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Pastiches et parodies

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Elsa Courant

Paroles de philosophes

Dans une facétie du baron d’Holbach*

Texto completo

À la manière de l’Essai sur l’art de ramper

Décembre 1790 Facéties philosophiques tirées des manuscrits de feu M. le baron ***. Essai sur l’art de bêler, à l’usage des partisans

  • * Condamné aussi bien par l’Église que par Voltaire qui critique le style de l’ouvrage et ses positio (...)

1L’homme de parti est sans contredit des hommes l’espèce la plus difficile à démêler. Il a deux bras, deux jambes, un chef ; & tout cela n’est pas à lui. C’est un automate ; qui, loin d’avoir une pensée, a toutes celles qu’on lui veut donner : il doit n’être d’aucun avis, avoir celui de tous ; toujours parler, & ne rien dire : Il ouvre la bouche, on parle à travers lui. En effet, il n’a rien en propre sinon que d’aller toujours en compagnie : est-il seul, qu’il est accompagné ; on pensait voir un homme, on trouve une assemblée : Il n’a d’esprit qu’on n’ait pour lui & de parole qui ne soit d’autrui. Son âme oublie son cœur qu’ignore son art : c’est une merveille industrieuse d’ethocratie. D’ailleurs, il s’appartient si peu lui-même que ses passions sont prodiges, avec cette différence qu’elles sont mesquines : il s’enflamme sans s’émouvoir, méprise bonassement, enrage avec le plus grand calme. La Nature a mis au fond de l’homme une vanité prompte à se piquer ; la Raison la combat ; la Religion l’humilie : Lui est si peu lui-même qu’il ne s’émeut de rien ; ses passions & son âme lui viennent d’autrui : il a celles de son parti. C’est pourquoi, s’il n’entre en aucune taxinomie, les philosophes l’ont cependant rangé parmi la société bêlante ; sa manière habituelle est néanmoins de braire.

2Rien n’est plus chimérique que cet état de Nature que d’aucuns défendent impudemment ; la Nature, voulant la Société, a donné à l’homme les moyens de son bien-être : l’intérêt & le besoin le conduisent à la Sociabilité : le nôtre s’y applique si bien qu’il en aime moins ses associés. La Société doit le bonheur à ses Membres, pour être l’instrument du leur ; il pense ne lui rien devoir, en veut tous les bienfaits. Aussi le grand art du partisan, & le seul véritable, est-il d’être tout entier à sa faction ; & si loin de lui-même qu’il s’étrange à l’occasion plus entièrement : L’unité fait tout, dit-il ; qu’on lui reconnaisse son génie : Qui distingue, dissous ; il ne veut que se distinguer : Voici ma pensée ; il n’a pourtant rien dit.

3L’Homme policé, oublieux de la Nature, & porté par une opinion d’autant plus ferme qu’elle est plus fausse ; se farcit la tête de si nombreuses chimères & autres systèmes qu’il dévide à phantaisie : Le troupeau de ses idées réclame un berger ; il s’acoquine ; l’esprit de parti l’anime. Combien d’abnégation, d’humilité chez lui ! Il lui faut beaucoup ramper, parfois ruer ; toujours aller au pas. En un mot, c’est un mouton spirituel qui ne dit rien de ce qu’il pense pour la raison qu’il ne pense rien ; c’est ce qui le sauve.

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Notas finales

* Condamné aussi bien par l’Église que par Voltaire qui critique le style de l’ouvrage et ses positions antithéistes, le Système de la nature, paru sous un pseudonyme en 1770, constitue un tournant de la pensée philosophique occidentale, défendant des conceptions résolument matérialistes, fatalistes et athéistes. Mais c’est peut-être autant par ses facéties philosophiques, publiées de manière posthume, que par le Système que d’Holbach nous parle encore ; la plus connue, son Essai sur l’art de ramper, critique avec humour l’abnégation de cet être de paraître qu’est le courtisan, mais aussi l’ordre politique qui le justifie. (NdE)

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