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Middle Ages without borders: a conversation on medievalism

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Tommaso di Carpegna Falconieri
, 
Pierre Savy
, 
Lila Yawn

a) Le Moyen Âge du long romantisme. France, Italie

2) Saint Louis : la prud’homie à bonne enseigne

Michaël Devaux

Full text

À H. Binet de Boisgiroult de Sainte Preuve

Saint, Louis est et demeure roi et chevalier :
exactement « prud’homme » (Louette 1970, p. 30).

1Nous questionnions initialement l’image scolaire de Louis IX (1214-1270). Nous avons lors du MAMO présenté ces recherches parfois inédites (Buisson 1990, Ménès 2001). Nous abandonnons ici les éléments liés au parcours « Romantisme » dans lequel nous avions été affecté pour ne retenir que les éléments d’histoire publique liés à l’actualité laïque de Louis IX en enseignement moral et civique (EMC).

2Il s’agit d’un roi paradoxal, retenant donc l’attention du philosophe. D’abord, c’est un roi que la République ne peut ignorer. La France n’est pas née en 1789 rappelle Cl. Lelièvre (Lelièvre 1999, p. 7-8). Et Louis IX est notre unique roi canonisé ! Ensuite, il rend la justice sous un chêne à Vincennes mais impose la rouelle aux juifs. Enfin, il part en croisade mais on voit avec lui la naissance de l’esprit laïc (Lagarde 1956). Quelle leçon en tirer ? En quoi intéresse-t-il la philosophie de l’éducation ?

3Nous nous centrons sur le nom qu’il aurait aimé que l’histoire lui donne (comme on dit « Pépin le Bref »). « Saint Louis » ne pouvait être qu’un secret espoir. Précisons qu’écrire saint Louis ou Saint Louis n’est pas la même chose d’un point de vue laïc. A. Doppagne dit que « La minuscule signale la sainteté, la majuscule fait référence au surnom (comme on aurait “Louis le Saint”) » (Majuscules, abréviations, symboles et sigles, Bruxelles, De Boeck, 2007, p. 34). Louis IX a dit à Robert de Sorbon son souhait qu’on se souvint de lui comme de Louis le Prud’homme (« Je vourroie bien avoir le non de preudhomme », Joinville, Vie de saint Louis, § 32). Qu’est donc la prud’homie qu’il visait ?

4La référence d’alors sur cette notion est Alard de Cambrai (Le Livre de philosophie et de moralité). Le prud’homme est avant tout droit et franc, mesuré, généreux et méfiant mais gardant confiance, ne perdant pas son temps dans la fausse science, agissant opportunément. Il est prud’homme car prudent (« porveance ») et courageux (« vigour »), s’opposant à la félonie et à la tricherie avant tout (voir Alard, Le Livre, p. 161). C’est une anticipation de l’honnête homme (voir Couturas 2003). Cette liste est étonnement voisine de celle d’A. Bidar dans Quelles valeurs partager et transmettre aujourd’hui ? (BIDAR 2016). La piste prud’homale mériterait d’être suivie. La prud’homie est une notion, elle subsume un ensemble de vertus qui a évolué (voir Couturas 2003).

5La clef d’Alard va même plus loin. Sa didactique est intéressante. Il part d’une sentence, la référence, et en montre le bien-fondé par un exemplum. Les manuels de la communale multipliaient les exempla. Saint Louis était ainsi un homme charitable, distribuant en carême les aumônes, soignant les lépreux, etc. C’est la morale de la solidarité (voir Lelièvre 1999, p. 94). Peut-on suivre cette voie ? L’exemplum est avant tout une fonction : servir au sein du discours didactique comme mode de persuasion prenant la forme du récit par l’émotion et la mémorisation. Or les émotions sont au cœur du programme d’EMC de 2018 et la mémorisation est un défi à l’ère du numérique. Dès lors, l’exemplum comme forme brève mais plastique, subordonnée à un discours plus général est un levier didactique toujours utile. Si l’histoire est une technique de première catégorie pour lutter contre la barbarie (ORTEGA Y GASSET 1937), pourquoi ne pas réhabiliter l’exemplum avec la prud’homie ?

6J. Le Goff pointa dans son Saint Louis tous les domaines où le roi était un innovateur, étant ou faisant quelque chose « pour la première fois » (Le Goff 1996, p. 22, 25, 36, 52-53, 59, 97, 103-104, 108-110, 114, 157, 194, 229, 293, 318, 326, 381, 515, 597, 683-684, 706 et 833). Nous le voyons aussi comme un vecteur de renouvellement. La prud’homie est en effet une notion à redécouvrir. Y prennent « consistance les valeurs profanes et temporelles qui nourriraient un jour la laïcité » (BÉRIOU 1994, p. 484). C’est le cœur d’une morale, alors même que notre époque a rendu ce terme impraticable. L’exemplum est un levier intéressant dans notre nouvelle situation d’oralité (parenthèse Gutenberg). Il est aussi étranger à la problématique des genres en littérature (voir les travaux de M.-A. Polo de Beaulieu). Hors du piège du mot morale, dans l’altérité pour les genres littéraires : prud’homie et exemplum sont des facteurs de renouvellement pour nous.

Bibliographie

7Alard, Le Livre
Bériou 1994
Bidar 2016
Buisson 1990
Couturas 2003
Joinville, Vie de saint Louis
Lagarde 1956
Le Goff 1996
Lelièvre 1999
Louette 1970
Ménès 2001
Ortega y Gasset 1937

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