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Pastiches et parodies

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Elsa Courant

Grands romantiques

Dans une page de Jules Michelet

Texte intégral

À la manière de Jeanne d’Arc

  • 1 « Il seroit bon que Deus ait pardon de moi pour le sanc que j’ai épandu », Annales du couvent de Fo (...)

1C’est ici qu’intervient le document longtemps perdu, et par moi exhumé. Il fut trouvé dans les archives de la bonne ville d’Orléans. Il montre la singulière originalité de la Pucelle, son bon sens mêlé à l’exaltation la plus profonde. Jeanne d’Arc était-elle sainte ? Elle fut Femme aussi, et facétieuse. Pardonnons aux écrits d’une autre sainte, une sœur, qui trouva bon, malgré sa nature femelle, de prendre la plume pour recenser ce haut fait de notre héroïne. Ils nous apprennent ici que, pour être dévote, Jeanne n’en eut pas moins un corps. Après la délivrance d’Orléans, elle trouva bon de visiter le couvent de la ville. « Il faut, dit-elle, demander pardon à Dieu du sang que j’ai versé1 ». Elle portait son armure étincelante ; elle avait beau dos, et profil droit. Tout en elle respirait la rustique candeur, la divine ardeur, la guerrière puanteur. Et ses aïeux la regardaient, fiers et rubiconds ! Braves paysans aux dents noires et aux sabots boueux, que ne se murmuraient-ils pas, du haut des Cieux ! Pourtant, notre Jeanne n’était point orgueilleuse. Elle franchit le seuil du couvent en se recommandant à Jésus. Elle se prosterna dans l’Église, où les sœurs allaient à confesse. L’une, la voyant ainsi agenouillée au pied de l’autel illuminé, dit à une autre « Quel est ce jeune homme à la longue épée ? Il m’émeut. Il périra sans doute : c’est écrit dans ses yeux. » Ah, c’étaient les vierges à présent qui chancelaient devant la Pucelle ! Elle aura eu raison de tout. Admirable France ! Tu es pareille à Jeanne : nul ne résiste devant toi.

  • 2 « Et Jehanne pucelle baisait icelles en pleurant et leur mandant : Aimez-moi bien ! », ibid., p. 54 (...)

2Pour expliquer ce qui va suivre, il faut (j’en demande pardon à la chaste fille qui fait le sujet de ce récit) faire connaître le tempérament particulier propre aux Orléanaises. Les terres calcaires sur lesquelles fut bâtie leur ville leur confèrent en effet une profonde perméabilité aux sensations physiques. Quelques sœurs allèrent voir l’apparent jeune homme, et lui demandèrent de les bénir par un baiser. D’abord étonnée de ces coutumes propres à la sensuelle Beauce, la Pucelle ne faiblit pas, et demanda courage à Dieu. C’est à peine si une charmante rougeur colora ses tempes. Les vierges enhardies demandèrent à toucher sa longue épée. Ici, le manuscrit de sœur Primevère fait défaut, mesquinement raturé, sans doute par un scolastique, serviteur d’une Église hostile à Jeanne et à l’amour. Plus loin, j’arrive péniblement à déchiffrer les mots suivants : « Et Jeanne pleurant les embrassait en leur demandant de bien l’aimer2 ».

3Touchant secret de pucelle ! Jeanne eut pitié des malheureuses. Tout le fond de ce cœur est dans ces actes d’aspect naïf et d’accent profond. Souvenons-nous toujours, Français, que nous sommes nés de la tendresse d’une Femme !

4HB

Notes

1 « Il seroit bon que Deus ait pardon de moi pour le sanc que j’ai épandu », Annales du couvent de Foulilaisse par la sœur Primevère, 1435, t. III, p. 548.

2 « Et Jehanne pucelle baisait icelles en pleurant et leur mandant : Aimez-moi bien ! », ibid., p. 549.

© Éditions Rue d’Ulm, 2016

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