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Tripoli coloniale

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François Dumasy

Avant‑propos

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  • 1 Dumasy – Di Pasquale, 2012.

1Le coup d’État du jeune colonel Khadafi en septembre 1969 entend rompre un long assujettissement de la Libye à des puissances étrangères. Pour le nouveau pouvoir, la monarchie n’est que la continuité d’une domination occidentale débutée avec la conquête italienne de 1911 et poursuivie après la Seconde Guerre mondiale par les présences britannique et américaine. Tripoli, qui devait être la vitrine d’un empire italien que le fascisme souhaitait étendre de la Méditerranée à la Corne de l’Afrique, incarne d’autant plus l’expression de cette domination que beaucoup d’Italiens y résident jusqu’à leur expropriation en octobre 1970. L’idéologie du régime, précisée à travers la publication des différents volumes du Livre vert entre 1975 et 1979, fait de la famille et de la tribu les éléments constitutifs de la nation libyenne, contre la vision coloniale qui, dans la seconde moitié des années 1930, avait cherché à éradiquer les appartenances tribales pour générer une identité fasciste et impériale sous la houlette de Rome. Les luttes de pouvoir du début des années 1970, les sanctions américaines de 1986 et l’embargo international de 1992 à 1999 entrainèrent ainsi le recours à des destructions symboliques devant réitérer la mise en scène de la rupture avec l’ordre colonial. Le cadastre de Tripoli aurait ainsi été brûlé en 1986, signifiant tant le refus de toute indemnisation en faveur des Italiens expropriés que l’anéantissement du patrimoine de certaines familles de notables depuis la période coloniale. En 1996, l’ancien bâtiment du parlement de la Tripolitaine, héritage de l’éphémère période libérale de 1919‑1921, par la suite utilisé comme parlement de la Libye indépendante, fut de même démoli, alors que la forteresse de Tripoli, ancien siège du pouvoir ottoman réoccupé par le gouverneur de Libye, Italo Balbo, entre 1934 et 1940, devenait le siège des archives nationales1. Dans les dernières années, le tournant panafricain du régime profita ainsi surtout à Syrte qui bénéficia d’importants travaux qui transformèrent la bourgade en une ville moderne abritant plusieurs congrès de l’Union africaine jusqu’à être déclarée officiellement capitale de Libye, le 1er septembre 2011, dans les dernières heures d’un règne crépusculaire. Tripoli ne cessa jamais d’inspirer une certaine méfiance à Mouammar Kadhafi qui préférait recevoir ses hôtes dans sa tente, loin de ses murs. Dans un pays aujourd’hui soumis à de multiples divisions et où l’ancrage local de nombreuses milices a marginalisé le rôle de Tripoli, il faut peut‑être revenir à ce que fut cette ville sous la colonisation italienne pour comprendre à la fois son importance et ses difficultés à être le centre du pouvoir.

Notas

1 Dumasy – Di Pasquale, 2012.

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