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L’Invention de l’autobiographie d’Hésiode à saint Augustin

 | 
Marie-Françoise Baslez
, 
Philippe Hoffmann
, 
Laurent Pernot

Deuxième partie. Le moi dans l’histoire et dans les documents politiques

Les Res gestae d’Auguste, ou les nuances de l’égotisme politique

Jean-Marie André

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  • 2 Faute de citer toutes les éditions, traductions et commentaires, de valeur inégale, depuis Mommsen (...)
  • 3 Les trois volumina accompagnant le testament déposé chez les Vestales en 13 étaient (Suétone, Aug., (...)
  • 4 H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae, Stuttgart, Teubner, 1967, t. II, p. LXXI. Cf. infra.

1Les Res gestae d’Auguste2 contiennent, dans le cadre d’un mémorial politique, une autobiographie épisodique, radicalement distincte de l’autobiographie proprement dite : il s’agit du De uita sua, scellé en 13 de notre ère avec l’ensemble des documents testamentaires, politiques ou privés3 : ils ont été, en même temps que les Res gestae, confiés à Calpurnius Piso, le collègue du prince au consulat. Le mémorial politique ne saurait sans artifice être dissocié d’une autobiographie4 qui s’arrête en – 25, à la guerre des Cantabres, et qui éclaire la naissance du princeps et de son régime, dans le contexte trouble de la seconde guerre civile.

  • 5 L’aspect de « manifeste » du régime augustéen a parfois été retenu, cf. E. S. Ramage, The Nature an (...)
  • 6 J. Gagé, Res gestae…, p. 24-25.
  • 7 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, Paris, Payot, 1974, p. 92 (les « grandes manœuvres de la propagan (...)

2Document à la fois justificatif et paradigmatique5 – même s’il ne contient pas de directives posthumes –, le monument d’Ancyre, gravé et planté à l’entrée du Mausolée, était initialement destiné au peuple de Rome, à l’Empire et à la postérité6. Il doit être réinséré à la fois dans son cadre synchronique et dans sa tradition diachronique. La synchronie projette sur l’œuvre, avec un certain décalage, l’éclairage superficiel d’une guerre des libelles et des pamphlets qui s’est déchaînée entre Octaviens et Antoniens : Antoine se justifiait de son « ivrognerie » ; Mécène, cruellement égratigné, de sa mollesse « toscane » ; Octave n’avait été épargné, ni dans sa vie privée, ni dans son rôle de proscripteur7.

  • 8 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 219 (« Aristokratische Familientraditionen… Leichenrede (...)
  • 9 Résumé dans J. Gagé, Res gestae…, p. 25 sq.

3La tradition diachronique, qui apporte une interprétation plus profonde, permet de situer les Res gestae dans leur fonction sociopolitique et dans la dévolution des divers « genres » autochtones de la littérature politique, scripturale ou épigraphique8. Or il est difficile d’enfermer l’œuvre dans des catégories nettement tranchées, trop nettement parfois, comme l’inscription funéraire, ou le « compte rendu d’activité »9. La seule évidence demeure négative : c’est que, malgré les polémiques enfiévrées de la République finissante, le Mémorial fait fort peu de place à l’invective et à la polémique. Ce silence aussi sera révélateur.

  • 10 Le genre judiciaire semble avoir donné au Mémorial sa dimension d’apologie, initiale et brève (prol (...)
  • 11 Voir R. Ullmann, La Technique des discours dans Salluste, Tite-Live et Tacite, Oslo, J. Dybwad, 192 (...)
  • 12 Cicéron, De Or., II, 341-348. Sur le genus demonstratiuum romain avant Auguste, voir aussi Rhet. He (...)
  • 13 De Or., II, 341.
  • 14 Dion Cassius, Hist. rom., LVI, 35 à 41. Le rappel des acta se fait selon un plan diachronique : les (...)

4Qu’il s’agisse d’invective ou d’éloge, l’eloquentia romaine joue un rôle important, dans la multiplicité de ses fonctions, et aucun des trois genera10 n’est en dehors du débat. Les catégories morales du genre délibératif : le iustum, le pium, l’utile politique, et autres topiques de la démégorie11, peuvent jouer pour justifier rétrospectivement les choix politiques, consilia et acta. Tout un édifice de valeurs sociologiques et morales, codifiées par la rhétorique, sert également de cadre au genre « démonstratif ». La tradition romaine, adaptant le genre épidéictique de la Grèce, tente de le concilier avec la tradition nationale. Cicéron, qui en a fait la théorie, dans le De oratore12, a noté que la laudatio est du ressort de l’orateur, comme exercice du forum, mais que la tradition romaine ancienne la limite à la contio funebris : elle implique une norme, testimonii breuitatem nudam arque inornatam13 Les Res gestae, au-delà de la littérature triomphale à vocation posthume, appelleront des rapprochements bilatéraux : avec l’éloge funèbre d’Auguste par Tibère14, chez Dion Cassius, pour les « topiques » ; avec le De uita sua, pour la technique de la narratio, sélective et probatoire.

  • 15 Plutarque, Compar. Dem. Cic., III.
  • 16 Notamment par Suétone, cf. H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae (HRR), II, LXXIII, 1914 ; Pli (...)
  • 17 Plutarque, Cicéron, XLV ; Brutus, XXVII, Appien, Bell. civ., V, 42.
  • 18 Voir les travaux classiques de F. Leo, Die griechisch-römische Biographie nach ihrer litterarischen (...)
  • 19 Notamment l’aveu d’une certaine origine équestre (fr. 1), la foi dans le surnaturel césarien (fr. 4 (...)
  • 20 Essentiellement les secrets de la guerre de Pérouse et l’élimination de Lucius Antonius (fr. 11, Ap (...)
  • 21 Peter, fr. 14.

5L’autobiographie, en treize livres, dédiée à Mécène et Agrippa15, pour des motifs que les Res gestae sont susceptibles d’éclairer, a été souvent consultée par les historiens comme témoignage primaire sur les faits16. Plutarque et Appien en ont conservé des extraits17, ce qui montre bien que le prince répondait à des polémiques sur sa « montée ». Éclairant les acta par l’ingenium – selon une recette de la biographie hellénistique18 –, l’œuvre contenait des confidences personnelles que l’auteur du mémorial, en représentation devant la ciuitas et devant l’histoire, ne pouvait guère expliciter19. L’apologie pour la stratégie suivie en 43, l’année de tous les revirements et de toutes les duplicités, avec ses « ténébreuses affaires »20, et, d’une manière générale, les dessous de la « grande politique », semblent avoir dominé les extraits qui nous ont été conservés, en même temps que des polémiques rétrospectives contre les vaincus d’Actium21.

  • 22 Communication résumée dans REL, no 14, 1936, p. 33-34.
  • 23 Ibid., p. 33.
  • 24 Pour le schéma architectural, voir W. Wili, Horaz und die augusteische Kultur, Bâle, Schwabe, 1948, (...)
  • 25 Geschichte der Autobiographie, p. 219. Le problème des falsifications nobiliaires a été étudié par (...)
  • 26 Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL), I, 2 : Énée est présenté comme fils de Vénus et Romulus comme (...)
  • 27 Éd. M. Durry, CUF, p. 5 sq. : on note une composition en triptyque : – une narration des acta, dans (...)
  • 28 Cf. supra.
  • 29 Notamment dans RG, XXXIV, 2, pour les vertus du clupeus aureus.
  • 30 CIL, Tituli hominum nobilium, Scipionum Elogia, p. 323 sq., et G. Misch, Geschichte der Autobiograp (...)
  • 31 Suétone, Aug., XXXI, 8 : la mention des statues triomphales implique la conservation des tituli, re (...)

6J. Gagé, résumant tout un débat sur le « genre »22, attachait une grande importance au genre littéraire des Res gestae triomphales et à ses thèmes. Le genre est aussi varié que le rituel du triomphe : il va « des lettres “laurées” de l’imperator au Sénat à son discours-récit justificatif in contione, des tituli portés dans le cortège inter fercula aux inscriptions gravées dans les temples dédiés ex manubiis ou sur les trophées monumentaux ». Outre les victoires et les « pacifications », I’imperator détaille les largesses financées par les manubiae, en même temps qu’il mentionne le bienfait collectif de la paix victorieuse. J. Gagé concluait que « les divers thèmes des Res gestae, lorsqu’ils se trouvent systématiquement réunis comme dans l’écrit testamentaire d’Auguste, composent une “architecture triomphale” comparable à celle des bas-reliefs sur un arc de triomphe23 ». On a fait les mêmes rapprochements pour le lyrisme triomphal et apologétique des Odes romaines24. Aux genres fonctionnels du triomphe, il convient d’ajouter les tituli des statues, arrangés souvent par l’aristocratie, désireuse de monopoliser la mémoire triomphale de la Cité : G. Misch l’a noté25. À l’époque, les tituli des statues du Forum d’Auguste exaltent la généalogie divine de la gens Iulia, absente des Res gestae26. Au genre de la laudatio funebris, qui encadre les acta dans un traité des vertus exemplaires, et qu’illustrent à l’époque et la laudatio turiae27 et l’éloge d’Auguste par Tibère28, le mémorial doit des procédés subtils d’apologie personnelle29. Enfin la littérature triomphale se prolonge pour l’éternité dans les elogia sépulcraux : ceux du Tombeau des Scipions30, exaltation d’une gens, rejoignent les elogia du Forum d’Auguste, qui font de la gloire des imperatores le legs de la continuité romaine et un vivant exemple d’héroïsme civique31.

  • 32 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 253 : « die geistige Bewegung der Scipionenzeit ». Cf. (...)
  • 33 Cicéron, Ad Fam., XV, 1-4. Voir M. Rambaud, Cicéron et l’histoire romaine, Paris, Les Belles Lettre (...)
  • 34 Voir H. Malcovati, Oratorum Romanorum Fragmenta Liberae Rei Publicae, 2e éd., Pavie, 1953, XXXII, p (...)
  • 35 Salluste, Bel. Jug., LXXXV, 6-33, passim.
  • 36 Bel. Jug., LXXXV : si Marius ne peut exhiber « portraits, triomphes ou consulats d’ancêtres » (§ 23 (...)
  • 37 J. Gagé, Res gestae…, p. 17-21.

7La « littérature triomphale », ce que l’on oublie un peu, ne constitue pas uniquement un message posthume. Elle ponctue aussi la progression du cursus, en faisant de la gloire militaire, comme des Romani mores, un ressort privilégié du charisme. Cette autobiographie « démonstrative », à portée électorale, met en relief, à partir du siècle des Scipions, la personnalité ambitieuse et conquérante32. Il convient d’interpréter ainsi les lettres-comptes rendus envoyées par Cicéron de Cilicie33 ; elles ont la même fonction que l’apologie autobiographique du vieux Caton : le discours De suis uirtutibus contra L. Thermum post censuram de 18334. Caton ne sculpte pas son image pour l’éternité ; il ne prétend pas magnifier une retraite définitive. De même, quelques décennies avant Cicéron, le discours – apologie de Marius, dans le Jugurtha sallustien35, se présente comme un manifeste électoral justifié par un traité des vieilles vertus romaines et plébéiennes36. Il n’est pas évident qu’Auguste, dans les premières rédactions du mémorial, ait visé un autre but que d’écarter les procès en tyrannie, et de soutenir un programme de continuité – ainsi dans la crise de 23 avant J.-C.37.

  • 38 Théorie dans Cicéron, De inu., I, 22 : … alteram, in qua rerum earum, de quibus erimus dicturi, bre (...)
  • 39 Cicéron, De Or., I, 56-57 (les loci moraux et les vertus). Id. II, 340.

8Dans le cadre large du genre « démonstratif », la partitio38 narrative joue un rôle aussi important que les topiques moraux, dont la rhétorique d’imprégnation philosophique se vante de posséder les secrets à la fin de la République39.

  • 40 J. Gagé, Res gestae…, p. 72-73.

9Un problème de diuisio se pose de prime abord, car le plan grec binaire (en praxeis et dôreai) résume, ou systématise, un libellé latin plus flottant et plus pompeux : … quibus orbem terrarum imperio populi Romani subiecit et impensarum quas in rem publicum populumque Romanum fecit… Le titre qui précède les copies provinciales ne correspond guère à la tripartition réelle : honores… dona… bella40.

  • 41 J. Gagé, Res gestae…, p. 13-16 ; E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p (...)
  • 42 J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, Paris, Faculté des Lettres et Sc (...)
  • 43 Sur les théories divergentes concernant le prooemium, J. Martin, Antike Rhetorik, Technik und Metho (...)
  • 44 Chap. III, 1 : Bella terra et mari ciuilia externaque toto in orbe terrarum saepe gessi uictorque o (...)
  • 45 J. Ernesti, Lexicon, p. 306 (la probabilis narratio).

10En fait, Mommsen, Gagé, Ramage41 s’accordent à distinguer ces trois parties : 1-14, honores ; XV-XXIV, liberalitas ; XXV-XXXIII, res militiae gestae. La dissociation des parties I et III se justifie parfaitement par l’opposition, traditionnelle dans l’annalistique, du domi et du militiae42. Encore faut-il détacher le prologue abrupt sur les guerres civiles – sorte de principium a re43 – dans I et II : cette brève epitomê englobe les guerres civiles dans un grand dessein politique, la vengeance du père assassiné, la « libération » de l’État, et une évocation de la victoire généreuse44, qui prélude au pacifisme œcuménique du chapitre XIII. La dissociation de 1-111 et de IV-XIV s’impose d’autant plus que les Res gestae se veulent l’histoire d’une prise de pouvoir légale, aboutissant, dans la continuité, à une mutation politique. Dans ces conditions, il est normal que l’histoire politique, relation « probatoire », apologétique, se distingue de la relation purement narrative des bella : le cursus requiert une présentation « vraisemblable »45, alors que les acta militaires parlent d’eux-mêmes ; simplement, l’accumulation, substitut de l’amplification, imposera l’image d’une domination œcuménique crainte et respectée.

  • 46 Les chroniques contemporaines vont dans le sens des RG, III, où le vieil empereur atténue son passé (...)
  • 47 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 19.
  • 48 Ibid., p. 38 sq., II. Res publica and Imperium. Pour RG, XXIV-XXXV, voir infra.

11Si la dissociation du « civil » et du « militaire » se justifie pleinement, et si le cursus s’enchaîne sur la chronique – estompée46 – des guerres civiles en fonction des règles oratoires, on a pu incriminer comme un défaut de composition la postposition des chapitres XXXIV-XXXV47. Or on peut y voir, dans ses maquillages même, le fronton d’un édifice républicain, la définition d’un « principat » qui résume l’entreprise politique et militaire, autour de la res publica et de l’imperium populi Romani. Cette espèce de sphragis, et elle seule, a une fonction paradigmatique ; elle a valeur de message48.

  • 49 Octave étudiait la rhétorique à Apollonie, sous la férule d’Apollodore de Pergame selon Suétone, Au (...)
  • 50 Cicéron, De Or., II, 51-64 ; Leg. I, 1, 4.
  • 51 Voir infra la stylistique de l’homme d’action.
  • 52 Notamment dans RG, VIII, 5 (l’homme des exempla maiorum) et XXXIV, 2 (l’incarnation des quatre vert (...)

12La présentation de la diuisio et de la partitio a fait apparaître, chez un prince qui a fait sa rhétorique49, une rigueur « historiographique », une netteté canonique, qui procèdent des préceptes de l’eloquentia historiographique cicéronienne50. Même les normes de la biographie hellénistique semblent avoir été subtilement adaptées, notamment le dosage entre les praxeis, qui dominent51, et l’êthos, épisodique et implicite52. Au confluent des genres « triomphaux » et des genres historiographiques, marqués les uns et les autres par la rhétorique, Auguste a construit un testament politique à la première personne, qui pose le problème du moi politique, voire de l’égotisme, dans les mentalités et dans la littérature politique de Rome.

  • 53 E. Norden, Die antike Kunstprosa, I, Leipzig-Berlin, Teubner, 1898.
  • 54 R. Syme, Roman Revolution, Oxford, Clarendon Press, 1939, p. 484. Pour la laudatio d’Agrippa, voir (...)
  • 55 I. Bruns, Die Persönlichkeit in der Geschichtschreibung der Alten. Untersuchungen zur Teknik der an (...)

13Les recherches sur la signification littéraire du Mémorial, sur son genre comme sur son style – en relation avec une eloquentia qui est à la fois le ressort de l’art oratoire et de la technique historiographique – ont été relativement tardives avant les travaux de J. Gagé. C’est ainsi qu’E. Norden ignore le document53, et n’évoque pas l’imperatoria breuitas, sans doute héritage césarien, que R. Syme y a décelée, avant l’invention de la laudatio d’Agrippa54. I. Bruns ne fait pas preuve d’une plus grande curiosité55.

  • 56 The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 17-37 : I. Organization, Rhetoric and Reliabi (...)
  • 57 Ibid., 3, p. 28 : Emphasis and precedent : la rhétorique des exempla reste très romaine (les exempl (...)
  • 58 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 32 sq. (libertas et légalisme).

14Une fois le Mémorial situé dans les genres de la littérature politique, une synthèse récente d’E.S. Ramage comble la lacune, en proposant une sorte de stylistique politique des Res gestae56 ; elle repose sur des recensements lexicographiques probants, dont l’étude tire un certain nombre de déductions psychologiques fort intéressantes. Sensible à la « rhétorique » de l’œuvre57, l’auteur dégage bien les procédés de construction d’une autobiographie politique de caractère apologétique58, et apporte des éléments stylistiques au débat sur la « personnalité » d’Auguste, avec des corollaires implicites ou explicites sur la sincérité historiographique et la déformation égocentrique.

  • 59 Ibid., p. 21-28 : en fait, toute cette section associe étroitement les ruses de la grammaire et le (...)

15Dans le cadre d’une diuisio tripartite, traditionnelle et évidente, E. S. Ramage attache une importance particulière au maniement de la première et de la troisième personne59.

  • 60 Ibid. p. 21 et n. 23.
  • 61 Ibid., p. 22.
  • 62 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, Bâle, Fr. Reinhardt, 1953, p. 137 sq(...)
  • 63 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 22-23.
  • 64 Ibid., p. 23 sq. : il est exact que le prince oscille entre la formulation monarchique (clussis mea (...)
  • 65 Voir plus bas les problèmes de I’imperium maius.

16Appuyée sur des dépouillements exhaustifs du matériel lexicographique, verbe, pronom, adjectif, l’analyse montre l’homme d’action dans les premiers chapitres, « homme d’action militaire et triomphateur60 » ; le catalogue des honores révèle (IX-XIV) la prédominance de la troisième personne61. Insistons sur le fait que dans cette section la concentration des titres et honneurs sur le prince, marquée par les pronoms et adjectifs, constitue une ruse de présentation, l’égocentrisme se masquant en convergence centripète. Encore faudrait-il lier le constat au processus de la recusatio62. C’est dans la deuxième section (XV-XXIV) que triomphe la première personne, celle du généreux donateur, qui accumule les verbes de gratification, et dont les adjectifs rehaussent la liberalitas63. Or le bilan militaire (XXV-XXXIII) trahit un habile usage de la première personne, celle du vainqueur (pacaui, auxi, pacificaui), et de la troisième personne des forces engagées (iurauit, depoposcit, iurauerunt)64 ; ajoutons que ce qui était pur bilan numérique dans le chapitre III, 3 devient ici couverture constitutionnelle (XXV-XXVI). On pourra se demander si cet égotisme militaire recoupe les problèmes de l’imperium et l’évolution du triomphe romain65.

  • 66 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 24 : recensements de la formule
  • 67 R. Syme, Roman Revolution, p. 524.

17L’analyse de la section militaire et diplomatique fait apparaître pour cette dernière l’évolution de l’« homme d’action » volontaire et dominateur en arbitre universel, vers lequel convergent toutes les ambassades (ad me66 est un leitmotiv). Notons enfin que la terminologie employée (dux, princeps, pater patriae) – celle de R. Syme dans la Révolution romaine – souligne les lignes de force de la promotion67.

  • 68 Le serment de l’Italie et des provinces, spontané (RG, XXV, 2-3) prélude, dans XXXIV-XXXV, aux mani (...)
  • 69 Synthèse rapide dans J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 99-107 (avec bibliographie partielle). Su (...)
  • 70 Ann., I, 9 : la version « officielle ».

18Dans les ruses de la stylistique politique, les chapitres XXXIV-XXXV du Mémorial, fronton républicain d’un édifice monarchique, méritent de retenir l’attention : l’usage alterné du verbe actif et du verbe passif, de la première et de la troisième personne, permettant de doser l’initiative personnelle et le consensus, sénatorial et populaire68 : Auguste n’est actif que dans le scrupule républicain des fausses abdications, et passif dans la réception quasi obligée des distinctions. Ces chapitres accréditent, par la formulation même, une dyarchie qui domine la propagande augustéenne69. Dans ces conditions, le bilan global du principat à la première personne (… Post id tempus… auctoritate praestiti, potestatis autem nihilo amplius habui…) n’est que la forme assertorique du républicanisme : on rejoint le bilan politique, vraisemblable mais fallacieux, proposé par le Tacite des Annales70.

  • 71 Velleius Paterculus, Hist. rom., II, 127, 3 ; Tacite, Ann., VI, 8, 2.

19La concision volontaire, poussée jusqu’à la sécheresse artificielle et à la semi-obscurité, tend à la fois à projeter une image officielle du prince et à justifier des omissions délibérées, notamment dans le domaine des « collaborateurs », des principalium onerum adiutores, dont parlent Velleius et Tacite71. Ainsi, dans la dialectique complexe de l’imperium maius, de l’auctoritas principis, de la moderatio et de la ciuilitas, se dégagera une puissante personnalité politique.

  • 72 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 289.
  • 73 Voir supra.
  • 74 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 229-233 (Die romischen Grabschnften) : CIL, I, 2.
  • 75 RG, II, 1 : Qui parentem meum interfecerunt…
  • 76 RG, X, 2 : … sacerdotium, quod pater meus habuerat…
  • 77 Sur ce titre, voir J. Gagé, Res gestae…, p. 97.
  • 78 Voir RG, XIV, 1, la formule honoris mei causa.

20Ainsi s’explique que le moi personnel, le moi le plus intime transparaissent avec parcimonie, bien que la tradition républicaine associe, pour la justification des acta, et depuis longtemps, l’exaltation orgueilleuse du moi72 et le civisme romain – la res publica, le mos maiorum ; que l’on se reporte aux discours de Caton et de Marius73, ou à telle épitaphe à la première personne du tombeau des Scipions74. Dans le Mémorial, seules les sections I et II sont marquées par quelques moments de sincérité individuelle : si l’allusion aux « assassins du père »75 reste neutre, tout comme le rappel du grand pontificat de César76, non héréditaire, on relèvera, dans le chapitre XIV, sans amplification artificielle, le lancinant regret du paterfamilias affligé : … Filios meos, quos iuuenes mihi eripuit Fortuna Gaium et Lucium Caesares… ; et encore cette brève mention situe-t-elle le souvenir des « princes de la jeunesse »77 dans une perspective politique : héritiers désignés, bénéficiaires d’une investiture quasi dynastique, ils apparaissent, ici et dans la section « évergétique », comme le prolongement de la personnalité politique du princeps78.

21 Pour les autres proches, les omissions ou prétéritions flagrantes retiendront l’attention.

  • 79 RG, XXI, 1.
  • 80 RG, VIII, 4.
  • 81 RG, XII, 1 ; id. XVI, 2.
  • 82 Voir RG, IV : acceptation limitée des triomphes, mais multiplication des supplicationes pour les ac (...)
  • 83 RG, XXVII, 2. Sur l’ensemble de la politique orientale et le rôle de Tibère, M. A. Levi, Il Tempo d (...)
  • 84 RG, XXX, 1.
  • 85 J. Carcopino, « La véritable Julie », Passion et politique chez les Césars, Paris, Hachette, 1958, (...)
  • 86 RG, XXIX, 2 ; Suétone, Tib., IX. Cf. J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 175.
  • 87 Suétone, Tib., XXI, 3 et XXIII, 3 (le début du testament) ; ici, la formule même… Quoniam atrox For (...)

22Dans le cercle de la famille étroite, Auguste n’a mentionné son gendre Marcellus que pour l’inauguration du théâtre dédié à sa mémoire79. Tibère, le fils adopté tardivement et héritier désigné, est cité pour le recensement de 14 après J.-C.80, comme éponyme de l’année 13 avant J.-C.81 (date du retour victorieux). Le prince a quelque peu partagé avec lui la gloire militaire du règne. La chose est remarquable, compte tenu du monopole triomphal instauré au profit du chef82. En effet, les Res gestae rappellent la remise de l’Arménie à Tigrane en 20 avant J.-C., en citant Ti. Nero, qui « était alors mon beau-fils83 ». Souci de la précision, ou malice ? Même mention, dans le chapitre XXX, du rôle de Tibère en Pannonie : le général est qualifié de « beau-fils » et de « légat »84. Or à la fin de la campagne Tibère avait épousé Julie85. En revanche Tibère n’est pas cité pour la récupération des enseignes de Crassus sur les Parthes, alors qu’il est manifestement sculpté sur la cuirasse de Prima Porta86. À l’égard de l’héritier de pis-aller87, le Mémorial ne laisse filtrer aucun sentiment personnel, ni même les projets successoraux ultérieurs. L’absence d’actualisation a-t-elle un sens ? Dans le petit jeu des mentions et des omissions, qui n’est pas gratuit, on notera le silence sur Mécène et la portion congrue accordée à la mémoire d’Agrippa.

  • 88 J.-M. André, Mécène. Essai de biographie spirituelle, Paris, Les Belles Lettres, 1967.
  • 89 L. Koenen, « Die “laudatio funebris” des Augustus für Agrippa auf einem neuen Papyrus », ZEP, p. 10 (...)
  • 90 K. Hönn, Augustus und seine Zeit, Vienne, Seidel, 1953, planche 29 ; J. J. Bernouilli, Römische Iko (...)
  • 91 J.-M. André, p. 65-66 (les thèses de R. Syme et R. Avallone).
  • 92 Horace, Odes, IV, 8, 13.

23L’omission de Mécène ne saurait s’expliquer par la date de sa mort, en 8 avant J.-C.88 : il a survécu à Agrippa, dont Auguste a prononcé la laudatio, naguère partiellement retrouvée89. La mort n’est pas motif à radiation épigraphique, ou iconographique : Marcellus le prouve. Mécène semble présent, comme Agrippa, sur la frise solennelle de l’Ara Pacis90. Il est encore vivant en 9 avant J.-C., date de l’inauguration, mais exclu de tout rôle politique, institutionnel ou occulte. Si Mécène est buriné sur la frise, comment justifier le silence des Res gestae ? En 9, on pouvait se souvenir qu’il était l’un des artisans du principat, malgré la ténébreuse affaire de 23-22 avant J.-C.91, alors qu’en 13-14 de notre ère, lors des ultimes retouches, son rôle s’est estompé dans la mémoire contemporaine et dans la lumière de la postérité. On peut dès lors le « gommer » sans choquer la mémoire collective, puisque le favori ne figure guère sur « les inscriptions des marbres publics »92.

  • 93 Sénèque, De Ben., VI, 32.
  • 94 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, BEFAR, no 253, 1984, p. 698.
  • 95 RG, VIII, 2.
  • 96 RG, XXII, 2.
  • 97 CIL, VI, suppl. 32323 (= FIRA, I, p. 274-275) : … facientibus imp. Caesare Augusto et M. Agrippa
  • 98 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 351 sq. et p. 599-602 (les monnaies de la co-régence).
  • 99 Ibid., p. 357 sq.
  • 100 J. Carcopino, Passion et politique chez les Césars, p. 96-97.
  • 101 Suétone, Aug., LXV, 10 et CI, 5.

24Agrippa, associé à Mécène dans une confession célèbre d’ordre privé93, a été en apparence moins maltraité. Aussi bien possède-t-il une riche épigraphie officielle94. Il est cité comme collègue au consulat, en 28 avant J.-C.95, comme Co-auteur du recensement96, comme Coordonnateur des Ludi Saeculares de 17 : … Pro conlegio XV uirorum magister conlegii collega M. Agrippa ludos… feci…97. Pouvait-on faire moins pour un collaborateur mentionné par le sénatus-consulte officiel ?98 Mais Auguste ne dit rien de la « Co-régence », attestée par les monnaies99, ni de la détention de la tribunicia potestas ; il oublie le titre de gendre, alors qu’il aurait pu écrire : … qui tum erat gener meus… Le Mausolée évoque bien le premier gendre, Marcellus100. Outre la tendance d’Auguste à occulter tous les rapports familiaux dépourvus de signification politique et dynastique, le père meurtri et humilié tenait à faire silence sur le second mariage de Julie. N’avait-il pas, par testament, exclu du Mausolée les deux Julies, « ses deux chancres et ses deux fléaux », avant de les rayer du Mémorial ?101

  • 102 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 145 sq. (Memorabilis aedilitas) et p. 159 (Actium). Pour la guerre (...)
  • 103 RG, XXV, 2.
  • 104 RG, XXVII, 3.
  • 105 Cf. supra. L’oubli d’Agrippa, dans RG, XX, 2, n’est pas fortuit, puisque l’Appendice, 3, maintient (...)

25 Dans le cas d’Agrippa, ce qui surprend le plus, c’est l’oubli de son rôle militaire et de son rôle édilitaire102. Évoquant Actium, dans le chapitre XXV, Auguste occulte la bataille décisive derrière le serment de l’Italie, qui investit le dux belli103. Aussi peu innocente la minoration de la guerre de Sicile et de la victoire de Nauloque, en 36 avant J.-C.104 Que dire également du silence observé, dans le chapitre XX, sur l’édilité de 33 et sur la gloire acquise par le plus grand ingénieur militaire du temps, restaurateur des aqueducs ? Frontin a mieux rendu justice à Agrippa105. Les omissions des Res gestae illustrent donc une tendance à politiser la mémoire familiale et la volonté de celer les hontes de la dynastie naissante. De plus, le fondateur entend annexer toute la gloire du temps, dont les artisans ne sont que ses mandataires.

  • 106 À la différence de ce qui était sans doute l’originalité de l’Autobiographie ; cf. infra.

26Il s’ensuit que le moi dynastique, révélateur d’une « révolution », se masque partiellement, en rejetant dans l’ombre la généalogie et les connexions matrimoniales du princeps106. Cette déformation par omission n’exclut pas que le moi monarchique récupère ce que le moi dynastique a sacrifié aux fictions politiques, notamment au « républicanisme ».

  • 107 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 169. Cette tendance à nier le « p (...)
  • 108 R. Syme, Roman Revolution.
  • 109 A. Alfoldi, Oktavians Aufstieg zur Macht, Bonn, Habelt, 1976.
  • 110 Annales, I, 2-10, passim. Le jugement sur le Principat instauré contredit la version des Res gestae(...)

27Le « clan », le « parti », dont les fractures, de 43 à 31 avant J.-C., sont passées sous silence, s’effacent tout naturellement derrière la Respublica107 : cette justification à postériori de l’omnipotence fait du prince le gestionnaire investi – sans aura surnaturelle, en général – et le mainteneur d’un État permanent. Ce n’est pas le Mémorial qui a pu apporter à R. Syme108 ou à A. Alfoldi109 de quoi reconstituer intégralement la « montée d’Octave » : Tacite, qui connaît bien le document officiel, n’en tire à peu près rien dans la rétrospective des Annales110.

  • 111 J. Carcopino, Les Secrets de la Correspondance de Cicéron, Paris, L’Artisan du livre, 1947, t. II, (...)
  • 112 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 153-154.
  • 113 J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, p. 163-177 (doctrine du Moyen Po (...)
  • 114 CIL, I, 2, Tituli hominum nobilium, Scipionum Elogia, p. 373 sq. Cf. G. Misch, Geschichte der Autob (...)
  • 115 Cicéron, De off., I, 33, 121 ; J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, p (...)
  • 116 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 229-233 : CIL, I, 2,6-15. Les épitaphes sont tantôt à l (...)

28Or il n’est pas douteux qu’Octave, le « petit jeune homme » que Cicéron jugeait inoffensif111, ait eu une hyperconscience de son armorial, de son héritage politique, de sa mission. Or il cache habilement le moi monarchique et dynastique, secret, discriminatoire et jaloux de primauté, à I’ombre du moi républicain. Et pourtant les mentalités ont évolué, du collectivisme patriotique ancien, encore visible chez Tite-Live112, au siècle des Scipions ; la compétition romaine pour la dignitas, justifiée par une éthique nouvelle d’inspiration stoïcienne, par la philoprôtia associée à la sophia-phronêsis, a exalté la « personnalité »113. Le genre historique des « biographies » profitera à terme de cette mutation des mentalités, en adaptant à Rome les genres hellénistiques, depuis Cornelius Népos. Les épitaphes des Scipions, dans la nécropole gentilice de la Porte Saint-Sébastien, attestent à la fois l’orgueil de la géniture, la fierté des uiri triumphales, et le sens de l’héritage aristocratique de gloire et de vertu114 – la gloria optima hereditas du De officiis cicéronien115. Cette littérature triomphale mérite, dans sa variété, de retenir l’attention : elle révèle à la fois la troisième personne, objective, historique, celle de la relation sénatoriale et de l’épigraphie édilitaire, et la première personne ambitieuse d’un ingenium désormais conscient de sa valeur116.

  • 117 RG, XV-XXIV.
  • 118 Voir les documents produits par H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung, Cologne, B (...)
  • 119 RG, XXV-XXXIII.
  • 120 RG, XXXIV, 3. Il n’y a eu partage réel qu’avec Agrippa, mais les RG n’en font pas mention. Cf. J.-M (...)

29 Dans la section « évergétique » des Res gestae117, qui rappelle les attestations épigraphiques de la liberalitas118 comme dans le « commentaire » militaire et diplomatique119 de la dernière partie, le moi s’épanouit, reléguant au second plan les collègues réputés égaux en potestas120. Dans le domaine de l’évergétisme, on notera une nette inflexion dynastique.

  • 121 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 14-15. Id., « L’accession d’Augus (...)
  • 122 E. Lepore, Il princeps ciceroniano e gli idealipolitici della tarde repubblica, Naples, Istituto It (...)
  • 123 RG, I, 1.
  • 124 Sur l’armée privée d’Octave, outre R. Syme et M. A. Levi, Il Tempo di Augusto, p. 40 sq. (L’ultima (...)
  • 125 R. Heinze, « Ciceros “Staat’’ als politische Tendenzchrift », Vom Geist des Römertums, Stuttgart, T (...)
  • 126 Philip., III, 6, 14, etc.
  • 127 La formule de RG, I, 3 : Res publica ne quid detrimenti caperet (me) pro praetore simul cum consuli (...)

30En fait, l’affirmation de l’égotisme politique apparaît dès les premiers chapitres, sous la forme du consilium priuatum qui modèle l’histoire au profit de la Respublica121. Ici, comme pour le bilan des triomphes, on peut parler d’individualisme républicain. Les « principats » républicains, exaltés par la pensée politique d’un Cicéron ou d’un Tite-Live122, peuvent être invoqués comme modèles. On le lit entre les lignes. Qu’il suffise de rappeler qu’Auguste se présente au départ comme une sorte de princeps priuato consilio et priuata impensa123 – allusion à l’armée privée d’octave, en 44 avant J.-C.124 Or l’initiative ne manque pas de précédents républicains, comme celui de Pompée, voire de cautions cicéroniennes125. La déclaration liminaire des Res gestae fait écho à la IIIePhilippique : … qui contra consulem priuato consilio exercitus comparauerunt126 : le passage justifie les armées privées de salut public. Dans le même contexte, et sans transition, par la grâce d’une promotion prétorienne et par la proclamation du sénatus-consulte ultime127, Octave prend place, en période de crise, parmi les sauveurs de la République : dans tout le début du testament politique, il s’efface derrière la Respublica, son inspiration et sa justification.

  • 128 Pour le sens de dux dans les Res gestae, voir J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du p (...)
  • 129 RG, XXV, 2, insistant sur la « spontanéité » de l’initiative.
  • 130 Synthèse sommaire dans J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 104-107. Voir la très riche bibliograph (...)
  • 131 RG, VI, 2.
  • 132 RG, VIII, 1-5.
  • 133 RG, VIII, 5 : … me auctore… reduxi… tradidi… Sur Auguste restaurateur du mos maiorum, voir R. Heinz (...)
  • 134 RG, IX-X.
  • 135 RG, XI-XIII.
  • 136 RG, XIV, 1 : le Sénat est associé au populus Romanus et aux equites.

31Si le dux parle à la première personne dans le chapitre 3128, bref et pudique, après avoir dégagé comme base de son action les iudicia legitima, le bilan triomphal insiste sur les initiatives sénatoriales : un parallèle peut être établi avec le ralliement spontané des troupes, dans le chapitre où le serment de l’Italie est présenté comme une investiture militaire129, comme une sorte de collation d’imperium. L’aventurier révolutionnaire a cédé très vite la place au mandataire de la légalité républicaine : sa volonté, dans les chapitres 5 et 6, n’intervient que pour refuser les magistratures exceptionnelles – version éminemment sujette à caution130. La tribunicia potestas apparaît comme une délégation : … quae tum per me geri senatus uoluit per tribuniciam potestatem131… S’il revendique le contrôle du census et l’initiative des lois132, ici la juridiction du princeps s’abrite derrière les exempla maiorum : seule la rédaction des lois serait nouvelle (… legibus nouis latis…). Auguste apparaît comme le conservateur du mos maiorum133. D’une manière générale, c’est le Sénat qui porte l’entière responsabilité d’un cursus exceptionnel, et même des inflexions théocratiques : les uota pro ualetudine, le nomen inclusum in saliare carmen134. La même explication est produite pour la tribunicia potestas, un peu plus haut, avant que les chapitres suivants ne confirment la prépondérance des initiatives sénatoriales, pour l’Ara Fortunae Reducis, pour l’Ara Pacis, pour la fermeture du Janus135. Le même processus est explicité pour les honneurs conférés aux « princes de la jeunesse » : senatus est sujet des verbes de décision. En ce domaine, la préoccupation dynastique est évidente, notamment avec le recours au possessif meus136.

  • 137 RG, IX 1 et X, 1 : la « nouveauté » est justifiée par les compétences religieuses du Sénat et la sa (...)
  • 138 Le « mérite » est celui de la problématique res publica restituta, cf. J. Gagé, Res gestae…, commen (...)

32Si l’on cherche à dominer la structure générale du Mémorial, et les ruses de la composition, on constatera que l’entreprise – prudente – de sacralisation du princeps, de son numen et de son genius137, a été dissociée en deux temps. Dans la première section, elle se confond avec une accumulation passivement acceptée de distinctions. Au fronton de l’édifice, le célèbre chapitre XXXIV liera l’image édifiante du principat « républicain » au clupeus aureus, sorte de titulus qui consacre un traité des vertus politique et civique : … Quo pro merito meo senatus consulto Augustus appellatus sum… coronaque ciuica super ianuam meum fixa est et clupeus aureus in curia Iulia positus, quem mihi senatum populumque Romanum dare uirtutis clementiaeque iustitiae et pietatis caussa testatum est per eius clupei inscriptionem138

  • 139 RG, XV, 1 : … ex testamento patris
  • 140 H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung, p. 362-364.
  • 141 RG, XV-XVII, passim.
  • 142 Ibid.

33Le bilan des libéralités, écrit à la première personne, se situe dans le sillage du testament de César139 : l’évergétisme augustéen, dont H. Kloft a souligné vigoureusement l’aspect personnel et volontaire140, est aussi une tradition familiale. Mais l’arbitraire personnel prédomine. Notons les constantes : dedi… numeraui… detuli141 ; le recours au possessif de la première personne : ex patrinionio meo… mea congiaria… pecunia mea142… La section édilitaire et la section spectaculaire du catalogue des « libéralités », dont le budget n’est pas chiffré, illustrent, comme la section alimentaire, une générosité individuelle au service du charisme personnel. Nul ne saurait contester l’héritage de la tradition républicaine.

  • 143 RG, XIX-XX, passim.
  • 144 Justification essentielle de l’absolutisme éclairé, selon les « légistes », cf. Lex curiata de impe (...)
  • 145 RG, XIX, 1 (… sum appellari passus ex nomine eius qui priorem…) et XX, 1 (… sine uiia inscriptione (...)
  • 146 RG, XX, 1.
  • 147 RG, XXI, 1. Le Mausolée, non mentionné par le Mémorial, a été aussi bâti sur sol privé, ce qui résu (...)
  • 148 RG, XX, 4, auquel fait écho Tite-Live, Hist. rom., IV, 20, 7.
  • 149 RG, XX, 4.

34Dans la section édilitaire, les constructions, comme les restaurations, portent la marque d’un urbanisme volontaire : … refecifeci143. Auguste revendique l’initiative, mais celle-ci se dilue quelque peu dans une politique d’utilitas publica144 et dans la continuité familiale. Si Auguste a accaparé une partie de la gloire édilitaire d’Agrippa, il laisse aux édifices restaurés le nom des promoteurs145. Il ne mentionne que pour mémoire les « grandes dépenses » du Capitole et du Théâtre de Pompée146 et le financement personnel de plusieurs réalisations prestigieuses transparaît seulement dans la mention du solum priuatum147, aspect foncier, et non financier. S’agit-il des temples, des quatre-vingt-deux temples restaurés, l’initiative revient au Sénat, gardien de la religion148, comme dans le cas des consécrations religieuses du princeps : ex auctoritate senatus refeci149… Auguste se révèle tantôt l’auctor inspiré par la res publica (pour les lois), tantôt le mandataire du Sénat.

  • 150 RG, XXI, 1. Voir supra la mise au point de J. Carcopino et commentaire de J. Gagé, p. 114.
  • 151 RG, XXII-XXIII. Cf. H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung. Il n’est pas facile d’ (...)
  • 152 Association aux fils et petits-fils dans RG, XX, 3 et XXII, 1. Dans le premier cas, il s’agit de Ga (...)

35Toutefois l’insertion du moi politique dans une tradition républicaine, qui culmine dans le breuiarium mensonger du chapitre XXXIV, ne réussit pas à masquer la continuité familiale à vocation dynastique. On le voit dans le cas du forum Iulium. Dans les chapitres 20 et 21 court le fil conducteur de la « famille élue » : l’association des filii à la construction du Forum se prolonge dans la dédicace du Théâtre de Marcellus, le gendre150, et surtout dans la politique des munera : dans ce catalogue151, où sont chiffrées les prestations (nombre, fréquence), et non les dépenses, les filii sont associés aux nepotes – cette dernière référence étant moins nette152.

  • 153 RG, XXIII, 1.

36Le catalogue des spectacles, dominé par l’idée classique de don à la plèbe et de charisme (dedi… populo praebui…) réfute toutes les ruses du légalisme républicain : meo nomine ou filiorum meorum aut nepotum nomine ne trompent guère. La mention de la naumachie permet d’évoquer allusivement le nemus Caesarum153. Les contemporains ont bien perçu ce transfert du charisme. La section spectaculaire, écrite à la première personne, celle du princeps et du paterfamilias, annihile toutes les précautions républicaines de la section précédente. Encore faut-il répéter que le respect de la gloire des constructeurs anciens est compensé par l’usurpation des mérites édilitaires d’Agrippa.

  • 154 RG, XXV-XXXIII.

37La troisième section des Res gestae, militaire et diplomatique154, révèle la même oscillation entre le légalisme républicain et l’égotisme omnipotent.

  • 155 RG, XXV, 1 – corroboré par Velleius Paterculus, Hist. rom., 11, 73 ; Horace, Odes, IV, 5, 8 ; Philo (...)
  • 156 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 94-98.
  • 157 Sur cette vertu, J. Gagé, Recherches, p. 159 ; J.-M. André, Mécène, p. 84 et p. 85 sq.
  • 158 ILS, I, 103 : … beneficio eius et perpetua cura prouincia pacata
  • 159 RG, XIII, 1 : idéologie romaine classique, cf. notre Siècle d’Auguste, p. 139-140 et H. Fuchs, Augu (...)
  • 160 Mise au point de J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 74-96 (sur la ba (...)
  • 161 RG, XXV, 3 ; XXVI, 4-5.
  • 162 RG, XXVI, 3 et CIL, V, 7817.
  • 163 Pline, NH, III, 136 : … Imp. Caes. Augusto… s. p. q. R. … quod eius ductu auspiciisque gentes Alpin (...)
  • 164 RG, XXVII, 1.
  • 165 RG, XXVII, 3.
  • 166 RG, XXVI, 4. Sur la politique maritime d’Auguste, voir E. de Saint-Denis, La Mer dans la poésie lat (...)
  • 167 NH, II, 167.
  • 168 RG, XXVI, 4 : après les délimitations occidentales connues de la pacification, ce chapitre évoque l (...)
  • 169 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 136-139.

38Auguste revendique certes le rôle de pacificateur, mais en minorant quelque peu la Pax Augusta : … mare pacaui a praedonibus155… On l’a vu abriter le rôle du dux d’Actium derrière la conjuration de l’Italie. L’épopée d’Actium et le pacifisme universel, exaltés par la poésie apologétique156, apparaissent dominés par l’aspiration collective de la Péninsule et par la « dyarchie ». Cette prudence n’a rien de la moderatio157 : à preuve le bilan autocratique, égocentrique, des chapitres 26-27. Ici Auguste revendique à la fois la propagatio imperii et le bienfait de la pacification, comme sur le titulus de la statue d’or de son Forum158. Le principat s’affirme comme expression triomphale de la parta uictoriis pax159. Monarchie militaire, ou imperium classique ? Nulle mention de I’imperium maius, qui procède pourtant d’une tradition républicaine, et que les « légistes » ont justifié160. Ici et là des formules soulignent que les armées appartiennent au princeps : … classis mea… meo iussu et auspicio161… Auguste s’attribue sans partage la pacification des peuples alpins, prétention corroborée par le Trophée des Alpes162 et la transcription de Pline163 : le « Sénat et le peuple romains » ont mis en relief « sa direction personnelle et ses auspices ». Plus caractéristique encore le monopole que le chef s’attribue orgueilleusement dans la soumission de l’Égypte « à l’empire du peuple romain164 » et dans la « récupération » des provinces d’Orient et des îles165 – corollaire d’Actium. Le rôle des imperatores, déjà traités en legati, est minoré, et les « traîtres », surtout Gallus, sont naturellement oubliés. Du moins le prince était-il présent dans la vallée du Nil… Dès lors l’usurpation de la gloire « septentrionale », quoique politiquement logique, ne laissera pas de surprendre : … classis mea per Oceanum166… Tibère et son expédition de 5 après J.-C., que Pline place « sous les auspices du divin Auguste167 », se trouvent, comme la conquête de l’Égypte, intégrés dans une vision militaire de l’imperium. Dans les deux cas transparaît la volonté d’asseoir une autorité œcuménique sur la domination des « extrémités » de la terre168 : tel est le rêve impérialiste exalté par la poésie du temps169.

  • 170 Voir, dans RG, XXXI-XXXII, la répétition de ad me, suivi de a me dans XXXIII, 1.

39Les Res gestae nous proposent ainsi une vision centripète de la diplomatie pacificatrice, qui suit le bilan de la pacification militaire, et confirme l’image centrifuge de l’imperium militaire : on a noté le recours constant à des formules qui orientent vers l’Urbs et vers le prince toutes les requêtes et toutes les initiatives diplomatiques170.

  • 171 Bien connu de Suétone, Aug., LXXXV, 1, et différent des Res gestae comme du Breuiarium totius imper (...)

40L’égotisme politique, dans le Mémorial, explique les ruses de la composition et les silences calculés, autant que les prétéritions globales. Or ces prétéritions globales s’éclairent encore mieux dans une confrontation avec le De uita sua171.

  • 172 Suétone, Aug., II, 2.
  • 173 Tertullien, De an., XLVI = fr. 2 Peter. Il est vraisemblable que le catalogue des signes surnaturel (...)
  • 174 Pline, NH, II, 93 ; Servius, Ad Buc., IX, 46.
  • 175 Affaire du préteur Gallius, Suétone, Aug., XXVII, 7.
  • 176 Appien, Bell. Ciu., V, 42 = Peter, fr. 11, p. 59-61.
  • 177 Ibid., fr. 14.
  • 178 RG, XXV, 2 ; cf. J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 90-98.
  • 179 H. Peter, HRR, II, fr. 15 – à opposer à RG, XXV, 3 (effectif des sénateurs et des prêtres).
  • 180 Suétone, Aug., XLII, 4 – dans un contexte évergétique.
  • 181 De uita sua, X = Digeste, XLVIII, 24.
  • 182 Suétone, Aug., XLII.
  • 183 H. Peter, HRR, II, fr. 18, p. 62-63.
  • 184 Pline, NH, II, 24.
  • 185 Suétone, Aug., XCI.
  • 186 Sur les péripéties de Philippes, H. Peter, HRR, II, fr. 10, p. 58-59 (références) : la maladie et l (...)

41 L’autobiographie, plus authentique à certains égards, soulignait l’origine équestre de la famille172, mais dépassait la généalogie, essentielle dans une biographie, par la dimension religieuse – celle que l’on trouvera dans les Vies du crédule Suétone. Auguste relatait avec complaisance tous les signes surnaturels d’une destinée politique exceptionnelle173. Il confessait son penchant à la religiosité inquiète, non exempte de calculs politiques : ainsi pour l’apparition de la comète, en 44 avant J.-C.174 Si les Res gestae, dans leur légalisme républicain artificiel, ne présentent pas l’apologie des acta et de la tactique de l’année 43, l’autobiographie comble la lacune : cette apologie, délicate, comme celle de certaines cruautés politiques, évidentes ou ténébreuses, y joue un rôle important175. L’on sait ce qu’elle a pu apporter à Plutarque, à Suétone, à Appien – notamment pour la guerre de Pérouse et l’élimination de Lucius Antonius176. Les « Souvenirs personnels » faisaient une place importante aux thèmes de la propagande anti-antonienne177, alors que le Mémorial choisit de donner à la « croisade d’Actium » le sens d’un sursaut patriotique178. Dans les Res gestae n’apparaissent que les effectifs d’Actium : l’autobiographie évoquait son funèbre bilan179. Les Res gestae magnifient l’évergétisme : l’autre document montre l’envers, les mesures d’expulsion dictées par la pénurie alimentaire180. Enfin l’autobiographie évoquait des formes de « clémence181 » peu compatibles avec la clementia officielle du Mémorial, comme la restitution aux familles des corps des condamnés, et la tentation, peu conforme aux pesanteurs sociologiques du césarisme, d’abolir les frumentationes publicae182. L’autobiographie restituait au prince sa dimension humaine, sa faiblesse oculaire183, sa superstition du « pied gauche184 » : elle n’est pas contredite par le catalogue des prodiges, qui sont l’aveu d’une religio sincère185. Certes il ne semble pas que l’autobiographie ait rappelé l’épisode peu glorieux du marécage de Philippes, ou l’indisposition d’Actium, relatés par les mémoires du temps186, mais Auguste allait très loin dans la voie des confessions.

42En définitive, l’autobiographie permet d’évaluer et d’éclairer les silences et les réticences des Res gestae : un prince superstitieux donne de la « révolution romaine » qui le porte au pouvoir suprême une image assez laïque ; un ambitieux, un « rusé tyran », dans les méandres du testament politique, trahit, sous le masque du républicanisme, le sens profondément monarchique et dynastique de cet égotisme politique.

Notas

2 Faute de citer toutes les éditions, traductions et commentaires, de valeur inégale, depuis Mommsen jusqu’à la dernière réédition de J. Gagé, nous renverrons au catalogue d’E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », Historia, Einzelschriften, vol. 54, Stuttgart, Fr. Steiner, 1987, t. 3, Texts, Commentaries, Translations, p. 121. Nous accordons une valeur privilégiée à S. Riccobono (dir.), Acta diui Augusti, Rome, 1945 ; H. Volkmann, Res gestae diui Augusti. Das Monumentum Ancyranum, Berlin, De Gruyter, 3e éd., 1969 ; J. Gagé, après l’édition de 1953, la réédition Res gestae diui Augusti ex monumentis Ancyrano et Antiocheno latinis Ancyrano et Apolloniensi graecis, Paris, Les Belles Lettres, 1977. On trouvera une bibliographie fournie, à propos des rapports avec Suétone, dans J. Gascou, Suétone historien, BEFAR, no 255, 1984, p. 522.

3 Les trois volumina accompagnant le testament déposé chez les Vestales en 13 étaient (Suétone, Aug., CI, 1 et 6)… mandata de funere suo… indicem rerum a se gestarum… breuiarium totius imperii – ce dernier document étant un catalogue des forces militaires et des ressources financières. Tacite (Ann., I, II, 6-7) ne mentionne que le breuiarium, ainsi qu’une directive de politique extérieure – distincte naturellement de la relation militaire et diplomatique des Res gestae. R. Syme (dans Tacitus, Oxford, Oxford University Press, 1963, t. I, p. 272) s’étonne du laconisme de l’historien sur le Mémorial. Voir aussi G. Misch, Geschichte der Autobiographie, t. I, Francfort, Schulte-Bulmke, 3e éd., 1949, p. 285 : il retient les instructions funéraires, le testament « civil », le « Rechenschaftsbericht über den Bestand der Kassen und Truppen », et il ajoute : « […] und vielleicht davon eine Art von politischem Testament, das allgemeine Grundsatze seiner Regierung für den nachfolgenden Regenten regelhaft vortrug. » Or Misch semble extrapoler à partir de Tacite, Ann., I, II, 6 (… addideratque consilium…), et le « document » qu’il évoque, distinct des Res gestae, ressortirait plutôt au genre des commentarii principales – confidentiel.

4 H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae, Stuttgart, Teubner, 1967, t. II, p. LXXI. Cf. infra.

5 L’aspect de « manifeste » du régime augustéen a parfois été retenu, cf. E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res gestae », p. 135.

6 J. Gagé, Res gestae…, p. 24-25.

7 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, Paris, Payot, 1974, p. 92 (les « grandes manœuvres de la propagande »).

8 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 219 (« Aristokratische Familientraditionen… Leichenrede… Grabschriften… », etc.). Après la communication dans la Revue des études latines, 1939, J. Gagé, « Auguste écrivain », ANRW, II, 30, 1, 1982, p. 611-623.

9 Résumé dans J. Gagé, Res gestae…, p. 25 sq.

10 Le genre judiciaire semble avoir donné au Mémorial sa dimension d’apologie, initiale et brève (prologue ab aduersario de I ; réponse diffuse aux accusations de tyrannie, dans I-V, par une narratio républicaine, l’exorde pouvant être une narratio) ; l’assimilation des genres « délibératif » et « démonstratif » est plus évidente.

11 Voir R. Ullmann, La Technique des discours dans Salluste, Tite-Live et Tacite, Oslo, J. Dybwad, 1927, p. 1-25 (les topoi selon Cicéron et Cornificius, héritiers d’Aristote et de la rhétorique grecque).

12 Cicéron, De Or., II, 341-348. Sur le genus demonstratiuum romain avant Auguste, voir aussi Rhet. Herenn., I, 2 (classification des genera) et III, 10 : les fortuita, les corporis commoda aut incommoda, les animi commoda (… prudentia, iustitia, fortitudo, modestia…). Un rapprochement s’imposera avec le traité des vertus des Res gestae, XXXIV ; or ces topiques passent surtout dans les species de la biographie latine, cf. J. Gascou, Suétone historien, p. 392 (les species contre la diachronie). Sur le genre « démonstratif », A. Michel, Rhétorique et philosophie chez Cicéron, Paris, PUF, 1960.

13 De Or., II, 341.

14 Dion Cassius, Hist. rom., LVI, 35 à 41. Le rappel des acta se fait selon un plan diachronique : les débuts et la guerre civile (après un préambule embarrassé qui fait référence à la laudatio de Drusus), dans les chapitres 36-37 ; œuvre politique après les honneurs de – 27 et l’epônumia d’Augustus. Les vertus dominantes – on y reviendra – s’expriment en action ; seule la megalophrosunê et la philanthrôpia sont explicitées. Tibère attribuera une grande importance (chap. 38) à l’entourage et aux précédents romains des guerres civiles.

15 Plutarque, Compar. Dem. Cic., III.

16 Notamment par Suétone, cf. H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae (HRR), II, LXXIII, 1914 ; Pline l’Ancien la connaissait bien (voir fr. 4 et 20). Cf. G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 271.

17 Plutarque, Cicéron, XLV ; Brutus, XXVII, Appien, Bell. civ., V, 42.

18 Voir les travaux classiques de F. Leo, Die griechisch-römische Biographie nach ihrer litterarischen Form, Leipzig, Teubner, 1901, p. 11, p. 27 et p. 35. Le « schéma » alexandrin dégage implicitement I’êthos des praxeis (ibid., p. 316) dans la biographie péripatéticienne, alors que les Alexandrins associent la diachronie et le classement par rubriques, ibid., p. 133 sq. – ce qui deviendra la doctrine des species chez Suétone (ibid., p. 2 à 10). Voir aussi J. Gascou, Suétone historien, p. 347. La théorie des species et des tempora est formulée dans Aug., IX.

19 Notamment l’aveu d’une certaine origine équestre (fr. 1), la foi dans le surnaturel césarien (fr. 4 et 5), le mariage avec Livie enceinte (fr. 12), la crainte du « pied gauche » (fr. 20).

20 Essentiellement les secrets de la guerre de Pérouse et l’élimination de Lucius Antonius (fr. 11, Appien, V, 42), et la « disparition » du préteur Gallius (Suétone, Aug. XXVII).

21 Peter, fr. 14.

22 Communication résumée dans REL, no 14, 1936, p. 33-34.

23 Ibid., p. 33.

24 Pour le schéma architectural, voir W. Wili, Horaz und die augusteische Kultur, Bâle, Schwabe, 1948, p. 201 ; E. Frankel, Horace, Oxford, Oxford University Press, 1957, p. 260 sq.

25 Geschichte der Autobiographie, p. 219. Le problème des falsifications nobiliaires a été étudié par W. Soltau, Die Anfänge…, VI, p. 132-152 (« Die Laudationen ») : le texte le plus célèbre sur les falsifications est Tite-Live, VIII, 40,4 : Vitiatam memoriam funebribus laudibus reor falsisque imaginum fitulis, dum familia ad se quaeque famam rerum gestarum honorumque fallenti mendacio trahunt ; id. Cicéron, Brut., XVI, 62.

26 Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL), I, 2 : Énée est présenté comme fils de Vénus et Romulus comme fils de Mars ; va dans le même sens l’ode IV, 8.22-23 d’Horace : Ilia Mavortisquepuer…

27 Éd. M. Durry, CUF, p. 5 sq. : on note une composition en triptyque : – une narration des acta, dans I, 3-26, avec une éthologie implicite (pudicitia, reuerentia, constantia) ; – une laudatio uirtutum, dans I, 27-42 ; – une reprise narrative des acta, dans II, 1-50.

28 Cf. supra.

29 Notamment dans RG, XXXIV, 2, pour les vertus du clupeus aureus.

30 CIL, Tituli hominum nobilium, Scipionum Elogia, p. 323 sq., et G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 229-233.

31 Suétone, Aug., XXXI, 8 : la mention des statues triomphales implique la conservation des tituli, restaurés sur les édifices, cf. les fragments du Forum Augustum.

32 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 253 : « die geistige Bewegung der Scipionenzeit ». Cf. notre Otium…, p. 179, n. 7 : la philoprôtia et notions annexes dans la morale aristocratique de Panétius.

33 Cicéron, Ad Fam., XV, 1-4. Voir M. Rambaud, Cicéron et l’histoire romaine, Paris, Les Belles Lettres, 1953, p. 25-27.

34 Voir H. Malcovati, Oratorum Romanorum Fragmenta Liberae Rei Publicae, 2e éd., Pavie, 1953, XXXII, p. 51, § 128 : Ego iam a principio in parsimonia atque in duritia atque industria omnem adulescentiam meam abstinui agro colendo, saxis Sabinis… ; 129 : Quid mihi fieret, si non ego stipendia (in ordine) omnia ordinarius meruissem semper ?, etc.

35 Salluste, Bel. Jug., LXXXV, 6-33, passim.

36 Bel. Jug., LXXXV : si Marius ne peut exhiber « portraits, triomphes ou consulats d’ancêtres » (§ 23), il a bâti toute la fin du discours sur un double diptyque : duritia/labor ; mollitia/inertia.

37 J. Gagé, Res gestae…, p. 17-21.

38 Théorie dans Cicéron, De inu., I, 22 : … alteram, in qua rerum earum, de quibus erimus dicturi, breuiter expositio distributa ponatur… Cf. J. Ernesti, Lexicon Technologiae Latinorum Rhetoricae, rééd. Hildesheim, Georg Olms, 1962, p. 278-279. Il semble qu’au-delà de la distinction des trois « genres » (cf. supra), certaines fonctions du genre « judiciaire » puissent être transférées à l’apologie politique : pour la partitio, voir J. Martin, Antike Rhetorik, Technik und Methode, Munich, Beck, 1974, p. 91-93.

39 Cicéron, De Or., I, 56-57 (les loci moraux et les vertus). Id. II, 340.

40 J. Gagé, Res gestae…, p. 72-73.

41 J. Gagé, Res gestae…, p. 13-16 ; E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 17-20 (1. Aspects of Organization).

42 J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, Paris, Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Paris, 1966, p. 20 et 443 : domi… militiae et les variantes.

43 Sur les théories divergentes concernant le prooemium, J. Martin, Antike Rhetorik, Technik und Methode, p. 60 sq. : il apparaît que le genus honestum, qui n’est pas sans rapport avec le début des Res gestae, peut se passer d’exorde captateur (p. 62), et qu’il y a des liens avec la narration directe, ibid., p. 75 sq.

44 Chap. III, 1 : Bella terra et mari ciuilia externaque toto in orbe terrarum saepe gessi uictorque omnibus ueniam petentibus ciuibus peperci…

45 J. Ernesti, Lexicon, p. 306 (la probabilis narratio).

46 Les chroniques contemporaines vont dans le sens des RG, III, où le vieil empereur atténue son passé terroriste : Dion Cassius, Hist. rom., LVI, 44, évoque la conspiration du silence sur les guerres civiles, que l’on expliquait par la « nécessité des choses ».

47 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 19.

48 Ibid., p. 38 sq., II. Res publica and Imperium. Pour RG, XXIV-XXXV, voir infra.

49 Octave étudiait la rhétorique à Apollonie, sous la férule d’Apollodore de Pergame selon Suétone, Aug., LXXXIX, 2. Voir aussi Tacite, Ann., XII, 3, 2, sur I’eloquentia du prince.

50 Cicéron, De Or., II, 51-64 ; Leg. I, 1, 4.

51 Voir infra la stylistique de l’homme d’action.

52 Notamment dans RG, VIII, 5 (l’homme des exempla maiorum) et XXXIV, 2 (l’incarnation des quatre vertus fondamentales de uirtus, clementia, iustitia, pietas).

53 E. Norden, Die antike Kunstprosa, I, Leipzig-Berlin, Teubner, 1898.

54 R. Syme, Roman Revolution, Oxford, Clarendon Press, 1939, p. 484. Pour la laudatio d’Agrippa, voir L. Koenen, « Die “laudatio funebris” des Augustus für Agrippa auf einem neuen Papyrus », ZPE, no 5, 1970, p. 217-283 et p. 239-243 (allusions à I’imperium maius, cf. infra).

55 I. Bruns, Die Persönlichkeit in der Geschichtschreibung der Alten. Untersuchungen zur Teknik der antiken Historiographie, rééd. Hildesheim, G. Olms, 1961.

56 The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 17-37 : I. Organization, Rhetoric and Reliability.

57 Ibid., 3, p. 28 : Emphasis and precedent : la rhétorique des exempla reste très romaine (les exempla maiorum), Auguste insistant souvent sur la propre exemplarité de son expérience politique. Voir M. Rambaud, Cicéron et l’histoire romaine, p. 25 sq. (les exemples d’histoire romaine), surtout p. 36 – en relation avec la doctrine des écoles (id. J. Martin, Antike Rhetorik, p. 119).

58 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 32 sq. (libertas et légalisme).

59 Ibid., p. 21-28 : en fait, toute cette section associe étroitement les ruses de la grammaire et le projet politique, voire politicien.

60 Ibid. p. 21 et n. 23.

61 Ibid., p. 22.

62 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, Bâle, Fr. Reinhardt, 1953, p. 137 sq. (Le refus du pouvoir), a bien noté cette tactique des Res gestae, V et VI, qui deviendra, après Auguste refusant les magistratures extraordinaires, une sorte de rite d’intronisation.

63 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 22-23.

64 Ibid., p. 23 sq. : il est exact que le prince oscille entre la formulation monarchique (clussis mea… amicitiam meam… meo iussu et auspicio… exercitus meus), qui tient en partie à l’imperium légal, et le pluriel du démonstratif, qui rend le prince et le peuple romain solidaires (p. 24-25).

65 Voir plus bas les problèmes de I’imperium maius.

66 E. S. Ramage, The Nature and Purpose of Augustus « Res Gestae », p. 24 : recensements de la formule.

67 R. Syme, Roman Revolution, p. 524.

68 Le serment de l’Italie et des provinces, spontané (RG, XXV, 2-3) prélude, dans XXXIV-XXXV, aux manifestations du consensus uniuersorum : sénat, ordre équestre, peuple.

69 Synthèse rapide dans J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 99-107 (avec bibliographie partielle). Sur le maintien des prérogatives du Sénat, qui fournira un alibi républicain à plusieurs princes, voir Tacite, Ann., XIII, 4, 3 (Néron). Étude épisodique chez J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat. Le problème de la dyarchie dans les institutions impériales, avec les données idéologiques et le bilan des contestations, est traité par J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, Paris, Sirey, 1967, p. 487-492 et p. 495 (rôle du Sénat dans les crises et dans la procédure d’avènement).

70 Ann., I, 9 : la version « officielle ».

71 Velleius Paterculus, Hist. rom., II, 127, 3 ; Tacite, Ann., VI, 8, 2.

72 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 289.

73 Voir supra.

74 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 229-233 (Die romischen Grabschnften) : CIL, I, 2.

75 RG, II, 1 : Qui parentem meum interfecerunt…

76 RG, X, 2 : … sacerdotium, quod pater meus habuerat…

77 Sur ce titre, voir J. Gagé, Res gestae…, p. 97.

78 Voir RG, XIV, 1, la formule honoris mei causa.

79 RG, XXI, 1.

80 RG, VIII, 4.

81 RG, XII, 1 ; id. XVI, 2.

82 Voir RG, IV : acceptation limitée des triomphes, mais multiplication des supplicationes pour les actions « accomplies personnellement ou par l’intermédiaire des légats » ; voir le commentaire de J. Gagé.

83 RG, XXVII, 2. Sur l’ensemble de la politique orientale et le rôle de Tibère, M. A. Levi, Il Tempo di Augusto, Florence, La Nuova Italia, 1951, p. 375 s.

84 RG, XXX, 1.

85 J. Carcopino, « La véritable Julie », Passion et politique chez les Césars, Paris, Hachette, 1958, p. 114.

86 RG, XXIX, 2 ; Suétone, Tib., IX. Cf. J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 175.

87 Suétone, Tib., XXI, 3 et XXIII, 3 (le début du testament) ; ici, la formule même… Quoniam atrox Fortuna Gaium et Lucium filios mihi eripuit… fait écho aux Res gestae et montre le regret poignant des Césars disparus.

88 J.-M. André, Mécène. Essai de biographie spirituelle, Paris, Les Belles Lettres, 1967.

89 L. Koenen, « Die “laudatio funebris” des Augustus für Agrippa auf einem neuen Papyrus », ZEP, p. 102, n. 10.

90 K. Hönn, Augustus und seine Zeit, Vienne, Seidel, 1953, planche 29 ; J. J. Bernouilli, Römische Ikonographie, I, Stuttgart, W. Spemann, 1882, p. 237. Voir J.-M. André, Mécène, p. 10, et Le Siècle d’Auguste, p. 171-174.

91 J.-M. André, p. 65-66 (les thèses de R. Syme et R. Avallone).

92 Horace, Odes, IV, 8, 13.

93 Sénèque, De Ben., VI, 32.

94 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, BEFAR, no 253, 1984, p. 698.

95 RG, VIII, 2.

96 RG, XXII, 2.

97 CIL, VI, suppl. 32323 (= FIRA, I, p. 274-275) : … facientibus imp. Caesare Augusto et M. Agrippa

98 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 351 sq. et p. 599-602 (les monnaies de la co-régence).

99 Ibid., p. 357 sq.

100 J. Carcopino, Passion et politique chez les Césars, p. 96-97.

101 Suétone, Aug., LXV, 10 et CI, 5.

102 J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 145 sq. (Memorabilis aedilitas) et p. 159 (Actium). Pour la guerre de Sicile, chap. III, p. 87-139 sq. (Nauloque, p. 130).

103 RG, XXV, 2.

104 RG, XXVII, 3.

105 Cf. supra. L’oubli d’Agrippa, dans RG, XX, 2, n’est pas fortuit, puisque l’Appendice, 3, maintient le même silence (Refecit… aquarum riuos…), ainsi que l’inscription de CIL, VI, 244. Au silence de Vitruve, peut-être courtisan, dans Arch., VIII, 6, s’opposera le témoignage de Pline, NH, XXXI, 41 et surtout XXXVI, 121. Frontin a multiplié les mentions élogieuses d’Agrippa, Aqu., IX, 2 ; XCVIII-XCIX. J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 148-152 a raison de noter qu’Auguste « a donné à I’Aqua Julia un nom révélateur ». Pourtant Auguste disait que « son gendre Agrippa, en réalisant d’assez nombreuses adductions d’eau, avait épargné la soif à la population » (Suétone, Aug., XLII, 1).

106 À la différence de ce qui était sans doute l’originalité de l’Autobiographie ; cf. infra.

107 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 169. Cette tendance à nier le « parti » était déjà nette dans les Commentaires de César : voir M. Rambaud, L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, Les Belles Lettres, 1966 (il n’y a pas de Caesariani, alors qu’il y a des Pompeiani).

108 R. Syme, Roman Revolution.

109 A. Alfoldi, Oktavians Aufstieg zur Macht, Bonn, Habelt, 1976.

110 Annales, I, 2-10, passim. Le jugement sur le Principat instauré contredit la version des Res gestae. R. Syme, Tacitus, I, p. 272, estime que Tacite choisit le silence pour ne pas réfuter. Article de base : R. Urban, « Tacitus und die Res Gestae Diui Augusti », Gymnasium, no 86, 1979, p. 59-80 (livre de chevet de Tacite, qui lui permet de corriger dans son sens la version officielle).

111 J. Carcopino, Les Secrets de la Correspondance de Cicéron, Paris, L’Artisan du livre, 1947, t. II, p. 167-168.

112 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 153-154.

113 J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, p. 163-177 (doctrine du Moyen Portique) et travaux de M. Pohlenz, notamment Antikes Führertum, p. 42, n. 1.

114 CIL, I, 2, Tituli hominum nobilium, Scipionum Elogia, p. 373 sq. Cf. G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 253 sq. (Die geistige Bewegung der Scipionenzeit).

115 Cicéron, De off., I, 33, 121 ; J.-M. André, L’Otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, p. 179, n. 7.

116 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, p. 229-233 : CIL, I, 2,6-15. Les épitaphes sont tantôt à la troisième personne historique (6-9), tantôt à la deuxième personne (invocation au mort, comme dans la Laudatio Turiae, cf. no 10) ; les épitaphes 11 sq. reviennent à la troisième personne, et 15 contient une très remarquable profession de foi à la première personne :
VIRTUTES GENERIS MIEIS MORIBUS ACCUMULAVI
PROGENIEMI GENUI FACTA PATRIS PETIEI
MAIORUM OBTENUI LAUDEM UT SIBEI ME ESSE CREATUM
LAETENTUR STIRPEM NOBILITAVIT HONOR.

117 RG, XV-XXIV.

118 Voir les documents produits par H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung, Cologne, Bölhau, 1970, chap. III.

119 RG, XXV-XXXIII.

120 RG, XXXIV, 3. Il n’y a eu partage réel qu’avec Agrippa, mais les RG n’en font pas mention. Cf. J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 357 sq. (Collega Augusti).

121 J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 14-15. Id., « L’accession d’Auguste et l’idéologie du priuatus », Palaelogia (Daaka), no 7, 1958, p. 1-11, qui part des RG.

122 E. Lepore, Il princeps ciceroniano e gli idealipolitici della tarde repubblica, Naples, Istituto Italiano per gli studi storici, 1954, p. 157 sq.

123 RG, I, 1.

124 Sur l’armée privée d’Octave, outre R. Syme et M. A. Levi, Il Tempo di Augusto, p. 40 sq. (L’ultima difesa della nobilitas), voir Cicéron, Ad Att., XVI, 8, 1. D’une manière générale, la IIIe Philippique exalte le « jeune César » qui « nous a procuré une année en dépensant son patrimoine ».

125 R. Heinze, « Ciceros “Staat’’ als politische Tendenzchrift », Vom Geist des Römertums, Stuttgart, Teubner, 1960, p. 144-148.

126 Philip., III, 6, 14, etc.

127 La formule de RG, I, 3 : Res publica ne quid detrimenti caperet (me) pro praetore simul cum consulibus prouidere iussit atteste le vote du sénatus-consulte ultime ; voir J. Gagé, Res gestae…, p. 74 (commentaire).

128 Pour le sens de dux dans les Res gestae, voir J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 47 sq. (accord avec R. Syme, Roman Revolution, p. 337 et p. 524, et chapitre sur Dux, p. 123 sq.). Auguste a passé très vite sur toutes les péripéties politiques de l’année 44 et sur ses renversements d’alliances. Voir, outre R. Syme, la relation de J. Carcopino, Les Secrets de la Correspondance de Cicéron, t. II, p. 137 sq. Les iudicia legitima sont la couverture de cette période d’illégalité révolutionnaire (chap. 2).

129 RG, XXV, 2, insistant sur la « spontanéité » de l’initiative.

130 Synthèse sommaire dans J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 104-107. Voir la très riche bibliographie de « politique intérieure » de M. A. Levi, Il Tempo di Augusto, Appendici, X, p. 451 sq.

131 RG, VI, 2.

132 RG, VIII, 1-5.

133 RG, VIII, 5 : … me auctore… reduxi… tradidi… Sur Auguste restaurateur du mos maiorum, voir R. Heinze, Gekt des Romertums, p. 164, et surtout les implications morales et juridiques de I’auctoritas, ibid., p. 44-51.

134 RG, IX-X.

135 RG, XI-XIII.

136 RG, XIV, 1 : le Sénat est associé au populus Romanus et aux equites.

137 RG, IX 1 et X, 1 : la « nouveauté » est justifiée par les compétences religieuses du Sénat et la sacro-sainteté de la puissance tribunicienne.

138 Le « mérite » est celui de la problématique res publica restituta, cf. J. Gagé, Res gestae…, commentaire, p. 144.

139 RG, XV, 1 : … ex testamento patris

140 H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung, p. 362-364.

141 RG, XV-XVII, passim.

142 Ibid.

143 RG, XIX-XX, passim.

144 Justification essentielle de l’absolutisme éclairé, selon les « légistes », cf. Lex curiata de imperio Vespusiani, FIRA, I, p. 156, 15 (la référence à Auguste pour les… quaecunque ex usu rei publicae…).

145 RG, XIX, 1 (… sum appellari passus ex nomine eius qui priorem…) et XX, 1 (… sine uiia inscriptione nominis mei…).

146 RG, XX, 1.

147 RG, XXI, 1. Le Mausolée, non mentionné par le Mémorial, a été aussi bâti sur sol privé, ce qui résulte de Suétone, Aug., C, 9 (publicarat).

148 RG, XX, 4, auquel fait écho Tite-Live, Hist. rom., IV, 20, 7.

149 RG, XX, 4.

150 RG, XXI, 1. Voir supra la mise au point de J. Carcopino et commentaire de J. Gagé, p. 114.

151 RG, XXII-XXIII. Cf. H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung. Il n’est pas facile d’établir le montant des libéralités spectaculaires par comparaison avec Suétone, Aug., XLII (appréciation purement qualitative). Mais vu le nombre des paria produits, compte tenu du prix moyen, et de la somme rapportée pour Tibère, 100 000 HS, le budget dut être considérable. Les libéralités en argent sont mieux connues, cf. H. Kloft, Liberalitas principis, Herkunft und Bedeutung, p. 376 (bilan des libéralités militaires) et p. 386 (appendix I, congiaria). Il est possible qu’Auguste ait reculé devant l’aveu du montant, à cause de I’insunia dénoncée par une partie de l’opinion, cf. J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 211 sq.

152 Association aux fils et petits-fils dans RG, XX, 3 et XXII, 1. Dans le premier cas, il s’agit de Gaius et Lucius ; le bilan de XXII englobe les fils adoptifs successifs, les jeunes Césars, Tibère et Agrippa Postumus, les petits-fils Germanicus et Drusus II – par adoption.

153 RG, XXIII, 1.

154 RG, XXV-XXXIII.

155 RG, XXV, 1 – corroboré par Velleius Paterculus, Hist. rom., 11, 73 ; Horace, Odes, IV, 5, 8 ; Philon, Leg. Gai., 146.

156 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 94-98.

157 Sur cette vertu, J. Gagé, Recherches, p. 159 ; J.-M. André, Mécène, p. 84 et p. 85 sq.

158 ILS, I, 103 : … beneficio eius et perpetua cura prouincia pacata

159 RG, XIII, 1 : idéologie romaine classique, cf. notre Siècle d’Auguste, p. 139-140 et H. Fuchs, Augustin und die antike Friedensgedanke, Berlin, Weidmann, 1926, p. 152 sq. et p. 191 sq.

160 Mise au point de J. Béranger, Recherches sur l’aspect idéologique du principat, p. 74-96 (sur la base de Dion Cassius, Hist. rom., LIII, 32, 5, avec discussion de la bibliographie) ; J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, p. 461.

161 RG, XXV, 3 ; XXVI, 4-5.

162 RG, XXVI, 3 et CIL, V, 7817.

163 Pline, NH, III, 136 : … Imp. Caes. Augusto… s. p. q. R. … quod eius ductu auspiciisque gentes Alpinae omnes

164 RG, XXVII, 1.

165 RG, XXVII, 3.

166 RG, XXVI, 4. Sur la politique maritime d’Auguste, voir E. de Saint-Denis, La Mer dans la poésie latine, Paris, Klincksieck, 1936, p. 177-180 – goût de la mer expliquant la volonté de « monopole ».

167 NH, II, 167.

168 RG, XXVI, 4 : après les délimitations occidentales connues de la pacification, ce chapitre évoque la navigation… ad solis orientis regionem… quo neque terra neque mari quisque Romanus ante id tempus adiit… ; même rêve illimité d’expansion dans XXV, 5 (l’Arabie lointaine et l’Éthiopie), ainsi que dans XXVII, 3, préludant aux percées vers le monde danubien de XXX, 1-2. De même XXXI, 1 relève que les ambassades hindoues sont des « premières », comme dans le cas des plurimae aliae gentes de XXXII, 3.

169 J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 136-139.

170 Voir, dans RG, XXXI-XXXII, la répétition de ad me, suivi de a me dans XXXIII, 1.

171 Bien connu de Suétone, Aug., LXXXV, 1, et différent des Res gestae comme du Breuiarium totius imperii, CI et Dion Cassius, Hist. rom., LIII, 30, ce document allait jusqu’à la guerre des Cantabres, sinon jusqu’à la « crise » de 23 avant J.-C. L’étude ancienne de H. Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae, II, p. LXXI-LXXVI, demeure valable ; pour les fragments, ibid., p. 54 sq.

172 Suétone, Aug., II, 2.

173 Tertullien, De an., XLVI = fr. 2 Peter. Il est vraisemblable que le catalogue des signes surnaturels de Suétone, Aug., XCIV, vient de la méme source.

174 Pline, NH, II, 93 ; Servius, Ad Buc., IX, 46.

175 Affaire du préteur Gallius, Suétone, Aug., XXVII, 7.

176 Appien, Bell. Ciu., V, 42 = Peter, fr. 11, p. 59-61.

177 Ibid., fr. 14.

178 RG, XXV, 2 ; cf. J.-M. André, Le Siècle d’Auguste, p. 90-98.

179 H. Peter, HRR, II, fr. 15 – à opposer à RG, XXV, 3 (effectif des sénateurs et des prêtres).

180 Suétone, Aug., XLII, 4 – dans un contexte évergétique.

181 De uita sua, X = Digeste, XLVIII, 24.

182 Suétone, Aug., XLII.

183 H. Peter, HRR, II, fr. 18, p. 62-63.

184 Pline, NH, II, 24.

185 Suétone, Aug., XCI.

186 Sur les péripéties de Philippes, H. Peter, HRR, II, fr. 10, p. 58-59 (références) : la maladie et le songe dissuasif expliquent le départ du camp. Mécène et Agrippa, dans leurs Mémoires, ont relaté la « défaillance » de Philippes, Pline, NH, VII, 147. Sur le rôle d’Octave à Actium, J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, p. 173 sq.

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