Introduction
p. 355-356
Texte intégral
1L’exilé n’est pas un étranger comme les autres. Le type d’asile mis en œuvre par les pays d’accueil ou les modalités de surveillance opérée par les pays de départ dessinent une typologie complexe dont cette partie du livre tente de rendre compte, sans prétention à l’exhaustivité. Si l’on s’en tient à l’administration des mobilités des exilés, les paramètres à prendre en considération sont de plusieurs types. Tout d’abord, et de manière très générale, il faut considérer ce qu’on pourrait appeler les partis pris idéologiques des États concernés, et plus spécifiquement leur rapport à la liberté d’expression, à l’opinion publique et leur capacité à accepter une opposition politique, traduits par des législations qui informent le départ et l’accueil. S’opposent alors évidemment de manière schématique les pays d’Ancien Régime et ceux qui s’engagent, plus ou moins frileusement, dans les régimes constitutionnels et pluralistes. De ce point de vue, à l’exception notable du Royaume-Uni, les exilés constituent des catégories « à part » sous l’angle de l’accès aux droits politiques induits soit par la nationalité (politiques de naturalisation), soit par les raisonnements économiques (le coût des réfugiés), soit par le coût politique et social (menée d’actions politiques d’opposition interne ou à distance). Les libertés octroyées aux nationaux ne s’appliquent pas de la même façon aux exilés. Et l’administration des mobilités construit, petit à petit, une administration de plus en plus contrainte de la nationalité. De manière tout aussi surplombante, on voit bien que l’administration de l’exil est aussi une question de relations internationales. D’abord, car la présence et l’action des exilés peuvent mettre à l’épreuve les solidarités internationales, en l’absence de méthodes d’extradition formalisées. Manipulée, acceptée ou réprimée, l’action politique des exilés entraîne des modalités d’administrations transnationales plus ou moins formalisées qui vont de la collaboration autour de la surveillance des passeports ou des documents de voyage jusqu’à des accords plus stricts de réciprocité. Il s’agit donc d’une question de relations internationales inscrite dans la vaste problématique de la naissance d’une opinion publique européenne. La « cause » des exilés devient un argument qui peut soit renforcer, soit gêner les politiques des États. Que l’on pense à Gladstone avec les Bourbons de Naples ou aux innombrables publications autour des émigrés « italiens » au Piémont après 1849.
2Toutefois, le second point important mis en évidence ici touche à la capacité d’action des exilés. Loin d’être ballottés entre leurs projets politiques, leurs États de départ et ceux d’arrivées, ils sont, à tous les niveaux, en bonne partie acteurs de leurs propres destins. Que ce soit dans le cadre de campagnes d’opinion menées avec un savoir-faire parfois emprunté aux pays d’accueil ou, et c’est plus évident encore, dans le cadre plus resserré d’une étude « micro » sur leur lieu de résidence. La constante négociation administrative, politique, économique des exilés, qu’ils soient de l’intérieur ou de l’extérieur, apparaît clairement et permet de mettre en relief un autre niveau de l’administration de l’exil. Fondées sur des relations interpersonnelles et des réseaux politiques, familiaux ou professionnels, les directives nationales semblent en permanence ajustées au niveau « local ». Enfin bien sûr, cette agency des exilés peut s’affirmer dans la protestation, la désobéissance, la fuite, voire le complot – mais aussi dans l’obéissance, lorsque les conditions qui leur sont faites, en définitive, leur conviennent. La normalisation de leur condition, au fond, constitue aussi une décision : ainsi, accepter une amnistie sous condition est aussi une décision politique. Enserrés dans les mailles d’un filet administratif de plus en plus resserré, les exilés peuvent s’y conformer, négocier, ou le récuser. Cette administration de l’exil ne saurait donc être lue de manière unilatérale, du haut vers le bas, ou seulement compréhensible en termes de politique accueillante ou au contraire de rejet, mais elle doit être examinée à ses différents niveaux, celui des États comme celui des communes, celui des individus comme des différents groupes au sein desquels ils évoluent et à l’aune des stratégies individuelles ou collectives des exilés.
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002
Le Thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge
Les bains siennois de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle
Didier Boisseuil
2002
Rome et la Révolution française
La théologie politique et la politique du Saint-Siège devant la Révolution française (1789-1799)
Gérard Pelletier
2004
Sainte-Marie-Majeure
Une basilique de Rome dans l’histoire de la ville et de son église (Ve-XIIIe siècle)
Victor Saxer
2001
Offices et papauté (XIVe-XVIIe siècle)
Charges, hommes, destins
Armand Jamme et Olivier Poncet (dir.)
2005
La politique au naturel
Comportement des hommes politiques et représentations publiques en France et en Italie du XIXe au XXIe siècle
Fabrice D’Almeida
2007
La Réforme en France et en Italie
Contacts, comparaisons et contrastes
Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi et Alain Tallon (dir.)
2007
Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge
Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (dir.)
2007
Souverain et pontife
Recherches prosopographiques sur la Curie Romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846)
Philippe Bountry
2002
