1La commune de Sains-du-Nord se situe à l’extrême sud-est du département du Nord, dans l’Avesnois (fig. 1). Cette région est caractérisée par un relief appalachien, typique du relief ardennais, dont le paysage est marqué par le bocage. La géologie locale offre des ressources minérales diversifiées en matériaux de construction, mais aussi de petits gisements de minerai de fer anciennement exploités. À grande échelle, cette petite ville d’environ 3 000 habitants est implantée en position d’interfluve entre deux affluents amont de la Sambre : l’Helpe Majeure, au nord, et l’Helpe Mineure, au sud (fig. 2). Elle se développe sur un versant exposé au sud‑est d’une petite vallée encaissée dans le bassin de l’Helpe Majeure.

Fig. 1 — Localisation de Sains-du-Nord en Gaule Belgique.

Fig. 2 — Localisation de Sains-du-Nord dans son contexte morphologique.

2Durant l’Antiquité, Sains-du-Nord est localisée en Gaule Belgique, plus précisément en territoire nervien, à une trentaine de kilomètres au sud-sud-est de la capitale primitive Bavay/Bagacum1, et à sept kilomètres à l’est de la voie romaine reliant cette dernière à Reims/Durocortorum, capitale de la cité des Rèmes.

3Le passé antique de Sains-du-Nord est connu depuis le xix^e siècle à la suite de nombreuses découvertes fortuites2. Les investigations archéologiques de la fin du xx^e siècle, menées dans un contexte d’archéologie de sauvetage, ont permis de caractériser le site comme une agglomération secondaire3. Les opérations récentes d’archéologie préventive, menées à partir de 20094, ont grandement enrichi notre connaissance de l’agglomération antique avec notamment la découverte, au niveau de l’actuelle rue du Moulin-à-Vent, d’un vaste sanctuaire partiellement observé sur une surface de 6 700 m² (les limites nord et est restent inconnues). Situé à la périphérie immédiate de l’agglomération antique, il est fondé autour de deux tombes datées de 60‑20 av. J.‑C. Si la nature du site est désormais acquise5, sa caractérisation s’est faite par tâtonnements et a nécessité l’analyse de l’ensemble des données récoltées au cours de la fouille.

4Il convient donc de se demander quels sont les éléments qui ont permis l’identification d’un espace sacré car, à l’issue du diagnostic réalisé en 2009, les hypothèses proposées étaient celles d’un habitat privé de type domus, de bâtiments publics ou d’un espace à vocation économique et commerciale, sans vouloir le nommer un forum. Outre l’allusion à un monument public, l’idée d’un sanctuaire était donc inexistante et ce n’est qu’au cours de la fouille et de manière progressive que celle‑ci a mûri. Rappelons à cet effet que le cadre de l’archéologie préventive ne permet pas nécessairement d’analyser les données au fur et à mesure de leur acquisition, car il faut tenir compte, d’une part du délai souvent restreint imparti à la fouille6, d’autre part de celui du traitement des données7. Aussi, dès la phase de terrain, la définition de la nature du site passe par l’analyse spatiale des vestiges en se fondant, en premier lieu, sur les éléments structurants.

Quels arguments pour un sanctuaire ?

Éléments structurants : édifices et équipements

5Toutes périodes confondues, les éléments structurants observés sur le site consistent en des fossés d’enclos, deux unités architecturales, un mur d’enceinte, une cour centrale, un édicule et deux temples à galeries (fig. 3).

Fig. 3 — Plan de masse des éléments structurants du sanctuaire de Sains-du-Nord.

Fossés d’enclos

6Les fossés d’enclos limitent l’occupation. Ils forment un enclos quadrangulaire long de 90 m au nord-ouest et observé sur une cinquantaine de mètres au sud-ouest, mais cette longueur peut être estimée à au moins 80 m ; on peut alors envisager que l’enclos adopte un plan proche du carré. Signalons la présence d’une ouverture de 3,60 m sur la face nord-ouest de l’enclos, il s’agit vraisemblablement d’un accès secondaire à l’espace cultuel étant donné l’absence de niveaux de circulation construits repérés par ailleurs. Les fossés adoptent un profil général en « V » ; ils mesurent en moyenne 1,27 m de largeur à leur niveau d’ouverture et sont conservés sur une profondeur de 0,55 m. La présence de couches de circulation délimitées par les fossés plaide en faveur de leur fonctionnement simultané. Ces fossés ont donc perduré jusqu’à l’abandon du site.

Unités architecturales 1 et 3

7L’unité architecturale 1 (UA 1, fig. 4) construite en maçonnerie de pierres est définie par trois espaces. L’espace 1 correspond à une pièce, occupant initialement une surface de 36 m² (réduite à 31 m² lors d’une phase de réaménagement [adjonction d’un réseau hydraulique]), en forme de croix grecque terminée à l’est par une abside. Si l’espace 2 n’a été étudié que sur une très petite surface (environ 20 m²), il a néanmoins permis l’observation du premier état maçonné du site. L’espace 3 quant à lui consiste en une grande pièce rectangulaire de 17,35 m à 18 m de longueur dans œuvre pour une largeur interne oscillant entre 7,70 m et 8,20 m.

Fig. 4 — L’unité architecturale 1 et les vestiges sous-jacents (signalés en orange), vue aérienne.

8L’unité architecturale 3 (UA 3), longue de 78 m, consiste en un vaste bâtiment flanqué de deux ailes qui correspond à la limite nord-ouest de l’espace bâti. L’édifice central, de forme quadrangulaire, est délimité au sud‑est par un aménagement en creux. Deux contreforts renforcent les angles nord et ouest de l’édifice. Ses dimensions sont de 10,55 m de largeur et de 12,75 m de longueur. L’intérieur du bâtiment représente une surface d’environ 135 m². Les ailes associées à ce bâtiment central sont chacune dotées de deux exèdres (Ex. 1 à 4) sur leur façade ouest. Longues de 32 m et larges de 5,50 m (hors exèdre), elles couvrent une surface d’environ 176 m² chacune, augmentée approximativement à 190 m² si l’on considère les exèdres. Deux particularités sont à signaler pour l’aile nord : le renforcement de l’angle nord par un contrefort et l’adjonction d’un édifice en hémicycle sur l’exèdre 4.

Mur d’enceinte

9Une autre limite concerne les constructions situées à l’intérieur de l’enclos fossoyé. Il s’agit d’un mur d’enceinte qui clôt l’espace bâti au sud‑ouest et qui a pu être observé sur une quarantaine de mètres. Ce mur, qui est harpé à l’angle sud‑est de l’UA 3, est bien conservé vers le nord-ouest sur une longueur de 17 m. Il ne consiste plus qu’en une tranchée de récupération vers le sud‑est. Son hérisson de fondation très débordant est large de 1,30 à 1,40 m et il mesure 0,60 m de hauteur. L’élévation, composée de moellons en opus vittatum, est large quant à elle de 0,75 m. Sur 17 m de longueur, le mur d’enceinte possède une fondation particulièrement imposante, ce qui laisse entrevoir une élévation importante. Il est intéressant de constater que, sur le reste de son parcours, la largeur de la fondation diminue fortement. En effet, si nous nous référons à la tranchée de récupération, elle serait large de 0,95 m, soit une diminution de plus de 0,40 m. Ce constat nous amène à penser que la hauteur du mur diminue vers l’est, ce qui nous permet d’envisager un mur à degrés.

Cour centrale

10La cour centrale, large de 36 m, est délimitée au sud-ouest par le mur d’enceinte, au nord-ouest par l’UA 3 et au sud‑est par l’espace 3 de l’UA 1. La limite nord‑est de la zone bâtie n’ayant pu être observée (s’agit‑il d’un simple mur d’enceinte ou d’une construction plus importante de type galerie ?), sa superficie est problématique. Dans le cadre d’un simple mur d’enceinte, celle‑ci serait d’environ 2 800 m², dans celui d’une galerie, la cour s’étendrait sur environ 2 500 m². Fortement arasés, les niveaux de circulation constituant cet espace sont composés de pierres bleues et de fragments de tuiles, de dalles de calcaire ou de grès émoussées. Au sud‑est, la cour est délimitée physiquement par une série de petits plots en pierre bleue espacés d’environ 1 m et situés à 3 m de l’espace 3 de l’UA 1.

11À ce stade (qui correspond peu ou prou à la chronologie des découvertes), si la nature du site ne peut toujours pas être clairement définie, la plupart des hypothèses de départ peuvent être écartées. Ainsi, la présence d’un enclos fossoyé et d’espaces globalement vides outre cette limite est incompatible avec une domus ou encore une place publique de type forum compte tenu de l’absence de boutiques. Si l’idée d’un monument public reste valable, les éléments nous orientent vers l’hypothèse d’une villa. En effet, ces derniers se retrouvent tous en contexte de villa, notamment sur les grandes villae « à pavillons multiples alignés » des provinces gauloises et germaniques8. Les enclos fossoyés et les murs d’enceinte sont courants. L’UA 3 pourrait correspondre à une porte monumentale que l’on retrouve sur de nombreux établissements comme celui de Levet « Le Champ des Pois » (Cher), où le côté nord de la cour de la pars urbana est composé d’une double galerie sur laquelle s’installe le porche d’entrée9. La proximité d’une agglomération secondaire ne constitue pas non plus un argument en défaveur d’une villa, puisque certaines sont localisées dans leur voisinage à l’instar des villae de Reinheim et de « La Mare aux Canards » localisées respectivement à environ 500 m et moins de 1 km des agglomérations de Bliesbruck (Moselle)10 et de Noyon/Noviodunum (Oise)11.

12Ce n’est qu’avec l’identification tardive de deux temples que l’hypothèse d’un sanctuaire a émergé. Identification tardive en effet puisqu’en surface, le temple 1 correspondait plus à un amas de gravats qu’à une construction (fig. 5). Le temple 2 quant à lui était difficilement perceptible, car le niveau de sol de la galerie n’était enfoui qu’à une dizaine de centimètres sous la terre végétale (fig. 6), ce qui a engendré un décapage léger ne permettant pas l’observation des tranchées de récupération des murs.

Fig. 5 — Le temple 1, vu du nord-ouest.

Fig. 6 — Le temple 2, vu du sud-ouest.

Temples à galeries et unité architecturale 2

13Les deux temples mis au jour sont des temples à galeries très fréquemment rencontrés en Gaule12. Il s’agit de temples de forme généralement quadrangulaire adoptant un plan centré et composé d’une cella (maison du dieu) entourée d’une galerie périphérique (à l’usage des humains).

14Le temple 1, qui nous est parvenu dans un très mauvais état de conservation, est de plan carré. Il est orienté selon des axes nord‑est/sud-ouest et nord-ouest/sud-est. Du fait du fort taux d’arasement du monument, ses dimensions manquent de précision. Toutefois, les côtés de la galerie mesureraient entre 7,50 m et 8 m de longueur interne pour une épaisseur probable de 0,70 m. Ainsi, la surface intérieure occupée par le temple serait d’environ 60 m². La cella quant à elle présente des façades longues de 3 m à 3,50 m dans œuvre et épaisses de 0,62 m, et se développerait sur une surface d’environ 10,50 m².

15Le temple 2 a été presque intégralement récupéré et adopte la même orientation que le temple 1. Il est possible qu’il remplace ce dernier qui aura alors été arasé ; cela expliquerait son état de conservation. Bien que plus de la moitié du temple 2 se trouve hors emprise, nous avons pu observer l’intégralité de la face ouest ; cela nous permet de définir ses dimensions et sa surface à partir d’un plan carré. Il mesure 15,50 m de côté dans œuvre, ce qui donnerait une surface interne couverte par l’édifice d’environ 240 m², soit quatre fois supérieure à celle du temple 1. Sur cette superficie, la cella représenterait une surface de 50 à 60 m². Malgré leur récupération, nous pouvons estimer l’épaisseur des murs à 0,62 m pour la galerie et à 0,70 m pour la cella. Le niveau de sol du déambulatoire, large de 1,80 m, est le seul vestige partiellement bien conservé du temple 2. Il a permis l’observation d’un espace de 5 m² vide d’aménagement localisé à l’angle sud-ouest de la galerie. De forme carrée, cet espace est délimité par des blocs de pierre bleue fragmentés et chauffés. Sa fonction nous échappe, mais les blocs chauffés nous orientent vers l’emplacement d’un foyer ou d’un brasero.

16L’unité architecturale 2 (UA 2, fig. 7) est une petite construction ayant connu deux états. Le premier correspond à un petit monument non fondé presque carré de 1,25 m de côté en moyenne dans œuvre. Le second état recouvre intégralement la première construction, il s’agit de sa monumentalisation. Le nouveau monument orienté nord-est/sud-ouest est de forme rectangulaire. Globalement, il mesure entre 3,75 m et 3,80 m de longueur interne et sa largeur dans œuvre oscille entre 2,28 m et 2,46 m. La structure interne est divisée en trois espaces qui correspondent très probablement à des caissons destinés à renforcer la structure.

17À l’issue de l’analyse des éléments structurants du site, deux hypothèses sont en concurrence : celle d’un sanctuaire ou d’une grande villa, la présence de temples sur ce dernier type d’occupation n’étant pas exceptionnelle. Ainsi, on rencontre généralement trois cas de figure : soit les temples sont localisés dans l’enceinte de la pars rustica comme c’est le cas pour les villae de Richebourg « La Pièce de Fient » (Yvelines)13, d’Asquins « Vergigny » (Yonne)14 ou encore de Noyon « La Mare aux Canards »15 ; soit ils sont accolés au mur d’enceinte à l’instar de la villa de Sceaux-en-Terre-Plaine « Les Craies » (Yonne)16 et vraisemblablement de celle de Noyon17 ; soit ils sont situés à la périphérie de la villa pour constituer des petits sanctuaires comme c’est le cas à Levet18.

18Afin de valider l’une ou l’autre des hypothèses, la prise en compte des techniques de construction et de l’organisation spatiale du site peut être déterminante.

Fig. 7 — Les deux états de l’unité architecturale 2, vue aérienne.

Techniques de construction et organisation spatiale

Techniques de construction

19Les techniques de construction observées sur le site de la rue du Moulin-à-Vent nous permettent‑elles d’établir une distinction entre un habitat et un complexe cultuel ?

20Afin de répondre à cette question, il est nécessaire de considérer l’ensemble des méthodes mises en œuvre dans l’agglomération. Il apparaît que trois principales techniques de construction successives ont été mises en évidence19. Passons sur les deux premières (qui correspondent d’une part à des bâtiments à la superstructure en bois et aux élévations en torchis, d’autre part à des constructions sur solins de pierres sèches) pour nous intéresser directement à l’architecture maçonnée en pierres qui permet une meilleure confrontation des données. Il apparaît alors que les hérissons de fondation sont, en moyenne, épais de 0,84 m sur le site de la rue du Moulin-à-Vent et de 0,72 m sur un site d’habitat distant de moins d’une centaine de mètres. Concernant les élévations, nous pouvons là aussi constater une différence notable puisqu’elles sont en moyenne épaisses de 0,75 m dans notre cas alors qu’en contexte d’habitat elles mesurent entre 0,60 et 0,68 m. Mais l’élément le plus remarquable est leur technique de construction. En effet, si sur le site de la rue du Moulin-à-Vent elles étaient en pierres20, cela ne semble pas être le cas pour l’habitat, au regard des nombreux fragments de torchis rubéfié découverts plaidant en faveur d’élévations en terre et bois.

21Ces différences de traitement, tant dans les dimensions que dans les matériaux utilisés, semblent bien indiquer que nous sommes en présence d’un site à vocation particulière, d’autant plus si l’on considère le coût et le temps nécessaire à la construction d’un tel programme architectural.

Organisation spatiale

22Si les techniques de construction nous orientent vers un site de nature particulière, favorisant ainsi l’hypothèse d’un sanctuaire plutôt que celle d’une villa, le plan général du site va aussi dans ce sens. En effet, malgré l’écueil que constitue l’observation partielle du site, il apparaît d’emblée que la disposition des bâtiments ne correspond en rien au modèle des grandes villae du nord de la Gaule21 (fig. 8) puisqu’aucun bâtiment n’est présent le long du mur d’enceinte. D’autre part, la littérature archéologique offre de nombreux sanctuaires comparables à celui de Sains-du-Nord, par exemple les sanctuaires des Bagnols à Alba-la-Romaine (Ardèche) et du Vaugrenier à Antibes (Alpes-Maritimes). Dans le cadre d’un sanctuaire, l’identification de la majorité des espaces observés ne pose pas de problème particulier (fig. 9), notamment celle des temples. La cour centrale correspond quant à elle à l’aire sacrée propre à accueillir la foule de pèlerins venus participer aux grandes cérémonies ; l’UA 2 s’apparente à un édicule ; les niveaux de circulation entourant le sanctuaire sont des rues qui permettaient bien évidemment de circuler autour du lieu de culte, mais aussi de commercer comme le laisseraient penser de potentiels vestiges d’étals provisoires localisés à l’arrière de l’UA 3 ; par comparaison avec les sanctuaires du Cigognier à Avenches (canton de Vaud, Suisse) ou du Haut-Bécherel à Corseul (Côtes-d’Armor) (fig. 10), l’UA 3 peut être identifiée comme un temple « classique » sur podium flanqué de portiques à colonnades. En revanche, l’espace 1 de l’UA 1 pose problème ; il est en effet difficile de se prononcer en faveur d’un temple ou d’un équipement de bains. Quant à l’espace 2, trop peu observé, si nous acceptons la norme de la symétrie, il pourrait s’agir de la galerie d’un temple répondant au temple 2. Concernant l’espace 3, la découverte de tombes permet de l’identifier comme étant un monument funéraire.

23L’analyse globale des éléments que nous venons d’aborder a permis de privilégier l’hypothèse d’un sanctuaire communautaire et d’en définir ses espaces. Toutefois, pour confirmer cette interprétation, il convient de s’intéresser au mobilier dans la mesure où les gestes rituels sont inhérents aux contextes cultuels.

Fig. 8 — Typologie des grandes villae à pavillons multiples alignés.

Fig. 9 — Identification des différents espaces du sanctuaire.

Fig. 10 — Plan du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul.

Mobilier

24Le premier élément marquant de ce site est la relative faiblesse quantitative du mobilier. En effet, sur une surface de 6 700 m², seulement 40 000 tessons de céramique ont été recueillis alors que la fouille d’une surface de 165 m² dans l’agglomération antique a permis d’en récolter 2 400, représentant, au prorata de la surface explorée, 2,5 fois plus de tessons. Ce constat est encore plus flagrant pour les os d’animaux puisque 588 vestiges osseux ont été prélevés sur le sanctuaire contre 609 sur le second site. Comme le constate Jean-Hervé Yvinec dans son étude archéozoologique ou encore, plus généralement, William Van Andringa dans son ouvrage La religion en Gaule romaine22, la relative faiblesse quantitative du mobilier résulte du nettoyage des lieux de culte à partir de l’époque romaine.

25Si la quantité est faible, les contextes de découverte sont remarquables. En effet, bien que les vestiges fauniques ne permettent pas d’attester la pratique du sacrifice animal, deux dépôts de céramique et un d’instrumentum, et dans une moindre mesure les monnaies, témoignent de gestes rituels.

Monnaies

26Compte tenu de leurs contextes de découverte23, les 82 monnaies gauloises et romaines découvertes sur le site ne nous permettent pas de parler d’offrandes. Toutefois, bien qu’elles puissent correspondre à des pertes monétaires, leur présence dans un sanctuaire n’écarte pas l’hypothèse de cadeaux faits aux dieux. Comme nous le verrons, un seul espace présente une concentration de monnaies, ce qui pourrait attester de la stips, et plus précisément la pratique de la iactatio stipis.

Instrumentum

27La monumentalisation de l’édicule a donné lieu à un dépôt24 majoritairement composé de 46 perles en verre et de 22 fibules25. Il ne représente pas moins de 73 % de l’instrumentum personnel recueilli sur le site. Bien que nous ignorions son mode de constitution26, cette concentration dans un remblai de nivellement ne peut que résulter d’un geste volontaire destiné à consacrer la fermeture du premier édicule et/ou la fondation du second.

Dépôts de céramiques

28Deux dépôts de céramiques ont été mis au jour sur le site. Le plus important, le dépôt 1102 vu au diagnostic, a été considéré comme le probable stock d’une boutique. Après la fouille et l’hypothèse d’un sanctuaire, ces céramiques ont fait l’objet d’une attention particulière et des traces spécifiques relatives à des gestes rituels ont alors été observées.

29Les 141 céramiques du dépôt 1102 (fig. 11) témoignent d’un choix typologique précis puisqu’il s’agit en grande majorité de bouteilles intactes27. Produites pour la plupart localement et spécifiquement pour le sanctuaire, les bouteilles ont fait l’objet d’un traitement et d’un dépôt rituel. En effet, d’une part elles ont subi une combinaison de plusieurs gestes destinés à les sacrifier28, d’autre part la grande quantité de vases complets présents dans la fosse révèle le soin avec lequel ils ont été déposés. D’autres, en revanche, sont complètement éclatés, posant la question de leur bris in situ, ou ne sont présents que pars pro toto. Deux outils métalliques et un fer de lance29 ont été découverts associés aux céramiques et aux huit ou neuf monnaies probablement relatives à la pratique de la iactatio stipis30. Ils ont vraisemblablement été utilisés pour le bris rituel des vases31.

Fig. 11 — Les céramiques du dépôt 1102, vues du nord‑est.

30Le dépôt de céramiques 1248 est quantitativement moins important puisqu’il est composé de 33 vases. Néanmoins, il révèle les mêmes traitements rituels et un choix typologique proche de celui du dépôt 1102, ce qui nous oriente vers leur contemporanéité.

31On le constate, l’identification de ce sanctuaire est le fruit d’une longue réflexion entreprise au cours de la fouille, mais clairement validée à l’issue de l’analyse de l’ensemble des données et des contextes de découverte. Il s’agit d’une réflexion collective basée sur la pluridisciplinarité des intervenants, qu’ils aient opéré sur le terrain pour le recueil des données ou en laboratoire pour leur analyse.

Espace funéraire

32L’originalité du sanctuaire de Sains-du-Nord réside dans la mise au jour de deux tombes secondaires à crémation distantes de 6,20 m (fig. 12).

Fig. 12 — Plan de masse des tombes 1 et 2.

Tombes

33La tombe 1 consiste en un creusement de forme rectangulaire orienté nord-ouest/sud-est. Malgré des limites diffuses, elle mesure environ 2 m de largeur, 2,80 m de longueur et elle est conservée sur une profondeur de 0,20 m, mais celle‑ci devait atteindre au moins 0,60 cm si l’on se fie à la profondeur de la fosse de pillage. Le comblement inférieur de la tombe, un sédiment blanchâtre très induré et légèrement oxydé, pourrait correspondre à une stagnation d’eau résultant de la présence d’un plancher, ce qui nous orienterait vers un caveau en bois. Les comblements supérieurs de la sépulture correspondent quant à eux à un résidu de l’ustrinum, ce que confirme l’étude anthracologique qui révèle la présence de chêne à feuillage caduc, de hêtre et d’érable champêtre. L’amas osseux localisé contre la paroi ouest, à peu près en son milieu, ne semble pas avoir été placé dans un quelconque contenant. L’étude anthropologique révèle qu’il est issu de la crémation d’un individu adulte âgé de plus de 18 ans.

34La tombe 2, orientée nord-est/sud-ouest, est également partiellement pillée et ses limites sont encore plus diffuses que celles de la tombe 1. Trois trous de poteau, et vraisemblablement un quatrième non observé, sont présents à proximité immédiate de la fosse. Il s’agit de toute évidence de poteaux corniers impliquant la présence d’un coffrage en bois. Ainsi, la tombe serait trapézoïdale, proche du carré, et contiendrait logiquement deux bouteilles en terra nigra (83 et 84) révélées par un sondage manuel antérieur. La tombe mesurerait entre 1,30 m et 1,70 m de largeur et entre 2 m et 2,20 m de longueur, pour une profondeur de conservation de 0,62 m. La présence dans les comblements de chêne, de hêtre et d’orme plaide, là aussi, en faveur de résidu de l’ustrinum. À l’instar de la tombe 1, l’amas osseux, relatif à un individu de la classe des juvenis (plus de 12 ans) ou à un adulte, ne semble pas avoir été placé dans un contenant.

Mobilier associé : des tombes de personnages de haut rang

35Malgré le pillage des sépultures, une partie du mobilier accompagnant les défunts nous est parvenue32. Composé de céramiques et d’objets métalliques, il caractérise des personnages de haut rang.

Mobilier céramique

36Au total, six vases à piédestal de type « Hauviné » ont été retrouvés dans les tombes33. Ces céramiques sont souvent associées aux contextes privilégiés34, car elles sont considérées comme des récipients utilisés pour le mélange du vin et de l’eau, ce qui suppose un accès à un réseau d’importation de vin romain dont seule une riche élite pouvait disposer.

Objets métalliques

37Dans la tombe 1, hormis la découverte remarquable, comme dans la seconde tombe, d’un fragment de feuille d’or, le mobilier métallique associé nous apporte peu de renseignements sur le statut des défunts. Le contexte de la tombe 2 est lui beaucoup plus intéressant puisqu’un ustensile de cuisson en fer (table basse sacrificielle, cadre ou table à landiers35) y a été découvert. Des artefacts comparables à l’exemplaire de Sains-du-Nord proviennent de riches contextes funéraires comme c’est le cas de certaines sépultures de Marquion « L’Épine » ou de Saint-Nicolas-lez-Arras (Pas-de-Calais). Comme l’illustrent ces tombes ainsi que celles de Raillencourt-Sainte-Olle (Nord) ou de Welwyn (Hertfordshire, Angleterre), ces ustensiles sont accompagnés de mobilier ostentatoire comme cela était vraisemblablement le cas à Sains-du-Nord avant le pillage des sépultures.

Aménagements de l’espace funéraire

38À l’origine, aucun élément particulier, de type fossé d’enclos par exemple, ne semble signaler la présence des deux tombes. Cela ne signifie pas pour autant l’absence de marqueur, car il est envisageable que toute trace en ait été effacée par les aménagements postérieurs.

39Ainsi, le premier monument funéraire36 mis au jour consiste en un bâtiment rectangulaire à la superstructure en bois et aux parois en torchis (fig. 13). Divisé en deux espaces internes par une cloison, chacun correspondant à une sépulture, cet édifice orienté nord-est/sud-ouest mesure 16 m de longueur et environ 6 m de largeur, couvrant ainsi une surface d’environ 96 m². Vingt‑six trous de poteau, espacés en moyenne de 1,58 m de centre à centre, forment les façades, dont deux entament partiellement le creusement de la tombe 1 sans pour autant porter préjudice à l’amas osseux. Ils mesurent en moyenne 0,78 m de diamètre et sont conservés sur 0,27 m de profondeur. Deux accès potentiels, larges de 2,30 m et de 2,50 m, qui se signalent par une absence manifeste de vestiges, sont localisés aux angles nord‑est et sud-ouest. Cette disposition pourrait indiquer la pratique d’une procession codifiée pour rendre hommage aux défunts : l’entrée se ferait à l’angle nord‑est et la sortie à l’angle sud‑ouest, ou inversement. Une chose semble toutefois certaine, les deux espaces libres au sein de l’édifice étaient propices aux rassemblements liés à des pratiques cultuelles et/ou à la commémoration des défunts, à la manière, peut‑être, d’un hérôon.

Fig. 13 — Plan de masse du premier état du monument funéraire

40Ce premier monument funéraire est ensuite remplacé par un bâtiment maçonné en pierres (espace 3 de l’UA 1, fig. 4) dont la construction a uniquement nécessité l’édification de quatre murs, épais en moyenne de 0,68 m, dont deux s’appuient contre un bâti déjà existant (UA 1, espaces 1 et 2). La bipartition interne est alors abandonnée et cette monumentalisation s’accompagne d’un accroissement de la surface interne37 puisqu’elle passe de 96 m² à l’origine à 135 m².

Espace funéraire à l’origine d’un espace sacré : aménagement progressif du sanctuaire autour de deux tombes fondatrices

Tombes précoces préservées et protégées

41Datées d’entre 60 et 20 av. J.‑C., les tombes sont les plus anciennes structures archéologiques mises au jour dans l’agglomération antique de Sains-du-Nord. Malgré cela, elles ont été préservées et protégées38 durant près de trois siècles alors que les importants travaux de construction du sanctuaire, qui ont notamment nécessité le terrassement partiel du terrain, auraient parfaitement pu les faire disparaître définitivement. Or il n’en est rien, bien au contraire, puisque lors d’une période comprise entre 20 av. J.‑C. et la seconde moitié du i^er siècle (phase 2) un espace funéraire est clairement défini par la construction d’un imposant monument. De plus, cet édifice est pérennisé entre le début et le milieu du ii^e siècle (phase 3 séquence c) par une construction maçonnée en pierres. On ne peut donc que constater le profond intérêt porté aux sépultures de ces personnages de rang social élevé.

Chronologie et répartition spatiale des édifices cultuels

42La phase 1 (fig. 14) datée d’entre 60 et 20 av. J.‑C. concerne l’implantation des tombes, mais il semble que, dès cette période, des fossés d’enclos ou de parcelles soient présents au nord du site. Leur présence est intéressante dans la mesure où ils dateraient du début de l’occupation antique, à l’époque où nous ne sommes pas encore dans un contexte cultuel. Ces fossés, en plus des deux tombes, constituent vraisemblablement le caractère initial de l’implantation romaine, c’est‑à‑dire un domaine privé.

Fig. 14 — Plan phasé du sanctuaire de Sains-du-Nord.

43La phase 2 (fig. 14), comprise entre 20 av. J.‑C. et l’époque flavienne, voit la construction du monument funéraire sur poteaux. Si l’on se fie à son architecture (construction sur solins de pierre sèche), le temple 1 est vraisemblablement édifié au cours de cette phase, mais postérieurement au monument funéraire. C’est donc de toute évidence cette phase qui marque la fondation de l’espace cultuel. À ce stade, il s’agit encore probablement d’un espace funéraire et cultuel privé à l’image du site de Newel D (Rhénanie-Palatinat, Allemagne) où un temple à galerie jouxte un important enclos funéraire localisé à proximité d’une villa39. À Sains-du-Nord, le rapport entre le temple, les tombes et le monument funéraire est évident. En effet, d’une part le temple est situé à 7,60 m dans le prolongement du monument funéraire, d’autre part sa cella est placée dans l’axe des tombes (fig. 14). Compte tenu de ces éléments, le temple 1 peut être caractérisé de temple funéraire.

44Le caractère privé de l’occupation cesse probablement dès l’époque flavienne (phase 3 état a, fig. 14) avec le creusement d’un vaste enclos fossoyé quadrangulaire. Il détermine alors l’espace sacré et laisse présager d’un projet d’envergure dont la mise en œuvre débute entre la fin du i^er siècle et la première moitié du ii^e siècle (phase 3 état b, fig. 14). Cet état voit en effet la construction en maçonnerie de pierres d’un édifice à abside (UA 1, espace 1) flanqué, au sud, d’un temple à galerie (temple 2) et peut‑être d’un second, au nord, si nous acceptons la règle de la symétrie. Le rôle structurant de l’espace funéraire est cette fois indiqué par l’implantation de l’UA 1 dont la façade ouest est directement accolée au monument funéraire. Outre l’UA 1 et le temple 2, l’état 3b voit la construction de l’édicule carré dont le rapport avec l’espace funéraire se signale par la proximité, à 8,40 m au nord, mais surtout par l’alignement de sa façade nord-ouest sur celle du monument funéraire (fig. 15).

Fig. 15 — Plan de masse présentant les rapports d’axialité entre les édifices cultuels et l’espace funéraire ainsi que la répartition spatiale du mobilier rituel.

45L’état 3c (début du ii^e siècle-150, fig. 14) met en exergue toute l’attention portée aux défunts par la monumentalisation de l’édifice funéraire qui est alors maçonné en pierres et qui est ainsi harmonieusement intégré à l’ensemble monumental. Avec cette reconstruction, un nouvel espace est créé par le prolongement vers le nord-est du mur de façade nord-ouest de l’édifice, l’espace 4. Cet espace extérieur devait être partiellement couvert et il est vraisemblable que devaient s’y dérouler des pratiques rituelles. Une niche aménagée dans le mur pignon nord du monument, ou encore la présence d’une dalle reposant sur un niveau de sol et correspondant vraisemblablement à une base le laissent penser.

46Depuis la fin du i^er siècle av. J.‑C. jusqu’à 150, le rôle structurant des tombes élitaires dans le développement de l’espace sacré est essentiellement marqué par une concentration des édifices de culte autour et par rapport à l’espace funéraire alors que, dès l’époque flavienne, une vaste surface dédiée aux dieux du panthéon romain est désormais disponible. Mais, comme déjà évoqué précédemment, un tel espace présageait d’un projet d’envergure dont l’aboutissement est la construction, lors de la phase 4 datée d’entre la seconde moitié du ii^e siècle et le iii^e siècle, du temple 3 et de ses portiques40 (fig. 14). Cet ensemble architectural rompt avec les précédents en adoptant un modèle « classique » : flanqué de portiques, le temple est bâti sur un podium, on y accède par un escalier de façade qui menait vraisemblablement à un porche soutenu par une colonnade au‑delà duquel se trouvait la cella. Si sa formule architecturale ainsi que sa position topographique (sur le point le plus haut du sanctuaire, il domine les autres édifices) font de cet ensemble l’élément majeur du sanctuaire, l’espace funéraire garde son rôle structurant. Il est en effet intéressant de constater, d’une part que le temple s’ouvre sur le monument funéraire et qu’il est axé sur la tombe 2 (fig. 15), d’autre part que l’aire sacrée est réellement définie par ces deux ensembles architecturaux.

Répartition spatiale du mobilier rituel

47Le rôle déterminant de l’espace funéraire dans la naissance et le développement de l’espace sacré est aussi perceptible à travers la répartition spatiale du mobilier rituel (fig. 15).

48En effet, concernant les monnaies, si le doute quant à leur rapport avec un geste rituel est permis, force est de constater leur forte concentration dans le monument funéraire puisque 37 % des exemplaires découverts sur le site proviennent de cet espace, dont 8 ou 9 issus du dépôt de vase 1102.

49Pour ce qui est du dépôt d’instrumentum relatif à la monumentalisation de l’édicule durant la phase 4, s’il n’est pas en relation directe avec le monument funéraire, il a été découvert à proximité immédiate.

50Les deux dépôts de vases sont eux sans équivoque, car ils sont associés aux tombes : le dépôt 1102 est localisé à moins de 1 m de l’angle ouest de la tombe 1 et le dépôt 1248 est quant à lui quasiment accolé à l’angle sud de la tombe 2. Ces dépôts, qui ont été constitués sur une courte période ou à un moment précis41, sont vraisemblablement relatifs aux honneurs rendus aux défunts lors d’une commémoration, mais aussi, du fait du contexte cultuel, aux dieux.

51Ainsi, sur les trois dépôts mis au jour sur le site, deux sont clairement relatifs aux sépultures et le troisième a été découvert à proximité immédiate, dans un édicule. Malgré la fouille partielle du site, cette concentration des gestes rituels perçus révèle l’importance de l’espace funéraire.

Conclusion

52Cet article s’est attaché à démontrer l’émergence et le développement d’un espace sacré à partir d’un espace funéraire caractérisé par deux tombes que l’on peut dès lors qualifier de fondatrices. L’exemple de Sains-du-Nord est tout à fait remarquable et exceptionnel, car si d’autres lieux de cultes sont réputés avoir été fondés sur la présence de tombes42, comme sur les sites suisses de La Grange des Dîmes et surtout d’En Chaplix à Avenches, ces sépultures n’avaient pas pour vocation à être vues puisque localisées sous un temple. À Sains-du-Nord au contraire, le souvenir des défunts est pérennisé par la construction et l’entretien d’un monument funéraire au sein d’un espace devenu sacré. C’est en cela que l’on peut s’interroger sur leur héroïsation ou déification, acte attesté dans le monde romain pour des personnes privées43 comme l’évoque un passage de Cicéron qui, après la mort de sa fille Tullia, « entend lui construire un monument destiné non seulement à pérenniser sa mémoire mais quasiment à lui conférer l’immortalité […], l’apothésis […] »44. Les défunts enterrés à Sains-du-Nord ne sont pas simplement des personnages de haut rang, car comme le remarque Albert Grenier lors d’une séance de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en mai 194445, non seulement les dieux des Romains n’acceptaient pas « le voisinage d’un mort impur », aussi éminent soit‑il, mais d’autres personnages importants « auraient voulu, dans la suite des temps, partager le même honneur » et donc être enterrés au même endroit, ce qui n’est pas le cas ici. Ainsi, la présence des tombes et du monument funéraire au sein de l’espace sacré ne peut se comprendre que si nous sommes en présence de héros, intermédiaires privilégiés entre les hommes et le dieu auquel ils étaient associés. C’est d’ailleurs peut‑être ce culte, non pas du, mais des héros, qui est évoqué sur un vase à bustes découvert dans l’agglomération antique, à une centaine de mètres du sanctuaire. Le principal décor de ce vase est un temple à galerie périphérique vu en coupe. Dans la cella se tient la statue du dieu Mercure et dans la galerie, de part et d’autre de la pièce centrale, deux bustes sont représentés (fig. 16). À l’issue de son étude46, William Van Andringa a proposé de voir dans ces deux bustes une imago47 de l’empereur, sans toutefois écarter l’hypothèse de celle d’une divinité. Il objectait néanmoins « d’une part que le buste ne permet d’identifier aucune divinité connue, d’autre part qu’une telle représentation n’ajouterait rien à la scène ». À la lumière des nouvelles données apportées par la fouille du sanctuaire, n’est‑il pas possible de voir dans ces imagines la représentation des deux défunts, de deux héros ? Si cette hypothèse ne peut être vérifiée, elle a le mérite de proposer une nouvelle lecture du vase : ainsi, l’absence d’attributs caractéristiques d’une divinité se comprendrait puisqu’il s’agirait bien d’humains. Leur présence dans la galerie, les associant directement à Mercure, serait‑elle vide de sens s’il s’agissait bien de héros ?

Fig. 16 — Le vase à bustes de Sains-du-Nord représentant un temple à galerie en coupe.