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    Publications de l’École française de Rome
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    Plan détaillé Texte intégral Le cercle vertueux de la richesse : les incanti Participer à un incanto Évolution annuelle des enchères Des ventes à perte ? La fin est proche ? Notes de bas de page

    L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 4 - Le “cycle des gages” : posséder, mettre en gage, vendre et acheter

    p. 133-162

    Texte intégral Le cercle vertueux de la richesse : les incanti Participer à un incanto Coûts et avantages des enchères publiques Évolution annuelle des enchères Des ventes à perte ? La fin est proche ? Notes de bas de page

    Texte intégral

    Le cercle vertueux de la richesse : les incanti

    Participer à un incanto

    1Dans ce qu’il est possible de définir comme le “cycle des gages”, un évènement particulièrement important et auquel les autorités publiques consacraient beaucoup d’attention était celui des incanti, c’est-à-dire les ventes aux enchères dans lesquelles étaient vendus les objets non rachetés à temps par leurs propriétaires. Dans le chapitre précédent, nous avons déjà fait référence à leur organisation, au mécanisme des cride et aux différents fonctionnaires publics qui y participaient. Le but de cette section est d’analyser plus en détail le déroulement de ce qui constituait un rendez-vous régulier pour de nombreux vénitiens, qui se rendaient presque chaque jour à la Piazza di Rialto (la place de Rialto) à la recherche d’une bonne affaire1.

    2Les ventes aux enchères constituaient en effet une excellente occasion pour ceux qui cherchaient quelque chose pour eux-mêmes ou leur famille, ainsi que pour les professionnels qui souhaitaient acheter des articles d’occasion qu’ils auraient pu ensuite revendre. Elles commençaient a l’ora di terza (à la troisième heure), c’est-à-dire à 9 heures du matin, et se terminaient à midi, au son de la cloche de l’église de San Giacomo di Rialto2. Ces trois heures étaient marquées par une activité frénétique, un échange continu de répliques entre le comandador, qui montrait et décrivait les objets sur l’estrade, et une foule très dense qui répondait par des offres, au milieu des protestations, des insultes et des plaintes de ceux qui assistaient à la vente d’objets qui leur appartenaient encore seulement quelques mois auparavant. Les ventes aux enchères étaient un lieu de rencontre et de confrontation, un environnement compétitif et chaotique qui pouvait facilement troubler les participants et les induire en erreur. Ceux qui en payaient les conséquences étaient souvent les plus inexpérimentés, parmi lesquels on peut compter Elisabetta Zechini qui, convaincue de conclure une excellente affaire, avait décidé d’investir quatre livres dans un objet dont le comandador disait qu’il avait été engagé à six3. Électrisée par l’esprit de compétition, rendue nerveuse par les bousculades de ceux qui essayaient de mieux voir les produits en vente et déconcertée par les centaines de voix qui constituaient le fond sonore de l’événement, Elisabetta commit l’une des erreurs les plus banales : envahie par le désir de l’emporter et de s’emparer l’objet, elle ne s’était pas rendu compte que son effort économique et émotionnel était beaucoup plus important que la valeur réelle du bien qu’elle était en train d’acheter. Elle découvrit bientôt qu’il s’agissait en réalité d’un objet qui n’avait « absolument aucune valeur » et décida de s’adresser aussitôt à la Giustizia Nuova. Dans sa plainte, elle ne se contentait pas de demander un remboursement et de se lamenter sur ce qui s’était passé, mais elle attaquait directement la manière dont les enchères étaient organisées, convaincue qu’il était impossible que « un tel mode de vente publique [qui ne permet pas] à ceux qui font l’achat de voir puisse être autorisé par la loi ».

    3Les enchères publiques n’étaient pas seulement fréquentées par des novices, et pour ceux qui en connaissaient les astuces et les mécanismes, elles représentaient une opportunité d’épargne ou d’enrichissement. Dans un court laps de temps, une moyenne de 200 objets étaient vendus (plus d’un par minute), achetés par des hommes, des femmes, des citoyens vénitiens, des étrangers de passage et de nombreux revendigoli (marchands d’occasion) souhaitant se procurer des produits dans le but de les revendre4. Pendant une certaine période, ces derniers réussirent même à s’emparer de la majorité des objets, créant un véritable monopole au détriment des autres participants, évitant de se faire concurrence et “gonflant” les offres lorsqu’une personne extérieure essayait d’interférer. À cette fin, ils tentèrent également de bloquer physiquement l’accès aux enchères en empêchant quiconque de s’approcher de l’estrade, de façon que personne à part eux ne puisse y participer. Les magistrats de la Giustizia Nuova considérèrent cela comme un grave préjudice pour la population pauvre vénitienne, tant pour ceux qui voulaient acheter des objets que pour ceux qui les avaient engagés et qui, dans des conditions “normales”, auraient pu espérer en obtenir un bénéfice. Ainsi, en 1787, ils décidèrent de subdiviser la zone réservée aux acheteurs en différents secteurs, dont chacun était dédié à une catégorie spécifique : les deux extrémités sur les côtés de l’estrade étaient donc assignées aux marchands d’occasion et la partie centrale à tous les autres, surtout aux « femmes, qui voulaient acheter des objets domestiques pour l’usage de leurs familles ». Il était bien entendu, cependant, qu’à l’intérieur de ces espaces, chacun avait le droit de prendre la place qu’il préférait, parmi celles qui se trouvaient disponibles à son arrivée5.

    4Au-delà des cas particuliers, même s’ils sont très significatifs, cette section se focalise sur la riche documentation comptable et fiscale conservée dans le fonds de la Giustizia Nuova d’un point de vue quantitatif, afin de calculer la quantité des objets qui étaient vendus chaque année aux enchères. Concrètement, cela est possible grâce à l’analyse des fedi giurate, c’est-à-dire des actes jurés que le masser devait remplir à la suite de chacune des ventes aux enchères réalisées durant son maneggio, la période pendant laquelle il était en charge. Il s’agissait essentiellement d’une série de reçus sur lesquels il indiquait différentes informations – notamment le nombre d’objets vendus, le total gagné et éventuellement le surplus – qui étaient utilisés pour calculer le salaire de chaque officier de la Giustizia Nuova ayant pris part aux ventes en question (c’est-à-dire le comandador, le caissier et le masser lui-même). En outre, ils étaient utilisés pour les contrôles comptables et pour pouvoir vérifier rapidement l’exactitude du montant des impôts payés aux Provveditori di Comun (un sou par bulletin) et aux Governatori delle Entrate (dans la caisse des Gramatici, un sou pour chaque livre gagnée des ventes)6.

    5À partir de 1738, un comptable appelé ragionato (ou scontro) devait vérifier l’activité du masser tous les six mois à travers une analyse détaillée de ces actes, ainsi que des registres des ventes aux enchères. De plus, une fois par an, il recueillait tous leurs livres rouges, c’est-à-dire les registres des gages qui étaient compilés quotidiennement par les osti et les chefs de bastione, afin de vérifier qu’ils étaient correctement remplis et que la différence entre les billets noirs et rouges correspondait au nombre réel d’objets déposés dans leurs entrepôts7. Compte tenu de la quantité de travail, c’était une tâche particulièrement lourde pour une seule personne : mais finalement, si nous pouvons compter aujourd’hui sur une documentation aussi riche, c’est précisément grâce à la méfiance de la Giustizia Nuova et des Sette Savi envers leurs salariés.

    Coûts et avantages des enchères publiques

    6Comme nous l’avons vu, le règlement précisait que les articles non rachetés dans les trois mois suivant la date d’engagement pouvaient être vendus aux enchères. Cela ne signifie pas, cependant, qu’en pratique les bastioneri et les osti participaient aux ventes publiques de façon trimestrielle : en 1730, en effet, ils furent obligés de participer à au moins un incanto tous les six mois, signe qu’il pouvait auparavant s’écouler plus de temps encore entre une vente et une autre8. Cela s’explique par le fait que la participation à une vente aux enchères impliquait des coûts liés au salaire du personnel de la Giustizia Nuova qui les organisait, des frais qui incombaient entièrement aux bastioneri et aux osti qui y vendaient leurs gages. Selon toute vraisemblance, ces derniers avaient donc tout intérêt à attendre que leurs entrepôts soient remplis avant de procéder à une vente, afin de réduire l’incidence des coûts fixes9. Par exemple, en 1760, Domenico Pafin, oste à la Scimia, refusa de vendre ses gages aux enchères alors que la Giustizia Nuova le lui avait ordonné, déclarant qu’il en avait si peu que le gain ne suffirait même pas à compenser les « coûts habituels de l’enchère elle-même, trop lourds »10. Par déclaration du Consortium des bastioneri, nous savons qu’en 1783, la participation à une enchère s’élevait à 57 livres et 12 sous, répartis entre les dépenses ordinaires et extraordinaires comme suit (tableaux 14)11.

    Tab. 14 –Frais liés à la participation aux enchères publiques, 1783. Source : ASVe, Giustizia Nuova, b. 44.

    Dépenses ordinairesLivresSousDépenses extraordinairesLivresSous
    Masser (rétribution journalière)1010Masser4
    Comandandor710Aide du Masser2
    Fiscal de la Giustizia Nuova2Comandador8
    Organisation de l’incanto3Cafè (cadeau aux officiers)3
    Scribe3Scribe110
    Papier et stylo10Autre magistrato110
    Transport des gages1Transport des gages45
    Offrande à la Sainte Vierge2
    Frais pour la crida215
    Total337Total245

    7Il y a donc toutes les raisons de croire que les osti et les chefs de bastioni participaient aux enchères le moins souvent possible, idéalement une fois tous les six mois seulement, sans oublier que la fréquence pouvait même être plus faible si, comme nous l’avons vu dans le cas de Domenico Pafin, il y avait la possibilité de demander une exemption en cas d’un nombre trop faible de gages en dépôt12.

    8Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons décidé d’analyser la période de 10 ans entre janvier 1745 et décembre 175413. Au cours de ces années, il y eut 930 ventes aux enchères, au cours desquelles 56 bastioni et 16 osterie vendirent environ 531 686 gages, pour un revenu total de plus d’1 296 000 livres vénitiennes. Au total, il y eut des enchères à Rialto pendant environ 2 500 jours, un nombre étonnant si l’on considère que, en excluant les 520 dimanches et 216 jours réservés à la vente des gages des banques du Ghetto (3 jours par mois, suspendus en 1749 et restaurés en 1791), il ne restait en moyenne qu’une quarantaine de jours par an sans ventes14. Ce chiffre doit cependant être encore affiné en excluant également les autres jours fériés qui – et ce n’est pas un hasard – représentaient à peu près le même nombre de jours15.

    9Pendant cette période, les 56 bastioni se rendirent aux enchères en moyenne 14,8 fois, soit environ 1,5 fois par an, tandis que les 16 osterie y participèrent seulement 5,8 fois, soit un peu plus d’une fois tous les deux ans. Il y a donc des raisons de croire que l’obligation de participer à au moins un incanto tous les six mois n’était généralement pas respectée et que, comme nous l’avons supposé, la participation dépendait davantage du nombre réel de gages conservés dans les dépôts.

    10La grande disproportion entre la participation des bastioni et des osterie est reflétée de manière plus importante encore par le nombre total de gages vendus. Sur 531 686 objets, 514 123 avaient été engagés dans un bastione et seulement 17 563 dans une osteria (96,7 % contre 3,3 %). Cette différence est probablement due au fait que les osterie étaient regroupées dans les zones de San Marco et de Rialto et qu’elles privilégiaient les étrangers à qui elles offraient à la fois la nourriture et le logement. Les bastioni, cependant, étaient dispersés dans les différents quartiers de la ville et visaient principalement la population pauvre citadine. Le fait qu’on pouvait consommer du vin et acheter de la nourriture dans une osteria ne semble pas être un facteur déterminant, tout d’abord parce que, comme nous le disent les sources judiciaires, on pouvait très souvent boire et trouver quelque chose à manger dans les bastioni également : un charcutier ou d’autres vendeurs de nourriture s’y rendaient spécifiquement pour vendre leurs produits, souvent consommés avec une demi-lira de vin, d’un commun accord avec le chef du bastione16. Finalement, les bastioni étaient des points de référence dans leurs quartiers respectifs parce qu’ils étaient beaucoup plus faciles à atteindre par les habitants. D’autre part, quel habitant du sestiere de Castello se serait rendu jusqu’à Rialto ou San Marco pour acheter du vin ou pour emprunter de l’argent alors qu’il pouvait le faire à quelques pas de chez lui ?

    Fig. 4 – Carte de Venise divisée en sestieri et paroisses.

    Image

    Conception : M. Pompermaier ; réalisation : F. Delisle, GRHis 2020.

    11Au cours des dix années considérées ici, les trois bastioni qui ont le plus fréquemment participé aux enchères sont ceux de San Giovanni e Paolo, San Stin et Santa Margherita. Le premier se trouvait dans la paroisse de Santa Maria Formosa, dans le sestiere de Castello, tandis que les deux autres étaient dans les paroisses du même nom situées respectivement dans les sestieri de San Polo et Dorsoduro. Tous les trois apparaissent dans 20 ventes aux enchères, au cours desquelles ils avaient vendu respectivement 23 799, 21 559 et 10 787 objets, soit une moyenne de 1 189, 1 077 et 539 gages par enchère, dont nous supposons qu’ils constituaient des quantités suffisantes pour couvrir toutes les dépenses associées. Dans ce cas, la décision de se rendre ou non à l’incanto appartenait – en théorie dans les limites fixées par la norme – aux bastioneri, qui pouvaient choisir de vendre leurs gages quand ils avaient besoin d’argent liquide, ou selon l’espace disponible pour leur stockage (nous expliquons ainsi le fait que le bastione de Santa Margherita vendait à chaque fois un nombre moyen de gages beaucoup plus bas que les deux autres). Les bastioni en question ne sont cependant pas des cas isolés, car les autres avaient une fréquence de participation similaire (tab. 15). Cependant, les niveaux de participation des osterie étaient significativement plus bas (tab. 16).

    Tab. 15 – Fréquence de participation aux enchères et nombre des gages vendus entre 1745-1754 (bastioni). Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    BastioneNb
    Enchères
    Nb GagesBastioneNb
    Enchères
    Nb
    Gages
    SS Giovanni e Paolo2023 799Santi Apostoli1520 072
    San Stin2021 559Gaffaro1512 729
    Santa Margherita2010 787San Benetto1512 699
    San Trovaso205 978Furatola159 901
    Mondo Nuovo1922 755Rugagiuffa158 579
    Ca’ d’oro1916 490San Geremia157 878
    Bari1915 184San Francesco di Paola156 610
    San Moisè1817 050Crosera1411 435
    Sant’Aponal1816 500L’Angelo Raffael147 621
    Birri1811 721Pescaria Cannaregio145 607
    San Simeon Piccolo1811 191Cortelotti144.123
    San Samuel1711 215Servi136 142
    San Polo1710 135Fondamenta della Bragora135 661
    San Basilio179 318San Martin135 303
    San Girolamo179 301Campo dell’erba135 094
    San Marcuola178 681Giudecca125 430
    Rio Terrà178 392San Felice124 972
    Ponte di ghetto176 618Mezzo Cannaregio123 047
    Incurabili175 103San Nicolò123 038
    San Luca1623 196Pietà115 745
    San Stae1615 674Santa Marta112 717
    San Giovanni in Bragora1615 553Calesella112 094
    San Barnaba1612 362Sant’Iseppo111 709
    Campo delle Gatte169 355San Giobbe102 066
    San Gioacchino168 708Ponte longo92 428
    Sant’Agnese166 810Due San Marchi81 128
    Sant’Antonin166 629Canevetta62 362
    San Gregorio165 416Redentore5592

    Tab. 16 – Fréquence de participation aux enchères et nombre des gages vendus entre 1745-1754 (osterie). Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    OsteriaNb EnchèresNb Gages
    Scopa121 996
    Lion Rosso112 448
    Corona91 627
    Gambaro81 188
    Cerva81 127
    Salvadego71 174
    Due Spade61 628
    Scimia61 504
    Zorzi51 055
    Sturione5848
    Luna5570
    Anzolo41 092
    Donzella2413
    Sole2267
    Torre2205
    Rizza1205

    12Comme le montre le tabelau 15, la fréquence de participation aux enchères des dix premiers bastioni était très différente par rapport aux dix derniers. Dans le premier cas en effet, la moyenne était d’environ 1,91 fois par année, tandis que dans le deuxième elle était inférieure à la moitié, soit 0,94. De même, une comparaison quantitative, c’est-à-dire du nombre d’objets vendus, révèle une grande disparité : entre 1745 et 1754, les dix premiers bastioni ont vendu 161 823 gages (en moyenne 847 objets/enchère et 16 182 objets/an), alors que les dix derniers seulement 23 879 (254 gages et 2 387 par an). Cette situation reflète clairement deux manières différentes de mener l’activité de prêt, qui étaient probablement liées aux ressources financières dont disposait le gérant du bastione (selon les cas, on le rappelle, directement le chef du bastione ou le conduttore). En effet, conserver un grand nombre de gages dans ses propres entrepôts – en plus de générer des frais de stockage et de transport des gages importants au moment de la vente aux enchères publiques – impliquait l’immobilisation d’une somme importante. L’investisseur ne pouvait récupérer son argent que si le prêt était remboursé ou par la vente aux enchères des gages non-rachetés. D’autre part, il faut souligner que les différences de volume d’objets vendus aux enchères pouvaient également être dues à la situation de la paroisse dans laquelle se trouvait le bastione, à la fois sur la base d’une demande de crédit plus ou moins forte et d’une incidence différente du taux de rachat. Pour une telle analyse, cependant, il est nécessaire de raisonner plus en détail sur le contexte de la ville, ce qui sera l’objet du chapitre suivant.

    13De manière générale, les chiffres de la troisième colonne des tableaux 15 et 16 confirment également le volume impressionnant d’objets et d’argent mobilisés par l’activité de prêt des bastioni et des osterie. C’est précisément à cause de l’énorme quantité de gages que la gestion des enchères et la fréquence à laquelle elles étaient organisées devinrent des questions de plus en plus pressantes pour la Giustizia Nuova. En 1749, il y avait « 15 bastioni avec un grand nombre des gages provenant de la condotta terminée le dernier jour d’août 1748, tous encore invendus », et le Collegio dei Sette Savi décida alors que les enchères devraient avoir lieu également pendant les trois jours par mois qui jusque-là étaient réservés à la vente des objets des banques du Ghetto17. L’année suivante, malgré toutes ses précautions et tous ses efforts, la Giustizia Nuova rapporta que la quantité déjà excessive d’objets non rachetés ne cessait de croître quotidiennement18.

    14Pour essayer de remédier à cette situation, les magistrats établirent en 1758 un ordre précis devant être suivi par les bastioni et les osterie pour participer aux enchères et, en 1761, « chaque bastione ayant un nombre de gages [tellement grand que] 15-20 jours [chacun] seraient nécessaires [pour les vendre tous] ». Ils fixèrent également un nombre maximum de jours disponibles pour chacun d’entre eux, de sorte que les derniers sur la liste ne soient pas exclus par manque de temps19. Cependant, en 1773 la situation n’était pas encore résolue et ils décidèrent donc d’organiser des enchères exceptionnelles dans le but de vendre les gages remontant aux condotte qui avaient déjà expiré20.

    15Les données par rapport au nombre d’objets vendus quotidiennement aux enchères semblent également confirmer qu’au cours du XVIIIe siècle la pression exercée par la population pauvre urbaine sur les osterie et les bastioni était en constante augmentation. Cette hypothèse est formulée à partir du nombre de gages non rachetés et non du total d’objets engagés, mais on peut considérer que les deux éléments sont au moins en partie corrélées, c’est-à-dire que l’augmentation du volume des enchères n’était pas seulement due à l’augmentation de l’incidence du phénomène du non-rachat mais de l’engagement en général.

    16Les sources permettent d’élargir les limites de notre analyse bien au-delà des 10 années considérées jusque-là, en fournissant des informations plus ou moins complètes sur le déroulement des enchères entre 1745-1763 et 1789-1794, tant en ce qui concerne le nombre total d’articles vendus (graphique 8), que le nombre d’incanti annuels (graphique 9).

    Graphique 8 – Nombre d’objets vendus par année (données partielles pour 1756 et 1789).

    Image

    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    Graphique 9 – Nombre d’enchères par année (données partielles pour 1756 et 1789).

    Image

    Sources : voir graphique 8. Il faut souligner que le nombre d’enchères n’est pas égal au nombre de jours où il y avait des ventes. En effet, un seul bastione pouvait avoir besoin de plusieurs jours et même de plusieurs semaines pour vendre tous les gages qu’il avait dans son entrepôt.21.

    17En 1738, le ragionato Marin Roldi fut chargé d’effectuer un examen de l’ensemble de l’activité du masser Iseppo Paganoni pendant la période comprise entre le 27 janvier 1731 et le 24 avril 173822. Les données obtenues à partir de sa révision n’ont pas été incluses dans les graphiques ci-dessus (graphiques 8 et 9), car il s’agit d’un comptage global qui ne précise pas la tendance des différentes années spécifiques. Cependant, au cours de cette période 171 299 objets ont été vendus aux enchères, soit une moyenne d’environ 23 300 gages par an. Il s’agit d’une valeur bien inférieure à celles des années qui ont suivi 1745, ce qui confirme encore une fois l’hypothèse d’une augmentation constante de l’activité de prêt des bastioni et osterie au cours du siècle.

    18On observe une grande différence entre le premier ensemble de données (1745-1762) et le second (1790-1795), qui révèle une augmentation considérable à la fois du nombre d’enchères annuelles (c’est-à-dire le nombre d’osterie et de bastioni qui y participaient chaque année). En revanche, par rapport au nombre de gages vendus la situation semble être plus linéaire et on peut imaginer une croissance continue entre 1745 et 1794 (graphique 10). Entre 1745 et 1762, ces derniers augmentèrent progressivement, tandis que le nombre d’enchères organisées suivit une tendance oscillatoire et tendanciellement décroissante : cela signifie que lorsqu’ils se rendaient aux enchères, les osti et chefs de bastione avaient avec eux beaucoup plus de gages à vendre et que, dans le même temps, la fréquence de participation diminuait au fil des années. Les inquiétudes de la Giustizia Nuova et du Collegio dei Sette Savi concernant le nombre excessif d’objets, auxquelles nous venons de faire référence, semblent donc fondées.

    Graphique 10 – Évaluation de l’augmentation du nombre de gages vendus aux enchères publiques (pour 1756 et 1790 les données sont estimées). Sources : voir graphique 8.

    Image

    19La deuxième série de données est beaucoup plus difficile à interpréter, en partie à cause du manque d’informations pour les années 1763-1788 : nous n’avons aucune preuve pour justifier une telle différence au niveau du nombre d’osterie et de bastioni participant aux ventes aux enchères ou du nombre d’articles vendus. Une tendance de ce type pourrait être le signe d’une activité se déroulant à plein régime, avec une augmentation du nombre de gages déposés et donc, théoriquement, du gain pour les osti et les chefs de bastioni. Toutefois, elle pourrait également être un symptôme évident de l’imminence de son effondrement, d’une chute drastique du nombre de débiteurs solvables et d’une augmentation conséquente du nombre de gages qui devaient être vendus.

    Évolution annuelle des enchères

    20L’augmentation progressive du nombre d’objets à vendre rendait le calendrier des ventes aux enchères de plus en plus dense, à tel point qu’il n’y avait que quelques jours où aucun objet n’était vendu sur la place de Rialto. En 1755, par exemple, des ventes ont été organisées 238 jours sur 365, au cours desquelles 61 446 gages ont été vendus pour un montant de 145 142,2 livres vénitiennes décimales, soit une moyenne d’environ 258 articles vendus chaque jour pour un revenu quotidien d’environ 600 livres vénitiennes (tab. 17)23.

    Tab. 17 – Calendrier des enchères, année 1755 (voir spécifications ci-dessous)

    Image

    En gris : jours où il y a eu des enchères sur la place publique de Rialto (les ventes de chaque bastione ou osteria sont divisées par des bords plus épais).
    En gras : les festivités qui ont pu être identifiées, dont beaucoup ont été supprimées après 1787 (ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il Magistrato de’ Provveditori alla Giustizia Nova contro il Consorzio Mercanti Bastioneri », fol. 195-196). Source : ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.
    [17 janvier : Saint Antoine del Fuoco / 19 mars : Saint Joseph / 26 mars : mercredi des Cendres / 25 mars : mardi gras (fin du carnaval) / 30 mars : Pâque / 25 avril : Saint Marc / 1 mai : Santn Philip et Jacques / 8 mai : Ascension (Sensa) / 20 mai : Pentecôte / 24 juin : Saint Jean le Baptiste / 16 juillet : Sainte Vierge du Carmine / 25 juillet : Saint Jacques dall’Orio / 26 juillet : Sainte Anne / 10 aout : San Lorenzo / 17 aout : Saint Roch / 24 aout : Saint Barthélemy / 14 septembre : Fêtes de la croix.

    21Si on observe le tableau 17, le nombre de jours consacrés chaque mois aux adjudications de gages semble être relativement stable au cours de l’année, bien qu’il y ait une légère baisse en janvier, novembre et décembre. De manière générale, de ce point de vue il n’y a aucune tendance spécifique et peut-être que le nombre de jours variait d’un mois à l’autre en fonction du nombre de gages qu’un bastione ou une osteria devait vendre.

    22L’une des variables ayant un grand impact sur les enchères et qui ne pouvait être ignorée était le climat. La Giustizia Nuova avait catégoriquement imposé une interdiction des ventes pendant les jours de pluie ou de neige, car la réduction du nombre de participants en raison de conditions météorologiques défavorables aurait également réduit le nombre d’offres et donc les revenus globaux.

    Tab. 18 – Enchères publiques, année 1755 (détail). Source : ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.

    MoisNb journées avec enchèresObjets vendus (nombre)RevenuDépenséa
    Janvier125 86912 191,95-
    Février242 7345 459,46 598,35
    Mars172 7566 443,156 728,2
    Avril236 77716 720,8516 714
    Mai226 62514 342,95-
    Juin217 55117 830,3-
    Juillet215 14212 050,85-
    Aout205 51114 311,6-
    Septembre205 79515 283,75-
    Octobre244 92512 041,45-
    Novembre163 4588 508,05-
    Décembre184 3039 957,9-
    a. C’est-à-dire l’évaluation donnée par les chefs de bastioni ou par les osti de l’ensemble des objets vendus aux enchères (ou encore la valeur des prêts affectés).


    Graphique 11 – Cm de pluie/nombre d’enchères publiques par mois (1755). Sources : ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.

    Image

    23Le graphique 11 compare le nombre de jours pendant lesquels ont eu lieu des enchères avec la quantité de pluie tombée pendant la même période (en centimètres) : il est plus important de connaître la quantité de précipitations que le simple nombre de jours avec des conditions météorologiques défavorables car cela ne nous montre pas seulement s’il a plu mais aussi dans quelles proportions24. À première vue, il semble exister un lien entre les deux lignes, évident en mars et novembre (pas en juillet), mais les résultats sont controversés et l’indice de corrélation est trop bas pour être significatif (0,16).

    24En revanche, nous pouvons tout de suite noter que le nombre d’enchères organisé n’est pas proportionnel à la quantité d’objets vendus : par exemple, en février 1755 il y a eu à peu près le même nombre d’enchères qu’en avril de la même année (24 contre 23) mais les articles vendus représentaient moins de la moitié (2 734 contre 6 777, voir tab. 18).

    Graphique 12 – Nombre d’objets vendus chaque mois (1755).

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    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    25Le graphique 12 nous montre effectivement un pic du nombre d’objets vendus en avril, mai et juin, suivi d’une baisse à la fin de l’automne et en hiver25.

    Graphique 13 – Nombre d’objets vendus pendant les enchères publique (1750-1755).

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    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    26Si on élargit notre représentation graphique du nombre d’objets vendus à toutes les enchères publiques entre 1750 et 1755 (graphique 13) nous voyons qu’il s’agit d’une tendance plus générale qui ne se limite pas seulement à une année spécifique. Il y a donc une évolution annuelle effective qui voit un pic des ventes à la fin du printemps et en été et un déclin très évident pendant les périodes froides de l’année (entre novembre et mars) mais qui n’est pas liée aux simples conditions météorologiques (voir aussi graphique 14).

    Graphique 14 – Répartition des ventes, comparaison entre octobre-mars et avril-septembre (1750-1755).

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    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    27De toute façon, en raison de l’irrégularité des enchères il n’est pas possible de déterminer avec précision le moment auquel les objets étaient engagés et on ne peut donc pas savoir avec certitude s’il y avait une tendance annuelle et quelles étaient ses caractéristiques. Sur la base des données relatives à la valeur moyenne des prêts, à l’analyse qualitative des objets engagés et de ce qui ressort également de la forme même des transactions, souvent à mi-chemin entre crédit et troc, il est possible d’imaginer que l’augmentation des objets engagés pendant les mois d’hiver était due plus simplement à un besoin accru d’argent de la part de la population pauvre. Pendant la saison froide, en raison de nombreux facteurs, les dépenses auxquelles chaque ménage devait faire face augmentaient : le chauffage de leur maison, l’achat de vêtements plus chauds, le besoin d’une plus grande quantité de calories, constituaient des besoins quotidiens pendant une certaine période de l’année. Dans le même temps, dans de nombreux cas les revenus diminuaient ou devenaient plus irréguliers, car certaines professions ne pouvaient pas être exercées pendant la saison froide (en particulier les emplois liés aux constructions, la charpenterie, etc.). Plus généralement cependant, il ne faut pas oublier que, dans ce cas précis, il s’agissait le plus souvent de répondre tant à un besoin de crédit périodique que persistant, dont la finalité était simplement de mettre du pain – ou dans ce cas-là, du vin – sur la table et qui donc restait plutôt constante pendant toute l’année.

    Des ventes à perte ?

    28En observant de plus près le tableau qui décrit l’évolution des enchères en 1755 (tab. 18), nous constatons qu’en février et en mars, la valeur estimée des articles (donc le montant prêté) était plus élevée que le gain dérivé de leur vente. Il ne s’agissait pas simplement d’un cas limité à certains mois ou à une année, car la même situation se répète sur beaucoup d’autres périodes, où les pertes étaient parfois de l’ordre de 15 ou 20 % (tab. 19 pour l’année 1752).

    Tab. 19 – Revenus des enchères publiques, année 1752. Source : ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.

    MoisValeur des objets (Livres dec.)Revenus des enchères  %
    Janvier10 273,98 270,15-19,50 %
    Février7 645,307 299,45-4,52 %
    Mars10 542,359 077,25-13,90 %
    Avril11 364,3010 890,40-4,17 %
    Mai11 014,5510 220,25-7,21 %
    Juin17 605,7017 530,25-0,43 %
    Juillet11 471,7011 552,300,70 %
    August16 923,6014 842,00-12,30 %
    Septembre13 462,9011 807,00-12,30 %
    Octobre16 131,0013 564,60-15,91 %
    Novembre7 847,406 841,90-12,81 %
    Décembre12 367,8011 424,90-7,62 %
    Totale146 650,50133 320,45-9,09 %

    29Aussi incroyable que cela puisse paraître, il semble donc que les ventes aux enchères des objets se concluaient en négatif, ne permettant même pas d’équilibrer le montant initialement investi. Ce sont les prêteurs eux-mêmes qui s’en plaignirent à plusieurs reprises, avançant parfois l’avarice des masseri, qui étaient accusés de ne pas respecter les règles et de vendre leurs gages à un prix inférieur sans les remettre aux enchères au moins une seconde fois, avec pour résultat une perte que les bastioneri estimaient à au moins 12/14 % de leur revenu total26.

    30La différence entre la valeur estimée et celle de la vente pourrait également être due à la nature périssable des objets qui, comme on l’a vu précédemment, étaient principalement des textiles et donc sujets à l’usure (les bijoux étaient très appréciés par les prêteurs précisément parce qu’ils gardaient leur valeur inchangée dans le temps, mais ils sont très peu nombreux dans les inventaires)27. Il pourrait également s’agir d’une difficulté de la part des osti et des bastioneri à effectuer une estimation correcte des objets engagés.

    31L’évaluation était une opération complexe et il est raisonnable de supposer qu’elle nécessitait un certain professionnalisme et une certaine expérience, semblable à ceux exigés des employés des monts-de-piété ou des banques juives. Encore aujourd’hui, le poste d’estimateur est l’une des positions clés dans le contexte d’un pawnshop. Il n’existe pas de véritable parcours de formation professionnelle destiné à l’apprentissage de ce métier, qui se transmet habituellement de père en fils dans le cadre d’une formation très longue et complexe28. En tout cas, il serait vraiment surprenant que la cause des pertes soit réellement due à une surévaluation générale et continue des gages, à fortiori parce que les objets étaient habituellement estimés à la baisse, avec une différence qui généralement variait entre le tiers et la moitié de leur valeur réelle29.

    32En tout état de cause, il semblait s’agir d’un problème particulièrement prégnant qui avait déjà fait l’objet de débats pendant la seconde moitié du XVIIe siècle : en 1671, en effet, le Collegio dei Sette Savi avait essayé de remédier aux « dommages que subissent [quotidiennement] les messieurs marchands de vin dans la vente des gages faite par leurs chefs dans les bastioni » qui retombaient entièrement sur eux « bien que la faute ne leur incombe pas ». Il a été établi que seuls les osti et les bastioneri – et non les autres employés – pouvaient s’occuper, en tant que propriétaires et directeurs généraux de l’activité, des opérations de prise en gage et d’évaluation des objets. Ils étaient également financièrement responsables, car si le montant de toutes les pertes résultant de la vente des gages dépassait 10 % du total, la différence était retenue sur leur salaire30.

    33Il s’agissait donc d’un problème connu, que les autorités publiques avaient déjà essayé de résoudre. Au XVIIIe siècle, les ventes aux enchères continuaient à enregistrer des pertes très importantes, comme par exemple 9 % provenant des ventes totales en 1752. Un dossier de 1791 produit dans un procès entre le magistrat de la Giustizia Nuova et le consortium des bastioneri affiche une comparaison entre le prix d’engagement et le prix de vente d’une série d’environ 400 objets appartenant à différents bastioni et osterie. Encore une fois, on observe une perte moyenne d’environ 5 % de la valeur totale estimée.

    34Ce problème semblait être si généralisé et persistant au fil des années qu’on peut aussi imaginer qu’il ne dépendait pas tant de l’incapacité des osti ou des chefs de bastione, mais plutôt du système lui-même. D’autre part, il faut cependant considérer qu’il s’agit d’une activité ancienne, avec une structure complexe qui a été affinée au fil des siècles : nous ne pouvons pas croire qu’elle était à l’origine d’une perte constante d’argent pour les prêteurs, autrement personne n’aurait continué à y investir du temps et des ressources pendant si longtemps. Il est vrai que la corporation des osti et le consortium des bastioneri ne prévoyaient pas un parcours de formation et de développement professionnel avec une division progressive du travail entre apprentis et maîtres, mais en même temps nous savons qu’il y avait beaucoup d’apprentis qui travaillaient dans ce secteur et apprendre à évaluer un objet constituait peut-être une partie fondamentale de leurs cours de formation, même si cela n’était pas règlementé d’un point de vue officiel31.

    35Si l’on pouvait démontrer que l’estimation d’un même objet dans deux bastioni (ou osterie) différents était presque le même, cela nous permettrait de supposer l’existence d’un certain degré de spécialisation. Même si à l’intérieur de chaque catégorie d’objets engagés il y a une certaine dispersion par rapport au prix moyen (comme c’est le cas des chemises, voir graphique 16), il est possible de constater qu’il y a en fait une homogénéité dans l’évaluation des objets. Malheureusement, il est très probable qu’à l’intérieur de chaque catégorie d’objets engagés dans le même osteria/bastione et pendant une période limitée, il y ait une dispersion par rapport au prix moyen. Cela indique probablement une qualité différente des objets eux-mêmes, conséquence de la différenciation sociale de la clientèle (voir graphiques 15 et 16).

    Graphique 15 – Dispersion des prix par rapport à la valeur moyenne, mouchoirs.

    Image

    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, b. 3 regg. 5, 6, b. 6, b. 7, b. 9, b. 16, b. 17, b. 18, b. 22, b. 35 b. 40, b. 41, b. 42, b. 43

    Graphique 16 – Dispersion des prix par rapport à la valeur moyenne, chemises.

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    Sources : voir graphique 15

    36Les pertes résultant des ventes aux enchères pourraient également être dues au fait que les osti et les bastioneri indiquaient dans les registres et sur les billets des valeurs de prêts plus élevées que la réalité, afin de masquer la demande d’un taux d’intérêt plus important (pour remplacer, ou en plus de la troisième partie payée en vin). De cette façon, puisque toutes les estimations seraient surévaluées, cela expliquerait aussi pourquoi les prix de vente des objets étaient souvent plus bas. Aussi fascinant (et probable ?) que cela puisse être, il s’agit d’une hypothèse qui n’est étayée par aucune preuve documentaire.

    37Compte tenu du fait que la loi n’obligeait pas les osterie et les bastioni à prêter sur gage, pourquoi auraient-ils choisi d’investir dans une activité de prêt si elle était à perte ? En plus, étant donné que, comme nous l’avons dit, les pertes semblaient provenir exclusivement de la partie d’objets qui étaient vendus aux enchères, il aurait suffi de réduire l’incidence du non-rachat en abaissant leur évaluation. Le prêt sur gage, en effet, implique une dynamique relativement complexe, dans laquelle des évaluations différentes entrent en collision et s’influencent mutuellement. La valeur reçue par le débiteur (prix de l’objet ou PO) dérive de la valeur marchande du gage estimée par le créancier lors de la contraction du prêt sur gage (PM), qui doit également tenir compte de son gain (revenu, PR) et sur laquelle l’évaluation donnée par le propriétaire/débiteur (PP) agit pendant la négociation. Si le débiteur a la possibilité de restituer l’argent reçu en prêt et de racheter son gage, la valeur de PP est fondamentale : si PO ≥ PP, la dette ne sera pas remboursée et le débiteur essaiera peut-être de racheter son bien aux enchères en espérant le payer moins cher. Si PO < PP, il est probable que le propriétaire veuille récupérer son objet plutôt que risquer de le perdre pour un montant bien inférieur à ce qu’il estime être sa valeur réelle. Dans le même temps, le créancier doit s’assurer que PO < PM, sinon l’objet ne sera jamais racheté et sera probablement vendu aux enchères à la baisse. L’écart ne doit cependant pas être trop important pour ne pas limiter PR, qui dépend dans ce cas de la différence entre le prix d’achat et de vente du vin.

    38Par conséquent, plus l’évaluation des objets est faible, plus la probabilité qu’ils soient rachetés est élevée. En même temps, cependant, tout changement soudain dans l’évaluation n’est probablement pas attribuable à cette stratégie, car sinon cela affecterait trop les gains du créancier.

    Graphique 17 – Évolution de la valeur moyenne de prêts pendant le XVIIIe siècle.

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    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, b. 3 regg. 5, 6, b. 6, b. 7, b. 9, b. 16, b. 17, b. 18, b. 22, b. 35 b. 40, b. 41, b. 42, b. 43.

    39Le graphique 17 montre que la valeur moyenne des prêts tend à augmenter au cours du XVIIIe siècle (bien sûr, même à cause de l’inflation). C’est également le cas, même si c’est beaucoup moins évident, pour des données concernant certaines années consécutives (voir section entre 1742 et 1755), ce qui suggère que ce phénomène n’est pas totalement lié à des variations de prix plus générales.

    40Partant du postulat que l’activité de prêt sur gage n’ait pas fonctionnée à perte pendant plusieurs siècles, il est possible d’imaginer que l’incitation à la consommation offerte par la possibilité de mettre en gage légalement n’importe quel type d’objet compensait des pertes éventuelles. Toutefois, cette différence dans les données souligne plus probablement la présence d’un système plus complexe qu’on ne l’avait imaginé initialement. La difficulté de contrôler ce qui se passait dans les bastioni et les osterie, de vérifier comment les paiements d’intérêts avaient réellement lieu et de reconstituer la même dynamique d’opérations, permet d’avancer l'idée que les règles pouvaient être systématiquement ignorées et que les relations de crédit avaient lieu d’une manière beaucoup plus fluide et non-homogène que ce qui ressort des sources réglementaires.

    La fin est proche ?

    41Lors de l’analyse des différents aspects liés à l’organisation et au fonctionnement des ventes aux enchères, le problème qui semblait préoccuper le plus la Giustizia Nuova et le Collegio dei Sette Savi, était l’"écoulement" rapide des objets qui restaient dans les dépôts des bastioni et des osterie. À cet égard, en août 1773, les Sette Savi soulignaient qu’ils s’inquiétaient de la présence d’un « tas immense de gages invendus » qui, malgré toutes les interventions et les normes établies au fil des années, était si grand qu’ils « n’espéraient pas le vendre dans les délais fixés par la loi »32. Afin de rendre les procédures plus ordonnées et d’éviter les retards, des améliorations constantes avaient en effet été apportées à l’organisation des ventes aux enchères : en 1758, par exemple, un ordre avait été établi pour les bastioneri et les osti qui devaient se rendre aux enchères et, en 1761, il avait également été décidé de préciser le nombre de jours disponibles pour chacun d’entre eux, de sorte que les derniers de la liste ne soient pas exclus par manque de temps33. Malgré tout, le nombre d’objets ne cessait d’augmenter et il s’agissait désormais d’un sujet très préoccupant pour les magistrats : il faut aussi considérer que, plus le temps passait, plus les objets se détérioraient, au détriment des intérêts des pauvres qui les avaient engagés.

    42Il a donc été décidé de mettre en place une série d’enchères appelées “incanti extraordinaires” qui étaient tout à fait les mêmes que les “ordinaires” – ils étaient gérées par un masser spécifique – au cours desquels étaient mis en vente les objets engagés lors des condotte déjà passées. Selon les contrôles effectués par les Sette Savi dans six bastioni choisis au hasard dans chacun des six sestieri de la ville, il y avait en dépôt 8 364 gages résiduels (donc uniquement des invendus des années précédentes), pour une valeur de plus de 44 000 livres vénitiennes. Les Savi affirmaient aussi que cet échantillon ne représentait qu’environ 1/7 du stock total, soit plus de 58 000 objets pour un total d’environ 308 000 livres vénitiennes qui restaient à pourrir dans les entrepôts des bastioni et des osterie34. Malheureusement, aucun enregistrement des “incanti extraordinaires” n’a été retrouvé aux archives et nous ne pouvons donc pas savoir quel fut l’impact de ces nouvelles enchères ni quantifier le volume d’objets qui y transitèrent, bien que le stock global en donne une bonne idée35.

    43L’augmentation du nombre de gages à mettre en vente aux enchères correspondait en même temps à une diminution du nombre total d’objets mis en gage. Cela signifie qu’en dépit de toutes les tentatives des autorités publiques, le système était lentement en train de se briser et que les premières “fissures” commençaient à être visibles à partir des années 1789-1791. Dans une note rédigée par l’archiviste des imprimeries ducales, on peut lire qu’en 1789, 59 registres de gages de moins qu’en 1788 avaient été imprimés ; en 1790 on en comptait 64 en moins et en 1791 4536. Au total, puisqu’il était possible d’enregistrer jusqu’à 1 600 objets dans chacun d’eux, cela représente une diminution de 268 800 gages au cours des trois années, pour une valeur que les Sette Savi estimaient à environ 840 000 livres vénitiennes (3,125 livres décimales par gage, soit une valeur très proche de celle qui résulte de l’analyse des inventaires effectuée dans le chapitre précédent, 3,2 livres décimales)37.

    44En 1791, plusieurs bastioni décidèrent de ne pas se rendre aux enchères les jours désignés, même s’ils avaient un nombre élevé de gages en stock. En mai de la même année, le consortium des bastioneri de vin commença à se plaindre que les enchères duraient trop longtemps en prenant trop de jours, ce qui augmentait considérablement les frais à leur charge. En effet, le taux de vente aux enchères avait été calculé sur un total de 58 bastioni et 20 osterie simultanément en activité, alors qu’à cette époque-là leur nombre était beaucoup plus réduit, respectivement 46 et 2. Afin de remédier partiellement au problème et de réduire les jours à leur disposition, ils demandèrent et obtinrent le rétablissement des trois jours par mois réservés à la vente des gages des banques du Ghetto38.

    Tab. 20 – Enchères publiques et nombre d’objets vendus (moyenne, 1745 – 1795, *B = Bastioni, O = Osterie).

    AnnéeNb B/O* aux enchèresObjets vendusObjets / enchèresAnnéeNb B/O* aux enchèresaObjet vendusObjets / enchères
    174512741 45732617593356.9631.726
    174610739 51536917605553.427971
    174711144 73240317614075.0721.877
    17487849 40263317629576.063801
    17499255 86760717896744.267661
    175010558 2555551790265122.615463
    17518447 2725631791313116.781373
    17526657 5628721792297116.843393
    17534963 3631 2931793252119.524474
    175410873 9466851794273122.696449
    17559261 44666817959745.181466
    17563314 029425Moyenne 1745-1754631
    17576654 766830Moyenne 1755-17621 041
    17586163 0131 033Moyenne 1789-1795468
    a. Un même bastione ou osteria, comme nous le savons, pouvait participer aux enchères plusieurs fois pendant une année.

    Sources : ASVe, Giustizia Nuova, bb. 13, 40, 41, 42, 43.

    45En comparant les données relatives aux années 1745-1754, 1755-1762 et 1789-1795, on peut constater que le nombre total d’articles vendus aux enchères diminuait progressivement de façon significative (tab. 20). Il est intéressant de noter qu’au cours de la dernière période, malgré le fait que le nombre d’objets vendus était considérablement plus élevé qu’au cours des précédentes (la moyenne est passée de 54 000 à 119 000 par an), la fréquence à laquelle les osterie et les bastioni se rendaient aux enchères avait beaucoup augmenté et le nombre moyen de gages vendus dans chacune d’entre elles avait diminué (donc les coûts pour les bastioneri et osti augmentaient). Les incanti duraient un ou deux jours au plus pour chaque bastione et osteria et, en un court laps de temps, ces derniers étaient donc en mesure de liquider un nombre de gages beaucoup plus important que par le passé : si en 1745, 5 jours étaient nécessaires pour vendre 1 000 objets, en 1790 il était possible de le faire en deux39.

    46Bien que les données indiquent avec certitude qu’au moins jusqu’en décembre 1794 les ventes des gages non rachetés se poursuivaient sans problèmes majeurs, en mai 1795 l’Inquisiteur de la Giustizia Nuova se plaignit, non sans surprise, que tous les osti et les chefs de bastione déclaraient soudainement qu’ils n’avaient plus d’objets à vendre aux enchères. Un changement radical et soudain qui soulève de nombreux doutes, probablement les mêmes que ceux de l’Inquisiteur lui-même, puisqu’il ordonna à tous ceux qui déclaraient ne pas pouvoir participer aux enchères de se rendre chez le magistrat de la Giustizia Nuova et d’exprimer leur intention de ne plus vouloir continuer à prêter sur gage. Dans le cas contraire, ils devraient vendre les articles qu’ils avaient dans leurs entrepôts, quel qu’en soit le nombre, sous peine de recevoir une amende de 5 ducats. De plus, non convaincu de leur bonne foi, il avait planifié une série d’inspections pour vérifier si leur déclaration correspondait bien à la réalité40.

    47L’ordre que je viens de mentionner est le dernier concernant l’activité de prêt sur gage des osterie et bastioni qu’il est possible de trouver dans les sources datant d’avant de la chute de la République de Venise, qui se produira exactement deux ans plus tard, en mai 1797. Nous n’avons pas de données par rapport à la quantité de gages qui se trouvait dans les entrepôts des bastioni et osterie entre 1795 et 1797, nous ne pouvons donc pas évaluer précisément les éventuels changements dans la requête de prêt sur gage à cette époque. Toutefois, le 5 novembre 1797, soit après la chute de la République et pendant la période de la Municipalità Provvisoria (entre mai 1797 et octobre 1798), dans 34 bastioni il y avait encore des objets représentant une valeur totale d’environ 29 214 livres vénitiennes41.

    48De plus, quelque mois après ont été organisés des incanti extraordinaires dans le but de vendre tous les gages résiduels des années précédentes et qui dans les sources sont classés comme engagés sous le Governo Veneto (Gouvernement vénitien)42. Finalement, l’activé de prêt sur gage n’avait pas encore complètement cessé, bien qu’elle fût beaucoup moins importante que par le passé. Il est toutefois difficile d’établir les raisons de ce changement si radical et soudain : était-il dû à une diminution de la demande ? En effet, on a vu qu’entre 1789 et 1791 le nombre d’objets mis en gage était constamment diminué (268 800 objets en trois ans). Mais cela pouvait être aussi une conséquence de la volonté de l’offre, c’est-à-dire des osti et des bastioneri qui n’avaient plus d’intérêt à investir dans l’activité de prêt sur gage. À ce propos, parallèlement à la diminution du nombre d’objets engagés, on trouve aussi une augmentation de l’incidence d’objets qui n’étaient pas rachetés et qui devaient être vendus aux enchères (de 33 % à la moitié du siècle à 50 % après 1789).

    49En observant les données, il est légitime de se demander si le “système” de prêts sur gages basé sur les osterie et les bastioni était proche de sa fin. Les sources montrent sans équivoque que le nombre d’objets engagés avait considérablement diminué et que le taux de non-rachat augmentait également. De l’autre côté, les osti/bastioneri eux-mêmes envoyaient aux fonctionnaires de la Giustizia Nuova des signaux à cet égard, déclarant soudainement qu’ils n’avaient plus aucun gage à vendre. En réalité, il s’agissait plutôt d’une conséquence de la crise plus générale qui, quelques années plus tard, marqua la fin de la République elle-même, une période d’incertitude et de difficultés économiques visible à différents niveaux. Au cours des trente dernières années du XVIIIe siècle, les monts-de-piété de la terre ferme vénitienne enregistrèrent une augmentation constante de la demande de crédit, notamment surtout celui de Trévise, qui connut une augmentation exceptionnelle de 289 % de son chiffre d’affaires entre 1760 et 179543. On peut donc penser que ce phénomène était un des symptômes d’une pénurie généralisée d’argent, à laquelle était liée également la hausse du taux de non-rachat, le manque de liquidités rendant de plus en plus difficile le remboursement des dettes.

    50Si les origines d’une crise qui affecte tout le marché du crédit sont probablement communes, les réactions des acteurs en jeu sont parfois bien différentes. Les bastioneri finançaient les prêts avec l’argent provenant de leur activité commerciale ; ils étaient donc probablement affectés par le contexte économique général de la ville : en effet, une diminution de la vente de leurs produits – surtout le vin – avait un impact négatif sur la liquidité qu’ils pouvaient investir dans l’activité de prêt sur gage. De plus, une incertitude générale par rapport à l’avenir pouvait avoir conduit les investisseurs (bastioneri, ou conduttori) à une plus grande prudence dans la gestion de l’argent, encourageant ainsi la tendance à l’épargne. Enfin, même s’il ne s’agissait pas d’une perte totale, l’augmentation du nombre d’objets non rachetés mais revendus aux enchères pouvait générer une diminution significative de leur gain.

    51Malgré les crises et les nombreuses critiques, l’activité de crédit des bastioni et des osterie a réussi à surmonter les difficultés, mêmes celles liées à la chute de la République et aux années de domination française et autrichienne. Ainsi, les sources attestent avec certitude que dans les années 1820 il y avait encore des osterie et des bastioni qui prêtaient de l’argent sur gage, même s’il n’est pas possible de savoir dans quelles proportions44. Cela témoigne de la ténacité des osti et des bastioneri et surtout de la profondeur des racines de cette activité, qui remonte aux origines de la culture populaire vénitienne.

    Notes de bas de page

    1 Dans les sources, on trouve une indication générique piazza di Rialto qui indiquait probablement Campo San Giovanni, situé juste à côté du pont du Rialto. En effet, c’était le clocher de l’église du même nom qui signalait la conclusion des ventes à midi.

    2 ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 216v.

    3 Malheureusement, le procès n’est pas daté : en tout cas, certains éléments nous font supposer qu’il remonte à la deuxième moitié du XVIIIe siècle ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 28, fichier « Suppliche senza data ».

    4 Voir chapitre V, paragraphe 1

    5 ASVe, Giustizia Nuova, b. 17, documents non numérotés, 21/05/1787.

    6 « Une fois retenu par le masser, comme la loi le prescrit, et jour après jour, l’argent dû aux magistrats des Provveditori di Comun et au fonds Gramatici, il devra être payé ponctuellement auxdites magistratures, ledit masser demeurant responsable de cette somme dans le cas où il ne la collectât pas, comme il est [clairement spécifié] dans la loi du mois de mai 1700 », (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 206r.

    7 Ibid., f.o 206v.

    8 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.os 139r-139v ; « Parce qu’à cause de leur sagacité et de leur ruse, les bastioneri et osti ne demandent parfois pas l’autorisation de faire les cride, et ne se préoccupent jamais de se rendre aux enchères publiques, retenant entre leurs mains les gages des misérables, la loi du 12 mai 1730, par laquelle est résolument imposée la vente universelle de tous les gages au plus tard tous les six mois, est désormais republiée » (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 203v.

    9 En octobre 1791, le masser de la Giustizia Nuova se plaignait que « la plupart des gages à vendre quotidiennement dépassent le délai de six mois après lequel, selon la loi, ils devaient être vendus, non seulement de 8, 9, 10 mois, mais même d’un an, voire d’un an et demi » (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », 01/10/1791.

    10 ASVe, Giustizia Nuova, b. 22, 29/11/1760.

    11 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il Magistrato de’ Provveditori alla Giustizia Nova contro il Consorzio Mercanti Bastioneri », f.o 186.

    12 « Puissent-ils [osti et bastioneri] obtenir des autorisations de ne pas se rendre aux incanti si le nombre de gages est limité » (traduit par l’auteur), plus précisément, il devait être inférieur à 300 ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 22, documents non numérotés, 08/06/1769.

    13 Il s’agit d’une période pour laquelle on peut compter sur une série de données continue et complète.

    14 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 160.

    15 Voir le tab. 5, qui mentionne les données relatives aux enchères organisées pendant l’année 1755 ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 194.

    16 « Le nombre de ceux qui se rendent au magasin de vin et de malvasie pour manger et boire a tellement augmenté par rapport à ce qui est prévu par nos lois », traduit par l’auteur ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 146v, 31/07/1576 ; « Chacun de ces bastioni est situé juste à côté de quelque magasin de charcuterie, couramment appelé “luganegher”, pour l’avoir toujours à disposition en cas de besoin », Pivati 1744, vol. II, p. 180, terme Bastione.

    17 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o. 214r, 17 septembre 1749 ; la condotta était la période de gestion d’une osteria ou d’un bastione, normalement 2 ou 4 ans.

    18 Ibid., f.o 220v.

    19 ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 235v et Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 254r.

    20 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 389r.

    21 Il faut souligner que le nombre d’enchères n’est pas égal au nombre de jours dans lesquels il y avait des ventes. En effet, un seul bastione pouvait avoir besoin de plusieurs jours et même de plusieurs semaines pour vendre tous les gages qu’il avait dans son entrepôt.

    22 ASVe, Giustizia Nuova, b. 7, reg. 16, f.o 177r.

    23 ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.

    24 Les données météorologiques ont été relevées par Toaldo 1770, p. 69 et suivantes.

    25 Pour la série de prix du vin, voir ASVe, Giustizia Nuova, b. 8 et b. 9 ; pour le prix du blé à Venise, Georgelin 1978, annexe 46° (copie conservée à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne).

    26 Les gains du masser étaient proportionnels au total des ventes réalisées pendant les enchères ; il avait donc tout intérêt à vendre la plus grande quantité d’objets possible ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 28, documents non numérotés, 26/09/1791.

    27 Le premier octobre 1791, le Masser de la Giustizia Nuova se plaignait que les bastioni ne réussissaient pas à vendre tous leurs gages pendant la durée d’une condotta (c’est-à-dire 2 ans) et que « la plupart d’entre eux, puisqu’ils se sont fortement détériorés, sont vendus à un prix misérable au détriment des pauvres », traduit par l’auteur ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », 01/10/1791.

    28 Ching Chan – Owyon 2007, p. 61.

    29 Aujourd’hui, les pawnshops paient habituellement 50/60 % de la valeur réelle des gages ; Caskey – Zikmund 1990, p. 11.

    30 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 79r.

    31 ASVe, Governatori delle entrate, b. 447, fichier « Costituti dei bastioneri sul numero degli uomini impiegati in ogni bastione, e loro salario ». En tout cas, il y a des apprentis enregistrés comme travaillant dans des osterie : voir le résultat du projet « Garzoni. Apprenticeship, work, society in early modern Venice. 16th-18th centuries », disponibles à l’adresse suivante http://garzoni.dhlab.epfl.ch.

    32 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 105.

    33 Ibid., f.o 96.

    34 Ibid., f.o 105.

    35 En réalité, on a trouvé un registre de ce type, mais il s’agit de ventes qui s’étaient déroulés en 1798, sous le gouvernement de la Municipalità Provvisoria (bien que de nombreux objets aient été engagés l’année précédente, sous la domination de la Serenissima) ; ASVe, Deputazione o Delegazione alle cause pie, b. 116.

    36 Les registres des gages sont tout simplement les livres utilisés par les osti et les chefs de bastioni pour enregistrer les objets engagés chaque jour.

    37 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 197.

    38 Ibid., f.o 160.

    39 On peut imaginer que les données en notre possession sont relatives à la fois aux ventes aux enchères ordinaires et extraordinaires : malheureusement nous n’avons aucune indication par rapport à cela dans les sources.

    40 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 451r.

    41 En considerant une valeur moyenne des gages de 3,32 livres vénitiennes décimales, il s’agissait d’environ 8.000/9.000 objets ; ASVe, Municipalità provvisoria, b. 131, documents non numérotés, fichier « Foglio che dimostra come furono per la gratuita restituzione de pegni […] ».

    42 Voir ASVe, Deputazione o delegazione alle cause pie, b. 111, fichier « incanti estraordinari ». En ce qui concerne la Municipalità Provvisoria, Da Mosto 1937, t. I, p. 31-33.

    43 Ferlito 2009, p. 301.

    44 Biblioteca del Museo Correr di Venezia (BCMCV), mss pd 785 c/4.

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    1 Dans les sources, on trouve une indication générique piazza di Rialto qui indiquait probablement Campo San Giovanni, situé juste à côté du pont du Rialto. En effet, c’était le clocher de l’église du même nom qui signalait la conclusion des ventes à midi.

    2 ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 216v.

    3 Malheureusement, le procès n’est pas daté : en tout cas, certains éléments nous font supposer qu’il remonte à la deuxième moitié du XVIIIe siècle ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 28, fichier « Suppliche senza data ».

    4 Voir chapitre V, paragraphe 1

    5 ASVe, Giustizia Nuova, b. 17, documents non numérotés, 21/05/1787.

    6 « Une fois retenu par le masser, comme la loi le prescrit, et jour après jour, l’argent dû aux magistrats des Provveditori di Comun et au fonds Gramatici, il devra être payé ponctuellement auxdites magistratures, ledit masser demeurant responsable de cette somme dans le cas où il ne la collectât pas, comme il est [clairement spécifié] dans la loi du mois de mai 1700 », (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 206r.

    7 Ibid., f.o 206v.

    8 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.os 139r-139v ; « Parce qu’à cause de leur sagacité et de leur ruse, les bastioneri et osti ne demandent parfois pas l’autorisation de faire les cride, et ne se préoccupent jamais de se rendre aux enchères publiques, retenant entre leurs mains les gages des misérables, la loi du 12 mai 1730, par laquelle est résolument imposée la vente universelle de tous les gages au plus tard tous les six mois, est désormais republiée » (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 203v.

    9 En octobre 1791, le masser de la Giustizia Nuova se plaignait que « la plupart des gages à vendre quotidiennement dépassent le délai de six mois après lequel, selon la loi, ils devaient être vendus, non seulement de 8, 9, 10 mois, mais même d’un an, voire d’un an et demi » (traduit par l’auteur), ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », 01/10/1791.

    10 ASVe, Giustizia Nuova, b. 22, 29/11/1760.

    11 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il Magistrato de’ Provveditori alla Giustizia Nova contro il Consorzio Mercanti Bastioneri », f.o 186.

    12 « Puissent-ils [osti et bastioneri] obtenir des autorisations de ne pas se rendre aux incanti si le nombre de gages est limité » (traduit par l’auteur), plus précisément, il devait être inférieur à 300 ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 22, documents non numérotés, 08/06/1769.

    13 Il s’agit d’une période pour laquelle on peut compter sur une série de données continue et complète.

    14 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 160.

    15 Voir le tab. 5, qui mentionne les données relatives aux enchères organisées pendant l’année 1755 ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 194.

    16 « Le nombre de ceux qui se rendent au magasin de vin et de malvasie pour manger et boire a tellement augmenté par rapport à ce qui est prévu par nos lois », traduit par l’auteur ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 146v, 31/07/1576 ; « Chacun de ces bastioni est situé juste à côté de quelque magasin de charcuterie, couramment appelé “luganegher”, pour l’avoir toujours à disposition en cas de besoin », Pivati 1744, vol. II, p. 180, terme Bastione.

    17 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o. 214r, 17 septembre 1749 ; la condotta était la période de gestion d’une osteria ou d’un bastione, normalement 2 ou 4 ans.

    18 Ibid., f.o 220v.

    19 ASVe, Giustizia Nuova, b. 1, f.o 235v et Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 254r.

    20 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 389r.

    21 Il faut souligner que le nombre d’enchères n’est pas égal au nombre de jours dans lesquels il y avait des ventes. En effet, un seul bastione pouvait avoir besoin de plusieurs jours et même de plusieurs semaines pour vendre tous les gages qu’il avait dans son entrepôt.

    22 ASVe, Giustizia Nuova, b. 7, reg. 16, f.o 177r.

    23 ASVe, Giustizia Nuova, b. 43.

    24 Les données météorologiques ont été relevées par Toaldo 1770, p. 69 et suivantes.

    25 Pour la série de prix du vin, voir ASVe, Giustizia Nuova, b. 8 et b. 9 ; pour le prix du blé à Venise, Georgelin 1978, annexe 46° (copie conservée à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne).

    26 Les gains du masser étaient proportionnels au total des ventes réalisées pendant les enchères ; il avait donc tout intérêt à vendre la plus grande quantité d’objets possible ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 28, documents non numérotés, 26/09/1791.

    27 Le premier octobre 1791, le Masser de la Giustizia Nuova se plaignait que les bastioni ne réussissaient pas à vendre tous leurs gages pendant la durée d’une condotta (c’est-à-dire 2 ans) et que « la plupart d’entre eux, puisqu’ils se sont fortement détériorés, sont vendus à un prix misérable au détriment des pauvres », traduit par l’auteur ; ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla giustizia nova contro il consorzio mercanti bastioneri », 01/10/1791.

    28 Ching Chan – Owyon 2007, p. 61.

    29 Aujourd’hui, les pawnshops paient habituellement 50/60 % de la valeur réelle des gages ; Caskey – Zikmund 1990, p. 11.

    30 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 79r.

    31 ASVe, Governatori delle entrate, b. 447, fichier « Costituti dei bastioneri sul numero degli uomini impiegati in ogni bastione, e loro salario ». En tout cas, il y a des apprentis enregistrés comme travaillant dans des osterie : voir le résultat du projet « Garzoni. Apprenticeship, work, society in early modern Venice. 16th-18th centuries », disponibles à l’adresse suivante http://garzoni.dhlab.epfl.ch.

    32 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 105.

    33 Ibid., f.o 96.

    34 Ibid., f.o 105.

    35 En réalité, on a trouvé un registre de ce type, mais il s’agit de ventes qui s’étaient déroulés en 1798, sous le gouvernement de la Municipalità Provvisoria (bien que de nombreux objets aient été engagés l’année précédente, sous la domination de la Serenissima) ; ASVe, Deputazione o Delegazione alle cause pie, b. 116.

    36 Les registres des gages sont tout simplement les livres utilisés par les osti et les chefs de bastioni pour enregistrer les objets engagés chaque jour.

    37 ASVe, Giustizia Nuova, b. 44, fichier « Per il magistrato de’ provveditori alla Giustizia Nova contro il consorzio mercanti bastioneri », f.o 197.

    38 Ibid., f.o 160.

    39 On peut imaginer que les données en notre possession sont relatives à la fois aux ventes aux enchères ordinaires et extraordinaires : malheureusement nous n’avons aucune indication par rapport à cela dans les sources.

    40 ASVe, Giustizia Nuova, b. 2, reg. 4, f.o 451r.

    41 En considerant une valeur moyenne des gages de 3,32 livres vénitiennes décimales, il s’agissait d’environ 8.000/9.000 objets ; ASVe, Municipalità provvisoria, b. 131, documents non numérotés, fichier « Foglio che dimostra come furono per la gratuita restituzione de pegni […] ».

    42 Voir ASVe, Deputazione o delegazione alle cause pie, b. 111, fichier « incanti estraordinari ». En ce qui concerne la Municipalità Provvisoria, Da Mosto 1937, t. I, p. 31-33.

    43 Ferlito 2009, p. 301.

    44 Biblioteca del Museo Correr di Venezia (BCMCV), mss pd 785 c/4.

    L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle

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    Pompermaier, M. (2022). Chapitre 4 - Le “cycle des gages” : posséder, mettre en gage, vendre et acheter. In L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle (1‑). Publications de l’École française de Rome. https://doi.org/10.4000/books.efr.21198
    Pompermaier, Matteo. « Chapitre 4 - Le “cycle des gages” : posséder, mettre en gage, vendre et acheter ». In L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle. Rome: Publications de l’École française de Rome, 2022. https://doi.org/10.4000/books.efr.21198.
    Pompermaier, Matteo. « Chapitre 4 - Le “cycle des gages” : posséder, mettre en gage, vendre et acheter ». L’économie du ‘mouchoir’ : crédit et microcrédit à Venise au XVIIIe siècle, Publications de l’École française de Rome, 2022, https://doi.org/10.4000/books.efr.21198.

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