1D’une certaine manière, ce livre est le dénouement d’une rencontre manquée. Non pas celle, tenue à Rome les 26-28 novembre 2018 au Parco Archeologico del Colosseo, à la Sapienza Università di Roma et à l’École française et qui, à en croire les participants et le public de ces trois journées, rencontra un certain succès1. La rencontre dont il s’agit est celle d’un homme et d’un événement, dont le présent ouvrage voudrait, pour chacun, évoquer la mémoire autant qu’analyser la postérité : Ferdinando Castagnoli, disparu le 28 juillet 1988 d’une part et, de l’autre, le colloque L’Urbs, espace urbain et histoire (I^er siècle av. J.-C. – III^e siècle ap. J.-C.), qui, les 8-12 mai 1985, avait réuni à Rome 37 contributeurs dont les textes furent publiés en 1987 dans la Collection de l’École française de Rome.

2Dès 1983, après sa nomination comme directeur, C. Pietri avait souhaité renforcer la présence de l’EFR sur le terrain de l’archéologie de la ville de Rome alors en plein essor2. En 1985, alors que s’ouvrait le chantier de la Vigna Barberini pour lequel la Soprintendenza Archeologica di Roma, dirigée par Adriano La Regina, avait fait appel à la collaboration de l’École, le colloque Urbs3 en était, pour ainsi dire, la concrétisation académique la plus éclatante. Mais au-delà des orientations et des positionnements institutionnels, celui-ci venait s’inscrire dans un mouvement beaucoup plus ample qui animait alors l’étude de l’espace urbain antique. Dans la brève préface qu’il donna aux actes de la rencontre et qui synthétisait les textes programmatiques rédigés par P. Gros et C. Nicolet, C. Pietri mettait d’emblée en avant le « renouveau de la topographie historique4 », promu au rang de constats fondateurs de l’entreprise du colloque. Tout naturellement, F. Castagnoli fut convié à y participer ; il fut cependant contraint de décliner l’invitation5.

De la topographie historique à l’histoire des espaces urbains

3De ce renouveau, F. Castagnoli fut en effet l’un des acteurs majeurs. Il s’était engagé dans la programmation et la gestion de grands projets, comme la révision et la mise à jour de la Forma Urbis de R. Lanciani, la réédition, entièrement revue, du dictionnaire de S.B. Platner et T. Ashby, le début des fouilles des forums impériaux ou encore l’édition des archives de G. Boni au Forum romain. Certes, on ne trouve pas trace, dans l’œuvre de F. Castagnoli, des approches pionnières dont le colloque de 1985 marqua l’affirmation. Par sa méthode toutefois, fondée sur une masse de données certaines et vérifiées, ce grand savant n’en avait pas moins contribué, comme aucun autre avant lui, au renouveau de la topographie romaine dont il détenait, depuis 1962, la chaire, au sein de La Sapienza6. F. Castagnoli, que le contexte culturel, les intérêts scientifiques et l’approche méthodologique rattachaient à « l’école Lanciani », accordait à l’archéologie une autonomie disciplinaire par rapport aux autres approches historiques. Tout en maintenant un dialogue incessant avec ces dernières, il plaidait pour une gestion aussi précise et objective que possible des données de terrain, pour mieux les soumettre à une interprétation sèche et rigoureuse, quasi « laica ». Ce n’était pas, de sa part, une défense disciplinaire ou un enfermement académique, mais la conscience de la spécificité des méthodes, des parcours et des objectifs, de la responsabilité du « métier » d’archéologue qui mettait à la disposition de la grande famille des historiens certains des matériaux sur lesquels bâtir ensuite des scénarios interprétatifs. F. Castagnoli fut d’ailleurs un des premiers à proposer de dépasser les barrières disciplinaires, en identifiant des thèmes historico-typologiques synchroniques et complexes. À l’heure d’une certaine dispersion épistémologique, sous le double effet d’une explosion et d’une parcellisation des publications7, cette leçon de méthode revêt une actualité et une acuité particulières qui incitent au dialogue entre les archéologues, qui s’attachent à redonner forme à la Ville, et les « historiens » (au sens le plus large du terme), qui enquêtent de différents points de vue, sans toujours avoir les moyens, ni les opportunités de vérifier les informations primaires.

4Cette ouverture se trouvait au cœur du projet et des ambitions de la rencontre de 19858. Elle s’ajoutait au sentiment de vivre un « moment9 » particulier, mis en avant de manière programmatique par l’argumentaire du colloque qui fut repris dans la préface des actes. Cette « déclaration d’intentions10 » aux allures de profession de foi était nourrie par les approches développées au sein de deux équipes du CNRS et incarnées par leurs deux directeurs : l’Institut de recherches sur l’architecture antique (IRAA) fondé et dirigé par P. Gros d’une part ; le groupe travaillant à l’étude du Fonctionnement des systèmes politiques et sociaux du monde romain et hellénistique (ERA 757), sous la conduite de C. Nicolet, d’autre part. Elle rappelait d’abord l’importance du dialogue noué au cours de ces années, non seulement avec A. La Regina, « storica guida » de la Soprintendenza Archeologica di Roma, mais aussi avec les savants italiens et européens. De ce dialogue dépendait le projet même du colloque : arrimer les potentialités offertes par les progrès de la topographie intra-muros (« un extraordinaire faisceau de découvertes11 ») à l’histoire de la Ville, analysée dans toutes ses dimensions (politique, sociale, économique…). Les organisateurs se donnaient ainsi pour objectif de ne plus réduire le paysage de la capitale à une scénographie nominative (pour poser un nom sur tel ou tel vestige). Au contraire, il s’agissait de lier topographie et histoire dans une perspective d’histoire urbaine qui tendait, précisément dans les mêmes années, à se constituer en « histoire problème12 ». Il s’agissait de faire dialoguer l’histoire avec ses « sciences auxiliaires », à un moment où la démarche n’était pas toujours une évidence. En rendant d’une part au monument sa double profondeur, spatiale et chronologique, c’est-à-dire en l’insérant non seulement dans son environnement urbain, proche ou lointain, mais aussi dans une « stratigraphie » analysée sur la longue durée, Rome devait entrer « de plain-pied dans le cadre des études sur l’urbanisme, de l’Antiquité à nos jours et sur la “sémantique des formes urbaines”13 ». En montrant d’autre part ce qu’une réflexion sur le cadre monumental élargie aux éléments d’une sociologie économique et politique de l’espace urbain pouvait apporter, le colloque ouvrait la voie aux discussions sur la « spécificité des relations sociales dans l’Vrbs14 » qui, par la suite, renouvelèrent les débats sur l’originalité quantitative et qualitative de la mégapole.

5Bien sûr, les organisateurs du colloque de 1985 et leurs équipes ne partaient pas d’une feuille blanche, car ils étaient alors immergés dans un bouillonnement intellectuel propice à l’éclosion d’idées nouvelles15. Au cours des deux décennies précédentes, ils avaient assisté, et parfois participé, à l’énorme effort de remise en place des édifices et ensembles monumentaux de Rome, après les bouleversements intervenus dans la topographie historique au cours des années 1960. Toutefois, il leur apparaissait que, même si beaucoup restait à faire dans ce domaine traditionnel, plutôt que de recomposer un « Lugli aggiornato », le temps était venu d’engager une réflexion sur l’espace urbain lui-même. En effet, s’ouvrait alors une nouvelle phase d’études sur Rome dont les pierres angulaires étaient, d’une part, la publication, par la Soprintendenza Archeologica di Roma, des actes d’un colloque qui s’était tenu en mai 1983 au Capitole (Roma. Archeologia nel centro, I, L’area archeologica centrale, II. La «città murata» , Rome, 1985). Organisée en collaboration avec le Comune di Roma, cette réunion avait constitué le premier bilan archéologique sur Rome intra-muros (inventaire des découvertes et des projets, innovations méthodologiques, restaurations…) après le vote de la loi spéciale pour la protection du patrimoine archéologique (1981). Une autre entreprise fondamentale, franco-italienne déjà, avait, d’autre part, été la mise en œuvre à partir de 1985, par la Soprintendenza Archeologica di Roma et ce qui s’appelait alors la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, d’un cycle d’expositions à Rome, Paris, Lille, Strasbourg, Marseille, Nîmes, Lyon, Luxembourg, Reims et Montpellier (Forma. La città antica e il suo avvenire/Archéologie et projet urbain) qui documentait et interrogeait les difficiles relations entre ville ancienne et contemporaine, de l’époque napoléonienne à nos jours. Ces deux initiatives avaient fait émerger une vision quasi patrimoniale des rapports entre archéologie et ville, vision qui incitait à une recomposition des espaces urbains sur le long terme. Ce faisant, elles participèrent d’une approche globale de l’archéologie urbaine, sans lien direct ou apparent avec le colloque sur l’Vrbs, mais dont héritèrent et se saisirent les participants à ce dernier16. D’une certaine manière, c’est la dimension sociopolitique du patrimoine historico-monumental urbain qui a contribué à affiner les méthodes, les approches et les objectifs pour l’étude et la compréhension de la ville antique.

6Avec le recul, on peut sans doute affirmer que le pari proposé aux contributeurs du colloque de 1985 a été largement tenu. La prégnance de ce « moment » ressort ainsi des comptes rendus qui suivirent la publication17. L’Urbs stimula en France une discipline jusqu’alors demeurée en marge des grands courants historiographiques nationaux, en décloisonnant l’intérêt pour un type d’approche, perçu tantôt comme un passe-temps, tantôt comme une authentique voie scientifique, mais pour l’essentiel l’apanage de quelques cercles romains auxquels l’accès à une information régulièrement mise à jour par la proximité des chantiers conférait une forme de monopole. Pour C. Nicolet et son école, le colloque peut légitimement apparaître comme des prolégomènes aux recherches qu’il impulsa au cours de sa propre direction de l’EFR, dans le cadre de deux programmes promis à un bel avenir (La mémoire perdue et Mégapoles méditerranéennes18). Pour l’IRAA, l’implication et la réception doivent se lire dans le sillage d’une réunion précédente, Architecture et société : la nouvelle rencontre, en les appliquant à la seule Ville, permit de revenir sur des problématiques qui avaient été seulement ébauchées en 1980, et, surtout dispersées, en raison d’un cadre très ouvert, de l’archaïsme grec à la fin de la République. Plus largement, l’ouvrage renouvela nos connaissances sur la Rome républicaine et impériale et, surtout, ouvrit des pistes que nous continuons encore aujourd’hui d’explorer. Sa réimpression en 2015 dans la collection des Classiques de l’École française de Rome est l’une des preuves de sa longévité. Dresser un bilan précis des acquis et des impasses pour mieux mesurer le chemin parcouru et, surtout, celui encore à faire, justifiait en soi l’organisation d’une manifestation centrée sur le colloque et son héritage. Inversement, faire l’inventaire n’est pas dupliquer, même trente ans après : adopter la même démarche s’est vite révélé chimérique, voire impensable.

Nouveaux problèmes, nouvelles approches, nouveaux objets : topographie, histoire urbaine, sciences sociales

7Il faut en effet constater que, depuis trente ans, le foisonnement kaléidoscopique des conjectures et des propositions nouvelles, hardies ou ponctuelles (le Tabularium, la basilica Aemilia, la porticus Aemilia, le temple du divin Trajan, la muraille servienne..., pour n’en citer que quelques-unes19) et, au-delà de la seule topographie, la multiplication des questionnements et des approches en histoire urbaine, a contribué à une extrême parcellisation de la documentation, des connaissances et surtout des publications, qui n’aide pas à l’interprétation globale20. Or, dans les années 1980, la surabondance et la dispersion étaient nettement moindres, si bien que les contributeurs au colloque de 1985 n’eurent pas à s’engager directement sur le terrain de l’épistémologie et de la méthodologie : sur la base des nouveautés archéologiques, ils confrontaient des éclairages orientés par des méthodes, éprouvées ou plus novatrices, en partant généralement de questions ou de dossiers circonscrits. Certes, quelques auteurs avaient alors considéré la ville dans son ensemble, qu’il s’agisse de réflexions sur les outils de sa gestion, de l’écrit dans la ville, de l’expansion urbaine et ses limites ou des rapports entre topographie et économie. On y lit aussi des synthèses organisées par époque (Auguste, Sévère Alexandre), par quartier (Palatin, Emporium, Oppius septentrional) ou par type de monument (théâtres). Mais on y retrouve surtout des rapports monographiques d’investigations historiques, pour l’essentiel en histoire politique et religieuse21, des enquêtes toponymiques ponctuelles (compitum uici Aesculeti, ad Ciconias, Lacus Orphei) ou des analyses architecturales ou archéologiques (dans certains cas, le résultat de fouilles stratigraphiques d’une grande complexité et d’une grande finesse) regroupées site par site à la fin du volume (Crypta Balbi, piazza Celimontana, horologium Augusti, jardins de Lucullus ou encore domus Tiberiana). Bien qu’elle mette en œuvre des regroupements perceptibles, l’organisation des chapitres, qui oscillent entre histoire, sémantique de l’espace urbain, topographie et archéologie, conforte cette idée d’une approche polyphonique qui voulait illustrer autant que tester, selon trois axes principaux, les nouveaux chemins empruntés : d’une part, la répartition spatiale des fonctions, religieuses, civiques, sociales ; d’autre part, la sémantique monumentale dans le cadre des intentions politiques et idéologiques des dynasties successives ; enfin, l’évolution du tissu urbain, envisagé dans la durée, en cherchant, dans la mesure du possible, les raisons de ses transformations. La différence avec le projet du présent ouvrage est ici aussi nécessaire que sensible.

8La rencontre de disciplines promue entre autres par F. Castagnoli, renouvelée en 1985, n’a plus besoin (ou ne devrait plus avoir besoin) de l’être. D. Palombi a ainsi été le premier des disciples de F. Castagnoli à mobiliser la notion de « storia urbana » dans le sous-titre du livre tiré de sa thèse de doctorat de 1997. En outre, le statut des « sciences auxiliaires » a radicalement changé ; mieux : l’archéologie ne peut plus être considérée comme telle. Enfin, le dialogue s’est élargi à d’autres sciences sociales. Ainsi, les méthodes issues de la sociologie des villes et de l’anthropologie spatiale ont bouleversé nos connaissances sur l’Vrbs, dont le gigantisme, source d’« inversion des signes22 » induisit un mode particulier d’appréhender l’espace urbain, un « être-en-ville » spécifique, selon la belle expression de l’anthropologue M. Agier23. Les études sur le corps, les émotions, les sens, les effets de la décolonisation ne cessent d’approfondir nos connaissances sur les multiples facettes de l’expérience urbaine induite par la vie dans une mégapole pré-industrielle24. Un autre des acquis les plus solides provient de la géographie et concerne non seulement le renforcement des enquêtes sur la très longue durée, mais aussi l’intégration à l’analyse de la périphérie de la Ville et de son rapport au monde25. En a résulté un désenclavement de l’Vrbs, des collines26 aux confins du « suburbium », qui a débouché sur de nouvelles problématiques liées aux limites de l’espace urbain et aux critères de différenciation spatiale mis en œuvre par les autorités romaines (pomerium, quatorze régions augustéennes, barrières d’octroi, muraille aurélienne), à l’insertion paysagère et à l’impact des villas, aux relations sociales et aux mouvements de main-d’œuvre depuis et vers ces marges urbaines27.

9Ces nouveaux questionnements ont été soutenus par la mise au point d’outils innovants, dont le LTUR, élaboré dans un cadre international et pluridisciplinaire et publié entre 1993 et 2000, constitue sans le moindre doute l’apport le plus spectaculaire des trente dernières années, malgré le support « papier » adopté. C’est désormais le dialogue noué avec ce que l’on appelle communément les « nouvelles technologies » qui offre les plus saisissantes perspectives, même si la relation entre l’instrument et la fin, entre la réalité archéologique et sa représentation, n’est pas toujours évidente : cartographie archéologique fondée sur des SIG (SITAR et Atlante di Roma Antica28), cartographie numérique et interactive (Stanford’s Forma Urbis Romae Project29), réalité augmentée (maquette virtuelle conçue à l’université de Caen, sous la direction de P. Fleury et S. Madeleine30), bases de données (projet de Dictionnaire des toponymes de Rome piloté par J.-P. Guilhembet) permettent de faire varier le regard à toutes les échelles. Dans la dialectique qui se forme entre maintien des traditions érudites, particulièrement visible à la convocation désormais systématique des documents issus des fouilles anciennes et, encore au-delà, à la « Memoria dell’Antico31 », et les potentialités offertes par l’informatique, la topographie n’est plus seulement la science qui permet d’identifier les lieux, mais l’interface qui permet d’éprouver les hypothèses.

10En somme, nouveaux problèmes, nouvelles approches, nouveaux objets32 requéraient une stratégie adaptée à cette fragmentation et, à cette fin, appuyée sur une vigoureuse discussion épistémologique et méthodologique qui devait aussi offrir un miroir du renouvellement des « générations33 » et des traditions historiographiques nationales.

D’une génération à l’autre

11En effet, le colloque de 1985 ne fut pas seulement marquant par son contenu. Il le fut aussi par la personnalité de ses participant.e.s. Certes, les un.e.s et les autres n’étaient pas intervenu.e.s au même stade de leur carrière. Au risque d’un schématisme certain, on peut sans doute y distinguer la génération des historien.ne.s et topographes né.e.s dans les années 1930 et 194034, dont la réputation scientifique et la position académique étaient, déjà en 1985, solidement établies, de celle de leurs « enfants35 », né.e.s dans les années 1950, alors fraîchement entré.e.s dans la carrière, jeunes docteur.e.s ou encore doctorant.e.s, bien souvent membres de l’École. Pourtant, toutes et tous ont ceci de commun d’avoir eu, à ce moment-là ou ensuite, une œuvre et une carrière particulièrement remarquables, qui expliquent aussi, au-delà même du contenu du colloque, l’impact de l’ouvrage. N’était-ce pas là une excellente raison de confier, à trente ans d’écart, le bilan des travaux à leurs propres « enfants » et « petits-enfants » (plutôt qu’à leurs seul.e.s élèves) qu’ils avaient eu, directement ou par le truchement de leurs productions, le mérite d’orienter vers les renouvellements dont cet ouvrage voudrait marquer les aboutissements ? Non sans un certain mimétisme, décision fut donc prise de laisser les interventions à la génération « LTUR » et, surtout, à celle immédiatement postérieure. Le souci de « polyphonie en forme de dialogue36 » est toutefois resté bien présent : plusieurs participant.e.s au colloque de 1985 purent discuter ces interventions lors des échanges et de la table ronde conclusive de la rencontre de 201837.

12En guise de préambule, dans le prolongement direct des pages qui précèdent et qui rappellent que, comme le lecteur l’a compris, il a entre les mains un livre-Janus, est proposé un diptyque des deux protagonistes de la rencontre – omniprésents, comme on le vérifiera quasi à chaque page. M. Royo retrace le cheminement de la recherche depuis la rencontre de 1985 et M.P. Muzzioli nous emmène, en hommage à F. Castagnoli, dans son atelier de topographe. Puis trois parties abordent, respectivement en sept ou huit chapitres chacune, les renouvellements de la lecture des sources, sur toute leur palette, puis le bilan des recherches en fonction des lieux et des contextes de la Ville, en incluant, ce qui ne s’était guère produit lors du colloque publié en 1987, la protohistoire, l’Antiquité tardive et la Rome chrétienne, et enfin les nouvelles approches développées dans les différents champs de l’histoire urbaine. Il nous a semblé efficient de présenter plus en détail chacune des analyses proposées en ouverture des parties thématiques38.

13En d’autres temps et selon d’autres artifices stylistiques, une prosopopée de F. Castagnoli aurait sans doute pu clôturer ce volume, proposant, grâce à son infinie connaissance du territoire de la Ville et sa rigueur prudente d’un positivisme historique sans faille, un bilan critique de ces riches décennies de recherche sur la Ville au tournant des XX^e et XXI^e siècles. Les repentirs salutaires, les trompe-l’œil éphémères, les acquis décisifs, les nouveaux instruments indispensables, les innovations remarquables, les objectifs stimulants et les pistes prometteuses y auraient été mis au jour en quelques denses pages, synthétiques au plus haut degré, comme il en avait le secret.