Introduction à la deuxième partie

1Il est impossible de réduire l’interprétation d’un événement artistique, qu’il s’agisse d’un spectacle théâtral, d’un opéra ou d’un ballet, à l’étude de la partition musicale, du livret ou de l’œuvre littéraire qui en constituent le point de départ. En partant de ce constat, notre deuxième section s’articule autour de plusieurs propositions méthodologiques. L’étude de l’événement dans son entièreté implique de considérer conjointement l’action de ceux qui performent ainsi que celle de ceux qui regardent et écoutent dans le contexte historique et social où ce spectacle intervient. Le concept d’“événement-spectacle”, que l’on peut définir comme « la conjonction d’un agir performatif et d’un agir spectatif, dans un lieu donné, pendant un laps de temps donné », permet une approche nouvelle, où les spectacles sont appréhendés dans leur dimension d’interaction sociale (Guy Spielmann). Une telle démarche offre en outre des clefs de lecture précieuses pour comprendre le phénomène des fêtes de cour, dans lesquelles s’inscrit un grand nombre des spectacles que nous étudions.

2Mais comment retracer l’histoire de tels événements lorsque les sources sont rares et incomplètes, et dans quels types de documents trouve-t-on des informations pertinentes (Michela Berti) ? Une deuxième proposition terminologique, celle d’“événement performatif”, permet de cerner la spécificité des spectacles, qui, pour être extraordinaires, ne sont en rien le fruit du hasard, mais généralement le résultat d’un long processus de préparation. La réflexion est menée à partir du cas de la famille Vaini, arrivée à Rome dans le premier quart du XVII^e siècle. Une fois le concept d’événement replacé dans son historiographie mouvementée, le lecteur est invité à réfléchir à la nature des sources qui nous sont parvenues, que ces dernières visent, intentionnellement, à conserver le souvenir d’une performance passée ou qu’elles attestent une performance de manière non délibérée comme c’est le cas pour les documents comptables par exemple. Le paramètre archivistique s’impose à l’historien du spectacle, qui, à défaut de pouvoir reconstruire avec précision ce qui s’est déroulé sur la scène, peut toutefois espérer documenter les événements performatifs en croisant systématiquement tous les documents qu’il aura repérés.

3L’étude d’une série de fêtes dynastiques et politiques liées au protectorat que le cardinal Girolamo Colonna exerçait pour l’Empire et l’Espagne (1644-1664) met en évidence la capacité que détiennent la musique et le son d’agir sur les individus et sur les espaces où ils résonnent (Émilie Corswarem). Cette troisième perspective, qui recourt à ce que les Anglo-saxons, à la suite de l’anthropologue Alfred Gell, nomment agency, l’agentivité, invite à considérer les spectacles en rapport étroit avec le contexte de leur déroulement et à dégager l’effet des forces agissantes. Elle montre comment le déploiement d’une fête, y compris dans sa dimension sonore, venait marquer l’espace urbain en dessinant un parcours qui unissait palais, rues et places dans le cadre d’une même célébration. Au sein du dispositif global, la musique détenait un pouvoir d’action, au même titre que les allégories visuelles, les lumières et les odeurs.