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Rome, archéologie et histoire urbaine : trente ans après l’Urbs (1987)

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Cyril Courrier
, 
Jean-Pierre Guilhembet
, 
Nicolas Laubry
, 
et al.

Deuxième partie – Lieux et contextes

Rome et ses collines entre topographie et histoire urbaine

Clément Chillet

Résumé

Les collines de Rome sont envisagées non pas séparément mais comme un milieu commun produisant des conditions particulières à l’urbanisme de la ville de Rome. Sont prises en compte à la fois les caractéristiques physiques inhérentes à ce type de site, mais aussi les spécificités de l’histoire de l’urbanisme de Rome. Quatre directions des recherches actuelles, qui semblent les plus fructueuses, sont mise en avant : l’étude de l’orographie des collines ; l’étude de l’implantation historique du bâti urbain ; l’étude des circulations en marge de la ville ; l’étude des pratiques urbaines spécifiques à l’espace collinaire.

Texte intégral

  • 1 La bibliographie donnée dans les notes n’a aucune vocation à être exhaustive. Elle renvoie aux ouv (...)

1Rendre compte, dans le cadre d’un article, de trente années de production scientifique sur les collines de Rome, même en excluant l’Aventin et le Palatin étudiés ailleurs dans ce volume, n’est évidemment pas envisageable1. Comme dans les autres chapitres de cet ouvrage, on proposera ici un bilan nécessairement partiel des avancées qui paraissent les plus significatives et qui ouvrent des perspectives de recherches prochaines dans le champ des deux disciplines que sont la topographie et l’histoire urbaines, appliquées aux collines de Rome.

2La première est une science à laquelle s’exercent depuis fort longtemps les spécialistes de la Rome antique, qui a pour objet de procéder à l’identification des vestiges archéologiques, combler leurs lacunes en croisant sources littéraires, épigraphiques pour peu à peu reconstituer la carte de la ville antique. Il ne sera pas question dans les pages qui suivent de faire un inventaire complet des découvertes survenues sur les collines de Rome depuis la fin des années 1980, mais de signaler celles, majeures ou mineures, qui illustrent les pistes que nous avons retenues pour rendre compte des directions suivies par la recherche sur cet espace collinaire. Par histoire urbaine, on entendra, de manière très générale, l’histoire de la ville prise comme un milieu humain particulier dont il faut étudier les spécificités non plus seulement en termes topographiques ou architecturaux, mais aussi humains et sociaux.

3Dans cette perspective, nous ne dissocierons pas les collines de Rome ici considérées (Capitole, Janicule, Pincio, Viminal, Quirinal, Esquilin et Celio), malgré leurs différences : différences dans leur géologie et leur localisation (l’exemple du Janicule, qui ne relève pas du même système de formation géologique que les collines de l’est de Rome, et qui par ailleurs se trouvait au début de l’histoire de la ville hors du territoire romain, sur la « rive étrusque » du fleuve) ; différences dans leur histoire (le Pincio fut longtemps hors du pomerium mais devint une zone privilégiée au même titre que l’Esquilin, surinvesti par les marques du pouvoir à partir de l’époque impériale) ; différences enfin dans leurs vicissitudes modernes (le Capitole est une colline dont une partie entière a disparu à jamais sous les travaux du Vittoriano et la Velia a fini de disparaître lors du percement de la via dei Fori imperiali, tandis que le Celio ou le Pincio, occupés par des zones « vertes », peuvent laisser espérer de nouvelles découvertes). La question que pose cette perspective est celle de l’unité et de la pertinence de l’espace collinaire comme objet d’étude spécifique à l’intérieur de l’espace urbain. On analysera ainsi les collines comme un milieu possédant des spécificités qui le distingueraient des autres espaces de la ville. Cette perspective nécessite de prendre en compte deux échelles : la première, inhérente à la situation physique des collines, quelles qu’elles soient (altitude, pente, phénomènes géologiques et d’érosion spécifiques) ; la seconde propre à l’histoire même de la ville de Rome et à l’implication de chacune des collines dans les vicissitudes millénaires de l’Vrbs.

4Nous proposons une relecture des recherches des trente dernières années, ordonnée autour de quatre questions qui constituent les collines de Rome comme des lieux urbains spécifiques et nous suggérons, dans le prolongement de ces recherches, quelques pistes qui nous semblent prometteuses pour des travaux futurs. La première spécificité qui constitue l’espace collinaire en une singularité dans l’espace urbain est celle de leur orographie (1). Du fait de la configuration du site de Rome, dans la zone de débordement du Tibre, les collines furent aussi les premières zones d’implantation humaine qui évoluèrent ensuite en phénomène urbain (2), tandis que par une inversion de perspective, la ville de Rome développa ensuite son centre au pied des collines, repoussant ces dernières, pour un temps au moins, aux limites de la ville, tout en en faisant des points d’accès et de circulation des hommes et des marchandises (3). On prendra enfin en compte les pratiques urbaines spécifiques engendrées par cette situation évolutive et induites tant par la conformation particulière des collines romaines que par l’histoire de la ville de Rome (4).

Les collines et l’orographie romaine

  • 2 La recherche lexicale sur le binôme collis/mons montre que les auteurs latins et les inscriptions (...)
  • 3 Voir le point établi par Arnoldus-Huyzendveld 2012.

5C’est une banalité, cependant nécessaire, que de rappeler qu’une colline est un relief caractérisé par une faible hauteur, se détachant donc d’un espace situé en contrebas (le latin utilise l’opposition entre collis et uallis2), et s’opposant à un milieu plat (le latin utilise alors les termes de æquus, apertus, planus). À cet égard, nous y reviendrons, envisager l’ensemble des collines de Rome dans un même mouvement contribue à effacer les spécificités de certaines d’entre elles : alors que le Capitole et le Palatin, rémanents d’un ancien plateau volcanique, se distinguent comme des reliefs circonscrits, les collines de l’est de Rome ne sont que la frange d’un plateau qui s’étend en pente très douce vers l’est : la déclivité n’est vraiment accusée que du côté occidental, vers la ville, tandis que, au-delà de la ligne de crête, de vastes espaces relativement plans s’ouvrent vers le suburbium3.

  • 4 Pour le forum de Trajan, voir Packer 1997 et Meneghini 2009. Pour les marchés, Bianchini – Vitti 2 (...)
  • 5 Et cela par un processus commencé dès l’Antiquité, puisque les substructions qui dominent le Forum (...)
  • 6 L’archeologia, 1983.
  • 7 Voir un point de vue général sur les fouilles de Saint-Clément dans Guidobaldi 1992.

6Plus que tout autre type de paysage, le relief est sujet aux changements. En effet, plus exposées à l’érosion, qu’elle soit d’origine climatique, éolienne ou humaine, les configurations des reliefs sont susceptibles de changer de manière plus spectaculaire ou simplement plus perceptible que les paysages de plaine. L’exemple le plus marquant à Rome est sans doute l’implantation du forum de Trajan qui, au IIe siècle ap. J.-C., entraîna l’arasement de l’ensellement reliant le Capitole au Quirinal, faisant non seulement disparaître des zones entières de l’urbanisme de hauteur, mais introduisant par ailleurs une modification profonde de la perception du paysage de la zone centrale de la ville4. Les époques médiévales, modernes et contemporaines n’ont pas manqué de modifier profondément l’aspect des collines : les deux têtes du Capitole ont disparu sous la place actuelle du Capitole5, l’Esquilin a été arasé de plusieurs mètres lors des travaux destinés à la construction du nouveau quartier après 18706… Dans le même temps, à nouveau pour des causes à la fois humaines et géologiques, cet arasement et cette érosion ont été souvent accompagnés d’un comblement des zones basses. Cette double évolution atténue d’autant plus les reliefs : la situation de Saint-Clément dans la vallée entre Esquilin et Celio montre à quel point la perception de la hauteur de l’Esquilin devait être différente dans l’Antiquité7.

  • 8 Villedieu 2011 et 2016. Nous signalons simplement ici la découverte de la tour néronienne pour son (...)
  • 9 Caruso – Volpe 1998 et 2000 ; Volpe, 2000 et 2010 ; Caruso 2011.
  • 10 Jolivet 2015 et 2018 ; Fratini – Moricone 2015.

7Ce constat, en mobilisant les progrès des méthodes et de l’équipement archéologiques, a conduit à porter un intérêt plus soutenu à l’orographie de la Rome antique. Les études géologiques, destinées à retrouver le substrat naturel que les Romains ont anthropisé et se sont approprié, ont contribué à mieux comprendre la configuration des lieux et les développements de la ville ancienne. Même si l’exemple le plus spectaculaire de la reconnaissance du terrain ancien se trouve sur le Palatin, avec la découverte de la tour néronienne dont les fondations reposent dans une dentelure de la colline sévèrement rectifiée par les substructions flaviennes8, les fouilles des pentes de l’Esquilin fournissent aussi un exemple de la manière dont notre vision actuelle est perturbée par des travaux anciens : l’énorme terrasse des thermes de Trajan masque un réseau viaire plus ancien, qui épouse les pentes de la colline décrites par les sources littéraires comme accusant une forte déclivité, aujourd’hui peu perceptible9. On notera dans le même ordre d’idées, les travaux menés sur le Pincio pour l’édification du nymphée théâtriforme des jardins de Valerius Asiaticus : ces travaux de grande ampleur constituent non seulement des adjonctions au relief, mais produisent aussi de grandes quantités de déblais/remblais qui eux aussi modifient le paysage10.

  • 11 Dans l’espace collinaire, voir par exemple : Ammerman – Terrenato 1996, pour le Capitole et Spizzi (...)
  • 12 On pourrait citer ici le débat autour de la forme du Comitium, dont la forme arrondie, proposée pa (...)
  • 13 L’expression est de Ammerman 2006, p. 307.
  • 14 Par exemple : Leonardi 2017 pour le terrain entre Pincio et Quirinal.

8L’archéologie romaine a été réinvestie par les études géologiques qui cherchent à reconstituer la carte des terrains qui ont servi de cadre, puis ont été modifiés par l’urbanisation à partir du VIIIe siècle avant notre ère11. Ce champ d’étude doit être signalé pour plusieurs raisons, à la fois sur le plan de la méthode et des résultats concrets. D’abord, il a contribué à renouveler le débat dans certains cas, en mettant en avant d’éventuelles impossibilités géologiques aux reconstructions topographiques modernes12. Il a par ailleurs rappelé de manière salutaire combien, même lorsqu’il s’agit de géologie, « le syndrome de la cité éternelle13 » peut se révéler handicapant pour bien saisir l’évolution des pratiques urbaines, à date très haute, mais aussi plus récente. Il n’est pas vain de rappeler que les paysages eux-mêmes ont une histoire et que retrouver le « sol vierge » n’est pas le gage d’avoir atteint une situation initiale pré-urbaine qui servirait de « décor » aux développements de la cité. La complexité des bouleversements du sous-sol romain rend parfois illusoire de vouloir remonter à cette situation primordiale. Il a enfin contribué à rappeler que les implantations urbaines sont aussi largement conditionnées par le terrain, au sens le plus géologique du terme14.

  • 15 Candilio et al. 2000-2001. Voir aussi Coarelli 2014, p. 21-34.
  • 16 Palombi 1997 contra Volpe 2000, p. 525-528.
  • 17 Par exemple celui du tracé de la uia Sacra, problème bien connu des topographes des quartiers cent (...)

9Les travaux menés sous les thermes de Dioclétien dans la partie occupée par l’ancien planétarium, en remontant jusqu’aux « couches géologiques », ont permis de mieux comprendre la configuration du Quirinal : configuration géologique, configuration toponymique, puisque la colline que la toponymie moderne considère de manière univoque, se composait de plusieurs sommets : dans le cas du Quirinal (Collis, Quirinalis, Salutaris, Lucialis, Latiaris), mais aussi configuration proprement urbanistique à l’époque archaïque, puisque la découverte d’un relief avec une vallée/fossé a permis de reconstituer l’articulation d’un habitat archaïque avec les tombes avoisinantes15. La même situation a prévalu sur l’Esquilin pour lequel plusieurs propositions d’identification des différents sommets ont été formulées16, qui ont des implications concrètes sur des problèmes de topographie urbaine17.

Les collines et les origines de la ville

  • 18 En cherchant à expliquer l’étymologie de Septimontium. Sur la question complexe de l’identificatio (...)
  • 19 Arietti p. 553-562 dans Candilio et al. 2000-2001. Voir aussi Magagnini 2005.

10La légende de Rome place la fondation de la ville sur le Palatin, l’archéologie, plus largement, sur les collines qui surplombaient alors des vallées mal assainies, rendues humides par la présence de petits cours d’eau aujourd’hui disparus ou invisibles, et la vallée de débordement du Tibre. Les collines de Rome sont donc consubstantielles à sa fondation et à son développement premier comme le reconnaissaient déjà les antiquaires du Ier siècle av. J.-C.18. Sur ce plan, les découvertes récentes ont renforcé considérablement notre connaissance de la Rome protohistorique et archaïque. On ne reviendra pas ici sur les problèmes complexes d’interprétation que posent les vestiges du Palatin, qui ouvrent une fenêtre incomparable sur les premiers temps de l’urbanisme romain. Le Quirinal a lui aussi donné lieu à plusieurs fouilles qui ont mis au jour des vestiges de la première urbanisation de la ville. La zone de l’ancien planétarium, situé dans un des pavillons des thermes de Dioclétien, a restitué des vestiges protohistoriques que F. Arrieti a mis en relation avec les tombes archaïques et les dépôts de matériel votif connus dans ce quartier, pour proposer une restitution d’ensemble de l’implantation humaine dans la zone. Les vestiges mis au jour permettent de mettre en évidence la répartition entre zones d’habitat et zones de sépultures, sépultures dont on note le caractère disséminé et non pas unifié en une grande nécropole. De ce constat, l’auteur infère une organisation de l’espace sur les hauteurs des collines archaïques, de type aristocratique et gentilice en différents lieux clos19. Les marges du plateau qui occupe l’est de Rome étaient dentelées en de multiples éminences qui formaient les pôles de l’installation humaine à l’époque latiale (entre le IXe et le VIIe siècle).

  • 20 Arizza 2015 et plus généralement Arizza – Serlorenzi 2015. Voir aussi Coarelli 2014, p. 30-33.

11C’est sur ce même Quirinal qu’a été mise au jour une structure qui nous ramène vers la naissance de Rome en tant qu’entité urbaine unifiée. Datée de la fin du VIe et du début du Ve siècle, reconstruite ensuite au IVe-IIIe, elle a fourni du matériel votif attestant une activité du VIIIe au IIIe siècle et correspondrait donc à un temple dont l’attribution et la fonction ne font pas l’unanimité, mais qui ont le mérite de révéler une partie de la ville archaïque et de rééquilibrer notre conception de l’implantation urbaine vers l’est, sur cette colline dont la tradition dit qu’elle était liée aux Sabins, dont le rôle dans la fondation de la société romaine n’est plus à rappeler20.

  • 21 D.C., 55, 7, 6.
  • 22 Astolfi – Cordischi – Attilia 1980-1990 ; Iidem 1990 et Cordischi 1993, ses découvreurs, l’interpr (...)

12Pareillement, sur l’Esquilin, un cas de très grande continuité d’occupation et de fonction, tout en même temps que bel exemple méthodologique de croisement des sources, a été mis au jour. La structure ronde gravée sur un fragment de la Forma Vrbis Marmorea qu’E. Rodríguez Almeida avait rattaché aux plaques représentant l’Esquilin, a effectivement été retrouvée dans la zone où le plan sévérien signalait qu’elle devait se trouver. La fouille effective a conduit à en réviser foncièrement l’interprétation. Jusque-là conçue comme la piscine d’eau chaude dont Dion Cassius rapporte qu’elle ornait les jardins de Mécène21, elle s’est révélée être une structure cultuelle, dont les premiers états bâtis remontent au IIIe siècle av. J.-C., mais dont la fondation remonte certainement au VIe siècle : le dépôt votif d’une statuette, datant de cette époque, trouvée au centre du cercle, témoigne sans conteste d’états disparus de la construction22.

Les collines, les limites de la ville et les circulations

13Du fait de l’histoire spécifique de l’urbanisme romain qui se centra, après la bonification progressive des zones marécageuses (à partir du milieu du VIIe siècle) autour de la zone du Forum, les collines furent reléguées pour partie en marge de l’espace urbain. La muraille dite servienne, conçue comme un ouvrage de défense de l’espace urbanisé, traverse quasiment toutes les collines de Rome, Pincio et Janicule mis à part. Elle marque, pour l’époque républicaine au moins, une des limites de la ville. De ce fait, étudier les collines de Rome, c’est aussi se pencher sur les dynamiques de l’entrée/sortie de ville et donc sur ce qui définit l’en-ville du hors la ville. Même si la croissance de la ville à l’époque impériale et la construction de la muraille aurélienne ont intégré une partie de cet espace autrefois en marge, l’implantation des réseaux viaires et des points de contact s’était largement fixée à une date où les collines marquaient la rupture entre l’espace urbain et le suburbium. Par ailleurs, la christianisation de la ville a modifié les critères de définition de la ville même et les collines, rejetées sur les marges de l’espace densément habité, mais intégrées au réseau des églises et des diaconies, changent de valeur dans la Roma Christiana de la fin de l’Empire. Cette problématique des marges de la ville, en ce qui concerne les collines, peut, de fait, être étudiée sur le très long terme, puisque, du fait de la contraction tardo-antique et médiévale de l’espace urbain, principalement dans le Champ de Mars, les collines ont retrouvé leur position de marge que seule l’installation de la capitale de l’État italien en 1870 et l’énorme croissance urbaine qui s’en est suivi a contribué à réintégrer dans l’espace urbain.

14La conformation physique des collines du nord et de l’est de Rome se prêtait particulièrement à l’ouverture : rappelons que plus que des « collines » au sens propre, elles constituent la marge d’un même plateau qui se termine plus ou moins parallèlement au Tibre par une légère crête découpée en multiples avancées qui forment en réalité les différentes « collines ». La déclivité se fait réellement sentir et forme rupture, uniquement du côté ouest, du côté de la ville. Vers l’est, elles se prolongent en réalité par un espace sans rupture de pente en partant vers l’est, formant une zone appropriée pour la croissance urbaine. C’est la raison pour laquelle, sur cette façade orientale, les fortifications de Rome durent s’appuyer sur le très lourd dispositif de l’agger, pour contrebalancer cette « ouverture » de l’espace urbain.

15Les fouilles des trois dernières décennies sur les collines de Rome ont permis de mieux comprendre l’organisation de ces marges tandis que plusieurs études se sont récemment penchées sur les activités spécifiques qui y prenaient place. Quatre types d’occupation de l’espace émergent principalement pour décrire les marges de la ville, types sur lesquels de récentes découvertes ont permis d’apporter un certain renouveau.

a) Les espaces funéraires

16La colline principalement concernée par la pratique du funéraire est l’Esquilin. La nécropole qui fut très largement remaniée et déplacée entre la fin de la République et le début de l’Empire était en activité dans cette zone depuis la période archaïque. Les infléchissements dans la connaissance de la topographie et des pratiques funéraires en espace urbain, sont issus de l’exploitation et du croisement de plusieurs sources qui font presque de l’Esquilin un cas d’école en la matière.

  • 23 Pales – Menghi 1999 ; Fasti online, FOLD&R 53.
  • 24 Tucci 2018.

17De nouvelles fouilles qui ont accompagné les travaux d’urbanisme ont permis la découverte ou la redécouverte de vestiges importants. Ainsi, une partie de la nécropole qui avait échappé aux travaux de bonification et d’urbanisme entrepris dans la zone depuis le début de l’Empire (des travaux de Mécène jusqu’aux réaménagements de l’Ottocento), a été retrouvée à l’angle sud de la gare de Termini, permettant de fouiller avec des méthodes plus appropriées un de ces puticuli, ou fosses communes, attestés mais peu documentés par les fouilles du XIXe siècle23. Sur d’autres collines, des fouilles dans des zones tout aussi densément occupées et profondément transformées ont donné lieu à des découvertes majeures : la tombe du début du IVe siècle av. J.-C., découverte sur le Capitole par P. L. Tucci, constituerait le plus ancien monument funéraire républicain connu à Rome. Son étude permet de le rattacher par ses techniques de construction et sa décoration picturale à des modèles à la fois grecs et étrusques24.

  • 25 Gatti 2007.

18Mais l’exploitation des archives des campagnes de fouilles de la fin du XIXe siècle et des premières années du XXe siècle se révèle toujours être une mine de renseignements qui permettent de revoir à la fois les comptes rendus publiés dans le Bullettino, les Notizie degli scavi ou bien la Forma Vrbis : la confrontation récente des archives de Lanciani et celles d’un chantier de fouilles des années 30 a permis de donner une nouvelle interprétation de la tombe médio-républicaine, dite tombe Arieti dont les décors célèbres fournissent une représentation ancienne de cortège militaire, peut-être triomphal25.

  • 26 Cossu 2014.
  • 27 Volpe – Parisi 2009.

19La dernière source de renouvellement tient dans l’exploitation d’une documentation plus ancienne encore. Le CIL mentionne aussi souvent qu’il le peut le lieu d’invention des inscriptions, même lorsque celles-ci émanent du collectionnisme renaissant : fort souvent malheureusement, les « vineae » des notables ou des fondations religieuses romaines ne sont pas localisées. L’exploitation des sources notamment notariales a permis récemment de reconstituer le cadastre des propriétés sur l’Esquilin et de rattacher l’inscription du tombeau des affranchis de Mécène à cette zone et non aux environs de la porte Latine26 et de situer plus précisément le lieu de découverte du groupe de Laocoon27.

b) Zone de production économique

  • 28 Filippi 2008 et en particulier chapitres, « Un orto arcaico », p. 39-43 et « Il giardino delle ola (...)
  • 29 Coates-Stephens 2004.
  • 30 Sur le cas du macellum construit près de la muraille servienne, puis déplacé vers un macellum Liui (...)

20Les marges urbaines, dans cette zone intermédiaire avec ce qui constituait le début du suburbium, dont l’urbanisation était, jusqu’au début de l’Empire peu dense (et qui le resta, en comparaison avec l’hypercentre), étaient favorables aux activités économiques de production et d’échanges qui ne trouvaient pas forcément leur place en ville. Le paradigme de la « ville consommatrice », trop souvent appliqué à Rome par le passé, est aujourd’hui largement abandonné et une attention plus grande, notamment en fouilles, est portée aux équipements de l’activité économique. Malheureusement, certains de ces éléments ne laissent quasiment pas de trace : les sablières signalées par Cicéron sur l’Esquilin ont disparu. En revanche, le bas des pentes du Janicule dans le Trastevere a fourni l’exceptionnelle attestation d’un jardin d’époque archaïque et d’un autre d’époque augustéenne, caractérisé par un alignement de jarres et dont l’analyse paléobotanique du terrain a révélé qu’il s’agissait d’un lieu de culture vivrière28. La ville de Rome produisait donc une partie de sa consommation dans son immédiate périphérie, ce qu’avait déjà souligné l’étude des activités boulangères d’une tout autre ampleur, installées à côté de la future porta Maggiore29. Sans même aller jusqu’au suburbium, c’est dans l’interface immédiate entre la mégapole et sa périphérie qu’il faut chercher les traces de l’activité économique et étudier ces implantations de manière dynamique et diachronique : la croissance urbaine des premiers siècles de l’Empire entraîna le déplacement de certains de ces équipements30.

c) L’habitat

  • 31 Chillet 2011.
  • 32 Jolivet 1997 pour l’expression de ceinture verte. Pour le lotissement progressif des jardins, voir (...)
  • 33 Cima – La Rocca 1986. La topographie des horti Lamiani, passés ensuite dans le domaine impérial es (...)
  • 34 Broise – Jolivet 2015.
  • 35 Établir la recension de la bibliographie sur la domus Aurea est une entreprise en soi. Citons uniq (...)
  • 36 Lauro 2017.

21La zone des collines reléguée dans un premier temps par le passage de la muraille dans un statut périphérique donnait un territoire caractérisé par une moindre pression foncière à la croissance urbaine de l’Empire. Elle fut, dans un premier temps, marquée par une défonctionnalisation de la muraille, rendant Rome « ville ouverte », jusqu’au IIIe siècle et la construction de la muraille aurélienne. Une partie de ces zones anciennement périphériques fut accaparée par les grands jardins aristocratiques, puis impériaux, dont la marque était justement de se situer à la fois en ville et hors la ville31, qui allèrent jusqu’à former une « ceinture verte » autour de la ville, avant d’être à leur tour en partie lotis32. Nous reviendrons sur ces lieux de pouvoir, mais là encore l’archéologie, principalement sur l’Esquilin33 et sur le Pincio34, a continué de révéler le luxe incroyable des demeures installées sur les collines, en position surplombante. Parmi elles, il faut bien sûr mentionner la domus Aurea néronienne dans sa partie Esquiline dont il ne se passe pas une année sans que la topographie, l’architecture, le décor et les significations ne soient mieux connus35. Citons encore la grande domus découverte sur le Quirinal qui est un autre témoignage de l’installation de demeures luxueuses dans des zones où il était encore possible d’installer de vastes demeures témoignant de la surface économique et sociale de leur propriétaire36.

  • 37 Pour les fouilles du Celio : Lissi Caronna 2006-2007 (publication complète de fouilles plus ancien (...)

22Parmi les habitats de périphérie, mentionnons les casernes des garnisons romaines. Leur localisation marginale sur les collines dépend plus de l’histoire conjoncturelle de Rome que du caractère physique des collines : la localisation des camps prétoriens du Viminal comme des camps pérégrins sur le Celio trouve sa raison à la fois dans la réticence à installer, même après leur création effective, des corps armés en ville, dans la possibilité de trouver de vastes terrains aptes à recevoir ces camps, dans la configuration de l’urbanisme lâche de la zone extérieure qui permettait les circulations périphériques et dans la proximité des axes de circulation pénétrant au cœur de la ville37.

d) Les circulations

  • 38 Palombi 1997, Coarelli 2014, p. 52-81.
  • 39 Laurence 2008 ; O’Sullivan 2011 ; Kaiser 2011 ; Laurence – Newsome 2011. Pour les espaces qui nous (...)
  • 40 Voir supra n. 30.
  • 41 Guilhembet 2006.
  • 42 Chillet 2020.

23Les zones de marges sont donc aussi des zones de contact et la circulation des hommes et des biens constitue un angle d’approche privilégié pour comprendre les dynamiques à l’œuvre dans la périphérie collinaire de la ville. La place prépondérante qu’occupe la restitution des réseaux viaires dans les études de D. Palombi sur l’Esquilin et de F. Coarelli sur le Quirinal38 témoigne de l’importance de cet aspect de l’histoire urbaine pour saisir non seulement l’organisation, mais aussi l’évolution de ces quartiers. La restitution des axes viaires est un des moyens privilégiés de comprendre la pratique de l’espace urbain et l’étude des mouvements en ville, notamment dans ces zones de marge, a récemment fait l’objet, à Rome mais aussi dans d’autres villes de l’empire, d’un regain d’intérêt39. Une partie des portes de la muraille servienne se trouve dans les collines de l’est de la ville, c’était donc par ces lieux que l’entrée en ville des individus, mais aussi des marchandises s’opérait, donnant corps à toutes sortes de pratiques spécifiques : on pense au commerce, comme en témoignent la présence de macella40, de zones de campus situés devant les portes anciennes (campus Esquilinus, Caelemontanus, Lateranensis, Viminalis), mais à toutes les activités liées à l’entrée en ville (auberges…) et aux pratiques cérémoniales liées aux entrées41. Ce trafic de et vers l’extérieur avait nécessairement un impact sur les axes internes et les fouilles menées sous les thermes de Trajan ont conduit à redéfinir le réseau viaire sur l’Esquilin, dans une zone qui devait constituer une des principales entrées dans la ville en particulier pour les matériaux de construction des grands chantiers impériaux depuis la domus Aurea jusqu’aux grands forums impériaux comme celui de Trajan42.

  • 43 Pour l’aqua Virgo, alimentant les jardins du Pincio et le Champ de Mars, voir Pracchia – Pultrone (...)
  • 44 Andrews 2017, p. 254-255.
  • 45 Volpe 2017.

24Parmi les circulations urbaines, il faut faire une place aussi à celles de l’eau. Les collines ont cette spécificité de constituer, par leur altitude, les points d’entrée de l’eau en ville. L’accumulation des châteaux d’eau d’aqueducs dans la partie est de la ville tient à la localisation des points de captage mais aussi au fait que l’Esquilin constituait un des points culminants de la ville antique. L’étude des canaux et de leur altitude, rendue malheureusement extrêmement difficile par le bouleversement topographique sur la colline et par l’absence de relevés altimétriques lors des fouilles du XIXe siècle donnerait cependant certainement des résultats très intéressants pour comprendre comment était organisée l’arrivée et la distribution de l’eau en ville43. La position particulière des points culminants, finalement englobés dans l’espace urbain fait qu’ils jouaient le rôle de distribution à la fois pour l’intérieur de la ville, mais aussi certainement pour l’extérieur44. Les collines jouent à ce titre un rôle central pour l’organisation de l’espace urbain. La défonctionnalisation (militaire) de la muraille servienne, dépassée par les constructions qui parfois s’appuyaient sur elle, s’accompagna de nouveaux usages : R. Volpe fait l’hypothèse que le tracé de muraille et l’agger servirent de support aux nombreux tronçons d’aqueducs de la zone Esquiline45.

Les pratiques urbaines

25Pour achever notre parcours des modes spécifiques de vivre la ville engendrés soit par la position physique, soit par l’histoire des collines de Rome, il faut réserver une place aux représentations de ces espaces dans l’imaginaire urbain et à leurs conséquences sur les pratiques de la ville.

  • 46 De Souza 2017.
  • 47 Perrin 2017.
  • 48 Coarelli 1999.
  • 49 Perrin 1996 et Chillet 2011.

26Le cas bien connu depuis longtemps de Valerius Publicola montre comment la position dominante (en particulier au-dessus du Forum) revêtait une puissante charge symbolique. Un ouvrage récent a cherché à montrer quelle était la place des collines dans la représentation du pouvoir46. Prendre la hauteur comme objet d’étude urbanistique est riche d’interprétation, même quand cette hauteur est artificielle, ou augmentée artificiellement : on prendra en compte ici l’étude du colosse de Néron, dont Y. Perrin interprète l’altitude sommitale comme la création d’un nouveau sommet qui permette à l’empereur en quelque sorte une vision panoptique sur la ville47 ; ou bien celle de la colonne Trajane, elle aussi hauteur artificielle destinée à remplacer une éminence naturelle, arasée pour autoriser les travaux de grande ampleur du forum de Trajan, et dont la monumentalité verticale servit de piaculum pour expier la modification de la topographie romaine48 ; ou bien encore, en dernier lieu, celle de la tour de Mécène sur l’Esquilin qui augmentait encore la hauteur d’un des points les plus élevés de la ville de Rome : la tour eut une remarquable longévité, une fois intégrée dans les jardins impériaux, qui s’explique sans doute par l’avantage que lui conférait cette vision sur la ville synonyme de puissance49.

  • 50 Broise – Dewailly – Jolivet 1999-2000.
  • 51 De Souza 2017, p. 10.

27Le lien entre puissance politique et collines marque l’histoire de la ville de Rome depuis ses origines jusqu’à la chute de l’Empire : de Romulus qui tira son pouvoir de son installation augurale sur le Palatin au palais d’Honorius sur le Pincio50, en passant par l’implantation de la domus Aurea sur l’Esquilin comme un « second pôle du pouvoir » à côté du Palatin, la hauteur reste un symbole de puissance politique, au point que certains en viennent à caractériser l’Empire comme un pouvoir « du haut des collines51 ».

  • 52 Eck 1982 et Bruun 2003. Sur cette question, voir aussi les contributions de G.L. Gregori et C. Dav (...)

28Les collines étaient aussi marqueurs de pouvoir économique en tant que lieu d’habitat privilégié des détenteurs du capital économique. Si l’habitat à Rome est peu sectorisé, le sommet des collines reste un lieu d’ancrage privilégié des domus, petites ou grandes, d’individus qui disposaient nécessairement d’un capital important. La reprise du catalogue, puis l’étude des fistulae aquariae, prises d’eau portant le nom de grands personnages, de la Vélia au Quirinal, a donné le témoignage de l’existence de nombreuses demeures aristocratiques52. Même si la localisation en reste imprécise, ce sont ces documents qui ont enrichi de manière spectaculaire le catalogue des domus connues comme en témoignent les indices du LTUR.

  • 53 Berthelet 2015, p. 252-255 et Berthelet 2017 s’oppose en cela à Coarelli 1981.
  • 54 Coarelli 2005.

29Cette hauteur synonyme de vue à longue portée influe sur l’organisation et l’usage de l’espace urbain sur le plan religieux, les processus d’inauguratio, de prise des auspices propres à la religion romaine et à la vie civique. L’importance des auguracula situés sur le Quirinal et sur le Capitole, dont l’usage dans le processus comitial fait l’objet de débat, rappelle que l’espace collinaire conditionne jusqu’à l’organisation de la vie civique53. F. Coarelli avait aussi montré comment la perception entière de la ville, dans le plan de marbre sévérien, dépendait d’un regard augural porté sur l’espace urbain depuis une des collines, le Capitole, sur lequel le plan est centré, vers une autre colline, extra-urbaine cette fois (le mont Albain)54.

30Par ailleurs, comprendre comment la colline influe sur l’organisation urbaine implique de ne pas la couper de son piémont. Si les collines de l’est romain n’avaient en réalité qu’un seul pied et s’il n’existait pas de rupture, sinon celle marquée artificiellement par les deux murs, successifs, la façade urbaine de ces collines était marquée par une déclivité importante qui impose d’étudier les liens entre hauteurs et plaine. Que l’on étudie les effets visuels architecturaux, et donc statiques, ou bien les parcours, c’est un angle pertinent pour comprendre l’organisation de la ville.

  • 55 Jolivet 2015, p. 79.

31On s’appuiera sur quelques exemples seulement pour montrer la pertinence de cette approche. En premier lieu, le nymphée théâtriforme des jardins de Lucullus/Asiaticus, dont la façade monumentale se développait sur 180 mètres en face du mausolée d’Auguste, ne peut se comprendre qu’en lien avec le Champ de Mars qu’elle domine. Ainsi restitué dans un réseau d’axes visuels, il se pare d’une signification politique que portait déjà son décor propre à consonance jovienne55.

  • 56 Guilhembet 2011.

32Par ailleurs, l’hypothèse de localisation du Septizodium pré-sévérien dans la série de niches qui animent le mur longeant la uia Claudia au pied du Celio, côté est, montre aussi comment les ensembles monumentaux des collines (en l’occurrence le temple du divin Claude) ne peuvent être compris qu’avec ce qui les encadre56.

  • 57 Tucci 2005 et Coarelli 2010.

33Dernier exemple enfin, le renouvellement radical de la perspective donnant sur un espace aussi central que le Forum proposé par F. Coarelli en se fondant sur les travaux de P.L. Tucci. Les vestiges capitolins habituellement interprétés comme les fondations du Tabularium doivent s’interpréter désormais comme les substructions syllaniennes de trois temples surplombants dont le sens ne se comprend qu’en relation non seulement avec les autres monuments du Capitole, mais aussi et surtout avec le Forum situé en contrebas57.

  • 58 Palombi 2017.

34En parallèle de ces questions de perspectives visuelles, les collines sont aussi engagées dans des pratiques plus mobiles. Outre l’étude de la voirie déjà citée, et ses usages, en particulier économiques, il faut citer les processions qui servent en partie à la définition même de l’espace urbain. Les cérémonies les plus représentatives de cette fonction sont sans doute les Argées dont le dossier fort complexe a été repris par D. Palombi qui a montré combien les sources très mutilées mais surtout très remaniées comportent de multiples strates qui ne permettent pas de saisir un état unique des processions et donc de leur ancrage topographique. Palimpseste de plusieurs états de la ville, les sources présentent sans doute non pas une seule et unique procession dans les 27 chapelles de la ville, mais un parcours pour chaque région, qui tous convergeaient ensuite au surplomb du Forum pour rejoindre le Tibre accomplir l’ultime étape du rite. Ainsi, les parcours rituels, situés sur les collines ne prennent leur sens que par la fin de la cérémonie qui a lieu en contrebas58.

 

  • 59 Palombi 2006.

35Cette forte charge symbolique des collines, tissée d’un réseau de significations thématiquement étendues, trouve son aboutissement dans une définition même de l’espace urbain romain. L’image de la ville aux sept collines enceintes dans le circuit des murs, née des recherches antiquaires de Varron a d’emblée connu un succès énorme puisqu’il fut repris, d’abord comme un trait érudit par Cicéron pour définir la ville, ensuite comme une représentation figurée de la ville sur une monnaie d’un Antonien en 42, puis comme une définition poétique par les poètes augustéens (alors même que les zones privilégiées par l’urbanisme augustéen se situaient au pied des collines, dans la zone des forums et sur le Champ de Mars), enfin comme une définition administrative de la ville par Auguste avant de devenir une périphrase habituelle, à Rome comme dans les provinces, pour désigner Rome59. Née sur les hauteurs surplombant les zones marécageuses des vallées arrosées par des eaux de ruissellement et inondées par les caprices du Tibre, Rome finit, dans une reconstruction savante à l’extraordinaire longévité, par se résumer à cette couronne collinaire qui ne sera reconquise par l’urbanisme qu’à une époque somme toute relativement récente.

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Notes

1 La bibliographie donnée dans les notes n’a aucune vocation à être exhaustive. Elle renvoie aux ouvrages soit les plus récents, soit les plus complets qui puissent donner accès à des références plus nombreuses.

2 La recherche lexicale sur le binôme collis/mons montre que les auteurs latins et les inscriptions n’ont pas de critères discriminants particuliers ; seul l’usage semble les conduire à privilégier collis pour décrire le Viminal et le Quirinal. En grec, c’est λόφος qui est privilégié au détriment de ὄρος : Fridh 1993, Langdon 1999. Sur la question de l’usage du terme mons pour désigner un type d’habitat et d’organisation territoriale et politique pré-urbaine opposé au pagus, de plaine, voir infra.

3 Voir le point établi par Arnoldus-Huyzendveld 2012.

4 Pour le forum de Trajan, voir Packer 1997 et Meneghini 2009. Pour les marchés, Bianchini – Vitti 2017. Sur la topographie et l’urbanisme dans la zone avant les destructions intervenues pour laisser la place à l’immense complexe trajanien : Palombi 2005 et 2016, en particulier p. 49-55.

5 Et cela par un processus commencé dès l’Antiquité, puisque les substructions qui dominent le Forum comblent une partie de la dépression entre les deux sommets. Sur ces structures, voir infra.

6 L’archeologia, 1983.

7 Voir un point de vue général sur les fouilles de Saint-Clément dans Guidobaldi 1992.

8 Villedieu 2011 et 2016. Nous signalons simplement ici la découverte de la tour néronienne pour son apport spectaculaire sur l’histoire du paysage romain, sans entrer dans la question de l’interprétation des vestiges.

9 Caruso – Volpe 1998 et 2000 ; Volpe, 2000 et 2010 ; Caruso 2011.

10 Jolivet 2015 et 2018 ; Fratini – Moricone 2015.

11 Dans l’espace collinaire, voir par exemple : Ammerman – Terrenato 1996, pour le Capitole et Spizzichino et al. 2015 pour le Pincio, Arnoldus-Huyzendveld 2012, pour l’Esquilin. Les nombreuses avancées en la matière sont synthétisées dans Funiciello – Praturlon – Giordano 2008 dans la série de la carte géologique d’Italie, mais il n’existe pas à notre connaissance d’ouvrage de synthèse efficace issu de la collaboration entre archéologues, historiens topographes et géologues sur la question, l’ouvrage de Heiken – Funiciello – De Rita 2005 (traduction italienne augmentée : Funiciello et al. 2006) ne pouvant en tenir lieu (voir aussi le compte rendu d’Ammerman dans le JRA, 20, 2007, p. 403-404).

12 On pourrait citer ici le débat autour de la forme du Comitium, dont la forme arrondie, proposée par F. Coarelli, a été remise récemment en cause par A.J. Ammerman et C.M. Amici qui s’appuient précisément sur des données géologiques tendant à prouver que la forme du cercle, restituée à partir d’un fragment de tribune archéologiquement attesté, se heurtait à la configuration du terrain (Coarelli 1983 et 1985 ; Ammermann 1996 et 2000 ; Amici 2004-2005). Voir un résumé des positions et des implications d’ordre politique de ce débat dans Chillet 2019. Voir aussi la contribution d'A. D’Alessio dans ce volume, ainsi que celle de F. Pina Polo et C. Rosillo-López.

13 L’expression est de Ammerman 2006, p. 307.

14 Par exemple : Leonardi 2017 pour le terrain entre Pincio et Quirinal.

15 Candilio et al. 2000-2001. Voir aussi Coarelli 2014, p. 21-34.

16 Palombi 1997 contra Volpe 2000, p. 525-528.

17 Par exemple celui du tracé de la uia Sacra, problème bien connu des topographes des quartiers centraux de Rome : en dernier lieu, avec un résumé de la bibliographie et des opinions antérieures : Ziółkowski 2004.

18 En cherchant à expliquer l’étymologie de Septimontium. Sur la question complexe de l’identification de cette structure politique (?), religieuse (?), pré-urbaine (?) parfois opposée aux pagi, voir Palombi 2006, p. 24-25, n. 57 avec bibliographie.

19 Arietti p. 553-562 dans Candilio et al. 2000-2001. Voir aussi Magagnini 2005.

20 Arizza 2015 et plus généralement Arizza – Serlorenzi 2015. Voir aussi Coarelli 2014, p. 30-33.

21 D.C., 55, 7, 6.

22 Astolfi – Cordischi – Attilia 1980-1990 ; Iidem 1990 et Cordischi 1993, ses découvreurs, l’interprètent comme un sacrarium de la cérémonie des Argées (sur laquelle, voir infra). Coarelli 2001 ; Capanna – Amoroso 2007 ; Carandini – Minardi 2007 l’interprètent comme un lieu de mémoire lié au roi Servius Tullius, sans réelle confirmation des sources littéraires cependant.

23 Pales – Menghi 1999 ; Fasti online, FOLD&R 53.

24 Tucci 2018.

25 Gatti 2007.

26 Cossu 2014.

27 Volpe – Parisi 2009.

28 Filippi 2008 et en particulier chapitres, « Un orto arcaico », p. 39-43 et « Il giardino delle olae », p. 65-81.

29 Coates-Stephens 2004.

30 Sur le cas du macellum construit près de la muraille servienne, puis déplacé vers un macellum Liuiae non augustéen situé plus près des murailles auréliennes, voir Bertrand – Chillet 2016.

31 Chillet 2011.

32 Jolivet 1997 pour l’expression de ceinture verte. Pour le lotissement progressif des jardins, voir l’exemple des horti Maecenatis, Häuber 1990-1991 ; voir aussi Purcell 2007 qui montre comment cette zone attira très vite les convoitises et fut rapidement urbanisée.

33 Cima – La Rocca 1986. La topographie des horti Lamiani, passés ensuite dans le domaine impérial est toujours mieux connue grâce à des fouilles ponctuelles dans la zone de la piazza Vittorio Emmanuelle II, comme en témoignent les nombreuses notices parues dans les Fasti online : FOLD&R 85 et 194 ; voir aussi Barbera et al. 2005.

34 Broise – Jolivet 2015.

35 Établir la recension de la bibliographie sur la domus Aurea est une entreprise en soi. Citons uniquement la première publication du corpus complet des décors par Meyboom – Moormann 2013. La reprise de ce dossier a conduit les auteurs à relancer un certain nombre de débats sur la chronologie des premiers états du pavillon de l’Oppius (Perrin 2014).

36 Lauro 2017.

37 Pour les fouilles du Celio : Lissi Caronna 2006-2007 (publication complète de fouilles plus anciennes). Sur l’implantation des casernes romaines : Sablayrolles 2001. Sur l’hypothèse de la ceinture verte des jardins impériaux permettant une circulation périphérique rapide : Jolivet 1997.

38 Palombi 1997, Coarelli 2014, p. 52-81.

39 Laurence 2008 ; O’Sullivan 2011 ; Kaiser 2011 ; Laurence – Newsome 2011. Pour les espaces qui nous concernent, voir Malmberg 2009 et Malmberg – Bjur 2011.

40 Voir supra n. 30.

41 Guilhembet 2006.

42 Chillet 2020.

43 Pour l’aqua Virgo, alimentant les jardins du Pincio et le Champ de Mars, voir Pracchia – Pultrone – Saviane dans Baumgartner 2017.

44 Andrews 2017, p. 254-255.

45 Volpe 2017.

46 De Souza 2017.

47 Perrin 2017.

48 Coarelli 1999.

49 Perrin 1996 et Chillet 2011.

50 Broise – Dewailly – Jolivet 1999-2000.

51 De Souza 2017, p. 10.

52 Eck 1982 et Bruun 2003. Sur cette question, voir aussi les contributions de G.L. Gregori et C. Davoine dans ce volume.

53 Berthelet 2015, p. 252-255 et Berthelet 2017 s’oppose en cela à Coarelli 1981.

54 Coarelli 2005.

55 Jolivet 2015, p. 79.

56 Guilhembet 2011.

57 Tucci 2005 et Coarelli 2010.

58 Palombi 2017.

59 Palombi 2006.

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