1À Musarna, 398 individus (NMI) et 3431 fragments sont décorés (graph. 12), ce qui équivaut respectivement à environ 16 % et 14 % de la totalité du NMI et du NR des céramiques à paroi fine, soit une quantité assez faible. Au total, 7 techniques de décoration ont été employées, chacune dessinant un ou plusieurs motifs.

Graph. 12 – Répartition des différentes techniques de décor.

2La technique de loin la plus utilisée est celle de l’incision, qui représente 82 % du NMI et 68 % du NR. Elle est suivie par les décors à la barbotine avec 12 % du NMI et 27 % du NR. Les 5 techniques de décor restantes, sablée, tournée, moulée, peinte, ajout d’appliques ou d’éléments plastiques, représentent moins de 5 %, et demeurent donc exceptionnelles. Ces comptages soulignent leur faible quantité ; mais il faut tenir compte de la difficulté à fournir une représentation chiffrée plus détaillée reflétant la réalité. En effet, beaucoup des fragments de bords, utilisés pour le comptage du NMI, ne sont pas suffisamment conservés et ne fournissent donc aucun décor. Quant aux fragments de parois, leur représentation dépendra de la surface décorée. Un guillochis ou un sablage couvrent presque toute la surface, alors qu’un simple sillon ne sera visible que sur une petite quantité de fragments. Dans tous les cas, il est certain que les décors incisés dominent dans le groupe.

1. Décors incisés (pl. XXXI)

3Les décors incisés sont réalisés au cours de la phase de tournage, avant la cuisson. Cette opération peut être réalisée avec des objets divers, notamment la lame vibrante ou le « peigne ». Quatre motifs sont réalisés avec cette technique : sillons horizontaux, sillons verticaux, arêtes de poisson et guillochis (graph. 13).

4Le plus important est celui en arêtes de poisson, qui représente 42 % du NMI et 37 % du NR ; il est suivi du décor de sillons horizontaux avec 32 % du NMI et 21 % du NR, puis des guillochis, avec 25 % du NMI et 41 % du NR ; et enfin par le décor de sillons verticaux, qui ne compte que deux exemplaires. La très forte représentation des guillochis en arêtes de poisson, s’explique par la très forte représentation de la forme à laquelle ils sont associés : les tasses tronconiques (30a). Globalement, le décor le mieux attesté, est le simple sillon qui parcoure la panse.

Graph. 13 – Répartition des motifs de décors incisés.

a. Décor de sillon(s)

5Une ligne horizontale est creusée lors du tournage, l’incision se fait lorsque le tour est en mouvement. Elle peut être unique, double ou triple. Il s’agit d’un décor élémentaire qui apparaît sur des formes appartenant à des productions variées : gobelet à panse sphérique (4), gobelet cylindrique (6), en tonneau (7), en pseudo-tonneau (8), à panse verticale (10), en tulipe (11), en calice (13), à panse cylindrique (14), à panse trapue (17), bol hémisphérique (19), en cloche (20), à panse convexe (21a), à panse verticale (22a), à panse évasée (23a et 23b), tasse à panse trapue (24a), tasse carénée basse (27), à panse convexe (29), tronconique (30a), cylindrique (31), cruche fusiforme (39b), pot (44), aryballe (45a) et trulla (46).

6Ajouté occasionnellement sur de nombreuses formes, il est néanmoins caractéristique des gobelets cylindriques (6) ou en tonneau (7) et des bols à panse verticale (22a). Peu fréquent sur les formes les plus anciennes, il apparaît régulièrement dès le deuxième tiers du I^er siècle av. J.-C.

b. Profond sillon

7Au moment du tournage, le potier incise une ligne horizontale profonde, créant ainsi un ressaut arrondi de chaque côté du sillon. Ce décor est attesté sur des gobelets ovoïdes (3). En dehors de Musarna, il n’est attesté qu’à Sovana1, sur un bord de gobelet ovoïde ou à panse sphérique, à bord évasé et lèvre en crochet. Associé à des torsades réalisées à la barbotine sur un fragment de bord de Musarna, ce décor peut être daté du deuxième quart du I^er siècle av. J.-C.

c. Décor de guillochis en arêtes de poisson

8Ce motif, réalisé au cours du tournage, se développe sur des bandes horizontales ; des lignes obliques, qui partent du même point, se dirigent en sens opposé et s’encastrent les unes autres, formant ainsi un motif en « arêtes de poisson ». Ce décor n’est attesté que sur les tasses tronconiques (30a). Afin d’obtenir un motif fin et resserré, le tour doit tourner très rapidement. Il s’agit d’un décor d’excellente qualité, difficile à imiter correctement. Il est attesté sur la même forme à Cosa2. Datation : 15 av. J.-C./15 ap. J.-C.

d. Décor de guillochis

9De fines lignes obliques sont appliquées au cours du tournage. Le potier lève régulièrement la main afin de créer un décor de lignes alternées. Plus le tour est rapide, plus le décor est régulier et l’incision superficielle. Sa qualité est généralement inférieure sur les exemplaires les plus récents de Musarna, c’est-à-dire qu’ils sont profonds et irréguliers. Ce décor est attesté sur de très nombreuses formes : gobelet ovoïde (3), à panse sphérique (4), en pseudo-tonneau (8), à panse verticale (10), en tulipe (11), en entonnoir haut (15), en entonnoir ondulé (16), à panse trapue (17), bol en cloche (20), à paroi convexe (21b), à panse verticale (22a), à panse évasée (23b), tasse à panse trapue basse (24b), à panse trapue haute (25a), carénée basse (27), à panse convexe (29), tronconique (30a), carénée haute (32a et 32b), cruche fusiforme (39b), pichet (41), lagynos (42) et bouteille à panse sphérique (43). Ce motif, moins difficile à exécuter que celui en arêtes de poisson, apparaît lui aussi à l’époque augustéenne. Sa réalisation se prolonge toutefois bien au-delà, puisqu’il est attesté sur les gobelets à panse trapue (17) produits à la fin du I^er siècle ap. J.-C.

e. Sillons verticaux

10Réalisé au « peigne », ce motif est appliqué une fois le tour arrêté. Il est attesté uniquement sur des gobelets ovoïdes (3). La forme et son décor trouvent de très nombreux parallèles dans la Péninsule italique (Étrurie, Latium, Campanie, Apulie), en Sicile, en Sardaigne, dans les Baléares, dans la Péninsule ibérique et sur les côtes de la Narbonnaise. Une production de gobelets avec ce décor a été identifiée à Tivoli3, d’où notre exemplaire pourrait provenir. Le décor est daté entre 15 av. J.-C.et le début de l’époque tibérienne.

2. Décors de barbotine (pl. XXXI)

11À l’aide d’un instrument comparable aux actuelles poches à douille utilisées en pâtisserie, une pâte à base d’argile diluée est appliquée sur la surface du vase avant la cuisson, deuxième technique la plus représentée quantitativement, (12 % du NMI et 26 % du NR), sa fréquence reste néanmoins faible pour l’ensemble du matériel.

12On compte 8 motifs réalisés à la barbotine (graph. 14), dont deux relativement représentatifs quantitativement : le semis d’épines qui représente 43 % du NMI et 45 % du NR et le motif de torsades, avec 31 % du NMI et 39 % du NR. Les 6 autres types de décor représentent moins de 6 % du NMI et du NR. À l’exception du motif composite réalisé sur le canthare en calice (35) et de celui à décor de goutte d’eau, présent sur deux gobelets fusiformes (1), tous les autres motifs, sont bien connus par ailleurs.

Graph. 14 – Répartition des motifs de décors réalisés à la barbotine.

a. Perles

13Des petites boules de barbotine sont appliquées sur la surface du vase et forment des ornements courbes ou linéaires. Totalement original, ce décor caractéristique des premières céramiques à paroi fine est directement lié à son contenu et à son mode de consommation : celui-ci stylise le phénomène d’évaporation qui s’observe sur les gobelets une fois remplis et reproduit ainsi les goutelettes qui se forment sur la surface des vases. Les différents motifs distinguent probablement des centres de production, dont le rayon de diffusion principal s’étend de Rome à l’Étrurie côtière. Il faut souligner sa rareté dans le territoire de Tarquinia où il n’est apparemment pas fabriqué. Les « perles » réalisées à la barbotine n’ont aucune équivalence sur d’autres classes de céramiques contemporaines ou antérieures. Celles-ci resteront essentiellement circonscrites à cette classe, on les connaît toutefois sur des bols à panse verticale fabriqués en céramique à glaçure plombifère à Saint-Romain-en-Gal vers 20-15 av. J.-C.4

14Trois motifs sont régulièrement reproduits : motif en filet, en vaguelettes et en croix. Ce dernier, le seul attesté à Musarna (exemplaire N° 24), dessine une croix à l’intérieur d’un cadre. Il est également connu à Bolsena5, Sovana6, Fiésole7 et Haltern8.

15Le deuxième motif, plus populaire, mais absent à Musarna, dessine plusieurs séries de courbes se superposant les unes aux autres, de manière à former un « filet ». Elle est fréquente sur les gobelets piriformes (2) précoces (milieu du II^e siècle av. J.-C.). Sa diffusion est beaucoup plus importante que celle du motif précédent puisqu’on le retrouve à plusieurs reprises en Étrurie (Ferento, Tarquinia, Cosa, Livourne, Luni), dans le Latium et en Campanie (Rome, Pompéi), en Lucanie, (Monte Irsi), en Ligurie (Vintimille), en Gaule narbonnaise (Cannes) et en Égypte à Alexandrie où elle est importée de la Péninsule italique.

16Le troisième motif, aussi rare que le premier, dessine des vaguelettes ; comme le précédent, il est absent à Musarna mais est attesté dans les Baléares (Ibiza) et en Gaule narbonnaise (Entremont).

b. Torsades ou guirlandes

17D’épaisses lignes obliques ou sinueuses sont appliquées sur la surface : elles sont ensuite retravaillées pour former des « torsades ». On les trouve appliquées sur des gobelets ovoïdes (3) ou à panse sphérique (4), sur des bols à panse convexe (21a), sur des tasses à panse trapue (26) ou carénées basses (27) et sur des pots (44). Tous ces exemplaires présentent des pâtes similaires. Ce motif est caractéristique, sinon d’un seul, d’un très petit nombre d’ateliers, très probablement situés vers Tarquinia, ou un peu plus au nord, dans le territoire de Vulci, vers Sovana où plusieurs parallèles y sont connus. D’autres exemplaires ont été découverts, plus au nord à Populonia et Luni.

18Le pot N° 253 présente des torsades alternées avec des œillets également réalisés à la barbotine. Cette combinaison est attestée sur deux autres sites d’Étrurie méridionale (Sovana, Civitella San Paolo).

19Dans certains cas, les torsades se complexifient en guirlandes. Cette version est absente à Musarna, mais attestée par ailleurs à Populonia, à Ossaia en Lucanie (Monte Irsi), en Apulie (Ordona) et en Gaule Narbonnaise (Narbonne).

c. Gouttes d’eau

20La barbotine est appliquée en forme de goutte sur environ 3 cm. La partie allongée est traversée par un sillon et l’extrémité arrondie, creusée, forme une cavité. C.M. Leotta nous a signalé un parallèle de ce décor sur un fragment de panse découvert à Priverno et dont l’étude est en cours. Ce dernier a la particularité d’avoir conservé une petite boule dans la cavité décrite ci-dessus. Comme le décor de perles, il s’agit vraisemblablement d’une stylisation, plus réaliste, des gouttes d’eau glissant le long des parois9. Il peut être daté entre la fin du II^e et les premières décennies du I^er siècle av. J.-C.

d. Feuille de palmier

21Il existe deux variantes de ce décor : dans le premier cas, attesté à Musarna, la feuille de palmier est courte et très en relief. Elle fait partie d’un décor composite où elle est associée à des torsades et à des épines. Un parallèle est attesté dans une tombe de Populonia10.

22Le second type, absent à Musarna, présente une feuille plus allongée et plus fine. Il est lui aussi attesté à Populonia11, sur un gobelet fusiforme (1) à bord évasé et lèvre moulurée. Les feuilles sont comme suspendues à une fine guirlande. La même composition figure sur un fragment de gobelet fusiforme ou ovoïde de Cosa12.

23Ce motif est daté du deuxième quart du I^er siècle av. J.-C.

e. Composite

24Trois motifs sont agencés sur l’ensemble de la panse : épines de pin, torsades et feuilles de palmier. Nous ne connaissons aucun parallèle à ce décor datable, d’après la forme sur laquelle il est attesté – le canthare en calice (35) - du troisième quart du I^er siècle av. J.-C.

f. Épines

25De fines lignes superficielles, généralement obliques, sont appliquées sur la surface du vase. Il s’agit d’une évolution ou d’une variante plus abstraite de la stylisation du phénomène d’évaporation sur les parois. Ce décor, qui couvre toute la panse, est attesté uniquement sur des gobelets ovoïdes (3) et à panse sphérique (4). Il est connu sur de nombreux sites, comme par exemple Cosa13, Sovana14, Véies15, Ostie16, Pompéi17, Narbonne. Il apparaît dans le deuxième quart du I^er siècle av. J.-C. et se développe jusqu’à l’époque augustéenne.

g. Écailles

26Une à une, des écailles semi-circulaires sont appliquées sur toute la surface du vase. Appliqué sur deux gobelets à panse sphérique (4) uniquement, ce motif est rare à Musarna. Il est en revanche mieux connu par ailleurs. On le trouve sur des formes similaires par exemple à Cosa18et à Pompéi19. Il est daté à partir de la seconde moitié du I^er siècle av. J.-C.

h. Feuilles d’eau

27Des tiges et feuilles cordiformes sont figurées sur l’ensemble de la panse. Quelques perles peuvent être ajoutées entre chacune d’entre elles. Généralement associé à des vases aux parois engobées, ce décor est attesté à Musarna sur le bol à paroi verticale (22a) N° 172, sans engobe, mais très cuit. Il s’agit d’un motif caractéristique de la céramique à paroi fine du Haut-empire, mais rare à Musarna. Il apparaît à l’époque augustéenne.

i. Motif anthropomorphe

28La barbotine est appliquée afin de figurer une bouche, des yeux, un nez et des oreilles. L’exemplaire de Musarna qui présente ce décor a été découvert dans une tombe par L. Rossi Danielli. Ce motif est déjà attesté sur des gobelets étrusco-corinthiens découverts dans le territoire de Tarquinia et datés à partir de la moitié du VI^e av. J-C. 20. Il est improbable que les exemplaires romains puissent être directement liés à ces derniers, toutefois leur existence doit être soulignée.

29À l’époque romaine, ils sont principalement attestés en Autriche, à Magdalensberg et sur plus d’une vingtaine de sites d’Italie septentrionale21. Les exemplaires de cette région sont produits dans des ateliers du Tessin. Comparés à l’exemplaire de Musarna, ces parallèles présentent des éléments anthropomorphes beaucoup plus saillants. Ils sont datés du I^er siècle ap. J.-C. Plus récemment, un autre centre de production a été identifié à Pollentia (Pollenzo-Bra)22. Le décor y est moins saillant que sur les productions du Tessin, et deux anneaux pendent des oreilles. D’autres attestations sont connues à Alba Pompéia23, Pollentia24 et Pompéi25, où ils sont datés ente 50 et 90 ap. J.-C.

3. Décor sablé (pl. XXXI)

30Cette technique consiste à appliquer du sable sur la surface du vase (p. 741). À Musarna, il n’est attesté que sur des bols à panse verticale (22a). Il s’agit d’un décor caractéristique de la céramique à paroi fine d’époque impériale, rare à Musarna. D’autres exemplaires, provenant d’ateliers divers, sont connus, par exemple à Populonia26,Pompéi27 ou encore Alexandrie28. Il apparaît au cours de l’époque augustéenne.

4. Décors tournés (pl. XXXI)

31Ces décors sont réalisés au cours de la phase de tournage. Ils consistent en une déformation de la paroi. Le type le plus courant, attesté à Musarna, caractérise une série de dépressions, creusées régulièrement sur toute la hauteur de la panse. Caractéristique des nombreuses productions de céramiques à paroi fine, ce décor est par ailleurs connu sur une tasse (pâte non calcaire non engobée29) provenant de Tarquinia30, dans un contexte daté de l'époque augustéenne31.

5. Appliques et éléments plastiques (pl. XXXI)

32Préparés indépendamment du vase, ces éléments sont ajoutés avant la cuisson. Les éléments plastiques comme les anneaux sont travaillés à la main, ceux comme les têtes de silènes préparés dans un moule.

a. Anneau

33Des anneaux sont collés à la surface des vases avec de la barbotine. Ils sont appliqués sur des gobelets à panse trapue (17). Le même décor a été découvert sur une cruche fusiforme (39) placée dans une tombe située à proximité de Rome sur la via Aurélia32. Il est attesté par ailleurs sur un fragment de panse provenant du lacus Iuturnae33. Il est daté de la seconde moitié du I^er siècle ap. J.-C.

b. Tête de silènes

34Des têtes de silènes moulées sont attestées sur le rhyton (37) de Musarna. Nous ne connaissons pas de parallèle à ce décor datable de la seconde moitié du I^er siècle av. J.-C.

6. Décors peints (pl. XXXI)

35La surface du vase est peinte, avant ou après cuisson. Il s’agit d’un décor extrêmement rare dans la céramique à paroi fine. Cela peut être en partie dû à une mauvaise conservation de la peinture, notamment lorsque celle-ci est appliquée après la cuisson. À Musarna, les trois exemplaires peints présentent chacun un décor distinct. Sur le pot N° 252, la peinture est appliquée avant la cuisson et représente une guirlande géométrique, mal exécutée sous le bord. Deux gobelets à panse sphérique (4) provenant tous deux de Cordigliano et issus de la même production, ont quant à eux, un décor peint appliqué après la cuisson. Sur l’un, le motif représenté est une série de feuilles d’eau (N° 47), sur l’autre (inventaire 1602020. 897), des guirlandes.

36Des traces de décors peints sont attestés sur des bols hémisphériques (19) provenant de Castel d’Asso34, de Bolsena35 et sur un skyphos (36) découvert à Sovana36. Ces parallèles et la datation du pot N° 252 suggèrent une datation haute, autour du début du I^er siècle av. J.-C.