1. Réduction du répertoire morphologique

1L’assemblage 5 représente 16 % du NMI et 9 % du NR (tab. 65) ; quantitativement il s’agit du quatrième assemblage. Près des deux tiers des individus ont été trouvés dans les Bains hellénistiques (62 % du NMI et 42 % du NR) (tab. 66), où ils représentent plus de la moitié des céramiques à paroi fine (51 % du NMI et 36 % du NR) (tab. 66). Dans la domus, il représente 10 % du NMI et 7 % du NR, et 16 % du NMI et 4 % du NR des assemblages. Dans le marché, l’écart entre individus attestés et comparés avec les autres assemblages est important : alors qu’on dénombre 22 % du NMI et 18 % du NR, il n’y représente que 6 % du NMI et 3 % du NR des céramiques à paroi fine. Sa présence dans la nécropole hellénistique est discrète : il y représente 4 % du NMI et 12 % du NR, et 5 % du NMI et 7 % du NR des céramiques à paroi fine. Dans la nécropole impériale, alors qu’il ne constitue que 2 % du NMI et 21 % du NR, il représente en revanche 100 % du NR des assemblages.

2D’un point de vue technique, il s’agit d’un groupe hétérogène qui compte des productions en argile non calcaire (65 individus), celles du groupe technique 7 (58 individus) et des productions en argile calcaire (62 individus). Des 65 individus en argile non calcaire 58 sont des aryballes (45a). Les analyses menées sur des échantillons1 ont révélé que certaines argiles orangé, mal épurées pouvaient être légèrement calcaires, il est donc possible que certaines pâtes de cet assemblage identifiées comme non calcaire puissent être en réalité légèrement calcaires. Ces argiles se répartissent en groupes de pâte, de très fines à mal épurées. Les plus grossières sont en argile non calcaire, les plus fines en argile calcaire.

3L’assemblage 5 se compose de 15 formes (tab. 71), dominées par celle des aryballes (45a) qui représentent 58 % du NMI et 40 % du NR, suivis modestement par les tasses carénées hautes (32), avec 17 % du NMI et 22 % du NR et les gobelets à panse trapue (17), avec 17 % du NMI et 7 % du NR.

4Les gobelets à panse trapue (17) de l’assemblage 5 présentent une morphologie encore voisine du gobelet à panse sphérique (4), ils sont revêtus d’engobes d’assez bonne qualité, fréquemment grésés et décorés de guillochis. Les 14 formes restantes ne sont attestées que par quelques fragments. Dans l’ensemble, l’assemblage 5 ne forme pas un groupe homogène, et la diversité des pâtes met en évidence une pluralité d’ateliers de provenance. Il est d’ailleurs assez difficile d’identifier nettement des productions tant les pâtes, tout en étant différentes, ne présentent pas de caractéristiques évidentes permettant d’isoler certains groupes. Des exceptions existent toutefois : on peut par exemple isoler les aryballes (45a) en argile non calcaire avec les askoi (47), qui ont une argile orangé, « élastique et fermée », proche des tasses tronconiques (30a) rattachées à la production de Cosa.

5Il est également possible d’associer les gobelets à panse sphérique (4) et à panse trapue (17) du groupe technique 7, les bouteilles à panse sphérique (43) et la cruche fusiforme (39), qui présentent tous une « argile savonneuse » dans la lignée des dernières tasses tronconiques (30a) à pâte « crème ». Pour les autres formes, seules des comparaisons ponctuelles avec d’autres sites permettent de proposer d’éventuels centres de production.

6D’une manière générale, l’assemblage 5 met en évidence le déclin des grands centres producteurs qui approvisionnaient Musarna et l’ensemble du territoire de Tarquinia. S’ils ne disparaissent sans doute pas totalement, ils sont certainement redimensionnés.

2. La fin de l’homogénéité régionale

7Les formes de l’assemblage 5 s’inspirent essentiellement de celles de l’assemblage précédent, qu’elles traduisent dans de nouvelles techniques2. À ce courant s’ajoutent des influences hellénistiques rares et isolées, perceptibles dans les quelques askoi (47) et les aryballes (45a). Celles-ci imitent fidèlement les modèles de Méditerranée orientale et proviennent presque exclusivement des bains hellénistiques, tandant à confirmer ainsi que leur contenu était lié aux soins du corps. La question des askoi (47) est plus complexe car non seulement l’appartenance à cet assemblage n’est pas certaine, et même si cette forme existe en céramique à vernis noir à des périodes plus anciennes, nous ne connaissons pas de modèle direct, comme dans le cas du rhyton (37) de l’assemblage 3, dont la forme, clairement hellénistique réapparaît à la fin de l’époque républicaine.

8Cet assemblage est attesté dans seulement trois cités du territoire de Tarquinia : à Tarquinia, Viterbe3 et à et Sutri4. Ses formes sont en revanche plus nombreuses dans le territoire de Vulci, puisqu’elles ont été trouvées à Cosa5, Settefinestre6, Sorano7, et à Pitigliano/Saturnia8. Non loin de là, elles ont été trouvées à Sasso Pisano9, Populonia10 et Pise11. On les retrouve également à Bolsena12.

9Dans les Latium des parallèles sont connus à Rome13 et à Ostie14. Sur la via Appia, le site de Némi a livré des gobelets à panse trapue (17) et des bols à panse évasée (23b). D’autres formes sont attestées en Ombrie, à Scoppieto15 et Amélia16, et Urbino17.

10Pour l’ensemble des régions ci-dessus, le répertoire morphologique s’est donc considérablement appauvri et ne compte qu’une poignée de formes récurrentes. Les pâtes sont variables, mais les vases généralement fabriqués avec des argiles calcaires et revêtus d’engobe. Dans toutes ces zones prévaut le décor de guillochis. Il faut par ailleurs isoler les aryballes (45a), dont la production peut être localisée aux environs de Cosa et dont la diffusion s’est limitée à cette région mettant ainsi en évidence les spécificités culturelles qui unissent encore cette zone à un moment où les céramiques à paroi fine présentent un répertoire morphologique beaucoup plus restreint et plus standardisé d’un bout à l’autre de l’Empire. Quelques formes semblent ainsi caractéristiques de cette zone ; il s’agit de l’aryballe (45a), de la tasse à panse trapue basse (24b), de la tasse carénée haute (32a et b).

11Des sites situés le long des côtes campaniennes ont livré d’autres fragments : Francolise18, Naples19, Pompéi20, Vélia21. Nous ignorons le lieu d’origine de ces productions.

12Les attestations sur la côte adriatique sont nombreuses ; à Ravenne22, Russi23, Villa Potenza24, Adria25 et, à l’intérieur des terres, à Voghenza26. D’autres sites de Vénétie ont livré des fragments, comme c’est le cas à Nave27 et à Campo Olivello28. En Émilie, un bol à panse verticale (22b) est attesté à Bologne et en Transpadane plusieurs formes sont connues à Angera29. En Ligurie, des exemplaires en ont été découverts sur la côte, à Vintimille30 et dans les terres à Alba Pompeia31. Là encore, il s’agit de productions distinctes d’origine locale ou régionale, qui n’ont plus aucun lien direct avec les productions d’Étrurie tyrrhénienne. Les décors à la barbotine à motif végétaux et l’absence de formes caractéristiques d’Étrurie, comme l’aryballe ou la tasse carénée haute (32) invitent à distinguer les courants d’influence de ces régions.

13En Sicile et dans les et îles Éoliennes, les attestations sont rares ; on trouve un gobelet à panse trapue (17) et un bol à panse verticale (22b) à Lipari, un couvercle à panse évasée (49) à Ségeste et un gobelet à panse trapue (17) à Gulfi.

14En Sardaigne, un gobelet à panse trapue (17) a été trouvé à Porto Torres. Dans les Baléares, un gobelet à panse trapue (17) provient d’Ibiza et une tasse carénée haute (32) de Majorque.

15Sur les côtes gauloises des formes de cet assemblage sont attestées à Marseille32, à Fréjus33, Glanum34 ; plus à l’intérieur des terres dans les ateliers de sigillée de La Graufesenque35. Les deux formes de céramique à paroi fine trouvées en Gaule n’ont cependant rien à voir avec celles d’Italie centrale : les gobelets à panse trapue (17) présentent un bord à collerette, et proviennent de Méditerranée orientale, alors que les bols à panse verticale (22b), décorés de motifs végétaux à la barbotine, sont fabriqués dans des ateliers locaux ou régionaux. Cela est également vrai pour les productions de Lyon36.

16En Méditerranée orientale, on trouve aussi quelques exemplaires d’origine locale ou régionale : à Athènes37, Cnide38 et Paphos39.

17L’assemblage 5 marque un tournant décisif dans la production des céramiques à paroi fine, déjà amorcé par l’assemblage 4. Techniquement, les vases n’ont plus rien à voir avec les productions précédentes, à l’exception de quelques aryballes encore produits en argile non calcaire. Désormais, les argiles calcaires dominent le groupe, mais l’application d’engobes reste minoritaire à Musarna. Les parois sont beaucoup plus épaisses, et le répertoire morphologique s’est considérablement appauvri. On distingue encore une unité culturelle dans l’ensemble de l’Étrurie, mais les différences entre chaque territoire ne subsistent plus. Ces productions ne sont plus le modèle de référence pour les très nombreux ateliers qui continuent de se développer dans l’Empire et de créer leurs propres codes techniques, morphologiques et décoratifs. Les liens plus ou moins directs avec ces derniers semblent avoir disparu, mettant ainsi en évidence la crise des ateliers producteurs de céramique à paroi fine d’Étrurie tyrrhénienne. Cette crise est sans doute liée au développement croissant des vases en verre et à la concurrence des ateliers de céramique sigillée qui se développent sur des modèles économiques distincts. On remarquera enfin, la rareté des décors végétaux réalisés à la barbotine (si caractéristiques à cette période) à Musarna et dans sa région : nous ignorons où a débuté leur fabrication. Les productions des autres régions pénètrent peu à peu à l’intérieur du territoire de Tarquinia.

3. Datation

18L’assemblage 5 ne se présente pas comme un groupe homogène : il est le plus souvent attesté dans les strates de superficie qui contiennent du matériel résiduel et intrusif, si bien qu’il n’est pas aisé de distinguer différentes phases. De toute évidence, les formes les plus anciennes sont les aryballes (45a) et les askoi (47). Les aryballes sont produits dès la fin du règne d’Auguste, et semblent caractéristiques du règne de Tibère ; leur production même en pâte calcaire, d’origine inconnue, ne dépasse pas le milieu du I^er siècle ap. J.-C. Les autres formes, pour lesquelles nous ne possédons pas d’éléments stratigraphiques précis, sont datées sur la base des comparaisons avec d’autres sites, dans une fourchette large, entre le début du deuxième quart et la fin du troisième quart du I^er siècle ap. J.-C.