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Les propriétés urbaines du patriciat

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Albane Cogné

Introduction

Texte intégral

  • 1  J.-C. Perrot, Rapports sociaux et villes au XVIIIe siècle, dans Annales ESC, 23, 1968, p. 241-267  (...)

« Les villes ne sont que du temps pétrifié ».
J.-C. Perrot1

  • 2  Sur la difficulté à croiser ces deux approches : J.-C. Maire Vigueur, Introduction, dans D’une vil (...)

1Depuis le XIXe siècle, le centre historique de Milan a subi de nombreuses transformations : percée de la via Dante et de la galerie Vittorio Emanuele, élargissement des principaux corsi, couverture des navigli, reconstruction de certains quartiers suite aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, ouverture du corso Europa dans les années 1950. Ces diverses interventions ont modifié le tissu urbain dans les zones les plus centrales et semblent avoir largement effacé les traces d’un passé plus ancien. Pourtant, les somptueux palais édifiés par les familles patriciennes constituent encore l’empreinte de l’aristocratie milanaise sur l’architecture et la morphologie urbaines. Aujourd’hui occupés par des institutions publiques, des sièges sociaux, des cabinets juridiques internationaux, des maisons de haute couture (en particulier dans le célèbre « quadrilatère de la mode »), ils témoignent des transformations fonctionnelles de l’immobilier de prestige. Cet ouvrage cherche à éclairer le rôle d’une élite aristocratique dans la formation du tissu urbain et à préciser les usages de l’immobilier citadin durant la période moderne. La double dimension des propriétés patriciennes, composées généralement d’une casa da nobile et d’immeubles locatifs, inscrit les investissements de l’aristocratie milanaise dans diverses logiques relevant du prestige social et de la rentabilité économique, de choix politiques et de pratiques clientélistes. L’approche menée s’efforce ainsi de concilier deux aspects de l’espace urbain que les historiens ont longtemps envisagés de manière indépendante : sa dimension socio-économique et sa dimension morphologique et matérielle2.

  • 3  G. Vismara, Le istituzioni del patriziato, dans Storia di Milano, XI, Milan, 1958, p. 223-282. La (...)
  • 4  L’importance de la propriété pour la jouissance des droits politiques a été particulièrement exalt (...)
  • 5  Sur les conditions d’admission au patriciat : G. Vismara, Il patriziato milanese nel Cinque-Seicen (...)
  • 6  Pour une famille « nouvelle » comme les Durini, la distinction sociale passe essentiellement à tra (...)
  • 7  Giovanni Francesco Cattaneo, descendant d’un ancien lignage milanais déchu, reproche ainsi à ses a (...)

2Les liens qui unissent le patriciat milanais à la ville capitale sont étroits : le groupe social est en large partie issu du milieu urbain, provenant majoritairement du monde commercial ou juridique. L’exercice des magistratures civiques est au fondement même de son statut nobiliaire et, si les patriciens acquièrent fiefs et terres au cours de la période moderne, la ville constitue toujours leur lieu de résidence principal et le centre d’exercice de leur pouvoir. L’enracinement y est d’autant plus fort que les critères d’admission au patriciat, fixés au début de l’époque moderne, exigent de démontrer une présence centenaire à Milan3. Condition nécessaire pour l’exercice des fonctions politiques4, la propriété revêt également des aspects symboliques, sociaux et économiques. La résidence urbaine témoigne du statut social de celui qui l’habite et, pour l’admission au patriciat ou l’acquisition d’un fief, la possession d’une casa da nobile s’avère déterminante. Les preuves de noblesse par une vie more nobilium accordent en effet un statut particulier à la résidence, notamment à partir du XVIe siècle lorsque l’usage des qualificatifs de noblesse s’est diffusé de manière abusive et n’apparaît plus un critère valable5. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, alors que de nombreuses familles récemment enrichies cherchent à intégrer la noblesse puis le patriciat, l’acquisition d’une demeure dans la capitale lombarde constitue un élément fondamental au sein des processus d’ascension sociale6. Pour les vieilles familles, la casa da nobile représente la marque tangible de leur implantation pluriséculaire dans la ville, justifiant l’appartenance à l’élite patricienne, et sa perte constitue un préjudice important7. Enfin, la localisation de la demeure familiale détermine aussi l’élection à de nombreuses charges administratives dont le recrutement repose sur une base territoriale. La présence de la résidence familiale et les fonctions politiques du patriciat confèrent donc un caractère particulier à ces patrimoines urbains qui obéissent à d’autres logiques que ceux des institutions ecclésiastiques ou d’autres groupes sociaux.

  • 8  C. Topalov, Capital et propriété foncière : introduction à l’étude des politiques foncières urbain (...)
  • 9  Sur la bibliographie, voir infra chap. 9. J.-F. Chauvard a lancé une approche novatrice, envisagea (...)
  • 10  Sur la bibliographie, voir infra chap. 8.
  • 11  Sur la société de cour : N. Elias, La Société de cour, Paris, 1974, (1ère édition allemande, 1969) (...)
  • 12  J.-F. Chauvard et L. Mocarelli (dir.), L’économie de la construction dans l’Italie moderne, n° spé (...)
  • 13  Pour un cadre général sur l’histoire de Milan : Storia di Milano, 16 vol., Milan, 1953-1962 (sur l (...)
  • 14  Voir infra chap. 1.

3La propriété urbaine n’est traditionnellement pas considérée comme une source de rapport important dans l’économie d’Ancien Régime qui demeure centrée sur la rente agricole. Ce n’est qu’au cours du XIXe siècle, avec les effets de l’industrialisation des villes et de leur formidable essor démographique, que la rente urbaine devient un véritable enjeu économique8. Conséquence de cette situation, le marché immobilier et les revenus dégagés par les propriétés urbaines avant la « Révolution industrielle » demeurent mal connus9. Pourtant, dans les plus grandes villes, la propriété des biens immobiliers apparaît généralement monopolisée par un petit nombre de personnes, et la question des revenus dégagés par la rente urbaine n’est donc pas sans intérêt. Si les patrimoines urbains des institutions ecclésiastiques ont été privilégiés pour la documentation qu’ils offraient, ceux des propriétaires particuliers ont été souvent négligés alors que les logiques qui les façonnent ne sont pas forcément identiques. Il est donc important de cerner la valeur de la rente urbaine et de comprendre les fonctions de la propriété urbaine qui débordent le simple enjeu économique. La ville d’Ancien Régime a en effet pu être décrite comme le théâtre d’investissements symboliques qui engloutissent les revenus issus de l’agriculture avec la construction de fastueux palais10. L’existence d’une consommation de prestige de la part des groupes aristocratiques est bien connue. Elle a été particulièrement étudiée dans le contexte des sociétés de cour qui constituent des milieux de vive émulation11. Concernant les palais, elle apparaît en lien étroit avec les sommes investies dans la construction. Si, dans le cadre italien, le dossier a été récemment repris12, les contenus des investissements somptuaires restent encore à éclairer dans de nombreux contextes. Or les caractéristiques propres à chaque organisme urbain (taille et profil fonctionnel de la ville), à son élite sociale et au contexte politique et économique peuvent porter à des conclusions différentes. À Milan, ces questions sont à replacer dans le cadre d’une capitale qui a perdu son indépendance à la suite des Guerres d’Italie et ne constitue plus un grand centre de pouvoir13. À l’instauration de la souveraineté espagnole (1535-1706), le duché est placé sous l’autorité d’un gouverneur, mais la vie de cour qui se développe autour de celui-ci apparaît très limitée. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les réformes impulsées par le pouvoir autrichien bouleversent les cadres institutionnels et remettent en cause l’autonomie politique dont pouvaient bénéficier les élites milanaises14. L’arrivée de l’archiduc Ferdinand, devenu gouverneur de Milan en 1771, instaure une nouvelle vie de cour tandis que les Habsbourg mettent en œuvre une véritable politique urbanistique s’appuyant sur les suppressions ecclésiastiques. Les dernières décennies du XVIIIe siècle marquent donc des évolutions pour le statut patricien comme pour l’espace urbain.

  • 15  Sur la situation de Milan et le rôle de celle-ci dans le développement commercial : U. Pfister, La (...)
  • 16  Sur l’économie lombarde à l’époque espagnole : A. De Maddalena, Dalla città al borgo : avvio di un (...)
  • 17  Sur l’organisation de l’espace urbain, voir : S. D’Amico, Le contrade e la città, Milan, 1994 ; L. (...)
  • 18  L’historiographie s’est en effet intéressée à la politique urbanistique engagée par Vienne dans le (...)

4Bâtie sur un terrain plat, sans accident topographique, Milan n’est pas traversée par un fleuve important, à l’inverse de nombreuses grandes villes continentales. Ces conditions topographiques sont à l’origine d’un développement urbain qui a pris la forme d’un cercle presque parfait. Sa situation exceptionnelle, au carrefour de routes venant d’outre-Alpes, de Rome, de la côte méditerranéenne et de l’Adriatique, a favorisé son essor15. Toutefois, aux XVIIe et XVIIIe siècles, elle a perdu l’importance qu’elle possédait à la fin du Moyen Âge, lorsqu’elle constituait l’un des centres de l’« économie monde ». Désormais en marge des principales routes commerciales, son élite économique, jadis fortement impliquée dans les activités marchandes, s’est largement reconvertie dans des investissements fonciers16. C’est donc l’image d’une certaine stagnation que renvoie la capitale lombarde à l’époque moderne, tant par la stabilité de sa démographie que par l’immobilisme de son urbanisation. Sa population demeure relativement stable, avec environ 120 000 habitants, excepté lors du choc provoqué par l’épidémie de peste de 1630, responsable d’une véritable atrophie de la ville. Ce n’est que dans les dernières décennies du XVIIIe siècle que Milan renoue avec une réelle croissance démographique, qui demeure toutefois modérée en comparaison d’autres villes européennes. À l’époque moderne, les contraintes principales au développement urbain résultent surtout des aménagements antérieurs de la ville : le cercle des canaux prolonge l’effet de rupture de l’ancienne enceinte médiévale, tandis que la morphologie du parcellaire et l’organisation radioconcentrique de la ville influent sur la valeur économique du sol et ses possibles usages. Le cercle des navigli partage l’espace urbain en deux ensembles distincts : d’un côté, un centre anciennement bâti et densément occupé ; de l’autre, une périphérie presque rurale, aux larges parcelles et à la présence humaine plus dispersée qui est pourtant englobée dans les bastioni spagnoli, la nouvelle enceinte édifiée au milieu du XVIe siècle17. La construction de ces murs a porté la superficie urbaine de 270 à 770 hectares, mais cette extension ne s’est pas accompagnée d’une réelle urbanisation des nouveaux espaces. Faute de moyens financiers, les pouvoirs publics se désengagent en effet des interventions édilitaires qui, au cours du XVIIe siècle, sont essentiellement l’œuvre du patriciat et de l’Église. La constitution de grands complexes patrimoniaux par ces deux acteurs passe par l’acquisition de propriétés voisines, mais pose aussi le problème des rapports à l’espace public dans un contexte d’affaiblissement de l’autorité étatique. Les réformes de la seconde moitié du XVIIIe siècle tentent de revenir sur ces appropriations parfois indues du sol public avec l’institution d’un « Nouveau Plan pour les rues », en 1777, dont les effets sont encore à évaluer18.

  • 19  Voir notamment les travaux de Giulio Vismara, Franco Arese et Francesca Pino au cours des années 1 (...)
  • 20  C. Mozzarelli, Antico regime e modernità, Rome, 2008 (voir aussi infra chap. 1 et bibliographie fi (...)
  • 21  Beaucoup d’entre elles ont été récemment réunies dans C. Cremonini, Le vie della distinzione… cit. (...)
  • 22  C. Geddo, Il cardinale Angelo Maria Durini (1725-1796) : un mecenate lombardo nell’Europa dei Lumi (...)
  • 23  C. Capra, La Lombardia austriaca nell’età delle riforme (1706-1796), Turin, 1987 ; Id., I progress (...)
  • 24  K. Visconti, Feudo e società nel contado milanese tra Sei e Settecento, Milan, 2003 ; M. Sacchi, A (...)
  • 25  Pour une approche très générale sur la répartition de la propriété entre les différents groupes so (...)
  • 26  L’ouvrage de Laura Giacomini fait exception en envisageant plusieurs grands chantiers urbains : L. (...)

5Après une série d’études centrées sur ses caractéristiques juridico-institutionnelles19, le patriciat milanais a été l’objet d’un important renouvellement historiographique depuis plusieurs décennies. Les travaux de Cesare Mozzarelli, Gianvittorio Signorotto et Antonio Álvarez-Ossorio Alvariño ont apporté un nouvel éclairage sur les relations des élites locales avec la monarchie espagnole20. Dans cette lignée, plusieurs études monographiques, réalisées notamment par Cinzia Cremonini, se sont penchées sur les mécanismes d’ascension sociale et l’intégration de l’aristocratie milanaise aux réseaux curiaux21, tandis que d’autres contributions s’intéressaient au mécénat artistique des grandes familles22. Pour le XVIIIe siècle, les travaux de Carlo Capra ont envisagé le rôle de certains patriciens dans la politique réformatrice de l’Autriche23. Les dimensions féodales ou mercantiles du groupe social ont également été l’objet d’éclairages récents qui ne sont toutefois pas circonscrits aux seuls patriciens milanais24. Les familles qui se distinguent par leur rôle politique ou par leur richesse sont ainsi bien connues, mais la liste du patriciat, établie en 1770, révèle l’existence d’un grand nombre de familles sur lesquelles les connaissances sont rares et lacunaires. Les stratégies d’implantation de l’élite milanaise dans l’espace urbain et ses choix d’investissement demeurent peu explorés25, tandis que les palais milanais n’ont été l’objet que d’études menées dans une perspective d’histoire de l’art qui délaisse souvent la dimension économique26.

  • 27  Sur les sources notariales, voir en particulier : Nouvelles approches de la documentation notarial (...)
  • 28  Sur les ville, voir : M. Comincini et A. Kluzer, Ville del naviglio grande, Abbiategrasso, 1997.

6Cette recherche est fondée sur la conviction méthodologique du nécessaire croisement de l’approche statistique et des études de cas. La variation de la focale d’observation – du groupe social à l’individu ou de la ville à la parcelle – s’avère indispensable pour saisir au mieux les phénomènes étudiés. La liste du patriciat de 1770 a permis de délimiter précisément le groupe objet d’étude (près de 300 familles) et de conduire une approche prosopographique de l’élite milanaise, en croisant les données sur la composition des patrimoines urbains (provenant du cadastre thérésien), le niveau de richesse des familles (à partir de listes fiscales), leur implication institutionnelle (sur la base des listes des membres des principales magistratures) et leur origine sociale (informations issues de différentes généalogies ou des dossiers de candidature pour l’admission au patriciat ou au Collège des Jurisconsultes). La diversité des patrimoines urbains (par leur taille, leur composition, leur localisation) peut ainsi être éclairée par la situation économique, sociale et institutionnelle de chaque famille. Si l’analyse statistique a semblé incontournable pour donner la mesure des phénomènes, dégager des tendances et replacer les situations individuelles dans un ensemble plus large, les études de cas ont constitué le contrepoint indispensable pour confirmer des hypothèses, mettre en évidence des particularités, retracer les processus de formation et d’évolution des patrimoines. Les histoires particulières s’avèrent nécessaires pour mieux comprendre les résultats issus de l’analyse quantitative. Ces études de cas reposent sur la documentation d’archives familiales consultées dans les grands dépôts milanais, mais aussi chez des particuliers. Les cartons concernant spécifiquement les propriétés urbaines (actes d’achats, contrats de location, notes de travaux) ont été privilégiés, mais, dans la mesure du possible, la documentation a été élargie pour saisir les pratiques de transmission des biens et la place des propriétés urbaines au sein des patrimoines (testaments, inventaires, correspondances etc.)27. Cette recherche se limite toutefois aux aspects extérieurs des édifices, en rapport direct avec l’espace urbain, et n’aborde que de manière très marginale les intérieurs (usage des pièces, mobilier, décoration…). Les demeures urbaines s’insèrent dans un système résidentiel plus large qui comprend aussi divers édifices ruraux, châteaux ou ville, situés sur les terres féodales, qui n’ont ici été abordés que très ponctuellement28.

  • 29  F. Boudon, Tissu urbain et architecture : l’analyse parcellaire comme base de l’histoire architect (...)

7L’étude des propriétés urbaines du patriciat s’est fondée sur la réalisation d’un système d’information géographique (SIG) à partir du cadastre thérésien achevé au milieu du XVIIIe siècle. L’instrument constitue un véritable outil de recherche et s’avère exceptionnel pour varier la focale d’analyse de la ville entière au quartier ou à la paroisse. Il permet aussi de s’affranchir du cadre imposé par les sources en accédant au niveau de la rue, de l’îlot ou de la parcelle, « élément fondamental de la structure urbaine »29. L’outil permet d’appréhender les propriétés urbaines de manière exhaustive et de calculer des superficies. Il déborde le cadre des seules propriétés patriciennes et offre ainsi une approche comparative avec d’autres groupes sociaux. Sur cette base, qui se limite à informer sur les biens immobiliers et leurs propriétaires au milieu du XVIIIe siècle, ont été greffées d’autres sources d’information : les registres des transferts de propriété ont introduit une dimension dynamique et les permis de construire ont laissé entrevoir les évolutions du bâti. L’approche statistique offre un état précis des patrimoines patriciens au milieu du XVIIIe siècle et un suivi de l’ensemble des propriétés jusqu’en 1802, date de clôture de la seconde série des registres de transferts. La documentation provenant des archives familiales permet de remonter aux siècles antérieurs pour envisager la constitution, la gestion et les stratégies de conservation des patrimoines à travers plusieurs études de cas. La prise en compte de la longue durée s’avère en effet essentielle pour saisir les comportements d’un groupe social qui s’efforce de pérenniser ses patrimoines et en particulier ses demeures. Elle s’avère également importante pour comprendre le rôle de la conjoncture dans la constitution et l’évolution des patrimoines urbains.

La réalisation du système d’information géographique

  • 30  A. Smith, La richesse des nations, Paris, 1991, t. 2, p. 467 (éd. orig. An Inquiry into the Nature (...)
  • 31  Les instructions finales pour la réalisation du cadastre des villes sont remises aux ingénieurs ap (...)
  • 32  À titre comparatif, le premier cadastre de la ville de Turin (1805-1807) n’opère pas cette distinc (...)
  • 33  A. Cogné, Le Cadastre de Lombardie (1758) : une source pour l’histoire urbaine. La réalisation d’u (...)

8Composé de registres et de cartes parcellaires, la modernité du cadastre de Lombardie achevé en 1758 fut soulignée par les contemporains eux-mêmes : Adam Smith le jugeait l’un des plus exacts et des plus soignés qui ait jamais été réalisé30. Il correspond en effet au principe d’un impôt réel et universel, reposant sur un recensement géographique des biens, accompagné de leur représentation cartographique qui garantit donc l’exhaustivité. Répondant à des objectifs fiscaux, mais aussi à la volonté d’instaurer un système d’imposition plus rationnel et plus équitable, il accorde une prise en compte spécifique du cadre urbain pour les cinq principales villes de Lombardie et une attention particulière à l’estimation du bâti31. Pour l’estimation des édifices, Pompeo Neri recommande ainsi aux ingénieurs de se baser sur les loyers réels ou estimés du bien. Cette modalité d’évaluation est spécifique au milieu urbain puisque les édifices ruraux sont estimés sur la base de la superficie qu’ils occupent au sol et qui correspond à une catégorie de terrain particulier, celle de « site de maison » (sito di case)32. La source présente néanmoins certaines limites. Tout d’abord, elle n’offre qu’une vision simplifiée de l’immobilier urbain regroupé en catégories très générales (maison, boutique, jardin maraîcher… .). Ensuite, l’emprise du bâti à l’intérieur de la parcelle n’est que très rarement dessiné, rendant impossible sa prise en compte. Enfin, si l’enregistrement des transferts de propriétés permet d’envisager les changements de propriétaires, les transformations postérieures des fonds (extension du bâti, changement d’usage des biens, etc.) ne peuvent être saisies. L’existence de cartes parcellaires facilitant la localisation précise des biens constitue toutefois un apport exceptionnel pour la reconstitution de l’espace urbain milanais au milieu du XVIIIe siècle33. Chaque parcelle représentée sur la carte est en effet clairement identifiable dans les registres qui contiennent les informations sur celle-ci à partir des trois références servant à sa localisation : le quartier, la paroisse et le numéro de parcelle. Pourtant, la réalisation du SIG a nécessité un travail important de restitution graphique dans la mesure où le parcellaire des cartes conservées demeure parfois inachevé.

La constitution des bases de données

9Trois tables de données ont été constituées à partir des informations extraites des documents cadastraux.

1) La table des parcelles : à partir des registres parcellaires de 1751 (Libri d’Estimo).

  • 34  Le cadastre subdivise ainsi les parcelles partagées entre différents propriétaires en ajoutant la (...)
  • 35  La vérification s’est faite sur la base de l’estimation totale des biens pour chaque propriétaire, (...)

10L’ensemble des données tirées des registres cadastraux a été entré dans un tableur Excel, chaque ligne correspondant à une unité de propriété. Dans le cas, relativement limité, des parcelles partagées entre plusieurs propriétaires, le choix a été fait de considérer l’unité de propriété et de diviser la parcelle en plusieurs objets, suivant ainsi le modèle de la source34. La base de données se compose ainsi de 5 927 lignes et 34 champs (cf. liste ci-dessous). Une homogénéisation des données, nécessaire au traitement informatique, a d’abord concerné la nature des biens et le nom des propriétaires, à cause des variations orthographiques. Dans ce dernier cas, la mention du prénom du père a constitué une aide utile. Pour les patriciens, a été retenue l’orthographe la plus courante ou celle usitée actuellement pour désigner la famille patricienne (par exemple, Serbelloni plutôt que Sorbelloni, Magenta plutôt que Mazzenta, Menriquez plutôt que Manriche, Caravaggio plutôt que Scaravaggi…). Pour les institutions, l’uniformisation des données n’est pas forcément plus simple dans la mesure où il faut savoir si une parcelle au nom de l’« Abbazia di S. Dionigi » et une autre au nom des « Padri di S. Dionigi » renvoient bien au même propriétaire. Les termes de scuola, confraternita, luogo pio semblent également utilisés de manière interchangeable. Le recours aux Livres des transferts de propriétaires a alors apporté une réponse à ces interrogations, dans la mesure où leur organisation par ordre alphabétique des propriétaires, avec la valeur totale des propriétés de chacun en 1751, permettait une vérification de l’attribution des parcelles35.

11Table des registres cadastraux : liste des champs.

  1. porte (quartier)

  2. paroisse

  3. numéro de parcelle

  4. code de la parcelle (issu des 3 renseignements précédents et servant pour le transfert sous mapinfo)

  5. parcelle partagée entre plusieurs propriétaires (O/N)

  6. identification du propriétaire (numéro correspondant à celui de la table issue des registres des trasporti)

  7. nom du propriétaire

  8. prénom du propriétaire

  9. mention particulière (du type « administré par »…)

  10. propriété commune entre les frères (O/N)

  11. titre nobiliaire du propriétaire (« comte », « marquis »…)

  12. autre titre renvoyant à une appartenance professionnelle (« ingénieur », « docteur », « général »…)

  13. prénom du père du propriétaire

  14. personne / institution (P/I)

  15. catégorie sociale générale (noble, non-noble, Église, institutions caritatives)

  16. catégorie spécifique (concerne surtout les institutions : hôpital, scuola, confrérie, etc.)

  17. propriétaire individuel ecclésiastique (E)

  18. patricien (P)

  19. femme (F)

  20. nature du bien (« casa », « bottega », « chiesa », « osteria », « monastero », etc.)

  21. mode d’usage (« à usage du propriétaire », « loué », « mixte »)

  22. nombre de boutiques (éventuel)

  23. précision sur l’activité exercée (« prestino », « sarto », « macellaria », etc.)

  24. présence d’un espace vert (« giardino », « ortaglia », « prato »)

  25. présence d’une fonction spécifique (« sostra », « mulino », « fondaco », etc.)

  26. présence d’un édifice à fonction religieuse (« con chiesa », « con oratorio »)

  27. place extérieure dépendante de la parcelle (« con piazza »)

  28. livello (L)

  29. nom du propriétaire éminent (qui donne le bien en livello)

  30. libellé original du cadastre concernant le bien

  31. localisation du bien (mention des 4 mitoyennetés)

  32. estimation du bien (scudi)

  33. estimation du bien (lire)

  34. estimation du bien (ottavi).

2) La table des propriétaires : à partir des registres de transferts (Libri dei Trasporti)

12Cette seconde table permet de confirmer l’identification de chaque propriétaire avec la valeur totale de ses biens en 1751 puis vers 1777, date à laquelle la première série de Libri s’achève. Elle permet ainsi d’évaluer l’évolution de la structure de la propriété entre ces deux dates. Les mouvements de propriété au cours de cette période n’ont été pris en compte que lorsque la mutation impliquait un membre du patriciat, comme vendeur ou comme acquéreur, et l’enregistrement a alors été réalisé de manière indépendante dans une troisième table. Durant cette période, de 1751 à 1777, de nouveaux propriétaires apparaissent également et sont identifiés comme tels. Cette base de données comporte ainsi 3 466 lignes correspondant au nombre de propriétaires dont 2 321 propriétaires en 1751 et 1145 propriétaires nouveaux entre 1751 et 1777. Dans la quasi-totalité des cas, la confrontation avec la première table a démontré une correspondance parfaite pour la valeur totale des biens de chaque propriétaire en 1751, après la résolution de quelques cas problématiques en recherchant des orthographes voisines.

13Table des registres de transfert : liste des champs

  1. identification du propriétaire (code correspondant au champ 6 de la table précédente)

  2. total des biens en 1751

  3. total des biens lors de la première entrée en propriété (pour les nouveaux propriétaires)

  4. date de la première entrée en propriété

  5. total des biens en 1777

  6. page correspondante dans registre 1

  7. page correspondante dans registre 2

  8. nom du propriétaire

  9. prénom du propriétaire

  10. propriété commune entre frères (O/N)

  11. titre nobiliaire du propriétaire (« comte », « marquis »…)

  12. fonction du propriétaire (« ingénieur », « docteur », « secrétaire », « général », etc…)

  13. prénom du père du propriétaire

  14. personne / institution (P/I)

  15. catégorie sociale (générale)

  16. catégorie sociale (détaillée)

  17. ecclésiastique (E)

  18. patricien (P)

  19. femme (F)

  20. en cas de sortie des registres cadastraux : « sortie » (suite à la vente de tous les biens) / « succession »

3) Les tables des transferts de propriété

  • 36  À la demande de transfert est joint un pateat de l’acte notarié. Il s’agit d’un bref résumé ne con (...)

14Les données provenant des demandes de transfert (petizioni per trasporti d’estimo) ne sont pas parfaitement exhaustives, mais elles ont l’avantage de renseigner précisément sur la nature du transfert. Elles ont été rentrées dans une double table. La table « nature du transfert » (1751-1778) contient les données issues des actes notariés (sauf en cas de successions sans testament)36. Elle informe notamment sur les contractants, la nature de la transaction (vente, héritage, donation, etc.), la date de l’acte, le nom du notaire, la date d’enregistrement par l’Office du cadastre et peut apporter d’éventuelles informations complémentaires (par exemple le prix de vente, qui n’est que rarement donné). La table « parcelles » (1751-1778) reprend toutes les parcelles concernées par une mutation de propriété, totalise le nombre de mutations pour chaque parcelle et renvoie à la référence de l’acte correspondant dans la table précédente. Pour les transferts impliquant une famille patricienne, les données provenant des registri et des petizioni ont été croisées afin de s’assurer l’exhaustivité et d’envisager une plus longue durée (1751-1802).

Classement et identification des individus

  • 37  Voir les importants débats sur le sujet dans les années 1960 qui ont opposé Labrousse et Mousnier  (...)
  • 38  Les limites des informations données sur les propriétaires dans le cadastre thérésien ont déjà été (...)

15Un premier type de classement qui visait à distinguer personnes physiques et institutions n’a pas posé de problème particulier. Les institutions regroupent aussi bien des ordres religieux que des confréries, des institutions caritatives (scuole, luoghi pii) ou publiques (Ville de Milan, Regia Camera, etc…). Elles accueillent aussi les bénéfices ecclésiastiques, enregistrés comme tels dans le cadastre avec la mention de la personne qui en possède la jouissance. La classification en catégories sociales constitue en revanche une opération plus délicate pour les propriétaires particuliers37. Les informations restreintes qu’offrait le cadastre ont, dans une certaine mesure, simplifié la tâche en faisant reposer la classification sur les trois états de la société d’Ancien Régime et en évitant l’écueil des catégories socio-professionnelles38. Les ecclésiastiques (propriétaires particuliers et non institutionnels) ont été distribués, en fonction de leur appartenance sociale, entre la noblesse et les « non-nobles » puisque leurs propriétés relevaient du patrimoine familial, les bénéfices étant recensés à part dans la catégorie institutionnelle. L’information concernant le statut ecclésiastique des individus a toutefois été conservée dans un champ spécifique. Si les nobles étaient facilement identifiables grâce à la présence d’un titre, un problème s’est posé pour l’usage du « Don » qui désigne un premier échelon dans la noblesse et s’applique aussi aux ecclésiastiques. Pourtant, la plupart du temps, le statut ecclésiastique était précisé par une autre mention (reverendo, canonico, prete, etc.). On a donc considéré que la mention « Don » sans autre précision s’appliquait à un laïc et valait pour un statut noble. En ce qui concerne les personnes physiques, d’autres formes de classification ont également été effectuées : homme / femme, ecclésiastique, membre de certains collèges – l’une des rares indications professionnelles mentionnées par le cadastre – et enfin patricien.

  • 39  Elenco delle attuali nobili famiglie patrizie milanesi rassegnato dall’Ecc. città di Milano all’Ec (...)
  • 40  La liste de 1770 mentionne par exemple seize familles Visconti, trois familles Terzaghi, quatre fa (...)
  • 41  Il y a par exemple deux comtes Francesco Melzi, mais l’un est fils d’Orazio, l’autre de Lodovico.
  • 42  Pour cela, la liste des extinctions de familles patriciennes publiée par D. E. Zanetti dans La dem (...)

16Cette catégorie des patriciens est la seule à avoir mobilisé une source extérieure pour son identification. Réalisée pour les besoins de cette recherche, elle distingue parmi les nobles, les membres du patriciat en se basant sur une liste publiée en 1770 par le Tribunal d’héraldique de Milan39. Il a d’abord été nécessaire de discerner les différents lignages, opération parfois difficile dans la mesure où le nom est généralement employé sans autre complément40. L’identification s’est donc faite à partir de la mention du titre (permettant de distinguer une branche ayant le titre de comte d’une autre ayant celui de marquis), du prénom du propriétaire et de celui de son ascendant41. Celui-ci a également été utile pour appréhender les propriétés patriciennes en tant que patrimoine familial et identifier les différents propriétaires, membres d’une même famille (essentiellement père / fils, frères, oncle / neveu). Les transferts de propriété ont également permis d’éclaircir certains cas, en confirmant le lien familial au moment de l’héritage. La liste des patriciens datant de 1770, elle a été mise à jour pour obtenir la composition du groupe aux alentours de 1751, date de réalisation du cadastre, en intégrant les quelques familles éteintes entre 1751 et 177042. Les familles admises après 1751 et jusque 1796 ont fait l’objet d’une identification spécifique. Enfin, un dernier problème s’est posé pour l’identification des propriétés patriciennes appartenant à une femme. En effet, la liste de 1770 ne mentionnait pas les femmes. Le recours aux généalogies s’est donc avéré nécessaire pour connaître le lien de parenté avec les hommes de la même famille. Se pose alors le problème du statut des biens, la femme étant parfois enregistrée sous son nom de jeune fille (X épouse Y), sous son nom de femme mariée (X fille de Y) ou en tant que tutrice de ses enfants. Faut-il donc envisager les propriétés comme un héritage paternel ? Comme une dot ? Les différents cas de figures, peu nombreux, ont été résolus un par un. Face à tous ces problèmes, quelques petites incertitudes demeurent, mais elles s’avèrent sans grand effet sur le traitement statistique.

17Classification sociale : code des catégories générales

18B : non-nobles

19C : institutions caritatives

20E : Église

21N : nobles

22P : institutions publiques

23Classification sociale : code des catégories détaillées.

  • 43  V. Mazzucchelli, Catasto e volto urbano : Milano alla metà del Settecento, Rome, 1983.

24On a repris la classification utilisée par Vanna Mazzucchelli43 :

A : Abbazia

R : Conservatorio

B : Beneficio

S : Scuola

C : Confraternità

T : Parrochiale

D : Capitolo, Collegiata,

U : Città di Milano

Prebenda, Canonici

V : Seminario

E : Collegio

W : Penitenzierie

F : Fabbrica

X : Personne non-noble

G : Congregazione del Banco di S. Ambrogio

Y : Personne avec prédicat de « Don » (et non religieux)

H : Regia Camera

Z : Personne ecclésiastique (prete, canonico…)

I : Consorzio

AA : Legato di messa

J : Eredità giacente

BB : Capellania

K : Ordine religioso feminile

CC : Congregazione

L : Luogo Pio

DD : Concorso creditori

M : Ordine religioso maschile

TT : Sagrestia

N : Personne noble titrée
O : Ospedale
Q : Oratorio

PART : divers (Mensa arcivescovile, Ducato di Milano, Biblioteca Ambrosiana,
Commende…)

Les plans cadastraux et la réalisation du support cartographique

  • 44  La contrada Rugabella apparaît ainsi un peu plus large qu’elle ne l’est dans la réalité, les deux (...)

25Les reproductions numériques des six plans cadastraux (un pour chaque porte de la ville) ont été numérisées puis assemblées de manière à ne former qu’un plan unique pour l’ensemble de la ville. Les décalages résultant de cette action sont faibles : une largeur de rue au maximum au niveau des raccords entre les différentes cartes44. Le plan d’ensemble a ensuite été vectorisé avec le logiciel Autocad. Trois séries de calques reprennent ainsi la topographie de la ville (canaux, îlots, rues), trois autres les limites administratives (enceinte urbaine, quartiers, paroisses), trois autres enfin les unités de propriété (parcelles) en fonction du degré de certitude de leur restitution. À différents niveaux, ce travail de dessin, qui n’est pas un simple décalquage, a conduit à réaliser des choix : pour le tracé des limites administratives et surtout pour la restitution du parcellaire.

  • 45  La représentation cartographique tendrait à rattacher la zone du château au quartier de Porta Coma (...)
  • 46  Le monastère de S. Margherita (Porta Comasina) semble ainsi mal s’insérer dans les limites paroiss (...)
  • 47  Seules autres incertitudes ou décalages à ce niveau : le n° 1 de S. Giovanni Quattro Faccie qui es (...)

26Un premier type de problème s’est posé pour les limites de la ville dans la mesure où il s’avérait délicat d’identifier le tracé précis des murs dans leur épaisseur et le statut de la zone située immédiatement à l’intérieur de ceux-ci. S’agissait-il d’un espace public ou d’un espace réservé et soumis à des servitudes militaires ? Il a finalement été décidé de faire un trait simple sur la partie extérieure des murs pour représenter les limites de la ville (sans prendre en compte l’épaisseur des murs, ce qui implique de la considérer comme un espace public à l’intérieur de la ville). Des incertitudes demeurent également sur les alentours du château (devenu citadelle) quant à leur statut, tandis que l’édifice n’apparaissait pas clairement rattaché à une paroisse45. Il a donc été décidé de ne pas inclure le château dans une paroisse de la ville. Les limites des paroisses sont en général assez bien dessinées et les différences de couleur entre les étendues paroissiales ont constitué une aide précieuse pour restituer celles-ci. En revanche, elles présentent parfois certaines incohérences qui rendent la structure du parcellaire un peu curieuse ou qui engendrent des contradictions avec les indications de mitoyenneté données par les registres46. Dans ce cas de figure, il a été décidé de respecter les limites paroissiales telles qu’elles figuraient sur la carte et de privilégier une structure du parcellaire vraisemblable, quitte à ne pas respecter exactement les mitoyennetés données par les registres. Dans un seul cas, la limite paroissiale a été déplacée : La Canonica della Scala était mentionnée sur la carte comme rattachée à la paroisse de S. Giovanni Quattro Faccie (Porta Comasina) et dans les registres comme rattachée à S. Cosmo e Damiano (Porta Nuova). Il a été choisi de respecter les indications des registres. C’est là une exception car, ailleurs, la correspondance entre registres et cartes pour le rattachement paroissial des parcelles est parfaite47.

27La principale limite de la source tient à la représentation cartographique du parcellaire qui, par certains aspects, semble inachevé. En effet, si tous les numéros de parcelles sont bien mentionnés sur les cartes, les contours de celles-ci ne sont pas tous tracés. Leur représentation varie en fait d’une porte à l’autre : pour le quartier de Porta Romana, la quasi-totalité des parcelles est clairement dessinée sur le plan ; pour celui de Porta Ticinese, pratiquement toutes les limites sont à restituer (cf. fig. 1 et fig. 2).

  • 48  La description de la parcelle dans les registres faisait parfois mention de la place et permettait (...)

28Dans certains cas, ces limites sont ébauchées, mais le polygone correspondant à la parcelle n’est pas fermé. Ce travail de reconstitution du parcellaire, nécessaire pour de larges zones, s’est donc fait grâce à trois sources d’information : d’une part, les plans eux-mêmes avec la mention des numéros et les contours identifiables du parcellaire ; d’autre part, les mitoyennetés indiquées pour chaque parcelle dans les registres cadastraux (mention des parcelles voisines ou des rues qui l’encadrent) ; enfin, les cartes du cadastre de 1855. Le travail de restitution de certaines parcelles a donc tenté de concilier l’ensemble de ces informations. Parfois, les mitoyennetés données par les registres et la localisation des numéros de parcelles sur le plan semblaient aboutir à un résultat aberrant du point de vue de la morphologie du parcellaire. Dans une telle situation, les informations données par le plan ont été privilégiées et le tracé s’est basé sur les possibles structures du parcellaire (rectangle, en L, en T). Cette restitution demeure donc imparfaite et les formes du parcellaire devaient parfois être plus complexes qu’elles n’apparaissent. D’autres problèmes se sont posés à cause de la difficulté à comprendre la signification de certains figurés. Les limites entre espace privé et espace public ont ainsi suscité des interrogations, notamment dans le cas de places figurant devant des édifices, qui pouvaient être rattachées à des propriétés privées – le plus souvent devant des églises ou des monastères, mais aussi devant certains palais. La place étant délimitée par un trait et séparée ainsi de la rue publique, se posait la question de l’inclure dans la parcelle en dépit d’un usage manifestement public. La résolution du problème a été compliquée par le fait que la représentation graphique variait d’un lieu à l’autre et que des contradictions pouvaient exister entre les plans et les données des registres48. Dans ces situations, le choix a été de se conformer aux données de la source et de privilégier les éléments issus de la carte, aux dépens d’une véritable homogénéité de la représentation graphique. Pour conserver la mémoire de ce travail, trois niveaux ont été distingués dans le parcellaire : les parcelles dessinées sur le plan et donc a priori exactes, celles reconstituées de façon relativement sûre dans la mesure où l’on s’appuyait sur des données cohérentes et enfin celles reconstituées de manière beaucoup plus aléatoire (cf. pl. I).

Fig. 1 – Milano, quartier de Porta Romana (ASM, Catasto, 1751).

Fig. 2 – Milano, quartier de Porta Ticinese (ASM, Catasto, 1751, copie réalisée au XIXe siècle).

29Les registres cadastraux contiennent enfin un certain nombre de parcelles partagées entre plusieurs propriétaires. Parfois, il s’agit d’une indivision et la question d’un éventuel partage de la parcelle ne se pose donc pas. Parfois, il s’agit d’une division indiquée dans les registres sous forme de subdivisions parcellaires et pour laquelle figurent des indications plus ou moins claires sur les limites matérielles respectives : le problème du partage de la parcelle peut alors se poser. 302 parcelles répondent à ce deuxième cas de figure, soit un peu plus de 5 % des parcelles. Cette situation demeure toutefois très minoritaire à une époque où le bien immeuble, objet des transactions, demeure essentiellement la maison ou, du moins, un ensemble doté d’un accès autonome. Les cas d’immeubles en copropriété, si courants aujourd’hui, sont donc rares et associent rarement plus de deux ou trois propriétaires. Une division arbitraire de la parcelle a été exclue et il a été choisi de superposer sur la parcelle de base d’autres polygones identiques reliés aux autres lignes du tableau. Dans le cadre des analyses thématiques, c’est la surface de la parcelle entière qui répondra lors des requêtes réalisées avec Mapinfo alors qu’il ne s’agit en fait que d’une « portion de parcelle ». Cette solution pose bien sûr un problème pour le calcul des surfaces, mais celui-ci peut être largement résolu en excluant du comptage les parcelles superposées. Pour le calcul des valeurs foncières a, du reste, été constituée une table spéciale totalisant les valeurs des subdivisions parcellaires, afin d’obtenir une valeur unique pour chaque parcelle dessinée sur le plan sans prendre en compte les surfaces des parcelles superposées. À la suite de ce traitement, l’ensemble des couches de dessin a été importé depuis Autocad dans le logiciel Mapinfo. Chaque objet, chaque polygone, a alors été identifié avec l’attribution d’un code correspondant à celui déjà donné dans les tables Excel. Ce code a constitué la jointure permettant de transférer les données d’Excel dans la table Mapinfo. Dès lors, la production de cartes thématiques était possible grâce à la mise en œuvre de requêtes.

Notes

1  J.-C. Perrot, Rapports sociaux et villes au XVIIIe siècle, dans Annales ESC, 23, 1968, p. 241-267 (p. 255).

2  Sur la difficulté à croiser ces deux approches : J.-C. Maire Vigueur, Introduction, dans D’une ville à l’autre : structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (XIIIe-XVIe siècles), Rome, 1989, p. 1-7.

3  G. Vismara, Le istituzioni del patriziato, dans Storia di Milano, XI, Milan, 1958, p. 223-282. La présence séculaire doit être prouvée tous les dix ans, par des actes notariés. Voir aussi M. Barbot, La résidence comme appartenance : les catégories juridiques de l’inclusion sociale dans les villes italiennes sous l’Ancien Régime, dans Histoire urbaine, 36, 2013, p. 29-48.

4  L’importance de la propriété pour la jouissance des droits politiques a été particulièrement exaltée après la Révolution française avec la fin des ordres et des privilèges de naissance, mais elle constituait déjà auparavant un critère essentiel pour accéder aux groupes dirigeants urbains : voir O. Zeller, La ville moderne, dans J.-L. Pinol (dir.), Histoire de l’Europe urbaine, 2 vol., Paris, 2003, t. 1, p. 712. À Milan, les critères d’admission au patriciat, à partir du XVIIIe siècle, comportent aussi une dimension censitaire : le demandeur doit prouver la possession d’au moins 6 000 scudi d’estimo et démontrer que l’essentiel de ses propriétés se trouvent dans le duché.

5  Sur les conditions d’admission au patriciat : G. Vismara, Il patriziato milanese nel Cinque-Seicento, dans E. Fasano Guarini (dir.), Potere e società negli stati regionali italiani del ‘500 e ‘600, Bologne, 1978, p. 153-171. Sur les critères requis pour l’acquisition d’un fief : M. Sacchi « Alla ferrata solita della Loggia dei Mercanti » : il mercato dei feudi in Lombardia (1680-1700), dans Società e Storia, 2004, 103, p. 51-97.

6  Pour une famille « nouvelle » comme les Durini, la distinction sociale passe essentiellement à travers l’édification de leur palais : C. Cremonini, Le vie della distinzione : società, potere e cultura a Milano, Milan, 2012. Sur le rôle de la demeure dans la reconnaissance d’une vie more nobilium, voir aussi : C. Porqueddu, Il patriziato pavese in età spagnola : ruoli familiari, stile di vita, economia, Milan, 2012, p. 309.

7  Giovanni Francesco Cattaneo, descendant d’un ancien lignage milanais déchu, reproche ainsi à ses ancêtres de ne pas avoir maintenu le train de vie nécessaire pour conserver le prestige de la famille (ASM, Araldica, cart. 68).

8  C. Topalov, Capital et propriété foncière : introduction à l’étude des politiques foncières urbaines, Paris, 1973.

9  Sur la bibliographie, voir infra chap. 9. J.-F. Chauvard a lancé une approche novatrice, envisageant la circulation des biens urbains à travers la triple dimension du marché, de l’espace et des patrimoines, croisant histoire économique, urbaine et anthropologie des comportements familiaux : J.-F. Chauvard, La circulation des biens à Venise : stratégies patrimoniales et marché immobilier (1600-1750), Rome, 2005.

10  Sur la bibliographie, voir infra chap. 8.

11  Sur la société de cour : N. Elias, La Société de cour, Paris, 1974, (1ère édition allemande, 1969). Dans cette perspective, la consommation de prestige appliquée à la demeure urbaine a notamment été étudiée par N. Coquery, L’hôtel aristocratique, le marché du luxe à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1998.

12  J.-F. Chauvard et L. Mocarelli (dir.), L’économie de la construction dans l’Italie moderne, n° spécial des MEFRIM, 119-2, 2007. Sur Milan : L. Mocarelli, Costruire la città : edilizia e vita economica nella Milano del secondo Settecento, Bologne, 2008.

13  Pour un cadre général sur l’histoire de Milan : Storia di Milano, 16 vol., Milan, 1953-1962 (sur les XVIIe et XVIIIe siècles, vol. XI et XII). Voir aussi D. Sella et C. Capra, Il Ducato di Milano dal 1535 al 1796, Turin, 1984.

14  Voir infra chap. 1.

15  Sur la situation de Milan et le rôle de celle-ci dans le développement commercial : U. Pfister, La Lombardia, la mesoregione alpina e le economie regionali, dans L. Mocarelli (dir.), Tra identità e integrazione : la Lombardia nella macroregione alpina dello sviluppo economico europeo (secoli XVII-XX), Milan, 2002, p. 13-26.

16  Sur l’économie lombarde à l’époque espagnole : A. De Maddalena, Dalla città al borgo : avvio di una metamorfosi economica e sociale nella Lombardia spagnola, Milan, 1982 ; L. Faccini, La Lombardia fra ‘600 et ‘700 : riconversione economica e mutamenti sociali, Milan, 1988.

17  Sur l’organisation de l’espace urbain, voir : S. D’Amico, Le contrade e la città, Milan, 1994 ; L. Mocarelli, Una realtà produttiva urbana nel secolo dei lumi : Milano città atelier, Brescia, 2001 ; G. De Finetti, Milano, costruzione di una città, Milan, 2002.

18  L’historiographie s’est en effet intéressée à la politique urbanistique engagée par Vienne dans les années 1770, mais elle n’a envisagé celle-ci qu’à partir des grandes réalisations publiques, sans approfondir leurs effets sur la construction privée : A. M. Brizio, Il rinnovamento urbanistico di Milano nella seconda metà del Settecento, dans Nuove idee e nuove arte nel Settecento italiano, Rome, 1977, p. 361-409 ; A. Scotti, Lo Stato e la Città : architettura, istituzioni e funzionari nella Lombardia illuminista, Milan, 1984.

19  Voir notamment les travaux de Giulio Vismara, Franco Arese et Francesca Pino au cours des années 1950-1970.

20  C. Mozzarelli, Antico regime e modernità, Rome, 2008 (voir aussi infra chap. 1 et bibliographie finale) ; G. Signorotto, Milano spagnola : guerra, istituzioni, uomini di governo (1635-1660), Milan, 1996 ; A. Álvarez-Ossorio Alvariño, La Repùblica de las parentelas : el estado de Milán en la monarquía de Carlos II, Mantoue, 2002.

21  Beaucoup d’entre elles ont été récemment réunies dans C. Cremonini, Le vie della distinzione… cit. Voir aussi A. Buono, « El hereditario buen gusto de aquella familia » : los Silva de Biandrate, estrategias de ennoblecimiento en el estado de Milán entre los siglos XVII y XVIII, dans G. Muto et A. Terrasa Lozano (dir.), Estrategias culturales y circulación de la nueva nobleza en Europa (1570-1707), Aranjuez, 2015, p. 45-71.

22  C. Geddo, Il cardinale Angelo Maria Durini (1725-1796) : un mecenate lombardo nell’Europa dei Lumi fra arte, lettere e diplomazia, Milan, 2011 ; A. Spiriti, La Repùblica de las parentelas, la genesi del classicismo lombardo e l’applicazione dello schema-reggia nel secondo Seicento, dans Arte Lombarda, 141, 2004, p. 112-121 ; Id., Impegno finanziario e scelte strategiche : costo e valore dell’arte nella Milano di secondo Seicento, dans Quaderni storici, 116, 2004, p. 403-419 ; A. Squizzato, I Trivulzio e le arti : vicende seicentesche, Milan, 2013.

23  C. Capra, La Lombardia austriaca nell’età delle riforme (1706-1796), Turin, 1987 ; Id., I progressi della ragione : vita di Pietro Verri, Bologne, 2002.

24  K. Visconti, Feudo e società nel contado milanese tra Sei e Settecento, Milan, 2003 ; M. Sacchi, Alla ferrata solita… cit. ; C. Cremonini, Impero e feudi italiani tra Cinque e Settecento, Rome, 2004 ; G. Tonelli, Affari e lussuosa sobrietà : traffici e stili di vita dei negozianti milanesi nel XVII secolo (1600-1659), Milan, 2012.

25  Pour une approche très générale sur la répartition de la propriété entre les différents groupes sociaux : M. Romani, Note sul patrimonio edilizio milanese intorno alla metà del Settecento, dans Studi in onore di A. Sapori, Milan, 1957, p. 1301-1319 ; V. Mazzucchelli, Catasto e volto urbano : Milano alla metà del Settecento, Rome, 1983. Les études de cas s’avèrent peu nombreuses : A. Dionisio, Elite aristocratica e organizzazione dello spazio. Gli investimenti degli Stampa di Soncino nell’edilizia di prestigio : il palazzo di città, dans ASL, 1998, p. 175-199 ; L. Mocarelli, Ascesa Sociale e investimenti immobiliari : la famiglia Clerici nella Milano del ‘600-’700, dans Quaderni storici, 113-2, 2003, p. 419-436.

26  L’ouvrage de Laura Giacomini fait exception en envisageant plusieurs grands chantiers urbains : L. Giacomini, Costruire una lauta dimora : Milano nell’età dei Borromeo, 1560-1631, Benevento, 2007. L’analyse est essentiellement menée à travers l’étude des contrats de construction.

27  Sur les sources notariales, voir en particulier : Nouvelles approches de la documentation notariale et histoire urbaine : le cas italien (XVIIe-XIXe siècle), dans MEFRIM, 112-1, 2000.

28  Sur les ville, voir : M. Comincini et A. Kluzer, Ville del naviglio grande, Abbiategrasso, 1997.

29  F. Boudon, Tissu urbain et architecture : l’analyse parcellaire comme base de l’histoire architecturale, dans Annales ESC, 4, 1975, p. 773-818 (p. 773). La parcelle représente en effet « le plus petit dénominateur commun de l’implantation humaine où se retrouvent les éléments juridiques, sociaux, économiques qui font l’histoire de la terre, où se succèdent les expériences de la culture et de l’habitat ».

30  A. Smith, La richesse des nations, Paris, 1991, t. 2, p. 467 (éd. orig. An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776).

31  Les instructions finales pour la réalisation du cadastre des villes sont remises aux ingénieurs après de longs débats. Voir ASM, Censo, cart. 24 : « Instruzione della Real Giunta del Censimento data alli periti da essa deputati alla descrizione reale delle case ed altri edifici che diconsi di seconda stazione dentro al recinto della città di Milano, Pavia, Cremona, Lodi e Como, approvata per decreto di essa Reale Giunta del dì 14 maggio 1751 » dans Raccolta degli editti, ordini, istruzioni, riforme e lettere circolari istruttive della Real Giunta del censimento generale dello Stato di Milano, riunita con cesareo real dispaccio del di 19 luglio 1749 e sciolta li 2 marzo 1758 coll’aggiunta degli editti, ordini, istruzioni e lettere della regia provvisionale delegazione per l’esecuzione del detto censimento, Milan, 1760.

32  À titre comparatif, le premier cadastre de la ville de Turin (1805-1807) n’opère pas cette distinction entre territoire rural et urbain : il repose non sur les revenus locatifs des maisons mais sur la superficie occupée par celles-ci et sur un classement des terrains. Voir R. Curto, Concezioni di valore e significati della proprietà nella formazione dei primi catasti urbani piemontesi, dans S. Mattia et R. Bianchi (dir.), Forma e Struttura di catasti antichi, Milan, 1994, p. 178-199.

33  A. Cogné, Le Cadastre de Lombardie (1758) : une source pour l’histoire urbaine. La réalisation d’un système d’information géographique pour la ville de Milan, dans Città e Storia, 2, 2006, p. 457-478. En l’absence de cartes, la restitution historique d’une ville s’avère complexe ainsi que l’a montré l’utilisation du cadastre de Carpi (1472) : F. Bocchi et F. Lugli, Méthode informatique utilisée pour l’analyse et la reconstruction graphique du plan cadastral de Carpi (1472), dans J.-L. Biget, Y. Thébert et J.-C. Hervé (dir.), Les cadastres anciens des villes et leur traitement par l’informatique, Rome, 1989, p. 229-254. Dans le cas vénitien, l’entreprise menée par E. Concina, à partir des registres de la decima, s’appuie sur le plan de Lodovico Ughi (1729). La relative immobilité de la structure urbaine a facilité cette restitution : E. Concina, Venezia nell’età moderna : struttura e funzioni, Venise, 1989. L’intérêt et les limites du cadastre milanais ont été soulignés par O. Faron, Intérêt et limites de l’exploitation par l’informatique du cadastre de Milan pour la première moitié du XIXe siècle, dans J.-L. Biget, Y. Thébert, J.-C. Hervé (dir.), Les cadastres anciens des villes… cit., p. 465-488.

34  Le cadastre subdivise ainsi les parcelles partagées entre différents propriétaires en ajoutant la portion entre parenthèse : par exemple, 1 (1), 1 (2), 1 (3). À chaque propriétaire correspond une ligne de la table, tandis qu’une parcelle peut ainsi renvoyer à 2, 3 ou 4 lignes. Une colonne spéciale a été créée pour identifier ces parcelles. Cette solution ne s’avérait pourtant pas satisfaisante pour les parcelles en indivision qui ne possédaient qu’une estimation globale. Pour celles-ci, le choix a été fait de ne créer qu’une seule ligne et d’associer dans la colonne « propriétaire » les noms des différents propriétaires, ce qui pose un problème pour la classification sociale des propriétaires et l’identification de ceux-ci. Cependant, les cas d’indivision étant très peu nombreux (0, 2 % des parcelles), ce biais ne peut fausser de manière conséquente les résultats statistiques.

35  La vérification s’est faite sur la base de l’estimation totale des biens pour chaque propriétaire, les Libri di Trasporti ne mentionnant pas le nombre de biens.

36  À la demande de transfert est joint un pateat de l’acte notarié. Il s’agit d’un bref résumé ne contenant que les informations nécessaires à l’administration cadastrale. Dans le cas des héritages dépourvus de testament figurent l’acte de décès du propriétaire et l’acte de baptême de l’héritier.

37  Voir les importants débats sur le sujet dans les années 1960 qui ont opposé Labrousse et Mousnier : F. Furet, Structures sociales parisiennes au XVIIIe siècle, dans Annales ESC, 5, 1961, p. 939-958 ; A. Daumard, Une référence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles : projet de code socio-professionnel, dans RHMC, 3, 1963, p. 185- 210 ; R. Mousnier, Problèmes de méthode dans l’étude des structures sociales des 16e, 17e, 18e siècles, dans Spiegel der Geschichte, Festgabe für Max Braubach zum 10. April 1964, Münster, 1964, p. 550-564. Depuis, l’usage de ces catégories sociales a été l’objet de diverses critiques les accusant notamment d’être des cadres statistiques plaqués sur la réalité, ne permettant pas de saisir celle-ci en profondeur. Sur le sujet et pour une réhabilitation du classement dont les critères doivent toutefois être guidés par l’enquête elle-même : F. Cosandey (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, 2005.

38  Les limites des informations données sur les propriétaires dans le cadastre thérésien ont déjà été soulignées par G. Mazzucchelli, La riforma censuaria nella Lombardia del Settecento : note su documenti conservati nell’Archivio di Stato di Milano, dans Rassegna degli Archivi di Stato, mai-déc. 1973, p. 359-394 (en particulier, p. 369).

39  Elenco delle attuali nobili famiglie patrizie milanesi rassegnato dall’Ecc. città di Milano all’Ecc. Tribunale araldico in esecuzione dell’editto di governo del giorno 20 novembre 1769. La liste se trouve dans ASM, Araldica p.a., cart. 136. Elle a aussi été publiée (avec de légers décalages) par F. Calvi, Il patriziato milanese, Milan, 1857.

40  La liste de 1770 mentionne par exemple seize familles Visconti, trois familles Terzaghi, quatre familles Parravicini, cinq familles Casati… La source cadastrale ne mentionne pas les fiefs qui permettent habituellement de les distinguer. Le cas de familles se partageant le même fief (tels les Visconti confeudataires de Somma) est devenu rare au XVIIIe siècle. La paroisse de résidence, qui est utilisée à Venise pour identifier les différents lignages, n’apparaît jamais dans le contexte milanais avec cette finalité.

41  Il y a par exemple deux comtes Francesco Melzi, mais l’un est fils d’Orazio, l’autre de Lodovico.

42  Pour cela, la liste des extinctions de familles patriciennes publiée par D. E. Zanetti dans La demografia del patriziato milanese nei secoli XVII-XVIII-XIX, Pavie, 1972, s’est révélée fort utile, bien qu’elle soit malheureusement incomplète.

43  V. Mazzucchelli, Catasto e volto urbano : Milano alla metà del Settecento, Rome, 1983.

44  La contrada Rugabella apparaît ainsi un peu plus large qu’elle ne l’est dans la réalité, les deux parties de la contrada degli Orefici (partagée entre Porta Comasina et Porta Romana) ne se raccordent pas parfaitement et l’une d’entre elles semble aboutir dans un mur. Ces légers décalages sont cependant atténués lors de la phase de vectorisation.

45  La représentation cartographique tendrait à rattacher la zone du château au quartier de Porta Comasina, paroisse de S. Simpliciano, mais les registres ne donnent aucune indication à ce niveau alors qu’ils auraient pu identifier le château avec une lettre comme les autres édifices de la catégorie « lieux publics et religieux ».

46  Le monastère de S. Margherita (Porta Comasina) semble ainsi mal s’insérer dans les limites paroissiales dessinées, à moins d’être réduit à une taille minuscule ou d’être à cheval sur plusieurs paroisses. Un problème du même type s’est posé pour l’îlot contenant les parcelles n° 11 à 23 dans S. Marcellino (Porta Comasina), la délimitation avec la paroisse de S. Protaso al Castello étant incertaine.

47  Seules autres incertitudes ou décalages à ce niveau : le n° 1 de S. Giovanni Quattro Faccie qui est mentionné dans les registres comme une enclave entre S. Marcellino et S. Eusebio, mais qui n’a pas été trouvé sur la carte et le n° 99 de S. Eufemia (Porta Ticinese) qui apparaît sur la carte, mais pas dans les registres.

48  La description de la parcelle dans les registres faisait parfois mention de la place et permettait donc de l’y rattacher avec des formulations de ce type « monastère avec place » mais la place n’était pas délimitée sur la carte. Des cas inverses existaient avec la délimitation graphique de la place mais son absence dans les registres. Par ailleurs, on apprend parfois, grâce à d’autres sources, que la place possède un statut privé alors que rien ne le signale dans le cadastre. L’article de D. Zocchi a pu laisser penser que ces espaces problématiques pouvaient aussi être des enclos ou cimetières (Milano : XVI-XVII secolo. Il problema dei « siti » e delle piazze, dans D. Calabi (éd.), Fabbriche, piazze, mercati : la città italiana nel Rinascimento, Rome, 1997, p. 77-101 et en particulier p. 85-86). C’est en effet le cas devant S. Marco ou S. Maria della Scala.

Table des illustrations

Légende Fig. 1 – Milano, quartier de Porta Romana (ASM, Catasto, 1751).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/31467/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Légende Fig. 2 – Milano, quartier de Porta Ticinese (ASM, Catasto, 1751, copie réalisée au XIXe siècle).
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/31467/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 110k

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