Introduction partie 2
p. 107-108
Texte intégral
Aaah, il n’a pas l’apparence d’un être humain. Si vous m’aviez vu bébé et si vous prenez une photo de moi bébé et aujourd’hui, vous verrez que la différence est forte et qu’on ne me reconnaît pas. Et donc là […], c’est le premier stade et quand j’étais embryon, j’avais encore un aspect complètement différent. Quand je serai plus vieux, 90, 95 ans, j’aurai sans doute encore une apparence bien différente. Et on a ces apparences très différentes dans un tas de circonstances biologiques. Par exemple, la chenille et le papillon, c’est absolument le même animal, il a le même code génétique, c’est le même animal qui s’est transformé. Et vous voyez bien que ce n’est pas parce que… l’apparence ne veut pas dire que l’être n’est pas le même. C’est bien le même être […]. Indiscutablement [l’embryon] est une personne dès le début. (Henri Bléhaut, Fondation Jérôme Lejeune, 2012.)
1Répondant à la question de savoir si l’embryon est un être humain et une personne, le Dr Henri Bléhaut, directeur de la Recherche à la Fondation Jérôme Lejeune, conclut sur ces mots une vidéo publiée sur YouTube1. Ce médecin épouse la position défendue par l’Église catholique contemporaine pour laquelle la personne existe dès la conception2. Si cet argumentaire prend bien en compte la dimension du développement physique, du passage des quelques cellules que forme un embryon à un adulte pleinement autonome (l’exemple de la chenille et du papillon), ces changements n’ont pour l’Église aucune pertinence. L’accent est au contraire mis sur la permanence de l’être tout au long de son développement, de la fécondation à la mort. « J’ai été embryon », affirmait ainsi le slogan de la Marche pour la vie en 2015. Après avoir défendu la thèse de l’animation différée – c’est-à-dire de l’existence d’un délai entre la conception et le moment d’infusion de l’âme – et après sa première résistance au paradigme biologique, l’Église catholique contemporaine a complètement embrassé les apports de la génétique et de la biologie (Porqueres i Gené 2015), et s’en sert pour soutenir son propos : l’embryon possède déjà l’ensemble du matériel génétique qu’il aura une fois adulte ; et ceci avec les conséquences que nous connaissons sur le droit à l’interruption volontaire et médicale de grossesse. Cette position se retrouve dans les débats politiques et bioéthiques. Il est souvent fait mention de « l’embryon » comme d’une entité abstraite et générale ne prenant en compte ni ses différents états – frais, vitrifié, dévitrifié –, ni sa relation avec le milieu dans lequel il se développe et avec l’ensemble des acteurs impliqués, ni même, souvent, la manière dont il s’inscrit dans un processus temporel.
2Envisager la grossesse comme processus de construction graduel d’une personne permet pourtant de rendre compte de la pluralité des figures de l’être anténatal, gamètes, embryon, fœtus, puis enfant. En outre, c’est également par l’élaboration sociale d’une éthique du changement que la société fait face à l’apparente contradiction que représente l’attachement à la fois aux droits des femmes et à la préservation de la vie embryonnaire et fœtale.
Notes de bas de page
1Voir « L’embryon, un être humain ? » (https://www.youtube.com/embed/z6FIKncUEb4?rel=0 [lien valide en décembre 2023]) et le Manuel bioéthique des jeunes de la Fondation Jérôme Lejeune, disponible en ligne, https://www.fondationlejeune.org/assets/uploads/2013/01/ManuelBio%C3%A9thique-BD-.pdf [lien valide en décembre 2023].
2C’est ce que stipule l’instruction Donum vitae de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 22 février 1987 : « Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée, car l’homme est sur terre l’unique créature que Dieu a “voulu pour lui-même” et l’âme spirituelle de tout homme est “immédiatement créée” par Dieu ; tout son être porte l’image du Créateur » (6), et de réaffirmer ensuite (7) : « L’être humain doit être respecté – comme une personne – dès le premier instant de son existence ».
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