleurs courantes dans la culture patricienne milanaise et quelques familles (tels les Bigli) tentent même de démontrer leur filiation avec le patriciat romain57. On pourrait encore renvoyer à la désignation des membres du Consiglio Generale comme « décurions » ou à la création du Sénat comme instance législative et judiciaire suprême. La diffusion du terme « patricien », en renvoyant à une illustre réalité historique, participe à la recherche d’une légitimation du rôle politique de ces familles face aux pouvoirs extérieurs et met en valeur l’autonomie dont elles disposent. Elles cherchent ainsi à se différencier du simple statut de noblesse, conféré par les monarques étrangers avec la vente des titres. La diffusion du terme dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle s’effectue donc bien plus tardivement que l’institutionnalisation du groupe social. C’est en effet au moment où le pouvoir monarchique étranger renforce son contrôle sur les statuts nobiliaires, démarche qui aboutit à l’instauration, en 1769, du Tribunal d’Héraldique, que l’élite urbaine cherche à se distinguer. La sémantique pourrait ainsi confirmer la conception d’un « système patricien » comme « autoréférence d’un groupe social, qui participe au pouvoir mais se trouve en marge des décisions politiques, sans besoin de recourir à l’aval d’une autorité externe et supérieure »58. Pourtant, cette analyse ne s’applique qu’au cas milanais, qui se caractérise par l’exercice d’une souveraineté étrangère. À Venise, on parle ainsi couramment d’un patriciat vénitien qui s’opposerait en quelque sorte à la noblesse de Terre Ferme. L’attrait pour l’idéologie nobiliaire y est moins fort, caractéristique d’un régime demeuré républicain et d’un groupe qui, loin de renier son origine marchande, la met en valeur. À Vérone, au contraire, la classe dirigeante rejette au XVIe siècle le terme de patriciat, préférant celui de « noble » ou de « gentilhomme », pour finalement ne l’accepter qu’au XVIIIe siècle, dans une conjoncture bien différente de celle de Milan59.
Entre noblesse civique et noblesse féodale
21La noblesse italienne du Moyen Âge possédait deux caractéristiques fondamentales : la force de son enracinement urbain et l’équivoque nobiliaire liée à la difficulté de proposer des critères homogènes pour la définir60. Il n’y avait, en effet, aucune obligation de posséder un titre, une particule ou un fief pour témoigner de son appartenance à la noblesse. À partir du milieu du XVe siècle, les multiples noblesses urbaines tendent à trouver un langage commun et, face à ce statut incertain, l’une des réponses pour définir le patriciat fut le blocage de sa configuration sociale. Ce phénomène fut particulièrement précoce à Venise avec la Serrata de 129761. Dans le cas milanais, où la configuration politico-institutionnelle est différente, la fermeture du recrutement s’effectue de manière progressive avec l’apparition de critères de plus en plus stricts pour l’admission au patriciat et l’exigence de preuves de noblesse, excluant notamment l’exercice d’un art vil, sur le modèle d’autres états européens62. Dès la fin du XIVe siècle, avec l’instauration du pouvoir ducal, le modèle d’une noblesse civique se trouva confronté à celui d’une noblesse princière. C’est en effet au temps des Visconti-Sforza que commence la concession de fiefs et de titres nobiliaires, pratique reprise par les souverains espagnols puis autrichiens63. L’usage de qualificatifs comme Dominus, Magnificus ou Spectabilis, reconnus par le Tribunal d’héraldique comme preuve de noblesse pour les usages antérieurs au XVIe siècle64, est remplacé par celui de titres nobiliaires. À partir du XVIIe siècle, les familles patriciennes deviennent, dans leur grande majorité, des familles titrées. Soit parce que d’anciennes familles patriciennes, gagnées par un modèle nobiliaire qui s’étend à l’Europe entière, acquièrent un titre, soit parce que des familles de marchands ou financiers en pleine ascension sociale voient dans la possession d’un fief et d’un titre, un préalable à l’admission au patriciat. Les titres nobiliaires en usage à Milan sont ceux de comte ou de marquis qui peuvent être conférés par le souverain en tant que duc de Milan. Les rares titres de duc ou de prince, possédés par quelques familles, proviennent de souverains étrangers. Si, au temps des Visconti-Sforza, les fiefs et titres de noblesse avaient été distribués pour récompenser les soutiens militaires (c’est le cas des Belgioioso au XVe siècle) ou financiers (c’est le cas des Borromeo à la même époque), durant la période espagnole puis autrichienne, la vente de fiefs et de titres constitue un moyen de remplir les caisses de la couronne, souvent déficitaires. Le phénomène donne lieu à une véritable inflation des titres nobiliaires à partir du XVIIe siècle. En 1535, seuls cinq membres sur les 60 que compte le Consiglio Generale, possédaient un titre nobiliaire65. À la fin du XVIIIe siècle, sur les 60 dernières nominations seuls quatre membres sont dépourvus d’un titre nobiliaire66. Cette diffusion des titres participe d’un mouvement qui concerne l’Europe entière et qui touche aussi la Toscane et le Piémont67. Seules les républiques de la péninsule italienne y restent relativement étrangères68. De nombreuses familles milanaises, déjà patriciennes au XVIe siècle (car elles figuraient parmi les principaux corps civiques), font ainsi l’acquisition de fiefs et de titres nobiliaires au cours du XVIIe siècle. Cette évolution se fait parallèlement à des investissements massifs dans les campagnes, conduits dans une perspective économique, mais aux conséquences sociales importantes : l’acquisition de terres ouvre la voie à celle d’un titre nobiliaire. Déjà intégrée au patriciat au XVIe siècle, la famille Litta illustre l’exemple d’un lignage d’origine marchande qui acquiert fiefs et titres de noblesse durant la période espagnole. Engagée dans une dynamique d’ascension sociale grâce à l’accumulation de richesses, elle achète en 1573 le fief de Gambolò puis l’année suivante le titre de marquis69. La situation se retrouve chez les Crivelli ou les Monti, présents au Consiglio Generale au XVIe siècle et qui acquièrent fief et titre au siècle suivant70. Les familles nouvelles se servent en revanche de l’anoblissement par le souverain comme voie d’ascension vers le patriciat. C’est par exemple le cas des Recalcati, famille de marchands enrichis grâce aux finances publiques, qui acquièrent en 1678 le fief de Bassiano puis, en 1681, le titre de marquis, avant d’être intégrés au patriciat en 1729. Quant aux Clerici, originaires des alentours du lac de Côme, ils entrent en possession d’un fief et d’un titre dans la seconde moitié du XVIIe siècle et sont finalement admis au patriciat en 173971. Si, à l’origine, le fief et le titre tendaient à consolider une position sociale déjà acquise, ils deviennent par la suite une étape dans la voie de l’ascension sociale puisque de plus en plus de familles acquérant des fiefs ne sont intégrées au patriciat que plusieurs décennies après l’acquisition72. La possession de fiefs représente une preuve de noblesse positive selon la réglementation milanaise et constitue un préalable nécessaire à l’acquisition d’un titre. Il existe ainsi trois formes d’acquisition d’un fief, qui passent toutes par l’intermédiaire du Magistrato Straordinario. La première est la vente aux enchères, réalisée directement par le Magistrato Straordinario lorsqu’un fief est revenu à la couronne espagnole par absence d’héritier ou par confiscation. La seconde est la vente d’un fief entre deux particuliers : c’est le processus de « réfutation de feux »73. La troisième est une transmission interne à la famille – généralement un héritage –, mais qui ne correspond pas à la norme fixée par les Nouvelles Constitutions. Le transfert est alors soumis à l’approbation du Magistrato contre le versement d’une redevance. C’est donc un véritable marché des fiefs qui existe à cette époque et auquel toute personne possédant des disponibilités financières peut théoriquement accéder. L’élite milanaise constitue 60 % des acheteurs lors des ventes aux enchères pour la période 1680-170074. Si la possession de fiefs offre des conditions fiscales privilégiées et des revenus extra-agricoles à travers les droits qui y sont liés, elle rend surtout possible l’acquisition d’un titre nobiliaire75. L’annuaire des fiefs et titres nobiliaires réalisés par Giuseppe Benaglio au début du XVIIIe siècle montre que les rois d’Espagne ont accordé 276 titres entre 1534 et 1706, principalement donnés à des personnes originaires du duché (81 % des cas dont les 2/3 sont de Milan même)76. Les personnes extérieures au duché de Milan sont pour 9 % des Italiens et pour les 10 % restants des Espagnols. Dans 79 % des cas, les Milanais qui acquièrent un titre sont des patriciens ou le deviennent ultérieurement77. Au début du XVIIIe siècle, près des deux tiers des 297 familles nobles milanaises ont ainsi été anoblies par les rois d’Espagne. La monarchie autrichienne poursuit la voie ouverte par ses prédécesseurs : si l’Espagne concédait en moyenne 1,8 titre par an, la monarchie autrichienne en vend 3,6 par an entre 1707 et 1740. La proportion tombe ensuite à 1,3 entre 1741 et 1796. En dépit de ces ventes massives, les terres nouvellement inféodées par l’Espagne ne représentent qu’un quart du total des terres inféodées car la croissance exponentielle du nombre de détenteurs de fiefs se fait essentiellement grâce au fractionnement de ceux-ci78.
22L’intégration dans les ordres chevaleresques et la possession de décorations deviennent au XVIIe siècle des distinctions recherchées par les patriciens. Les cadets des plus illustres familles milanaises sont dirigés vers l’Ordre de Malte, qui représente, pour l’ensemble des aristocraties italiennes, le moyen de valoriser leur propre statut face aux différentes dynamiques sociales et face au processus d’absolutisation du pouvoir étatique79. La Lombardie ne fournit qu’un contingent limité des chevaliers par rapport au royaume de Naples ou aux États pontificaux, mais plus de la moitié des chevaliers lombards sont des patriciens milanais au XVIIe siècle et la quasi-totalité au XVIIIe siècle80. Durant la période espagnole, six patriciens milanais reçurent l’ordre d’Alcantara, onze celui de Calatrava et 62 celui de Santiago81. La monarchie espagnole voit en effet dans l’octroi de ces décorations honorifiques un moyen de récompenser ses sujets à peu de frais, ainsi que l’affirme Philippe III en 1625 : « Sans récompense et punitions aucune monarchie ne peut être sauvegardée. Maintenant, les récompenses peuvent être économiques ou honorifiques. L’argent, nous ne l’avons pas, aussi avons-nous retenu juste et nécessaire de remédier à ce défaut en augmentant le nombre des honneurs »82. La concession de la Toison d’Or et du titre de Grand d’Espagne s’inscrit pleinement dans cette politique et s’accompagne d’une série de privilèges : libre accès à la cour, droit de s’asseoir dans la chapelle du roi, exemption de la peine capitale, etc.83. Un certain nombre de patriciens reçoivent également l’ordre de Saint Etienne, du fait des contacts courants avec la Toscane voisine84. Après l’institution du Tribunal d’Héraldique en 1769, le fonds Araldica a conservé les candidatures de patriciens au titre de chambellan impérial et celles de leurs épouses à la Croix étoilée85. La documentation existante démontre combien l’inscription dans un réseau influent auprès des cours de Vienne ou de Florence est déterminante pour l’obtention de ces décorations.
23Ce modèle nobiliaire d’une noblesse féodale et titrée implique une hiérarchie interne qui s’oppose à l’idéologie égalitaire de la noblesse civique que les institutions municipales s’efforcent de défendre. Alors que les membres du Tribunale di Provvisione ont pris l’habitude de faire peindre leurs armes sur l’édifice qui accueille l’institution, un décret de 1639 interdit que les blasons soient surmontés de couronnes faisant référence aux distinctions de nature féodale entre des personnes qui sont toutes également patriciennes86. Pourtant, le rapport entre les deux modèles nobiliaires n’est pas antithétique : bien souvent, la concession d’un titre par le souverain constitue une première étape dans l’ascension vers le patriciat, tandis que les familles patriciennes sont elles aussi attirées par le modèle aristocratique qui caractérise la majorité des élites européennes. Les procédures d’admission au patriciat démontrent que les éléments caractérisant le modèle nobiliaire princier (fiefs, titres, ordres équestres) prennent peu à peu une importance croissante. Toutefois, dans le cas de la Lombardie, l’acquisition d’un fief n’a pas l’importance qu’elle peut avoir dans le royaume de Naples : elle représente plus une étape de passage vers le patriciat qu’une consécration ultime et les familles qui entrent en possession d’un fief ne constituent pas un groupe stable et porteur de valeurs propres par rapport au patriciat87. Face à ce modèle nobiliaire concurrentiel, le patriciat milanais tend à se refermer en instaurant des critères toujours plus stricts pour conserver ses prérogatives institutionnelles et bloquer l’accès aux familles nouvellement anoblies par les souverains. Parmi ces critères, l’ancienneté de l’implantation milanaise, qui doit être prouvée sur plus d’un siècle, est déterminante. À Milan, l’ancien modèle d’une noblesse civique n’a donc pas été effacé et la situation diffère du cas florentin davantage marqué par la présence d’une société de cour88. Dans la capitale lombarde, le prestige donné par le statut patricien est attesté par le fait que des familles nobles non-patriciennes (d’origine espagnole ou provenant d’autres villes de Lombardie) cherchent à l’obtenir dès qu’elles répondent au critère de la résidence centenaire dans la ville.
L’élite économique du duché de Milan ?
24La consistance des patrimoines mobiliers et immobiliers de l’ensemble des familles patriciennes est difficile à évaluer précisément. Seuls les patrimoines des familles les plus importantes et dont les archives ont été le mieux conservées nous sont connus. La documentation fiscale constitue un autre moyen de restituer les niveaux de fortune du groupe social, mais, là encore, les résultats apparaissent incomplets. Un travail de grande ampleur avait été entrepris sous la direction de S. Zaninelli à partir du cadastre thérésien, mais il ne prend pas en compte le patriciat milanais comme groupe spécifique et il n’envisage pas la question en termes de patrimoines familiaux, mais de distribution sociale de la propriété selon les différentes zones agricoles89. C. Besana s’est aussi appuyé sur la source fiscale, cette fois dans une optique patrimoniale, mais il ne prend en compte que les cinquante-huit familles présentes au Consiglio Generale en 1723, ce qui limite le champ d’étude90. Les informations les plus complètes sur la hiérarchie des fortunes proviennent finalement de l’étude de F. Arese, menée à partir d’une source fiscale datant de la toute fin du XVIIIe siècle91. L’instauration d’un prêt forcé par la République Cisalpine (loi du 22 ventôse an VI) a en effet donné lieu à la réalisation d’une liste comprenant les 2 500 personnes les plus riches du département d’Olona, qui ont été imposées à cette occasion. Celles-ci sont réparties en 20 classes selon leurs revenus et sont imposées proportionnellement à ceux-ci. F. Arese a publié la liste des personnes taxées disposant de 10 000 lires et plus de revenu, soit 286 personnes qui représentent l’élite économique de la Lombardie. La place des patriciens parmi les personnes les plus riches du département d’Olona transparaît nettement : ils représentent 154 familles sur un total de 286, soit 54 % des personnes qui possèdent plus de 10 000 lires de revenus annuel. Ils constituent même 75 % des personnes détenant des revenus supérieurs à 28 000 lires. Néanmoins, une approche plus approfondie met en évidence deux phénomènes : tout d’abord, de nombreuses familles patriciennes n’apparaissent pas parmi cette élite économique (le patriciat compte environ 250 familles au moment où est réalisée cette liste) ; ensuite, 46 % des familles qui possèdent plus de 10 000 lires de revenu annuel n’appartiennent pas au patriciat. Ce sont pour moitié des familles nobles non-patriciennes, dont l’installation à Milan est relativement récente. Si elles disposent d’une forte reconnaissance sociale, elles ne possèdent pas le siècle d’implantation requis pour faire partie du patriciat. C’est le cas du marquis Bentivoglio Trotti, des comtes Pietro Venini et Carlo Ercole Castelbarco. Quant aux comtes Greppi et Mellerio, qui se sont enrichis en tant que Fermiers généraux dans la seconde moitié du siècle, ils figurent au premier rang des fortunes milanaises, à égalité avec des familles patriciennes tels que les Borromeo ou les Litta grâce à leurs 230 000 et 300 000 lires de revenus annuels. Ces résultats mettent donc en évidence la prépondérance du patriciat dans la richesse foncière milanaise, mais négligent malheureusement la prise en compte d’autres formes d’investissement. Par ailleurs, ils ne portent pas sur l’ensemble du groupe patricien, excluant les familles ayant moins de 10 000 lires de revenu annuel. Il n’existe donc pas d’étude s’intéressant à la fortune de l’ensemble des familles patriciennes et l’existence de familles pauvres n’a pas fait l’objet d’études spécifiques à la différence du patriciat vénitien92.
L’ébranlement du statut patricien dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
Les réformes autrichiennes et la remise en cause du système patricien
25Après la paix d’Aix-la-Chapelle, qui met fin à la Guerre de Succession autrichienne, le gouvernement viennois engage en Lombardie une politique réformatrice qui s’attache d’abord aux questions fiscales, mais s’étend également à bien d’autres domaines (administration, éducation, religion, justice, etc.)93. La réalisation du cadastre et son activation (1760) constituent la première atteinte au pouvoir patricien, à la fois parce qu’il s’accompagne d’une remise en cause de ses privilèges fiscaux, mais aussi parce qu’il démontre la capacité du pouvoir central à mettre en œuvre une politique conduite par des organismes parallèles et faisant appel à des étrangers94. Pour atteindre ses objectifs, le pouvoir central adjoint en effet aux patriciens – et éventuellement leur substitue – des personnes provenant d’autres groupes sociaux et d’autres horizons géographiques, mais il cherche aussi à stimuler l’émergence, à l’intérieur même du patriciat, de personnes liées, pour des raisons idéologiques ou par opportunisme, à la politique innovatrice.
26Au niveau strictement institutionnel, une première série de réformes est engagée à la fin des années 1740 et dans la décennie qui suit. Elle concerne d’abord les institutions royales avec l’abolition du Conseil secret en 1745, puis de l’office de régent et du Conseil d’Italie en 1757, les compétences de ce dernier étant transférées à un département de la Chancellerie impériale95. Il n’y a donc plus de représentant officiel du Sénat lombard auprès de la monarchie autrichienne, ce qui constitue une perte d’influence pour les élites locales. En 1749, les deux Magistrati Ordinario et Straordinario sont réunis au sein du Magistrato Camerale, qui voit le nombre de questeurs passer de douze à six. En 1759, la charge de Grand Chancelier est supprimée et un ministre plénipotentiaire devient dès lors l’instrument direct de Vienne dans la mise en œuvre de la politique réformatrice96. En 1771, la grande réforme des magistratures qui concerne le Sénat, le Magistrato Camerale et la Chambre des Comptes, redéfinit les compétences respectives et opère une nette séparation entre la justice, l’administration et la gestion des fonds publics97. Au niveau des magistratures citadines, domaine traditionnellement réservé au patriciat, le pouvoir royal se fait représenter. Afin de ne pas heurter l’élite urbaine, c’est un patricien qui est choisi pour cette fonction : le comte Luigi Trotti devient délégué royal (Regio Delegato) et supervise dès lors les sessions des diverses assemblées (Consiglio Generale, Tribunale di Provvisione, Congregazione del Patrimonio, Banco di S. Ambrogio...)98. Jusqu’aux années 1780, les réformes entreprises respectent toutefois l’autonomie traditionnelle des organes civiques et ne cherchent pas à remettre leur existence en cause. Le processus réformateur enclenché dans les années 1750 atteint certes le patriciat en tant que corps mais certains de ses membres, à titre individuel, y prennent part et en tirent profit. Le réformisme thérésien cherche à créer un corps de fonctionnaires qui participent à la gestion de l’État en position subordonnée aux directives du souverain et qui ne considèrent pas leur charge comme une tradition ou un privilège familial, mais comme une fonction avantageuse sur le plan économique et social, à laquelle ils sont appelés par la bienveillance et l’autorité du prince99. Sous le règne de Joseph II, la remise en cause du pouvoir patricien se fait beaucoup plus radicale car les réformes impériales touchent désormais directement les institutions civiques, bastions du pouvoir patricien. En 1784, la Congregazione del Patrimonio est d’abord ouverte à des non-patriciens pour un tiers de ses membres. L’édit du 23 novembre 1784 affiche clairement la volonté de Joseph II de limiter le pouvoir patricien en faveur des autres groupes :
Nous observons que le poids de devoir s’occuper des sujets publics relevant de l’intérêt commun est retombé, au fil du temps, sur le seul groupe des patriciens (…) L’inégalité de ce poids, qui n’est conforme ni à l’équité ni à la bonne constitution civile, ni aux principes que nous voulons introduire, nous a conduit à reconnaître le bien-fondé de soulager en partie le groupe des nobles (…) Nous espérons ainsi intéresser l’autre classe de personnes économiquement aisées et instruites aux affaires relatives au bien du pays, ainsi que l’exige l’avantage général (…) Avec le présent décret royal nous disposons et voulons qu’à partir du début de la prochaine année, les administrations civiques sous le nom de Congregazione del Patrimonio (…) ne soient plus composées seulement de nobles mais aussi de cittadini (…) Nous nous réservons d’examiner ultérieurement l’organisation des autres corps municipaux et civiques à l’effet d’étendre à ceux-ci le même principe d’égalité100.
27Deux ans plus tard, en 1786, l’examen des autres corps municipaux porte, de manière radicale, à la suppression des principales institutions qui représentaient le pouvoir patricien et signe ainsi une étape successive dans la politique réformatrice. L’abolition du Sénat, du Tribunale di Provvisione, de la Congregazione del Banco di S. Ambrogio – incorporée au Monte di Santa Teresa – représente l’acmé du bouleversement des institutions patriciennes. Le Tribunale di Provvisione est remplacé par une Congrégation municipale qui se compose certes encore d’une majorité de patriciens (six sur ses neuf membres, dont le préfet qui la dirige), mais qui est également ouverte à d’autres groupes sociaux. Cette présence majoritaire des patriciens ne doit cependant pas faire illusion : les anciens magistrats autonomes, représentant la ville de Milan, sont devenus de simples employés de l’État, membres d’une hiérarchie bureaucratique et soumis au pouvoir direct de l’intendant politique provincial101. La réforme de 1786 a ainsi été interprétée comme une défaite complète du patriciat, qui perd le contrôle des institutions au fondement de son pouvoir. L’objectif de Joseph II n’était pas de s’attaquer au patriciat milanais en tant que classe sociale ou aux individus qui le constituent, mais d’affaiblir le système patricien en l’ouvrant à d’autres groupes sociaux et surtout d’abolir l’existence de corps privilégiés, incompatible avec sa conception du pouvoir qui entend former une bureaucratie moderne et efficace au service de l’État central. Le patriciat n’oppose qu’une faible résistance à ces réformes et si quelques-uns de ses représentants, pourtant progressistes, osent émettre des protestations, la diffusion de leurs critiques reste limitée102. Les patriciens demeurent présents dans les institutions réorganisées, dont l’esprit est désormais complètement transformé : devenus membres d’une classe de fonctionnaires au service de l’État, ils ont perdu leur monopole institutionnel. Les équilibres politiques se sont transformés au profit d’une centralisation et d’une affirmation du rôle de l’État face à celui d’un corps social privilégié.
28La plupart des réformes de Joseph II sont abrogées ou atténuées par Léopold II (1790-1792) : la Congrégation d’État et le Vicario di Provvisione sont rétablis tandis que les intendances politiques sont abolies. Mais le rétablissement de l’ordre ancien est d’autant plus limité et éphémère que l’année 1796 voit l’arrivée des armées françaises à Milan et le début du Triennio républicain. Épargné par les réformes de Joseph II en 1786, mais néanmoins vidé de ses fonctions par la suppression des autres institutions civiques, le Consiglio Generale est supprimé en 1796 tandis que ses membres sont temporairement emprisonnés. Certains patriciens réussissent toutefois à se faire une place dans le nouveau régime napoléonien103. En devenant vice-président de la République italienne en 1802, Francesco Melzi d’Eril représente le symbole de cette réinsertion des patriciens dans les nouvelles institutions. Parallèlement à ces réformes institutionnelles, d’autres mesures s’attachent à encadrer les statuts nobiliaires.
La redéfinition des statuts nobiliaires par le pouvoir viennois
29Milan a connu une véritable vie de cour à l’époque des Visconti et des Sforza, mais celle-ci fut ensuite marginalisée durant la période espagnole. En effet, l’entourage qui gravite autour du gouverneur en poste à Milan ne constitue qu’une très pâle réplique de la cour espagnole, dont le véritable centre est Madrid104. Au XVIIIe siècle, la correspondance des patriciens milanais montre leur intégration dans des réseaux les reliant à la cour impériale qu’ils mobilisent pour obtenir décorations et charges105. Toutefois, à Milan, les pratiques n’évoluent véritablement qu’en 1771, lorsque l’archiduc Ferdinand devient gouverneur. La promulgation d’une liste des personnes admises auprès de celui-ci (et obligées à porter l’habit de cour) s’accompagne d’une distinction entre « les honneurs patriciens » et « les honneurs de la Cour », les premiers ne procurant pas systématiquement les seconds106. La rupture est importante : la vraie noblesse, celle qui donne accès à la cour, ne sera plus accordée par cooptation d’un corps citadin, mais uniquement par reconnaissance du souverain. C’est l’aboutissement d’une longue évolution qui avait déjà été constatée quelques années auparavant par les magistrats patriciens :
La Ville n’a désormais plus aucune prérogative ou privilège de faire ou de créer des nobles ou des patriciens, mais seulement de déclarer si le sujet qui se présente pour être admis aux honneurs du patriciat en possède les conditions requises. Il est nécessaire de bien distinguer le droit de la Ville de celui du Prince. Car si l’on ne sépare pas bien l’un de l’autre, on court le risque de sortir de nos frontières et d’envahir celles du Prince, lequel pourrait priver la Ville de l’autorité dont elle jouit présentement107.
30Dans le contexte réformateur de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la volonté de réglementer la « matière nobiliaire » a un double objectif : affirmer le contrôle de l’État, mais aussi préparer la nouvelle cour de l’archiduc Ferdinand. Cette nécessité d’encadrer les statuts nobiliaires n’est pas nouvelle : au XVIIe siècle, la multiplication des titres de noblesse et des usurpations, le problème des titres concédés par des souverains voisins (ducs de Parme, de Mantoue, de Savoie…) rendait nécessaire un contrôle de l’usage des titres. À plusieurs reprises, la monarchie espagnole avait rappelé l’obligation de posséder des fiefs pour jouir d’un titre nobiliaire ; de nombreux édits avaient dénoncé les abus, sans grand succès, et plusieurs projets de rédaction d’un registre de la noblesse avaient été lancés, sans résultat concret108. Peu après la paix d’Aix-La-Chapelle, l’édit du 14 septembre 1750 prévoit l’instauration d’un Office d’héraldique composé de trois patriciens pour la réalisation d’un catalogue des feudataires et des personnes titrées de l’État et réclame aux corps civiques reconnus comme nobles une liste de leurs membres109. La démarche se rapproche de celle entreprise dans la Toscane habsbourgeoise avec la loi de noblesse de 1750110. Le contexte social y était toutefois quelque peu différent dans la mesure où l’existence d’une vie de cour aux XVIe-XVIIe siècles avait déjà favorisé la reconnaissance d’une noblesse créée par le souverain aux dépens de celle émanant des corps urbains. À Milan, si la démarche n’aboutit pas en 1750, elle représente une nouveauté dans la mesure où l’Office d’héraldique est envisagé comme une institution royale, indépendante et créée spécifiquement à cet effet. C’est l’arrivée prochaine de l’archiduc Ferdinand comme gouverneur de Milan qui permet la concrétisation de ce projet111. L’édit du 12 mars 1767 prépare la constitution de cette institution, présidée par Don Paolo Rido della Silva. Elle a la charge de rédiger un catalogue de tous les nobles de l’État, de veiller à l’usage des titres de noblesse et d’examiner les preuves de noblesse pour l’admission au titre de chambellan impérial. L’objectif est de préparer la réglementation pour la future cour de l’archiduc mais aussi d’établir une certaine homogénéité à l’intérieur des différents États qui composent l’Empire en matière de rangs et de prérogatives nobiliaires112.
31La conscience d’une spécificité des aristocraties italiennes est néanmoins bien présente chez les principaux représentants du pouvoir autrichien : Kaunitz reconnaît « qu’il faut s’accommoder de la conception que les villes italiennes ont de la noblesse de leurs familles, bien différente de celle qui a cours en Allemagne » et ajoute plus tard qu’en Italie, « il suffit, pour introduire le grade de noblesse dans les familles, de leur admission aux premières charges civiques des principales villes qui autrefois se gouvernaient comme des républiques (…) Au contraire, en Allemagne, les nobles vivent à la campagne sans pouvoir entrer dans aucun corps civique »113. L’instauration du Tribunal d’héraldique ne semble pas, à première vue, résulter d’une volonté de rupture avec les pratiques nobiliaires en usage car ses membres sont essentiellement des patriciens milanais114. Les modèles d’évaluation de la noblesse élaborés par le Collège des Jurisconsultes sont même repris par Vienne pour l’admission des sujets lombards comme chambellans impériaux115. Pourtant, des décalages dans la conception de la noblesse existent aussi entre Kaunitz et les Lombards, comme en témoignent les débats sur les preuves de noblesse. Sur ce point, il est finalement décidé de se fonder sur les critères requis par l’Ordre de Malte. C’est ainsi une conception large de la noblesse qui triomphe puisque l’édit de 1769 distingue trois grandes catégories : une noblesse féodale, une noblesse d’offices et une noblesse civique. La première correspond aux possesseurs de fiefs d’au moins 50 feux (le nombre minimum pour requérir le titre de comte). La seconde comprend les ministres royaux qui siègent dans les principales institutions (Sénat, Conseil économique, Magistrato Camerale) ou qui revêtent des charges mineures (avocat fiscal, capitaine de justice, podestat…). Leur noblesse est exclusivement personnelle, même si elle peut être transmissible pour les charges majeures. La troisième catégorie englobe enfin les personnes appartenant aux « corps nobles des villes ». Les magistratures urbaines sont chargées d’établir la liste de cette dernière catégorie et c’est ainsi qu’en 1770, les Conservatori degli Ordini de Milan présentent au Tribunal d’héraldique la liste des patriciens milanais116 . Les conditions de rédaction de cette liste sont mal connues. S’il est évident que toutes les familles admises au patriciat par les Conservatori degli Ordini (actifs depuis le milieu du XVIIe siècle) et dont un représentant est encore en vie, ont pu être facilement recensées, le problème est plus délicat pour les familles dont l’appartenance au patriciat remonte à des origines plus anciennes. Certaines de ces familles peuvent en effet se trouver dans une situation relativement marginale à cette époque (déclin économique, retrait sur les terres, etc.) ou encore être absentes de Milan. Cette difficulté à recenser la totalité des familles appartenant à la noblesse civique explique sans doute l’ajout de nombreuses familles dans les années 1770. En ce qui concerne cette catégorie nobiliaire, il semble donc qu’il n’y ait pas d’ingérence de la part du pouvoir central dans le contrôle du statut de patricien et dans les admissions successives qui demeurent du seul ressort des autorités civiques. Dans un premier temps, la conception de la noblesse qui émane du Tribunal apparaît donc un compromis entre l’absolutisme bureaucratique viennois et la reconnaissance des traditions d’autonomie du patriciat. Pourtant, derrière ces apparences, les patriciens deviennent une catégorie de nobles parmi d’autres et, par ce biais, la monarchie autrichienne peut remettre en cause leur prétention à constituer une élite au sein de la noblesse. Cet esprit transparaît dans une lettre de Kaunitz, datée de mars 1776, qui répond au président du Tribunal d’héraldique après que ce dernier a défendu l’idée d’une supériorité de la noblesse ancienne sur les nouveaux anoblis. Le chancelier réplique ainsi qu’une famille déclarée noble par le souverain, après l’avoir servi honorablement durant trois générations, ne devait pas être « considérée inférieure au grade de noblesse de familles dont les preuves de noblesse positiva e generosa avaient été reconnues par le Tribunal d’héraldique pour avoir vécu durant deux siècles more nobilium avec une certaine somptuosité grâce à leur richesse, avec des sépultures privées, des droits de patronage, des titres démontrés dans les actes notariés, alors qu’elles ne comptent peut-être aucun membre de la famille qui ait revêtu des charges civiques ou militaires, ou prêté service à l’État sinon pour quelque affermage ou entreprise économique »117. Il s’agit bien là d’une exaltation de la noblesse comme service du roi derrière laquelle on peut lire une attaque à l’encontre des familles ayant connu une ascension uniquement liée aux entreprises commerciales et financières. Et c’est sans doute pour cette raison que le patriciat milanais devient plus rigide dans ses positions sur le commerce118. En 1769, la principale innovation réside toutefois dans le rôle du tribunal royal, qui affirme le pouvoir du souverain de connaître et légitimer tous les nobles existant dans l’État, phénomène qui participe de « l’étatisation des aristocraties italiennes »119.
32En 1786, Joseph II abolit le Tribunal d’héraldique et réduit les questions nobiliaires à de simples compétences administratives au sein d’un département du nouveau Conseil de gouvernement. On peut y voir une remise en cause de l’idée de noblesse en tant que groupe privilégié dont la légitimité émanerait d’un ordre voulu par Dieu. En France, Fénelon avait déjà évoqué l’idée que les nobles devaient mériter leur privilège à travers l’exercice d’une fonction d’utilité publique. Joseph II porte à son terme cette idée en considérant le service de l’État comme fonction propre à la noblesse, un État dont le souverain constitue le premier serviteur120. Cette évolution comporte une critique radicale de la réalité existante. Le critère devenant celui de l’utilité sociale et du service public, la nature héréditaire du privilège est appelée à être supplantée par une conception dans laquelle le souverain accorde la noblesse à ceux qui se distinguent par leurs qualités personnelles. Pour Joseph II, le service de l’État importe toutefois bien davantage que les prééminences de cour. C’est dans cet esprit que sont entreprises les réformes de l’administration et que l’empereur rejette la proposition de l’archiduc Ferdinand, en 1782, de créer un ordre équestre de Saint Joseph, qui serait doté avec les biens des institutions ecclésiastiques supprimées121. En 1787, il finit également par supprimer les habits de cour pour les dames, le baisemain et la révérence avec génuflexion, ces actes « devant se réserver seulement à Dieu »122. Sous Léopold II, certaines pratiques de cour sont rétablies et, en 1795, est publié l’« Elenco generale di tutti li Cavalieri, Dame e Nobili di Milano che godono l’accesso alla R. Arciduca corte, come altresi di tutti li Signori principali componenti li rispettivi Regi Dicasteri colli particolari loro Titoli, giusta il nuovo Piano e Regolamento di questà città dell’anno 1795 ».
33Dans un premier temps, l’instauration du Tribunal d’héraldique ne semble donc pas menacer la survie du patriciat puisqu’elle reconnaît l’existence d’une noblesse civique et que les admissions au patriciat relèvent toujours des Conservatori degli Ordini qui doivent seulement transmettre la liste des nouveaux admis. La noblesse civique reste donc autonome pour son recrutement, mais perd de son prestige par rapport à une noblesse impériale qui obéit à une nouvelle hiérarchie dans la perspective d’une réglementation de la vie de cour à Milan. La politique réformatrice, qui atteint son apogée sous Joseph II avec la remise en cause des institutions urbaines elles-mêmes, porte le coup de grâce à cette noblesse civique comme en témoigne la chute du nombre de demandes d’intégration au patriciat123. Le modèle patricien, vidé de son contenu, perd alors inévitablement de son attractivité.
Notes de bas de page
1 C. Mozzarelli, Il sistema patrizio, dans C. Mozzarelli et P. Schiera (dir.), Patrizi e aristocrazie nobiliari : ceti nobiliari e organizzazione del potere nell’Italia centro-settentrionale dal XVI al XVIII secolo [Atti del seminario del 9-10 décembre 1977, Istituto storico italo-germanico in Trento], Trente, 1978, p. 52-63.
2 S. F. Nadal, The Concept of Social Elites, dans The International Social Science Bulletin, VIII, 1956, p. 413-424.
3 A. Álvarez-Ossorio Alvariño, La Repùblica de las parentelas : el estado de Milán en la monarquía de Carlos II, Mantoue, 2002.
4 F. Arese, La matricola del patriziato milanese di Maria Teresa, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (dir.), Economia, istituzioni, cultura in Lombardia nell’età di Maria Teresa, t. 3, Bologne, 1982, p. 325-361 (p. 325).
5 G. Vismara, Le istituzioni del patriziato, dans Storia di Milano, XI, Milan, 1958, p. 223-282 ; Id., Il patriziato milanese nel Cinque-Seicento, dans E. Fasano Guarini (dir.), Potere e società negli stati regionali italiani del ‘500 e ‘600, Bologne, 1978, p. 153-171 ; C. Donati, Il patriziato e le sue istituzioni, dans F. Della Peruta (dir.), Storia illustrata di Milano, Milan, 1993, p. 1041-1060.
6 Les textes normatifs du collège à ce sujet sont recensés dans Collectanea de legibus nobilitatis ad anno salutis MCLXXX ad annum MDCCXXXIV… observante nobili viro iureconsulto et advocato Johanne de Sitonis de Scotia Mediolanensi Chronista, Milan, 1724.
7 L’expression provient de G. Vismara, Le istituzioni del patriziato… cit.
8 C. Mozzarelli, Struttura sociali e formazioni statuali a Milano e Napoli tra ‘500 e ‘700, dans Società e Storia, 3, 1978, p. 431-463, voir en particulier p. 433-434.
9 Les tentatives de conjuration se limitent à des épisodes précis et d’ampleur limitée : en 1645, alors que les Français sont à Vigevano et menacent Milan, se forme une conjuration de nobles favorables au parti français qui est cependant rapidement démantelée et s’achève avec la pendaison de Giuseppe Piantanida en 1647. En 1658, l’armée française est à Vimercate et le comte Matteo de Rosales est accusé d’avoir favorisé l’avancée de l’ennemi. Après cinq ans de prison dans le château de Pavie, il est finalement absous (C. Santoro, Una testimonianza delle scorrerie dei Francesi nel Vimercatese nel 1658, dans ASL, 61, 1934, p. 257-292). En mai 1704, le sénateur Cesare Pagani est arrêté et enfermé dans la forteresse de Pizzighettone pour avoir pris le parti de Charles III contre Philippe V (C. Vianello, Il Senato di Milano organo della dominazione straniera, dans ASL, 1935, p. 5-78 et, en particulier, p. 59). Lors de la guerre de Succession autrichienne, certains membres du patriciat s’affichent manifestement contre Marie-Thérèse. Ils subissent quelques années d’exil mais reviennent rapidement à Milan. Voir aussi le cas des Borromeo au XVIIe siècle : C. Cremonini, Storia di un eclissi apparente : la famiglia Borromeo tra dissidi interni e octracismo spagnolo (1600- 1652), dans P. Pissavano et G. Signorotto (dir.), Lombardia borromaica, Lombardia spagnola (1554-1669), Rome, 1995, p. 477-513.
10 Constitutiones Dominii Mediolanensis decretis et Senatus consultis, édité par Gabriele Verri, Milan, 1747. Voir le livre V.
11 G. Barni, I rapporti internazionali dello Stato di Milano durante il periodo della preponderanza straniera : note di storia giuridica, dans ASL, 1943, p. 19-71.
12 F. Pino, Patriziato e decurionato a Milano nel secolo XVIII, dans Societa e Storia, II, 1979, p. 339-378 (p. 348). De nombreuses lettres de recommandation se trouvent dans ASM, Uffici civici p.a., cart. 133-134.
13 F. Arese, La matricola teresiana… cit., p. 335.
14 F. Pino, Patriziato e decurionato a Milano… cit. (en particulier p. 350). Durant la période 1563-1706, les 600 décurions appartiennent à seulement 253 familles, parmi lesquelles 23 ont donné cinq décurions ou plus. Un même phénomène de concentration apparaît au XVIIIe siècle puisque les 252 décurions qu’a comptés le Consiglio Generale durant la période autrichienne (1706-1796) appartiennent à 133 familles qui portent seulement 101 patronymes différents. Voir aussi M. Barbot, Il patriziato milanese : un’elite aperta ? Ricambio politico e mobilità sociale nel ceto dirigente ambrosiano (secoli XVI-XVIII), dans Per una storia sociale del politico : ceti dirigenti urbani italiani e spagnoli nei secoli XVI-XVIII, dans Cheiron, 41, 2005, p. 71-99.
15 F. Pino, Patriziato e decurionato… cit., p. 349. Pour le XVIIIe siècle, 80 % des cas de décurions sortants pour renonciation se caractérisaient par la succession d’un proche parent (frère, neveu, gendre et surtout fils).
16 Une large partie de la documentation émanant du Tribunale di Provvisione a disparu. Les comptes-rendus se trouvent essentiellement dans le fonds Uffici civici de l’ASM (pour le XVIIIe siècle) et le fonds Dicasteri de l’ASCM (XVIIe siècle). Le Tribunale doit gérer un personnel important, qu’il s’agisse des contrôleurs de l’annone, du personnel des archives, du camparo delle acque ou dei bastioni. Ses compétences s’étendent à tout le duché comme en témoignent les références à Côme, Abbiategrasso, etc.
17 F. Arese, Elenchi dei magistri patrizi di Milano dal 1535 al 1796. I vicari di provvisione, dans ASL, 1964-65, p. 5-27. Sur les 200 vicari de la période, 137 occupèrent la charge une seule fois, 48 deux fois et 15 trois fois. Parmi les 88 ayant accédé aux charges royales, 51 entrèrent au Sénat et 9 obtinrent la présidence du Sénat ou d’un des Magistrati.
18 C’est par exemple le cas des Capitanei di Vimercati, des Scaccabarozzi ou des Schiaffinati, des Lodi, des Parravicini (marquis de Macherio), des Cittadini II, des Croce (comtes de Masnago).
19 La liste des membres du Collège, réalisée par G. Sitoni di Scozia en 1706, a été publiée par F. Arese qui l’a poursuivie jusqu’à la date de 1796 : F. Arese, Il Collegio dei nobili Giureconsulti di Milani, dans ASL, 1977, p. 129-197.
20 Il déclare alors les membres du collège cavalieri aurati e conti del palazzo apostolico e dell’aula lateranense (8 juillet 1560) et leur accorde de nombreux privilèges. Il leur concède ainsi le droit de créer docteurs les juges ordinaires et les notaires, de désigner parmi leurs membres un auditeur de la Rote et un avocat consistorial, d’élire un cardinal protecteur du collège et enfin de légitimer les bâtards. Pie IV finance également la construction du bâtiment chargé d’accueillir ses 130 membres, situé sur un emplacement prestigieux : la Piazza dei Mercanti, cœur de la ville et centre des institutions municipales.
21 D. E. Zanetti, Università e classi sociali nella Lombardia spagnola, dans A. Tagliaferri (dir.), I ceti dirigenti in Italia in età moderna e contemporanea, Udine, 1984, p. 229-245 ; E. Brambilla, Il sistema letterario di Milano : professioni nobili e professioni borghesi dall’età spagnola alle riforme teresiane, dans Economia, istituzioni, cultura in Lombardia… cit., vol. 3, p. 79-160 ; F. Chabod, Lo Stato di Milano nella prima metà del secolo XVI, Rome, 1955, p. 161 et sq. ; U. Petronio, Burocrazia e burocrati nel ducato di Milano dal 1561 al 1706, dans Per Francesco Calasso. Studi degli allievi, Rome, 1978, p. 479-561 et Id., La burocrazia patrizia nel ducato di Milano nell’età spagnola (1561- 1706), dans Il pubblico funzionario : modelli storici e comparativi, IV, L’educazione giuridica, Pérouse, 1981, p. 253-328.
22 Voir les dossiers d’admissions qui se trouvent à l’Archivio di Stato di Milano, fondo Araldica p.a.
23 Elle a notamment en charge le recouvrement des créances, le paiement des dettes, le contrôle des impôts et du bilan des finances urbaines. Cet organe, institué le 12 mars 1594, accueille le Vicario di Provvisione, son lieutenant, six décurions et deux docteurs du Collège des Jurisconsultes. Voir A. Visconti, La pubblica amministrazione nello stato milanese durante il predominio straniero (1541-1796) : saggio di storia del diritto amministrativo, Rome, 1913.
24 A. Cova, Il Banco di S. Ambrogio nell’economia milanese dei secoli XVII e XVIII, Milan, 1972.
25 Durant la période espagnole, les Italiens qui obtiennent ces charges sont essentiellement des Romains (Francesco Caetani, duc de Sermoneta est gouverneur de Milan entre 1660 et 1662 ; Carlo Colonna, duc de Marsi est castellano et membre du Conseil secret entre 1634 et 1637) ou des Napolitains (le cardinal Marino Caracciolo est gouverneur entre 1536 et 1538 ; Gerolamo Caraffa est membre du Conseil secret en 1626). Durant la période autrichienne, l’origine géographique des gouverneurs est plus variée : le comte Pallavicini est un Gênois, le comte Beltrame Cristiani, ministre plénipotentiaire entre 1753 et 1758, vient aussi de Ligurie. Le comte Firmian, qui lui succède, est originaire du Trentin. Enfin, le duc de Modène occupe la fonction d’administrateur de 1753 à 1771 avant l’arrivée de l’archiduc Ferdinand.
26 Les sièges réservés aux Espagnols sont seulement au nombre de trois pour le Sénat et d’un seul parmi les questeurs togati ou di cappa corta des magistrati. Les autres sièges sont donc à disposition des grandes familles lombardes et en particulier du patriciat milanais.
27 C. A. Vianello, Il Senato di Milano… cit. et surtout U. Petronio, Il Senato di Milano : istituzioni politiche ed esercizio del potere nel Ducato di Milano da Carlo V a Giuseppe II, Milan, 1972.
28 U. Petronio, Burocrazia e burocrati… cit. Entre 1561 et 1706, sur un total de 208 sénateurs, les Milanais sont 80, les Lombards 74 et les Espagnols 54. Les sénateurs lombards non milanais proviennent essentiellement de Crémone, Pavie et Côme. Un certain nombre d’entre eux finit par intégrer le patriciat milanais au XVIIIe siècle, tels les Clerici.
29 A. Visconti, La pubblica amministrazione… cit. Sur le fonctionnement des Magistrati durant l’époque espagnole : M. Ostoni, Gestione delle entrate e controllo contabile a Milano : i Magistrati dei redditi e la Tesoreria Generale fra Cinque e Seicento, dans E. Brambilla et G. Muto (dir.), La Lombardia spagnola : nuovi indirizzi di ricerca, Milan, 1997, p. 209-224 ; G. Signorotto, Milano spagnola : guerra, istituzioni, uomini di governo (1635-1660), Milan, 1996, chapitre 6 ; D. Sella, Lo Stato di Milano in età spagnola, Turin, 1987, p. 35-37.
30 Chiffres tirés de F. Arese, Le supreme cariche del Ducato di Milano. I. Da Francesco II Sforza a Filippo V (1531-1706), dans ASL, 1970, p. 59-156 et Id., Le supreme cariche del Ducato di Milano e della Lombardia austriaca (1706-1796), II, dans ASL, 1979-80, p. 535-598.
31 C’est par exemple le cas de la famille Archinto au Magistrato Straordinario avec Alessandro (en 1563), Carlo (en 1651) puis Filippo (en 1665) – les deux derniers entrant également au Sénat. Pour la famille Arese, le comte Marco accède au Sénat en 1675 puis devient président du Magistrato Ordinario en 1685. La même année, son fils Benedetto y entre comme questeur. Les Talenti di Fiorenza, Caimi et Sfondrati sont également particulièrement présents au Sénat.
32 A. Álvarez-Ossorio Alvariño, La Republica de las parentelas... cit. ; Id., La venalidad de magistraturas en el Estado de Milán durante el reinado de Carlos II, dans ASL, 2000, p. 111-261. Avant même le passage à la souveraineté autrichienne, les relations avec la cour impériale pouvaient constituer un appui auprès de la monarchie espagnole. L’obtention d’une charge de questeur par la famille Crivelli di Agliate au milieu du XVIIe siècle est largement liée au mariage d’Enea Crivelli, en 1674, avec Gabriela Trivulzio, bien intégrée dans le monde viennois puisqu’elle est dame d’honneur de l’impératrice : voir C. Cremonini, Percorsi politici e identità sociale di una famiglia lombarda tra sacro romano impero e monarchia cattolica : I Crivelli di Agliate, dans Cheiron, 29, Titolati, cadetti e parvenus : il caso lombardo tra Antico regime e Rivoluzione francese, 1999, p. 25-75.
33 Cette relative autonomie vaut également pour les élites d’autres villes de Lombardie qui réussissent à éviter les interférences de la part du gouverneur dans les affaires locales. Pour le cas de Crémone, voir G. Politi, Aristocrazia e potere politico nella Cremona di Filippo II, Milan, 1976.
34 G. Signorotto, Milano spagnola... cit. ; Id., Spagnoli e Lombardi al governo di Milano (1635-1660), dans P. Pissavino et G. Signorotto (dir.), Lombardia borromaica Lombardia spagnola (1554-1659), Rome, 1995, p. 93-162.
35 C. Capra, Austriaci e Francesi a Milano : il laboratorio della modernità, dans Il laboratorio della modernità : Milano tra Austriaci e Francesi, Milan, 2003, p. 13-23 (p. 14).
36 M. Rosa, Organizzazione ecclesiastica e vita religiosa in Lombardia dall’età dei Borromeo al periodo napoleonico (linee per una ricerca), dans Problemi di storia religiosa lombarda, Côme, 1972, p. 171.
37 L’influence des Borromée fut telle que l’on parle couramment de la Lombardia borromaica pour faire référence à la période où ils furent archevêques. Sur le rôle des archevêques Borromée, voir M. Lezowski, « L’atelier Borromée : l’archevêque de Milan et le gouvernement de l’écrit (1564-1631) », thèse soutenue à Paris-Sorbonne en 2013. Parmi les autres familles patriciennes milanaises qui accédèrent à l’archevêché : les Archinto (Filippo, 1556-1558), les Visconti (Gaspare, 1584-1595), les Monti (Cesare, 1632-1650), les Litta (Alfonso, 1652-1679), les Pozzobonelli (Giuseppe, 1743-1783).
38 Grâce à cette intervention au plus haut niveau, il obtient par exemple en 1743, la nomination d’un Milanais (Giuseppe Pozzobonelli) au lieu d’un Tortonais : C. Castiglioni, Il Cardinale Giuseppe Pozzobonelli arcivescovo di Milano, Milan, 1932. Gerolamo Cusani avait alors été chargé de plaider la cause milanaise auprès du pape.
39 F. Arese, Cardinali e vescovi milanesi dal 1535 al 1796, dans ASL, 1981, p. 163-232.
40 Pie IV (Giovanni Angelo Medici) nomma huit cardinaux entre 1560 et 1565 (les Milanais représentent 17 % des nominations durant ces cinq années) et Grégoire XIV (Nicolò Sfondrati) en créa deux durant son bref pontificat (1590-1591).
41 F. Arese, Cardinali e vescovi… cit., p. 165-166. C’est notamment le cas de cinq Borromeo sur six et de deux Sfondrati sur trois.
42 Sur le chapitre du Duomo : C. Castiglioni, Gli ordinari della Metropolitana attraverso i secoli, dans Memorie storiche della diocesi di Milano, I, Milan, 1954, p. 11-56.
43 L. Besozzi, La matricula delle famiglie nobili milanesi e Carlo Borromeo, dans ASL, 1984, p. 273-330. Liste des familles présentes au chapitre aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 327-330.
44 ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, Ordinazioni, cart. 61, « Consulta del Tribunale di Provvisione al Generale Consiglio sopra le dignità e canonicati ordinari del Duomo, acciò si procuri che vengano conferiti a persone nobili di questa patria (31 gennaio 1681) ».
45 M. Barbot, Le architetture della vita quotidiana. Uso dello spazio e scambio immobiliare a Milano in età moderna : il patrimonio della Fabbrica del Duomo fra XVI e XVII sec., Venise, 2008.
46 Sur la fondation de l’Ospedale Maggiore par les ducs de Milan : F. Leverotti, Ricerche sulle origini dell’Ospedale Maggiore di Milano, dans ASL, 1984, p. 77-113 ; P. Boucheron, Le pouvoir de bâtir : urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, 1998, p. 217. Sur l’implication des familles patriciennes dans cette institution : C. Cremonini, Il capitolo della Ca’ Grande (1560-1650), dans Annuario dell’archivio di Stato di Milano, 2013, p. 65-124 ; I. Orefice, Carità e assistenza in Milano : documenti tra il XVI e il XVII secolo, dans Aspetti della società lombarda in età spagnola, Côme, 1985, p. 9-52 (p. 14 en particulier) ; P. Canetta, Elenco dei Benefattori dell’Ospedale Maggiore di Milano, 1456-1886, Milan, 1886.
47 G. Garufi, « Il patriziato alla guida dell’Ospedale Maggiore di Milano : punto d’avvio di una carriera politico-amministrativa (1650-1750) », tesi di laurea, Università degli Studi di Milano, 2002-2003. Sur les 589 députés de l’institution entre 1650 et 1750, 34 % ont siégé au Consiglio Generale et 61 % au Tribunale di Provvisione. Beaucoup ont été également députés pour d’autres institutions caritatives (10 % au Luogo Pio della Misericordia, 12 % au Luogo Pio di S. Corona, 50 % au Mont de Piété).
48 S. Latuada, Descrizione di Milano ornata con molti disegni, t. IV, Milan, 1738, p. 20-21.
49 S. Latuada, Descrizione di Milano… cit., t. IV, p. 164-165 puis t. V, p. 205.
50 Sur le sujet, H. Dubois, Les élites urbaines sous le regard des médiévistes français depuis 1945, dans C. Petitfrère (dir.), Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains (de l’Antiquité au XXe siècle), Tours, 1999, p. 529-536.
51 G. Giulini, Memorie spettanti alla storia, al governo e alla descrizione della città e campagna di Milano nei secoli bassi, vol. 5, Milan, 1760, p. 729.
52 P. Morigia, La nobiltà di Milano, Milan, 1619 ; G. P. De Crescenzi, Anfiteatro romano nel quale… si rappresentava la nobiltà delle famiglie antiche e nuove della reggia città di Milano, Milan, 1648 ; J. Sitone di Scozia, Theatrum equestris nobilitatis secundae Romae…, Milan, 1706 ; Teatro genealogico delle famiglie nobili milanesi, manuscrit anonyme (vers 1740). Dans le cadre italien, D. Marrara propose une distinction chronologique, le terme de noblesse civique renvoyant aux familles de l’antique noblesse urbaine, présentes lors de la phase communale, alors que celui de patriciat s’appliquerait à des familles intégrées plus récemment aux institutions municipales : D. Marrara, Nobiltà civica e patriziato : una distinzione terminologica nel pensiero di alcuni autori italiani dell’età moderna, dans Annali della Scuola normale superiore di Pisa, classe di lettere e di filosofia, s. III, vol. X, 1980, p. 219-232.
53 Responso del Collegio dei Giureconsulti di Milano, 1663, dans Collectanea de legibus nobilitatis § 19 p. 27.
54 Voir la documentation sur l’admission au patriciat émanant du Conseil des soixante décurions dans ASCM, Dicasteri, Consiglio Generale, ordinazioni. Les formules utilisées sont : « ammettere ai posti di governo della città » (1652, 5 mars), « essere ammesso agli onori di questa città » (13 mai 1718, cart. 82 fasc. 4), « essere ammessi agli onori della patria » (19 dicembre 1729, cart. 88, fasc. 10). À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle se développe l’usage du terme « patricien » : « dichiararli capaci di essere descritti nel ruolo de’ patrizi » (16 décembre 1768, cart. 113 fasc. 3) ; « nell’esame delle cause dei petenti al patriziato » (id.).
55 ASM, Araldica p.a., cart. 20, « Arconati Visconti ».
56 G. Chaix, Le patriciat urbain dans l’historiographie allemande contemporaine, dans C. Petitfrère (dir.), Construction, reproduction… cit., p. 537-549.
57 Sur la tendance à inventer des « généalogies fabuleuses » : R. Bizzocchi, Genealogie incredibili : scritti di storia nell’Europa moderna, Bologne, 1995.
58 C. Mozzarelli, Il sistema patrizio… cit., p. 59. L’interprétation est reprise par G. Castelnuovo, L’identità politica delle nobiltà cittadine, inizio XIII-inizio XVI secolo, dans R. Bordone, G. Castelnuovo et G. M. Varanini (dir.), Le aristocrazie dai signori rurali al patriziato, Rome, 2004, p. 195-243.
59 P. Lanaro, Un’ oligarchia urbana nel Cinquecento veneto : istituzioni, economia, società, Turin, 1992, p. 21 et p. 194-199. Le cas véronais est spécifique dans la mesure où l’élite démontre la volonté de se rattacher à des origines féodales (réelles ou mythiques) pour se démarquer de la domination vénitienne et du modèle d’un patriciat marchand. La fermeture du groupe envers les nouvelles élites marchandes semble aussi particulièrement forte. Voir C. Donati, Scipione Maffei e la scienza chiamata cavalleresca : saggio sull’ideologia nobiliare al principio del Settecento, dans Rivista storica Italiana, 1978-1, p. 30-71.
60 G. Castelnuovo, L’identità politica… cit., (en particulier p. 198).
61 S. Chojnacki, La formazione della nobiltà dopo la Serrata, dans G. Arnaldi, G. Cracco, A. Tenenti (dir.), Storia di Venezia : dalle origini alla caduta della Serenissima, III, La formazione dello Stato patrizio, Rome, 1998, p. 641-728.
62 C. Donati, L’idea di nobiltà in Italia, Bari, 1988.
63 G. Chittolini, Infeudazioni e politica feudale nel ducato visconteo sforzesco, dans Quaderni storici, 19, 1972, p. 57-130.
64 ASM, Araldica cart. 5, Predicati d’onore stato soliti usarsi dalle Famiglie nobili in questa città di Milano ed altre in Lombardia (1767).
65 Il s’agit des comtes Francesco Cavazzi della Somaglia, Giberto Borromeo, Camillo Borromeo, Pietro Francesco Visconti et Pietro Barbiano di Belgioioso. Tous les autres membres possédaient en revanche la mention de Magnifico ou Dominus (abrégé en Don), qui constitue une marque de noblesse. Voir la liste des décurions reconstituée par F. Arese, Elenchi dei magistrati patrizi di Milano : i decurioni… cit.
66 Les quatre membres dépourvus de titres sont : Giulio Dugnani, Francesco Gallina, Antonio Vitali et Carlo Frisiani.
67 E. Stumpo, I ceti dirigenti in Italia nell’età moderna. Due modelli diversi : nobiltà piemontese e patriziato toscano, dans A. Tagliaferri (dir.), I ceti dirigenti in Italia nell’età moderna e contemporanea, Udine, 1984, p. 151-197 (en particulier p. 170-171 et p. 178-182).
68 G. Gullino, I patrizi veneziani di fronte alla proprietà feudale (secoli XVI-XVIII) : materiali per una ricerca, dans Quaderni storici, 43, 1980, p. 162-192.
69 Sur la famille Litta, voir P. Zanoli, Il patrimonio della famiglia Litta sino alla fine del Settecento, dans ASL, 1971-73, p. 284-346.
70 C. Cremonini, Percorsi politici e identità sociale… cit.
71 C. Cremonini, I Clerici di Cavenago… cit.
72 Sur la position sociale des familles au moment de l’achat d’un fief : M. Sacchi, Alla ferrata solita… cit.
73 Les anciennes familles féodales connaissent parfois des difficultés financières qui les amènent à vendre une partie (voire la totalité) de leur fief : voir K. Visconti, Feudo e società nel contado milanese tra Sei e Settecento, dans Annali di Storia moderna e contemporanea, 9, 2003, p. 193-263. Le phénomène aboutit ainsi à une parcellisation des fiefs et même parfois à la séparation du fief en tant qu’entité territoriale et des droits féodaux qui le concernent.
74 M. Sacchi, Alla ferrata solita… cit., p. 70-71. Les familles milanaises représentent 77 acheteurs sur 128 – un chiffre peut-être inférieur à la réalité, car l’origine géographique des acheteurs n’est pas précisée pour 30 cas. Elles sont suivies, de très loin, par les familles de Pavie avec seulement neuf acheteurs. Pour les autres provinces (Alessandria, Côme, Crema, Lodi…), on dénombre seulement un seul acheteur.
75 Les ordonnances de Philippe II en 1577 exigent la possession d’un fief d’au moins cinquante feux pour obtenir le titre de comte et d’au moins cent feux pour celui de marquis : C. Magni, Il tramonto del feudo in Lombardia, Milan, 1936 (p. 130). En 1647, il faut débourser 3000 ducats castillans pour acquérir un titre de comte et 4000 pour celui de marquis.
76 J. Benalius, Elenchus familiarum in Mediolani dominio, feudis, jurisdictionibus titulisque insignium, Milan, 1714.
77 Ces données chiffrées proviennent de F. Arese, Nobiltà e patriziato nello Stato di Milano, dans S. Pizzetti (dir.), Dallo Stato di Milano alla Lombardia contemporanea, Milan, Cisalpino-La Goliardica, 1980, vol. 1, p. 71-96. Voir aussi F. Arese, Concessioni di titoli nobiliari dei re di Spagna come Duchi di Milano, dans Annuario dell’Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1977-1978, p. 93-110.
78 En 1535, 1200 localités constituaient des fiefs ducaux. La période espagnole en ajoute environ 400 : C. Magni, Il tramonto… cit., p. 196. Pour le cadre géographique des terres inféodées : Dizionario feudale delle provincie componenti l’antico stato di Milano all’epoca della cessazione del sistema feudale (1796), édité par E. Casanova, Milan, 1930 ; F. Guasco, Dizionario feudale degli antichi Stati sardi e della Lombardia dall’epoca carolingia ai nostri tempi, 5 vol., Pignerol, 1911.
79 A. Spagnoletti, Stato, aristocrazie e Ordine di Malta nell’Italia moderna, Rome, 1988.
80 A. Spagnoletti, Stato… cit. p. 68-70, p. 99 et pour une explication de la part relativement modeste des Lombards, p. 80. Sur l’ordre de Malte, voir aussi C. A. Bertini Frassoni, Il sovrano militare Ordine di S. Giovanni di Gerusalemme, detto di Malta, Rome, 1929 ; F. Bonazzi, Elenco dei Cavalieri del S. M. Ordine di S. Giovanni di Gerusalemme, Naples, 1897-1907.
81 Les chiffres proviennent de G. Sitoni di Scozia, Theatrum Equestris nobilitatis secundae Romae… cit. p. 288-290.
82 L. P. Wright, Gli ordini militari nella società spagnola del Cinque e Seicento : l’incarnazione istituzionale di una tradizione storica, dans M. Rosa (éd.), Le origini dell’Europa moderna, Bari, 1977, p. 97-145 (p. 125).
83 En ce qui concerne le titre de grand d’Espagne, il n’existe pas d’étude spécifique sur le cas milanais mais l’on peut voir : A. Mele, Cambio dinastico, onori e servizio : il grandato di Spagna a Napoli nei primi anni del Settecento, dans Società e Storia, 137, 2012, p. 515-521 ; M. C. Quintanilla Raso (éd.), Tìtulos, Grandes del Reino y Grandeza en la sociedad polìtica : sus fundamentos en la Castilla Medieval, Madrid, 2006. Sur la concession de la Toison d’or aux patriciens milanais : F. Arese, I Magnifici Tosoni, dans R. Malipiero (dir.), L’Europa riconosciuta : anche Milano accende i suoi lumi, Milan, 1987, p. 371-395.
84 G. Guarnieri, L’ordine di S. Stefano, 4 vol., Pise, 1966.
85 ASM, Araldica, cart. 20 et cart. 39.
86 L’épisode est relaté par F. Calvi, Il patriziato milanese, Milan, 1857, p. 227.
87 C. Mozzarelli, Strutture sociali e formazioni statali a Milano e Napoli tra Cinque e Settecento, dans Società e Storia, 3, 1978, p. 431-463. La comparaison avec Naples est d’autant plus éclairante que les deux États sont sous souveraineté espagnole au XVIIe siècle, mais connaissent des situations radicalement opposées à ce niveau. Voir P. Villani, Feudalità, riforme, capitalismo agrario : panorama di storia sociale italiana, Bari, 1968 ; G. Muto, Problemi di stratificazione nobiliare nell’Italia spagnola, dans A. Musi (éd.), Dimenticare Croce ? Studi e orientamenti di storia del Mezzogiorno, Naples, 1991, p. 73-111. Muto souligne le fait que les pouvoirs de justice féodaux sont extrêmement limités dans le cadre milanais, à la différence du Mezzogiorno. Voir aussi B. G. Zenobi, Ceti e potere nella Marca pontificia : formazione e organizzazione della piccola nobiltà fra ‘500 e ‘700, Bologne, 1976. Pour un cadre plus général : R. Ago, La feudalità in età moderna, Rome, 1998.
88 À Florence, la noblesse de cour occupe clairement une position privilégiée par rapport au patriciat urbain : voir à ce sujet les observations de R. Galluzzi, Istoria del granducato di Toscana sotto il governo della Casa Medici, 8 vol., Florence, 1781, IV, p. 76-77, p. 87 et sq. Voir aussi : J. Boutier, « Construction et anatomie d’une noblesse urbaine : Florence à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle) », thèse de doctorat, EHESS, 1988.
89 S. Zaninelli, La proprietà fondiaria in Lombardia dal catasto teresiano all’età napoleonica, 2 vol., Milan, 1986.
90 C. Besana, Il patrimonio delle famiglie decurionali nella Milano del primo Settecento, dans Tra rendite e investimenti : formazione e gestione dei grandi patrimoni in Italia in età moderna e contemporanea, Bari, 1998, p. 338-348.
91 F. Arese, Patrizi, nobili e ricchi borghesi del Dipartimento d’Olona secondo il fisco della prima republica Cisalpina 1797-1799, dans ASL, 1975, p. 93-121 (p. 93).
92 L. Megna, Nobiltà e povertà : il problema del patriziato povero nella Venezia del’700, dans Atti dell’Istituto veneto di Scienze, Lettere ed Arti, CXL, 1981-2, p. 319-340 ; A. Cowan, Rich and Poor among the Patriciate in Early Modern Venice, dans Studi veneziani, VI, 1982, p. 147-160 ; L. Megna, Ricchi e poveri al servizio dello Stato : l’esercizio della « distributiva » nella Venezia del Settecento, dans A. Tagliaferri (dir.), I ceti dirigenti in Italia nell’età moderna e contemporanea, Udine, 1984, p. 365-380 ; P. Del Negro, La distribuzione del potere all’interno del patriziato veneziano del Settecento, dans A. Tagliaferri (dir.), I ceti dirigenti in Italia… cit., p. 311-335.
93 Les réformes de la seconde moitié du XVIIIe siècle ont donné lieu à une abondante bibliographie parmi laquelle se distinguent : F. Valsecchi, L’assolutismo illuminato in Austria e Lombardia, II, La Lombardia, Bologne, 1934 et C. Capra, La Lombardia austriaca nell’età delle riforme, Turin, 1987 (l’ouvrage renvoie à une bibliographie thématique sur le sujet). Un bilan historiographique, désormais ancien, est offert par E. Rotelli : Fra stato nazionale e stato moderna : storia della storiografia sulle riforme lombarde del Settecento, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (éd.), Economia, cultura, istituzioni… cit., vol. 3, p. 21-61.
94 Sur les réformes financières : C. Capra, Riforme finanziarie e mutamento istituzionale nello stato di Milano : gli anni sessanta del secolo XVIII, dans Rivista storica italiana, 1979, p. 313-368.
95 Sur la création du Département d’Italie : S. Scharrer, Il Dipartimento d’Italia a Vienna dal 1753 al 1792 : Monarchia asburgica e nuovi strumenti di governo, dans Annali di storia moderna e contemporanea, 1, 1995, p. 153-199.
96 Cette charge de plénipotentiaire avait initialement été accordée à Gian Luca Pallavicini en 1746 pour la réorganisation des finances dans le contexte de guerre : C. Capra, La Lombardia austriaca… cit., p. 127 et sq.
97 C. Capra, La Lombardia austriaca… cit., p. 284 et sq. ; C. Mozzarelli, Il Magistrato camerale (1771-1786), Milan, 1979.
98 Sur les réformes des institutions civiques et en particulier sur la création de la charge de délégué royal : A. Grab, Le riforme dei tribunali civici milanesi dal 1771 al 1786, dans ASL, 1981, p. 196-232. L’auteur insiste notamment sur la différence entre le délégué royal choisi « par en haut » et le traditionnel Lieutenant royal qui émanait des institutions milanaises (il devenait Vicario di Provvisione l’année suivante), évoquant les problèmes de préséance entre les deux fonctions. Voir aussi S. Cuccia, La Lombardia alla fine dell’Antico Regime, Florence, 1971.
99 U. Petronio et F. Arese, L’alta magistratura lombarda nell’età delle riforme, dans A. De Maddalena, E. Rotelli, G. Barbarisi (éd.), Economia, istituzioni, cultura… cit., t. 3, p. 659-696.
100 Extrait du préambule à l’édit du 23 novembre 1784, cité par A. Grab, Le riforme dei tribunali… cit., p. 214-215.
101 C. Mozzarelli, Impero e città. La riforma della nobiltà nella Lombardia del Settecento, dans Id. et G. Venturi (dir.), L’Europa delle corti alla fine dell’Antino Regime, Rome, 1991, p. 495-538 (en particulier p. 522).
102 Pietro Verri, qui comptait parmi les patriciens acquis aux idées de réformes, émet des critiques sur la politique de Joseph II (« la destruction des lois et des pratiques d’un pays est un remède pire que le mal »), mais celles-ci ne sont pas destinées à la publication : P. Verri, Pensieri del Conte Pietro Verri sullo stato politico del milanese nel 1790, dans C. Capra (éd.), Scritti politici della maturità : edizione nazionale delle opere di Pietro, VI, Rome, p. 390-433, et en particulier, p. 400 et sq. Voir aussi note introductive de C. Capra.
103 A. Pillepich, Milan, capitale napoléonienne (1800-1814), Paris, 2002 ; E. Pagano, Consiglio comunale e notabilato a Milano nell’età napoleonica, dans G. L. Fontana et A. Lazzarini (dir.), Veneto e Lombardia tra rivoluzione gicobina ed età napoleonica : economia, territorio, istituzioni, Milan-Rome, 1992, p. 80-131.
104 A. Álvarez-Ossorio Alvariño, La corte de los gobernadores del Estado de Milán, dans Studi in memoria di Cesare Mozzarelli, Milan, 2008, p. 421-462.
105 ASM, Fondo Araldica et HHSAW, Lombardei Korrespondenz (1703-1815).
106 C. Mozzarelli, La villa, la corte e Milano capitale, dans F. De Giacomi (éd.), La villa reale di Monza, Monza, 1999, p. 10-43.
107 Istruzione per l’ammissione de’ nuovi soggetti al patriziato, ASM, Araldica p.a., cart. 136. L’auteur du texte pourrait être Alessandro Teodoro Trivulzio, l’un des Conservatori degli Ordini, et sa rédaction se situerait entre 1751 et 1763 (voir C. Donati, La nobiltà milanese nelle fonti documentarie e nella satira pariniana, dans G. Barbarisi et E. Esposito (dir.), Interpretazioni e letture del Giorno, Milan, 1998, p. 177-203).
108 ASM, Fondo Araldica (édits du 18 février 1648, 14 décembre 1684, décembre 1711, 21 janvier 1720, etc.). Ces tentatives de recenser la noblesse avaient pourtant eu un début de mise en œuvre puisque le fonds Araldica conserve les dossiers de familles qui présentent leurs preuves de noblesse en réponse à l’édit promulgué en 1711. Un catalogue a même été entrepris en 1688 puisque les Visconti Borromeo affirment y être mentionnés en 1712 (ASM, Araldica p.a., cart. 130).
109 C. Donati, L’idea di nobiltà in Italia, Bari, 1988 (chap. 9) ; Id., La nobiltà milanese nelle fonti documentarie… cit., p. 177-203, en particulier p. 186-187.
110 J. Boutier, Construction et anatomie d’une noblesse urbaine… cit. ; M. Verga, Per levare ogni dubbio circa allo stato delle persone : la legislazione sulla nobiltà nella Toscana lorenese, dans M. A. Visceglia (éd.), Signori, patrizi, cavalieri in Italia centro-meridionale in età moderna, Rome-Bari, 1992, p. 355-368.
111 La cour de Vienne connaît elle-même une réglementation particulièrement stricte en la matière. Sur la mise en œuvre d’une cour à Milan : HHSAW, Italien Spanischer Rat, Lombardei Collectanea, cart. 85 (fasc. 103).
112 Sur la mise en œuvre du Tribunal d’héraldique à Milan : C. Mozzarelli, Impero e città… cit. Sur les aspects juridico-normatifs du Tribunal : O. Biandra De Regalie, Provedimenti araldico-nobiliari in Lombardia durante il governo austriaco (1707-1796 ; 1815-1859), dans Studi in onore di Ugo Gualazzini, I, Milan, 1981, p. 143-168. Pour une comparaison avec l’Autriche : C. Ehalt, La corte di Vienna tra Seicento e Settecento, Rome, 1984 ; J. V. Krueneder, Die Rolle des Hofes in Absolutismus, Stuttgart, 1973 ; H. G. Schenk, Austria, dans A. Goodwin (éd.), The European Nobilty in the Eighteenth Century : Studies of the Nobilties of the Major European States in the Pre-reform Era, Londres, 1953, p. 102-117.
113 Cité par C. Mozzarelli, Impero e città… cit., p. 508 et 514 (extrait de deux lettres à Firmian datant de 1766 puis 1769).
114 On y trouve le marquis Stampa Soncino, le comte questeur Archinto, le comte Gambarana, trois Conservatori degli Ordini (le marquis Alberto Visconti, le comte Giovanni Corio et le comte Luigi Trotti) ainsi que Don Eugenio Confalonieri et le marquis Gerolamo Cusani.
115 F. Pino, Patriziato e decurionato… cit., p. 341.
116 Elenco delle attuali famiglie milanesi rassegnato dall’Ecc. Città di Milano all’Ecc. Tribunale Araldico in esecuzione dell’editto di governo del giorno 20 novembre 1769, ASM, Araldica p.a., cart. 136.
117 Cité par C. Mozzarelli, Impero e città… cit., p. 520-521.
118 S. Levati, La nobiltà del lavoro : negozianti e banchieri a Milano tra Ancien Regime e Restaurazione, Milan, 1997, p. 56 : « di qui il rifiuto di proposte tutto sommato moderate come quelle espresse da Verri [Alessandro] sulla nobiltà commerciante che avrebbero potuto minare quell’ultimo baluardo di difesa dell’identità patrizia ».
119 A. Spagnoletti, Stato, aristocrazie… cit., chap. 6, « La statalizzazione delle aristocrazie italiane », p. 171-200.
120 C. Donati, La nobiltà milanese nelle fonti documentarie… cit.
121 A. Giulini, Giuseppe II e il piano di un ordine equestre presso la Certosa di Pavia : notizie, dans ASL, 1911, p. 472-475.
122 C. Mozzarelli, Impero e città… cit. p. 522.
123 Les Conservatori degli Ordini, supprimés par Joseph II, ne seront pas rétablis sous Léopold II et c’est le Consiglio Generale qui a la charge d’examiner les demandes d’admission entre 1790 et 1796. Un édit de 1793 provenant du Consiglio Generale mentionne la procédure d’admission au patriciat. L’examen du dossier de candidature est confié à six décurions choisis au sein du Conseil. Voir ASM, Araldica p. a., cart. 136 « Regolamento per l’ammissione al Nobile Patriziato Milanese approvato ed ordinato dall’Ecc. Consiglio Generale de’ Signori Sessanta Decurioni di Milano » (17 juin 1793, Giuseppe Perabo, secrétaire).
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