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Écrire l’histoire avec des « si »

 | 
Florian Besson
, 
Jan Synowiecki

Première partie. Voix

Voyages dans le temps et uchronies

Les enjeux d’une série « classique » de science-fiction, Doctor Who

Jean-Dominique Delle Luche

Texte intégral

1 Doctor Who est une série télévisée au destin étonnant. À la fois extrêmement britannique et constitutive d’un canon geek international, cette série à faible budget a longtemps connu un succès relatif. Diffusée à partir du 23 novembre 1963, elle n’arriva en France qu’à partir de 1989. La première année de la diffusion française fut paradoxalement celle de l’arrêt de la production après 26 saisons. Après une tentative avortée de relance par une production cinématographique en 1996, il fallut attendre 2005 pour que redémarre la série, avec de nouvelles ambitions et une nouvelle image, même si elle n’attirera probablement jamais le tout-public en dehors du Royaume-Uni. Depuis la reprise par Russell T. Davies puis Steven Moffat, sept saisons se sont succédé en neuf ans, marque d’une politique d’économie budgétaire de la BBC. Cette diffusion chaotique – sept saisons de treize épisodes de 45 minutes environ, et une quinzaine d’épisodes « spéciaux » depuis 2005, notamment à la période de Noël – pose la question de la fidélisation d’un public habitué aux productions à l’américaine plus régulières, à un casting de plus en plus prestigieux, et à un budget en définitive plus visible.

  • 1 On se restreindra dans le cadre de cette étude à la seule « nouvelle série » entamée en 2005, en in (...)

2Analyser Doctor Who, c’est interroger une série classique de science-fiction, qui s’impose depuis peu dans la culture populaire internationale1. Un des éléments principaux de son succès est l’inventivité scénaristique de cette série au long cours, qui doit nécessairement se renouveler. Le principe même d’une science-fiction centrée autour d’un voyageur dans le temps et dans l’espace fait que les différents scénaristes ont utilisé fréquemment et avec bonheur le registre de l’uchronie. Nous voudrions montrer ici que l’uchronie constitue un maillon narratif essentiel pour une série dont les ambitions internes et externes la condamnent à se répéter sans s’embourber dans le déjà-vu.

Les défis d’une série au long cours : simplicité et renouvellement

  • 2 Pour l’essentiel Londres, mais la série étant produite par la BBC Wales, plusieurs épisodes (et la (...)

3Plusieurs caractéristiques de la série semblent vouer Doctor Who à un succès restreint. Le premier problème est celui de l’adaptabilité aux « modèles » en vigueur des séries à succès. Force est de dire que les paradoxes sont nombreux. La série a rapidement acquis la réputation d’être certes accessible aux enfants, même si ceux-ci la regardent behind the sofa (selon l’expression consacrée), fascinés et terrifiés par des monstres sanguinaires. De plus, Doctor Who observe un discours exaltant les valeurs britanniques : on voit le héros exalter le thé ou expliquer à un historien mal renseigné sur l’Europe du xxie siècle que « seule la Bretagne est grande » (only Britain is great). Les actions sur terre du Docteur sont généralement cantonnées à la Grande-Bretagne2.

4Mais le défi principal de la série est celui de la durabilité, compte tenu de son premier essoufflement dans les années 1980. C’est un public hybride aux exigences scénaristiques parfois contradictoires qu’il faut ménager, au premier chef la fanbase « geek » qui exige à la fois du spectaculaire et de l’inédit, et en parallèle une certaine continuité de la série, traquant les contradictions vis-à-vis du « canon » whovien et jetant facilement l’anathème sur personnages, acteurs et scénaristes. La série se doit à la fois de proposer des repères connus (tirés de la réalité ou respectant une cohérence interne) et d’offrir des alternatives pour pouvoir continuer dans la durée. Il est ainsi bon de s’appuyer sur un nombre restreint d’« ennemis » bien identifiables, mais de proposer à chaque fois un nouveau péril et une solution inattendue : un souci qui explique, comme on le verra, le recours à l’uchronie.

  • 3 La nouvelle série a ainsi connu cinq Docteurs : les incarnations 9 à 12, jouées par Christopher Ecc (...)

5Le succès de la série repose en effet sur une formule simple réunissant trois éléments seulement : « le Docteur, avec ses compagnons, dans sa Tardis ». Le Docteur est un humanoïde, génie excentrique de l’espèce des Time Lords, maîtres du temps jouant en quelque sorte le rôle de gendarmes de l’Univers. Les pouvoirs démiurgiques du Docteur sont renforcés par le fait qu’il serait (c’est un motif central de la nouvelle série) le dernier de son peuple à l’issue d’un conflit cosmique. L’originalité de la série est qu’elle a trouvé dès 1966 un moyen de survivre aux changements inévitables d’acteurs, en les présentant comme des régénérations3. Outre qu’il permet une transition en terme d’acteurs et d’âge (le changement de sexe n’est pas exclu), cet artifice renouvelle régulièrement la série (voire son public) en proposant une personnalité différente : le dixième Docteur peut ainsi nouer une relation amoureuse, tandis que ses successeurs, excentriques ou plus mûrs, interagiront différemment avec leurs compagnons.

  • 4 Il s’agit des spin-off Torchwood (2006-2011), The Sarah Jane Adventures (2007-2011) et K-9 (2009-20 (...)

6Ces derniers, contrairement au Docteur, sont des humains, généralement des Britanniques ; certains côtoient le Docteur pendant une saison voire davantage, d’autres sont liés au compagnon principal ou sont des connaissances régulières du Docteur. Ces faire-valoir ramènent l’extraterrestre à des préoccupations plus humaines et sont les spectateurs des actions grandioses du Docteur. Ils contribuent également à la continuité entre les saisons : seule la saison 5 a coïncidé avec le renouvellement simultané du Docteur et du compagnon, en raison du changement de scénariste principal. La nouvelle série a adopté comme d’autres productions le principe de l’arc narratif, une grande énigme parcourant l’ensemble de la saison, liée soit au Docteur et à ses ennemis, soit au compagnon lui-même, amené à jouer un rôle plus important que prévu. Notons également que certains compagnons jouent un rôle significatif dans les deux séries dérivées produites en parallèles de la série4.

7Enfin, la Tardis est un vaisseau spatial créé par les Time Lords, capable de se mouvoir dans le temps et dans l’espace, de se régénérer intérieurement à l’image du Docteur, et bénéficiant d’une capacité de stockage et d’étendue infinie. Elle conserve en revanche une apparence externe de cabine téléphonique bleue, l’image de marque de la série. Dotée d’une volonté propre, elle est parfois en mesure de dompter les paradoxes temporels. La Tardis donne au Docteur une capacité d’intervention tous azimuts, même si le voyageur dans le temps ne peut se trouver deux fois au même endroit et au même moment. Ce vaisseau spatial merveilleux joue donc, selon les épisodes, le rôle de la péripétie initiale mineure (le voyage permet la transition entre deux épisodes), ou plus notable (la justification d’un certain nombre de déplacements inattendus et non désirés par le Docteur).

Science-fiction et voyages temporels : le Docteur, seigneur du Temps

  • 5 The Unquiet Dead (1.02), The Shakespeare Code (3.02), The Unicorn and the Wasp (4.07).
  • 6 Le steampunk est un mode populaire de la littérature et des arts de fantasy et de science-fiction p (...)
  • 7 Tooth and Claw (2.02) ; Human Nature/Family of Blood (3.08-09) ; The Empty Child/The Doctor dances (...)
  • 8 La liaison du Docteur avec Élisabeth Ire d’Angleterre est évoquée dans The Shakespeare Code (3.02) (...)

8Puisque le Docteur peut à sa guise voyager dans le Temps et dans l’Espace, il est intéressant de voir le rapport que la série entretient avec les ères potentielles de voyage de son personnage. Lors de sa création, la série avait une intention historico-pédagogique : une fois la Tardis posée, on restait dans la simple reconstitution historique du temps de Marco Polo ou de la bataille de Culloden. Cette perspective a cependant rapidement été abandonnée au profit de la science-fiction, ce qui ne veut pas dire pour autant que le Docteur ne voyage pas dans le passé : un ou deux épisodes par saison comportent un décor historique greffé à une intrigue de science-fiction. La série joue sur des références bien connues du monde britannique : Charles Dickens rencontre des fantômes, des sorcières (aliens) utilisent le théâtre du Globe du vivant de Shakespeare, le Docteur aide Agatha Christie à résoudre un meurtre5. Signe de la prégnance de ces époques dans la culture populaire britannique, on y trouve beaucoup de scènes victoriennes (dont certaines sous une version steampunk6) ou des deux guerres mondiales7. Quelques épisodes jonglent avec plusieurs périodes différentes, utilisant ainsi des micro-scènes ou des allusions non représentées dans la série, qui ajoutent au merveilleux8.

  • 9 Par exemple le Docteur croit pouvoir relancer l’âge du Quatrième empire terrien dans The Long Game (...)

9L’idée n’est pas de proposer une reconstitution historique et fidèle à vocation pédagogique, mais d’utiliser des repères historiques familiers pour présenter au public une uchronie. Voyageurs infatigables, le Docteur et ses compagnons ne restent en effet au même endroit le temps d’un épisode que pour régler un problème avant de repartir. A priori omniscient, le héros connaît les grandes tendances de l’humanité et indique les moments de décollage de celle-ci. Du point de vue du héros, l’uchronie peut aussi bien avoir lieu dans le passé que dans le futur, et c’est ce qui permet la cohérence de la série. S’il ne retrouve pas les repères qui prouvent le déroulement normal du temps, il sait que quelque chose bloque le développement des humains. Trois causes sont évoquées : les divergences sont le plus souvent le résultat de manigances d’aliens ou de leurs complices. Une alternative moralisatrice indique que c’est la propension de l’humanité à suivre ses défauts qui ralentit son développement. De manière plus originale, c’est le Docteur lui-même qui, par ses actions démiurgiques, a provoqué l’uchronie9.

  • 10 La retransmission des premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune prend ainsi une dimension parallèl (...)

10On peut donc généraliser et supposer qu’un grand nombre de situations sont des uchronies, réelles ou potentielles : potentielles lorsqu’une technologie est prématurée et contredit le développement naturel de ce monde, mettant en cause le sort de l’humanité, ou uchronie « réalisée » après une modification antérieure. La série montre tour à tour le seigneur du Temps refusant d’intervenir et de modifier certains « points fixes » de l’histoire et, peu après, sauvant un point fixe en péril ou lui donnant un nouveau sens10.

11Le Docteur apparaît donc comme celui qui s’oppose à l’uchronie, au nom d’une éthique personnelle (qui le distingue du reste de son peuple), mais également des lois du temps qu’il pense connaître... mais il la provoque parfois bien malgré lui. Si cet aspect n’est pas systématique dans la série, l’uchronie apparaît comme un schéma narratif commode, que les principes de la série au long cours et les continuités des personnages secondaires ou des arcs narratifs permettent de développer et de réutiliser à l’envi, tout en obligeant, de plus en plus, les scénaristes à proposer des variantes.

Du monde parallèle à l’achronie : la variété des uchronies whoviennes

Steampunk et réalité alternative

  • 11 Army of Ghosts/Doomsday (2.12-13). Les personnages de la réalité alternative réapparaissent cependa (...)

12Dans le double épisode Return of the Cybermen/The Age of Steel (2.05-06), le dixième Docteur et ses compagnons arrivent par erreur dans une réalité parallèle (de nature steampunk), dans laquelle les destinées des compagnons sont différentes. La réalité alternative permet de confronter ceux-ci à des alternatives impossibles dans leur réalité. Autant de contrastes qui seront résolus par l’invasion des Cybermen puis par l’intervention du Docteur. Ce double épisode permet de relancer l’intrigue de compagnons en place depuis la saison 1 : le personnage de Mickey, amoureux éconduit de Rose, préfère rester dans la réalité alternative, Rose se retrouve avec un père « alternatif » décédé dans la réalité (Father’s Day, 1.08), tandis que sa mère meurt dans le monde steampunk. De manière plus fondamentale encore, cette réalité alternative sera réutilisée ultérieurement. Les Cybermen de la réalité alternative n’ont en effet pas été exterminés : ils finissent même par reprendre pied dans la réalité principale de la série à la faveur de failles temporelles. L’uchronie risque d’être fatale à l’Univers : il s’agit donc de refermer le pont entre les deux mondes. À la fin de cette seconde saison, la situation familiale de Rose est résolue au prix de sa mise hors-jeu de la série : elle a réuni père et mère, mais est enfermée dans la réalité alternative, inaccessible au Docteur – du moins en principe11.

  • 12 Les Cybermen figurent dans de nombreux épisodes ultérieurs, notamment 4.14, 5.12, 6.12, 7.13.

13Dans cette réalité alternative comme dans la réalité principale de Doctor Who, les Cybermen apparaissent comme un point fixe de l’histoire, un ennemi dont l’apparition est inéluctable. Alors que dans la série originale ils étaient originaires d’une autre planète, dans la nouvelle série ce sont des humains qui les créent. Cette résurrection d’un grand ennemi connu permet également de justifier les changements de design entre l’ancienne et la nouvelle série ; les modalités de victoire devront également être différentes12.

Pompéi ou le monde : le démiurge entre intervention et fatalisme

  • 13 The Fires of Pompei (4.02).
  • 14 En contradiction avec l’épisode Father’s Day (1.08).
  • 15 The Waters of Mars (4.16).

14Une autre uchronie manifeste se produit dans la saison 413. Arrivé par hasard dans la ville de Pompéi à la veille de l’éruption fatale, le Docteur a la tentation initiale de partir, puisque cette catastrophe est un point fixe de l’histoire de l’humanité. Il ne se résout à rester qu’une fois confronté à deux anomalies de l’« Alternative pyrovillienne » provoquée par les extraterrestres du même nom : les prophètes de Pompéi font des prédictions véridiques et omniscientes, mais ignorent tout de l’explosion imminente du Vésuve. Dans cette réalité alternative, le Vésuve n’est pas en train d’exploser mais c’est le destin de l’humanité tout entière qui est en jeu : le Docteur se rend compte que c’est à lui de rétablir l’équilibre, et de provoquer la fin de Pompéi. L’épisode comporte des enjeux dramatiques importants dans la construction du personnage principal : en sauvant quelques individus qui devront toutefois garder le silence, le Docteur reconnaît l’existence des points fixes de l’histoire et ne peut détourner les malheurs de l’humanité, mais découvre aussi que les micro-changements (cheap tricks) peuvent sauver quelques happy few de la nuée ardente14. Plus tard dans la saison, le dixième Docteur est confronté à un choix similaire face à un point fixe, la fin tragique de la première expédition sur Mars, fiasco qui amène cependant à la conquête définitive de l’espace. Le Docteur, excessivement mis en confiance par son expérience pompéienne, tente de sauver coûte que coûte le chef de l’expédition et quelques personnages mineurs. Cependant, apprenant que sa survie annulerait le destin de l’humanité, le chef de l’expédition préfère se suicider. Cette mort surprenante montre l’échec du Docteur et signe en fait l’inéluctable : sa fin prochaine15.

L’uchronie réalisée : Turn Left

  • 16 The Runaway Bride (3.01). La saison 3 comporte peu d’événements situés dans le présent ou dans le f (...)

15Dans l’épisode Turn Left (4.11), le compagnon du Docteur, Donna, est victime de la Trickster Brigade, qui se nourrit de l’énergie temporelle de l’uchronie. À partir d’un simple tournant de volant alternatif, c’est l’ensemble des événements préfigurés dans les saisons 3 et 4 qui est modifié. Donna ne peut sauver le Docteur16. Si dans l’ensemble, les catastrophes successives évitées normalement par le Docteur sont contrecarrées par les compagnons, le nombre de sauveurs alternatifs s’étiolent, et le monde souffre. Londres est détruite par une collision avec un vaisseau spatial, les États-Unis sont décimés par des aliens graisseux ; Donna se retrouve dans une Grande-Bretagne où, comme le remarque son grand-père ancien combattant, « cela recommence » : l’extermination des étrangers, comparable à la dystopie des Fils de l’homme (Alfonso Cuarón, 2006). L’uchronie générale est finalement résorbée parce que, grâce au monde alternatif de Rose Tyler, les frontières entre différentes dimensions ont été rouvertes : Donna, revenue dans le passé, réussit par annuler son choix initial, et les événements des saisons 3 et 4 reviennent dans l’ordre naturel des choses.

La mort du temps

  • 17 Figurée dans The Impossible Astronaut (6.01)
  • 18 The Wedding of River Song (6.12).
  • 19 The Name of the Doctor (7.14), The Time of the Doctor (7.15).

16Examinons une dernière uchronie importante, caractéristique d’une complexification croissante de la série avec le onzième Docteur, incarné par Matt Smith : le point fixe de l’histoire est ici la mort du Docteur en 1969, à la suite d’une grande conspiration destinée à éviter une mort alternative plus dramatique sur la planète de Trenzalore17. Après s’être dérobé pendant toute la saison 6, le Docteur se résout à mourir, sauf que son assassin et amante, River Song, décide de ne pas le tuer. À l’instant où l’action ne se produit finalement pas, se crée une a-chronie : le temps se retrouve éternellement fixé à la même minute, tandis que se mélangent tout ensemble passé, présent et futur. Ce chaos temporel est le prétexte à de belles collisions de repères et à un recyclage d’effets spéciaux : des ptérodactyles volent dans un ciel steampunk, Churchill est l’empereur romain et les Pyramides sont nommées l’Area 52, par référence à la base célèbre de la CIA18. Le temps ne reprend son cours que lorsque River Song et le Docteur, épicentres de l’achronie, se touchent, et qu’arrive la mort truquée du Docteur ; la mort réelle attend cependant inéluctablement le onzième Docteur à Trenzalore19.

17Ainsi, la nouvelle série de Doctor Who a adopté un thème classique de la littérature et des arts de fansasy, l’uchronie, c’est-à-dire la modification patente d’éléments historiques du passé, du présent ou d’un futur « normatif ». C’est même l’uchronie qui, seule ou presque, retient le personnage principal au cours de ses errances. Gendarme et démiurge, le Docteur combat l’uchronie et rétablit les points fixes de l’histoire, dans le passé comme dans le futur. Dans le cadre d’une complexification narratologique encouragée par une fanbase exigeante et qui obtient l’indulgence d’un public plus jeune, les scénaristes proposent des uchronies mettant en jeu non seulement les références de la culture populaire, mais également les éléments internes de la série – et ce au prix parfois d’incohérences vis-à-vis d’un « canon » hérité depuis cinquante ans, ce qui n’est pas bien grave, et parfois de véritables contradictions scénaristiques, ce qui l’est peut-être davantage. Mais, et c’est la force de Doctor Who, la série a développé un arsenal de jeux temporels propres et de références acceptées par le spectateur. Ainsi, le timey-wimey présenté dans Blink (3.10) est une manière souple d’adapter le paradoxe dit du grand-père, en acceptant que les événements passés et futurs interfèrent mutuellement. Gageons que d’autres uchronies seront proposées à mesure que la série continuera. La diversité des auteurs et la continuité de l’univers en font d’ores et déjà un bel objet d’analyse, au même titre que la littérature de science-fiction.

Notes

1 On se restreindra dans le cadre de cette étude à la seule « nouvelle série » entamée en 2005, en indiquant les noms originels et les codes d’usage des différents épisodes cités.

2 Pour l’essentiel Londres, mais la série étant produite par la BBC Wales, plusieurs épisodes (et la série dérivée Torchwood) se déroulent à Cardiff.

3 La nouvelle série a ainsi connu cinq Docteurs : les incarnations 9 à 12, jouées par Christopher Ecclestone (saison 1), David Tennant (saison 2 à 4), Matt Smith (saison 5 à 7) et Peter Capaldi (saison 8, en cours). À l’occasion du 50e anniversaire de la série, en novembre 2013, l’épisode The Day of the Doctor a comblé une lacune entre le huitième Docteur de l’ancienne série et le neuvième de la nouvelle en présentant un War Doctor (John Hurt).

4 Il s’agit des spin-off Torchwood (2006-2011), The Sarah Jane Adventures (2007-2011) et K-9 (2009-2010), les deux dernières reprenant des personnages populaires de l’ancienne série. Ces séries qui permettaient de développer une ambiance plus enfantine ou au contraire plus sombre ont été successivement interrompues suite au décès de l’actrice principale et au choix des producteurs de se restreindre à la série-mère.

5 The Unquiet Dead (1.02), The Shakespeare Code (3.02), The Unicorn and the Wasp (4.07).

6 Le steampunk est un mode populaire de la littérature et des arts de fantasy et de science-fiction postulant une histoire alternative de la révolution industrielle : le plastique et l’aéronautique modernes ne sont ainsi pas présents, alors que les machines à vapeur et les dirigeables sont des marqueurs indispensables. Épisodes : The New Doctor (4.14), The Snowmen (7.06), The Crimson Horror (7.12).

7 Tooth and Claw (2.02) ; Human Nature/Family of Blood (3.08-09) ; The Empty Child/The Doctor dances (1.09-10) ; Victory of the Daleks (5.03) ; The Doctor, The Widow and the Wardrobe (5.14).

8 La liaison du Docteur avec Élisabeth Ire d’Angleterre est évoquée dans The Shakespeare Code (3.02) et The End of Time (4.17), et explicitée dans The Day of the Doctor (7.15).

9 Par exemple le Docteur croit pouvoir relancer l’âge du Quatrième empire terrien dans The Long Game (1.07), pour s’apercevoir dans Bad Wolf (1.12) qu’il a provoqué une catastrophe.

10 La retransmission des premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune prend ainsi une dimension parallèle : le Docteur introduit des images subliminales qui perpétuent un message d’émancipation vis-à-vis d’extraterrestres ennemis : Day of the Moon (6.02).

11 Army of Ghosts/Doomsday (2.12-13). Les personnages de la réalité alternative réapparaissent cependant dans The Stolen Earth/Journey’s End (4.12-13).

12 Les Cybermen figurent dans de nombreux épisodes ultérieurs, notamment 4.14, 5.12, 6.12, 7.13.

13 The Fires of Pompei (4.02).

14 En contradiction avec l’épisode Father’s Day (1.08).

15 The Waters of Mars (4.16).

16 The Runaway Bride (3.01). La saison 3 comporte peu d’événements situés dans le présent ou dans le futur, à l’exception du cycle final Utopia/The Sound of Drums/Last of the Time Lords (3.11- 13), dont les événements sont d’ailleurs partiellement annulés à l’issue de l’épisode 13. Le Docteur dans l’uchronie de Turn Left n’ayant jamais atteint Utopia, le cycle narratif de la fin de saison est ainsi doublement résorbé.

17 Figurée dans The Impossible Astronaut (6.01)

18 The Wedding of River Song (6.12).

19 The Name of the Doctor (7.14), The Time of the Doctor (7.15).

© Éditions Rue d’Ulm, 2015

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