Les monnaies des comtes de Vaudémont
p. 107-113
Texte intégral
1La monnaie est un symbole de la souveraineté d’un état. Battre monnaie en y inscrivant son nom et son titre prouve la puissance d’une entité territoriale car seuls de puissants ducs, comtes ou évêques ont pu acquérir ce droit qui est à l’origine régalien. C’est donc une multitude de types monétaires issus de seigneurs laïcs qui coexistent dans de grands ensembles territoriaux. Selon la puissance et l’influence d’un seigneur laïc, sa monnaie circule sur un territoire plus ou moins grand.
2Les comtes de Vaudémont, qui sont issus d’une branche cadette de la maison ducale de Lorraine, frappent monnaie de 1246 à 1457. On peut distinguer cinq étapes dans la frappe monétaire de ces princes : les frappes des comtes Henri Ier et Henri II, celles de Gaucher de Châtillon lors de sa régence, les monnaies comtales d’Henri III, celles de Jean de Bourgogne en sa qualité de régent, et pour finir les espèces du comte Antoine, le dernier a avoir battu monnaie.
Les monnaies des comtes Henri Ier et Henri II
3Les frappes de deniers, en argent, des comtes Henri Ier (1246-1279) et Henri II (1279-1299) se calquent sur le denier du duc de Lorraine Ferry III frappé à Sierck-lès-Bains. L’avers, durant les deux règnes successifs, est anépigraphe et représente « un cavalier levant son épée et galopant vers la droite ».
Sous Henri IER
Denier (fig. 1)

4A/ anépigraphe.
« Cavalier levant son épée et galopant vers la droite ».
5R/ xHENRIC : COM : dans un grènetis.
« Croix pattée ».
Sous Henri II
Denier (fig. 2)

6A/ anépigraphe.
« Cavalier levant son épée et galopant vers la droite ».
7R/ HNRICVS : COV dans un grènetis. COV pour Comes Vademontis
« Croix pattée ».
8Un exemplaire différent, pesant 0,630g, est conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la référence B1079.
Denier (fig. 3)

9A/ anépigraphe.
« Cavalier levant son épée et galopant vers la droite ».
10R/ HENRICVS’. CO
« Croix pattée ».
11Ce denier est comparable à l’exemplaire n° 8 publié par Jules Hermerel. Le bouclier du cavalier porte le burelé de Vaudémont.
Arthur Engel et Raymond Serrure signalent un exemplaire avec une légende de revers différente.
Denier (fig. 4)

12A/ anépigraphe.
« Cavalier levant son épée et galopant vers la droite ».
13R/ HENRIC : COM : V dans un grènetis.
« Croix pattée ».
14Ce denier n’ayant pas été retrouvé, cette variété est donnée à titre d’information et devra être confirmée.
15On remarque que, contrairement à Ferry III qui ne met ni son nom ni son titre sur ses monnaies (sauf rares exceptions), les comtes de Vaudémont n’hésitent à les inscrire sur le revers de leurs monnaies (CO et COM sont des abréviations de comes), à l’endroit où les ducs de Lorraine mettent le nom du lieu de la frappe.
16Les comtes de Vaudémont frappent ces trois types de deniers à Vaudémont même.
Les monnaies de gaucher de Châtillon
17Gaucher de Châtillon ne fut pas un comte de Vaudémont ; cependant il frappa des monnaies du comté de Vaudémont en tant que régent, du fait de la minorité du comte Henri III. Henri III est le fils du comte Henri II et d’Élisende de Vergy. La comtesse, veuve en 1299, épousa en 1301 Gaucher de Châtillon, comte de Porcien.
18On connaît trois types de monnaies de Gaucher de Châtillon :
Un denier signalé par Jules Hermerel et un exemplaire retrouvé dans la collection personnelle de Monnier.
Un denier signalé par Jules Hermerel, non retrouvé à ce jour.
Un quart de gros dit « spadin » qui se trouve au musée départemental des Vosges (Épinal) et signalé par Jules Hermerel.
Denier (fig. 5)

Denier. Argent. Poids inconnu.
19A/ G|A|L|CH dans un grènetis (les jambes et les bras coupent la légende en plusieurs endroits).
20La description est celle du denier de Ferry III que Gaucher a imité. « Le comte en pied se couvrant de son écu et levant son épée ».
21R/ VED|EM-M dans un grènetis.
« Épée en pal coupant la légende ».
Denier (fig. 6)

Denier. Argent. Poids inconnu.
22A/ G|A|V|CH dans un grènetis (les jambes et les bras coupent la légende en plusieurs endroits).
« Le comte en pied se couvrant de son écu et levant son épée ».
23R/ WED|EM-M dans un grènetis.
« Épée en pal coupant la légende ».
Quart de gros (fig. 7)

Quart de gros ou spadin. Argent. 0,92 g.
24A/ +G|DE|CHAST|[IL]LON entre deux grènetis.
25La description est celle du spadin de Ferry III que Gaucher a imité. « Cavalier, galopant vers la droite, armé d’une lance à banderole et se couvrant de son écu ».
26R/ MONETA W|ADEMOTIS entre deux grènetis.
27« Épée en pal, coupant la légende. De chaque côté de l’épée, un oiseau attaché à la lame ».
Les monnaies comtales d’Henri III (1299-1339)
28Henri III a frappé quelques rares monnaies à Châtel-sur-Moselle. Ses prédécesseurs frappaient à Vaudémont même mais, selon Dominique Flon, le comte aurait été obligé, pour éponger ses dettes, de céder les revenus de l’atelier de Vaudémont à Thiébaut II duc de Lorraine (1303-1312).
Denier (fig. 8)

Denier. Argent. 0,36g. Monnaie conservée au Musée départemental des Vosges et décrite par Jules Hermerel.
29A/ H|C|V|X dans un grènetis (les jambes et les bras coupent la légende en plusieurs endroits). HCV est l’abréviation de Henricus Comes Vademontis, le X semble être le reste de la légende du mot DVX des monnaies de Thiébaut II (explication fournie par Jules Chautard).
« Le comte en pied se couvrant de son écu et levant son épée ».
30R/ MON|CAI dans un grènetis. MON CAI est utilisé pour MONETA CASTRI ou CASTELLI.
« Épée en pal coupant la légende ».
31Le comte a émis des deniers avec des variantes. Parfois le « x » est absent (fig. 9), parfois l’écu est armorié (fig. 10) sur l’avers.
Obole (fig. 9)

Obole. Argent. 0,16 g. Monnaie décrite par Charles Laprevote et Jules Chautard.
32A/ H|C|V| dans un grènetis (les jambes et les bras coupent la légende en plusieurs endroits).
« Le comte en pied se couvrant de son écu et levant son épée ».
33R/ MON|CAI dans un grènetis.
« Épée en pal coupant la légende ».
Obole (fig. 10)

Variété d’avers avec légende et H.|C|V|X(?).
Les monnaies de jean de Bourgogne
34On ne connaît, à l’heure actuelle, aucune monnaie des comtes Henri IV (1339-1346) et Henri V (1347-1367), ni même de Marie de Luxembourg-Ligny qui administra le comté entre 1367 et 1368. Jean de Bourgogne, sire de Montaigu, est le second mari de Marguerite de Vaudémont (dame de Joinville) héritière du comte Henri V. Jean de Bourgogne exerça le gouvernement du comté de 1368 à sa mort en 1373. Durant ce laps de temps, il ne put frapper, apparemment, qu’un seul type de monnaie qui serait une copie d’un quart de gros (?) du duc de Lorraine Jean Ier qui règna de 1346 à 1390 (selon Jules Chautard et Dominique Flon).
Denier (fig. 11)

Denier. Argent. 0,28 g. Décrite par Gabriel Rolin, par Jules Laurent et par Jules Chautard.
35A/ IOHAN|DE BORG’ dans un grènetis.
« Aigle éployée coupant la légende ».
36R/ MON : DE+VADMONT’ entre grènetis.
« Lettre I accostée de deux roses ».
37En 1373, à la mort de Jean de Bourgogne, Marguerite de Vaudémont règna seule sur le comté de 1373 à 1374. En 1374, elle épousa Pierre de Genève qui administra le duché de 1374 à 1392. Marguerite de Vaudémont gouverna de nouveau le comté, seule, de 1392 à 1393. En 1393, elle se maria à Ferry de Lorraine qui administa le duché de 1393 à 1415.
38Pour période allant de 1373 à 1415, il n’y a, à l’heure actuelle, aucune monnaie retrouvée ni même décrite par les différents chercheurs qui se sont penchés sur les monnaies du comté de Vaudémont.
Les monnaies du comte Antoine (1415-1457)
39Le comte Antoine adopta, pour atelier monétaire, la ville de Vézelise. Il semble être le premier comte a avoir frappé d’autres espèces que le denier et l’obole : gros, demi-gros.
Gros (fig. 12)

Gros. Argent. Poids des espèces retrouvées ou décrites variant entre 1,84 et 2,07g. Monnaie décrite par Jules Hermerel et un exemplaire provenant de la vente du Crédit de la Bourse (12 juin 1997).
40A/ ANTHONIVS| |DE+LOTH’Z C entre deux grènetis.
41Les pieds du comte coupent la légende.
42« Le comte debout, coiffé d’un chapel de roses, vêtu d’une cotte d’armes portant la bande aux trois alérions et tenant son épée sur l’épaule ».
43R/ MONETA+NOVA+FCA+VESEL’ entre deux grènetis.
« Croix pattée cantonnée d’un alérion aux premier et troisième cantons et d’un A aux deuxième et quatrième cantons ».
44Cette monnaie s’inspire de deux types de gros du duc de Lorraine Charles II (1390-1431). L’avers s’inspire des gros de Charles émis entre 1420 et 1424, tandis que le revers s’inspire de ceux émis entre 1390 et 1420.
Demi-gros (fig. 13)

Demi-gros. Argent. Poids des espèces retrouvées ou décrites variant entre 1,36 et 1,43 g. Monnaie décrite par Jules Hermerel et un exemplaire appartenant au Musée départemental des Vosges.
45A/ ANTHONIVS+DE+LOTHO’ Z C entre deux grènetis.
« Pal chargé de trois alérions, inscrit dans un quadrilobe ».
46R/ MONETA+NOVA|+FCA+VESELI’ entre deux grènetis.
« Épée en pal, coupant la légende, accostée d’un A et d’un alérion ».
47Cette monnaie a été copiée sur un quart de gros du duc de Lorraine Jean Ier (1346-1390) frappé après 13721.
Demi-gros (fig. 14)

Demi-gros. Argent. Poids des espèces décrites variant entre 1,27 et 1,49 g. Monnaie non retrouvée mais décrite par François-Dominique Mory d’Elvange.
48A/ ANTHONIVS.V.C.D.LOTHO.Z.M entre deux grènetis.
49Traduction : ANTHONIVS VADEMONTIS COMES DVX LOTHORINGIAE
50Z MARCHIO (Antoine comte de Vaudémont, duc de Lorraine et marquis).
« Épée en pal accostée de deux alérions ».
51R/ MONETA. NOVA. FACT. VESELI’ entre deux grènetis.
« Pal chargé de trois alérions, inscrit dans un quadrilobe ».
52Ce demi-gros est le plus bel exemple de l’imitation du quart de gros de Jean Ier car le type de celui-ci est repris intégralement, il y a juste une inversion des types de l’avers et du revers sur la « copie » par rapport à la monnaie de Jean Ier.
Quart de gros (fig. 15)

Quart de gros. Argent. Poids des espèces retrouvées ou décrites variant entre 0,96 et 1,20 g.
Monnaie décrite par Jules Hermerel et un exemplaire appartenant au Musée départemental des Vosges.
53A/ ANTHONIVS. D|E.LOTHO’ Z M’ entre deux grènetis.
« Épée en pal, coupant la légende, accostée d’un A et d’un alérion ».
54R/ MONETA. NOVA. FCA’ VESELI’ entre deux grènetis.
« Pal chargé de trois alérions, inscrit dans un quadrilobe ».
55Même remarque que pour les gros précédents, cette monnaie s’inspire du quart de gros de Jean Ier (avers et revers inversés par rapport à la monnaie de Jean Ier).
Demi-gros (fig. 16)

Denier. Argent. 0,46 g. Monnaie non retrouvée mais décrite par Jules Hermerel.
56A/ ANTHONIVS+D+LO+Z+C entre deux grènetis.
« Pal chargé de trois alérions. »
57R/ MONETA|VESELIS’ entre deux grènetis.
« Épée en pal, coupant la légende, accostée d’un A et d’un alérion ».
58Le comte Antoine fut jamais duc même au prix d’un conflit avec René Ier, duc de Lorraine.
59Antoine et Marie d’Harcourt donnèrent naissance à Ferry de Lorraine qui devint comte de Vaudémont (pas de traces monétaires à ce jour). Il épousa Yolande d’Anjou fille du duc René Ier. Ferry de Lorraine et Yolande d’Anjou donnèrent naissance à René II qui fut duc de Lorraine, de Bar (…) ainsi que comte de Vaudémont. Plus aucune monnaie ne sera frappée à Vaudémont puisque René II possèdait déjà d’autres ateliers monétaires dont celui de Nancy.
Conclusion
60Comme de nombreux seigneurs, les comtes ou régents de Vaudémont ont frappé des monnaies, dites féodales, sur un laps de temps assez conséquent de deux siècles. Cependant il faut noter que les types monétaires de Vaudémont se calquent sur les monnaies du duché de Lorraine. Pour Jean Chautard, les ducs de Lorraine ont autorisé la frappe de monnaies, dans le comté de Vaudémont, à la condition que les comtes frappent « au type et au titre de la maison ducale ». Pourtant, le comté était un fief du comté de Bar depuis les années 1200 mais cette vassalité ne semble avoir eu aucune influence sur le monnayage de Vaudémont. Ceci prouve que le comté de Vaudémont n’était pas assez puissant pour s’affranchir de règles monétaires qui lui étaient imposées par un seigneur plus puissant. Il y a peut-être aussi la volonté d’affirmer leur parenté avec le duc de Lorraine. En d’autres termes, la monnaie de Vaudémont prouve que les comtes de Vaudémont ne peuvent prendre de grandes décisions politiques et économiques sans se référer aux décisions des ducs de Lorraine. Les monnaies des comtes de Vaudémont, qui sont des seigneurs peu puissants, circulent quasi exclusivement dans le comté.
Bibliographie
Bibliographie
Jules Chautard, « Imitations de monnaies lorraines et des provinces limitrophes », Mémoires de la société d’archéologie lorraine, 1872, p. 179-258 et 1873, p. 152-239.
Arthur Engel et Raymond Serrure, Traité de numismatique du Moyen Âge, t. 2, p. 560, Bologne, réimpression, 1964.
Dominique Flon, Histoire monétaire de la Lorraine et des Trois-évêchés, Nancy, 2002, p. 437-439.
Jules Hermerel, « Les monnaies des comtes de Vaudémont », Mémoires de la société d’archéologie lorraine, 1893, p. 113-216.
Charles Laprevote, « Lettre sur trois monnaies lorraines inédites, adressée à MM. Les membres de la société d’archéologie », Journal de la société d’archéologie, 1856, p. 22-26.
Jules Laurent, « Monnaies lorraines », Revue de la numismatique française, 1867, p. 27-40.
Auguste Monnier, « Mémoires sur les monnaies des ducs bénéficiaires de Lorraine », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1861, p. 85-122.
François Dominique de Mory d’Elvange, Recueil pour servir à l’histoire métallique de la Lorraine, BM Nancy, Fonds lorrain, 1820 (a-c).
Georges Poull, La Maison ducale de Lorraine, Nancy, 1991.
Gabriel Rolin, « Description de monnaies du xive siècle découvertes à Buissoncourt (Meurthe) », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1845, p. 1-8.
Félicien de Saulcy, Recherches sur les monnaies des ducs héréditaires de Lorraine, Metz, 1841, pl. X, n° 5 à 8.
Notes de bas de page
1 Le comte Antoine est le petit-fils du duc de Lorraine Jean Ier. Le comte Antoine a voulu se faire reconnaître duc de Lorraine à la mort du duc Charles II, le 25 janvier 1431, et il ne renoncera officiellement au duché que le 27 mars 1441. Les monnaies du duc Antoine peuvent donc contenir, dans leur légende, le titre ducal ; de plus les monnaies imitant le quart de gros de Jean Ier semblent être la preuve de cette volonté d’être reconnu duc de Lorraine : Antoine imite les monnaies de son grand-père pour « prouver » ses liens familiaux avec le duché de Lorraine et s’inscrire dans une idée de « continuité dynastique »
Auteur
-
Étienne Dostert
Journaliste à Numismatique et change
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