Les monastères vénitiens et l’argent
|Troisième partie. Le monastère de San Giorgio Maggiore leader de la congrégation cassinense (province ecclésiastique de Venise)
Chapitre 12. Biens et revenus du monastère à la Renaissance
Texte intégral
- 1 In Carpanese – Trolese 1985, p. 44.
1Comment les monastères ont-ils traversé la crise du XIVe siècle ? Les sources internes, monastiques, sont quasiment muettes, or la crise a eu de profonds retentissements, la Peste noire et le retour récurrent de l’épidémie ont exercé des ravages sur la population, on ne sait si les moines isolés du monde dans leur monastère-forteresse ont été victimes de l’épidémie, mais le réservoir de population dans lequel naissaient les vocations à la vie contemplative s’est singulièrement restreint. De même la guerre quasi permanente sur terre où Venise a entrepris de conquérir un état de Terreferme, du déclenchement de la guerre de Chioggia à la paix de Lodi qui mettait provisoirement fin aux hostilités entre États italiens, avant que les grandes monarchies, France, Espagne, Empire, n’intervinssent militairement dans la péninsule, enchaînait les désastres pour les populations rurales fuyant les armées et trouvant refuge derrière les murailles urbaines. Les champs cessaient d’être cultivés, les récoltes étaient réquisitionnées par les armées ou pillées par des bandes armées, la disette s’installait et les cens et rentes ne rentraient plus dans les monastères. La guerre coûtait cher en hommes et en matériel, pour la financer, il fallait lever des emprunts de plus en plus fréquents que l’État était incapable de rembourser, voire d’en payer l’intérêt promis. Le monastère de San Giorgio était loin des opérations militaires, mais celles-ci entraînaient des conséquences désastreuses et prolongées pour tous. Le nombre des moines diminuait fortement, les recettes ne rentraient plus ou très mal, les dépenses par l’impôt subissaient une forte croissance. Cet état de choses était largement partagé et Aldo Stella notait dans son étude du patrimoine de Santa Maria di Praglia en 1448, année de son agrégation à la « Congregatio de observantia D. Iustinae de Padua » qu’il était « gravement compromis et même quasi dilapidé, voire en situation de faillite »1.
Le patrimoine de San Giorgio Maggiore (1375-1589)
2Le monastère a conservé des comptes épars, voire des fragments pour la fin du Moyen Âge et le XVIe siècle. Malgré leur indigence, ces sources informent sur l’étendue du patrimoine foncier et immobilier de l’abbaye et son évolution.
Une ébauche de compte en 1375
- 2 Biens absents pour la quasi-totalité de l’index des volumes 2 et 3.
- 3 ASV, San Giorgio M., B. 53, proc. 75, Nota anticha delle rendite del monastero sotto l’abbate Boni (...)
3Pour les biens situés sur le territoire de Mestre (Mestrina) qui n’étaient guère apparus auparavant2, à Pirago parvo (aussi appelé Pirago minor ou Piraghetto), Cello (Zello), Chalbiço, Maderius, Lugugnano, Scorzano, les moines reçurent, en 1375, 219 setiers de froment (dont 46 non criblé), 10 poulets, 8 poules, 4 canes, 4 épaules de porc, 50 œufs, 10 setiers d’épeautre3. Des rentes en argent, non négligeables, complétaient ces livraisons en nature, soit 55 livres de piccoli et 10 ducats d’or, au total (1 ducat = 72 sous), 91 livres. Enfin la villa de Campo castri était assujettie à une rente plus lourde égale à la moitié des récoltes et des produits (medietas utilitatis), ce qui permit aux moines de taire l’entité du revenu. Scrupuleusement, le régisseur qui avait établi le compte notait que deux tenanciers n’avaient pas versé la totalité de la rente en froment à laquelle ils étaient astreints, celui de Chalbiço restait débiteur de 4 setiers, l’autre, à Maderius, de 11 setiers.
- 4 Ibid., Nota anticha delle rendite. Catastico perg. di cc. 10, c. 4. On aura garde d’additionner de (...)
- 5 Mueller 1971, p. 193-196.
- 6 San Giorgio M., B. 53, proc. 75, c. 2 et 4.
4Le monastère bénéficiait aussi de revenus financiers. Les Procurateurs de San Marco lui versaient chaque année l’intérêt de legs accordés par des patriciens, au total 9 sous 11 gros 8 piccoli pour les biens de la commissaria de Nicolò Basilio, 40 sous ad grossos au titre des legs de Marco Querini et de Nicolò Cocco, pour moitié chacun (20 sous)4. On a vu les mesures prises par la Commune pour restreindre l’usage de la propriété immobilière dans les pie cause. La loi de 1333 n’était pas rétroactive, mais en 1353 la Commune avait ordonné une vente massive des biens gérés par les Procurateurs de San Marco et leur paiement en bons d’État inaliénables5 qui produisaient l’intérêt annuel dont il vient d’être question. En 1375, le monastère perçut 16 ducats d’or, 8 couples de canards et 25 anguilles fluviales au titre des marais qu’il possédait dans les dépendances de Murano. Il s’agit peut-être de Tressarola maior qu’il partageait avec les monastères de S. Zaccaria et de S. Lorenzo. De même la propriété de la Vinea murata lui apportait 18 ducats d’or, mais il tirait aussi des revenus dont le montant n’est pas précisé, de S. Maria de Cavana et des eaux environnantes vers S. Servolo, le canal Orfano, le canal de Palusella et la comenzaria qui menait à Chioggia6. À l’époque, le patrimoine salin de San Giorgio était encore inentamé, mais il est totalement passé sous silence, nous y reviendrons.
5Les moines auraient-ils mis peu d’empressement à établir le compte de leur recette et se montraient-ils plus attentifs à compter la poule, le poulet, la cane, les œufs et l’épaule de porc, les archaïques redevances seigneuriales (honorantiae), qu’à convertir en produits un avantageux bail à moitié ? La rente foncière semble partagée entre deux recettes, le froment et les espèces monétaires, aucun tenancier n’échappait à ces deux prestations, chacun devait une douzaine de livres et de 15 à 40 setiers de froment. Le tenancier le plus lourdement taxé (40 setiers) ne payait aucune rente en argent.
- 7 Faugeron 2014, p. 390 n 14, d’après Maggior Consiglio, 24 mars 1270 et 9 novembre 1318.
- 8 Ling 1988, p. 319.
6Tous les propriétaires qui détenaient des biens fonciers en terreferme dans les districts de Trévise, Padoue, Ferrare, ou en Istrie, qu’ils fussent nobles ou citoyens, prêtres ou moines, étaient tenus de rapatrier à Venise le produit des récoltes et pas seulement les rentes qu’ils percevaient pour leurs biens et de déclarer à l’office du blé les quantités récoltées et les revenus perçus. Les pactes signés avec les communes voisines inséraient une disposition de liberté des transits pour ces produits. Les propriétaires étaient autorisés à laisser sur place un cinquième des récoltes pour l’autoconsommation paysanne et les semailles7. En 1429, le monastère déclarait que ses revenus fonciers provenant du Padouan s’élevaient en valeur à 1 132 livres 10 sous. Quatre autres monastères disposaient de rentes supérieures à 1 000 livres dans ce district, San Giovanni Evangelista de Torcello était le mieux loti (1 975 livres)8.
Le bilan de 1453
7Le compte se présente sur deux colonnes recettes et dépenses, indiquées en argent (ducats, livres, sous, deniers piccoli) après conversion éventuelle des entrées en nature.
8Les loyers des biens immobiliers sis dans Venise procuraient au monastère 60 % de ses revenus, les redevances en nature, une fois converties en argent 35 %, ce qui paraît un ratio équilibré.
- 9 Sur la banque à Venise au XVe siècle, Lane-Mueller 1985-1997, II, p. 641-646.
- 10 San Giorgio M., B. 52, proc. 68H. Bellodi 1905 qui ne tarit pas d’éloge sur le rôle de Carlo Gonza (...)
9Le compte fournit des informations sur les rentes en nature : les froments ont procuré au monastère une copieuse rente de 979 setiers, l’épeautre, 140 setiers, le mil et les légumineuses, 82 setiers, et le vin, 182 mastelli, mais il fallait considérer « son imperfection ». D’autre part, le tableau indiquait les montants espérés, ce que le monastère s’attendait à recevoir, mais fermiers et locataires ne s’acquittaient pas toujours ponctuellement et au 31 décembre il restait à percevoir des impayés à hauteur de 560 ducats 5 livres 11 sous, soit 490 ducats, 5 livres 11 sous pour les loyers des maisons et boutiques et 70 ducats pour les fermages de la Mestrina, dont on n’espérait pas grand-chose. Plus préoccupantes encore les pertes provoquées par la faillite de la banque des Soranzo9 (dont on a vu l’importance et l’influence du clan auprès de l’abbaye) où le monastère avait placé le produit de la vente des biens de Candie cédés à un certain Vidal Candulo pour le prix de 870 ducats, dont l’acheteur restait débiteur à hauteur de 275 ducats, que le monastère ne désespérait pas de récupérer s’il consentait une forte remise : l’ensemble de ces pertes, diminuées des 275 ducats, s’élevait à 1 145 ducats (en réalité à 1 155 ducats), soit près de la moitié de la recette. Le manque à gagner de 1 155 ducats enregistré dans les recettes entraînait un endettement du monastère égal à 955 ducats. Cette année-là (1453), le monastère se résolut à emprunter 2 000 ducats d’or au monastère de San Benedetto de Polirone10. Mais il y avait un autre souci : maisons et boutiques en ville, fréquemment décrépites, tombaient en ruine, les réparer aurait entraîné des dépenses auxquelles les finances du monastère ne pouvaient faire face : les réparations coûtaient chaque année de 150 à 160 ducats mais, mal conduites, il fallait les reprendre à bref délai.
- 11 Voir supra chap. 10, « La faiblesse des revenus de la saline ».
- 12 Hocquet 2003a, p. 116-119.
10Au milieu du XVe siècle, le monastère possédait encore 45 salines à Chioggia et il encaissait environ 200 livres de la vente de sa rente de sel11. Jamais cette recette, tenue en piètre estime, n’apparaît dans les comptes12. En 1463 elle était peut-être regroupée avec les eaux de Murano et le pré d’Arqua, qui procuraient ensemble moins de 67 ducats.
- 13 Basini a analysé les divers types d’exploitation sur l’entreprise agraire des bénédictins de Ss Pi (...)
11Plus curieux encore, le dépouillement systématique du fonds archivistique du monastère n’a dégagé aucun document où il aurait été traité du mode de location et d’exploitation des terres agricoles dont le monastère a conservé la propriété jusqu’à sa suppression. Est-ce à dire que les contrats emphytéotiques conclus aux XI-XIIes siècles à perpétuité interdisaient au monastère de reprendre son bien pour le louer selon les contrats nouveaux, métayage ou fermage, ou pour les exploiter en gestion directe (« en économie » avec des salariés)13.
12Pour les dépenses, nous avons tenté un rapprochement entre les deux années 1453 et 1463 malgré les difficultés : ainsi, pour le vin consommé, en 1453 le clerc aux comptes distinguait le vin et le datio du vin, en 1463 cette distinction n’a plus cours, mais on ignore si la taxe figure dans les dépenses extraordinaires auxquelles nous avons ajouté le montant des aumônes journalières (76 ducats), objet d’une ligne à part. Les dépenses ont fait un bond de 2 144 à 2 939 ducats, soit une hausse de 37 %, mais il n’est plus signalé d’arriérés de paiement qui s’élevaient à 955 ducats en 1453, et on ignorait à quoi correspondait alors le versement de 666 ducats à divers créanciers et à quel poste il fallait l’imputer. Le monastère s’est efforcé, semble-t-il, de limiter ses dépenses, d’apurer ses dettes et de tenir une comptabilité plus savante qui équilibrait recettes et dépenses et mettait en évidence le solde négatif de 373 ducats (appendice 6).
L’évolution séculaire des revenus du monastère
- 14 San Giorgio M., B. 55, proc. 101, Terminazioni diverse del collegio de X Savii, Governatori delle (...)
- 15 Ling 1988 a révisé les vues de Modzelewski qui avait proposé que le monastère de San Zaccaria tira (...)
13Quelle était la valeur des biens du monastère ? Il semble que les maisons détenues à San Zulian étaient estimées à 10 200 livres en 1412 et à 8 000 livres en 1427 et 1432, soit une dépréciation de 21,56 % en une quinzaine d’années14. Ces biens immobiliers dans Venise ont rapporté 1 430 ducats en 1463, le total des rentes paysannes converties en argent 1 023 ducats, les fours dont l’implantation n’est pas précisée (en ville ou à la campagne ?) 115 ducats. En dix années, les loyers perçus dans la capitale ont baissé de 17 ducats, le montant des rentes foncières prélevées sur les campagnes a augmenté de 68 ducats mais, dans la seule Mestrina, les paysans restaient débiteurs de 70 ducats. La hausse attendue des revenus agricoles atteignait par conséquent 138 ducats. Parmi les redevances en nature qui constituaient encore l’écrasante majorité des revenus agraires du monastère, le froment subissait une diminution sensible, l’épeautre demeurait stable, mil et légumineuses progressaient à 95 setiers, les rentes en vin stagnaient à un modeste revenu. Ces données sont assez riches pour suggérer un début de transfert de la rente de la ville à la campagne et si le tableau semble suggérer un début de substitution de la rente en argent à la rente en nature en cette première décennie de la seconde moitié du XVe siècle, ceci est dû à la présentation comptable qui harmonisait tous les revenus et les comptabilisait en une valeur monétaire. La paysannerie était davantage sollicitée que par le passé, mais le mouvement devait être confirmé. Les monastères et tous les propriétaires de biens sur la terreferme avaient le plus grand intérêt à exiger la rente en nature facilement commercialisable sur le marché urbain qui en donnerait de meilleurs prix que les marchés ruraux des districts de Padoue, Trévise, Ferrare ou autres. Cela est encore plus vrai à la fin du XVIe siècle, quand la rente en nature permit d’effacer l’avilissement de la monnaie et de tirer bénéfice de la hausse des prix (appendice 7). Simultanément Venise, soucieuse de son ravitaillement qui l’incitait à adopter une politique annonaire, se procurait les productions agricoles de première nécessité, les grains, légumes, volailles, et le vin15.
Le monastère, grand propriétaire de biens dispersés
- 16 San Giorgio M., proc. 97, c. 1 vo. Il existe un proc. 97 A (carte 54 et 4 c nn). Inventari general (...)
- 17 San Giorgio M., B. 75, proc. 183.
- 18 Cité par Stella 1980, p. 21, d’après San Giorgio M., B. 26. L’auteur ne signale pas la localisatio (...)
14En 1221, le monastère de San Giorgio avait réalisé une opération foncière de grande envergure : le pape Honorius III avait approuvé une sentence rendue par l’évêque d’Ostie pour clore un litige qui avait durablement opposé le patriarche d’Aquilée et la commune de Trévise. La sentence accordait au monastère lagunaire tous les biens du monastère trévisan de Santa Maria del Piro et confirmait également en sa faveur l’immunité, l’exemption de toutes charges, déjà accordée en 1215 par le patriarche16. En 1450, cette abbaye S. Maria de Piro rejoignait la congrégation de S. Giustina. Le pape Sixte IV approuva cette adhésion au temps de l’abbé commendataire Giovanni Barbo en 1479. En 1493, le chapitre général de S. Giustinia déléguait à l’abbé, aux moines et au couvent de San Giorgio le gouvernement et l’administration de tous les droits spirituels et temporels (collation, visite) du monastère de Piro avec tous ses biens et dépendances, y compris les églises de S. Andrea à Barbarana, S. Marco à Fagarè, S. Mauro à Roverè et S. Benedetto à Zenson17. Les estimi continuaient d’enregistrer les acquisitions des monastères en Vénétie, San Giorgio Maggiore acquit encore 600 campi en une seule fois le 4 mai 155118.
15En 1589, pour la présentation des comptes à Rome, le monastère de San Giorgio tint une comptabilité précise de tous ses biens et plaça au premier rang les biens qui lui étaient venus de l’abbaye trévisane dite désormais villa del monastero où résidaient dix moines et deux prêtres. Le compte distinguait les localités et dans chacune d’elle les surfaces labourées, les prés, les prés marécageux orientés vers la production de fourrage, les surfaces mixtes (labours et prés), toutes les surfaces étaient mesurées en campi, le nombre de pauvres manouvriers (poveri brazanti) ou de métayers (lavoratori alla parte) logés dans 28 masures figurait aussi (appendice 8).
- 19 San Giorgio M., proc. 97, c. 18 et 19.
16Tous ces biens n’étaient pas de la même qualité : à Codevigo par exemple, les champs cultivés souvent inondés ne rendaient rien, un bout de marais livrait des roseaux pour la litière du bétail, huit campi étaient loués à des brassiers dont on exigeait quelque corvée (opera). Les 583 campi du secteur de Codevigo qui regroupait aussi les biens du monastère de la Valle Longa, de Rosara et du Pontelongo, très détériorés, étaient transformés en valli insalubres dont le mauvais air avait fait fuir les habitants. La majeure partie de ce territoire trop exposé aux eaux salées de la lagune et aux inondations du Brenta ne pouvait, certaines années, conserver ses fruits ni le raisin gâtés par les intempéries. Le monastère concédait pourtant ses biens à des métayers, mais chaque année il en manquait deux, trois ou quatre. À Mestre aussi, in villa Bona (Bottenigho), tout le bien du monastère était exposé à l’eau, outre un terrain marécageux19.
- 20 San Giorgio M., proc. 97, c. 19.
- 21 San Giorgio M., proc. 97, c. 20.
17Le monastère possédait encore quelques biens, 200 tornature à Rimini dont il tirait du vin, des pommes et des grenades, l’église de S. Stefano de Funi et ses biens loués près de Bologne, enfin le pauvre prieuré de S. Martino à Trieste avec ses deux moines que le monastère devait entretenir20. Ces biens étaient disséminés, mêlés à des biens laïcs, le monastère faisait valoir qu’il avait tenté au cours des temps de procéder à des remembrements par voie d’échange21.
- 22 Ling 1988, p. 319-320, appendice III.
18Le monastère percevait en année moyenne un revenu de 5 374 ducats (de 124 sous), 3 877 setiers de grains et 272 karra de vin (appendice 10). Reste une question fondamentale : ces déclarations de revenus étaient-elles fiables ? Le monastère n’a-t-il pas cherché à dissimuler certaines sources de revenus ? Lesley Ling disait sa surprise de constater que le monastère déclarait un revenu égal à 1 132 livres 10 sous pour ses biens situés dans le district de Padoue en 1429 et une propriété réduite à 70 campi ¼ pour la même zone en 144822. Plus important, l’équilibre réalisé entre revenus en numéraire procurés par les loyers en ville et les revenus en nature venus de la rente foncière sur les exploitations paysannes était la marque d’une saine gestion, mais la rareté des sources interdit de tracer des courbes qui mettraient en valeur des évolutions. Généralement les grands propriétaires auraient souhaité modifier la nature de la rente (numéraire ou nature) en fonction de la conjoncture. En période de baisse des prix, selon une opinion répandue parmi les historiens des années 1960-1970, quand l’histoire des prix faisait florès, ils privilégiaient la rente fixe en argent, durant la période de hausse qui suivait, ils préféraient percevoir des rentes en nature dont la vente sur le marché urbain leur procurait des recettes accrues. L’inertie des statuts de la terre, la prédominance du métayage à part de fruits, la faiblesse du fermage et du prélèvement d’une rente fixe en argent, interdisaient au propriétaire de répercuter les accidents conjoncturels. Il était plus facile aux monastères urbains de diversifier les sources de revenus, de juxtaposer l’immobilier urbain et le foncier avec le bâti à la campagne. Dans la conjoncture déprimée de la fin du Moyen Âge, toutes les rentes s’étaient affaissées, la reprise fut compromise par les guerres incessantes qui ravageaient les campagnes, mais épargnèrent Venise retranchée dans sa Lagune et les propriétaires de maisons et boutiques dans la ville.
- 23 Orlando 2005, p. 52 et 59 ; Pozza 1996, p. 611 et 614-615. Les revenus de l’église de Négrepont s’ (...)
19En 1453, le cellérier avait déclaré une recette de 8 ducats pour l’île de Négrepont où le monastère disposait d’un prieuré intitulé à San Marco géré sur place par un prieur envoyé de l’abbaye mère qui lui confiait la tutelle du patrimoine foncier et immobilier et le soin de percevoir les revenus contre paiement de la redevance annuelle23.
- 24 Fassina 1984, p. 147 (la plainte est datée : 2 juin 1548). L’auteur montre (p. 149) la fixité de l (...)
20La documentation tait la condition réelle des paysans établis dans les exploitations du monastère, elle ne signale pas d’incident et ne parle pas de leur mauvaise volonté au travail ou au paiement des rentes : les moniales du monastère de S. Teonisto de Trévise, propriétaires de biens à Marcon (podestaria de Mestre, en face de Torcello), se plaignaient « d’avoir loué beaucoup de campi (campi fittadi) à de mauvais travailleurs et même aux pires destructeurs de biens ecclésiastiques, qui poussent l’audace jusqu’à ne pas payer les loyers (affitti), à vendre comme ils l’entendent les améliorations, en particulier à de nobles gentilhommes »24.
21Les bénédictines étaient aux prises au milieu du XVIe siècle avec deux catégories sociales, des paysans retors et des nobles qui leur disputaient avec succès la propriété des terres en Vénétie. Le mode de gestion des biens religieux était depuis une loi du Sénat (27 octobre 1412) la location à court terme et l’interdiction des contrats à long terme (emphytéose, location perpétuelle) qui se traduisaient par l’aliénation du dominium utile en faveur du concessionnaire, au détriment des églises et des monastères. Mais ces établissements éprouvaient des difficultés à abandonner les pratiques traditionnelles et préféraient encaisser une modique rente fixe, en nature, alors que l’économie, de plus en plus monétarisée, avait subi une profonde mutation.
L’évolution du patrimoine urbain
- 25 San Giorgio M., B. 47, proc. 58.
- 26 San Giorgio M., proc. 52, t. 2, d’après un acte du 31 mai 1267. Les biens de campo Rusolo firent p (...)
- 27 San Giorgio M., B. 46, proc. 54, perg. 1441. Sur cette magistrature habilitée à saisir les biens d (...)
- 28 San Giorgio M., proc. 58 A II. En 1791 ces maisons du campo Rusolo n’avaient pas cessé de figurer (...)
22Différents comptes dénombrent les locataires des maisons ou des terres cultivées. En 1267, les biens laissés à San Giorgio par Giacomo Ziani, situés entre San Zulian et le bassin Orseolo étaient loués à 35 locataires et il y en avait 28 autres qui occupaient le legs de la veuve de Giovanni Foscari, Bonafante25, entre le campo Rusolo de San Gemignano et S. Zulian26, soit ensemble 63 familles hébergées dans des maisons du monastère sises au nord des Procuratie (vecchie). Le monastère parvenait encore à arrondir son patrimoine dans ce secteur de S. Zulian où il achetait au magistrato alle cazude deux maisons saisies pour cause d’endettement à ser Francesco Giustinian27. San Giorgio entretenait ses maisons et signa un contrat pour en construire une neuve sur le campo Rusolo, « selon les plans de maître Antonio Scarpagnin, prote au sel »28.
- 29 Item in contra de S. Ternita sul campo di do pozzi case tenute ad affitto. Cinq maisons rapportaie (...)
- 30 San Giorgio M., B. 37, proc. 13 I et specchio de 1485.
23En ville, au XVe siècle, maisons et appartements continuaient d’être loués : le monastère avait 27 locataires dans ses immeubles des Merzerie en 1465 comme vingt ans plus tard, 13 puis 12 locataires à Rialto, 23 puis 24 dans la corte de San Zorzi (campo Rusolo) et 13 à la Sainte Trinité29, 5 dans ses deux maisons de S. Agnese. De même sur ses biens ruraux, il avait établi 15 tenanciers à Mestre, 42 à Roncaiette et 33 à Codevigo. Au total, 171 chefs de famille contribuaient à la richesse du monastère, à peu près également répartis dans la ville (81 locataires) et sur les biens de terreferme (90 métayers ou manouvriers)30. En 1465, parmi les locataires de Rialto figuraient trois orfèvres, quatre artisans de la draperie (zimadori et zuponaro), un fourreur de vair, un tailleur et un qui « tenait table », probablement un changeur qui payait le plus gros loyer (58 ducats). Trois appartements étaient vacants et ne produisaient pas de revenu.
- 31 San Giorgio M., B. 14, proc. 59.
- 32 Pullan 20022, vol. 1, p. 153-154.
- 33 Ibid., note 14, p. 171-172.
24La législation sur les legs destinés aux « pie cause » avait été durcie. Une dame Franceschina Bratti qui rédigea son testament le 21 avril 1469 souhaitait donner au monastère deux maisons qu’elle avait à San Trovaso, mais, précisait-elle, « s’il n’est pas possible de les transmettre à un établissement ecclésiastique », alors elle léguerait 70 ducats à la librairie du monastère, en plus de 16 campi à Campolongo de Piove di Sacco31. Les autorités, préoccupées par l’extension des patrimoines ecclésiastiques, en redoutaient les incidences fiscales. En 1472, le Sénat approuvait des lois qui limitaient le droit des clercs à posséder des biens immobiliers et imposaient de nouvelles restrictions aux legs qui leur étaient destinés. Il voulait corriger une situation par laquelle « les monastères, églises, hôpitaux (qui étaient des instituts religieux) et prêtres de notre ville, s’emparaient par héritage ou par d’autres moyens (achats, prêts sur gage) de propriétés des laïcs », et celles-ci n’étaient plus assujetties qu’aux deux décimes imposées au clergé de l’État avec l’accord du pape, ce qui portait préjudice au Trésor. À l’avenir ces propriétés continueraient d’être soumises à la même taxation que les biens laïcs32. En 1536, le Sénat limitait les donations ad pias causas à une durée de deux années au terme desquelles elles seraient vendues aux enchères par une magistrature fiscale, les Dieci Savi sopra le Decime qui remettraient le produit de la vente aux Procurateurs et ceux-ci le distribueraient aux ayants droit désignés par les testateurs. Les notaires étaient invités à informer les Savi de la teneur des testaments. En 1598 le Sénat voulant clarifier le champ d’application de la loi de 1536 précisa que les biens légués avant 1536 en étaient exclus. Les lois de 1333 et 1353, dont on avait signalé la non-rétroactivité, étaient tombées en désuétude et avaient cessé d’être appliquées33. La loi adoptée par les conseils vénitiens s’efforçait de mettre un frein à l’accumulation de propriétés immobilières par les institutions religieuses, elle n’obligea jamais celles-ci à se défaire de l’existant et en somme elle consolidait la propriété de mainmorte.
- 34 Les valeurs sont indiquées en ducats, mais le ducat, monnaie d’or au XVe siècle, est devenu monnai (...)
25Le tableau de l’évolution des loyers perçus par le monastère de 1463 à 1589 offre matière à hypothèse : jusqu’en 1485 les loyers perçus pour les quatre ensembles de propriétés furent caractérisés par une relative stabilité, mais au cours du XVIe siècle, leur répartition se trouva bouleversée. L’ensemble des loyers perçus pour les maisons des Mercerie s’effondra en un siècle, de 1019 à 311 ducats34, au voisinage les immeubles de la cour de San Giorgio (campo Rusolo) progressaient de 153 à 517 ducats et ceux de Rialto sur la rive droite passaient de 219 à 460 ducats, les maisons dispersées à la S. Trinità (à Castello en bordure de l’Arsenal vecchio, face à la Celestia) et à S. Agnese (Dorsoduro) subissaient aussi une diminution sensible. Cette évolution erratique ressort clairement des valeurs indiciaires.
Tabl. 11 – Les bouleversements de la valeur locative à Venise (indice 100 en 1463).
Revenu des loyers par quartier | 1463 | 1485 | 1589 |
Maisons des Mercerie | 100 | 102,4 | 31,25 |
Maisons de Rialto | 100 | 96 | 201,75 |
Cour de S. Giorgio (campo Rusolo) | 100 | 110,8 | 374,6 |
Cour de la S. Trinité et 2 maisons à S. Agnese | 100 | 158 | 87 |
Total des loyers | 100 | 104,9 | 94,26 |
- 35 Les « annates » étaient perçues une seule fois sur le bénéficier nouvellement élu et représentaien (...)
- 36 San Giorgio M., proc. 97, c. 25. Ces multiples impositions ne se cumulaient pas. Les décimes étaie (...)
26En 1589, après avoir présenté une synthèse (compendio) de toutes les recettes, le cellérier terminait le rapport présenté en cour de Rome et souscrit par le notaire apostolique le 23 juillet 1589 par cette indication laconique : « avec ces entrées nous payons à Rome les quinzièmes, annates35, quarts de fruit, monti de religion, gabelle, décime, taxes et dons et autres impositions (gravezze) »36. Il ne prit pas la peine d’indiquer l’entité de ces multiples prélèvements.
- 37 Voir supra, chap. 3 (Les Bonoaldo et les acquisitions de Dorsoduro).
27La composition du patrimoine immobilier du monastère ne laisse pas de surprendre. En effet, il était bien groupé dans le cœur historique de la cité, proche de la basilique de San Marco, aux Mercerie et à Rialto, dans les quartiers centraux et commerçants, et l’on sait que ce patrimoine bâti venait de la générosité de riches et puissants donateurs. Or le monastère avait aussi acquis de vastes terrains vides à Dorsoduro où il avait patiemment rassemblé l’héritage dispersé des Bonoaldo, on s’en souvient37. Ces terrains étaient constructibles, sans beaucoup d’efforts, puisqu’ils avaient été jadis aménagés en salines, abandonnées quand les Bonoaldo cédèrent leurs biens à San Giorgio. Le monastère déclarait posséder deux ou trois maisons à Sant’Agnese et S. Trovaso dont il encaissait les loyers. De même il avait quelques modestes biens à La Trinité où il avait également pu obtenir des terrains qu’un legs lui avait abandonnés. Pourquoi le monastère n’a-t-il pas loti ces terrains à bâtir dans ce qui devenait alors des quartiers périphériques de la ville en expansion et pourquoi ne s’en trouve-t-il pas trace ultérieurement dans la documentation conservée, alors que l’aliénation de biens parvenus aux religieux était interdite par l’Église ?
- 38 Hubert 1997, p. 132.
- 39 Ibid., p. 140 : « On observe partout une situation générale qui dissocia la phase du lotissement d (...)
28Étienne Hubert, tout en regrettant l’absence de monographies sur « l’importance relative de la propriété ecclésiastique à l’intérieur du parc immobilier urbain » et sur les patrimoines des religieux38, a pourtant réussi à présenter une étude cohérente qui met en valeur certains points empruntés à d’autres villes (Gênes, Milan, Bologne, Pise, Pérouse et bien entendu Rome). Venise qui était alors une métropole en expansion où affluaient des populations immigrées et dont la démographie culmina autour de 110 000/120 000 habitants au tournant du XIVe siècle, connaissait une véritable fièvre édilitaire, à la fois pour offrir un toit à une population accrue et aux nouveaux arrivants et pour tirer parti des réserves foncières : on gagne davantage d’argent (loyers) de maisons occupées que de terrains laissés vides. Il n’était pas nécessaire au propriétaire des terrains de bâtir des maisons pour les revendre ou les louer, il ne se faisait pas promoteur immobilier et spéculateur, il pouvait agir comme le propriétaire rural et céder un lot ou parcelle ad edificandum à un acquéreur qui se chargerait d’y faire venir les matériaux pour y construire la maison où abriter sa famille, en somme d’améliorer le bien, de le bonifier39 selon le modèle élaboré pour le monde rural. La concession pouvait entraîner la perception du cens au bénéfice du propriétaire du sol, au cas où la propriété aurait été démembrée, l’un conservant le sol, l’autre la maison construite à ses frais. Il semble qu’aucune charte n’ait été conservée qui témoignerait d’un maintien de la propriété ecclésiastique sur ces sols urbains, du versement d’une quelconque rente (cens, loyer, droit de mutation), de l’existence de contrats de concession ou de location. Les différents états postérieurs des revenus du monastère n’ont curieusement pas gardé trace de cet élément de nature à procurer un important complément de recettes avec un rendement probablement très supérieur à celui des terres agricoles et une plus grande facilité de gestion due à la proximité.
- 40 Dorigo 2003, II, p. 973-974, n’a pas trouvé mention de ces constructions dans le fonds archivistiq (...)
29Wladimiro Dorigo qui a procédé à une reconstitution systématique de la topographie urbaine et des progrès de l’urbanisation jusqu’au XIVe siècle, a localisé les donations des Bonoaldo dans la contrada de S. Nicolò dei Mendicoli, en bordure du canal de la Giudecca, à l’extrémité occidentale de la cité de Rialto. Ces vastes extensions marécageuses furent données à S. Giorgio qui y possédait déjà deux étendues d’eau équipées de moulins données par le protospathaire Giovanni Morosini avant son entrée au monastère. En 1223-1225, le Grand Conseil aurait envisagé une action de bonification (de melioratis) dans cette zone où au siècle suivant serait documentée une séquence édilitaire40.
Notes
1 In Carpanese – Trolese 1985, p. 44.
2 Biens absents pour la quasi-totalité de l’index des volumes 2 et 3.
3 ASV, San Giorgio M., B. 53, proc. 75, Nota anticha delle rendite del monastero sotto l’abbate Bonincontro Boaterii del 1375.
4 Ibid., Nota anticha delle rendite. Catastico perg. di cc. 10, c. 4. On aura garde d’additionner des sous de gros qui étaient des multiples du ducat d’or et des sous ad grossos alignés sur la livre de piccoli (1 denier grosso = 32 deniers piccoli).
5 Mueller 1971, p. 193-196.
6 San Giorgio M., B. 53, proc. 75, c. 2 et 4.
7 Faugeron 2014, p. 390 n 14, d’après Maggior Consiglio, 24 mars 1270 et 9 novembre 1318.
8 Ling 1988, p. 319.
9 Sur la banque à Venise au XVe siècle, Lane-Mueller 1985-1997, II, p. 641-646.
10 San Giorgio M., B. 52, proc. 68H. Bellodi 1905 qui ne tarit pas d’éloge sur le rôle de Carlo Gonzaga, abbé commendataire de Polirone au milieu du XVe siècle, avance que les revenus du monastère passèrent de 600 à 12 000 ducats grâce à la bonification opérée sous cet abbatiat (p. 60, source non citée).
11 Voir supra chap. 10, « La faiblesse des revenus de la saline ».
12 Hocquet 2003a, p. 116-119.
13 Basini a analysé les divers types d’exploitation sur l’entreprise agraire des bénédictins de Ss Pietro e Prospero de Reggio Emilia aux XVIIe-XVIIIe siècles (Basini 1979, p. 17-22).
14 San Giorgio M., B. 55, proc. 101, Terminazioni diverse del collegio de X Savii, Governatori delle Intrade e Cazude, c. 1.
15 Ling 1988 a révisé les vues de Modzelewski qui avait proposé que le monastère de San Zaccaria tirait 25 % de ses revenus de ses propriétés foncières de terreferme en 1305 et n’hésite pas à relever ce taux à 57/58 % et même à plus de 60 % (p. 305 et 318).
16 San Giorgio M., proc. 97, c. 1 vo. Il existe un proc. 97 A (carte 54 et 4 c nn). Inventari generali del monastero. cart. 1769, 2 agosto. Compilato in seguito a decreto del Senato 1769, 28 gennaio. Il comprend la description des biens du monastère répartis par localité et le nom des locataires, présentée aux Sopraintendenti alle Decime del Clero.
17 San Giorgio M., B. 75, proc. 183.
18 Cité par Stella 1980, p. 21, d’après San Giorgio M., B. 26. L’auteur ne signale pas la localisation de l’achat.
19 San Giorgio M., proc. 97, c. 18 et 19.
20 San Giorgio M., proc. 97, c. 19.
21 San Giorgio M., proc. 97, c. 20.
22 Ling 1988, p. 319-320, appendice III.
23 Orlando 2005, p. 52 et 59 ; Pozza 1996, p. 611 et 614-615. Les revenus de l’église de Négrepont s’effondraient : en 1400 l’abbé Carlo louait ses biens pour 20 ducats (Orlando 2005, doc. 107).
24 Fassina 1984, p. 147 (la plainte est datée : 2 juin 1548). L’auteur montre (p. 149) la fixité de la rente en nature, le fait que celle-ci est acquittée non plus par le seul paysan exploitant, mais à ses côtés par cinq autres citoyens vénitiens qui ont donc acheté des droits sur les biens du monastère, enfin l’accumulation des arriérés. En 1546, les paysans continuaient à offrir les épaules de porc, les poules, les oies aux sœurs, tandis que des nobles, vénitiens ou autres, leur achetaient leur exploitation en leur offrant de payer leurs dettes au monastère (p. 150).
25 San Giorgio M., B. 47, proc. 58.
26 San Giorgio M., proc. 52, t. 2, d’après un acte du 31 mai 1267. Les biens de campo Rusolo firent partie du patrimoine du monastère sans interruption jusqu’en 1805. À cette date le campo est dit (campo rusolo san Gallo, San Giorgio M., B. 58, proc. 106 A 14, lettre à l’Ispettor General delle Finanze in Venezia dipartimento dell’Adriatico), cf. aussi Cicogna – Orlandelli 1982, p. 384, l’église San Gallo de campo Rusolo et S. Servilio dit aussi S. Gallo.
27 San Giorgio M., B. 46, proc. 54, perg. 1441. Sur cette magistrature habilitée à saisir les biens des débiteurs de l’État incapables d’acquitter décimes et taxes (tanse) et à les vendre aux enchères, Braunstein – Mueller, p. 360-361. Les contribuables en retard ou incapables de payer étaient astreints à de lourdes amendes avant qu’il soit procédé à la saisie de leurs biens.
28 San Giorgio M., proc. 58 A II. En 1791 ces maisons du campo Rusolo n’avaient pas cessé de figurer dans le patrimoine de l’abbaye.
29 Item in contra de S. Ternita sul campo di do pozzi case tenute ad affitto. Cinq maisons rapportaient 48 ½ ducats. Les loyers étaient nettement différenciés, un crivellador et un frutaruol payaient 15 et 20 ducats, les 3 autres locataires versaient un loyer de 4 et 5 ducats et demi (San Giorgio M., B. 55, proc. 100, c. 24, 29 oct 1586). La maison de S. Agnese était louée 26 ducats, à S. Trovaso « le due casette per poveri homeni », doc. 10 (Ibid.).
30 San Giorgio M., B. 37, proc. 13 I et specchio de 1485.
31 San Giorgio M., B. 14, proc. 59.
32 Pullan 20022, vol. 1, p. 153-154.
33 Ibid., note 14, p. 171-172.
34 Les valeurs sont indiquées en ducats, mais le ducat, monnaie d’or au XVe siècle, est devenu monnaie de compte au siècle suivant, figée à 124 sous. La cotation en sequins, monnaie réelle d'or, accentuerait encore la dégradation des loyers.
35 Les « annates » étaient perçues une seule fois sur le bénéficier nouvellement élu et représentaient une fraction de sa première année de revenus. Tous les bénéficiers dont la collation était réservée au siège apostolique ou confirmée par lui devaient l’annate, de même l’abbé la devait pour les prieurés auxquels il nommait (Favier 1966, p. 205-207). M. Rosa précise (Rosa 1987, p. 832) : « en réalité les annates et communs services (étaient) des formes particulières de paiement à la Curie pour l’attribution des bénéfices mineurs aux revenus compris entre 24 et 100 florins di Camera, et des bénéfices majeurs ou consistoriaux (évêchés, abbayes commendataires) dont les revenus dépassaient 100 florins, dans le premier cas la taxe correspondait à une année de revenu, dans le second à un tiers ». Après le concile de Trente cette recette fiscale connut une diminution progressive, son taux n’ayant pas été révisé.
36 San Giorgio M., proc. 97, c. 25. Ces multiples impositions ne se cumulaient pas. Les décimes étaient au contraire régulièrement reconduites de trois ans en trois ans, surtout en Italie du Nord, y compris à Venise. À l’origine, destinées à la croisade, elles étaient remises au prince pour l’aider à préparer l’expédition en Terresainte, sinon elles alimentaient le trésor pontifical (Ibid., p. 211).
37 Voir supra, chap. 3 (Les Bonoaldo et les acquisitions de Dorsoduro).
38 Hubert 1997, p. 132.
39 Ibid., p. 140 : « On observe partout une situation générale qui dissocia la phase du lotissement du sol entreprise par les grands propriétaires et celle de la construction des maisons laissée à la charge des concessionnaires ».
40 Dorigo 2003, II, p. 973-974, n’a pas trouvé mention de ces constructions dans le fonds archivistique de San Giorgio Maggiore, mais dans les archives notariales de la Cancelleria Inferiore, des Procurateurs de San Marco de Ultra ou Misti, de San Nicolò dei Mendicoli. Si, à la fin du XIIe siècle, le secteur au sud et à l’est de l’île de San Nicolò apparaît urbanisé (carte hors-texte de la Fisiografia urbana della Civitas Rivoalti alla fine del secolo XII in Supplementi cartografici), l’auteur ne dit pas sur quelles sources il appuie cette hypothèse, mais on peut exclure San Giorgio. Pourtant la zone ne manquait pas d’intérêt, elle était le siège d’une importante activité de pêcherie pratiquée par les Nicolini, or le monastère ne signale pas de rente en poissons parmi ses revenus.
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