Avant-propos de 1983
p. 17-18
Plan détaillé
Texte intégral
1Ce premier numéro de la série de prépublications « Territoires » n’est pas le manifeste d’une nouvelle école de la pensée en sciences sociales, mais il se veut l’annonce d’une nouvelle approche de certaines questions communes aux diverses sciences sociales, et le reflet de recherches qui se croisent au Laboratoire de sciences sociales de l’École normale supérieure.
2Il comprend deux parties distinctes : un texte de Marcel Roncayolo, traduction de l’article « Territorio » paru dans l’encyclopédie Einaudi1, et une série de remarques suggérées par ce texte aux participants du séminaire de recherches tenu à l’École normale supérieure. Cette structure est à l’image des séances de travail de ce séminaire pluridisciplinaire, où des articles et des communications sont soumis à la critique de chercheurs issus de disciplines différentes, et servent de point de départ à une confrontation des points de vue sur un objet d’intérêt commun.
3La première séance, inaugurale à tous égards, a porté sur ce texte, qui s’y prête particulièrement bien puisqu’il aborde un grand nombre de thèmes sensibles pour plusieurs des disciplines représentées. Il est donc significatif de la méthode choisie et s’est révélé fécond en ce qu’il a attiré des critiques, amené des demandes ou des offres de compléments, ouvert des voies de recherche que d’autres séances exploreront. En ce sens, il est beaucoup plus un point de départ qu’un aboutissement, et il nous est apparu qu’un foisonnement de questions surgissait à chaque pas.
4Un fil directeur apparaît pourtant, qui peut nous guider dans ce labyrinthe : le territoire dont nous parlons tous est un espace socialement construit, en un temps et un lieu donné, par une société donnée. Ce thème fédérateur, qui est ce qui nous rassemble, est la raison d’être de cette recherche et de la série de publications qui la porte. Mais dire cela, c’est plus poser de nouvelles questions que donner un guide commode : construit par qui, pour qui, pour quoi faire ? S’il est construit, peut-il être altéré, déplacé, détruit ?
5 On conçoit donc bien qu’il y ait là matière à de nouvelles recherches, qui ne peuvent être que pluridisciplinaires, non pas pour satisfaire à on ne sait quelle demande ou quelle mode, mais, par essence même, sans quoi elles ne peuvent aboutir ni même commencer.
6L’espace, considéré comme construction sociale, comme enjeu et trace des relations sociales, est donc au centre de nos préoccupations. Aborder un certain nombre de nos questions familières, sous cet angle et sous le regard de chercheurs dont les points de référence sont autres, amène à les reposer et à les approfondir, à remettre en question de vieilles certitudes qui n’étaient parfois que des habitudes.
7De surcroît, il apparaît vite que les rencontres par-dessus les barrières des disciplines ne sont pas fortuites et que certains thèmes sont communs, sans qu’elles le sachent toujours, à plusieurs d’entre elles. Autour de quelques-uns d’entre eux, des accords se sont faits spontanément, et il est arrivé plus d’une fois qu’à l’usage on se rende compte que, si des points communs existaient, chacun ignorait largement les apports de l’autre sur la question. Inversement, il est parfois apparu que, sous un même mot, on mettait un ensemble de questions et de réponses tout à fait différentes de chaque côté, et la découverte du désaccord a ouvert à chacun des perspectives insoupçonnées.
8La question du territoire, lieu commun aux disciplines des sciences sociales – et à quelques autres qu’on ne range pas habituellement sous ce terme – est donc un des biais les plus appropriés pour aborder des problèmes fondamentaux des sociétés et de leurs espaces, et un des plus susceptibles de donner lieu à des fertilisations croisées qui sont la raison d’être de la pluridisciplinarité. À ce titre, la recherche dont cette série rendra compte répond bien à la vocation du Laboratoire de sciences sociales de l’École normale supérieure, dont la vocation est la formation (initiale et continuée) par la pratique simultanée de diverses approches scientifiques, trop souvent séparées et qui ont tout à gagner à se fréquenter.
Notes de bas de page
1 Enciclopedia Einaudi, Turin, Einaudi, 1981, t. XIV, p. 218-243.
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