Nomina, tituli et loci : en quête d’une définition des personae du princeps
p. 59-86
Résumés
À partir de la documentation épigraphique, et nourri par les données complémentaires de la numismatique et de la littérature gréco-latine, cet essai envisage les différentes personae des empereurs romains afin de définir la nature des postures impériales sur une longue durée, d’Auguste au ive siècle de notre ère. La polysémie du mot persona enrichit la portée de cette réflexion, entre personnage ou caractère de théâtre et degré de l’ordre successoral. Sont ainsi analysées les titulatures impériales, et notamment leurs enseignements à propos des noms (nomina), titres et fonctions (tituli) des empereurs romains. Quelques aspects d’une mise en scène du discours impérial par les mots, images et cérémonies urbaines dans l’espace de la cité de Rome (ces loci du paysage politique, enjeux de l’exécution des rituels du politique) sont enfin brièvement abordés afin de rendre compte de l’identité du princeps, construite pas à pas, d’un magistrat, primus inter pares, à un souverain paré des vertus philosophiques légitimant son pouvoir dans l’empire.
From the epigraphic documentation, and fed by the complementary data of numismatics and Greek and Latin literature, this essay considers the different personae of the Roman emperors in order to define the nature of the imperial postures over a long period, from Augustus to the 4th century AD. The polysemia of the word persona enriches the scope of this reflection, between person or character of theatre and degree of the succession order. The imperial titulatures, and in particular their teachings about the names (nomina), titles and functions (tituli) of the Roman emperors, are analysed. Some aspects of a staging of the imperial discourse by words, images and ceremonies in urban space (these loci of the political landscape, issues of the execution of the rituals of politics) are briefly discussed in order to give an account of the identity of the princeps, built step by step, from a magistrate, primus inter pares, to a sovereign endowed with philosophical virtues legitimizing his power in the empire.
Entrées d’index
Mots-clés : Tria nomina officiels et personnels, imperium et puissance tribunicienne, cognomina deuictarum gentium, père de la patrie, princeps et populus
Keywords : Official and Personal Three Names, imperium and tribunician power, names of defeated peoples, father of the Homeland, prince and people
Texte intégral
1De quel empereur romain parle-t-on ? De quels masques revêt-on le pouvoir impérial à Rome, sur une longue durée qui ménage inflexions et repentirs ? Quels sont ces individus qui portent le costume d’Imperator Caesar Augustus, depuis le fondateur du Principat, voire son père adoptif, si l’on prend le parti-pris de Suétone en compte, jusqu’aux figures tardives, des princes constantinides ou théodosiens ? L’étude du pouvoir impérial à Rome suppose diverses approches, comme nous l’enseignent les Anciens puis les Modernes, d’une écriture biographique de l’histoire, d’un Suétone à son continuateur tardif anonyme sous le masque des hétéronymes de l’Histoire Auguste, dont la pratique discursive est accompagnée par les abréviateurs, aux réflexions théoriques sur la nature d’un pouvoir construit sur les fondements de la res publica et les ressorts d’une société politique aristocratique et de ses rituels1. Les sources et leurs commentateurs ménagent de nombreuses voies d’accès à ces principes, de l’établissement de listes, chronologiques ou bien orientées par une lecture des vertus des empereurs, ces fameux boni et mali principes de l’Histoire Auguste, qui s’appuient sur les constructions rhétoriques et cérémonielles d’une dualité bien normée : les princes vertueux deviennent des diui, les tyrans sont condamnés de mémoire2… Et les images viennent relayer ces lectures favorisées par un discours impérial fort bien construit : les galeries de portraits soulignent la succession impériale des bons empereurs, des groupes statuaires de l’époque augustéenne et julio-claudienne – sans parler du programme du forum Augustum avec les célèbres summi uiri – aux peuples des statues de la période tardo-antique3. Les Res gestae diui Augusti ont finalement mis en scène tout ensemble les mots et les images afférentes. Songeons au monument impérial d’Apollonia en Galatie4. Tandis que de véritables « jeux de tête » viennent opportunément brouiller les pistes des identités impériales, les Caligula, Néron, Domitien au ier siècle changeant d’aspect et de nom au fur et à mesure des condamnations de mémoire, tandis que les inscriptions palimpsestes témoignent pareillement de ces changements successifs du récit impérial au long cours5.
2Les personae des princes font écho tout à la fois au sens premier des caractères de théâtre qui livrent autant de postures impériales que de titulaires de la statio principis, le biographe Suétone relevant à propos du vieil Auguste sur le point de mourir une remarque faisant directement allusion à un rôle de composition6. C’est également en droit romain la référence non pas tant à tel individu particulier mais bien à telle classe de successeurs, voire tel degré de l’ordre successoral7. Il est loisible de considérer que la faiblesse constitutive du régime augustéen, à savoir l’absence de modalités de transmission et d’accession au pouvoir impérial pleinement assurées, puisse ainsi se retrouver au cœur de nos débats à propos des perceptions et compréhensions de l’édifice du nouus status. Que la famille julio-claudienne puis la famille flavienne incarnent, l’une pour près d’un siècle, l’autre pour un peu plus d’un quart de siècle, la Res publica impériale est tout à fait essentiel. Il en va de même de la construction d’une légitimité au long cours par les Antonins qui livre les clefs de l’édifice à Septime Sévère : l’insertion du prince régnant au sein de la longue série des princes morts et divinisés, l’Imperator Caesar Augustus étant celui qui participe d’une histoire et (se) joue de la mémoire collective8. En ce sens, l’enquête portant sur le « costume » du prince trouve dans la quête des définitions d’un régime son expression la plus aboutie : à savoir une cérémonie d’accession au pouvoir qui joue sur les apparats de la charge que sont le costume et le char. Avec la mise en scène de l’abdication de Dioclétien9, tous les éléments d’un drame en un acte (et de nombreuses scènes urbi et orbi) se trouvent réunis pour une exposition magistrale de la nature du pouvoir impérial sur près de trois siècles et demi : que nous soyons à Rome, dans une résidence impériale, un camp militaire, en présence de l’assemblée sénatoriale ou de soldats jouant une fiction du populus Romanus assemblé, il s’agit toujours de faire le prince, de lui conférer une légitimité par les noms, les pouvoirs et son insertion dans les lieux de son exercice du politique.
3Dans ce qui s’apparente à un essai, au terme d’une longue fréquentation des princes et de leurs modes d’être au monde, je me propose d’envisager les personae impériales sur une longue durée. Les diverses identités revêtues par les princes qui se sont succédé à la statio principis ressortissent toutes à une pratique fondamentalement commune, particulièrement dépendante des prémices augustéennes : une dénomination de ce qu’est le prince par les nomina qui le désignent au monde, les membres des ordines et le populus Romanus ; des pouvoirs qui se sont affirmés au sein de la res publica par une captatio des usages républicains, des tituli en attestant urbi et orbi ; quant à la mise en scène de cet « animal politique », depuis Rome jusqu’aux confins de l’Imperium Romanum, elle prend place en des lieux qui servent d’écrin (de scènes de théâtre ?) au ciuilis princeps, soucieux d’être un primus inter pares tout comme au souverain magnifié par l’apparat monarchique du pouvoir, d’Auguste au ive siècle de n. è. La contestation de la personne du prince, sa mise à mort, joue sur les personnes du prince, ou pour le dire plus directement avec le franchissement des limites du consentement de la société politique au pouvoir d’un seul10, à cette monarchie qui ne dira que très tardivement son nom, peut-être dans l’attente de l’onction chrétienne ! En cette aventure humaine, il est question de personnalités et de convictions politiques, tout autant que de co-construction d’une identité impériale acceptable par tous, en un monde qui se cherche un destin commun, une ciuitas universelle sous la protection des dieux puis de Dieu.
Nomina, les noms du prince « pour le dire »
4Je partirai pour chacune des articulations de ma démonstration des Res Gestae Diui Augusti, non pas que les inscriptions monumentales anatoliennes nous renseignent sur une véritable communication politique11, sinon sur l’importance d’un marqueur spatial qui identifie le prince et son œuvre dans l’espace public, en contexte cultuel, par les mots et les images (les textes en latin et en grec, les groupes statuaires et l’ensemble des gestes du culte impérial convoquant périodiquement les populations de ces cités, quel que soit leur statut, à la commémoration du conditor divinisé). Il s’agit bien plutôt pour moi de mettre en regard l’ensemble de mes réflexions sur les personae du prince et le discours impérial prononcé en séance sénatoriale à l’été 14 qui est à l’origine du texte diffusé dans l’ensemble de l’empire afin d’y être gravé et affiché. Si consentement il y a, c’est bien dans le cadre de la curie du forum, lors de la lecture, par Tibère puis Drusus, de l’ensemble du document qu’il s’est agi d’écrire collectivement, par l’approbation silencieuse, une histoire officielle des années 44 av. – 14 de n. è. qui accompagne la naissance d’une persona augustéenne, des noms, des titres et fonctions, en des lieux de commémoration donnés12.
5Le témoignage augustéen façonne l’identité impériale du princeps en abordant les étapes d’une construction onomastique tout à fait originale au travers de plusieurs chapitres de son bilan politique. Mon premier argument est que les noms du prince — ces tria nomina augustéens d’Imp(erator) Caesar Augustus —, tels qu’ils ont été établis par étapes, de la mort de César aux séances sénatoriales de janvier 27, rendent compte également de la fixation d’une norme onomastique pour les citoyens romains au cours du ier siècle av. n. è., à une époque durant laquelle la citoyenneté, à la suite de la guerre des alliés et des progrès de la domination romaine du bassin méditerranéen, a connu une progression numérique tout à fait exceptionnelle. Il suffit de rappeler un ordre de grandeur et de considérer qu’entre les lois des années 90-89 av. et le témoignage des Res Gestae Diui Augusti les citoyens sont cinq fois plus nombreux. La constatation d’un lien étroit entre le nom du prince et celui des citoyens confirme une fois de plus que le principat augustéen se présente comme l’héritier de la res publica des iie et ier siècles av. n. è., de Polybe à Cicéron. À suivre les conclusions de l’enquête menée par Benet Salway (1994), les tria nomina représenteraient une étape transitoire dans un processus d’évolution qui établirait finalement une plus grande constance des duo nomina. Si la démonstration est convaincante, il n’en demeure pas moins qu’il nous faut être attentif à cette simultanéité entre une nouvelle pratique onomastique, la diffusion de la citoyenneté romaine en Italie puis dans l’empire, enfin la mise en place d’un nouveau régime autour du princeps. Cette remarquable conjonction explique certainement, une fois l’édit de Caracalla pleinement appliqué dans les provinces, une nouvelle étape de la pratique onomastique qui efface progressivement la domination des trois noms au profit d’usages qui vont s’affirmer à l’époque tardive et durant les premiers siècles du Moyen Âge. En l’occurrence, nous retrouvons le même type de perspective chronologique tandis que l’unité d’une période, conduisant des imperatores au premier empereur chrétien, s’en trouve une fois de plus confirmée13.
6S’il n’est pas nécessaire de revenir en détail sur les étapes qui conduisent du jeune C. Octauius à l’Imp(erator) Caesar Augustus, en passant par une adoption testamentaire dont les conséquences onomastiques n’ont pas été véritablement diffusées (C. Iulius Octauianus)14, il importe toutefois d’en souligner les aspects les plus remarquables : le choix d’un nomen tiré d’un cognomen dont le poids politique importait au plus haut point et celui d’un praenomen qui s’inscrit dans les stratégies politiques de l’époque triumvirale et des affrontements entre différents compétiteurs, des fils de Pompée jouant sur le cognomen Magnus au jeune César s’affirmant imperator15. Ce terme inscrit dans les gènes du nouus status augustéen la victoire et le lien privilégié entre l’imperator et l’ensemble des composantes de la cité impériale, citoyens et soldats16. L’Imperator Caesar des années triumvirales17 ajoute en janvier 27 un nouvel élément à sa nomenclature et signe par-là la prépondérance définitive pour deux siècles et demi des tria nomina. On relève ainsi que le nomen Caesar est par deux fois mentionné dans les RGDA en liaison étroite avec la dimension dynastique de l’œuvre augustéenne, ou pour le dire autrement la constitution d’une domus Augusti, quand il s’agit de mentionner les petits-fils adoptés d’Auguste, tandis que la collation d’un cognomen en séance sénatoriale, le 16 janvier 27, fait partie de la conclusion en deux temps du témoignage augustéen18.
7Le premier siècle de la République impériale19 vit se succéder à la statio principis, d’une part, les membres d’une domus Augusti – devenue Augusta –, dont les liens du sang pouvaient faciliter l’accession au pouvoir et prendre une nette dimension légitimatrice et, d’autre part, une nouvelle famille italienne qui tirait les leçons de la crise de 68-69, lui imposant une pratique onomastique afin de régler plus ou moins définitivement la question de l’identité du détenteur de la statio principis et sa place au sein de la res publica. La vêture impériale était alors affaire de noms. Si les princes éphémères de l’Année des quatre empereurs prirent des décisions de transition, c’est bien avec les Flaviens que l’usage allait se fixer avant que les normes antonines ne s’imposent, comme le prouvent les données de la pratique épigraphique et papyrologique.
8Il importe ainsi de constater que les troubles de l’année 68-69 et l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle dynastie, la famille des Flaviens, coïncident avec la fixation d’une pratique régulière de la séquence Imp(erator) Caesar Augustus, à partir de Vespasien. On constate bien quelques variantes dans l’ordre de ces titres précédemment, par exemple pour deux des protagonistes de la guerre civile avec l’usage des nomenclatures suivantes : A(ulus) Vitellius Germanicus Imp(erator) Caesar Augustus par apposition plus ou moins complète de deux onomastiques, tandis qu’Othon avait choisi une formule retenue par la suite en se dénommant, notamment dans les actes des frères arvales, Imp(erator) M(arcus) Otho Caesar Augustus20. On trouve également quelques différences pour Vespasien lui-même, qui est tantôt Imp(erator) Caesar Vespasianus Augustus ou bien Imp(erator) Vespasianus Caesar Augustus21. Ces diverses variations de nomenclatures sont toutes liées au problème de la nécessaire insertion d’un nom personnel au sein de la séquence officielle, ce type de séquence binominale (officielle et personnelle) devenant régulière et fixe sous le règne de Trajan, les quelques exceptions provenant plutôt d’anomalies épigraphiques ou numismatiques que d’une véritable diversité de pratiques.
9La nécessité d’introduire son propre nom, comme nous venons de le voir avec Vespasien, conduit en définitive à la norme d’une double nomenclature. Citons les cas des deux fils du premier Flavien. Nous trouvons ainsi un usage parallèle avec quelques différences qui s’expliquent par les nécessités plus ou moins grandes d’une individualisation des fils de Vespasien. Titus qui porte les mêmes noms que son père, ce qui est un cas courant pour de nombreux Romains, en particulier les fils aînés, introduit son prénom comme élément distinctif : Imp(erator) T(itus) Caesar diui Vespasiani f(ilius) Vespasianus Augustus22. Quant à Domitien, la nomenclature légèrement simplifiée est la suivante : Imp(erator) Caesar diui Vespasiani f(ilius) Domitianus Augustus Germanicus23. L’usage est devenu régulier sous les Antonins, avec l’insertion des noms personnels de manière systématique entre la filiation et le surnom, même si l’on peut recenser quelques variations dans les formulaires employés, comme le confirme le cas de Trajan. Son père adoptif se dénomme parfois Imp(erator) Nerua Caesar Augustus24, lui-même étant le plus souvent appelé sous cette nomenclature devenue canonique : Imp(erator) Caesar diui Neruae f(ilius) Nerua Traianus Augustus25. Parfois, nous trouvons une insertion entre le prénom et le nom officiel du prince : Imp(erator) Nerua Traianus Caesar Augustus26. L’exemple célèbre de la titulature de Septime Sévère prouve le recours à une norme officielle pour la dénomination du prince, qui est donc le fruit d’une évolution depuis Auguste et peut être résumée par l’intégration en une seule formule onomastique de tria nomina « impériaux » (Imp. Caesar Augustus) et des noms du titulaire de la fonction. Nous trouvons donc en 193-195 une nomenclature sévérienne qui applique l’insertion des noms personnels entre nomen et cognomen : Imp(erator) Caesar L(ucius) Septimius Seuerus Pertinax Augustus27, en relevant un premier usage significatif de l’appropriation du surnom d’un prédécesseur (Pertinax), avant que ne soit intégrée la filiation antonine à partir de 19728.
10Le princeps est bien devenu, sur la longue durée, celui qui revêt les tria nomina augustéens, tout en insérant sa propre nomenclature, et s’affirme ainsi en latin, ou bien en traduction/translittération grecque (par exemple sebastos/augustos), comme le détenteur de la charge impériale. Je reviendrai brièvement in fine sur les quelques enseignements des postures tardives, jouant sur les mots et images impériales héritées des premiers siècles. Mais les noms ne sont qu’une des affirmations, aux côtés des titres et fonctions, et de la mise en scène de ces personae impériales, de ce qu’était un empereur romain29.
Tituli, les fonctions du prince « pour le faire (exister) »
11Si les usages épigraphiques des deux derniers siècles de la République livrent un embryon de pratiques d’une autoreprésentation et de la célébration des membres de l’aristocratie sénatoriale au moyen des premiers cursus, le plus souvent encore assez sélectifs, la période triumvirale ouvre sur de nouvelles formes d’affirmation de soi au travers d’inscriptions plus élaborées. C’est cette forme, combinée avec les besoins du discours impérial augustéen de légitimation du nouveau pouvoir, qui débouche sur les séries bien documentées de cursus équestres et sénatoriaux des trois premiers siècles de notre ère d’une part, et d’autre part, en ce qui nous concerne plus directement, la mise en place de titulatures impériales30 destinées à rendre compte de la nature du nouus status, ce qui revient à formaliser une identité particulière aux diverses personae de l’Imperator Caesar Augustus au cœur de la res publica impériale. Au-delà des noms que nous venons d’aborder, s’ajoutent les titres et fonctions qui définissent le contenu de ce nouveau pouvoir impérial puis affinent, d’étapes en étapes, une approche tant officielle que semi-officielle du pouvoir impérial, urbi et orbi31.
12Les RGDA abordent en plusieurs étapes la construction des pouvoirs augustéens, d’une narration fort sélective de l’entrée du jeune Octavien dans le jeu politique, de l’automne 44 av. n. è. à la lex Titia du 27 novembre 43, à la collation du titre de pater patriae, en passant par l’affirmation de la dimension triomphale de son pouvoir que nous avons évoquée supra (cit. n. 16), de même que la mention des charges sacerdotales32. La titulature impériale livre, par les nombreuses déclinaisons épigraphiques et papyrologiques, tandis que des versions plus simplifiées prennent place sur les monnaies, une leçon quant à la réception des pouvoirs du prince, des décisions augustéennes au legs tardo-antique des usages normés au cours de trois bons siècles de pratiques du pouvoir impérial. L’approche « républicaine » s’affirme au moyen des choix stratégiques opérés par Auguste. Dès lors, la pratique que d’aucuns considèrent comme assez rapidement monarchique des pouvoirs du princeps n’efface en rien une réalité institutionnelle qui tire la substance de la légitimité impériale d’une persona sans cesse identifiée au magistrat républicain. Le titulaire de la statio principis est garant du bon fonctionnement de la res publica et se veut à l’égal des magistrats supérieurs, un primus inter pares qui se prévaut toutefois d’une auctoritas33 et très vite d’un lien privilégié avec les dieux et les divinisés, ses pères.
13Si les études portant sur la nature précise des pouvoirs du prince ont particulièrement renouvelé notre compréhension de ce « qu’était un empereur romain » depuis deux décennies (Veyne 2005, Ferrary 2001a et b), les sources augustéennes puis les vêtures successives des habits impériaux, de prince en prince, confirment les postures initiales que la lecture des RGDA atteste magistralement. Il en va ainsi de la pratique d’une appropriation progressive du contenu des magistratures au bénéfice du prince et d’un recours instrumentalisé à la prise du consulat, variable suivant les besoins d’affirmation de la place du princeps au sein de l’aristocratie sénatoriale34. Imperium et puissance tribunicienne sont au cœur de la définition augustéenne des pouvoirs du prince et se retrouvent donc en bonne place dans la composition des titulatures. L’imperium investit fortement le discours épigraphique d’affirmation de la statio principis en relayant l’importance du retour à la paix célébré par les auteurs augustéens et mis en exergue par la lecture tacitéenne de ce nouus status35. Le prénom, le compte des salutations impératoriennes, le renouvellement plus ou moins fréquent du consulat puis, in fine, la mise en relief du titre de proconsul dans une lecture pleinement « impériale » de la place éminente de l’empereur urbi (consul) et orbi (proconsul) signent l’une des personae éminentes de l’empereur, celle que les statues en imperator célèbrent à dessein. La puissance tribunicienne complète le tableau que le commentaire augustéen prolonge en jouant sur les charges (curae) acceptées ou refusées36. Seule la censure peut ponctuellement prendre place sous Claude et les Flaviens dans cette formulation officielle des pouvoirs de l’empereur37.
14Au reste, la dimension religieuse – et, que l’on accepte ou non le terme, plus ou moins sacralisée –, de la posture impériale s’affirme au travers des mentions des quatre collèges sacerdotaux jusqu’à 6 mars 12 av. n. è.38, après la mort de Lépide et la prise du grand pontificat pour Auguste39, et désormais la mention décalée dans le temps du port de ce titre pour tous ses successeurs40, tandis que les longues listes de divinisés insistent sur les rapports étroits entre le prince et le monde des dieux41. La remise en dernier lieu du titre de pater patriae pour Auguste42, en 2 av. n. è., et la progressive construction d’une identité impériale qui joue sur la dimension territoriale d’un empire sine fine, par le port des cognomina deuictarum gentium43, signent définitivement l’importance d’une construction politique destinée à faciliter la pérennité du régime augustéen. Cette approche lie destin de la cité impériale et destin du titulaire de la charge, tout autant que la fiction paternelle permet de jouer sur les registres juridiques de la figure du père, fort prégnante dans la cité depuis ses origines, « cité des pères » s’il en est, et donc de ce père de la patrie qui se trouve formellement protégé (mais également désigné à la colère de ses opposants éventuels) par la sacrosanctitas des tribuns et le sacrilegium que constitue le publicum parricidum, comme pour tous les pères44.
Loci, mettre en scène les lieux d’exposition des personae du prince. En guise d’épilogue
15La titulature impériale nous livre une expression plus ou moins officielle concernant cet Imperator Caesar Augustus qui a pris place au cœur de la res publica. Ses noms, ses titres et fonctions, ses ascendants divinisés, ses surnoms faisant référence à ses victoires, avérées ou supposées, garantes du territoire impérial et de la pax, et cette identité de pater patriae45, envahissent les espaces urbains et extra-urbains, tituli des statues participant de la parure des cités de l’empire, frontons de nombreux monumenta, et bornes milliaires qui jalonnent le territoire impérial sous la protection du représentant des dieux. Si les pouvoirs du magistrat exceptionnel qu’est le princeps, et ce jusqu’à une époque avancée de l’Antiquité tardive, la fiction républicaine demeurant dans la rhétorique des discours46, s’affichent a minima sur les documents épigraphiques ou papyrologiques (imperium et tribunicia potestas), il est une figure qui s’impose progressivement, celle du juge ou du magister legum, auquel les citoyens s’adressent plus ou moins directement en vertu de la prouocatio ad principem47. Ces liens entre prince et peuple se mettent en scène dans l’espace des cités, comme lors du séjour de Septime Sévère et Caracalla à Alexandrie, ou pour stigmatiser des comportements jugés discutables, par exemple Claude et sa pratique de tenir tribunal in cubiculo48.
16Les RGDA achèvent le récit augustéen d’un demi-siècle d’histoire romaine par deux chapitres conclusifs (34 et 35) à propos de la remise du cognomen Augustus et du titre de pater patriae, en 27 et 2 av. n. è. Or ces deux passages cités supra (n. 18 et 32) mettent en scène des acteurs du jeu politique impérial et des lieux qui tissent une topographie politique tout à fait remarquable. Il s’agit d’une part à la base du consensus uniuersorum de la formule classique du Sénat et du peuple romain en 27, et d’autre part du Sénat, de l’ordre équestre et du peuple romain qualifié d’uniuersus en 2. Quant aux lieux mentionnés lors de la remise du cognomen, de la couronne civique et du bouclier des vertus, on relève la maison d’Auguste au Palatin et la curie julienne au forum, tandis que le forum Auguste est ajouté à la liste lors de l’octroi du titre de père de la patrie. Ce sont ces loci qui, avec le temps, deviennent les enjeux majeurs d’une relation plus ou moins directe ou distanciée entre le princeps et le populus, proximité ou éloignement de l’empereur étant des clefs de lecture de la rhétorique des boni et mali principes, sans parler de la figure du princeps clausus. Ceci dessine une approche spatiale des lieux de rencontre, plus ou moins institutionnalisée comme je l’évoquais dans ma Fête à Rome (Benoist 1999), entre le princeps et le populus, au cours d’un calendrier qui met en scène régulièrement le pouvoir impérial dans le cadre de rituels politiques plus ou moins élaborés. Il peut s’agir bien évidemment de ce que j’ai plus particulièrement étudié dans mon Rome, le prince et la Cité (Benoist 2005a) : aduentus, triomphes, funérailles, fêtes séculaires et jubilaires ; mais également des réunions régulières du Sénat auxquelles, quand il est présent à Rome, le prince assiste ainsi que les spectacula. Les déplacements dans la cité sont également le lieu de rencontres, parfois risquées avec le peuple. Dans cette perspective, le prince se doit de revêtir une persona qui atteste son écoute du peuple et de ses demandes. Les périodes de crise et de tension, disette ou catastrophe naturelle, bouleversements politiques de diverses natures ou tensions militaires aux frontières de l’empire sont particulièrement scrutées49.
17Les fondements augustéens de la pratique de l’échange peuvent ainsi être abordés en tirant les enseignements de l’octroi du titre de père de la patrie, puis en traitant des dimensions religieuse et civique de la rencontre du prince et de la cité, enfin en tentant de définir « l’image publique » de l’empereur qui résulte d’une telle approche. Je ne peux que très brièvement évoquer quelques points saillants. Les événements de l’année 2 av. n. è., sans prêter foi à toutes les tentatives de reconstitution de la séquence des faits50, permettent toutefois d’insister sur plusieurs éléments significatifs. C’est notamment le cas d’une adresse au prince qui se déroula, nous précise-t-on, durant des spectacula. Si nous nous en tenons à l’ordre des faits établi par Suétone51, il s’agit peut-être de commémorations célébrant au mois de janvier certains aspects de la « geste du prince » (par exemple le 30 janvier pour la dédicace de l’ara Pacis qui coïncide avec le natalis de Livie52). Dès lors, il importe de considérer cette forme d’échange – qui a été sans nul doute préparé – la foule apparaissant couronnée (ineunti Romae spectacula frequens laureata), dans le cadre du vaste débat traitant d’une éventuelle « dépolitisation » dans la cité53. L’espace et le temps de la fête ont été judicieusement choisis à l’époque d’Auguste, en fonction du calendrier civique romain. En 2, du mois de février consacré traditionnellement à de nombreux gestes de purification aux cérémonies d’inauguration du nouveau forum au mois d’août, il importe de relever l’importance de ce nouveau lieu de commémoration de la ciuitas Romana, le forum Augustum, avec son programme décoratif et les nouvelles fonctions liées à la lex templi de Mars Vltor54. Cette dernière étape de la définition du principat augustéen s’insère donc dans un ensemble festif qui obéit à des règles destinées à renforcer les formes de reconnaissance et d’identification du nouveau pouvoir.
18Les leçons de la conduite augustéenne ont été retenues par ses successeurs, ce qui nous permet de relever l’existence d’un véritable discours en actes et en images que je compte brièvement aborder en constatant le respect des grandes lignes de la représentation du princeps définies par le fondateur du régime. Je mentionne, en premier lieu, ce que la poursuite des politiques festive et frumentaire implique pour la perception de l’image du prince. Il ne s’agit pas de revisiter longuement le slogan provocateur de Juvénal et de prendre le contre-pied de son panem et circenses, qu’il ne faut pas interpréter au sens moral – ce que suggère le poète –, mais bien politique et idéologique. En effet, l’objectif est de rendre compte de deux fonctions essentielles du prince à l’égard du populus de la cité (et partant de l’empire, lors de ses déplacements et visites, comme l’atteste par exemple la politique d’Hadrien dans l’ensemble des provinces parcourues). Il ne s’agit pas uniquement de le nourrir et de le distraire, pour l’empêcher d’agir politiquement, dans une cité au passé oligarchique qui ne plaide guère en faveur d’une attitude radicalement différente à l’égard du « peuple » (quel est-il ? quelle est son identité ?)55, mais bien de symboliser l’action du prince, sa place au sein de la cité et de permettre à intervalles réguliers cette « rencontre » que je nommais précédemment. La permanence des cycles festifs du calendrier, avec les quelques modifications qui rendent compte d’une plus grande unité entre cultes civiques et commémoration du prince au cours du iie siècle, facilite le renouvellement régulier de l’accord entre princeps et populus. Il importe de ne pas perdre de vue le fondement religieux de toute fête, des jeux séculaires aux funera impériaux, ou bien lors des ludi commémoratifs. L’accroissement de ces derniers, l’ampleur des uenationes, circenses ou munera impériaux, est une expression de la grandeur de l’empire et de l’excellence du souverain, comme peuvent en attester certains témoignages tardifs56. Il en va de même du prince nourricier, la politique frumentaire allant de pair avec l’approfondissement de l’administration urbaine57. Certes, les relations entre le prince et la plèbe peuvent, notamment au ier siècle, confirmer la dualité des comportements et des sentiments. Facteur de paix et fauteur de troubles, en accaparant la fonction du ravitaillement, le prince s’expose à la colère populaire lors des famines ou disettes58. Mais ceci rend compte également d’une conception renouvelée du politique, des responsabilités directes du prince au rôle croissant du préfet de la ville, et conduit à distinguer les fonctions proprement politiques des tâches administratives, ce qui en définitive mène à considérer un certain abaissement du statut de l’Vrbs59.
19Ces deux expressions qui permettent de qualifier plus ou moins négativement le métier d’empereur, « le pain et les jeux », forment également la trame d’un système de représentations du prince que l’on peut suivre au travers du langage des monnaies et des reliefs historiés. C’est ainsi que les vertus d’un prince dont les titulatures affirment de plus en plus régulièrement la piété, la félicité et l’invincibilité (la séquence Pius, Felix, Inuictus), peuvent s’exprimer au travers des scènes de largitio, qui sont nombreuses dans les monnaies et les arcs de triomphes ou colonnes60. Le lien entre princeps et populus est de même souligné par les émissions monétaires commémoratives des jeux séculaires qui, pour n’être point d’une lisibilité parfaite et donner de la sorte un récit des principaux gestes de la cérémonie, n’en demeurent pas moins un véhicule adapté à la volonté de diffuser une image du prince qui comporte à la fois son identification à la fonction religieuse et ses liens avec le peuple, ce que précisent les légendes61. Nous trouvons à l’époque antonine, puis de nouveau à l’époque sévérienne et finalement sous Constantin, des scènes de distributions qui identifient le souverain à la liberalitas dont l’a paré l’idéologie d’essence stoïcienne. Toutefois, il n’est pas indifférent de relever les mutations qui indiquent une nouvelle perception de la fonction impériale : une distance s’installe au cœur même de ces scènes qui ont pour but d’exprimer l’échange, le lien. L’estrade, la position surplombante du souverain, la présence d’assistants qui sont les intermédiaires entre princeps et populus, enfin celle de l’ordo senatorius qui n’est pas une expression renouvelée du consensus mais bien la marque d’un abaissement des sénateurs (en toge, montrant leur tessère, le premier de la file recevant les pièces d’or dans les plis de son vêtement), ou bien la traduction d’une distance entre le prince et son Sénat (le princeps inter pares s’effaçant désormais), tout ceci permet de mesurer le chemin parcouru en trois siècles, malgré la permanence des types de représentation du princeps. C’est en effet le métier d’empereur qui dicte la nécessité de représenter le souverain s’adressant au peuple ou aux soldats. Les adlocutiones et les contiones sont d’autant plus nombreuses à partir du iie siècle que la fonction impériale a évolué et que la parole du prince, par exemple sa relatio au Sénat, se transforme : du magistrat au souverain, l’oratio principis demeure mais elle s’impose, elle a désormais force de loi62.
20Les espaces urbain et impérial sont, avec la mise en place du nouus status, progressivement transformés au gré des programmes édilitaires, de la diffusion des tituli et monumenta impériaux, enfin d’une appropriation processionnaire au service de l’Imperator Caesar Augustus et de ses successeurs. La perception de ce que pouvaient être ces espaces « en mouvement », depuis les études des années 1980-1990 jusqu’aux principaux résultats des modélisations 3D des maquettes de cités et des représentations des principaux lieux, bâtiments publics, temples et enceintes festives, théâtres, amphithéâtres et cirques, nous livre de nombreux renseignements à partir des données littéraires, en particulier les promenades des poètes, insérées dans le tissu urbain de l’Vrbs et les nombreux témoignages épigraphiques, numismatiques et archéologiques63. De fait, il importe de mesurer l’insertion du princeps et de ses personae dans l’espace urbain de Rome et dans l’ensemble de l’Imperium Romanum. Au travers de la présence de ses portraits et images, de la fréquence des mentions de ses noms, titres et fonctions, mais également de la mise en scène de sa présence, entrées solennelles et parcours urbains, la perception du princeps facilite la reconnaissance de la nouvelle res publica impériale. Si le prince apparaît comme un garant essentiel de l’édifice impérial ainsi constitué, s’il est progressivement identifié à la cité impériale, au travers d’un gouvernement de l’empire que sénateurs, chevaliers et affranchis impériaux au service du prince sont chargés d’assurer, c’est bien grâce à ce discours impérial en mots et images que se constitue le message principal d’un magistrat primus inter pares, qui peut certes se transformer en souverain mais demeure au long d’une histoire pluriséculaire le marqueur d’une mémoire collective qu’il incarne et perpétue64.
21Il convient d’achever ce parcours des identités impériales, nourri notamment des apports de la documentation épigraphique et numismatique, dépositaire des linéaments d’un discours impérial en mots et images, reflet d’une rhétorique aux forts accents stoïciens, par ce qui peut s’apprécier en terme d’invariant : la figure d’un magistrat revêtu des pouvoirs de sa charge, à la parole performative, qui réagit aux situations tout autant qu’il construit avec ses entourages l’État romain, au travers de ses constitutiones, fort du soutien des dieux, puis de Dieu, acteur et garant des rituels, au service d’une res publica, un État qu’il domine tout autant qu’il se met à son service. Certes, si les noms, titres et fonctions qui servent à « dire et définir » le prince demeurent globalement les mêmes durant plus de trois siècles, la mise en scène de son « être au monde (politique) » change et, de magistrat proche du populus, une incontestable distance accompagne la majesté croissante de celui que la philosophie pare d’une aura aveuglante65. Toutefois, les accents augustéens parviennent encore à rendre compte de certaines postures tardives, et Constantin n’a pas choisi par hasard de se faire représenter sous les traits du fondateur du Principat66.
… avoir vieilli dans tant de miroirs, / avoir cherché en vain le regard de marbre des statues / et examiné lithographies, encyclopédies, atlas, / avoir vu les choses que voient les hommes, / la mort, l’aurore maladroite, la plaine / et les étoiles délicates, / et n’avoir rien vu ou presque rien…67
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Yavetz 1990 = Z. Yavetz, The Res Gestae and Augustus’ Public Image, dans F. Millar, E. Segal (dir.), Caesar Augustus. Seven Aspects, Oxford, 1990 [1984], p. 1-36.
Zimmermann 2018 = B. Zimmermann, Interaktion, Kommunikation, Vernetzung, dans K. Wojciech, P. Eich (dir.), Die Verwaltung der Stadt Rom in der Hohen Kaiserzeit. Formen der Kommunikation, Interaktion und Vernetzung, Munich, 2018, p. 39-49.
Zanker 1988 = P. Zanker, The Power of Images in the Age of Augustus, Ann Arbor, 1988.
10.3998/mpub.12362 :Notes de bas de page
1 Du De uita Caesarum, de César à Domitien, au De uita principum, selon Thomson 2007, l’Histoire Auguste d’Hadrien à Carus, Carin et Numérien, en passant par le De Caesaribus d’Aurelius Victor. Pour une réflexion portant sur les rapports entre autobiographie, biographie et histoire, Benoist 2017.
2 À propos de l’établissement des listes de boni et mali principes, cf. SHA, Quadr. Tyr., 1, 3 (Atque contra Trebellius Pollio ea fuit diligentia, ea cura in edendis bonis malisque principibus, ut etiam triginta tyrannos uno breuiter libro concluderet, qui Valeriani et Gallieni nec multo superiorum aut inferiorum principum fuere temporibus) ; de même Aur. 42, 3-6 (3. Quid hoc esse dicam, tam paucos bonos extitisse principes, cum iam tot Caesares fuerint ? Nam ab Augusto in Diocletianum Maximianumque principes quae series purpuratorum sit, index publicus tenet. 4. Sed in his optimi ipse Augustus, Fl(auius) Vespasianus, Fl(auius) Titus, Cocceius Nerua, diuus Traianus, diuus Hadrianus, Pius et Marcus Antonini, Seuerus Afer, Alexander Mammaeae, diuus Claudius et diuus Aurelianus. Valerianum, enim, cum optimus fuerit, ab omnibus infelicitas separauit. 5. Vides, quaeso, quam pauci sint principes boni, ut bene dictum sit a quodam mimico scurra Claudii huius temporibus in uno anulo bonos principes posse perscribi atque depingi. 6. At contra quae series malorum ? Ut enim omittamus Vitellios, Caligulas et Nerones, quis ferat Maximinos et Filippos atque illam inconditae multitudinis faecem ? Tametsi Decios excerpere debeam, quorum et uita et mors ueteribus comparanda est) ; avec les développements de Benoist 2013a et 2013b.
3 Se reporter par exemple à Geiger 2008 et aux études de De Bruyn, en attendant la publication de sa thèse (2014) : 2016a et 2016b.
4 Pour une présentation du dossier anatolien dans une perspective globale de mise en scène monumentale, Cooley 2009, p. 6-18 ; et pour une approche comparée des trois éditions et trois commentaires en français, anglais et italien parus en 7 ans (Scheid 2007, Cooley 2009, Mitchell – French 2012 et Arena 2014), Benoist 2018b.
5 Pour quelques exemples, se reporter aux volumes collectifs du programme de recherche « Les Victimes de l’Abolitio memoriae » (VAM, HALMA, ARTEHIS et CREHS) : Benoist et al. 2003, 2004, 2007, 2008a et b ; en particulier les contributions de Huet 2008 et Varner 2008 ainsi que la thèse de ce dernier publiée en 2004.
6 Suet., Aug., 99, 1 : ecquid iis uideretur mimum uitae commode transegisse. Pour un bref aperçu sur cette dimension du « rôle politique », Zimmermann 2018, p. 44-47, « Personae. Politische Rollenspiele ».
7 Thomas 2017, p. 125 et les notes 15 et 16 : « Persona ne qualifiait pas ici un individu, mais une entité classificatoire, à l’intérieur d’un système de dévolution successorale qui n’admettait aucune lacune », avec par exemple D. 50, 16, 195, 2 : Familiae appellatio refertur et ad corporis cuiusdam significationem, quod aut iure proprio ipsorum aut communi uniuersae cognationis continetur. Iure proprio familiam dicimus plures personas, quae sunt sub unius potestate aut natura aut iure subiectae, ut puta patrem familias, matrem familias, filium familias, filiam familias quique deinceps uicem eorum sequuntur, ut puta nepotes et neptes et deinceps. Pater autem familias appellatur, qui in domo dominium habet, recteque hoc nomine appellatur, quamuis filium non habeat : non enim solam personam eius, sed et ius demonstramus : denique et pupillum patrem familias appellamus.
8 Au-delà des approches développées dans ce qui suit, et notamment le rappel de l’importance des titulatures impériales (cf. Benoist 2016, 2015, 2009), la réflexion fondamentale d’Hekster 2015 et les compléments qu’il propose dans ce volume.
9 Lact., De mort. Pers., 19 : Cum haec essent constituta, proceditur Kalendis Mais. Constantinum omnes intuebantur, nulla erat dubitatio ; milites qui aderant et primores militum electi et acciti ex legionibus in hunc unum intenti gaudebant, optabant, et uota faciebant. 2 Erat locus altus extra ciuitatem ad milia fere tria, in cuius summo Maximianus ipse purpuram sumpserat, et ibi columna fuerat erecta cum Iouis signo. Eo pergitur. 3 Contio militum conuocatur. Incipit senex cum lacrimis alloquitur milites : se inualidum esse, requiem post labores petere, imperium ualidioribus tradere, alios Caesares subrogare. Summa omnium expectatio, quid afferret. 4 Tunc repente pronuntiat Seuerum et Maximinum Caesares ; opstupefiunt omnes. In tribunali Constantinus adstabat susum ; haesitare inter se num Constantini immutatum nomen esset, cum in conspectu omnium Maximianus manum retrorsus extendens protraxit a tergo Daiam Constantino repulso et exutum uestem priuatam constituit in medium. Mirari omnes qui esset, unde esset. 5 Nemo tamen reclamare ausus est cunctis insperatae nouitate rei turbatis. Huic purpuram Diocletianus iniecit suam qua se exuit, et Diocles iterum factus est. 6 Tum descenditur, et reda per ciuitatem ueteranus rex foras exportatur in patriamque dimittitur. Daia uero sublatus nuper a pecoribus et siluis, statim scutarius, continuo protector, mox tribunus, postridie Caesar, accepit Orientem calcandum et conterendum, quippe qui neque militiam neque rem publicam sciret, iam non pecorum, sed militum pastor. Témoignage non complaisant sur la contio militum et les effets de l’abdication : changement de costume et de uehiculatio, l’empereur régnant n’étant pas un diuus de son vivant puisqu’il quitte la scène en simple particulier ce 1er mai 305 à Nicomédie.
10 Comme l’envisage Flaig 1992, 2003, pour ne citer que ces deux références, à partir de la notion d’Akzeptanz (acceptation), afin de rendre compte de la mécanique propre au Principat, par ce que j’appellerais volontiers une co-construction du consentement, du consensus à la concordia ordinum.
11 La bibliographie est immense. Je relève un apport majeur de l’historiographie allemande, en particulier en ce qui concerne la communication en politique. Citons Mundt 2012 avec le compte rendu de Reitz-Joosse 2014. Dans la prise en compte de tous les éléments du débat, les perspectives tissées par deux études méritent d’être mentionnées : Sumi 2005 et Hölkeskamp 2010.
12 De nouveau, Benoist 2017, en particulier section III « Imperial Autobiography and Augustan Narratives », p. 52-56, avec les références aux sources et à la littérature secondaire.
13 Pour une coïncidence supplémentaire, l’acmé de l’« Epigraphic Habit » correspond à ces deux premiers siècles et demi du Principat, d’Auguste à Caracalla (MacMullen 1982).
14 Pour un relevé à partir de la correspondance de Cicéron des emplois d’Octave à Octavien puis du jeune César, Benoist 2012b.
15 L’usage du cognomen comme praenomen se répand pendant la période des guerres civiles, tandis que la séquence « prénom-nom » perdure. Cn. Pompeius Magnus a deux fils, Cn. Magnus qui est mort devant les Césariens à Munda et Sex. Pompeius Cn. f. Magnus, si l’on en croit Cicéron (Phil., 5, 41), ou bien Magnus Pompeius Cn. f. (id., Phil., 13, 50). En prenant le témoignage des monnaies, nous relevons le nom de Magnus Pius (par ex. RRC 511, 1 et 2a, aureus et denarius de Sicile). Enfin, l’épigraphie nous donne une dernière version de son onomastique Mag. Pompeio Mag. f. Pio (ILLRP 426 ; ILS 8891, Lilybaeum), avec Magnus utilisé comme prénom abrégé, Pompeius comme gentilice et Pius comme surnom. Par ce seul exemple, soyons ainsi conscient de la fluctuation des usages au cours des dernières décennies de la République, ce qui est bien entendu révélateur d’une volonté d’utiliser l’onomastique comme un élément d’affirmation de soi, de ses ascendants (Magnus, le surnom du père), de cette piété qui caractérise de nombreux hommes politiques désireux de s’inscrire dans une tradition, tandis que les prénom et nom personnels sont plus ou moins régulièrement utilisés. C’est tout ceci que nous pouvons prendre en compte pour expliquer la conduite du fils adoptif de César. À propos de la compétition politique entre les Césariens et Césaricides et de toutes les stratégies mises en œuvre, l’analyse de Zanker 1988.
16 C’est ainsi qu’il convient de prendre en compte le chapitre 4 des RGDA (col. 1, lignes 21-30) dans sa composition et la place occupée dans l’économie générale du discours augustéen prononcé au Sénat, plus que dans l’affichage public du document et les problèmes de lisibilité qu’il pose : 1 [Bis] ouans triumphaui [et tris egi c]urulis triumphos et appella[tus sum uiciens et] / [se]mel imperator [decernente pl]uris triumphos mihi sen[atu quibus omnibus] / [su]persedi. L[aurum de fascib]us deposui in Capit[olio uotis quae] / quoque bello nuncu[paueram sol]utis. 2 Ob res a [me aut per legatos] / meos auspicis m[e]is terra m[ariq]ue p[ro]spere gestas qu[inquagiens et quin-]/quiens decreuit senatus supp[lica]ndum esse dis immo[rtalibus. Dies autem] / [pe]r quos ex senatus consulto [s]upplicatum est fuere DC[CCLXXXX. 3 In triumphis] / [meis] ducti [su]nt ant[e] c[u]r[ru]m [me]um reges aut re[g]um lib[eri nouem. 4 Consul] / [fuer]am ter deciens c[um scribeb]a[m] haec [et eram se]p[timum et tricensimum] / [tribu]niciae potestatis. On mesure l’importance de la dimension triomphale du propos et les liens noués naturellement avec les pouvoirs principaux détenus par Auguste, imperium consulaire et proconsulaire (cf. Ferrary 2012 = 2001a et b) et puissance tribunicienne.
17 Pour les études pionnières à propos de l’importance de cette nomenclature : Syme 1958 et Millar 1973 et 2000. De même, à propos des titres – que je préfère considérer comme un prénom et un nom – imperator et Caesar, Lesuisse 1961a et b. Suétone ou Pline ne s’y sont pas trompés en relevant l’importance du nomen Caesar, le premier par le choix du titre de son recueil biographique, le second par le nombre d’occurrences dans son Panégyrique de Trajan (63 pour Caesar et seulement 12 Augustus et 2 Augusta).
18 RGDA, 14, 1 : Gaium et Lucium Caesares ; 34 (col. 6, lignes 13-23) : 1 In consulatu sexto et septimo, p[ostquam bella ciuil]ia exstinxeram / per consensum uniuersorum [potens rerum omn]ium rem publicam / ex mea potestate in senatus [populique Romani a]rbi[t]rium transtuli. / 2 Quo pro merito meo senatu[s consulto Augustus appel]latus sum et laureis / postes aedium mearum u[estiti publice coronaque] ciuica super / ianuam meam fixa est [et clupeus aureu]s in [c]uria Iulia posi/tus, quem mihi senatum [populumque Romanu]m da[re] uirtutis cle/me[ntiaeque] iustitia[e et pietatis causa testatum] est pe[r ei]us clupei / [inscription]em. 3 Post id temp[us auctoritate omnibus praestiti, pote]s/[t]atis autem nihilo ampli[us habui quam ceteri qui m]ihi quo/que in ma[gis]tra[t]u conlegae f[uerunt]. Nous reviendrons infra sur certains aspects de cet avant-dernier chapitre.
19 Sur cette notion et son contenu (théorie et pratique politiques), la thèse de Kennedy 2019.
20 CIL VI, 929 (ILS, 242) : A. Vitellius Imp. ; CIL X, 8016 (ILS, 243), Torralba en Sardaigne : Imp. A. Vitellius et Scheid 1998a, n° 40 : Vitellius Germanicus Imp. ou Germanicus Imp. Augustus.
21 CIL XI, 3605 (ILS 247), Caere ; CIL III, 6993 (ILS 253), Prusa ad Olympum ; CIL X, 6659 (ILS 987), Antium et CIL XI, 3098 = 7492 (ILS 999), Faleria.
22 CIL VI, 942 = XI, 3734 (ILS 262), Lorium ; CIL VI, 944 (ILS, 264) et CIL III, 318 (ILS 263), Mulkkoy en Galatie : Imp. T. Caesar diui Vespasiani f. Aug.
23 CIL II, 4721 (ILS 269), Corduba et CIL XVI, 30 (ILS 1997), Carnuntum.
24 CIL II, 956 (ILS 276) ; CILA 1, 29, Fodinae Aerariae ; CIL VI, 952 (ILS 277) ; CIL III, 8703 (ILS 278), Salona.
25 CIL VIII, 10210 (ILS 284), Thamugadi ; CIL X, 6928 (ILS 285), Neapolis ; CIL VI, 955 (ILS 286) ; CIL II, 759 (ILS 287) ; CIL Caceres, 1, 18, Norba et CIL XII, 105 (ILS 289) ; ILAlpes, 1, 12, Axima.
26 CIL III, 591 (ILS 5954) ; ILGR, 174, Dion ; CIL III, 14206-04 (ILS 5981) ; SEG, 32, 643, Philippes et CIL VI, 2222 (ILS 6074). Également Imp. Nerua Caesar Traianus Aug (CIL VI, 798 [ILS 1448] et CIL VI, 450 = 30768 [ILS 3618]).
27 CIL VIII, 1170 = 14287 (ILS 413), Ucres ; CIL XI, 3201 (ILS 416), Nepete et CIL VIII, 306 (ILS 417), Ammaedara.
28 CIL X, 6079 (ILS 420), Formiae, document exemplaire qui m’avait donné l’occasion naguère de proposer aux étudiants de concours un commentaire détaillé, Benoist 1997, p. 82-85.
29 Pour un essai souvent fort stimulant de définition de l’identité impériale, Veyne 2005, chapitre 1, « Qu’était-ce qu’un empereur romain ? », p. 15-78. L’ensemble de mes réflexions dans cette section résume la teneur de plusieurs études consacrées aux titulatures impériales depuis un quart de siècle qui doivent donner lieu à un essai à paraître intitulé De qui César était-il le nom ?
30 À propos de titulature(s) impériale(s), en partant de Cagnat 1914 et de Lasserre 2011, avec Magioncalda 1991 pour une présentation générale illustrée par des exemples tirés des ILS, et quelques études consacrées à des principats particuliers, Martin 1987, Benoist 2016, Peachin 1990, Christol 2016a et b, Benoist 2015 et Benoist 2009, pour une liste non exhaustive d’études de cas, de Domitien à Julien.
31 Il convient de réaffirmer le nombre très faible de titulatures que l’on peut considérer comme « officielles » en raison de leur dimension normative, en tant que documents émanant de la chancellerie impériale, par exemple les diplomata qui proviennent des constitutions impériales conférant divers privilèges aux vétérans : voir Eck 2002, pour une présentation générale du corpus et de ses enseignements.
32 Il s’agit des quatre chapitres suivants des RGDA, 1 (col. 1, lignes 1-9) : 1 Annos undeuiginti natus exercitum priuato consilio et priuata impensa / comparaui per quem rem publicam [a do]minatione factionis op[p]ressam / in libertatem uindic[aui. 2 Eo nomine sen]atus decretis honor[ific]is in / ordinem suum m[e adlegit C(aio) Pansa et A(ulo) Hirt]io consulibu[s c]on[sula/rem locum s[ententiae dicendae simul dans et im]perium mihi dedit. / 3 Res publica n[e quid detrimenti caperet me] pro praetore simul cum / consulibus pro[uidere iussit. 4 Populus] autem eodem anno me / consulem, cum [consul uterque in bello ceci]disset et triumuirum rei public/ae constituend[ae creauit.] ; 7 (col. 1, l. 43-46) : 1 [Triumuirum rei publicae constituendae fui per continuos annos decem.] / 2 [Princeps senatus fui usque ad eum diem quo scrips]era[m haec per annos] / [quadraginta. 3 Pontifex maximus augur quindecimuiru]m sacris [faciundis] / [VIIuirum epulonum frater arualis sodalis Titius fetiali]s fui. ; 10 (col. 2, l. 21-28) : 1 [Nomen meum senatus consulto inc]lusum est in Saliare carmen et sacrosan/[ctus in perpetuum ut essem et q]uoad uiuerem tribunicia potestas mihi / [esset per legem statutum est. 2 Pontif]ex maximus ne fierem in u[iu]i conle/[gae mei locum populo id sace]rdotium deferente mihi quod pater meu[s] / [habuerat recusaui. Quod] sacerdotium aliquod post annos eo mor/[tuo demum qui ciuilis tumultus] occ[a]sione occupauerat, cuncta ex Italia / [ad comitia mea confluente] m[u]ltitudine, quanta Romae nun[qu]a[m] / [fertur ante id tempus fuisse, recepi], P(ublio) Sulpicio C(aio) Valgio consulibu[s.] et 35 (col. 16, l. 24-28) : 1 Tertium de[ci]mum consulatu[m cum gerebam sena[tus et e]quester ordo / populusqu[e] Romanus uniuersus [appellauit me patrem p]atriae idque / in uestibu[lo a]edium mearum inscriben[dum et in c[u]ria [Iulia e]t in foro Aug(usto) / sub quadrigis quae mihi [ex s(enatus) c(onsulto) pos]itae sunt censuit.
33 Lire la formulation, fort commentée, des RGDA, 34, 3 (citée supra, n. 18 : Post id tempus auctoritate omnibus praestiti, potestatis autem nihilo amplius habui quam ceteri qui mihi quoque in magistratu conlegae fuerunt). Pour une proposition de lecture qui nuance l’identification du régime augustéen à la pratique de l’auctoritas (Lacey 1996, passim, notion associée un peu systématiquement au « superior prestige or mana » ; ou Galinsky 1996, chap. 1, p. 3-41), Rowe 2013, avec les commentaires ad hoc de Scheid 2007, Cooley 2009 et Arena 2014.
34 Pour un rapide sondage à partir de Kienast et alii 20176 : Auguste (XIII), Tibère (V), Caligula (cos des. V), Claude (V), Néron (V), Vespasien (cos des. X), Titus (cos des. IX), Domitien (XVII), Nerva (IV), Trajan (VI), Hadrien (III), Antonin (IV), Marc Aurèle (III), Lucius Verus (III), Commode (VII), Septime Sévère (III), Caracalla (IV), Élagabal (IV), Sévère Alexandre (III), Philippe l’Arabe (cos des. IV ?), Dèce (III), Valérien (IV), Gallien (VII), Aurélien (III), Probus (V), Carin (III), Dioclétien (X), Maximien (IX), Constance (VI), Galère (VIII), Maximin Daia (III), Maxence (IV), Licinius (VI) et Constantin (VIII), pour ne retenir que les principats les plus significatifs à partir de 3 consulats, d’Auguste à Constantin.
35 Par exemple, outre l’Énéide de Virgile qui célèbre la victoire et la paix augustéennes, les propos liminaires de l’introduction des Annales de Tacite (par exemple 1, 4, 1 : Igitur, uerso ciuitatis statu, nihil usquam prisci et integri moris : omnes exuta aequalitate, iussa principis aspectare, nulla in praesens formidine, dum Augustus aetate ualidus seque et domum in pacem sustentauit). D’une manière générale, à propos de la perception de la Pax Augusta et plus globalement le programme entrepris à l’appui du discours augustéen dans les Arts et les Lettres, Zanker 1988 et Galinsky 1996 et sur la mémoire augustéenne et sa réception, les réflexions de Hurlet 2015 et les remarques de Benoist 2018a.
36 Par exemple, les RGDA, 5-6 (col. 1, l. 31-43) : 5.1 [Dic]tat[ura]m et apsent[i e]t praesent[i mihi delatam et a popu]lo et a se[na]tu, [M(arco) Marce]llo e[t] L. Arruntio [co(n)s(ulibus),] non rec[epi. 2 Non sum] depreca[tus] in s[umma f]rum[enti p]enuria curationem an[non]ae, [qu]am ita ad[min]ist[raui, ut intra] die[s] paucos metu et peric(u)lo [p]raesenti ciuitatem uniu[ersam liberarem impensa et] cura mea. Consul[atum] quoqu[e] tum annuum e[t perpetuum mihi] dela[tum non recepi]. 6.1 [Consulibus M(arco) V]in[icio et Q(uinto) Lucretio] et postea P(ublio) Lentulo et Cn(aeo) Lentulo et terti]um [Paullo Fabio Maximo et Q(uinto) Tuberone senatu populoq]u[e Romano consentientibus,] ut cu[rator legum et morum summa potestate solus crearer, nullum magistratum contra morem maiorum delatum recepi.
37 En ne citant qu’un exemple pour chaque censure impériale puis la pratique de Domitien : CIL IX, 5959 (ILS 209), Amiternum, Ti(berius) Claudius / Drusi f(ilius) Caesar / Aug(ustus) Germanicus, / pontif(ex) max(imus), tr(ibunicia) pot(estate) / VII, co(n)s(ul) IIII, imp(erator) XI, p(ater) p(atriae), / censor designat(us), / uiam Claudiam nouam / a Forulis ad conflu/ent<e=I>s At{t}ternum et / Tirinum per passuum / XXXXVII(milia) CLXXXXII / sternendam curauit ; IGLS 1, 66 (ILS 8903), Ayni en Syrie sur l’Euphrate, [Imp(erator) Cae]sar Vespasianus Aug(ustus), / [pont(ifex)] max(imus), trib(unicia) potest(ate) III[I, i]mp(erator) X, / [co(n)s(ul) I]III [co(n)s(ul)] designat(us) V, [p(ater) p(atriae) et] / [T(itus)] Caesar Vespasianu[s, i]mp(erator) [I]II, trib(unicia) potest(ate) II, co(n)s(ul) II, design(atus) III, / [c]ensores designati su[b] / [---] Mario Celso leg(ato) Aug(usti) pro pr(aetore) / [p]e[r leg(ionem) ---] et leg(ionem) [---] opus cochli[s] / [d]e communi [impensa] fecerunt ; CIL XI, 368 ; Horster 2001, p. 328-329, n° VIII.1.1, Ariminum, Imp(erator) Caesar / diui Vespasian[[i f(ilius)]] / [[Domitianus]] / [[Aug(ustus) Germanicus]], / pontifex maxim(us), / trib(unicia) potest(ate) [[XII]], / imp(erator) [[XX]]II, co(n)s(ul) [[XV]]I, / censor perp(etuus), p(ater) p(atriae), / faciend(um) curauit.
38 Avec le témoignage des fasti : Fe[riae ex s(enatus) c(onsulto), quod eo die I]mp(erator) / Caesar August(us) pont(ifex) / m[ax(imus) factus est Quir]inio et Valgio co(n)s(ulibus). (Duo)uiri / ob [eam rem immolant, p]opulus coronatus feriatus / [agit] dans les Fasti Praenestini (Inscr.It. XIII, 2, p. 121). [Pr(idie) non(as) Mart(ias). Eo die Caesar pontifex ma]ximus creatus est. Supplicat<i>o Vestae, dis pub(licis) P(enatibus) p(opuli) R(omani) Q(uiritium) dans le Feriale Cumanum (Inscr.It. XIII, 2, p. 279).
39 L’arc de Pavie (Ticinum) daté de 7-8 fournit l’illustration des deux étapes successives de la définition des responsabilités religieuses du princeps, en faisant figurer tout à la fois les trois collèges sacerdotaux et le grand pontificat. CIL V, 6416 (ILS 107) : <V> Imp(eratori) Caesari / diui f(ilio) Augusto, / pontific(i) maximo, / patri patriae, aug(uri), XVuir(o) s(acri) f(aciundis), VIIuir(o) epulon(um) / co(n)s(uli) XIII, imp(eratori) XVII, tribunic(ia) potest(ate) XXX. De même, cette inscription près d’Ariminum qui a la particularité de présenter les titulatures complètes d’Auguste et de Tibère, tous deux grand pontife, avec pour le premier ses titres en 14, juste avant sa mort, et pour le second ceux qui correspondent à la date du document, en 21, à l’occasion de l’achèvement d’un pont dont la construction fut entreprise par Auguste, ce qui justifierait l’usage d’une nomenclature d’empereur régnant au nominatif : CIL XI, 367 (ILS 113) : Imp(erator) Ca[e]sar diui f(ilius) Augustus, pontifex maxim(us), co(n)s(ul) XIII, imp(erator) XX, tribunic(ia) potest(ate) XXXVII, p(ater) p(atriae), / Ti(berius) Caesar diui Augusti f(ilius) diui Iuli n(epos) Augustus, pontif(ex) maxim(us), co(n)s(ul) IIII, imp(erator) VIII, trib(unicia) potest(ate) XXII, dedere.
40 Par exemple Tibère le 10 mars 15, Feriae ex S(enatus) c(onsulto), q(uod) [e(o) d(ie)] Ti(berius) Caesar pontifex max(imus) fac(tus) est Druso et / Norbano [co(n)s(ulibus)] dans une addition des Fasti Praenestini (Inscr.It XIII, 2, p. 121) et (…) VI idus Martias, qua die / Ti(berius) Caesar pontif(ex) maximus felicissime est creatus (CIL XI, 3303 [ILS 154], Forum Clodii) ou Néron le 5 mars 55, ce qui ressort d’une mention des actes des frères arvales le 5 mars 59 commémorant les comices pontificaux, respect d’une tradition augustéenne que confirment certains actes du dernier Julio-Claudien : [ob po]ntificatum Neronis Claudi Caesaris Aug(usti) Germanici, (Scheid 1998a, n° 28 a-c, l. 1).
41 Le cas sévérien étant le plus remarquable, avec le plus souvent, dans les titulatures les plus officielles comme les diplomata, une mention extensive des ascendants du père puis du fils comme dans ce document du 22 novembre 206 (AE 1993, 1789 = RMD 3, 189) : Imp(erator) Caes(ar), diui M(arci) Antonini Pii Germ(anici) Sarm(atici) fil(ius), diui Commodi frater, diui Antonini Pii nep(os), diui Hadriani pronep(os), diui Traiani Parthic(i) abnep(os), diui Neruae adnep(os), L(ucius) Septimius Seuerus Pius Pertinax Aug(ustus) Arab(icus) Adiab(enicus) Parthic(us) max(imus), pontif(ex) max(imus), trib(unicia) pot(estate) XIIII, imp(erator) XIII, co(n)s(ul) III, p(ater) p(atriae), proco(n)s(ul), Imp(erator) Caes(ar), L(ucii) Septimi Seueri Pii Pertinacis Aug(usti) Arab(ici) Adiab(enici) Parthic(i) max(imi) fil(ius), diui M(arci) Antonini Pii Germ(anici) Sarm(atici) nep(os), diui Antonini Pii pronep(os), diui Hadriani abnep(os), diui Traiani Parthic(i) et diui Neruae adnep(os), M(arcus) Aurellius Antoninus Pius Aug(ustus), trib(unicia) pot(estate) VIIII, co(n)s(ul) II, proco(n)s(ul) (…) A(nte) d(iem) X kal(endas) Decembr(es) P(ublio) Tullio Marso, M(arco) Caelio Faustino co(n)s(ulibus).
42 Avec la lecture ovidienne d’une telle cérémonie, Fasti, 2, 127-144 : sancte pater patriae, tibi plebs, tibi curia nomen / hoc dedit, hoc dedimus nos tibi nomen, eques. / Res tamen ante dedit. Sero quoque uera tulisti / nomina, iam pridem tu pater orbis eras. / Hoc tu per terras, quod in aethere Iuppiter alto, / nomen habes : hominum tu pater, ille deum. / Romule, concedes : faciet hic tua magna tuendo / moenia, tu dederas transsilienda Remo. / Te Tatius paruique Cures Caeninaque sensit : / hoc duce Romanum est solis utrumque latus. / Tu breue nescio quid uictae telluris habebas : / quodcumque est alto sub Ioue, Caesar habet. / Tu rapis, hic castas duce se iubet esse maritas : / tu recipis luco, reppulit ille nefas. / Vis tibi grata fuit, florent sub Caesare leges. / Tu domini nomen, principis ille tenet. / Te Remus incusat, ueniam dedit hostibus ille. / Caelestem fecit te pater, ille patrem. La portée mémorielle du discours, de Jupiter puis Romulus à Auguste, est remarquable. La place de Jupiter dans le rituel de reconnaissance des fils, tout père s’avérant un substitut du père des dieux quand il soulève son fils (tollere liberos) et le reconnaît ainsi, est attestée notamment par Aug., CD, 4, 11 ; auparavant un vers d’Ennius, mentionné par Cic., De Or., 46, 155.
43 À propos des cognomina deuictarum gentium, Benoist 2005a, p. 255-265.
44 La conception de l’Imperium Romanum, dans sa perception politique et territoriale, peut être envisagée dans la perspective d’une relation étroite entre le prince et la cité, comme je l’ai abordée dans Benoist 2005a, tout comme dans une lecture de la « cité des pères » à l’échelle universaliste de la cité impériale, territoire d’empire. Dans cette perspective, Benoist 2019 et à partir de Thomas 2017, chapitre 1, avec la notion de crimen contre la patria (parricida reipublicae), afin de mesurer le poids d’une conception globale des sphères publique et privée, le père comme substitut du magistrat et la patria potestas envisagée comme un imperium.
45 Ce titre est assumé par l’essentiel des princes, à l’exception notable du premier successeur, Tibère, en cohérence avec son usage limité de la titulature augustéenne. Mais les délais de prise du titre sont variables, la plupart du temps quelques mois, excepté le cas exemplaire d’Hadrien, la remise du titre pouvant donner lieu à une mise en scène particulière. L’Histoire Auguste, Vita Hadriani, 6, 4, ne cite pas au hasard le parallèle des conduites d’Auguste et d’Hadrien : Patris patriae nomen delatum sibi statim et iterum postea distulit, quod hoc nomen Augustus sero meruisset. Dans un cas, l’inauguration du forum Augustum, dans l’autre l’achèvement en 128 du temple de Vénus et Rome. La collation de tous les pouvoirs en deux temps, les 13 et 14 mars 222, pour Sévère Alexandre est attestée par le Feriale Duranum, 1, 23-9 : III i[d]us M[artias quod] Imp(erator) [Caesar M(arcus) Aurelius Seuerus Alexander Imp]erator / ap[pellat]u[s sit (…) [et quod] / [a mi]litib[us Imp(erator)] Aug(ustus) [Marcus Aurelius Seuerus Alexande]r Aug(ustus) n(oster) / [primo] Imp[erator] appel[latus sit supplicatio] / [pridie idu]s [martias q]uod A[lexander Augustus no]s[ter Augustus et pater] / [patriae et pontife]x max[imus appellatus s]it.
46 En tout dernier lieu, les propositions de Moatti 2018, notamment dans les trois derniers chapitres de l’enquête qu’elle a conduite intitulés : « La matérialité de la chose publique », « L’extension temporelle de la res publica » et « L’extension spatiale de la res publica romana ».
47 Pour la figure du magister legum, Benoist 2005b. Une thèse en cours porte sur ce sujet (Stephie Reichert, Université de Lille, St. Benoist [dir.], « Le magister legum. Recherches sur le pouvoir normatif des empereurs, d’Auguste aux Théodoses »).
48 Ce rapport à la justice est envisagé par Benoist – Gangloff 2019.
49 Pour une étude de cas des effets sur la topographie urbaine d’une période de crise, l’Année des quatre empereurs, Benoist 2001a.
50 Par exemple les propositions de Lacey 1996, p. 196-197, qui bouleverse l’ordre du récit de Suétone, pour identifier les spectacula mentionnés avec les ludi du 12 mai ou bien l’inauguration du forum le 1er août.
51 Suet., Aug., 58 : Patris patriae cognomen uniuersi repentino maximoque consensu detulerunt ei : prima plebs legatione Antium missa ; dein, quia non recipiebat, ineunti Romae spectacula frequens et laureata ; mox in curia senatus, neque decreto neque adclamatione, sed per Valerium Messalam. Is mandantibus cunctis : « Quod bonum », inquit, « faustumque sit tibi domuique tuae, Caesar Auguste ! sic enim nos perpetuam felicitatem rei p. et laeta huic precari existimamus : senatus te consentiens cum populo R. consalutat patriae patrem. » Cui lacrimans respondit Augustus his uerbis (ipsa enim, sicut Messalae, posui) : « Compos factus uotorum meorum, P. C., quid habeo aliud deos immortales precari, quam ut hunc consensum uestrum ad ultimum finem uitae mihi perferre liceat ? »
52 Feriae ex s(enatus) c(onsulto), quo[d eo] die ara Pacis Augusta[e in campo] / Martio dedicata [e]st Druso et Crispino c[o(n)s(ulibus)] dans les Fasti Praenestini (cf. Inscr.I. XIII, 2, p. 116-117). Pour le natalis de Livie, célébré par les Arvales en 38 (Scheid 1998a, n°17, l. 24), et commémoré en Italie et à Rome (CIL VI, 29681), le témoignage de Tac., Ann., 6, 5, 1, en 32 : cum die natali Augustae inter sacerdotes epularetur.
53 Lire « le cirque et la politisation » de P. Veyne 1976, p. 701-730, en conclusion de son ouvrage. Benoist 2001b pour quelques aperçus méthodologiques et historiographiques.
54 Pour une approche globale de l’investissement de l’espace urbain, Benoist 1999, chap. VII.
55 Avec les réflexions de Yavetz 1984, notamment son étude du vocabulaire (p. 189-209), et 19902. Il n’est pas indifférent de constater les échos de certaines formulations en plein ve siècle : MacCormack 1981, p. 224, rappelle l’expression de Sidoine Apollinaire, Carm., 5 (Panegyricus), 386-388, dans son panégyrique en l’honneur de Majorien en visite à Lyon à la fin 458 (postquam ordine uobis / ordo omnis regnum dederat, plebs, curia, miles / et collegia simul).
56 Par exemple, l’importance des uenationes et des listes d’animaux de toutes sortes dans les biographies de l’Histoire Auguste, par exemple à l’occasion du Jubilé de 248 ou de l’aduentus à portée triomphale d’Aurélien en 274 : Gord., 33 et Aur., 33-34.
57 De la même façon, nous relevons la mention de distributions à de nombreuses reprises dans les Vitae des bons empereurs. L’exemple d’Aurélien est significatif : SHA, Aur., 35 et 47-48.
58 On peut se fonder sur les recensements de Virlouvet 1985, et prolonger la réflexion concernant les problèmes d’ordre et de désordre avec Ménard 2000.
59 Bibliographie et perspectives de recherche sont commentées dans Benoist 2001b, sous le titre « Administrer une capitale politique ».
60 On peut se fonder sur les recensements de Koeppel 1986, en particulier la scène de l’arc de Constantin (no 33, Liberalitas), un congiaire que l’on peut associer à la célébration des decennalia du prince en 315 : Chastagnol 1988, p. 514-516, avec commentaire de la scène. Pour prolonger la réflexion, on se reportera au témoignage de Themistius concernant l’aduentus de Constance II en 357 et ses marques de largitio, avec MacCormack 1981, p. 40-41.
61 Lire les conclusions de Scheid 1998b, pour le message de ces monnaies où l’on relève les rapports princeps et populus par l’image (la main tendue) et le texte (suffimenta populo dedit ou fruges accepit).
62 Pour les exemples de contiones sur les colonnes historiées du iie siècle, la lecture de David 2000. Pour les scènes d’adlocutio, Koeppel 1986, nos 19 et 27, Hadrien et Marc Aurèle, arc de Constantin ; 1990, nos 3, 6 et 12, arc de Septime Sévère, le prince et ses deux fils et 1991 et 1992 pour la colonne Trajane, nos 10, 27, 42, 54, 73, 77, 104, 137 et 139. De nouveau, à propos de l’évolution du concept de magister legum, Benoist 2005b.
63 Par exemple Plattus 1983 et Favro 1996, pour une approche de la perception du tissu urbain par une analyse nourrie des réflexions de l’architecture contemporaine. De très nombreuses tentatives de modélisation 3D et de représentation des cités antiques pourraient être mentionnées. Quant aux lectures des écrits littéraires, dans la perspective d’une compréhension de l’espace urbain antique, elles abondent depuis plus d’un quart de siècle.
64 Pour deux approches complémentaires de l’édifice impérial, Millar 19922, avec la mise en perspective proposée par les études réunies dans Benoist 2012a ; et Ando 2000.
65 Gangloff 2018 pour une analyse renouvelée des vertus impériales.
66 Au musée de Villa Giulia, Rome (inv.104973), Giuliano 1991.
67 Borges 1976, Élégie.
Auteur
Université de Lille - stephane.benoist@univ-lille.fr
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