Les villes neuves du comté de Vaudémont
Urbanisme dirigé et planification agraire
p. 53-76
Texte intégral
1Lorsqu’en 1882, Charles Guyot aborde, presque en pionnier, la question des villes neuves en Lorraine, il conclut déjà qu’elles n’eurent guère d’influence sur la structuration générale du peuplement « qu’elles n’ont été qu’un accident, une exception, dans la constitution de nos classes rurales ou urbaines»1. Certes, et il faut bien le reconnaître, si l’on se réfère à l’onomastique et à la mention des communautés rurales dans les archives, on observe qu’à la fin du xiie siècle, peut-être avant, 80 % au moins des agglomérations sont fixées, puisant leur origine, ici, dans une villa rustica gallo-romaine, là, dans une curtis du haut Moyen Âge.
2Le mouvement de fondation de « villeneuves »2, dont on ne peut nier l’ampleur du phénomène dans toute l’Europe occidentale, résulte, dès le xie siècle, du double effet de la croissance économique et de la pression démographique, sans doute aussi, dans ce contexte favorable, de la volonté des princes de garantir leurs revenus sans que cela ne nuise à leur autorité sur le plat-pays. C’est du moins ce que suggère Robert Fossier considérant que les libertés concédées à des communautés rurales résultent d’une « évolution lente, négociée, relevant du cadre seigneurial, sans rupture avec le statut antérieur, qui se maintient à l’intérieur de la société de tradition »3. Quoi qu’il en soit, ce mouvement se manifeste au travers d’opérations juridiques consignées dans des chartes accordées « à l’ensemble des sujets d’une seigneurie pour régler les relations du seigneur et de la communauté et garantir à celle-ci et à ses membres des droits bien définis »4. En pratique les populations chargées de conquérir de nouveaux espaces de production et d’échanges5 s’organisent le plus souvent en de nouvelles communautés d’habitants. En France, la recherche de nouvelles terres peut être illustrée, au xiie siècle, par l’explosion des villages de colonisation dans les campagnes parisiennes6 ; celle de nouveaux marchés, par la généralisation, dès le xiiie siècle, des bastides dans tout le Sud-Ouest7.
Figure 1 : Carte des villes neuves du comté de Vaudémont.

3En Lorraine, plus exactement dans la région qui constitue l’espace lorrain actuel, le mouvement de fondation de villes neuves n’induit pas systématiquement, loin s’en faut, la création d’une agglomération nouvelle. Pire, si l’on en juge par l’examen des quelque 300 chartes de libertés délivrées entre 1200 et 1350, ce phénomène, qu’on observe pour Pont-à-Mousson, Lachaussée8 et tous les autres cas révélés par l’onomastique (les Villefranche, Laneuville, ou autres Laneuveville) demeurent minoritaires. En revanche, la création de nouveaux quartiers, tels ceux du Pré l’Evêque à Verdun, de la Halle à Saint-Mihiel ou du lotissement de Commercy situé entre le château haut et le château bas9, paraît bien plus fréquente.
4Parmi les auteurs lorrains de chartes d’affranchissement les comtes de Vaudémont ne sont pas réellement de ceux qui en assurèrent la promotion. Ils se trouvent, en raison sans doute de la taille du territoire qu’ils contrôlent, bien loin derrière les comtes de Bar (65) qui furent les principaux pourvoyeurs de la charte de Beaumont ; mais ils restent bien en deçà de l’attitude des sires d’Apremont-Dun (28), dont le territoire est à peu près d’égale importance. Ainsi, avec huit chartes de franchises, les comtes de Vaudémont, ne font pas moins que les sires de Commercy qui gèrent, au demeurant, une plus petite seigneurie. Ils comptent, néanmoins, parmi les précurseurs, s’inscrivant ainsi dans la logique des comtes de Bar dont ils sont depuis peu devenus les vassaux. En 1211, Hugues de Vaudémont accordait en effet des libertés à la communauté rurale de Damas-aux-Bois, dans la châtellenie de Châtel-sur-Moselle, entre Charmes et Rambervillers ; la seconde, de 1213, concerne Conflans sur la Moselle, qui deviendra Pont-Saint-Vincent ; la troisième et dernière de ce siècle fonde, en 1242, la ville neuve de Saulxerotte, dans la forêt de Haye. Les quatre suivantes datent du xive siècle ; elles intéressent le village de Dolcourt (1337), à quelques kilomètres au nord de la localité précédente, et les villes les plus importantes du comté : Châtel et Vézelise (1317), puis Vaudémont (1369). La dernière, enfin, est délivrée en 1443, en pariage avec le chapitre de la cathédrale de Toul, aux habitants de Bagneux, petite agglomération rurale située entre Colombey et Toul, mais hors des frontières du comté.
5À bien y regarder, le choix des localités affranchies n’est pas neutre et, si tant est que l’on admette une politique comtale cohérente sur la longue durée, l’on conviendra qu’il participe de la constitution des territoires et de la défense des hommes et des biens. Les bastides créées par les rois de France et d’Angleterre aux frontières de leurs domaines respectifs aussi bien que les villes neuves des Zähringen, entre la Forêt Noire et la Suisse actuelle, sur un territoire dont l’enjeu était le franchissement des Alpes10, relèvent de cette démarche que l’on pressent aussi dans le Nord de la France11 et dans certaines principautés lotharingiennes comme les comtés de Chiny et de Bar12. Deux cas se présentent.
6Le premier est révélé par la carte de répartition qui montre, effet ou non du hasard, que quatre des sept communautés affranchies, relevant directement du comté sont situées à sa périphérie. Deux comptent parmi les plus anciennes. Tête de pont du comté au contact de l’évêché de Toul et du duché de Lorraine, et chef-lieu d’un ban comprenant Chaligny, Chavigny et Messein, Conflans (plus tard Pont-Saint-Vincent), reçoit en 1213, une charte de franchises qui sans aucun doute permet de mieux contrôler le noeud routier aux abords du pont de Saint-Vincent franchissant la Moselle. Elle prévoit que la moitié des amendes et confiscations perçues par le comte sera employée à la défense de la ville, voire à la construction de l’enceinte urbaine adaptée à l’artillerie, au xve siècle13 ; l’autre moitié incombe aux bourgeois également tenus au service de chevauchée14. Certes, si l’on s’en tient au texte initial de la charte de franchises les habitants de la neuve ville de Saulxerotte fondée, on y reviendra, sur un territoire probablement détaché de la paroisse de Favières, ne semblent pas soumis à ce service militaire. Tout au plus, ainsi qu’ils le font dans le courant du xvie siècle15, doivent-ils, comme les bourgeois de la ville neuve voisine de Dolcourt16, assurer « par bruit de guerre » la garde de Vaudémont.
7Si ces quelques chartes de franchises relèvent d’une probable volonté de marquer les frontières occidentales du comté, à un moment d’ailleurs où ses princes tentent de trouver leur place dans l’échiquier politique régional, d’autres plus tardives, s’inscrivent dans un contexte de renforcement de leur politique défensive. Ainsi, en 1317, Henri III accorde à Châtel et Vézelise, une charte jumelle qui contraint les nouveaux bourgeois à financer, selon leurs moyens respectifs, la construction des fortifications qui les protègent, à s’armer à leurs frais et à assurer les services de guet, de garde, ost et chevauchée17. Quelques cinquante années plus tard, en 1369, dans un climat d’insécurité relatif à la guerre de Cent Ans, la jeune comtesse de Vaudémont, Marguerite de Joinville et son premier mari, Jean de Bourgogne, affranchissent à leur tour les habitants du bourg éponyme et tous ceux qui viendront y habiter. En contrepartie ceux-ci doivent verser une redevance proportionnelle à la valeur de leurs biens pour l’entretien de l’enceinte du faubourg du Plain18.
8La fondation conjointe, par le comte de Vaudémont et le duc de Lorraine, de la ville neuve de Damas-aux-Bois, en 1211, au cœur de la châtellenie de Châtel, semble échapper à cette logique qui fait des chartes de franchises, pour reprendre le mot d’Hubert Collin, « de véritables machines de guerre ». On notera toutefois que les bourgeois doivent l’aide à l’un et à l’autre de ces princes, sauf en cas de discorde entre eux où ils « ne seront tenus d’une quelconque aide »19. Les habitants de Bagneux, ne sont, en revanche, soumis à aucune forme de service militaire20. La charte de 1443, est pourtant octroyée dans une période où les relations entre Antoine de Vaudémont et René Ier d’Anjou sont pour le moins belliqueuses ; elle résulte d’un accompagnement du chapitre cathédral de Toul par lequel le comte s’engage à garder « à toujoursmais bonnement et loyalment toutes les personnes de ladite ville de Bagneulx ban et finagez d’icelle, leurs bestes et autres biens qui sont et seront, comme noz hommes de corps et autres dudit comté et pays »21 ; il reçoit, en échange, la moitié des amendes et redevances perçues sur les habitants. Cette association n’est pas sans rappeler celle unissant, deux siècles auparavant, le comte Hugues et l’abbaye de Saint-Mansuy à propos de Saulxerotte. Elles témoignent de la volonté des Vaudémont, en s’appuyant sur des biens d’église, de conforter leur emprise territoriale. Cette préoccupation, légitime dans le contexte politique lorrain composé d’une mosaïque de seigneuries enchevêtrées, ne doit pas cacher les contreparties fiscales, sociales et économiques22 accordées aux communautés affranchies et expressément inspirées, pour quatre d’entre elles (Conflans/Pont-Saint-Vincent, Saulxerotte, Dolcourt et Damas23), de la loi de Beaumont. Sans doute est-ce d’ailleurs là la raison essentielle du laconisme de certaines des chartes qui apparaissent, notamment lorsqu’il y a pariage, plutôt comme un contrat entre deux seigneurs. Les unes renseignent sur les modalités de nomination du maire et des jurés, d’autres abolissent la taille et instaurent les droits de bourgeoisie, certaines encore informent sur des spécificités propres à l’une ou à l’autre de ces villes franches. On découvre ainsi que l’abbaye de Saint-Mansuy se réserve, à Saulxerotte, un terrain « pour édifier une maison, une grainge et le meix derrier, avec deux faulciés de près » et tous les droits et revenus afférents à l’église, patronage, dîmes grosses et menues, offrandes et aumônes « et tout cen que pour raison de l’église se puet panre et havoir en l’espirituel » ; que « li hommes (de Châtel et Vézelise) aient leur usuaire pour leurs nécessitez en tous noz boix et tel droit en la rivière, comme ils avoient devant » ; ou encore que la charte de Vaudémont, parmi les dernières accordées, n’a pour seul objectif que d’enrayer le dépeuplement, engendré par les guerres, de la ville forte « assis en si haulte montagne, que à tres grand peine ils (les habitants) pouvoient mener et charroier leurs vuivres ou autres leurs necessitez les habitans de la ville de Vaudemont, avoient souffertes et soubstenues pour le faict des guerres dont il estoit tres grand necessitei et besoing » ; dans cette perspective et à condition que les héritiers s’installent dans le bourg et contribuent à la consolidation des fortifications, le comte abandonne son droit de mainmorte.
9De toutes ces chartes celle de Conflans apparaît indéniablement comme la plus aboutie. Outre les renseignements évoqués ci-dessus, et l’obligation des bourgeois de participer à la fortification de leur ville, elle renseigne sur le montant, en numéraire ou en nature, des taxes foncières sur les maisons et jardins, les prés, les terres labourées et celles récemment défrichées ; elle fixe les amendes encourues par les bourgeois et forains pour nuisance à l’ordre public ; elle impose une mesure étalon pour le blé, la surface à cultiver par bourgeois pour un muid de blé, l’usage des four et moulin banaux et le prix à payer ; elle stipule encore les conditions de vente d’un héritage, concède aux habitants l’exonération du tonlieu de sorte que « qui vouldrez toutes choses quelconques achepter ou vendre (puisse le faire) franchement et quietement sans gaing » et suggère la présence d’un marché. Tout semble donc mis en œuvre pour que cette entreprise de peuplement réponde aux trois impératifs, politique, commercial et agricole.
10Mais ici comme pour les autres agglomérations affranchies, qu’elles soient plutôt urbaines, dès lors qu’elles disposent suffisamment de critères de centralité24, telle Châtel, Vaudémont, Vézelise et Pont-Saint-Vincent, ou rurales dans les autres cas, rien ne transparaît de la charte sur les questions d’urbanisme et/ou de remodelage des terroirs hormis l’évocation d’une église et d’une grange à construire à Saulxerotte, de bornes en deçà desquelles s’exercent l’autorité des comtes de Vaudémont et des ducs de Lorraine, à Damas-aux-Bois, d’un moulin et d’un four banaux et de jardins associés à des maisons à Conflans, d’un grand bourg à Vaudémont.
Figure 2 : Bourg de Vaudémont.

11Comme l’historien-archéologue du parcellaire médiéval en a désormais pris l’habitude25, le recours à l’image, notamment au cadastre napoléonien, s’est naturellement imposé pour tenter d’en déceler des indices. Sans entrer dans le détail de la ou des méthode(s) d’analyse, on reconnaîtra que ce type de source, plus encore peut-être que la photographie aérienne d’une campagne contemporaine constitue un véritable document d’histoire médiévale. Chaque plan, par le parcellaire et la microtoponymie qu’il conserve, peut, en effet, fournir des informations sur la morphogenèse et l’évolution des habitats, ou sur celle des paysages, induite de l’exploitation et de la gestion des sols.
12Le récent ouvrage sur Les châteaux et villes fortes du comté de Vaudémont en Lorraine médiévale éclaire sur l’origine des principales bourgades de cette principauté qui se sont formées autour d’un château, un marché, un pont, ou qui les ont suscités, et qui disposaient précocement d’un lieu de culte.
Figure 3 : Bourg de Châtel-sur-Moselle.

13S’il n’est pas aisé de déceler un parcellaire bâti régulier qui plaide pour l’existence d’un plan d’urbanisme imposé, on observe néanmoins que l’enceinte sert de cadre à l’habitat et qu’elle le structure. Les exemples de Vaudémont et de Châtel-sur-Moselle en témoignent même si les contextes topographiques ambiants diffèrent. Dans ces deux cas, le château préexiste à l’habitat civil et à la charte de franchise ; dans ceux de Pont-Saint-Vincent et de Vézelise, il lui est, en revanche, postérieur.
14Assis à l’extrémité méridionale du plateau qui domine l’ouest du Saintois, le château de Vaudémont existait peut-être déjà depuis quelques années lorsqu’au xie siècle les Matfrid reçoivent ce territoire de l’empereur. Comme beaucoup d’autres forteresses de cette période, l’espace seigneurial, dont il reste encore de beaux vestiges du donjon, occupe l’extrémité d’un éperon digitiforme ; immédiatement à l’est, une basse cour, indifféremment appelée « baile », « bourg », « ville », voire « dedens » accueille, sans doute dès l’origine, un premier noyau de peuplement doté, vers la fin du xiie siècle, d’une église paroissiale (Saint-Gengoult) transformée en collégiale (Saint-Jean-Baptiste), en 1326. Ce premier ensemble fortifié, dont les limites sont celles de la périphérie du sommet et d’un fossé-barrage, dessine un vaste triangle de 250 m de hauteur pour 150 m de base. Immédiatement au-delà du fossé, il est précédé d’un faubourg apparu à une période mal connue mais que l’on sait enclos, en 1369, lors de l’établissement de la charte de franchise. Cette dernière qui réglemente, entre autres choses, les modalités d’entretien de la « fermetey » a pour corollaire celui de peupler ou repeupler ce « grand bourc quon dit le plain de Waudémont » et l’on peut se demander, si ce n’est pas à cette occasion qu’un plan d’urbanisme fut décrété. Quoi qu’il en soit de la réponse, difficile à apporter, on observe que dans cet espace trapézoïdal de quelque 3,6 ha, à vocation agricole et artisanale26, l’habitat, lâche, est distribué selon un réseau de rues orthogonales ou presque, dont quatre soulignent le périmètre de l’enclos et deux partent de la place centrale dite du « Haut du plain », au sud-est, et aboutissent, à l’opposé, sur la rue de Traverse.
Figure 4 : Proposition de l’évolution urbaine de Vézelise (xe-xive siècle).

15L’édification du château de Châtel, en rebord d’une terrasse qui domine le cours de la Moselle d’une dizaine de mètres et à peu de distance du hameau de Rancourt27, pourrait bien être associée à la fondation du prieuré de Belval à la fin du xie siècle, mais en dépit des longues recherches archéologiques on ne sait que peu de choses de son état avant son adaptation à l’artillerie à feu, au xve siècle, hormis l’existence d’une grosse tour (donjon) et d’une chapelle Saint-Jacques, annexe de la paroisse voisine de Moriville. Tout porte à croire, néanmoins, qu’il cristallisa précocement à ses abords, au nord du donjon et à proximité de la chapelle, la population rurale voisine, dont celle de Rancourt. La présence d’un faubourg à la périphérie ouest du château, pourrait avoir conditionné, comme à Vaudémont, la construction de l’enceinte urbaine, même si l’on peut considérer, comme le laisse supposer la charte de franchises de 1317, qu’elle n’est pas antérieure à cette date. Une seule certitude, le cadastre napoléonien conserve, enserrée dans le périmètre de l’enceinte telle qu’elle semble être définitivement fixée au xve siècle, la trame d’un réseau viaire orthogonal et deux parcellaires qui plaident pour l’existence de deux étapes successives de peuplement. Au nord, dans la partie à flanc de coteau où l’église, chœur au nord, fut déplacée vers 1460 par Thiébaut IX de Neufchâtel, les parcelles bâties, de taille et de forme irrégulières, sont groupées autour de deux rues qui convergent vers l’une des portes de la ville ; au sud en revanche, sur toute la longueur du Durbion avant qu’il ne se jette dans la Moselle, de petites parcelles parallèles et perpendiculaires caractéristiques des lotissements médiévaux sont réparties de part et d’autre de deux rues parallèles dont les noms – rues du pressoir et du moulin – renseignent sur les activités artisanales qui s’y pratiquent, en lien avec l’exploitation du sol. Comment ne pas penser qu’il s’agit là d’un quartier neuf suscité par la charte de franchise ? Fondé en contrebas d’un peuplement plus ancien suggéré par l’hétérogénéité de son parcellaire, il pourrait donc procéder de la volonté du seigneur de conquérir les berges de la Moselle pour y pratiquer des activités artisanales nécessitant le recours à l’eau. Ce quartier, qui ne peut pas être plus ancien que la muraille qui l’abrite et contre laquelle il est adossé, ouvre d’ailleurs sur le pont qui enjambe la Moselle mais qui ne serait pas construit avant la seconde moitié du xive siècle28.
16Doté de la même charte de franchises que Châtel, Vézelise s’en distingue néanmoins, par sa genèse et sa morphologie. Connu dès 960, ce centre domanial des comtes du Chaumontois situé au pied de la côte du haut du Plain et au confluent du Brénon et de l’Uvry, vient juste d’être donné, avec ses serfs, son moulin et son église consacrée à saint Côme et saint Damien, à la toute nouvelle abbaye de Bouxières-aux-Dames29. Son peuplement se structure alors, peut-être sous l’influence des religieuses, autour de l’église, constituant probablement un enclos ecclésial – pour ne pas dire un aître – tel qu’on a pu en fonder partout ailleurs dans l’Occident médiéval, dès le xe siècle, au moment des « Paix de Dieu »30. De plan rectangulaire et d’une surface d’environ 0,5 ha, ce noyau initial de peuplement semble être associé à un enclos quadrangulaire plus vaste31, de l’ordre de 2 ha, dont il aurait occupé le quart sud-est, le reste, qui s’étend en direction du cours de l’Uvry, devant être réservé aux jardins et vergers. C’est vraisemblablement dans cet espace que sont progressivement accueillis de nouveaux occupants, des commerçants peut-être attirés par la foire qui s’y déroule chaque année à la Saint-Rémy, dès avant 127332 et qui justifie la halle que le comte Henri de Vaudémont fait construire, entre 1247 et 1272, sur un terrain de l’abbaye de Bouxières33. Le rôle attractif que joue alors Vézelise sur le plat pays environnant, est conforté par les libertés que les habitants reçoivent en 1317, l’objectif inavoué étant de faire de cette ville un pôle économique et politique majeur, au centre du comté. La charte ne le dit pas expressément, mais elle pourrait avoir motivé la construction de deux nouveaux quartiers : un à l’est, dans un espace triangulaire défini par l’enclos ecclésial et les deux cours d’eau convergents ; l’autre, en contrebas de la colline, au sud-ouest de l’église. Dans les deux cas, le cadastre conserve le tracé de parcelles bâties laniérées, de type village-rue, de 3 à 15 m de largeur, soit de 1 à 5 toises environ. Le premier ensemble consiste en deux travées de maisons dont la disposition respecte la topographie ambiante avec une rue unique qui se divise en quatre rues parallèles définies par la halle, au centre, et un îlot de 10 à 12 m de profondeur, de part et d’autre ; le second se développe sur près de 150 m le long de deux rues parallèles, dont la route de Brantigny, et se structure en trois îlots, le plus important, perturbant le plan régulier de l’aître primitif, à l’occasion peut-être de la construction de l’hôpital, restauré à la fin du xve siècle34. S’il est difficile d’établir avec certitude la preuve d’une planification raisonnée en lien direct avec la charte de franchise, on admettra volontiers que le tissu urbain, tel qu’il nous est parvenu, résulte de phases successives de peuplement, la dernière étant marquée par le tracé de l’enceinte urbaine qui s’appuie sur le château, à l’est. Deux pincements, l’un au nord l’autre au sud, en perturbent cependant la régularité et invitent à y voir, à moins qu’ils ne résultent de contraintes topographiques, deux fortifications reliées par une enceinte de réunion.
17L’analyse morphologique de Pont-Saint-Vincent pourrait sembler plus facile. On observe en effet que le bourg actuel, s’il a, certes, connu des extensions marginales en raison de sa proximité avec Nancy, n’a rien perdu de sa morphologie ancienne, livrée par le cadastre napoléonien. Ses limites sont nettes. Elles sertissent un espace quadrangulaire d’une dizaine d’hectares qui s’étend, sur près de 400 m, du pied de la côte calcaire aux berges de la Moselle. Plus densément loti dans sa moitié nord il est divisé en bandes laniérées globalement orthogonales qui s’appuient sur le réseau viaire et les lignes forces du parcellaire périphérique. Mais l’homogénéité n’est qu’apparence. Dans le détail, l’analyse met en effet en relief des sous-ensembles et des aberrations parcellaires, autrement dit des « unités de plan »35 qui traduisent l’existence de plusieurs phases d’urbanisation. Comme Vézelise, Pont-Saint-Vincent est né d’un hameau, dont le nom, Conflans, qu’on lui connaît jusqu’au milieu du xive siècle, évoque sa situation à quelques centaines de mètres du confluent de la Moselle et du Madon. Groupés autour de l’église Saint-Julien de Brioude et son cimetière, quatre îlots de maisons avec leur jardin attenant, définissent encore, approximativement, le périmètre d’un enclos quadrangulaire d’environ 250 m de côté qui pourrait correspondre à cet habitat collectif primitif, installé dans une position favorable à la viticulture. Il est, dès le xie siècle, associé, à un gué, un pont et un bac qui permettent le franchissement de la Moselle et en font un point de rupture de charge au carrefour d’axes de communication importants36. Autant d’atouts donc qui auraient pu stimuler le peuplement avant même la charte de franchise. C’est peut-être ce qu’il faut penser de l’habitat qui s’est développé aux abords de l’aître, le long de la route reliant par le pont, Saintois et Saulnois ; ceci expliquerait que le parcellaire qui en respecte le tracé rompe ponctuellement l’orthogonalité ambiante. Action spontanée qui motive la politique comtale ou première action planifiée induite d’elle ? La question reste, ici encore, sans réponse. Cent ans avant Vézelise et Châtel, cent-cinquante avant Vaudémont la charte de franchises accordée aux habitants de Pont-Saint-Vincent, résulte du dynamisme économique local dont le comte profite et qu’il souhaite renforcer par une politique incitative de peuplement. Le texte n’en dit rien, mais le plan cadastral invite à voir, au sud de l’espace le plus densément bâti, un lot de parcelles plus ou moins laniérées, distribuées de part et d’autre d’un réseau viaire orthogonal qui se rattache aux deux rues longeant l’église. Projet de lotissement dans lequel, comme l’indique le nom d’une rue, fut édifié le pressoir banal ? Si tel est le cas, et à moins que des événements antérieurs à la confection du document planimétrique n’aient conduit à la désertion de ce secteur – ce que laisse supposer la carte des Naudin – on pourrait se demander, si sa faible occupation ne traduit pas l’échec d’une entreprise de peuplement trop optimiste. Espaces bâtis ou à bâtir, tous semblent devoir être mis à l’abri de la fortification urbaine que décrète le comte, que financent pour moitié les bourgeois mais qui n’a laissé aucune trace visible dans le paysage urbain actuel. Le parcellaire fossile permet néanmoins de proposer deux hypothèses de restitution de son tracé aussi pertinentes l’une que l’autre sans qu’il soit possible de trancher. Les deux suggèrent l’existence d’un périmètre quadrangulaire. Le plus petit s’appuierait, au sud, sur la rue de la Chambre Madame, à l’est, sur la rue de la Porte de France ou sur la Grande rue, autrement dit la route de Nancy à Neufchâteau, puis engloberait, au nord-est et au nord, les quartiers d’habitations bordant la route de Viterne, avant de se refermer, enfin, à l’ouest, selon un axe longeant peu ou prou le pied de la côte de Moselle ; le tout protégerait un espace d’environ 6 ha. Le second reprendrait globalement ce tracé mais s’étendrait jusqu’aux rives de la Moselle définissant un secteur protégé de l’ordre de 10 ha. Dans le premier cas, le logis comtal du xive siècle, dont l’emprise, de plan carré, est encore définie par la Grande Rue, la rue du Bal, la ruelle de la Ballé et la ruelle Bogé, aurait été construit à l’extérieur de l’enceinte, comme le château bas de Commercy, mais à l’intérieur, dans le second, comme la maison forte des comtes de Bar, à Pont-à-Mousson.
Figure 5 : Proposition de l’évolution urbaine de Pont-Saint-Vincent (xie-xixe siècle)..

Figure 6 : Village de Damas-aux-Bois.

18En résumé, des quatre petites villes du comté de Vaudémont dotées d’une charte de franchises, aucune n’est une fondation ex nihilo mais toutes disposent de quartiers neufs qui résultent d’une action planifiée et qui s’adaptent à l’urbanisme antérieur autant qu’à la topographie ambiante. Chaque ville, qu’elle soit née d’un château ou qu’elle en ait conditionné l’édification, conserve des unités de plans qui peuvent certes participer de processus historiques semblables mais qui lui confèrent sa spécificité formelle. On conviendra donc, dans le sillage des conclusions de l’ouvrage Village et ville au Moyen Âge : les dynamiques morphologiques, qu’il n’y a pas de lien étroit entre la désignation des agglomérations en tant que villes neuves et leur morphologie37.
19Cette observation, qui vaut ici pour les villes neuves urbaines, s’applique-t-elle à celles qui sont restées à l’état de village ? La question mérite d’être posée pour Damas, Doncourt et Bagneux, au moins, connus bien avant leur date d’affranchissement.
20Damas, dont le nom semble être la corruption de dom Médard, dispose, dès 113438, d’une église dédiée à ce saint, annexe, de la paroissiale voisine de Moriville puis de celle de Châtel-sur-Moselle. Ce village assis en bordure de l’Euron, sur des sols marno-calcaires pauvres, et qui relevait pour partie du prieuré de Belval39, est encore évoqué deux fois, en 1181 puis 118340, avant qu’il ne reçoive, en 1211, une charte de franchises qui, là encore, ne fait allusion à aucune entreprise volontaire de peuplement. Le plan cadastral de 1812, permet cependant de poser l’hypothèse de deux extensions greffées sur un noyau d’habitat initial groupé, comme à Conflans et Vézelise, selon trois rues perpendiculaires autour de l’église. Cette dernière occupe d’ailleurs le centre d’un enclos quadrangulaire d’environ 2,25 ha (160 m x 140 m) lui-même inclut dans un parcellaire rectangulaire plus vaste (env. 200 m x 250 m) qui pourrait avoir servi de cadre à une première extension. Le réseau viaire se densifie amplifiant la trame orthogonale du précédent et donnant à l’agglomération une forme caractéristique de village de colonisation. Ce premier ensemble, plutôt homogène en dépit de sa probable formation en deux temps, contraste avec le quartier aux allures de village-rue, qui se développe, sur près de 300 m, au nord de l’église et se termine par deux faubourgs, dont celui du moulin. Propre au paysage d’openfield ce type morphologique peut correspondre aussi à un lotissement né d’une entreprise de défrichement41, ce qui expliquerait le microtoponyme « Derrière la ville » auquel il est associé.
Figure 7 : Village de Bagneux.

Figure 8 : Village de Dolcourt.

21Il est bien difficile d’envisager, à partir du plan cadastral, une évolution semblable pour Bagneux. Situé au sud de Toul, sur l’ancienne voie romaine Lyon-Trèves, ce village, connu dès 836, est donné avec son église Saint-Rémy au chapitre cathédral de Toul en 1065 qui l’affranchit, en pariage avec le comte de Vaudémont, au milieu du xve siècle. On entrevoit, en revanche, dans celui de Dolcourt, malgré son aspect inorganique dû peut-être à l’absence d’église, trois pôles distincts de peuplement. L’un correspond à un groupe de maisons bordant deux rues perpendiculaires au centre d’un enclos carré de l’ordre de 2 ha, qui semble avoir été divisé en quatre quartiers de même superficie ; le second, au sud-est, se caractérise par des habitations distribuées au carrefour de deux voies ; le troisième, enfin, au nord, composé de quatre îlots de maisons mitoyennes, se distingue par leur répartition linéaire de part et d’autre d’une même rue. En prenant naturellement toutes les précautions d’usage et sans trop extrapoler à partir des limites extrêmes du parcellaire qui l’entoure, on pourrait voir dans le premier modèle, l’emprise de la villa ou de la curtis à l’origine de ce village qui, occuperait le centre, presque géométrique, d’un domaine d’une superficie de 16 à 20 ha soit, selon les auteurs, de un à deux manses42. En revanche, il est tentant de rapprocher le troisième pôle du type morphologique « village-rue », sans prendre le risque, toutefois, de le mettre en lien avec la charte de franchises de 1337.
Figure 9 : Village de Saulxerotte.

22Saulxerotte, seule création ex nihilo, si l’on en juge par sa charte de franchise43, fait donc ici figure d’exception. Installé au pied de la côte de Meuse, légèrement à l’écart de la route reliant, au travers de la côte calcaire, Harmonville à Favières, le village s’est développé à la croisée de trois chemins, groupé en trois rangées de maisons formant triangle autour de l’église Saint-Maurice ; chaque habitation, de 5 à 15 m de façade, dessine avec le lopin de terre qui l’accompagne, à l’arrière, une parcelle de 30 à 40 m de profondeur. L’ensemble s’inscrit dans un parcellaire rectangulaire de 220 m de long, au plus, sur 115 de large, soit d’une superficie ne dépassant pas 2,6 ha. Adjacent à cet « enclos villageois » et bordant le chemin qui conduit, à l’ouest, vers la forêt coiffant les calcaires du jurassique, un second enclos presque carré mais de moindres dimensions pourrait être identifié au terrain sur lequel les moines de Saint-Mansuy envisagent d’édifier une maison et une grange. Cet espace est enveloppé, sur deux côtés, par un ensemble de parcelles dont une de l’ordre de 0,45 ha correspondrait au pré d’une contenance de deux fauchées qu’ils se réservent avec un « meix », à proximité. Le parcellaire semble bien ici être en adéquation avec ce que l’on sait des conditions qui accompagnent la fondation de cette ville neuve.
23Pour conclure sur ce point on retiendra que les plans cadastraux permettent de mettre en évidence, pour la plupart des agglomérations urbaines ou rurales qui ont obtenu le statut de ville neuve, l’existence de quartiers neufs fondés selon un plan qui s’accommode de la topographie ambiante et du bâti existant, mais qu’il n’est pas toujours possible de mettre en lien, faute de données historiques précises, avec la charte d’affranchissement. Cette remarque vaut particulièrement pour les villes neuves rurales, qui, comme le souligne Jean-Loup Abbé, « restent inorganiques faute de peuplement substantiel »44. Il reste qu’une telle étude ne peut se réduire au seul examen des plans urbains. Pour être complète, dans la mesure où les chartes de franchises accompagnent, souvent mais pas toujours expressément, une volonté de mise en valeur agraire45, elle doit également prendre en compte l’analyse du parcellaire rural. Cette démarche, initiée par Jean-Loup Abbé à Villeneuve-l’Archevêque, a depuis été plusieurs fois renouvelée. Alain Girardot l’a expérimentée pour la Lorraine ; grâce à des données historiques explicites et en nombre suffisant il a pu mettre en relief le processus de formation d’un territoire d’une ville neuve et s’est interrogé sur la pratique du remembrement ou de la planification agraire et sur la persistance de leur empreinte, en s’appuyant sur la métrologie médiévale46.
Figure 10 : Parcéllaire rural de Saulxerotte.

24Cette étude est donc une occasion supplémentaire d’étudier la structuration du territoire de quelques villes neuves situées dans un contexte géopolitique cohérent même si l’unité de temps fait défaut en raison de la relative longue durée entre la première et la dernière charte accordées par un comte de Vaudémont. En raison de la multiplicité des contextes, chronologiques certes, mais aussi topographiques, géomorphologiques et pédologiques, chaque exemple présenté ici reste donc un cas particulier. Pour autant, la méthode qui consiste à rechercher, à partir des plans cadastraux comme pour l’étude des espaces habités, les lignes directrices du parcellaires, puis à les mesurer, n’a pas été vaine même s’il n’est pas toujours aisé de mettre en lien les observations faites avec des normes qu’auraient, tacitement au moins, suscitées, sinon imposées, de telles opérations juridiques. Deux types de structures parcellaires, le quartier et le ruban laniéré, s’observent seuls ou combinés, qui confirment ce que d’autres ont pu voir ailleurs.
Figure 11 : Parcéllaire rural de Damas-aux-Bois.

25Avec ses quelque 300 ha (soit 1500 jours) enkystés dans le vaste terroir de Favières, Saulxerotte, est la plus petite des villes neuves du comté. Ses limites, qui se calquent, au moins dans sa partie nord, sur les mouvements du relief, s’inscrivent dans un parallélogramme de 1400 à 2800 m de côté. Il occupe pour une large part le revers de la côte de Meuse recouverte d’une dense forêt de feuillus à peine entamée par les entreprises de défrichement. La fondation ex nihilo de Saulxerotte qui ne compte plus au début du xviiie siècle que 70 arpents de bois confinés à l’ouest du territoire, contre 193 de terres labourées, quelques-uns de vignes et une dizaine de jours de pré, procède indiscutablement de cette démarche réalisée selon le modèle du quartier calibré, ce que ne dit pas sa charte d’affranchissement. Au nord et à l’ouest du village, un réseau de lignes perpendiculaires dessine un plan géométrique régulier en damier qui s’appuie sur les lignes force du relief, à savoir les fonds de vallons, les bas de talus et les rebords de plateau. Au total une douzaine de quartiers de 140 à 280 m (50 à 100 verges) de côté ont une superficie comprise entre 2 ha à 5,30 ha (10 à 25 jours environ). À l’est, à l’entrée du vallon, sur un espace de moindre importance et dans la boucle d’un chemin communiquant avec Favières, le calpinage légèrement désaxé par rapport au précédent, et plus resserré, définit des quartiers globalement plus petits, de 1,90 ha à 3,78 ha (9 à 18 jours). Cette discordance peut résulter de facteurs divers et variés : du relief, plus plat, de la terre, meilleure, de la nature de l’exploitation, prés, vignes et vergers comme le laisse supposer la microtoponymie, peut-être aussi de sols défrichés et cultivés antérieurement à la ville neuve, mais qui lui furent données pour lancer et accompagner le processus de colonisation.
26Le contexte est différent lorsque la charte est accordée à des communautés anciennes pour en stimuler le peuplement. Chaque nouveau bourgeois reçoit alors, avec le lopin sur lequel il édifie sa masure, une terre défrichée ou à défricher gagnée sur la réserve seigneuriale selon un découpage qui bien souvent rompt avec celui qu’imposait la gestion domaniale et que l’on peut déduire avec plus ou moins de difficultés de l’examen du parcellaire rural.
27Damas-aux-Bois est ici l’exception qui confirme la règle. Il s’inscrit, si l’on fait abstraction de la longue bande forestière de près de 1600 ha qui se développe sur 8 km vers l’ouest, dans un périmètre quasi circulaire. Caractéristique des terroirs de clairière, avec le village pour centre, il est divisé en six saisons – vestiges probables de la pratique de l’assolement triennal – traversées par un parcellaire « en damier » qui s’étend sur la quasi-totalité du terroir occupé par les terres labourées et les prairies. Ce schéma, à peine amputé par un parcellaire contraire, au sud-ouest du terroir, pourrait être la traduction d’un remembrement systématique des anciennes tenures et réserves au moment où de nouvelles terres sont gagnées sur la forêt. C’est peut-être ce qu’il faut comprendre aussi de la mention laconique de bornes dans la charte de franchise47.
28Isolé, en position dominante, le village de Vaudémont ne dispose sur l’éperon étroit qu’il occupe que d’une superficie infime de terres agricoles. L’essentiel des 576 ha qui lui sont attachés sont situés dans la plaine environnante, au pied de la montagne, créant des conditions d’exploitation difficiles qui contribuent sans doute à la désertion progressive de la forteresse que la charte de franchises de 1369 est censée enrayer par des clauses incitatives de repeuplement. La distribution ou redistribution de terres nouvelles relève sans doute de cette volonté. La charte ne le dit pas mais le parcellaire garde probablement la mémoire de deux arpentages successifs en quartiers. L’un, qui pourrait être mis en lien avec les premiers siècles du château comtal, se manifeste par un maillage orthogonal qui se développe aux abords de la butte en respectant les lignes forces du paysage. L’autre, de même géométrie mais de direction sensiblement différente, s’observe, dans la partie nord du terroir, la plus éloignée du relief ; elle s’appuie sur un réseau de chemins qui pourrait avoir contraint son orientation.
Figure 12 : Parcéllaire rural de Vaudémont.

29Le territoire de Dolcourt, est caractéristique des villages de rebord de côte calcaire où se succèdent, d’ouest en est, le revers, resté boisé compte tenu de ses terres ingrates, la pente, bien exposée où se succèdent vignes et vergers, l’agglomération, en pied de côte puis les prés et cultures sur les sols moins accidentés et plus fertiles. Au total donc quelque 500 ha de terres exploitées dont 44 de prés et 300 de labours sont globalement découpés selon des rubans calibrés et laniérés qui trahissent, pour Jean Peltre, une réorganisation du territoire48 qui ne serait pas relative à la charte de franchises mais à une réoccupation tardive du territoire un temps déserté. Il s’étonne toutefois que le remembrement n’ait pas été appliqué à l’ensemble du finage et reconnaît que le tracé des rubans est moins régulier que celui d’autres terroirs remaniés au xvie ou xviie siècle, signe peut-être d’une plus grande ancienneté. Fort de ses précautions on proposera de voir dans le parcellaire livré par le plan cadastral du xixe siècle, un kern cultural primitif en lien avec la curtis du haut Moyen Âge, qui se fond dans les rubans calibrés, plus ou moins subdivisés en quartier, lesquels résulteraient d’un arpentage contemporain de la charte de franchise.
30À Bagneux, la forêt est réduite à une bande de 130 ha qui souligne la limite occidentale du territoire. Les terres agricoles occupent le reste, soit 720 ha répartis dans un espace quasi rectangulaire d’orientation générale sud-ouest/nord-est, au centre duquel siège le village. Trois secteurs différents peuvent y être observés. Au centre, un carré d’environ cent-cinquante hectares, incluant habitat, vignes, vergers et jardins, mais aussi des microtoponymes évocateurs de peuplement (Vic, Villé) et de mise en culture (ansange) anciens, pourrait correspondre à l’emprise du domaine primitif ; il est prolongé, au nord et au sud, par des quartiers de superficie variant de 3 à 20 ha définis par un maillage de même orientation ; enfin un ensemble de trois ou quatre rubans, de 300 m au plus de large, se développent sur 2 km environ vers le sud-ouest. Il n’est pas aisé d’établir une chronologie de ces deux arpentages qui semblent avoir été indifféremment utilisés du xiiie au xviie siècle49.
Figure 13 : Parcéllaire rural de Dolcourt.

31Leur concomitance peut d’ailleurs être envisagée à Châtel-sur-Moselle, où la charte de 1317 précise, fait assez rare pour le souligner, que tous les bourgeois « aient leur usuaire pour leurs nécessitez en tous noz boix, fuer fraisse, et tel droit en la rivière, comme ils avoient devant ». Sans doute faut-il comprendre de cette assertion que le comte confirme le droit d’usage, non pas de la pêche, qui semble encore relever du domaine au xvie siècle, mais bien de toutes les terres situées dans la vallée proprement dite de la Moselle et de tous les bois, excepté celui de Fraize. Or, il ressort de l’examen du parcellaire que la mise en valeur des terres fut entreprise en utilisant, selon les secteurs, soit le ruban calibré soit le quartier. Le premier type, d’environ 50 toises de largeur, en partie laniéré en partie divisé en petites parcelles rectangulaires d’un hectare au plus et de quelques dizaines d’ares au moins, pour des jardins, des vergers ou du vignoble50, occupe les abords immédiats du cours d’eau, sur toute la longueur du finage ; il s’interrompt à mi-distance laissant place aux formes parcellaires caractéristiques du château et du bourg fortifié. Le second type s’observe presque partout ailleurs où la forêt a laissé place à des prairies et des labours. C’est le cas à l’est du territoire, au-delà de l’espace boisé, où un ensemble de quartiers témoigne de vagues de défrichements réglementés, à mettre en lien sans doute avec les besoins en bois de la tuilerie édifiée dans le secteur et qui fournissait, dès le xve siècle, la plupart des bourgades de la région. On l’observe encore à l’est de la forteresse où des quartiers de 4 à 5 ha en moyenne, entament, jusqu’à l’ermitage Saint-Martin, le long de la route de Gerbéviller, les bois du Gerbier et de Fraize en trois ou quatre rangs étagés dans la pente. Cependant, entre le château et le bois de Fraize, un ensemble de parcelles de taille plus modeste inscrit dans un carré d’environ 500 m de côté, rompt avec la régularité des quartiers environnants. Vue de l’esprit, fait du hasard ou plus justement empreinte du hameau primitif de Rancourt, conservé jusqu’au siècle dernier, par la mémoire collective au travers de quelques lieux-dits51, une porte fortifiée du bourg, située au devant, ou encore le microtoponyme « le Haut-Jard », caractéristique d’une ancienne réserve seigneuriale52 ? Cette question qui ne traite pas ici directement de l’incidence de la charte de franchises sur le parcellaire rural de Châtel, méritait néanmoins d’être soulevée.
Figure 14 : Parcéllaire rural de Bagneux.

32Il est inutile de s’attarder sur le cas de Vézelise, dont la charte est contemporaine et identique à celle de Châtel mais le parcellaire bien moins explicite. Tout au plus faut-il évoquer la trame orthonormée qui découpe en quartiers dont la taille se rapproche de ceux des autres territoires étudiés, la longue langue de terre qui part du Brénon en direction du sud. On insistera de même, sur la présence, en un lieu-dit « Derrière la ville » d’un tout petit parcellaire spécifique d’un vignoble encore assez important au xixe siècle.
Figure 15 : Parcéllaire rural de Châtel-sur-Moselle.

Figure 16 : Parcéllaire rural de Vézelise.

33On s’arrêtera plus longuement, en revanche, sur le terroir de Pont-Saint-Vincent dont les 666 ha s’étalent pour l’essentiel dans la pente entre rebord de plateau et rive droite de la Moselle, selon une bande de 800 à 1000 m de largeur. Autant le dire, ses 95 ha de vignes et ses quelque dizaines d’hectares de vergers et jardins en font un village de vignerons et de maraîchers tournés vers le commerce. Cette situation qui, de toute évidence, préexiste au xixe siècle, se devine au travers de la charte de franchises de 1213 qui exonère les bourgeois du tonlieu et vise, en quelques articles, à la protection des récoltes contre le vol et la vaine pâture. Le parcellaire, d’ailleurs, est en adéquation avec cette forme d’économie agricole qui s’exerce dans la pente favorablement exposée, de part et d’autre du chemin qui conduit à Viterne lequel semble constituer une limite entre deux cadastrations. L’une et l’autre tiennent compte des courbes de niveau et dessinent une trame linéaire et rationnelle de rubans calibrés, fractionnés, selon un module qui semble être fondé sur la verge, en lopins de quelques centaines d’ares parallèles à la côte. En amont du chemin, toutefois, les rubans sont regroupés en quartiers de 320 m au plus de côté, plus ou moins régulièrement étagés dans la pente. Si l’on fait abstraction des terres labourées et des pâtures qui se réduisent à moins de 150 ha au xixe siècle53, on remarque que l’habitat, situé au pied de la côte, occupe plutôt une position centrale par rapport aux terres mises en valeur dans la pente et qu’il est fondé sur un parcellaire de même orientation et de même module, ce qui conduit à penser qu’ils font partie d’un même projet raisonné.
Figure 17 : Parcéllaire rural de Pont-Saint-Vincent.

34Dans le mouvement de fondation de « villes neuves » qui s’observe en Europe occidentale dès le xie siècle, et qui résulte du triple effet de la croissance économique, de la pression démographique et de la volonté des princes de garantir leurs revenus, les comtes de Vaudémont restent de timides acteurs. En un peu moins de 250 ans ils n’octroient en effet que huit chartes de franchises qui participent, d’une certaine manière, à la constitution de leur territoire autant qu’à la protection des hommes et des biens. Certaines sont rurales, d’autres urbaines mais toutes, exception faite de Saulxerotte, seule fondation ex nihilo, au cœur de la forêt de Haye, sont accordées à des communautés déjà anciennes. Elles suscitent donc la création de nouveaux quartiers qui se fondent dans le tissu urbain existant, souvent du type enclos ecclésial, ou s’y juxtapose selon une planification variable qui tient compte, le plus souvent, de la topographie ambiante.
35Toutes ces entreprises de peuplement semblent cependant ne pas avoir eu le même succès. Certes Saulxerotte, dont l’échec avait été envisagé dans la charte elle-même, n’avait pas été fondé pour devenir un centre urbain ni un pôle économique majeur, pas plus que Damas, Dolcourt et Bagneux, qui sont d’ailleurs restés à l’état de village. Mais la charte accordée aux habitants du bourg fortifié de Vaudémont pour redynamiser son peuplement n’a pas eu, loin s’en faut, l’effet attendu, tout comme l’ambitieuse entreprise de peuplement de Conflans/Pont-Saint-Vincent, au carrefour de routes commerciales importantes, où près de la moitié de l’espace protégé par l’enceinte urbaine restait à lotir. En revanche, si l’on en juge par la densité de leur tissu urbain, seules, Châtel et Vézelise, les deux principales bourgades du comté ou qui le deviendront, semblent avoir atteint l’objectif qui leur était fixé.
36L’étude de ces agglomérations et de leur évolution morphologique s’appuie, selon une démarche déjà ancienne amplement revisitée au cours de ces dix dernières années, sur l’analyse minutieuse du parcellaire conservé sur les plans napoléoniens. La même démarche appliquée aux espaces agricoles montre, parfois de façon pertinente, que leur remodelage et les opérations de défrichement qui l’accompagne ont été réalisées selon un plan directeur fondé, indifféremment, sur le quartier ou la bande laniérée découpée en parcelles étroites et régulières qui ne déstructure pas toujours les domaines anciens. La déficience des sources historiques interdit toutefois, même si les mesures utilisées et les découpages qui en découlent évoquent le Moyen Âge, d’établir un lien assuré avec l’octroi d’une charte de franchise. Sans doute aurai-il fallu mettre en œuvre d’autres outils, dont l’analyse factorielle de correspondance chère aux historiens de la cadastration, pour dégager des normes et faire la part entre action spontanée et entreprise dirigée laquelle, au demeurant, semble nette pour Pont-Saint-Vincent si l’on en juge par l’intimité des liens entre son habitat et son terroir taillé sur mesure.
Notes de bas de page
1 Charles Guyot, « Les villes neuves en Lorraine », MSAL, 1883, p. 110-111.
2 Terme orthographié ici à la manière de Charles Higounet, « Les villeneuves de la campagne parisienne au Moyen Âge », Actes du 100e Congrès National des Sociétés Savantes, (Section philologique, Paris, 1978, p. 69-86. Du même, Défrichement et villeneuves du Bassin Parisien, Paris, 1990, 384 p.
3 Robert Fossier, « Les communautés villageoises en France du Nord au Moyen Âge », dans Hommes et villages d’Occident au Moyen Âge, Paris, 1992, p. 223. On rappellera ici le point de vue d’Édouard Bonvalot qui considérait que : « la masse du peuple courbé sous la servitude aspirait, dans les villes et les campagnes, à l’affranchissement, à une liberté complète ou tout au moins à des garanties formelles contre l’oppression seigneuriale.[…] l’émancipation générale ne commença avec intensité qu’au xiie siècle, ayant pour mobiles actifs non pas seulement les sentiments de piété et d’humanité, mais avant tout l’intérêt seigneurial », Édourad Bonvalot, Histoire du droit et des institutions de la Lorraine et des Trois-Evêchés (843-1789), Paris, 1895, p. 168.
4 Charles-Édmond Perrin, « Catalogue des chartes de franchises de la Lorraine antérieures à 1350 », ASHAL, 1924, p. 272.
5 Parmi les chartes les plus importantes on rappellera ici celle accordée en 1123 par le roi Louis le Gros aux habitants de Lorris-en-Gâtinais ; celle de Beaumont, délivrée, par l’archevêque de Reims Guillaume aux Blanches mains en 1182 et qui ne manqua d’inspirer la plupart des fondateurs de villes neuves de l’espace lotharingien.
6 Charles Higounet, « Les villeneuves de la campagne parisienne au Moyen Âge », Actes du 100e Congrès National des Sociétés Savantes, (Section philologique, Paris, 1978, p. 69-86. Du même, Défrichement et villeneuves du Bassin Parisien, Paris, 1990, 384 p.
7 Michel Coste et Antoine de Roux, Bastides. Villes neuves médiévales, Paris, 2007, 159 p.
8 Alain Girardot, « Les origines de la ville de Pont-à-Mousson », Annales de l’Est, 1972, 2, Nancy, p. 107-126 ; du même, « Les villes neuves urbaines en 100-1350 en Lorraine occidentale », PSH, 1992, p. 320-357.
9 Alain Girardot, « Une ville neuve dans une cité au xiiie siècle : le Pré à Verdun et ses modèles », Les cahiers lorrains, 1992, p. 367-374 ; du même, « Un bourg abbatial en Lorraine : Saint-Mihiel avant 1300 », Journée d’études meusiennes, 1973, Annales de l’Est, 1974, p. 61 ; Charles Kraemer, « Genèse et développement des bourgs castraux aux confins du Barrois et du Verdunois (xie-xviiie siècles) », Michel Bur (sd.), Les peuplements castraux dans les Pays de l’Entre-Deux, Alsace, Bourgogne, Champagne, Franche-Comté, Lorraine, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Nancy, 1993, p. 203-204 ; du même, « Commercy au Moyen Âge : ses châteaux, son église, son enceinte urbaine », Philippe Martin et Noëlle Cazin (sd.), Commercy, du château à la ville, Metz, 2008, p. 36.
10 Françoise Divorne, Berne et les villes fondées par les ducs de Zähringen au xiie siècle, 1991, 290 p.
11 « L’arête dorsale des coutumes reconnues, […] c’est le souci de maintenir l’ordre établi, […], la paix, la protection des hommes et des biens, ce qui fait des problèmes militaires et de défense une des pierres de touche du mouvement » : Robert Fossier, « Franchises rurales et franchises urbaines... », op. cit., p. 247.
12 Jean-Marie Yante, « Les franchises rurales dans le comté de Chiny et de Luxembourg (ca 1200-1364) », Henri Trauffler (sd.), Le pouvoir et les libertés en Lotharingie médiévale, Actes des 8e Journées lotharingiennes, CXIV, 1998, p. 49 ; il y reconnaît que des impératifs stratégiques sont indéniables à Montmédy, Chauvency et Florenville, et conforte en cela les propos d’Hubert Collin, qui considère que les comtes de Bar « ont utilisé les chartes de franchises, comme autant de machines de guerre : Hubert Collin, « Réflexions sur la carte de répartition des chartes de franchises en Lorraine (xiie- xixe siècles) », La charte de Beaumont et les franchises municipales entre Loire et Rhin, Actes du colloque organisé par l’Institut de recherche régionale de l’Université de Nancy II (22-25 septembre 1982), 1988, p. 171.
13 Gérard Giuliato, Châteaux et villes fortes du comté de Vaudémont en Lorraine médiévale, Nancy, 2008, p. 148.
14 « De tous forfaicts universels que je et mes succeseurs de la ville de Conflans, nous prendrons des bourgeois pour la munition et deffense de la ville, ilz en prendront la moitié en sorte qu’ilz en ordonneront deux jurés fidèles ; et je y mectrai mon sergent le tiers, et ces trois disposeront la moitié susdite aux despens de la munition de la ville ; mais les bourgeois même de Conflans, des plus saiges, d’eulx mêmes constitueront quarante hommes qui ordonneront feablement des choses incidentes en la ville, lesquelles ne sont pas nottées en cette charte selon la coustume de Beaumont. Si quelqu’un y contredict, y payera douze deniers, six au seigneur six à la munition de la ville, et le faict d’iceulx sera rate et ferme. Les bourgeois iront à l’armée du seigneur, tellement que pour le jour même ou le lendemain ils retourneront à Conflans, le seigneur conte donnera procuration aux mayeur et jurez pour placet général trois fois l’an, a chaque fois 5 sols ; et les mayeur et jurés, tant et si longtemps qu’ils demeureront en leurs offices, seront francs et quictes des rentes d’une mesure et chascuns jardins. Traduction française de la charte de 1362, AD Meurthe-et-Moselle, B 443, fol. 256, transcrite dans le cartulaire « Chartes et privilèges », AD Meurthe-et-Moselle, B 419, fol. 289-291 ; pour la charte en latin voir Jean-Baptiste Renault.
15 Henri Lepage, Les communes de la Meurthe. Journal historique des villes, bourgs, villages, hameaux, cens de ce département, vol. 2, Nancy, 1853, p. 517.
16 Henri Lepage, Ibid., vol. 1, p. 298-299.
17 « encore est assavoir que li jurez de la dicte ville doient regarder l’estat d’un chascun bourgeois que ilz recevront en la dicte ville à bourgeois et recevoir d’entrée de eulx, selon leur estat, aucune somme d’argent pour mettre à la fermeté de la dicte ville et de faire aucun reparant en la ville jusques en la somme de 10 solz tournois, dès le jourd’hui en avant, et mesmement ceulx qui or y sont demourans, paieront et metteront à la dicte fermeté selon leur estat, au resgard des dict jurez ne de plus ne le povons ne devons presser et quereller ne demander, se de leur gré n’estoit, fuer que noz oz et chevauchies ou cry commun et que chascun soit armez et appareillié selon leurs estat, au regard des jurez, pour desfendre la ville ». D’après Abbé Constant Olivier, Châtel avant la Révolution, Épinal, 1898, p. 279-280 ; Michel François, Histoire des comtes et du comté de Vaudémont, Nancy, 1934, PJXIII et Gérard Giuliato, Châteaux et villes fortes du comté de Vaudémont en Lorraine médiévale, Nancy, 2008, p. 229.
18 « et parmei ceu aussi que lesdicts habitans qui à present sont, et que pour le temps advenir seront, sont et seront tenus de mectre estat, retenir et maintenir toute la fermetey et forteresse du grand bourc dudict lieu quon dict le plain de Vaudemont, du tout à leurs depens, saulf tant seulement que nous et nos hoirs demouront chergiez et tenus de payer les journées ou sallaire du masson ou massons qui feront et maintanront les murs et murailles d’iceluy bourc, et de ceux qui feroient cuire le chaulfour et qui tourneroit le chaulfour, et lesdicts habitans seront tenuz de paiement de tous autres ouvriers et de toutes autres choses que pour ce fait seront necessaires, .. », Gérard Giuliato, Châteaux et villes fortes…, op. cit., p. 159.
19 AD Meurthe-et-Moselle, B 542, n° 22 : « Si forte burgenses ejusdem ville extra metas in dampnum meum procederent, de forisfacto et emendatione illa dux et heredes sui nichil haberent et si contigerit quod guerra vel discordia inter me et ducem vel heredes nostros ebulliret, burgenses prefate ville in pace erunt… ». Voir Jean-Baptiste Renault.
20 « Et nous comte et noz successeurs ne pouvons ne ne debvons contraindre les hommes, femmes et habitans de la dite ville de Bagnuelz de aller ost chevaulchiées, cri, charrois ne autres servitudes fors que des choses dessusdites », AD Meurthe-et-Moselle, B 399, fol. 196.
21 Ibid.
22 Hubert Collin, « Réflexion sur la carte de répartition… », op. cit., p. 174.
23 Damas-aux-Bois est expressément déclarée au droit de Marville (et libertatem nove ville de Dommart ad usus et consuetudines ad omnia de Marville juramento) mais cette ville a elle-même été affranchie à la loi de Beaumont par le comte de Bar Thiébaut Ier ; voir Charles-Édmond Perrin, op. cit., p. 299.
24 Jean-Luc Fray, Villes et bourgs de Lorraine. Réseaux urbains et centralité au Moyen Âge, 2006, p. 65-67.
25 Gérard Chouquer, « Traitement d’images et paysages médiévaux », Archéologie médiévale, XV, 1985, p. 7-30 ; Jean-Loup Abbé, « La formation d’un paysage médiéval dans le Bassin parisien : Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) », Archéologie médiévale, XXIII, 1993, p. 57-105 ; Bruno Desachy et Jean-Olivier Guilhot (sd.), Archéologie des villes. Démarches et exemples en Picardie, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 16, 1999, 212 p. ; Bernard Gauthiez, Elisabeth Zadora-Rion Henri Galinié (sd.), Village et ville au Moyen Âge : les dynamiques morphologiques, Tours, 2004, 2 vol. ; Gérard Chouquer, Traité d’archéogéographie ; la crise des récits géohistoriques, Errance, 2008, 199 p.
26 Gérard Giuliato, Châteaux et villes…, op. cit., p. 211.
27 Selon l’abbé Constant Olivier, Châtel-sur-Moselle avant la Révolution, Épinal, 1898, p. 16-17, Rancourt se situait sur le chemin conduisant à Portieux, entre « les grandes ruelles », et le canton « sous Fraize ». Mais, précise-t-il, on désigne encore par Rancourt, en 1452, la colline qui s’élève au nord de la ville, un étang, le moulin situé au bord du Durbion, à quelques centaines de mètres de la forteresse, et une porte de cette dernière.
28 Gérard Giuliato, op. cit., p. 103.
29 Robert-Henri Bautier, Les origines de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames, au diocèse de Toul, Nancy, 1987, n° 25, p. 95-97.
30 Michel Lawers, Parmi les nombreux exemples régionaux, je ne citerai que l’article récent, portant sur la Bourgogne, de Hervé Mouillebouche, « Cercles de paix, cimetières et châteaux en Bourgogne », Ex Animo. Mélanges d’histoire médiévale offerts à Michel Bur, Textes réunis par Patrick Corbet et Jackie Lusse, Langres, 2009, p. 73-138.
31 Des enclos quadrangulaires semblables, par leur forme et leur superficie, ont déjà été signalés dans le Barrois. À ce sujet, voir Charles Kraemer, « L’aître : une forme de peuplement médiéval. Quelques exemples du Barrois », dans Temps retrouvé de la vallée de l’Aire, XXXe Journées d’études meusiennes, 5-6 octobre 2002, Bar-le-Duc, 2007, p. 23-38.
32 Père Benoît, Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul, 1707, p. CXI.
33 Gérard Giuliato, op. cit., p. 234.
34 Gérard Giuliato, op. cit., p. 233.
35 Terme emprunté à Michael Robert Gunter Conzen, géographe de la ville qui a développé l’idée que le plan urbain résulte de trois systèmes complexes de formes : le réseau viaire, les parcelles individuelles et leur agrégation en îlots. Dans ce schéma il identifie des unités de plan en s’appuyant sur l’analyse de la largeur des voies, sur la forme, la taille, l’orientation et le mode de groupement des parcelles. Voir à ce sujet : Michael Robert Gunter Conzen, « The use of town plans in the study of urban history », Harold James Dyos (sd.), The study of urban history, Londres, 1968. Cette démarche est également explicitée dans Élisabeth Zadora-Rio, « Les approches morphologiques des agglomérations : essai d’historiographie », Village et ville au Moyen Âge : les dynamiques morphologiques, p. 13-27.
36 Gérard Giuliato, op.cit., p. 145 ; voir aussi Jean-Luc Fray, « Ponts et bacs attestés avant 1300 en Haute-Lorraine », PSH, vol. CIV, 1988, p. 63-84.
37 Elisabeth Zadora-Rio, « Les approches morphologiques des agglomérations... », op. cit., p. 21.
38 Ecclesiam Dummart dans Gall. Chr. XIII, inst., 495, d’après Paul Marichal, Dictionnaire topographique du département des Vosges, Paris, 1942, p. 120.
39 Léon Louis et Paul Chevreux, Dictionnaire historique et statistique des communes, hameaux, écarts, fermes, 1887-89, t. VI, p. 186-187.
40 AD Meurthe-et-Moselle, H 334, c.f. Paul Marichal, op. cit.
41 Charles Higounet, « Les villeneuves de la campagne parisienne au Moyen Âge », op. cit., p. 83-84.
42 On renverra, pour la région, aux travaux de Charles-Édmond Perrin, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d’après les plus anciens censiers : (ixe – xiie siècles), Strasbourg, 1938, 809 p., lequel considère qu’un manse, comme unité de mesure, vaut environ 12 ha, la moyenne la plus couramment admise étant de l’ordre de 16 ha. Voir aussi, la thèse récente de Denis Mathis, Géohistoire agraire d’un pays lorrain : le Saulnois, Nancy, 2009, 967 p. en particulier, les pages 791 et sv, dans lesquelles l’auteur décrit l’organisation d’un territoire de villa du haut Moyen Âge.
43 Elle signale que la ville neuve est à construire et qu’en cas d’échec de peuplement ou de désertion, chacun des partenaires du pariage est libéré du contrat qui les unit.
44 Jean-Loup Abbé, « La formation d’un paysage médiéval dans le Bassin parisien : Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) », Archéologie médiévale, 23, 1993, p. 68.
45 Jean-Loup Abbé, Ibid.
46 Alain Girardot, « Genèse et topographie d’un village neuf au xiiie siècle : Lahaymeix (Meuse) », Annales de l’Est, 1, 1993, p. 3-16. et « Chartes de franchise, remodelage des terroirs et métrologie : le cas lorrain », Henri Trauffler (sd.), Le pouvoir et les libertés en Lotharingie médiévale, op. cit., p. 79-93.
47 Notum sit universis tam futuris quam presentibus quod ego Hugo, comes Wademontis, novam villam de Dommart de propria hereditate mea constitui et Friderico duci Lotharingie et marchione et /02/ heredibus suis terciam partem ejusdem ville super omnibus proventibus et redditibus et forisfactis et commodis in omni usu infra metas dispositas, dedi et contuli, perpetuo quiete possidendum. Voir Jean-Baptiste Renault.
48 Jean Peltre, Recherches métrologiques sur les finages lorrains, Lille-Paris, 1975, p. 481-486.
49 Alain Girardot, « Charte de franchise… », op. cit.
50 Châtel compte encore 64 ha de vigne au xixe siècle et 20 de vergers et jardins, Léon Louis et Paul Chevreux, op.cit., p. 88.
51 Cf. note 27.
52 Alain Girardot, « Chartes de franchise… », op. cit., p. 85.
53 D’après la charte de franchise, elles sont distribuées à tous nouveaux bourgeois en échange d’une redevance qui varie selon qu’elles sont défrichées ou à défricher « In terra quę jam culta est de duodecim gerbis duas habebo ; in terra quę in nemore extirpatur, de quatuordecim gerbis duas tantum habebo. Tantum terrę unicuique burgensi dabitur que in ea serere possit unum modium blady ad mensuram Bellimontis ».
Auteur
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Charles Kraemer
Ingénieur de recherche HISCANT-MA - EA 1132 Université Nancy 2
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