1Les titres agonistiques n’ont rien de spécifique aux palmarès. Au contraire, ils y sont assez peu nombreux, apparaissent plus tardivement que dans les autres documents et ont eu une légère tendance à se raréfier au iii^e s. Des développements récents ont traité les titres de manière générale1, et même s’il reste des points à débattre, ce n’est pas le lieu ici de traiter les aspects philologiques ou sportifs de ces titres. Les deux seuls points à étudier dans ce corpus sont d’une part l’histoire des titres dans les palmarès et d’autre part leur sens, leur portée à l’intérieur de ces textes.

2Les deux aspects sont liés. En effet la plupart sinon la totalité des titres ne sont pas nécessaires aux palmarès. Ils sont de fait le plus souvent redondants avec l’inventaire à proprement parler. En effet un hiéronique est un vainqueur dans un concours sacré (isélastique à partir d’une certaine date), ce que le palmarès va indiquer aussi, de manière plus ou moins explicite et appuyée, mais sans ambiguïté pour le lecteur, sauf dans quelques exceptions ; souvent le périodonique énumère les concours de la période auxquels il a vaincu, le paradoxonikès/paradoxos les succès doubles qui lui donnent ce titre. Dès lors pourquoi graver un titre ? Cela participe-t-il seulement à l’inflation des états civils des champions ? Ou y a-t-il d’autres raisons, liées aux circonstances, au profil du champion, à l’évolution du monde des concours ?

Apparition et développement des titres

3Les titres sont quasiment absents du premier siècle de l’Empire. Le seul cas sûr est la très originale inscription pour le grammairien Apion (20) ; c’est un palmarès totalement atypique, et περιοδονίκης y remplace l’inventaire détaillé des victoires de cet auteur d’éloges. C’est à peine un titre à proprement parler, mais bien une formule, π̣ο̣ι̣ήµασι δὶς περι<ο>δονε̣ί̣κην πρῶ̣τ̣ον ἀνθ̣ρ̣ώπων, qui se substitue à ce que tout autre palmarès aurait écrit, à savoir ποιητήν, νεικήσαντα δὶς τὴν περίοδον πρῶτον ἀνθρώπων, ou νεικήσαντα ἐνκώµιον δὶς τὴν περίοδον πρῶτον ἀνθρώπων. On peut hésiter sur la date de 180 (ἱερονίκαν à Sparte), qui est sans doute du i^er s. ; c’est un bilan synthétique, non un inventaire détaillé, et plus encore qu’ailleurs le titre paraît superflu, puisque le texte précise que les victoires ont été acquises dans les concours ἱερούς τε καὶ στεφανίτας.

4Comme pour tant d’autres aspects des palmarès, la période domitienne marque un tournant. Si les titres restent globalement discrets, puisqu’ils ne concernent qu’un sixième des textes – et un quart des textes bien conservés –, c’est bien chez les champions vainqueurs aux Kapetôlia sous Domitien qu’on trouve les premières véritables attestations de titres précédant les inventaires, titres parfois neufs. Il a déjà été montré à plusieurs reprises que cette époque voit la formation du néologisme παραδοξονίκης, qui très rapidement devient le simple παράδοξος, titre le plus courant du monde agonistique sous l’Empire2. Nous approuvons le point de vue des derniers commentateurs du terme, qui y voient un terme technique et non un éloge vague que tout un chacun pourrait s’attribuer pour peu qu’il ait brillé dans quelque concours. Comme παραδοξονίκης, aux dires de Plutarque, désigne initialement un vainqueur à la lutte et au pancrace dans le même concours, παράδοξος doit s’appliquer à des vainqueurs « doubles » ; toute la question, non entièrement résolue nous semble-t-il, est de savoir en quoi consiste cette victoire double. Suffit-il d’avoir vaincu deux fois dans un même concours ? Ou d’autres conditions existaient-elles, et, si oui, sont-elles restées les mêmes au cours des cent cinquante ans qui vont de la première attestation à la fin des palmarès en Orient ? Il est en tout cas frappant qu’à peine apparu, παραδοξονίκης, qui en 106 est utilisé au sens primitif pour le lutteur et pancratiaste Archibios (40), se soit aussi appliqué à un coureur, Hermogenès de Xanthos (34), pour ses doublés et même triplés dans de nombreux concours, et en particulier aux Olympia ; la carrière du Xanthien est même antérieure à celle d’Archibios, mais la date des textes lyciens, tous identiques, est, elle, inconnue3.

5Il a déjà été observé que l’usage de ces titres dans les décennies 90-120 avait quelque chose de paradoxal, parce qu’ils définissent assez mal ou en tout cas imparfaitement des champions de cette trempe. Archibios comme Hermogenès sont périodoniques ; le titre existait déjà mais il est absent des inventaires de victoire de cette époque. Quelle était la valeur ajoutée de παραδοξονίκης dans des palmarès qui, à eux seuls, montraient que l’un et l’autre étaient non seulement παραδοξονῖκαι mais plusieurs fois périodoniques et même τριασταί4 ? Notons encore qu’Hermogenès arbore un autre titre, qui lui vient de sa victoire dans la course en armes à partir du Trophée à Platées, ἄριστος Ἑλλήνων. Celui-ci n’est pas neuf et le grand coureur de Milet titulaire de 4-5 le mentionnait déjà dans son palmarès. De manière significative ce n’était pas un élément de son état civil mais une précision insérée dans l’inventaire, à l’endroit où sont décrites ses victoires aux Eleutheria de Platées5. Cette insertion s’explique pensons-nous parce que le titre est neuf, tellement neuf qu’il a quasiment besoin d’être expliqué, alors que la course en elle-même est bien plus ancienne certainement : si l’octroi du titre avait été banal, il est peu probable qu’à cette date il y ait eu besoin d’une formulation aussi longue : τὸν ἀπὸ τοῦ τροπαίου ἐνόπλιον δρόµον [καὶ] ἀναγορευθέντα ἄριστον τῶν Ἑλλήνων πρῶτον [καὶ] µόνον τῶν ἀπὸ τῆς Ἀσίας. Peut-on d’ailleurs imaginer, si la course existait depuis la création du concours, qu’aucun coureur d’Asie ne l’ait jamais remportée ? C’est quasiment inconcevable, car les vainqueurs connus de cette course sont les plus grands spécialistes du stadion et du diaulos ; or rien que dans la basse époque hellénistique, plusieurs des olympioniques dans le stadion viennent d’Asie, dont, en particulier, le triastès milésien Hekatomnôs6 ; on remarquera aussi que notre coureur vainqueur à Olympie en 20 av. J.-C. utilise pour la course en armes à partir du Trophée une expression double, πρῶτον [καὶ] µόνον (τῶν ἀπὸ τῆς Ἀσίας la première fois, et sans rien derrière la seconde) sans équivalent dans le reste du texte, qui pourtant souligne à l’envi les primautés du champion, mais toujours avec le seul πρῶτος. Le µόνος n’est sans doute pas creux : de fait, à la date du texte, le coureur devait bien être le seul – et pas seulement le premier – à avoir accompli cette prouesse. Chez Hermogenès (34), ἄριστος Ἑλλήνων est bien cette fois un titre, répété au demeurant dans la formule qui désigne ici la course à partir du Trophée, τὸν ἀπὸ τοῦ τροπαίου, ἄριστον τῶν Ἑλλήνων7.

6Nous datons grosso modo de la même période les carrières des deux premiers artistes à porter un titre dans les palmarès. Le pythaule Korinthos (27) est désigné comme περιοδονείκης, mais le texte retrouvé est certainement beaucoup plus tardif que sa carrière. Le thème de la περίοδος est répété sur la stèle érigée par ses fils, non seulement à travers les cinq couronnes dévolues aux victoires dans la période, isolées des autres dans la partie supérieure de la stèle, mais encore à travers l’exploit particulier accompli par Korinthos dans la période. Au fond, c’est peut-être le détail de l’exploit qui a poussé à utiliser d’abord le titre ; car dans cette inscription νεικήσας τὴν περίοδον n’a pas pour vocation de renseigner dans le palmarès la victoire dans les quatre concours de la période, ce n’est pas redondant par rapport à περιοδονείκης, mais c’est une façon d’introduire les circonstances de l’exploit : c’est après avoir vaincu dans la période que Korinthos est revenu à Argos et l’a emporté ἑνὶ νόµῳ, en jouant un seul nome et non deux. À notre avis à une date proche, le citharède de Cos Helenos (26) est ἱερονίκας. La position du mot est à signaler, entre un titre « civique », φιλοκαῖσαρ, et la spécialité.

7Au ii^e s. les titres sont plus fréquents et plus divers : παράδοξος, ἱερονίκης, πλειστονίκης περιοδονίκης sont les plus courants. On en trouve dans tout type de palmarès, dans toutes les régions, aussi bien dans les inscriptions publiques que les monuments honorifiques privés. Si l’on continue à trouver des titres au iii^e s., dans la documentation actuelle les textes d’Aphrodisias (cf. infra) et les quatre inscriptions pour Eklektos (170-171-172-173) fournissent à eux seuls le plus grand nombre d’occurrences, et les uns comme les autres constituent des exceptions, parce que dans la cité carienne c’est la manière habituelle de qualifier les grands champions dans les décrets en leur honneur, et parce qu’Eklektos a tendance à hypertrophier son état civil, à rebours des palmarès de son époque. Ailleurs, la mode des titres diminue, comme l’affichage des ethniques, sans jamais disparaître.

Pourquoi des titres agonistiques dans les palmarès ?

8Sur cette question, les palmarès d’Aphrodisias apportent peut-être un éclairage. Il n’est pas sûr que l’on puisse extrapoler du cas de la cité carienne, qui a parfois des spécificités locales fortes, à l’ensemble des palmarès, mais c’est tout de même une piste. Comme nous le verrons plus loin (p. 677), les inventaires à proprement parler sont à Aphrodisias des pièces ajoutées à des inscriptions honorifiques, qui portent elles-mêmes les traces assez profondes des décrets à l’origine des honneurs décernés. Quand la Boulè et le Peuple avaient à décider des honneurs pour un champion, le palmarès de celui-ci leur était certainement fourni, probablement lu lors des débats – mais tout le monde connaissait les exploits d’un champion local, ce n’était pas nécessaire, même si chacun s’enorgueillissait à l’écoute de la liste. Mais dans les attendus du décret puis dans le texte destiné à devenir l’inscription honorifique, on ne prenait pas la peine de recopier des dizaines de lignes de noms de concours, de spécialités et, pour les athlètes, de catégories d’âge. Le Conseil et le Peuple se contentaient de féliciter l’une des stars de la cité invariablement pour son appartenance à une bonne famille, sa carrière remarquable, son professionnalisme et les victoires qui en ont découlé, résumées dans des titres, souvent les mêmes, ἱερονίκης πλειστονίκης (61, 163). C’est surtout pour nous au fond, lecteurs modernes, que les titres font partiellement doublon avec l’inventaire, qui dit la même chose sous une autre forme (un tel a remporté plusieurs concours sacrés). Les Aphrodisiens contemporains du champion voyaient dans le début du titulus et donc dans les titres la pleine dimension civique des honneurs, ils reconnaissaient immédiatement le processus à l’œuvre à l’Assemblée et au Conseil, et en quoi celui-ci correspondait à la participation du Peuple dans les honneurs votés. Parfois les titres sont plus prestigieux ou plus précis : pythionique et aktionique dans 142 (mais aussi hiéronique et paradoxos) alors que le palmarès ne mentionne ni les Pythia ni les Aktia, périodonique dans 53. Nous n’excluons pas que, comme à Aphrodisias, d’autres palmarès n’associent des titres aux champions que par un effet résiduel, parce que c’est ce qui subsiste de la décision des autorités qui ont voté les honneurs8.

9Un autre groupe de palmarès avec titres agonistiques nous paraît découler de la nécessité ou du moins du besoin que les champions avaient de distinguer les mérites qu’ils avaient dans différentes disciplines. Par exemple Licinnius Inuentus est παλαιστὴς πανκρατιαστὴς πλειστονείκης παράδοξος, πύκτης ἄλειπτος (265) ; Dèmostratos Damas est πανκρατιαστὴς δὶς περιοδονείκης, πύκτης ἄλειπτος παράδοξος (85-86) ; dans la profusion de titres et épithètes de M. Aur. Asklèpiadès (107), il était assurément inenvisageable que περιοδονείκης n’y figure pas, car dans le chapelet de qualificatifs et participiales qui rappellent ses performances, son absence aurait semblé curieuse. De manière générale, si le champion voulait ajouter des précisions (ἄλειπτος) ou indiquer une primauté, le titre devenait pratique voire quasi nécessaire. Marôn est περιοδονίκην τέλειον πρῶτον ἀνθρώπων, παλαιστὴν ἄλειπτον ; la primauté du titre obligeait à l’utiliser. Il aurait été moins simple de clarifier l’exploit accompli à travers l’inventaire. La même primauté explique dans 109 le περιοδονείκης γ΄ πρῶτος καὶ µόνος τῶν ἀπ’ αἰῶνος.

10Dans quelques textes, le titre fait véritablement office de palmarès des plus grands concours, l’inventaire livré ne concernant qu’un exploit particulier ou des victoires supplémentaires. Dans son palmarès en prose, Aristomachos se dit périodonique et la liste des concours n’enregistre que ses victoires consécutives chez les jeunes (48). Kallimorphos l’aulète est périodonique mais les seuls concours qu’il mentionne, y compris deux de la période, sont ceux où il a accompli le premier des performances inouïes ou a été le premier vainqueur dans sa discipline (53). Le rhéteur M. Aur. Athènaios met ses victoires aux Pythia, Isthmia, Nemea et Hèraia sous le seul titre de περιοδονίκης, sans même sa spécialité (l’éloge en prose), et ne mentionne dans l’inventaire qui suit que des concours moins prestigieux (110). Dans le bilan synthétique du coureur éginète M. Aur. Agathopous, les titres sont aussi là pour donner les plus beaux succès ([τε]τράκι̣ π̣ερι[οδονίκης], ἄριστος Ἑλλήνων), avant un bilan chiffré laconique. Dans 130, περίοδος τ̣έλ̣ε̣ι[ος] est un ajout à un texte qui initialement ne mentionnait que deux victoires athéniennes à Athènes ; le titre permettait d’être beaucoup plus concis qu’une liste de huit concours, qui n’aurait pas même tenu sur la pierre. On retrouve, de manière plus surprenante, le même raccourci dans la seule occurrence dans les palmarès de ἁλιονείκας (193), dans une inscription qui contient aussi, mais pour le père du champion, παράδοξος ; en dehors de l’indication des Halieia, le palmarès est un bilan chiffré, mais ce tragôdos était le premier halionique de sa patrie dans sa spécialité.

11Reconnaissons que l’on reste parfois perplexe devant l’affichage de titres qui non seulement ne paraissent guère utiles, mais semblent presque minorer les mérites du champion. Le kapetôlionique Abas (106) n’est que δροµέα ἱερονε[ίκ]ην παράδοξον, alors qu’il vient de remporter trois des concours de la nouvelle période la même année et ensuite les Hèraia ἀκονιτί, sans combattre ; il est vrai qu’on pourra dans son cas se demander si la liste des concours n’est pas, comme dans les textes d’Aphrodisias, une forme de supplément à l’inscription honorifique prévue par la cité. Tant qu’Eklektos (171 à 174) n’avait remporté qu’une fois la période, qu’apporte le titre de περίοδος ? Ensuite il est deux (δὶς περίοδος 172) et trois fois (τρὶς περίοδος 173) périodonique et l’on peut comprendre qu’il le mette comme titre de gloire ; il est aussi possible qu’il faille n’appliquer ἄλειπτος que sur ces victoires dans les concours de la période, et dans ce cas l’usage du titre était quasiment indispensable. Mais l’aulète de 117, en se désignant, dans la seconde moitié du ii^e s., comme πλειστονίκης, παράδοξος, à une époque où les titres sont devenus banals, ne donnait-il pas le sentiment à son lecteur de souligner le fait qu’il n’avait justement pas de grande victoire à son actif, qu’il n’était ni pythionique ni périodonique ?

12On reste également étonné de la fréquence de ἱερονίκης παράδοξος (72, 106, 131, 142, 163) ou de παράδοξος seul (52, 65, 71, 75, 92, 114, 132). Ils ne participent probablement parfois qu’à une inflation de l’état civil, au moment où les ethniques aussi se multiplient. Plutôt que de ne rien mettre, on insérait un titre devenu courant mais qui gardait, au-delà de sa signification technique, un caractère laudatif fort.

13Certains titres constituent cependant de véritables plus-values par rapport à la liste des victoires. Le biologos Alexandros Oxeidas (76) est ainsi Ἀσιονείκης, titre en soi bien modeste, l’un des moins illustres des qualificatifs créés sur le suffixe -νίκης. Mais chez ce mime, le bilan chiffré final masque certainement le fait que les concours qu’il a remportés sont d’un rang médiocre ; il doit s’agir pour la plupart de concours à prix d’argent. Ἀσιονίκης constituait donc tout de même un titre de gloire, quand bien même les Koina Asias où Alexandros y a acquis ce titre n’étaient probablement pas l’un des concours isélastiques de ce nom. À défaut d’être ἱερονίκης, au moins ce biologos pouvait-il afficher un titre connu chez les athlètes ou pour des disciplines artistiques plus prestigieuses.

14Le rare et visiblement tardif τριαστής n’apparaît que deux fois dans les palmarès. Il occupe la dernière place d’une série inédite de titres dans le palmarès d’Érythrées 146 : παράδοξον, δροµέα πλειστονείκην, ἱερονείκην, τριαστήν. L ’ordre est difficile à cerner : si παράδοξος est parfois seul et même isolé juste après le nom du champion, ici on ne voit pas quel sens cela avait de séparer παράδοξος de δροµεύς : pourquoi ne pas écrire δροµέα παράδοξον etc.9 ; et qu’est-ce qui justifie la succession πλειστονείκην, ἱερονείκην, inverse de celle connue par des dizaines de cas ? On attendrait plutôt une formule du type de celle que l’on trouve à Lagina, δροµεὺς Ἁλιο[νίκης ἱερον]ίκης, πλειστονίκης, παρά[δοξ]ος10. À Érythrées, c’est presque comme si παράδοξος était indépendant de l’activité du coureur, comme si le mot n’avait pas de sens technique, d’autant que triastès devrait à la fois inclure paradoxos – si l’on est trois fois vainqueur dans un concours, on l’est aussi deux fois – et le dépasser, et par là le rendre inutile. Il se trouve que l’on a perdu une bonne moitié de l’inventaire des victoires, mais il donnait assurément le détail des courses remportées dans chaque concours ; donc τριαστής était redondant avec, plus bas, la mention de trois spécialités de course remportées dans une même célébration. La formule est donc des plus curieuses. L ’autre attestation du terme dans les palmarès apporte en revanche un vrai supplément d’information, car jamais, pour aucun concours, le détail des courses n’apparaît. Son apparition dans le 140, où c’est le seul titre, est d’autant plus compréhensible que c’est probablement lors de la seconde célébration des Asklèpieia Pythia d’Ancyre que le coureur aura acquis le droit de porter l’épithète, puisqu’il a remporté trois fois le concours et que ce pourrait être lors d’une seule célébration, la seconde du concours. Ici il n’y a tout simplement pas d’autre titre, et si celui-ci est affiché à Ancyre, c’est sans doute à cause de son lien avec le grand concours de la cité.

Afficher des fonctions agonistiques

15Les athlètes et à un moindre degré les artistes indiquent dans leur état civil les fonctions agonistiques qu’ils exercent durant ou après leur carrière. L ’apparition et le développement de ces mentions suivent globalement ceux des titres agonistiques. On trouve cependant des palmarès sans titre mais avec fonctions et inversement. Et les fonctions agonistiques restent extrêmement rares dans les palmarès.

16Pour qu’il y ait des fonctions affichées, il faut d’abord que celles-ci existent et soient ouvertes aux athlètes, artistes ou retraités des stades. Or il y a dans les premières décennies de l’Empire fort peu de charges de ce type. On doit attendre le règne de Domitien pour que la xystarchie fasse son apparition dans les palmarès ; on ne sait pas si c’est un pur effet d’affichage ou si, comme nous préférerions le penser, c’est parce que la fonction, qui n’est pas nouvelle en soi, s’est à ce moment-là généralisée dans les concours et a été de plus en plus souvent affectée à d’anciens champions, par autorité impériale. C’est en tout cas un des premiers vainqueurs aux Kapetôlia, Hermogenès, qui est le premier à indiquer la fonction, τὸν δ̣[ιὰ βίου ξυστάρ]χην τῶν ἐν Λυκίᾳ ἀγοµένων ἀγώνων (34). Il faut ensuite attendre le règne d’Hadrien pour retrouver un palmarès de xystarque (48) et si la fonction est ensuite régulièrement mentionnée, jusqu’au milieu du iii^e s. (168, l’un des deux palmarès les plus tardifs d’Asie Mineure), elle reste finalement rare quand on pense que les palmarès concernent avant tout les plus grands champions, et parmi eux, bon nombre des stars des sports lourds, c’est-à-dire ceux qui ont précisément fourni le plus gros contingent des xystarques-anciens athlètes. Ce ne sont pas les palmarès qui nous donnent le plus grand nombre de noms de xystarque.

17C’est à peu près au moment où Hermogenès est dit xystarque qu’Archibios est honoré comme ἀρχιερεὺς διὰ βίου τοῦ σύµπ[αντος ξυστοῦ] (40), sous Trajan. Mais il faut attendre ensuite plusieurs décennies avant de revoir dans un palmarès cette fonction suprême au sein de l’association des athlètes, chez Dèmostratos Damas (85-86) puis Asklèpiadès d’Alexandrie (107), qui cumulent qui plus est, comme c’est alors la règle, les titres de διὰ βίου ξυστάρχης καὶ ἐπὶ βαλανείων τῶν Σεβαστῶν.

18Tout à fait isolée est la mention chez M. Aur. Hermagoras de Magnésie du Sipyle (79), de la fonction de πρωτελληνοδίκης qu’il a exercée dans deux concours différents, les Olympia d’Éphèse et de Smyrne ; c’est d’autant plus singulier que ce vainqueur dans de nombreux grands concours n’arbore aucun titre agonistique et que sa stèle funéraire retrouvée à Naples insiste avant tout sur les fonctions, xystarque et donc πρωτελληνοδίκης.