Version classiqueVersion mobile

Pastiches et parodies

 | 
Elsa Courant

L’école des fables

Le Fermier empoulaillé

Texte intégral

Maître Renard était, comme à son ordinaire,
Occupé à flairer quelque nouvelle affaire.
Notre maître chanteur, grand immoleur de poules,
Reniflait la gent qui roucoule
À mille lieues et plus de leur grand forteresse.
De Fortune il avait parfois vu la rudesse,
Et lui avait d’ailleurs cédé un bout de patte.
Mais rien n’avait raison de ses goûts psychopathes.
Armé de son vieux luth, notre Orphée va chercher
Aventure aux abords d’un nouveau poulailler.
« Eurydice ! siffle-t-il, viens
Ô poule enchantée !
Tes charmes me transportent et je suis à tes pieds.
Donne-moi donc ton cœur et tu auras le mien,
Ainsi que maintes autres choses. »
Une poule peu fine hors de sa case ose
Tendre une patte, ainsi que l’aurait fait
Helène au temps jadis. Le chanteur eut tôt fait
De lui donner le change.
Ainsi de chaque nuit, à son content il mange
Aux frais du fermier,
Qui s’aperçoit bientôt du vilain stratagème.
Il oit la sérénade à l’heure habituelle : « J’aime,
Sublime race aviaire, sous la lune à tes pieds
Déposer mots d’amour et serments éternels ».
Tantôt Guyau s’affaire et revêt un panel
De plumes bien choisies parmi les blanches poules.
Afin de les fixer, dans la graisse il se roule,
Et tel le blond Icare, au perchoir il se hisse.
Entre son clair plumage il glisse
Le canon affuté d’un instrument de guerre.
« Allons, poulette, sors,
Et ne fais point la fière. »
Le fermier met dehors
Une patte velue,
Et le fusil par dessus.
Je vous laisse à juger de ce qu’il en advint.
Mais enfin,
Goupil fut bien puni
De ses nuits sans sommeil.
À Renard imprudent, je n’ai que ce conseil :
Point ne faut abuser de même tromperie.
EC

© Éditions Rue d’Ulm, 2016

Licence OpenEdition Books

Acheter

Volume papier

leslibraires.fr
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search