Préface
L’Amazonie et la préservation de la diversité culturelle et naturelle
p. 11-22
Texte intégral
1Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’existe quasiment aucun livre en français abordant spécifiquement l’archéologie de l’Amazonie. Le passé ancien est, dès lors, ignoré, la période après le contact avec l’Europe étant traitée ailleurs très occasionnellement. Seuls de très rares historiens se sont laissé tenter à écrire – parfois avec talent – les grandes étapes de la colonisation, de l’indépendance et de la nationalisation de l’Amazonie. Et encore, la plupart de ces publications se focalisent sur un seul des neuf pays constituant l’Amazonie, au premier chef desquels le Brésil se taille la part du jaguar, sans proposer une vision globale de l’immensitéde la forêt de pluie. C’est peu.
2Bien pire, ces quelques ouvrages traitent presque exclusivement des cinq cents dernières années d’appropriation occidentale de ces terres aux dépens des premiers habitants autochtones. Ceux-ci sont invisibilisés dans les textes ou, dans le meilleur des cas, rabaissés au rang anecdotique de tribus nomades de chasseurs-cueilleurs ou de paysans itinérants. La plume a subi la tragédie du plomb, sans avoir l’honneur du papier. Leur histoire n’a pas séduit les auteurs qui se sont penchés sur l’Amazonie.
3Surtout si l’on reconnaît l’importance réelle de cet espace tropical. Sept millions de kilomètres carrés, 13 000 ans d’histoire humaine, 34 millions d’habitants, 350 ethnies autochtones encore présentes parlant autant de langues qui correspondent à une soixantaine de familles linguistiques, 17 à 20 % de l’eau douce mondiale, un coffre-fort d’extrême biodiversité, un enjeu climatique crucial, une mine d’or scientifique. Peu connaissent l’existence de ces caractéristiques exceptionnelles.
4On rétorquera qu’il existe une littérature ethnographique sur les Amazoniens, mais elle demeure très ciblée : collection « Terre humaine » où se raconte la vie des scientifiques chez leurs hôtes, concentré de thèses de doctorat ou analyse très spécifique assez hermétiques aux non-spécialistes, beaux livres photographiques aux légendes sibyllines. En outre, ces récits sont presque toujours écrits par un seul auteur, ce qui pourrait favoriser une certaine subjectivité. Mais, surtout, ces textes décrivent l’actualité anthropologique de la sylve sempervirente, sans aborder l’histoire ancienne des occupants.
5Pour combler un vide béant évident, il manque donc encore un ouvrage en français accessible tant aux académiques qu’au grand public, préparé par des spécialistes internationaux du passé de l’Amazonie pour dresser le panorama des aspects les plus proéminents de l’archéologie amazonienne. C’est cette volonté qui a conduit au livre présent.
6L’idée de cette production collective présente est née en 2017 dans la tête des deux éditeurs. Des archéologues sud-américains et européens ont alors été conviés à y contribuer. Le projet était à l’époque plus réduit puisqu’il visait à présenter les types de sites archéologiques remarquables d’Amazonie, dans l’espoir qu’ils soient reconnus par les pays où ils se trouvaient et qu’ils soient peut-être classés par l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). À peine publié en espagnol en Bolivie que, face au succès inattendu qu’il rencontra, l’ouvrage fut épuisé.
7Le livre Las siete Maravillas de la Amazonia precolombina (Les Sept Merveilles de l’Amazonie précolombienne) fut lancé à l’occasion de la IVe Rencontre internationale d’archéologie amazonienne, qui s’est déroulée du 1er au 7 octobre 2017 dans la ville de Trinidad, dans les basses terres de Bolivie. Cet événement réunit tous les trois ou quatre ans plus de deux cents archéologues provenant d’une vingtaine de pays du monde entier et constitue une plateforme exceptionnelle pour présenter les résultats des dernières recherches archéologiques en Amazonie. Depuis quelques années, ces travaux se concentrent sur l’analyse des indices de paysages anthropiques ou domestiqués, la monumentalité et les complexités sociales, la domestication des plantes, le régime alimentaire et l’analyse zooarchéologique. Comme il ne pouvait en être autrement dans le contexte sociopolitique latino-américain actuel, l’archéologie collaborative, fondée sur des pratiques réflexives et multilocales, s’est renforcée et témoigne des acquis de la défense des droits et des territoires des peuples autochtones contemporains de l’Amazonie.
8L’initiative de réunir quelques archéologues qui font des recherches en Amazonie a commencé en 2008 à Belém do Pará (Brésil), s’est poursuivie en 2010 à Manaus (Brésil), à Quito (Équateur) en 2013, à Trinidad (Bolivie) en 2017 et à Lima (Pérou) en 2022. Chacun de ces événements a généré un effet multiplicateur tant au niveau du nombre d’investigations menées année après année qu’au niveau du nombre de chercheurs qui rejoignent la communauté des archéologues amazoniens.
9Il y a cent ans, l’anthropologue suédois visionnaire Erland Nordenskiöld (1924 : 200) avait prédit qu’un jour les Llanos de Mojos attireraient l’attention des archéologues qui, par des études détaillées, prouveraient que cette région était densément peuplée. Selon les études archéologiques des dernières décennies, cette hypothèse est valable non seulement pour la région des Llanos de Mojos, mais aussi pour plusieurs latitudes amazoniennes (Erickson 2006b ; Heckenberger et al. 2008 ; Heckenberger, Neves 2009 ; Rostain 2011a ; Denevan 2014). Aujourd’hui, l’archéologie révèle des histoires culturelles riches et profondes des peuples amazoniens, dont les connaissances et les pratiques sont des leçons à tirer dans le présent et pour l’avenir. La nouvelle édition en français de cet ouvrage a été accueillie au sein de la collection Amérique(s) des Éditions de la Maison des sciences de l’homme, avec l’enthousiasme de Mariane Bellanger dans le souci de diffuser ce savoir au public francophone et au plus grand nombre.
Un renouveau archéologique récent
10L’Amazonie couvre près de 40 % de l’Amérique du Sud et s’étend sur neuf pays : la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, la Guyane française, le Pérou, le Suriname et le Venezuela. Ce vaste territoire est interconnecté par des fleuves qui couvrent une superficie de plus de 7 millions de km2 (une étendue bien plus grande que les 28 États qui composent l’Union européenne). Le territoire amazonien est délimité à l’ouest par les Andes, au nord par le bouclier guyanais et au sud par le bouclier brésilien. Loin d’être un tapis vert, il présente une mosaïque de paysages géographiques différents. Les nuances de vert sont dispersées entre les forêts tropicales humides, les savanes inondées, les marécages, les forêts-galeries, et aujourd’hui des milliers d’hectares de terres agricoles déboisées.
11L’Amazonie est synonyme de diversité, non seulement parce qu’il s’agit de l’habitat le plus riche en biodiversité de la planète, abritant environ 40 % des espèces de flore et de faune du monde, mais aussi parce qu’elle compte environ trois cents langues parlées par des centaines de peuples autochtones qui habitent encore les différents écosystèmes amazoniens.
12On peut affirmer tacitement que la richesse de l’Amazonie repose sur sa diversité, fruit de la création et de la recréation constantes des populations originelles et de leur dialogue étroit avec la nature. Chaque langue, chaque culture, chaque territoire est un patrimoine en soi, avec une profondeur chronologique qui dépasse les attentes de ceux qui considéraient l’Amazonie comme un jardin vierge.
13L’archéologie, dans sa tâche de compréhension de la profondeur historique et culturelle de cette région, a révélé 13 000 ans d’histoire et de développements culturels (Roosevelt 2013). Au cours de ces millénaires, les populations amazoniennes ont offert au monde un grand nombre de plantes domestiquées, d’avancées technologiques et artistiques, de visions du monde et la certitude que la culture et la nature, loin d’être des concepts antagonistes, ont constamment interagi et créé des espaces hybrides dans lesquels les frontières entre la culture et la nature s’estompent.
14Comprendre le développement culturel des peuples amazoniens nous offre une leçon positive et pleine d’espoir, dans laquelle des populations denses d’êtres humains sont capables d’habiter un territoire de manière durable, en augmentant la biodiversité de l’Amazonie. L’héritage des peuples amazoniens est une richesse écologique, accompagnée d’une manière d’être et de faire qui, loin de détruire, a un effet multiplicateur.
15À l’heure actuelle, l’activité humaine entraîne la déforestation de vastes zones, avec des conséquences dévastatrices pour la biodiversité. L’industrie extractive, qui cherche à dominer le monde, s’est fixé pour objectif d’exploiter les richesses des ressources naturelles de l’Amazonie (pétrole, gaz, eau, mines et terres), et des projets de grande envergure sont mis en œuvre pour développer l’agriculture, l’élevage, les mines, le gaz, les oléoducs et l’hydroélectricité. La déforestation entraîne l’érosion des sols et la disparition de nombreuses espèces animales. Il est évident dans le monde entier que la dégradation de l’environnement entraîne un effondrement démographique et social.
16Dans aucun autre contexte régional et temporel, l’archéologie n’a réussi à fournir à l’humanité des leçons aussi positives du passé qui peuvent garantir un avenir meilleur. L’archéologie amazonienne livre un contexte historique qui permet non seulement de respecter les territoires et les droits des communautés autochtones contemporaines, mais aussi de comprendre leurs pratiques et de les considérer comme un exemple de sagesse pour l’avenir et pour tout projet environnemental.
17Les recherches paléobotaniques ont mis en évidence une domestication précoce de certaines plantes qui, au fil du temps, a entraîné une domestication du paysage. La « domestication » désigne la capacité de l’humain à interférer avec l’évolution des plantes et des paysages afin qu’ils s’adaptent et deviennent plus productifs. La domestication est un processus à long terme dans lequel la sélection naturelle interagit avec la sélection humaine, entraînant des changements qui améliorent les avantages pour l’humain et l’adaptation aux paysages domestiqués (Clement et al. 2015 : 2). La domestication permet de surmonter les pressions sélectives environnementales en créant des paysages pour la gestion et la culture d’espèces utiles qui génèrent des changements dans l’écosystème (Levis et al. 2017 : 925). La structure et la composition d’une partie de la forêt amazonienne sont influencées par les manipulations humaines passées. Cette pratique a permis d’assurer la production de nourriture (Smith 2014 : 33) et éventuellement de surplus (Erickson 2006b : 239).
18La répartition et l’abondance des espèces végétales sont déterminées par des processus écologiques et évolutifs. Par conséquent, la domestication dépend du sol, de l’irrigation et des modes de peuplement. Dans le passé, les peuples amazoniens n’étaient pas des sociétés passives. Pendant des centaines d’années, ils ont mis en œuvre des technologies qui ont transformé le paysage afin d’apporter des solutions aux problèmes causés par les carences en nutriments du sol et les fréquentes inondations et sécheresses. Elles ont ainsi assuré la production de denrées alimentaires et la bonne gestion de la forêt. L’archéologie a montré que, dans de nombreux cas, la biodiversité est plus élevée dans les zones anthropiques et qu’elle est le résultat de la gestion culturelle des populations amazoniennes elles-mêmes (Levis et al. 2017 : 928-929). Cela signifie que la forêt à proximité des établissements archéologiques présente une plus grande abondance et une plus grande richesse, car les espèces domestiquées ayant des origines géographiques et écologiques différentes sont plus fréquentes à proximité de ces sites.
19L’Amazonie doit être considérée comme le résultat d’une mosaïque complexe de systèmes humains et naturels qui se sont adaptés au fil du temps. Si une population reste dans un environnement donné pendant une période prolongée, son adaptation aux pressions environnementales sera plus grande. La profondeur historique des peuples de l’Amazonie montre qu’ils ont peu à peu développé diverses stratégies d’adaptation qui ont conduit à la domestication du paysage.
20Le terme de domestication du paysage fait référence à toutes les pratiques et activités non génétiques, menées intentionnellement ou non par l’humain, qui transforment les environnements locaux et régionaux en paysages culturels productifs (Erickson 2006b : 241). Le concept de « paysages anthropogéniques », compris comme un processus conscient par lequel la manipulation humaine provoque des changements dans l’écologie du paysage et dans la démographie des populations végétales et animales, conduisant à la création d’un paysage plus productif et plus convivial pour l’humain, est également valable (Neves 2013 : 376).
21L’archéologie, accompagnée de la mise en œuvre de nouvelles technologies, a démontré l’existence d’établissements humains denses le long des fleuves amazoniens, et même sur le continent. Chacun d’entre eux a eu un impact différent sur le paysage grâce à des travaux liés à la mise en œuvre de technologies agricoles (plateformes de culture surélevées), à la gestion de l’eau (canaux et digues), aux fortifications (fossés), aux marqueurs rituels (constructions mégalithiques), aux centres rituels et/ou administratifs (géoglyphes, monticules monumentaux), parmi d’autres.
22Les recherches archéologiques menées en Amazonie au cours des dernières décennies ont révolutionné notre compréhension du passé de l’Amérique du Sud. Loin d’être une région périphérique, l’Amazonie a influencé l’histoire de la diversité et des développements culturels des Amériques.
23Par exemple, le sud-ouest de l’Amazonie s’avère être l’un des premiers centres au monde de la domestication des plantes, qui ont ensuite été adaptées et utilisées dans d’autres régions du nord des Andes et de la côte. C’est également en Amazonie que l’invention de la céramique a eu lieu, bien plus tôt que dans les régions où se sont développés les premiers États américains. Les peuplements initiaux d’Amazonie sont à l’origine de la plus grande diversité culturelle du globe. Le passé culturel des sociétés amazoniennes crée des ponts entre des régions voisines comme les Caraïbes et les Andes et nous permet de comprendre les processus culturels non seulement dans le temps, mais aussi dans une dynamique interrégionale constante. Les transformations du paysage qui se sont produites au cours des 7 000 dernières années sont multiples et témoignent des modes de vie des anciens habitants et de leur relation dynamique avec l’environnement.
24De plus, l’Amazonie étant actuellement soumise aux pressions constantes de l’industrie extractive, l’héritage des peuples précolombiens devient un outil de lutte pour la défense des territoires autochtones.
Un ouvrage nécessaire
25Ce livre présente les recherches scientifiques les plus récentes d’éminents archéologues qui, dans un langage clair et accompagné de nombreuses illustrations, expliquent l’histoire de l’Amazonie avant le contact européen.
26Cet ouvrage permettra aux étudiants de différentes branches des sciences sociales et naturelles d’aborder des sujets sur l’origine de la monumentalité, la transformation du paysage, les différentes techniques agricoles, l’utilisation du sol et de l’espace, ainsi que sur les technologies et les arts qui ont accompagné et différencié ces cultures au fil du temps.
27Certains chapitres de cet ouvrage ont déjà été publiés en espagnol dans le livre Les Sept Merveilles de l’Amazonie précolombienne, sorti en 2017 en Bolivie. Toutefois, cette nouvelle édition, en plus d’avoir un nouveau nom et de nouveaux chapitres, a permis aux auteurs de réviser et de mettre à jour leurs contributions avec les plus récentes données de terrain et de les publier en français pour la première fois.
28La version du livre de 2017 se centrait sur sept types de sites monumentaux considérés comme représentatifs et remarquables par les auteurs qui les identifiaient comme des « hauts lieux » de l’Amazonie ancienne et devraient être connus de tous : 1) les tertres de coquillages amazoniens, des sites ayant une histoire culturelle profonde d’au moins 6 000 ans, dans lesquels ont été trouvées les premières preuves de la consommation domestique de plantes et de l’utilisation de récipients en céramique ; 2) les grands tertres de terre avec une variabilité régionale, qui dans certains cas deviennent d’importantes constructions architecturales ; 3) les géoglyphes et les fossés, qui délimitent les villages et les espaces rituels dans le sud-ouest de l’Amazonie ; 4) les terras pretas ou terres noires, un héritage des activités des populations autochtones précolombiennes qui augmentent le rendement des sols ; 5) les champs surélevés et la diversité des systèmes agricoles conçus pour améliorer les conditions du sol et contrer les effets des sécheresses et/ou des inondations prolongées ; 6) les monuments mégalithiques, constructions exceptionnelles en Amazonie, qui révèlent les notions de ritualité et de territorialité des peuples préhispaniques ; et 7) l’art rupestre amazonien, non seulement comme source d’inspiration artistique, mais sutout comme une autre matérialité que l’archéologue complète avec d’autres preuves pour tenter d’interpréter son rôle et sa signification dans le passé.
29La nouvelle version de l’ouvrage proposée ici est bien plus ambitieuse que la précédente, puisque de nouveaux chercheurs ont été invités à présenter des aspects absents de l’édition précédente. C’est donc un panorama plus complet de l’archéologie de l’Amazonie qui est exposé dans ces pages.
30Le livre s’ouvre sur le chapitre « Quand nature et culture se rencontrent » de Stéphen Rostain. Cette contribution introduisait le livre original de 2017, mais a été profondément remodelée et enrichie pour la version présente. Si l’on regarde la carte des sites inscrits au patrimoine mondial par l’UNESCO, on reste surpris par le vide des quelque 7 millions de km2 que représente l’Amazonie. Jusqu’en 2018, personne n’avait jugé nécessaire de classer des sites culturels autochtones d’intérêt dans cette immense forêt tropicale. Les Amazoniens étaient punis de n’avoir pas construit d’édifices en pierre de taille – matière première rare dans la région. Pourtant, l’intervention humaine a été importante depuis 13 000 ans, mais les actions des autochtones favorisent la résilience de la forêt après l’abandon, aussi demeurent-elles discrètes au regard occidental. Ils ont ainsi abondamment utilisé la terre comme matériau de base de leurs monuments. D’autres restes notables sont directement visibles dans le sédiment même appelé terra preta qui a changé de couleur et de nature. Bien que rares, on trouve également des monuments archéologiques de pierre, avec les mégalithes ou l’art rupestre. En 2018, l’UNESCO a fini par classer au patrimoine mondial de l’humanité le parc archéologique et naturel de Chiribiquete (43 000 km²) en Colombie. Espérons que ce premier site reconnu ne sera pas aussi le dernier.
31Le chapitre 2, « L’Amazonie comme domicile et terrain de jeu » de Myrtle Pearl Shock et Claide de Paula Moraes, n’était pas dans la publication précédente. C’est une refonte d’un article publié en 2019 en portugais par les mêmes auteurs dans le Boletim do Museu Paraense Emílio Goeldi sous le titre « A floresta é o domus. A importância das evidências arqueobotânicas e arqueológicas das ocupações humanas amazônicas na transição Pleistoceno/Holoceno » (« La forêt est la maison. Importance des données archéobotaniques et archéologiques pour les occupations humaines de l’Amazonie durant la transition Pléistocène/Holocène » ). Ce chapitre secoue sérieusement les idées reçues sur les processus qui ont mené à la domestication des plantes. Les auteurs réfutent les reconstructions qui s’appuient sur des exemples parfois très lointains, où les conditions de contrôle de la nature ont été fondamentalement différentes. Dégagés des apriori généralement admis, ils proposent une conceptualisation de l’occupation dans la directe lignée des paradigmes conçus par l’écologie historique. Pour ce faire, ils remontent aux premiers temps du peuplement humain de l’Amazonie, il y a 13 000 ans. Ils rejettent l’expression de chasseur-cueilleur qui ne rend pas compte des relations étroites et répétitives que ces peuples ont entretenues avec la nature pour aboutir à la transformation, l’appropriation et l’utilisation des paysages, autant d’actions cumulatives qu’ils désignent comme inclusives. Les pratiques actuelles des groupes autochtones servent de fil conducteur dans cette réévaluation du passé.
32Le chapitre 3, « Les tertres coquilliers amazoniens et la longue histoire autochtone d’Amérique du Sud » de Francisco Antonio Pugliese Junior, Carlos Augusto Zimpel Neto et Eduardo Góes Neves, était présent dans le premier ouvrage, mais a été ici amendé par les auteurs et augmenté d’une dense bibliographie. Les tertres coquilliers, désignés au Brésil comme sambaquis, sont des sites archéologiques monumentaux avec les plus longues séquences d’occupation, puisqu’ils s’étendent sur des millénaires. Les plus anciens ont commencé à être érigés il y a 7 000-8 000 ans, mais aucun ne semble avoir connu de peuple acéramique. Les plus anciennes évidences de poterie du continent américain ont d’ailleurs été trouvées dans ces tertres, dont celui de Taperinha, près de Santarém où la première céramique est âgée de 7 000 ans. Ils sont pour l’instant repérés dans quatre aires d’Amazonie : deux sont à l’intérieur des terres le long de rivières dans le Sud-Ouest d’une part et dans l’Amazone inférieure d’autre part ; les deux autres sont côtières à l’est du delta de l’Orénoque au Guyana et à l’est de l’estuaire de l’Amazone dans les États du Pará et du Maranhão. Certains monticules de coquillages construits il y a plus de 5 600 ans sur la côte du Pará ont parfois été occupés saisonnièrement jusqu’à nos jours par des peuples autochtones. La construction progressive et l’utilisation ponctuelle de ces sites traversent donc presque toute la séquence ancienne du peuplement de l’Amazonie, permettant de reconnaître une longue histoire autochtone.
33Le chapitre 4, « Tertres artificiels en Amazonie » d’Heiko Prümers, était présent dans le livre original, mais a été profondément révisé ici. Les tertres sont les monuments les plus impressionnants construits par les Précolombiens. Parfois de taille modeste, comme les tertres domestiques du moyen Amazone, ils atteignent souvent des dimensions importantes dans d’autres aires comme dans le Llanos du Barinas au Venezuela ou sur la côte du Suriname. L’auteur s’attache à décrire la situation dans trois régions-phares de la monumentalité amazonienne : l’île de Marajó dans l’embouchure de l’Amazone, les Llanos de Mojos en Bolivie et la vallée de l’Upano en haute Amazonie équatorienne. Ces exemples représentent deux époques clés de la construction de monticules artificiels de terre : une période initiale il y a près de 2 500 ans sur le piémont oriental des Andes et une période de prolifération de 600 à 1 400 de notre ère. Ces grandes structures de terre ont livré des vestiges remarquables, telles des poteries élaborées ou des urnes funéraires anthropomorphes polychromes. Les modes de construction, la stratigraphie et les structures domestiques, vivrières ou cérémonielles ont également été exhumés et déterminés. Dans les deux régions occidentales, les tertres sont associés à des constructions complémentaires : places basses, digues, chemins surélevés ou creusés, bassins, pièges à poissons, drains agricoles, terrasses. Que ce soit à des fins résidentielles, politiques, économiques, funéraires ou cérémonielles, les premiers habitants d’Amazonie ont imprimé leur identité dans le sol.
34Le chapitre 5 sur « Les terres noires anthropiques du biome amazonien. Plus qu’une poignée de déchets » de Manuel Arroyo-Kalin était déjà publié dans le premier ouvrage, mais a fait l’objet d’une forte révision. Il retrace de manière très didactique l’histoire et les résultats les plus récents de la recherche sur ces sols fascinants. Si l’Amazonie a la réputation d’être entièrement infertile en raison de la pauvreté de la terre, il existe néanmoins des sols d’une richesse exceptionnelle. Il s’agit de zones plus ou moins étendues, composées de sédiments très sombres et très fertiles. Cette terre noire – terra preta en portugais ou Amazonian Dark Earth (ADE) en anglais – aux capacités exceptionnelles est en fait un héritage des anciennes activités humaines et de l’occupation ancienne. Elle présente de fortes concentrations de charbon de bois, de matière organique, de nutriments et de microfragments de céramique et d’os, associées à une activité biologique importante. La chimie du sol a changé, donnant naissance aux terras pretas. Cette terra preta se trouve le long de la plupart des grands fleuves amazoniens, mais elle est surtout dense le long de l’Amazone. La grande majorité des complexes de terra preta s’étendent sur une surface de 1 à 5 ha, mais certains dépassent les 300 ha. Leur épaisseur moyenne est de 40 à 60 cm, mais peut atteindre plus de 2 m. Au total, on estime que la superficie totale de terra preta couvrirait au moins 0,1 à 0,3 %des 7 millions de km2 de l’Amazonie.
35Le chapitre 6, « Camellones. L’agriculture monumentale sur champs surélevés » de Stéphen Rostain, existait dans la première publication, mais a été révisé ici. Dans un monde semi-aquatique comme l’Amazonie, toute surface cultivable est recherchée, voire créée. Les Précolombiens ont construit des monticules dans les savanes inondées pour cultiver en drainant l’excès d’eau. Les monticules allongés étaient les plus populaires, mais les formes et les dimensions sont souvent diverses et l’organisation interne des complexes présente de nombreuses variations. La principale distinction entre ces différents systèmes repose sur leur association avec un cours d’eau ou avec des eaux stagnantes, comme un lac ou une zone périodiquement inondée. Les buttes agricoles présentent un intérêt particulier, car elles occupent d’immenses surfaces de terrain non forestier. Les champs surélevés étaient utilisés pour cultiver du maïs, du manioc, des courges et d’autres plantes dans les plaines inondables. En Amazonie, ces anciennes zones agricoles apparaissent au Venezuela, en Bolivie et dans les Guyanes. Elles correspondaient probablement à des sociétés de bâtisseurs de tertres qui connaissaient parfaitement les subtilités naturelles de leur territoire. Leur apparition est généralement datée des premiers siècles de notre ère jusqu’à connaître un pic autour de l’an 1000 pour amorcer leur déclin vers 1200. Ces populations ont laissé derrière elles un paysage profondément transformé par des milliers d’hectares de buttes agricoles, mais aussi de canaux, de bassins, de digues, de chaussées, de grands tertres, etc. Dans de nombreux cas, des ingénieurs naturels de l’écosystème, tels que termites, fourmis ou vers, ont participé au maintien de ces vestiges agricoles jusqu’à nos jours.
36Le chapitre 7, « Obsédé par la géométrie. Terrassements dans l’État d’Acre, Sud-Ouest d’Amazonie » de José Iriarte est totalement original, rédigé spécifiquement pour ce livre. L’auteur dresse un bilan de l’histoire du paysage et de son anthropisation, notamment par la réalisation de grands terrassements. La révélation de centaines de grands sites à fossés périphériques en Amazonie occidentale, dans l’État d’Acre, a fait grand bruit au début du millénaire, d’autant plus que cette découverte était le résultat des dommages collatéraux d’une déforestation débridée accrue. Ces fossés d’enceinte sont des structures géométriques fermées – rondes, ovales ou carrées et parfois composites – de 100 à plus de 300 m de diamètre chacune. Des avenues rectilignes peuvent partir des enceintes pour s’étendre jusqu’à 500 m de longueur avant de rétrécir progressivement et de disparaître dans le paysage. Plus de 500 enclos à fossé sont pour l’instant répertoriés dans cette région. Visiblement pas à usage défensif, ces sites auraient plutôt servi à de grandes réunions collectives. Ils sont datés dans leur grande majorité entre environ 400 avant notre ère et 1000 de notre ère. Ils sont alors remplacés par d’autres types de sites d’habitat qui vont perdurer jusqu’au lendemain de l’arrivée des Européens en Amérique. Ce sont des tertres disposés en anneau d’où irradient des chemins creux, ce qui leur donne un peu l’aspect d’une horloge géante. Ces routes semblent relier d’autres sites similaires, dessinant un immense réseau viaire dans la région.
37Le chapitre 8 « Cités-jardins tropicales d’Amazonie du Sud » de Michael Heckenberger a été précédemment publié dans le recueil de comptes rendus Amazonía. Memorias de las conferencias magistrales del 3er Encuentro Internacional de Arqueología Amazónica (Amazonie. Mémoires des conférences magistrales du 3e Congrès international d’archéologie amazonienne) (Rostain 2014). C’est une contribution importante, car l’archéologue nord-américain a été le premier à reconnaître l’existence d’anciens systèmes préurbains en Amazonie sur la base de ses travaux de terrain dans le haut Xingu. Pourtant, rien ne prédestinait en apparence cette région à conserver les restes de cités passées. D’ailleurs, elle n’avait jusqu’alors attiré aucun archéologue. Il aura donc fallu de la persévérance et de l’intuition à Heckenberger pour investiguer dans ces lieux oubliés de l’Occident. Il initie une nouvelle pratique de l’archéologie en associant ses hôtes et en observant le paysage d’un œil lavé de tout préjugé. Il trouve d’immenses sites annulaires datés d’il y a 500 ans, avec les traces de grandes maisons collectives en cercle autour d’une énorme place centrale. Des fossés et talus défendent l’implantation tandis que des routes très larges partent radialement de l’implantation pour rejoindre des sites secondaires. Tout le territoire organisé entre centres principaux et des agglomérations auxiliaires est ainsi révélé. Les autochtones locaux vivent encore selon un modèle spatial comparable connecté d’après une trame précise de larges chemins, bien que de dimensions réduites par rapport aux anciennes cités.
38Le chapitre 9, « Sites mégalithiques de Guyane orientale » de Mariana Petry Cabral et João Darcy de Moura Saldanha, dévoile un type de site rare, que l’on ne trouve que dans le nord de l’Amapá au Brésil. Les auteurs ont répertorié une trentaine de grands sites mégalithiques composés de dalles de granit dressées, disposées de préférence en cercle ou en ligne, au sommet de petites élévations naturelles. Tous les sites conservaient des sépultures, parfois dans des puits à chambres latérales. Avec un diamètre de plus de 30 m et des dalles dépassant 4 m de hauteur, Rego Grande est le site le plus imposant. Il présente également des orientations entre le sommet des pierres dressées et le soleil à certaines heures de la journée, lors du solstice de décembre. On peut en déduire des fonctions cérémonielles et à visée astronomique, en plus de celles funéraires avérées. Les fouilles archéologiques menées par les auteurs à Rego Grande ont en effet permis de découvrir des urnes anthropomorphes en céramique peinte et du matériel votif. Il est clair que la répartition des sites résidentiels et rituels reflète l’importance de la vie cérémonielle dans cette société. On peut également penser que la science astronomique des anciens occupants a pu être utilisée pour relier leurs paysages terrestres au paysage du ciel.
39Le chapitre 10, « L’art rupestre d’Amazonie » d’Edithe Pereira, traite de l’expression graphique ancienne sur la pierre des autochtones d’Amazonie. Ils ont gravé ou peint des motifs énigmatiques dans tous les recoins de la région. Toutefois, des lieux préférentiels ont été choisis : les gravures, qui dominent largement, apparaissent surtout sur les rochers le long des rivières, tandis que les peintures sont plutôt faites en altitude loin des cours d’eau. L’auteure rappelle également la présence dans l’intérieur des Guyanes d’assemblages de dalles de pierre posées à même le sol, représentant parfois des êtres indéfinis. Elle dresse un ample panorama, pays par pays, des manifestations de cette pratique rupestre qui exhibe une grande variété de motifs et thématiques. L’un des intérêts de l’art rupestre est qu’il traverse toute la chronologie de l’histoire humaine d’Amazonie depuis au moins 13 000 ans et que les autochtones actuels ont encore un discours lié à la mythologie, vraisemblablement différent de ceux qui l’ont conçu, pour l’interpréter. Leur regard est pourtant essentiel, car ils relient assez logiquement des scènes et des personnages à leurs mythes, offrant ainsi une voie d’entendement à ne pas négliger, malgré les millénaires qui les séparent des auteurs. En fin de compte, les peintures et les gravures dans la pierre expriment de manière éclatante un des nombreux paradoxes de l’Amazonie : l’uniformité des techniques de réalisation des motifs s’oppose à une grande diversité des thèmes, des figures et des tracés réalisés.
40Le chapitre 11, « Nouvelles perspectives sur les céramiques archéologiques d’Amazonie » d’Helena Pinto Lima, Cristiana Barreto et Carla Jaimes Betancourt est nouveau. Il s’agit d’une version révisée et enrichie d’une précédente contribution en portugais « Novos Olhares sobre as cerâmicas Arqueológicas da Amazônia » (« Nouvelles perspectives sur la céramique archéologique d’Amazonie ») dans le livre édité par ces mêmes auteures, Cerâmicas Arqueológicas da Amazônia. Rumo a uma nova síntese (Céramiques archéologiques d’Amazonie. Vers une nouvelle synthèse). Il faut en effet se souvenir que la céramique est le vestige le plus fréquemment retrouvé en Amazonie, jusqu’à avoir constitué à une époque le principal critère chronoculturel de classement archéologique des premiers habitants de la région. Si cette prééminence n’est aujourd’hui plus aussi marquée, il n’en demeure pas moins que la poterie est encore un fil conducteur utile à l’archéologue amazoniste, à condition de sortir de la traditionnelle logique typologique. C’est ce à quoi s’attachent ici les auteures en dressant un panorama ample des différentes traditions archéologiques caractérisées par la céramique qui signent la forte diversité culturelle ancienne. Elles s’appuient pour cela sur une grande variété de sources fournies par un panel étendu de chercheurs. Leur analyse montre l’évolution profonde des perspectives théoriques et méthodologiques dirigeant l’étude céramique depuis la Seconde Guerre mondiale. Une synthèse d’une telle ampleur n’avait pas jusqu’à présent été tentée, mais était indispensable à la poursuite d’une archéologie chaque jour plus diverse et complexe.
41Le chapitre 12, « La mort et l’Amazonie. Les espaces funéraires comme témoignage de permanence territoriale » est le fruit des travaux de l’archéologue Anne Rapp Py-Daniel qui cosigne ici avec un groupe de jeunes archéologues : Karen Lorena Freire Marinho, Eduardo Rosa de Mendonça Costa, Cristiane Nayara Jati Colares, Alba Pereira Pinto, Tainá Neres Campos et Suiane de Sousa Santos. C’est une contribution originale spécialement écrite pour ce volume. Elle est même doublement originale puisque la chercheuse a invité ses étudiants en formation à participer au processus de recherche et d’écriture, leur offrant ainsi une inestimable immersion dans le métier. Plus qu’une contribution, c’est une leçon magistrale qui est proposée ici, s’appuyant sur des exemples de sites concrets étudiés en détail ; et une synthèse complète de l’histoire de la discipline, de son émergence, des méthodologies en action, des résultats et des premières théorisations effectuées. Comme ailleurs en Amazonie, il est impossible de généraliser les pratiques funéraires sur une immensité comme l’Amazonie. Bien au contraire, la diversité est la règle. Les modes varient considérablement d’un peuple à l’autre, mais également au sein d’une même ethnie où des critères d’âge, de statut ou de symbolique décident du sort du défunt. Cette diversité même aide pourtant à dresser une carte culturelle en se fondant sur les types de sépultures comme marqueurs territoriaux. L’archéologie funéraire, longtemps considérée limitée par un milieu évalué à tort comme destructeur pour les ossements, offre bien au contraire des champs d’investigation insoupçonnés.
42Le chapitre final, « Universalisme absolu, universalisme particulier, universalisme relatif, appliqués aux zones protégées » de Philippe Descola, concluait également la version originale du livre. Ce texte est issu d’un exposé fait le 16 juin 2006 par l’auteur à la division du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il reste encore aujourd’hui d’une actualité troublante qui interroge. La définition même de « patrimoine » est loin de faire l’unanimité, les sociétés occidentales l’attribuant de préférence à des constructions et des œuvres humaines. En se fondant sur des concepts bien loin de la matérialité, les autochtones ont plutôt tendance à entendre ce mot en désignant des lieux chargés de sens spirituel, magique, mémoriel, mythologique, etc. Ainsi, les endroits patrimoniaux peuvent être un cours d’eau, une cascade, une montagne, un arbre, voire un espace de prime abord anodin, mais porteur de puissantes forces. Dès lors, l’auteur dévoile sa difficulté en tant qu’anthropologue de décider du choix des biens naturels et culturels à retenir pour arriver à un consensus universel. Une perplexité vraisemblablement impossible à résoudre. Pourtant, le sujet mérite d’être traité sur la base d’une réflexion approfondie libérée des carcans ontologiques propres à chaque population. Peut-être l’universalisme est-il finalement une utopie propre aux sociétés occidentales qu’il est préférable d’éviter dans une désignation patrimoniale collective ?
Une patrimonialisation qui débute par la connaissance
43Toutes ces connaissances archéologiques sur le passé culturel de l’Amazonie donnent aux communautés amazoniennes contemporaines un plus grand sentiment d’identité et de continuité, tout en promouvant le respect de la diversité culturelle et de la créativité humaine.
44Toutefois, si les notions de conservation du patrimoine et de valorisation de bien matériel sur le « temps long » vont de soi dans la société occidentale, elles sont beaucoup moins légitimes et acceptées par les sociétés dites « traditionnelles », que ce soit en Amazonie, en Alaska, au Sahara en Afrique ou dans le Pacifique. « Il n’est ainsi pas surprenant de constater que ces sociétés continuent, en ce début de xxie siècle, à garder une distanciation craintive vis-à-vis de l’archéologie, cette science humaine censée leur raconter leur propre passé en creusant le sol » (Sand 2017 : 8). La question du point de rencontre entre le cartésianisme utilitaire occidental – concrétisé par l’inscription au patrimoine mondial de sites à protéger – et la nécessité vitale de préserver des lieux de mémoire et de rites primordiaux des sociétés autochtones amazoniennes reste ouverte.
Auteurs
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Stéphen Rostain
IdRef : 029189837
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Jaimes Betancourt Carla
IdRef : 029189837
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