Mémoire des Carolingiens à Metz
p. 9-19
Texte intégral
1L’empereur Charlemagne est décédé en son palais d’Aix, le 28 février 814. Plusieurs manifestations de grande ampleur parmi lesquelles il faut distinguer les expositions d’Aix-la-Chapelle et du Musée national suisse à Zurich ont commémoré le 12e centenaire de l’événement. Il convient de relever ici la remarquable absence de la France qui a préféré commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale. Se serait-on enfin rendu compte dans l’Hexagone que le Charlemagne français était davantage celui de la Légende élaborée au xiie siècle dans l’entourage des rois capétiens, que celui de l’Histoire, plus largement développée dans le cadre du Saint-Empire ? Cette distinction entre le Charlemagne de l’Histoire et celui de la Légende est vieille de presque mille ans et mérite que l’on s’y attarde un peu.
2Le jour de Noël de l’an 800, Charles, roi des Francs, devenait par son couronnement à Rome, l’empereur Charles, ressuscitant l’Empire dans la partie occidentale de l’ancien monde romain d’où il avait disparu depuis plus de trois siècles (476). Le nouvel empereur appartient par le sang à ces tribus germaniques, installées depuis le ve siècle entre la Meuse et le Rhin, et descend de deux des plus puissantes familles de l’Austrasie mérovingienne : les Arnulfiens et les Pippinides qui, depuis 611, ont lentement muri le coup d’État qui leur permettra d’accéder en 751, à la souveraineté sur l’ensemble des royaumes francs.
3L’image de Charlemagne ne cesse, jusqu’au xixe siècle, de dominer l’art et l’historiographie européenne, mêlant souvent, au service de préoccupations avant tout nationalistes, les faits et la nostalgie d’un âge d’or éphémère, porteur de la première idée d’Europe. Depuis la création de la Communauté européenne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il semblerait qu’on ne veuille plus désormais voir dans le personnage historique que le premier unificateur de cette Europe aujourd’hui bien plus vaste que ne le fut jamais l’Empire carolingien.
4En 1965, la 10e exposition du Conseil de l’Europe lui fut entièrement consacrée. Évoquant abondamment l’art et l’histoire du viiie au xe siècle, elle abordait également la représentation de Charlemagne, l’édification et la persistance du mythe embelli au fil des siècles. Outre le catalogue de l’exposition, une imposante somme scientifique fut éditée en quatre forts volumes1 qui gardent aujourd’hui encore tout leur intérêt. En 2007, la Bibliothèque nationale de France présentait « Trésors carolingiens : livres manuscrits de Charlemagne à Charles le Chauve ». Ce beau catalogue ne conserve plus rien de cette connotation subtilement hagiographique qui habitait les publications précédentes.
5L’Europe est aujourd’hui en crise et Charlemagne semble bien éloigné des préoccupations strictement économiques qui inquiètent aujourd’hui l’Union. Pourtant, une fois épuisées, les grandes liturgies nationales voire supra nationales, le personnage de Charlemagne conserve encore un certain public, suffisamment en tous cas pour être pris en compte par de grandes chaines de médias. C’est ainsi qu’après « Charlemagne, le prince à cheval », téléfilm franco-italo-germano-luxembourgeois de 1993, la chaîne franco-allemande ARTE proposait en début d’année 2013, un long documentaire-fiction allemand en trois parties : « La bataille pour le trône, La guerre contre les Saxons, L’empereur ». Avec près d’un million de téléspectateurs, il constitue une sorte de record d’audience pour le genre. Dans le même temps, France Culture en avril-mai 2013 avec « La Fabrique de l’Histoire » d’Emmanuel Laurentin, éclairait le personnage, son temps et sa légende, dans une suite de quatre émissions qui, si elles ne bénéficiaient pas de l’avantage incontestable que confère l’animation des personnages, apparaissait - au contraire des téléfilms - comme fondées sur une science historique des plus sérieuses et des mieux documentées.
6L’empire carolingien ne dura qu’un peu moins de deux siècles, ses deux principales composantes, la Francie occidentale, qui deviendra la France (le Royaume) et la Francie orientale, qui deviendra l’Allemagne (l’Empire), évoluant chacune de leur côté selon des modèles politiques sensiblement différents, se sont, dès le milieu du Moyen Âge, emparées du personnage de Charlemagne pour l’accommoder au mieux de leurs intérêts nationaux. Des partages successifs sont à l’origine de la dislocation puis de la disparition de l’Empire carolingien. En 817, à Aix-la-Chapelle, la « Divisio Imperii » prévoit le partage de l’empire entre les trois fils de Louis le Pieux. Ce dernier, seul fils légitime survivant de Charlemagne, avait recueilli la totalité de l’héritage paternel. Lothaire, son fils ainé revêtu de la dignité impériale, devait régner sur la Neustrie et l’Austrasie, tandis qu’à Pépin était échue l’Aquitaine et que Louis recevait la Bavière, complétée de l’Autriche, de la Pannonie et de la Carinthie, les deux cadets devant se contenter d’un titre de roi, préservant ainsi de manière formelle « l’unité de l’Empire ».
7En 819, Louis le Pieux, veuf d’Ermengarde, se remariait avec Judith de Bavière qui lui donnait, en 823, un quatrième fils : le futur Charles le Chauve. Un nouveau partage, qui réduisait les territoires jusqu’alors promis aux aînés, eut donc lieu en 829 ; les trois frères issus du premier lit s’en trouvèrent mal contents et se révoltèrent contre leur père, conduisant à la déposition de l’empereur en 833, puis à son rétablissement dans la dignité impériale en 835. Pépin mourut en 838, son père, le suivant dans la tombe deux ans plus tard.
8Lothaire, soutenu par les évêques, et conformément aux dispositions du partage de 817, se proclama aussitôt empereur, mais ses deux frères Louis et Charles, ralliés par une grande partie de la noblesse, ne voulurent pas le reconnaitre comme tel et, par le Serment de Strasbourg (premier monument linguistique de la future France et de la future Allemagne) se promirent assistance mutuelle pour l’abattre. Vainqueurs à Fontenoy-en-Puisaye en 841, ils lui imposèrent à Verdun, en août 843, un nouveau partage, où apparaîssent, enserrant l’immense et riche Francia Media, étirée de la mer du Nord à la Toscane, le royaume de Charles le Chauve à l’ouest et celui de Louis le Germanique à l’est, préfigurations de la France et de l’Allemagne.
9Lothaire II, fils de Lothaire Ier, n’hérita que la partie septentrionale de l’héritage paternel, ses oncles ayant déjà fait main basse sur la Provence et l’Italie, le territoire qui lui restait, situé entre la mer du Nord et la Bourgogne fut appelé, faute de mieux, « Lotharii regnum », c’est-à-dire Royaume de Lothaire, ou dans le langage courant « Lotharingie » et aujourd’hui « Lorraine », encore que celle-ci était alors formée de la Haute-Lorraine (la Lorraine actuelle) et de la Basse-Lorraine ou Lothier (c’est-à-dire la Belgique avec une partie des Pays-Bas).
10Après la mort de Lothaire II en 869, Charles le Chauve et Louis le Germanique, les deux fils survivants de l’empereur Louis le Pieux, se partagent le royaume de leur neveu. Il ne subsistait donc plus, après le traité de Meersen de 870, que la Francie orientale (Germanie) et la Francie occidentale (France), toutes deux issues de l’empire de Charlemagne, coupé en deux depuis les rivages de la mer du Nord, entre Gravelines et Dunkerque jusqu’à la pointe orientale du lac Léman, selon un axe épousant grossièrement les cours de la Meuse, de la Saône et du Rhône, coïncidant à peu près avec la ligne de partage entre parlers romans et parlers germaniques qui traversait justement les territoires de Lothaire.
11Ainsi, à quelques enclaves près (plus précisément le territoire des cités épiscopales de Cambrai, Metz [avec Toul et Verdun], Besançon, Genève…), la totalité ou presque des locuteurs romans relevait de la Francie occidentale, tandis que l’Empire n’était peuplé que de ceux qui parlaient la langue du peuple : « la langue de tous les hommes : allmänner », qui deviendra l’allemand. Cette partition radicale sera la cause d’innombrables conflits au cours du millénaire suivant, le peuple de chacun des royaumes semblant avoir eu bien conscience de sa différence d’avec l’autre, c’est-à-dire de celui qui ne parlait pas la même langue que lui.
12Moins d’une génération plus tard, la funeste coutume du partage du territoire entre les fils du souverain défunt, conduisait à la complète dislocation de l’ancien empire en huit royaumes, tous tenus par les arrière-petits-fils de Charlemagne, mais dont aucun ne pouvait isolément s’opposer efficacement aux agressions extérieures (invasions) ou intérieures (anarchie).
13En 881, Charles le Gros, fils de Louis le Germanique, sera le dernier carolingien à régner sur l’ensemble de la Francie avec le titre d’empereur. Il est destitué en 887 de toutes ses fonctions royales (sauf de la dignité impériale qu’il tient du pape), pour n’avoir su faire face aux invasions normandes. En février 888, un parti de hauts dignitaires de la Francie de l’Ouest couronnent à sa place Eudes - le fils de ce Robert le Fort que Charles le Chauve avait, en 861, fait marquis de Neustrie - auréolé de sa victoire sur l’armée normande qui assiégeait Paris (885-886).
14Relevons que ce fondateur de la lignée capétienne qui va régner près de mille ans sur la France est issu d’une puissante famille comtale rhénane, établie dans la région de Worms avant de se transporter en Anjou au temps de Charles le Chauve ; elle compte notamment parmi les siens Chrodegand (v. 712-766), évêque-archevêque de Metz, conseiller du roi Pépin et légat du pape pour le royaume franc, qui se trouve ainsi être un arrière-grand-oncle (au 8e degré) du nouveau roi.
15Louis V, roi des Francs et dernier carolingien à avoir été revêtu des insignes de la royauté, meurt sans héritier en mai 987. Pour le remplacer, les « Grands », c’est-à-dire les comtes et les évêques de Francie occidentale qui ne veulent pas de Charles, oncle du roi défunt2 - et donc son légitime successeur puisque son plus proche parent - mais qui, devenu duc de Basse-Lorraine par la grâce de l’empereur Otton, présentait aux yeux des Francs de l’ouest, le grave inconvénient d’être le vassal du roi de Germanie. Ils donnèrent donc la couronne à Hugues, dont, comme nous l’avons dit, le grand-oncle Eudes et le grand-père Robert avaient été pendant quelque temps rois en Francie occidentale (le premier de 888 à 898, le second en 922-923).
16Cette manière de voir n’est pas particulière à l’Ouest, quelque temps auparavant, en Germanie, quand il s’était agi de donner un successeur à Louis l’Enfant, mort en 911 et dernier souverain carolingien de Francie orientale, les ducs du pays refusèrent de reconnaitre pour roi, son plus proche parent le carolingien Charles le Simple, roi de Francie occidentale, préférant à la légitimité dynastique, un souverain issu des peuples de l’est et parlant comme eux le tudesque ; ils choisirent donc leur nouveau roi dans la nation « allemande » en la personne de l’un des leurs : Conrad, le duc de Franconie. Celui-ci ne parvint cependant pas à s’imposer et mourut, en 919, d’une blessure reçue dans une bataille contre le duc de Bavière. Sur son lit de mort, il chargea son frère de porter les insignes de la royauté au duc de Saxe, Henri dit l’Oiseleur. Ce dernier, par une étrange précaution du destin, était à la fois le grand-père d’Hugues Capet, le futur roi de France et l’arrière-grand-père du roi de Germanie qui venait de mourir.
17En Germanie, où la nostalgie de l’Empire perdurait, l’œuvre de Charlemagne, regardée comme le rétablissement du modèle antique, était auréolée d’une gloire d’autant plus vive que le quotidien des peuples, qui avaient naguère fait partie de ses états, était alors plus difficile. Otton n’était ni franc ni carolingien, mais fils du saxon Henri l’Oiseleur, il succéda à son père en 936. Dans un nouveau Saint-Empire, qui se posait en continuateur de l’Empire Romain universel, celui-ci va réunir le souvenir de Rome et celui de Charlemagne. S’étant fait donner l’onction royale à Aix-la-Chapelle ; puis ayant fait procéder à l’« élévation » du corps de l’empereur, Otton prend place sur son trône. Comme Charlemagne, il prend à Pavie la couronne de roi des Lombards, puis, ayant mis fin aux invasions hongroises en 955, se fait comme Charlemagne sacrer empereur à Rome (962).
18Dans le Royaume, il en était tout autrement, la légitimité du roi capétien pouvait faire problème, une élection avait permis son accession au trône, l’autorité du souverain était rien moins que fragile et semblait pouvoir être remise en question à chaque instant. En butte aux manœuvres des grands du royaume qui s’appliquaient à éviter que le fils du roi défunt puisse prétendre à sa succession, une chance incroyable devait permettre l’enracinement d’une dynastie héréditaire. Au cours des huit premières générations, il se trouva chaque fois un héritier pour être couronné roi du vivant de son père. Le dernier à avoir été ainsi couronné est Philippe II dit Auguste. Son fils Louis VIII sera un authentique descendant des Carolingiens, filiation célébrée à sa naissance comme le « reditus ad stirpem caroli » : le retour à la souche carolingienne. Pour que l’on retrouve cette légitimité reposant sur une continuité dynastique entre Carolingiens et Capétiens, il avait donc fallu attendre 1180 et le mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut, dont les deux parents, Baudouin de Hainaut ou de Flandre et Marguerite d’Alsace3, descendaient de ce Charles duc de Basse-Lorraine, mort deux siècles plus tôt, auquel en 987, on avait préféré Hugues Capet. Dans cette France qui se refuse à être d’Empire, puisque précisément l’Empire est « allemand », les juristes déclarent que « le roi est empereur en son royaume », cette obsession d’appartenir à la descendance de Charlemagne se traduit par une récupération symbolique et littéraire aboutissant à la création de toutes pièces d’un Charlemagne français.
19Avec la Chanson de Roland, élaborée vers la fin du ixe siècle et largement diffusée par l’abbaye de Saint-Denis dès le milieu du xiie siècle, Charlemagne devient le personnage central d’un vaste ensemble épique (composé de la Geste de Charlemagne, mais également des cycles de « Guillaume d’Orange » et de « Doon de Mayence ») dont la veine se retrouvera encore au milieu du xve siècle dans les Chroniques et Conquestes de Charlemagne », mises en œuvre en 1458 à la cour des Valois de Bourgogne. La volonté de s’approprier le personnage de Charlemagne se manifeste ici clairement : la capitale de l’empereur, n’est plus Aix-la-Chapelle, mais Paris et les préoccupations politiques des Capétiens des xie et xiie siècles (croisade, renforcement du pouvoir royal, lutte contre les vassaux rebelles) forment ici le canevas de l’histoire.
20C’est précisément cette image légendaire de « l’empereur à la barbe fleurie » (à l’abondante barbe blanche) qu’en France - après les représentations convenues de Charlemagne dans l’enluminure des manuscrits - les regalia (c’est-à-dire les insignes officiels du pouvoir royal), vont reprendre. Ainsi, l’empereur de la légende apparaît au sommet du sceptre de Charles V, lequel est précisément neveu et filleul de Charles IV de Luxembourg, l’empereur du Saint-Empire. Ce sceptre avait sans doute été réalisé pour son sacre (19 mai 1364), tandis que l’épée, qui devait servir par la suite au sacre de tous les rois de France, était plus ancienne. Datant de la fin du xiie siècle elle était dite « épée de Charlemagne » et portait déjà au xiiie siècle le nom de « Joyeuse », reprenant le nom qui lui avait été donné dans la Chanson de Roland.
21Devenu, avec saint Louis, l’un des fondateurs de la monarchie française, le Charlemagne de la légende devait survivre à la Révolution. Fondée sur des similitudes ou des coïncidences, et surtout sur une profonde méconnaissance de la réalité historique, une sorte de proximité rapprocha l’empire de Charlemagne et celui de Napoléon. Celui-ci « puisa à pleines mains » dans l’héritage d’un Charlemagne « érigé en figure de la Nation, en métaphore de l’identité nationale » et c’est sous son apparence légendaire de vieillard chenu, que Charlemagne, entouré de ses leudes (Roland et Olivier), devait être statufié dans le bronze en hommage au nouvel empire français dont le souverain, depuis 1851, était Napoléon III, deuxième du nom. Le modèle en plâtre de la statue avait été proposé dès 1853, par deux sculpteurs parisiens Louis et Charles Rochet, puis présenté à l’Exposition universelle de 1867. La statue en bronze ne fut cependant réalisée que peu avant l’Exposition universelle de 1878. Il fallut ensuite trouver une place susceptible d’accueillir cette œuvre monumentale pesant plus de 15 t. pour une hauteur de 7 m. L’Empire français était tombé en 1870, neuf ans plus tard en janvier 1879, le Conseil de Paris délibérait encore sur l’emplacement à choisir. Les édiles de gauche ne pouvaient, par principe, consentir à cet hommage au pouvoir absolu. Viollet-le-Duc, rapporteur de la commission, ne put surmonter l’obstacle et la statue fut refusée. Peu après, l’« Opinion publique », nostalgique d’une époque particulièrement glorieuse de l’histoire nationale, fut subtilement convoquée par « La Presse » et se prononça en faveur d’un l’hommage public. Moins d’une semaine après, le Conseil de Paris entérinait (1882), le principe d’une installation provisoire sur le parvis de Notre-Dame et devait même procéder un peu plus tard (1895), à l’acquisition du groupe sculpté.
22Illustration de la désaffection officielle de la République pour le premier empereur de cette Europe universelle, une dernière avanie devait lui être réservée. Cette glorieuse évocation d’un passé largement révolu, dont on pouvait en outre critiquer le côté « pompier » comme les références historiques et archéologiques assez peu conformes à la réalité, failli être mise au rebut par le Conseil municipal de Paris qui, en 1973, venait d’achever les travaux de la crypte du parvis de Notre-Dame, où avaient été mis en valeur d’authentiques vestiges du Paris médiéval. Certains, à la Mairie de Paris comme au ministère de la Culture, voulurent remplacer Charlemagne par le « Pilier des Nautes », retrouvé au xviiie siècle et se souvenant de « Metz, la chaste maison des vieux Francs chevelus / Metz, où régna Clovis, où se dressa Lothaire… », comme la célébrait Victor Hugo en 1875, ne doutèrent pas un instant que la cité mosellane serait, sans aucun doute, heureuse de recevoir le désormais inopportun monument.
23Ainsi fut-il fait et tandis que « le Républicain Lorrain » sollicitait ses lecteurs pour savoir sur quelle place ou promenade publiques de la cité s’élèverait bientôt la statue, certains, à Paris, s’émouvaient de la disparition programmée d’un lieu de mémoire parisien. Dans le même temps, tandis qu’à Metz, après avoir manifesté leur plaisir d’accueillir « le Charlemagne », les édiles s’inquiétaient du coût du transport demeurant à charge de la ville, d’autant que l’œuvre ne devait être attribuée qu’à titre de dépôt ; à Paris, en septembre 1983, un descendant du statuaire intervenait auprès du maire en vue d’obtenir le maintient en place de l’œuvre de son ancêtre. Le petit neveu eut gain de cause et le 15 novembre 1983, le Directeur des Affaires culturelles de la Mairie de Paris informait, sans trop de circonlocutions, le Secrétaire général de la Ville de Metz que le transfert de la statue n’était plus envisagé.
24Faut-il regretter que le transfert à Metz n’ait pu se faire ? Le déboulonnage du parvis de Notre Dame pouvait se lire comme une quasi-relégation, était-il profitable pour Metz d’apparaitre comme le lieu d’exil de l’empereur déchu ; d’autant qu’historiquement, Charlemagne n’avait jamais été à Metz que l’affaire des clercs, qu’il s’agisse des chanoines de la cathédrale ou des bénédictins de l’abbaye Saint-Arnoul de Metz ?
25Abordons à présent, par ce biais, les traces qu’ont pu laisser les Carolingiens à Metz.
1. À l’abbaye Saint-Arnoul
26Dès la fin du viie siècle, tout au long du viiie et au début du ixe siècle encore, Metz si elle n’est plus fréquentée qu’occasionnellement par les souverains, est considérée comme la ville carolingienne par excellence. L’arrière-grand-père de Charlemagne, saint Arnoul, fut évêque de la cité ; ses reliques étaient vénérées dans l’église abbatiale des Saints-Apôtres qui, dès avant la fin du viie siècle, prend le nom de Saint-Arnoul. Située au sud de la cité, hors les murs, l’église succède à une basilique cémétériale établie, avant la fin du ve siècle, sur les marges d’une nécropole antique, le long de la voie romaine vers Toul. Un diplôme de Pépin d’Herstal, de 685 ou 691, rapporte qu’elle est desservie par des clercs à la tête desquels se trouve un abbé. Dès la fin du vie siècle, elle est la nécropole de la noblesse austrasienne qui gravite autour du roi. Le « petit Cartulaire » de Saint-Arnoul signale la découverte, en 1239, de vingt-deux sépultures d’adultes (et de quatre tombes d’enfants) dont « les vêtements de soie pourpre, les sandales, les gants, mais également les sceptres, les anneaux et les couronnes trouvées dans les tombes des hommes démontraient leur dignité et le pouvoir royal qui avait été le leur ». Cette indication doit être complétée par les mentions de sépulture de la parente du duc Gontran Boson (vers 587), de saint Arnoul lui-même (vers 641). Elle accueillera ensuite plusieurs fils et filles de Pépin de Herstal, comme de Pépin le Bref. Le nécrologe mentionne les noms de Drogon, de Pépin comte de Champagne (vers 708), de ses fils (Arnulf, Hugo, Gottfried), de sainte Glossinde (vers 750) et de son père le duc Wintrio. Les épitaphes de sœurs et de filles de Charlemagne, celle de la reine Hildegarde (783), de l’empereur Louis le Pieux (840) et de son frère l’archevêque-légat Drogon (855) qui furent inhumés ici, nous ont été conservées par leur auteur : le Lombard Paul Warnefried, dit le Diacre, qui ajoute que « les rois descendant du saint évêque y déposaient le corps de ceux qui leurs étaient chers ».
27La bibliothèque comme le trésor de Saint-Arnoul conservaient plusieurs importants témoignages du passé carolingien de l’abbaye, avec notamment, le nécrologe4, le « petit Cartulaire »5, ainsi que le célèbre tonaire6 lequel - recopiant, vers 878, plusieurs passages d’un recueil antérieur de près de cinquante ans - salue la venue à Metz et dans l’abbaye même, de Charlemagne (en 805-806) ou de Charles le Chauve (en 869 ou 876)7, ou encore des diplômes comme celui de la donation du domaine de Cheminot par laquelle Charlemagne fondait un luminaire perpétuel sur la tombe de la reine Hildegarde). Dès le ixe siècle, du vivant même de Charlemagne, les clercs de Saint-Arnoul, avaient patiemment forgé une savante généalogie pour rattacher les Carolingiens (famille non royale qui s’est emparée du pouvoir par un coup d’État en 751) aux Mérovingiens (famille royale descendant du mythique Mérovée), faisant d’Arnoul - et par conséquent de Charlemagne - un légitime descendant des Mérovingiens, eux-mêmes issus de ces Troyens qui, ayant fui la cité d’Asie Mineure en flammes, étaient aussi à l’origine de Rome.
28Dix-huit mois après la canonisation de Charlemagne (29 décembre 1165), Thierry de Bar, évêque de Metz, procédait le 4 juin 1167, à une solennelle translation des reliques de saint Arnoul. Sur les parois de la nouvelle chasse étaient évoqués les souverains de France et de Germanie. Cinquante-cinq bustes vêtus à l’antique évoquaient sur l’un des deux longs côtés, la suite des rois de France, de Priam à Charlemagne (17) et sur l’autre de Louis le Pieux à Louis VII, roi de France (15) ; tandis que symétriquement sur les deux petits côtés, figuraient, les rois et empereurs germaniques (soi-disant) issus du saint évêque, de Louis le Germanique à Otton III (17) et d’Henri II à Frédéric Barberousse (6), chacun étant identifié par une inscription courant sur les quatre faces. Par ailleurs certains objets du trésor évoquaient plus directement le grand empereur : ainsi en était-il du cor d’ivoire8, ou de la chape9, toute différente de celle conservée aujourd’hui au trésor de la cathédrale et très proche en fait du linceul de saint Germain d’Auxerre.
29L’abbaye renfermait probablement en ses murs une résidence royale que les souverains carolingiens préféraient au vieux palais situé près de la cathédrale. En 1531, l’abbé Pierre Michel faisait réparer les deux réfectoires (celui d’hiver et celui d’été) établis en la place « dite communément le palais de Charlemagne » ; celui-ci n’existait donc déjà plus à cette époque. Une résidence des souverains est cependant attestée à l’abbaye par quatre diplômes formellement datés de Saint-Arnoul (émanant de Lothaire, de Charles le chauve et de Charles le simple). Au xe siècle encore, la route qui conduisait de la porte Serpenoise à l’abbaye portait - selon un acte de l’évêque Adalbéron - le nom de « via regia », voie royale que le chanoine Bour met en relation avec la reine Brunehaut, mais qu’il est sans doute préférable d’associer avec une résidence royale dans l’enceinte de l’abbaye.
2. À la cathédrale Saint-Étienne
30À la cathédrale, outre les deux tours qui encadrent l’abside principale et qui dès le xve siècle portent le nom de « tours Charlemagne », mais qui n’ont rien à voir avec le personnage, plusieurs pièces du trésor de la cathédrale se rapportaient à la mémoire carolingienne : celle de saint Arnoul tout d’abord, dont on conservait l’anneau épiscopal. Selon une légende, rapportée à Paul Diacre par Charlemagne lui-même, il était le signe du pardon des péchés du saint fondateur de la nouvelle dynastie. Plusieurs pièces étaient présentées comme des dons de Charlemagne, entre autres « la belle pierre précieuse appelée ovunsche (sans doute erreur de graphie ou de lecture pour onynsche), attestée au xvie siècle par Philippe de Vigneulles et qui doit être identifiée, dans l’inventaire de 1567, avec « le hanap qu’on dit l’oniche » enchâssé dans une monture d’orfèvrerie. Une fort belle et riche double coupe d’agate et de cristal enchâssée d’or qui venait « comme on dit du feu roi et empereur Charlemagne », fut offerte en juin 1565 à Charles de Lorraine et à sa mère Christine de Danemark.
31De précieux manuscrits carolingiens aux riches couvertures d’ivoire, d’orfèvrerie et de pierres précieuses étaient, dans les grandes occasions, exposés comme quelques-unes des pièces les plus prestigieuses du trésor. En 1675, il fut vertement reproché aux chanoines messins d’avoir trop facilement cédé aux pressions de l’intendant de Morangis, instrumenté par Colbert, qui convoitait pour sa propre collection, la Bible de Saint-Martin de Tours, dite de Vivien, que Charles le Chauve avait offerte à la cathédrale lors de son couronnement en septembre 869 et d’avoir récidivé un peu plus tard avec le Psautier qui passait pour le livre d’heures de Charlemagne. Par contre, la chape « dite de Charlemagne » que l’on connait aujourd’hui apparait comme un enrichissement relativement récent du trésor. Cette belle soierie sicilienne de pourpre ornée d’aigles, réalisée dans les ateliers de Palerme fut longtemps présentée comme « d’origine byzantine ». Datable des environs de 1200, elle n’est identifiée parmi les vêtements liturgiques de la cathédrale qu’en janvier 1633, à l’occasion de l’usage qui en est fait lors de la procession de la Saint-Marc, mais n’est citée pour la première fois sous son nom actuel qu’en 1694, dans le Cérémonial. Il se pourrait, selon de récentes recherches, qu’il s’agisse ici du manteau royal porté par Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250) lors de son couronnement impérial à Aix-la-Chapelle le 25 juillet 1215. On sait que le chancelier impérial, Conrad de Scharfenberg, évêque à la fois de Metz et de Spire, gratifia sa cathédrale messine, peu avant sa mort en 1220, d’ornements d’une rare qualité (« exquisitis ornamentis »).
32Mentionnons pour finir certains aspects de la liturgie propre à la cathédrale messine : la canonisation de Charlemagne, dont la vie privée, assez peu édifiante, ne méritait sans doute pas une si grande reconnaissance, fut obtenue par l’empereur Frédéric Barberousse de l’antipape Pascal III (29 décembre 1165). Elle peut apparaitre comme un moyen pour l’empereur germanique de contrarier autant que faire se pouvait la récupération du grand empereur qu’opérait alors, au profit de sa lignée, le roi de France Philippe Auguste. Si la date anniversaire de sa mort, le 28 janvier, était l’occasion à l’abbaye Saint-Arnoul d’une commémoration10, rien de tel n’avait lieu à la cathédrale, l’empereur n’ayant droit ici qu’à une messe au jour anniversaire de son décès. C’était à cette occasion que la célébrissime statuette de bronze doré - aujourd’hui exposée au Musée du Louvre et déclarée « Trésor national »- représentant le souverain à cheval tenant le globe et l’épée était, durant trois jours entiers, exposée dans la cathédrale de Metz, sur un autel de marbre placé au pied des marches du sanctuaire et entourée d’un brillant luminaire11.
33C’est dans la cathédrale de Metz que Drogon présida en février 835 aux cérémonies du rétablissement de Louis le Pieux dans la dignité impériale et c’est dans cette même cathédrale que, le 8 septembre 869, Charles le Chauve avait été couronné roi de Lotharingie.
34Metz est aujourd’hui reconnu comme l’un des grands centres de la « Renaissance carolingienne ». La forte personnalité des évêques messins, tous proches du trône, rejaillit sur la ville au plan culturel, artistique et quelquefois politique. Originaire du pays de Liège, mais allié par sa mère aux Robertiens, comtes dans la région de Worms, Chrodegand fait carrière à la cour de Charles Martel, puis devient évêque de Metz en 741 ou 742. En 753, il est envoyé à Rome auprès du pape Étienne II et reçoit le pallium l’année suivante et prend la tête du mouvement réformateur de l’épiscopat franc faisant de Metz le centre du renouveau liturgique, il en réforme le clergé, élaborant à son intention entre 751 et 755 une Règle des chanoines, qui servira de fondement aux règles canoniales postérieures et introduit les usages romains concernant la liturgie.
35Angelram, son successeur, un de ses parents, fait depuis longtemps partie du haut clergé messin. Présent au concile de Compiègne le 18 mai 757, il figure parmi les signataires de la charte confirmant la fondation de l’abbaye de Gorze. En 784, lorsque meurt Fulrad, abbé de Saint-Denis et chapelain de la cour, titre qui recouvre la fonction de premier conseiller ou ministre du roi, l’évêque de Metz lui succède. Quand il meurt à la fin d’octobre 791, aux environs de Vienne, lors d’une campagne contre les Avars, Charlemagne ne désigne personne pour occuper le siège de Metz et pendant plus de 25 ans, jusqu’en 816, c’est depuis Aix qu’est administré le diocèse. On ne peut manquer de s’interroger sur les raisons de ce choix et sur les perspectives politiques qu’il pourrait recouvrir.
36Drogon (821-855) est le fils de Charlemagne et de sa concubine Regina. Il devint archevêque à titre personnel, archichapelain de son demi-frère Louis le Pieux, puis de son neveu Lothaire et vicaire du Saint-Siège en Gaule et en Germanie. Sous son épiscopat Metz est le lieu d’une prestigieuse production de manuscrits principalement liturgiques décorés d’enluminures d’une grande finesse, et couverts de somptueuses reliures d’ivoires.
37Historiquement, Charlemagne n’a jamais été à Metz que l’affaire des clercs, qu’il s’agisse des chanoines de la cathédrale ou des bénédictins de Saint-Arnoul de Metz. L’histoire laïque messine et particulièrement l’ample corpus des chroniques urbaines n’a guère conservé de références - pourtant attendues - à Charlemagne. Les histoires composées à Metz à la fin du Moyen Âge, sauf une seule, très tardive et très savante, écrite en 1524 par Antoine Esch, curé de Condé-Northen, ignorent complètement le personnage. La raison semble en être que les rédacteurs de ces chroniques, qu’ils soient patriciens ou bourgeois, ignoraient généralement le latin et n’avaient donc pas accès aux études des humanistes rhénans auteurs d’une abondante historiographie sur Charlemagne « empereur allemand ».
38Le seul Charlemagne qu’ils connaissaient était celui de la Chanson de Roland et de l’histoire réécrite dans l’entourage du roi de France. Il leur paraissait ainsi délicat - si ce n’est dangereux pour l’indépendance de la ville - de justifier a priori une intervention dans les affaires de la cité de la part de ces rois de France qui se posaient comme les héritiers et successeurs de l’empereur d’Occident.
39C’est très précisément dans ce contexte d’héritage carolingien que Charlemagne figurait au sommet de l’arc triomphal élevé à Metz en 1603, sur l’itinéraire du cortège royal conduisant Henri IV à la cathédrale, au terme d’un parcours à travers la cité. Le commentateur rapporte :
« … Le Roy, ayant mis pied à terre devant le portail de la grande église… leva les yeux pour voir la beauté de l’édifice…, mais ils furent retenus par… l’arc triomphal. Sur la corniche il y avait un cadre entre deux pilastres soutenant un plafond sur lequel était une statue représentant Charlemagne, souche de laquelle la très illustre maison de Bourbon déduit sa généalogie… ».
40À la même époque, mourut à Metz Gabrielle de Bourbon, fille naturelle d’Henri IV, légitimée de France et épouse du gouverneur de Metz. Elle avait demandé que son cœur fut inhumé sous les marches de l’autel dédié à saint Arnoul dans l’abbaye du même nom « en raison de la parenté qui l’unissait au saint patron ». Trois siècles plus tard, pendant l’Annexion, deux nouvelles représentations de Charlemagne apparaissent dans le paysage messin, la première, assez discrète, s’intègre dans la reconstruction du portail d’angle de la cathédrale, où elle répond à celle de saint Louis. Cette association dans le décor du portail messin est assez curieuse, car, si depuis Jeanne d’Arc les deux personnages sont considérés comme les piliers de la monarchie française, on voit mal que cette référence soit précisément mise en œuvre dans une opération archéologique conduite alors même que la cité était depuis 1871, annexée à l’Allemagne de Guillaume II. Une seconde figure de Charlemagne forme le sujet du vitrail monumental décorant les salons impériaux de la nouvelle gare de Metz que le souverain allemand avait voulu en 1904, dans un style « néo carolingien ». Le décor du bâtiment tout entier se veut un rappel très explicite des temps forts de l’histoire nationale allemande (des bas-reliefs représentant notamment la victoire d’Arminius sur les légions de Varus, le combat contre les Huns…). Au salon d’honneur, c’est selon les recherches les plus récentes, le Kaiser lui-même qui aurait prêté ses traits à la figure de Charlemagne en majesté. Évidemment placée ici dans une double référence au passé carolingien de la cité et à son appartenance, désormais, au nouveau Reich, dans une confusion voulue et entretenue du mythe et de l’histoire, du passé et du présent.
Bibliographie
Sources
Bibliothèques-Médiathèques de Metz (BMM) : ms 196 (perdu en 1944) ; Ms 351 ; ms 909, f° 138
Abbaye Saint-Maurice de Clervaux (Luxembourg) (ASMC) : ms 107
Bibliographie
BEUMANN 1965 :
BEUMANN (Helmut) - « Persönlichkeit und Geschichte », in : BRAUNFELS (Wolfgang) (dir.) - Karl der Große. Lebenswerk und Nachleben, vol. 1, Schwann, Düsseldorf, 1965, 857 p.
BISCHOFF 1965 :
BISCHOFF (Bernhard) - « Das geistige Leben » in : BRAUNFELS (Wolfgang) (dir.) - Karl der Große. Lebenswerk und Nachleben, vol. 2, Schwann, Düsseldorf 1965, 306 p.
BRAUNFELS, SCHNITZLER 1965 :
BRAUNFELS (Wolfgang), SCHNITZLER (Hermann) - « Karolingische Kunst », in : BRAUNFELS (Wolfgang) (dir.) - Karl der Große. Lebenswerk und Nachleben, vol. 3, Schwann, Düsseldorf 1965, 590 p.
BRAUNFELS, SCHRAMM 1967 :
BRAUNFELS (Wolfgang), SCHRAMM (Percy Ernst) - « Das Nachleben », in : BRAUNFELS (Wolfgang) (dir.) - Karl der Große. Lebenswerk und Nachleben, vol. 4, Schwann, Düsseldorf, 1967, 484 p.
GAILLARD 2006 :
GAILLARD (Michèle) - Le souvenir des Carolingiens à Metz au Moyen Âge : le petit Cartulaire de Saint-Arnoul, Publications de la Sorbonne, Paris, Textes et documents d’histoire médiévale (6), 2006, 253 p.
MUSÉE DE LA COUR D’OR 2000 :
Musée de La Cour d’Or - Le chemin des reliques : témoignages précieux et ordinaires de la vie religieuse à Metz au Moyen âge, Serpenoise, Metz, 2000, 192 p.
ODERMATT 1987 :
ODERMATT (Alois) (éd.) - Der Liber oridnarius der Arbtei St. Arnulf vor Metz (Metz, Stadtbibliothek, Ms. 132, um 1240), Universitätverlag, Freiburg, 1987, 425 p.
TABOUILLOT, FRANÇOIS 1974 :
TABOUILLOT (Nicolas), François (Jean) - Histoire de Metz, t. I, Palais royal, Paris, 1974, 657 p.
Notes de bas de page
1 Beumann 1965 ; Bischoff 1965 ; Braunfels et Schnitzler 1965 ; Braunfels et Schramm 1967.
2 Descendant de Louis IV dit d’Outremer (roi de Francie occidentale de 936 à 954) seul fils de Charles III dit le simple ; Lothaire, roi de 954 à 986 était mort l’année précédente (986) ; Louis V, son fils (roi en 986-987) ne lui ayant survécu que quelques mois, des quatre frères de Lothaire : Charles était mort en 946 à l’âge de 8 ans, Louis avant 954 âgé d’à peine 6 ans, des jumeaux Henri et Charles, le premier était mort peu après sa naissance en 953, si l’on excepte Eudes (Otton) fils de Lothaire, qui mourra chanoine de Reims en 985, le seul descendant légitime de Charles le Chauve était donc Charles, duc de Basse Lotharingie depuis 977.
3 Isabelle fille de Baudouin V de Hainaut et de Marguerite de Flandre ou d’Alsace, descend par son père comme par sa mère de Charles le Chauve. La filiation est plus directe en lignée paternelle (11 générations) puisque les comtes de Flandre sont issus de l’union de Baudouin Ier et de Judith (vers 843-870), fille de Charles le Chauve, qu’il avait enlevé - avec son consentement et semble-t-il l’aide du frère de celle-ci, le futur Louis-le-Bègue - alors qu’âgée d’à peine 20 ans, elle était déjà veuve successivement d’Æthelwulf de Wessex, roi de 856 à 858, puis du fils de celui-ci : Æthelbald (roi de 858 à 860).
4 BMM, ms 196, perdu depuis 1944, mais connu par une copie du chanoine Bour du début du XXe s.
5 Original du xiiie s., aujourd’hui conservé à l’abbaye Saint-Maurice de Clervaux au Grand-duché de Luxembourg (ms 107). Publié et analysé Gaillard 2006.
6 BMM, ms 351.
7 Charles le Chauve avait été couronné empereur à Rome le 25 décembre 875. Quand Louis le Germanique mourut à Francfort le 28 août 876, Charles en profita pour envahir la Lotharingie, parvenu jusqu’au Rhin, il s’y heurta aux fils de Louis qui lui infligent une sévère défaite à Andernach près de Coblence, le 8 octobre 876.
8 Le Christ tenant la croix de la main gauche est assis dans une gloire entourée de quatre chérubins ; au registre inférieur, sont représentés d’un côté la Vierge et sur l’autre face, seize médaillons avec les bustes à mi-corps des quatre évangélistes et des douze apôtres ; des rinceaux, où des chasseurs poursuivent des oiseaux et des animaux fantastiques encadrent le tout. L’objet figurait dès avant 1834, dans la collection d’Antoine Paguet, un Messin amateur d’antiquités, après avoir été, avant la Révolution, suspendu comme ex-voto près du tombeau de Louis le Débonnaire. Mis en vente, en février 1867, par les héritiers du collectionneur messin, il est aujourd’hui au Musée de Cluny (CI.13065) et fut présenté à Metz en 2000, à l’occasion de l’exposition « Le Chemin des reliques ».
9 Longuement décrite par dom Sébastien Dieudonné (BMM, ms 909, f° 138), la chape était de satin blanc et brodé en cordonnet d’or de six aigles impériales tenant en leur bec un anneau. La doublure de soie pourpre était parsemée d’aigles brodés d’or. Le prestigieux vêtement fut jusqu’à la fin du XVIIe siècle associé à la perception du droit dit « de Charlemagne » que l’abbaye prélevait sur les bouchers de la ville (Tabouillot et François 1974, I, p. 527). Pour plus de détails, voir Musée de La Cour d’Or 2000.
10 Le cérémonial de Saint-Arnoul (édité dans Odermatt 1987) mis à jour vers 1240, renseigne sur la manière dont on célébrait à l’abbaye la translation de saint Arnoul, centrée sur la liturgie de l’anneau conservé à la cathédrale ainsi que la fête de Charlemagne, pour lequel le cérémonial ajoute pour la sainte Agnès (28 janvier), « in die natali beati Karoli Magni imperatoris ». Un additif au manuscrit apporte in fine un texte pour l’office du jour.
11 Cette statuette ne doit pas être confondue avec celle qui, destinée à être portée en procession, mettait en œuvre environ 4,2 kg d’argent et fut commandée par le chapitre de la cathédrale en novembre 1507, à un orfèvre de la ville ; elle disparut à la Révolution. La statue du Louvre résulte de l’assemblage au ixe siècle d’un cheval de la fin de la période antique et d’un cavalier du haut moyen âge. La tête de celui-ci ressemble fortement à celle qui figure sur le denier de Charlemagne frappé à Mayence vers 812, mais également au portrait de son petit-fils, Charles le Chauve, tel qu’il est représenté dans la Bible de Vivien (avant 869).
Auteur
-
Pierre-Edouard Wagner
Conservateur en chef du Patrimoine honoraire (Médiathèque Verlaine Metz)
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