1Les contributions de la deuxième section du volume sont consacrées aux sources archéologiques et sont classées selon les différentes perspectives topographiques et chronologiques. Hélas, il a été impossible de dresser un bilan, même synthétique, des recherches qui ont marqué l’archéologie à Rome au cours des trente dernières années, que ce soit dans le cadre des entreprises décennales développées par les universités et les instituts de recherche italiens ou étrangers, ou dans celui des fouilles préventives et de sauvegarde menées par les Soprintendenze romaines. Notre plus grand regret a été de ne pouvoir donner la parole aux collègues qui, grâce à de longues années de travail sur le terrain, ont considérablement enrichi notre connaissance de secteurs historiquement fondamentaux de la ville antique et médiévale, des Forums impériaux au Palatin, du Caelius au Champ de Mars. Il en va de même pour les projets d’étude des grands complexes et contextes monumentaux – du Palais impérial au Colisée, de la via Appia au circus Flaminius, de l’Aventin au Pincio –, des programmes consacrés à la révision et à la systématisation de la documentation archéologique urbaine – en particulier la Carta Archeologica di Roma, le SITAR, l’Atlante di Roma Antica – et, enfin, des initiatives destinées à la rénovation et à la nouvelle édition de grandes collections muséales – des Musei Capitolini au Museo dei Fori Imperiali – ; autant d’initiatives, promues et poursuivies par les universités, les instituts de recherche et les surintendances, essentielles à la mise à jour des dossiers et à l’élaboration d’outils destinés au recueil, au contrôle et à la synthèse d’une masse de données en perpétuelle augmentation. À toutes et tous, nous présentons nos excuses et nos remerciements pour le travail accompli, avec l’espoir de revenir, en d’autres circonstances plus appropriées, sur les recherches en cours dédiées au patrimoine archéologique de Rome.

2À titre d’illustration, nous avons donc privilégié une approche synthétique, par zone et par période, afin de mettre en évidence, à partir de l’ensemble des nouveautés qui ont émergé depuis L’Urbs 1987, certaines des problématiques majeures affrontées par les recherches en cours, en termes de méthode comme de contenu, et qui sont assurément destinées à être développées dans le futur.

3Sur le Forum, dans la zone présentant la plus grande complexité historique, monumentale et sémantique de la Ville, se sont concentrées d’innombrables initiatives de recherche au cours des trente dernières années : elles ont attisé une confrontation serrée (mais non irénique) autour de thèmes cruciaux de l’histoire et de l’archéologie du centre politique de la Rome antique, tandis que les lectures potentielles se sont multipliées par la mise en regard avec des contextes urbains auxquels le Forum était corrélé (N. Purcell). Le Palatin se lit du point de vue de la structuration progressive de la résidence impériale, qui sémantise le centre-ville et représente l’un des principaux aspects de la transformation matérielle et symbolique de la Ville sous le Principat (J. Pflug) ; l’Aventin constitue un important dossier pour l’archéologie du bâti et illustre, en contexte urbain, la dimension archéologique, topographique et historique des résidences de l’aristocratie (A. Capodiferro et P. Quaranta) ; le Champ de Mars est un laboratoire extraordinaire pour le recoupement des hypothèses d’identification des monuments à la lumière des différentes sources écrites et des méthodes de l’archéologie (A. Ten) ; enfin, dans les zones de collines, la recherche récente a attiré l’attention sur les spécificités urbanistiques, fonctionnelles et symboliques induites par les particularités morphologiques (C. Chillet).

4Afin de donner une plus grande profondeur chronologique à la lecture et à la reconstruction de l’histoire de la ville, suivant en cela l’orientation déjà engagée par le LTUR, il est apparu nécessaire de dépasser les limites chronologiques définies pour L’Urbs 1987 (I^er s. av. J.-C.-III^e s. ap. J.-C.), en étendant la réflexion aux phases protohistoriques d’un côté, tardo-antiques et médiévales de l’autre. La recomposition des découvertes d’établissements et de nécropoles dans différentes zones de la Ville permet de reprendre sur nouveaux frais la question des formes et des dynamiques de constitution de l’agglomération de Rome, qui est l’exemple le plus ancien de structuration proto-urbaine dans le Latium uetus entre la fin de l’âge du Bronze et le début de l’âge du Fer (A. De Santis). À l’autre extrémité du nuancier, la christianisation de la Ville représente le principal moteur de sa transformation urbaine. La reconfiguration radicale qui en procède est illustrée, dans sa complexité topographique, sur la base d’un dossier archéologique et philologique renouvelé précisément depuis les années 1980, à la fois du point de vue de la méthodologie et du point de vue de l’historiographie (L. Spera). Enfin, la recherche archéologique sur les phases tardives et médiévales comble le vide laissé par les sources écrites ; en documentant les transformations du paysage urbain, elle laisse entrevoir une dynamique socio-économique, qui corrige substantiellement les paradigmes interprétatifs de l’historiographie du XX^e siècle sur la Rome médiévale (R. Santangeli Valenzani).

5En dépit des différences de sensibilités, d’objectifs, d’outils ou d’ampleurs de raisonnement, on relève dans toutes ces contributions le problème de la représentation de la ville antique telle qu’elle émerge du corpus des sources écrites ; on relève aussi combien l’archéologie offre des points de référence concrets pour une lecture en termes historiques, politiques, culturels et idéologiques du paysage urbain et combien l’évocation de l’espace monumental, dans sa séculaire stratification symbolique et dans sa sémantisation réitérée, se révèle déterminante dans le parcours de l’interprétation historique.

6C’est dans ce passage délicat – entre reconstruction archéologique et topographique, avec ses limites intrinsèques et ses incertitudes, et interprétation historique de l’espace urbain, avec ses multiples potentialités de lecture – qu’est requis le plus haut degré de conscience et de vigilance historiographique et méthodologique, afin d’éviter que l’archéologie urbaine ne devienne un répertoire de thèmes et d’images à exploiter en fonction des exigences d’interprétation historique propres à chacun. C’est à l’archéologue que revient la responsabilité des reconstructions proposées, souvent très détaillées, mais reposant pourtant fréquemment sur très peu d’éléments matériels et sur des sources littéraires d’interprétation controversée. L’historien et le philologue qui intègrent ces reconstructions à des lectures symboliques et idéologiques complexes ne doivent pas se sentir étrangers aux délicates questions archéologiques posées par les contextes évoqués ; ils ne doivent pas non plus intégrer et finaliser, en fonction de leurs différentes perspectives interprétatives, des données mal vérifiées ou parfois contradictoires, des hypothèses douteuses ou provisoires, ou encore des reconstructions dépassées.

7Il s’agit évidemment d’une exigence structurelle des études sur la ville antique qui, du point de vue de la méthode, impose une confrontation entre les différents champs de la recherche, en visant à réduire au minimum les divergences paradoxales que l’on observe souvent, aussi bien dans la reconstruction de la forme et de l’image de la ville antique que dans ses lectures et interprétations en termes d’histoire urbaine.