1Les trois nécropoles regroupent au total près de 1 200 dépôts qui peuvent être attribués avec certitude à des tombes1. Nettement majoritaire, l'incinération ne constitue toutefois pas le seul mode de traitement du corps. En effet, bien que marginale, la pratique de l'inhumation est attestée dans la nécropole du Causse. Les observations recueillies sur l'aménagement de ces tombes sont riches d'enseignement. Elles permettent non seulement d'avoir une idée précise de l'architecture funéraire et de l'organisation des dépôts sépulcraux mais aussi d'appréhender une véritable évolution des pratiques funéraires.

4.1 Les tombes à incinération

2Lorsque l'état de conservation est suffisamment bon, chaque tombe est constituée d'un espace limité par une structure d'entourage en pierre et, généralement en son centre, la fosse renfermant le dépôt funéraire.

4.1.1 Les aménagements

4.1.1.1 Les structures d'entourage

3Une des originalités des nécropoles de Gourjade et du Causse est l'existence de structures périphériques autour des tombes lorsqu'elles n'ont pas été trop endommagées. Ces aménagements n'ont pas été reconnus au Martinet car ils n'étaient manifestement pas conservés.

4Excepté un cas au Causse (T.658 et T.662) et peut-être un second à Gourjade (T.182 et T.187), où deux tombes sont réunies au sein d'un même entourage, ces structures périphériques ne contiennent qu'un seul dépôt funéraire situé sensiblement au centre de la surface ainsi délimitée.

5Au Causse, ces structures sont aménagées à l'aide de blocs et plus rarement de dalles, placés dans une tranchée de fondation qui les maintient le plus souvent en position verticale. Ces excavations sont généralement étroites (0,15 à 0,35 m) et peu profondes, n'excédant pas 0,20 m. Peu nombreuses, les 83 structures d'entourage repérées sur cette nécropole ne concernent que 12 % des tombes. Leur répartition est étroitement liée à la taphonomie du site qui a favorisé leur conservation dans trois principaux secteurs (fig. 192 et 193). Au nord-ouest du site, sur une surface de plus de 1 000 m², la quasi-totalité de ces aménagements a été épargnée par l'arasement. Les conditions d'enfouissement de la dépression bordière nord ont également permis une bonne conservation de ces structures sur une surface d'environ 600 m² à l'est et 250 m² au nord-ouest. Enfin, au sud-est, un arasement moins marqué du substrat a permis la sauvegarde de quelques traces d'entourages.

6Des aménagements postérieurs ont pu toutefois perturber localement ces structures. Ainsi, dans la dépression bordière qui est occupée dès le Néolithique moyen, un petit fossé et des drains antiques, ainsi que quelques installations plus tardives, ont affecté le plan de ces vestiges. Dans une moindre mesure, au nord-ouest du site, les perturbations visibles sur certaines structures sont dues à la plantation récente d'un bosquet de chênes verts. Enfin, la garniture de blocs disposée dans les creusements est rarement conservée dans son intégralité, les matériaux ayant été manifestement prélevés lors des mises en culture (traces de charruage). Cet état ne gêne toutefois la lecture des plans que dans de rares cas où l'entourage est aménagé dans l'épaisseur des sédiments de la dépression ou dans un calcaire en décomposition très meuble qui ne permettent pas la conservation des limites de creusement.

7À Gourjade, les entourages sont constitués d'une série de dalles et de galets retrouvés fichés dans le sol, verticalement ou légèrement inclinés vers l'extérieur, les conditions de gisements n'ayant pas permis de vérifier la présence d'excavation en tranchée.

8Dans cette nécropole, plus de 150 tombes présentent des vestiges de ces structures. La conservation de ces aménagements n'est toutefois pas uniforme sur toute l'étendue de la nécropole et l'état trop partiel de 40 % d'entre eux ne permet pas de connaître leur véritable emprise au sol. Ils ne sont bien conservés que dans les secteurs ouest et sud-ouest du site, ainsi que sur une bande large d'une trentaine de mètres et longue d'une cinquantaine de mètres dans la partie est (fig. 194 et 195). À l'extrémité nord-est de la nécropole, ils ne subsistent qu'à l'état fragmentaire ; sur une vaste zone de la partie centrale du site, aucun élément n'est conservé, probablement à cause de l'érosion de ce secteur.

9La forme de ces structures périphériques permet de définir deux types principaux : les entourages circulaires (type 1) (fig. 196, n^os 1 et 2 ; fig. 197) et les entourages quadrangulaires (type 3) (fig. 196, n^os 4 et 5 ; fig. 198 et 199). Ces deux types sont inégalement représentés, aussi bien au Causse qu'à Gourjade, mais leur répartition est à chaque fois nettement distincte. Il existe aussi, mais dans une moindre mesure et uniquement à Gourjade, une forme intermédiaire présentant un plan quadrangulaire avec un ou plusieurs côtés arrondis (type 2) (fig. 196, n^o 3).

Les entourages circulaires (type 1)

10Avec moins de 25 exemplaires identifiés, ce type d'entourage est peu représenté dans les deux nécropoles.

11Au Causse, seules quatre structures de ce type ont été repérées (T.382, T.388, T.393 et T.401). Leur diamètre restitué varie de 2,60 à 3,90 m, trois d'entre eux étant supérieurs à 3 m ; la tombe occupe ainsi un espace de 5,3 à 12 m². Les rares éléments lithiques conservés en place dans les tranchées de fondation sont constitués par des blocs de grès de petit module en association avec des plaquettes de calcaire issues du substrat et parfois utilisées comme pierres de calage. L'entourage de la tombe 401 comprenait également un élément en granit (fragment de meule ?).

12Les entourages circulaires ne sont attestés qu'au sud-est de la nécropole, sur une zone peu étendue et isolée par les effets de l'arasement général du site (fig. 192 et 200). Ce secteur regroupe une quarantaine de tombes, dont deux inhumations. Les distances réservées entre ces tombes ne laissent qu'à peu d'entre elles la possibilité de posséder un entourage de taille équivalente. Toutefois la présence d'entourages plus réduits ne doit pas être exclue, notamment dans le cas d'association (entourages mitoyens) comme semblent le suggérer certaines proximités : la tombe 466 n'est ainsi distante que de 0,80 m de l'entourage de la tombe 382.

13À Gourjade, le nombre de tombe de type 1 est plus élevé avec près d'une vingtaine d'exemplaires identifiés, tous situés en bordure ouest de la zone centrale de la nécropole, dans les carrés F 17, F 18 et F 19 (fig. 194 et 202). Ces entourages sont matérialisés au sol par des dalles de grès utilisées seules ou accompagnées de galets. Leur emprise est très variable : la plus grande structure occupe une surface de 22 m² (fig. 197), trois s'étalent sur plus de 10 m² et les autres n'excèdent pas en majorité 5 m². Parmi ces dernières, trois ne couvrent qu'une faible surface de l'ordre du mètre carré. Elles occupent une position tout à fait particulière puisqu'il s'agit de petites tombes « satellites » associées à une tombe du type 2 (T.128) (fig. 194).

Les entourages mixtes (type 2)

14Cette forme intermédiaire a été identifiée à Gourjade sur quatre ensembles (T.128, T.138, T.142 et T.359). On les rencontre à l'ouest de la nécropole entre les tombes de type 1 et celles de type 2 (fig. 194 et 202). Les matériaux utilisés sont identiques à ceux des entourages circulaires. La surface délimitée par ces structures n'est pas constante et varie de 6 à 12,5 m²•

Les entourages quadrangulaires (type 3)

15Plus fréquent, ce type a été identifié avec certitude sur 72 tombes au Causse et sur plus d'une centaine à Gourjade.

16Au Causse, les tombes de type 3 conservées se trouvent exclusivement en périphérie de la nécropole. Elles sont concentrées sur le versant sud de la dépression bordière à l'est du site, et sur une étendue plus vaste au nord et au nord-ouest de la nécropole (fig, 200). Parmi les 78 structures attestées dans ces secteurs, cinq restent de plan indéterminé mais ne laissent qu'un doute de principe quant à leur forme d'origine.

17De forme sensiblement carrée ou rectangulaire, ces entourages présentent toujours des angles arrondis. Leurs longueurs varient de 1,40 m à 5,60 m pour des largeurs comprises entre 1,10 et 4 m. Les surfaces ainsi occupées évoluent entre 1,7 et 19,6 m². L'histogramme établi à partir de ce critère met en évidence quatre grands groupes (fig. 201). Les structures de petite taille, dont la surface est inférieure à 2 m², existent mais sont peu nombreuses (2 ex.). Les entourages de taille moyenne, compris entre 3,5 et 6,5 m² de surface sont plus nombreux (24 ex.). Les grands entourages, dont l'emprise est comprise entre 7,5 et 14,5 m² sont nettement majoritaires (41 ex.), Enfin, cinq tombes sont pourvues de très grands entourages qui occupent une surface supérieure à 15 m².

18Les blocs matérialisant les limites de ces structures en surface sont posés de chant dans la tranchée de fondation. Ils sont appuyés le plus souvent contre la paroi, vers l'extérieur, et présentent ainsi une inclinaison plus ou moins importante. Lorsque les structures sont aménagées dans l'épaisseur des sédiments, ces éléments sont alors fréquemment inclinés vers l'extérieur de la tombe (T.626, T.745 et T.738).

19Les deux principaux matériaux utilisés pour la réalisation de ces entourages sont le grès et le calcaire. L'utilisation d'une autre roche telle que le schiste, le gneiss ou le granit est plus anecdotique. À l'exception de ce dernier, tous ces matériaux sont disponibles aux abords du site, dans un rayon de moins de 2 km. Les galets se trouvent en abondance dans le lit du Thoré, les schistes également. Le grès ne se rencontre massivement que dans des affleurements situés à l'ouest du site et peut nécessiter un travail d'extraction2. Le calcaire qui constitue le substratum du site a été utilisé en dépit d'une fracturation importante, ce phénomène ainsi que le degré d'altération variant d'un secteur à l'autre. Un autre calcaire a aussi été employé, plus massif, très induré et calcitique, renfermant des restes coquilliers et portant des traces de karstification. Il pourrait provenir de ramassages en surface à l'est du site, mais également de l'exploitation d'affleurements présents au sud-est3.

20Un seul type de roche peut être employé dans la réalisation d'un entourage (grès : T.575, T.576; calcaire massif : T.742, T.743) mais les associations de matériaux différents restent fréquentes (33 cas). Seul le calcaire massif ne fait l'objet d'aucune association. Ces blocs de fort volume, aux dimensions parfois considérables (jusqu'à 1 m de long, 0,50 m de large et 0,40 m d'épaisseur) ne se rencontrent que dans les structures implantées dans les sédiments meubles de la dépression bordière nord. Le choix exclusif de matériaux lourds et volumineux pour l'aménagement des entourages dans ce secteur peut trouver ici une explication, les creusements aménagés sur les versants n'atteignant jamais l'assise calcaire.

21Le grès se présente sous la forme de blocs plus modestes, de 0,30 à 0,50 m de long en moyenne pour une épaisseur de 0,15 et 0,25 m. Rarement conservées dans leur intégralité, les hauteurs de ces blocs ne semblent pas excéder 0,30 m, émergeant ainsi du sol d'une quinzaine de centimètres au maximum. Certains de ces éléments ont été manifestement équarris avant leur mise en place dans la tranchée de fondation (T.576).

22Le calcaire du substrat est utilisé de différentes façons selon la taille des éléments rencontrés. La plupart des garnitures d'entourage sont pourvues de petites pierres calcaires probablement prélevées aux abords mêmes de la tombe. Ces éléments servent essentiellement aux calages ou aux blocages des blocs de plus grande dimension. Un calcaire plus altéré, très délité et de teinte jaune, que l'on rencontre dans la partie nord-est du site, présente un module proche de celui des grès ; il est employé de la même manière.

23À Gourjade, les structures d 'entourage quadrangulaires se rencontrent essentiellement dans les parties est et ouest de la nécropole, mais elles existent également au sud du site (fig. 202). Plus de 130 tombes sont concernées par ces aménagements. Ils présentent des états de conservation très variables qui ne peuvent être ici compensés par la lecture des creusements. Ainsi, pour une trentaine d'entre eux, nous ne pouvons fournir aucune précision sur leur emprise réelle. D 'autres, une quinzaine au total, ne sont signalés que par quelques éléments insuffisants dans l'ensemble pour apprécier le plan de l'entourage. Les structures les plus complètes, 83 au total, fournissent des dimensions très proches de celles observées au Causse. Elles évoluent entre 1,40 et 4,70 m de côté délimitant ainsi des surfaces de 2,5 à 18 m² (fig. 201), de plan souvent plus proche du carré que du rectangle. Les grands entourages sont également majoritaires dans cette série (43 ex.) et on retrouve quelques très grandes structures de plus de 15 m² (4 ex.). Parmi ces dernières, un aménagement délimite une surface de près de 30 m². Nous l'avons volontairement séparé du reste du lot car ses dimensions exceptionnelles s'expliquent par la présence de deux dépôts funéraires bien distincts (T.182 et T.187).

24Les matériaux qui composent ces entourages quadrangulaires sont plus différenciés : aux dalles de grès et galets de rivière utilisés pour les tombes de type 1 et 2 viennent s'ajouter des blocs et des dalles de calcaires roses et de schistes. Certains de ces éléments, notamment lorsqu'ils se présentent sous la forme de dalle, atteignent des dimensions importantes, dépassant fréquemment 0,40 à 0,50 m de long. De taille plus modeste (0,20 à 0,30 m de côté), les galets sont très communs et employés conjointement avec des grès et/ou des calcaires ou encore avec des grès et des schistes. Cette dernière association montre une distribution particulière au sein de la nécropole : on la rencontre essentiellement à l'est du site, c'est-à-dire à proximité immédiate de la source d'approvisionnement qu'est le lit de la rivière Agout.

Les orientations

25Que ce soit au Causse ou à Gourjade, les structures d'entourage de plan quadrangulaire sont toujours orientées selon une direction préférentielle nord-ouest/sud-est, située entre 110° est et 130° est (fig. 203 et 204). Quelques tombes peuvent toutefois s'écarter de quelques degrés de ces directions (10 à 20°) et de légers décalages sont perceptibles d'un secteur à l'autre des nécropoles mais sans véritable incidence sur l'orientation générale. Au Causse, on remarque également que, très souvent, les fosses qui contiennent le dépôt funéraire présentent la même orientation (cf. infra), schéma que l'on retrouve aussi au niveau de l'implantation des sépultures à inhumation (cf. infra § 2.2). Il apparaît donc une réelle volonté de disposer les tombes selon une direction bien définie, intention dont les raisons nous échappent.

F. Pons/lnrap

Les associations

26Les entourages conservés sont rarement isolés. Ils entretiennent entre eux de véritables rapports de proximité, qui peuvent se limiter à un simple voisinage ou aller jusqu'à des liaisons plus étroites telle que la mitoyenneté.

27Les structures du Causse sont particulièrement représentatives sur ce point et illustrent bien ces différentes relations. Dans cette nécropole, le voisinage entre les tombes ménage un espace dont la largeur peut varier de 0,20 à 0,90 m, voire plus d'un mètre, la majorité se situant toutefois aux alentours de 0,50 m. Ces espaces, qui constituent de véritables axes de passages entre les tombes, ne définissent aucun plan de type orthonormé, tel celui qui a été mis en évidence sur la nécropole du Peyrou à Agde (Nickels et al. 1989) ; nous y reviendrons. À Gourjade, ces réseaux de circulation sont plus difficiles à apprécier mais restent perceptibles dans les secteurs où les entourages sont les plus complets, en particulier à l'est (carrés F-G 11-19, fig. 194), et à l'ouest de la nécropole (carrés F 18-19) (fig. 195).

28Les cas de mitoyenneté sont fréquents dans les deux nécropoles. Au Causse, certains entourages partagent plusieurs de leurs côtés (fig. 205). L'observation des tranchées de fondation a fait apparaître que ces partages sont étroitement liés à « l'ordre d'arrivée » des tombes. L'agencement de ces structures peut ainsi permettre d'établir de véritables schémas diachroniques, distinguant au sein des regroupements ayant subsisté des tombes première, deuxième, troisième, voire quatrième, etc. (fig. 206). À Gourjade, ces agrégats de tombes, dont on soupçonne la présence, restent difficilement identifiables. La plupart des structures mitoyennes ont un côté en commun ou partiellement commun : des entourages de petite dimension sont alors associés à un entourage de plus grande dimension (T.167 et T.173 par exemple, fig. 207). Ce cas de figure se rencontre également dans le secteur des tombes à entourage circulaire où trois petites tombes sont accolées à une tombe de type 2 (T.128, fig. 194).

29Enfin, au Causse, un dernier type d'association très particulier est signalé par la présence de sépultures annexes intimement liées aux structures d'entourages. Ces tombes très caractéristiques, que nous mentionnerons sous le terme de tombe à simple ossuaire (cf. supra), peuvent être installées directement dans le creusement des structures (T.605 par exemple) ou plus souvent contre celui-ci, à l'extérieur (fig. 208). Certaines structures, telle celle de la tombe 576 (fig. 209), en comptent plusieurs.

La fonction des entourages

30Notre hypothèse sur la fonction de ces entourages, émise dès 1988 par l'un d'entre nous (Giraud 1988), est qu'ils devaient servir à limiter et à contenir les terres d'un petit tertre funéraire recouvrant la sépulture. À Gourjade, c'est le tassement progressif de ce tumulus sous l'effet de l'érosion et de la gravité qui a incliné les dalles vers l'extérieur. Ce phénomène se retrouve également au Causse mais dans une moindre mesure, les tranchées de fondation limitant le déplacement de ces éléments. Il a également pu être observé sur des tumulus conservés en élévation comme par exemple le tumulus l des Combes aux Bondons (Lozère) (Boutin 1990).

31En dehors de leur rôle protecteur évident, ces superstructures ont manifestement assuré la signalisation de la tombe. En effet, les entourages ne peuvent constituer à eux seuls un marquage suffisant, les éléments les composants étant, comme nous l'avons vu précédemment, parfois de faibles dimensions. Enfin, il est indéniable que, malgré les durées d'utilisation des nécropoles, il n'y a pas de recoupement de tombes. Tout au plus peut-on noter la présence de sépultures très proches les unes des autres. Cela implique la présence d'un dispositif de signalisation à la surface du sol suffisamment pérenne pour que l'emplacement des tombes précédentes reste visible et soit donc respecté ; fonction qui peut être aisément assurée par ces tumulus.

32Si à Gourjade ces tertres ont manifestement toujours été érigés à l'aide de matériaux meubles, d'autres solutions sont envisageables. Par exemple, au Causse, où l'épaisseur des sédiments est moindre, la roche a parfois été utilisée, peut-être uniquement en complément de la terre qui reste le composant essentiel. On a pu en effet observer sur deux tombes des restes d'une telle superstructure. La première (T.745) est pourvue d'un entourage constitué de blocs et de quelques dalles de grès fortement éversées vers l'extérieur, la tranchée de fondation n'atteignant pas l'assise calcaire. L'espace délimité, d'une surface de 5,4 m², est presque intégralement recouvert d'une série de dalles de grès posées à plat, d'un module assez constant : environ 0,40 m de long sur 0,30 m de large pour une dizaine de centimètres d'épaisseur au maximum. Une nappe de petites pierres calcaires comble l'espace non dallé situé à l'est. La seconde (T.528) possède un aménagement analogue, constitué non pas de dalles posées à plat, mais formé par un amoncellement de petites pierres calcaires, de 0,10 à 0,15 m de côté en moyenne, bien circonscrit au sein de l'entourage et conservé sur une vingtaine de centimètres de hauteur. Des pierres plus volumineuses forment une sorte de couronne autour du dépôt funéraire. L'ensemble est enrobé dans un sédiment meuble, vraisemblablement prélevé sur place, qui contenait quelques tessons de céramique ainsi que divers fragments d'objets métalliques brûlés. D'autres tombes, implantées à proximité (T.566, T.567 et T.427), présentent également quelques blocs épars qui pourraient correspondre à de tels aménagements mais l'état de conservation de ces derniers ne permet malheureusement aucune observation précise.

4.1.1.2 Les fosses

33À Gourjade et au Martinet, les limites des fosses sont très difficiles à cerner : en effet, elles sont creusées en grande partie dans les limons et leur comblement est de même nature que le sédiment encaissant, Les rares observations que nous avons pu établir sur ces creusements nous sont donc fournies par la disposition des vestiges mobiliers retrouvés à l'intérieur et par quelques excavations qui entament parfois la terrasse de graviers sur une épaisseur de 0,10 à 0,20 m. Au Causse, la nature rocheuse du substrat autorise non seulement de nombreuses observations mais aussi une plus grande précision. Toutefois, à l'exception de certains secteurs privilégiés par un enfouissement plus important des structures (au nord-ouest notamment), ces aménagements ne peuvent être considérés comme conservés dans leur intégralité. En effet, les phénomènes d'arasement, dont il est parfois délicat d'évaluer l'importance, ont plus ou moins modifié leur morphologie initiale et notamment leur profondeur que seul un examen plus poussé prenant en compte la restitution du dépôt (hauteur des vases) permettra peut-être de préciser. Bien que réelles, ces variations ne remettent cependant pas en cause les différentes mesures et analyses effectuées sur ces aménagements.

Morphologie des fosses sépulcrales

34Les différents plans observés correspondent à trois grands types : circulaire, ovalaire et quadrangulaire (fig. 210). Un quatrième type, présent au Causse mais qui n'a pas été retenu en tant que tel, regroupe les excavations de plan trop irrégulier, suite à des difficultés rencontrées lors du creusement (substrat rocheux localement plus dur ou inversement très tendre et friable), pour pouvoir s'insérer parmi les trois groupes précédents. Au Causse, les fosses présentant un plan nettement rectangulaire ou ovalaire sont orientées selon deux directions préférentielles est‑ouest ou sud-est/nord‑ouest. Elles reprennent très souvent, lorsque celle-ci est conservée, l'orientation générale de la structure d'entourage.

35Les histogrammes de distribution des surfaces à l'ouverture de ces aménagements montrent des profils très proches au Causse et à Gourjade, malgré le faible effectif de cette dernière. Les petites fosses dont la surface n'excède pas 0,3 m² sont majoritaires (60 % des effectifs) ; les fosses de taille moyenne comprises entre 0,3 et 0,8 m² regroupent environ 30 % des ensembles et celles de grande taille, supérieures à 0,8 m² ne sont représentées qu'à hauteur de 10 % au Causse et 6 % à Gourjade (fig. 211).

36L'histogramme établi pour les fosses du Martinet est différent, avec un effectif maximum pour les fosses de tailles moyennes, les excavations de plus faible dimension étant ici nettement moins nombreuses (fig. 211).

37Les fosses sépulcrales de plan circulaire sont les plus communes dans les trois nécropoles. Ce type, fréquemment choisi pour les excavations de faible volume (fig. 212 et 213), comprend des aménagements de toutes tailles. Les creusements s'apparentent à des cylindres ou à des troncs de cône dont le fond est le plus souvent plat ou grossièrement aplani. À Gourjade, quelques exemplaires présentent une ouverture rétrécie qui leur confère une allure générale en forme de silo (T.140 par exemple). De nombreux loculus affectent également un plan ovalaire. Elles sont généralement de dimensions plus importantes que les précédentes (fig. 213). Leur fond est plat et les parois, le plus souvent verticales, peuvent être faiblement évasées ou à l'inverse légèrement rentrantes. Le dernier type se rencontre moins souvent et n'a été mis en évidence que rarement à Gourjade et au Martiner. Le plan de ces fosses s'inscrit dans un carré ou dans un rectangle. Ces excavations, pour l'essentiel de grande taille, présentent un fond plat, parfois surcreusé (T.533 au Causse par exemple), relié à des parois verticales ou faiblement évasées.

38Au Causse, parmi la centaine d'exemplaires identifiés, si l'on exclut ceux de petite dimension dont la classification reste subjective, étant donné la nature du substrat qui impose ici certaines contraintes, il est intéressant de noter que ce type ne se rencontre qu'au nord-ouest et à l'est de la nécropole.
Au Martinet, où l'existence de ces loculus reste exceptionnelle, la sépulture 41 présente une particularité. Des galets et quelques dalles, souvent placés de chant, sont disposés sur une ou deux rangées contre les parois de la fosse (fig. 210, n^o 6 ; fig. 214). Ce parement interne est le seul exemple connu de parois aménagées.

39Bien plus que le type, la taille de ces aménagements permet d'entrevoir une certaine homogénéité dans la distribution spatiale des tombes. Ainsi, au centre de la nécropole du Causse aucune fosse n'excède 0,3 m² de surface à l'ouverture. Vers le sud (carrés G.H.I.J 3 à 8), la majorité de ces creusements sont également de petite taille mais quelques fosses plus grandes apparaissent, notamment en limite nord (carrés G.H 8 et J 6). Les excavations de tailles plus importantes, et parmi elles les grandes fosses, ne se rencontrent en nombre qu'en périphérie du site, au nord-ouest et à l'est (fig. 215). Les rares exemplaires de petite dimension présents dans ces secteurs appartiennent à des tombes d'un type très particulier (cf. infra).

40À Gourjade, en dépit de la faiblesse de l'échantillon, une distribution similaire est perceptible. Plus on s'éloigne du centre de la nécropole et plus les fosses augmentent en taille, les grandes fosses étant strictement réservées à des tombes des secteurs périphériques (fig. 216)

41Enfin, au Martinet, cette distribution ne présente que peu d'intérêt, au vu de l'homogénéité de ces aménagements. Notons toutefois que les grandes excavations ne concernent que des tombes de la moitié sud de la nécropole (fig. 217).

42Bien qu'un socle rocheux impose certaines contraintes techniques pour le creusement des fosses, celles-ci ne semblent avoir pesé que de façon marginale dans le travail du fossoyeur au Causse. Elles n'ont en revanche aucune raison d'exister à Gourjade et au Martinet. Les « accidents » (fosses irrégulières) restent donc peu nombreux et dans l'ensemble il existe un réel désir de donner à ces aménagements une certaine forme et des dimensions précises qui peuvent s'expliquer par l'importance du dépôt (cf. supra).

Systèmes de fermeture des fosses

43Lorsque la tombe n'a pas trop subi les effets de l'arasement, des témoins d'un dispositif de fermeture de la fosse sont conservés (fig. 218). Ces couvertures paraissent moins sensibles à l'érosion que les entourages, ce qui s'explique par le fait qu'elles ont pu s'affaisser à l'intérieur de la tombe et donc se trouver à un niveau plus bas que celui des structures périphériques ; elles sont d'ailleurs très présentes au Martinet alors qu'aucune trace de structure d'entourage n'a été repérée. En effet, si elles apparaissent, quand leur position n'a pas trop évolué, au‑dessus du dépôt funéraire, parfois plus haute de quelques centimètres que l'ouverture de la fosse (fig. 218, n^os 1 et 2), en revanche, on les découvre le plus souvent en position oblique ou verticale à l'intérieur de la fosse (fig. 219). Cet affaissement, qui a parfois provoqué l'écrasement du mobilier funéraire, signale la présence de vides à l'intérieur du loculus après la fermeture de la tombe. On observe par ailleurs que ces couvertures en pierre sont presque toujours de dimensions inférieures à celles des fosses qu'elles recouvrent: elles ne pouvaient donc être maintenues au-dessus de celles-ci qu'à l'aide d'une armature de soutien, aujourd'hui disparue, qui devait être réalisée en matériaux périssables (platelage de bois) et assurer la fermeture effective de la fosse.

44Au Causse, environ 170 tombes possédaient encore cette protection en pierre. Parmi les types de roches employées, le calcaire est le plus fréquent, représenté dans une centaine de couvertures. Le grès est aussi très prisé, utilisé pour au moins 72 couvertures. L'emploi d'autres roches reste plus anecdotique : des galets sont présents dans une dizaine de cas, du granit dans quatre autres ; du schiste et du gneiss ont également été prélevés pour la réalisation d'une couverture. Un seul type de roche est employé dans 75 % des cas ; les couvertures sont alors composées d'une simple dalle (couverture simple ou massive : 67 ex.) épaisse de 0,02 à 0,10 m et pouvant atteindre 0,96 m de long, ou d'un bloc parfois épais de près de 0,30 m ou bien encore de plusieurs dalles et/ou blocs (couverture multiple : 70 ex.). Les couvertures en calcaire sont uniformément dispersées sur la nécropole (fig. 220). Quant aux couvertures en grès, elles sont également représentées sur toute l'étendue du site mais avec une nette préférence pour le secteur nord-ouest où leur utilisation devient presque systématique (fig. 220).

45À Gourjade, les couvertures en pierres sont au nombre de 150 : 90 sont en grès, 19 en schiste et 11 en galets ; 30 enfin sont mixtes, composées d'un assemblage de grès et de galets (fig. 221) parfois associés à des schistes ou des calcaires. Les dalles des couvertures massives, de forme quadrangulaire plus ou moins régulière, sont épaisses de 0,02 à 0,08 m et atteignent parfois près de 0,80 m dans leur plus grande dimension. Celles qui sont en grès portent très souvent des cupules d'érosion ou des perforations. Cette érosion semble antérieure à leur usage comme dalle de couverture et suggère la collecte de matériaux affleurant à la surface du sol plutôt que de blocs extraits d'une véritable carrière. Ils pourraient provenir d'affleurements distants d'environ 2 km au nord-ouest du site, soit vers la colline dominante de la Fosse, soit plus à l'ouest, vers le lieu-dit le « Rocher de Lunel » où ils seraient associés à des calcaires employés occasionnellement comme dalles de couverture ou comme éléments d'entourage4. Ces couvertures en grès sont uniformément dispersées sur toute l'étendue de la nécropole. On peut toutefois noter que c'est le seul type associé aux entourages circulaires ou mixtes. Elles sont également majoritairement employées pour les tombes de la partie centrale de la nécropole (fig. 222). Les dalles de schiste, employées seules ou associées avec des grès et des galets sont, elles, dans leur quasi-totalité situées dans la partie est du gisement (fig. 222). Cette tendance doit être liée à la proximité du lieu d'approvisionnement de ces matériaux : le lit ou les berges de la rivière Agout. Plus rares, les couvertures de galets ne montrent pas de concentration évidente même si elles semblent plus fréquentes à l'est du gisement. Ces matériaux, issus de la rivière toute proche, sont peu volumineux en comparaison des dalles de schistes provenant du même lieu. Ils ne posent donc aucun problème de ramassage et de transport ce qui explique leur présence en nombre sur toute l'étendue de la nécropole, aussi bien dans les structures périphériques que dans les systèmes de fermeture de la fosse. Les trois derniers types de couvertures, schiste, galets et mixtes, ne sont toutefois liés qu'à des entourages de type quadrangulaire.

46Au Martinet, en dépit de phénomènes d'érosion importants, 40 % des tombes ont conservé leur couverture (78 au total). La majorité de ces tombes sont obturées à l'aide d'une ou de plusieurs dalles, très souvent de même nature, qui peuvent être recouvertes par un monticule de galets. Dans les exemples les mieux conservés, l'amoncellement de matériaux peut atteindre des poids considérables dépassant parfois le quintal (111 kg pour la tombe 157, 160 pour T.154 et 168 kg pour T.88). Ces derniers n'ont en général pas été supportés très longtemps par l'armature de bois.

47Parmi les différents matériaux employés, l'utilisation de plaques de granit, approchant parfois 1 m de côté, est propre au Martinet. Cette roche, absente à Gourjade, et plutôt anecdotique au Causse, est ici le matériau privilégié pour la fermeture des fosses ; dans la plupart des cas c'est d'ailleurs le seul qu'on rencontre (fig. 223). Pas moins d'une soixantaine de couvertures en sont pourvues dont une quinzaine en association avec les autres types de roches. Leur distribution est très uniforme sur l'ensemble de la nécropole (fig. 224).

48Le schiste, également sous forme de dalles, est présent dans de moindres proportions (11 cas). Utilisé seul (6 cas) ou associé (5 cas), on le rencontre essentiellement dans la moitié sud du site. Très marginal, le grès n'est signalé que dans trois aménagements, sous forme de plaquettes et toujours en association avec des dalles de granit. Les galets, souvent en quantité importante lorsque les couvertures sont bien conservées, sont plus fréquents (fig. 225). Ce matériau est utilisé seul (17 cas) ou en association avec des dalles de granit ou de schiste (15 cas).

49Contrairement à ce qui a pu être observé au Causse et à Gourjade, l'effet de proximité de la source d'approvisionnement joue ici un rôle très relatif dans le choix des matériaux. En effet, les grès, les calcaires, voire même les galets, éléments disponibles dans un voisinage relativement proche, sont peu employés et souvent considérés comme des matériaux annexes. Par contre, les dalles de granit, abondamment utilisées, sont issues de l'exploitation d'écailles de desquamation de boules granitiques que l'on ne rencontre pas à moins de 5 km en direction de l'est, sur la bordure occidentale du massif du Sidobre5. Les schistes, roche pourtant présente dans le lit de la rivière toute proche, proviendraient également de ce même secteur. À l'évidence, il faut donc voir ici une préférence dictée non pas par les potentialités de l'environnement immédiat mais par d'autres facteurs, peut-être tout simplement liés à des impératifs territoriaux.

4.1.2 Le dépôt funéraire

50Les quelque 1 200 dépôts funéraires recensés sur les trois nécropoles n'offrent pas tous les mêmes garanties quant à leur état de conservation. Au total, nous disposons d'un échantillon valide d'un peu plus de la moitié de ces tombes : 261 au Causse, 271 à Gourjade et 81 au Martinet. Ces dépôts, intacts ou seulement écrasés sous l'effet du poids des sédiments et des couvertures, sont complets et conservés en place dans la fosse. Les tombes arasées, 374 au total dont 237 uniquement au Causse, n'offrent en revanche qu'une image partielle de leur dépôt, un certain nombre d'éléments pouvant être déposés dans la partie supérieure de la tombe (couvercle, gobelet au niveau de l'épaulement du vase cinéraire). Enfin, 207 sépultures, dont plus de la moitié provient également du Causse, sont totalement ou partiellement bouleversées. Elles n'ont livré qu'un nombre minimum d'objets qui ne permet qu'une approche très succincte de la position et de la nature des divers éléments du dépôt originel: vase cinéraire, vases d'accompagnement, objets métalliques, offrande alimentaire, etc.

4.1.2.1 L'ossuaire

51Hormis quatre cas de dépôt hors contenant, trois au Causse (T.116, T.362, T.431) et un à Gourjade (T.343), à même le fond de la fosse, les ossements humains incinérés sont toujours déposés dans un vase placé sur le fond du creusement. Les esquilles osseuses éparses que l'on rencontre parfois dans la fosse ne correspondent pas à un « dépôt intentionnel » mais sont vraisemblablement dues à des phénomènes taphonomiques. Ainsi, l'écrasement des vases cinéraires est souvent à l'origine d'une légère dispersion de leur contenu dans le creusement, mais d'autres phénomènes imputables à l'activité biologique du sol (microfaune, système radiculaire) ou aux infiltrations de l'eau (ruissellement, flottation) peuvent intervenir dans le déplacement des particules osseuses les plus petites.

52Les tombes ne renferment en général qu'un seul vase cinéraire. Au Causse cependant, 22 sépultures en recelaient deux, et trois autres en contenaient trois. À Gourjade également, 13 en possédaient deux et une seule trois. Au Martinet enfin, six cas de dépôts double sont connus. La distribution de ces tombes à ossuaires en surnombre ne présente aucun caractère particulier dans aucune des trois nécropoles.

53La position de ces vases cinéraires a pu être observée avec précision dans près de 800 tombes. Parmi celles-ci, il faut d'emblée éliminer les fosses de petite dimension dont l'étroitesse ne permet aucune marge de manœuvre, les creusements n'excédant bien souvent le diamètre du vase cinéraire que de quelques centimètres, voire quelques millimètres. Exception faite de ces dépôts, la part des tombes à ossuaire en position centrale est d'environ 50 %. Lorsqu'il n'est pas placé au centre de la tombe, le vase cinéraire occupe indifféremment et dans des proportions sensiblement égales, un des quatre quadrants de la fosse. Il n'apparaît donc pas de constante dans la position des ossuaires. Par ailleurs nous n'avons pu observer dans aucune des nécropoles des groupes de tombes où les vases cinéraires ne seraient pas disposés aléatoirement.

54À l'exception de sept coupes de forme Sc, Sd, Td ou Uc, trois au Causse et quatre à Gourjade, dont cinq provenant de dépôts doubles, les ossements humains brûlés sont toujours déposés dans un récipient fermé de type urne. Sur l'ensemble des récipients identifiés, 65 % sont des vases de famille H ou G avec un taux quasiment équivalent entre ces deux groupes et à peu près constant dans chacune des nécropoles (fig. 226). Viennent ensuite les urnes de famille D qui représentent environ 10 % du total des formes utilisées au Causse et à Gourjade, 7 % au Martinet. Très loin derrière, nous trouvons des urnes des familles K, J, l et E dont les effectifs ne dépassent pas 5 % de l'ensemble, soit moins de 10 individus par famille et par nécropole. Quelques exemplaires des familles A, B et L ont également servi de vase cinéraire.

55L'utilisation d'un vase comme couvercle de l'ossuaire n'est attestée avec certitude que dans une quinzaine de cas : 11 au Causse, 3 à Gourjade et 1 au Martinet. Il s'agit le plus souvent d'un plat de famille Y ou Z à fond plat ou muni d'un pied bas. Au Causse, deux ossuaires sont couverts d'une coupe, de forme Sd dans un cas (T.364.13) et Sa dans l'aune (T.632.2) ; à Gourjade, une coupe de forme Uc a probablement eu cette fonction (T.3.1). Il est en revanche plus fréquent de rencontrer une dallette de pierre en guise de couvercle, sauf au Martinet où ce mode de fermeture n'existe pas. Au Causse, 45 exemplaires sont recensés (T. 19 par exemple, fig. 227).

56Des calcaires, parfois épannelés, mais aussi quelques grès ont été utilisés. Dans bien des cas, ces éléments ne ferment que partiellement le vase cinéraire. On les rencontre essentiellement dans la partie centrale et méridionale du site et plus rarement dans les secteurs périphériques où ces matériaux sont souvent remplacés par un vase (fig. 228).

57À Gourjade, 27 ossuaires sont protégés par une dalletre de grès, six par une plaquette de schisre aux bords régularisées et trois par un galet plat. Les vases cinéraires possédant un tel dispositif appartiennent presque exclusivement à des tombes du centre de la nécropole: les grès sont surtout présents vers l'ouest et les schistes vers l'est (fig. 229).

58Des objets métalliques, des petits récipients, des perles, voire des fusaïoles et des ossements animaux incinérés sont parfois déposés dans les ossuaires. Cette pratique est attestée dans 120 cas au Causse, 97 à Gourjade et 44 au Martinet ce qui représente, par rapport à l'effectif des tombes les plus complètes, un taux à peu près constant d'un ossuaire sur quatre. Dans les trois nécropoles, la majorité de ces vases cinéraires ne contiennent qu'un seul type d'objet mais des dépôts plus variés (T.245 à Gourjade par exemple) et plus importants (T.349 et T.692 au Causse ; T.175 au Martinet par exemple) existent.

59Les objets métalliques sont plus communs : deux ossuaires avec mobilier sur trois sont concernés au Causse et à Gourjade, presque tous au Martinet. Ces éléments en bronze ou en fer peuvent être placés sur les restes de la crémation, et dans ce cas ils sont rarement brûlés, ou bien mêlés aux ossements humains avec lesquels ils ont été incinérés. Au Causse et à Gourjade, un objet métallique sur deux montre des stigmates de chauffe. Au Martinet, 90 % de ce mobilier a subi l'action de la chaleur. Certaines pièces, que l'on retrouve à l'état de gouttelettes, ont véritablement fondu sur le bûcher ; d'autres ne présentent plus qu'un aspect informe qui empêche toute identification. À l'exception de ces éléments, les autres correspondent essentiellement à des objets de parures et accessoires de vêtement, plus rarement à des objets de toilettes et exceptionnellement à des outils (fig. 230). Il s'agit le plus souvent d’épingles (entre 20 et 36 % des effectifs) et d'anneaux (15 à 20 % des effectifs) . Les bracelets, boutons et perles sont représentés en parts sensiblement égales (entre 10 et 14 %). Des fibules ont été identifiées dans quatre ossuaires au Causse et cinq à Gourjade et au Martinet. La présence de torques est également attestée dans deux ossuaires : celui de la tombe 349 du Causse et celui de la tombe 175 du Martinet qui ne comptaient pas moins de 18 objets métalliques chacun, la plupart brûlés.

60Les rares instruments de toilettes et outils (essentiellement des couteaux) placés dans les ossuaires n'ont pratiquement jamais subi l'action du feu : ils sont donc rarement brûlés avec le cadavre contrairement aux objets précédents (fig. 231).

61Les vases cinéraires contenant ce type d'objet sont présents sur l'ensemble des nécropoles : aucune distribution particulière n'apparaît à l'exception de celle fournie par la nature du métal (cf. infra).

62Le dépôt d'un petit récipient à l'intérieur du vase cinéraire est une pratique attestée mais peu fréquente. Seuls une cinquantaine de cas ont été recensés : 36 au Causse, une douzaine à Gourjade et quatre seulement au Martinet. Il s'agit principalement de gobelets de famille G ou H à col et pied bas ou fond plat et de quelques coupelles de famille S, W et X. Deux cas de dépôts doubles ont été identifiés au Causse (T.664 et T.718) mais en règle générale, un seul vase est placé dans l'ossuaire, le plus souvent au-dessus des restes de la crémation.

63Au Causse et à Gourjade, la distribution de ces ossuaires montre une répartition bien distincte selon qu'il s'agit d'un gobelet ou d'une coupe, ces dernières se substituant aux gobelets dans les tombes implantées sur les franges des nécropoles (fig. 232 et 233).

64La présence d'autres objets, tels que des perles en ambre ou en pierre, voire des fusaïoles, est plus anecdotique. On ne rencontre ces éléments qu'à cinq reprises au Causse, dans 13 ossuaires à Gourjade et dans trois seulement au Martinet. Les perles, souvent en nombre (T.222 à Gourjade par exemple), sont généralement associées à des pièces métalliques. Le dépôt d'une fusaïole est très rare au Causse (3 cas) et au Martinet (1 cas), plus fréquent à Gourjade où une dizaine de cas sont recensés. Ces petits objets portent exceptionnellement des traces de chauffe.

65Enfin, à l'intérieur des vases cinéraires on trouve parfois, mêlés aux restes de la crémation, des ossements animaux. La plupart de ces vestiges, dont certains ont manifestement brûlé avec le cadavre, sont réduits à de minuscules fragments dont l'identification n'est pas permise. Ce type de « dépôt » ne concerne qu'un petit nombre d'ossuaires au Causse et au Martinet, et semble plus fréquent à Gourjade (cf. chap. 6). Leur distribution dans les nécropoles est des plus aléatoires.

4.1.2.2 Les vases d'accompagnement

66Pour une cinquantaine de dépôts funéraires complets, au Causse et à Gourjade, l'ossuaire (avec éventuellement un couvercle) constitue l'unique vase de la tombe (fig. 234). Dans les autres sépultures, celui-ci est accompagné d'un certain nombre de récipients qui varie de 1 à 20 au Causse, jusqu'à 21 à Gourjade et 17 au Martinet (fig. 235).

67Les diagrammes de répartition établis à partir de ce critère montrent des profils assez proches au Causse et à Gourjade qui se traduisent par une courbe asymétrique en « dent de scie » (fig. 236). À Gourjade, la plupart des pics observés correspondent à un nombre pair de vases, ce qui peut signifier le caractère non aléatoire de cette variable. Cette constante est également perceptible au Causse mais dans une moindre mesure ; rappelons que l'échantillon utilisable ne représente ici que 41 % de l'effectif total des tombes alors qu'à Gourjade celui-ci est de 70 %. Pour la série du Martinet, la courbe obtenue est beaucoup plus symétrique: elle se développe de part et d'autre du nombre 6. Notons qu'ici seulement 10 % des dépôts contiennent moins de quatre vases alors qu'on en recense plus de 50 % dans les deux autres séries.

68Certains types de récipient ne sont jamais déposés en quantité importante. Ainsi, les urnes utilisées en tant que vase d'accompagnement sont exceptionnellement présentes à plus de deux exemplaires. Dans ces dépôts, on rencontre assez régulièrement, lorsque celui-ci n'est pas placé directement à l'intérieur du vase cinéraire (cf. supra), un petit récipient dans le fond d'au moins une de ces urnes. Cette association, que l'on retrouve dans l'ensemble des nécropoles, est souvent interprétée comme le vase à boire du défunt (Nickels et al. 1989 ; Taffanel et al. 1998.

69Les gobelets, les vases cylindriques et les plats sont aussi, dans la majorité des cas, déposés en un ou deux exemplaires. En fait, ce sont les coupes qui, dans de nombreuses tombes, renforcent de manière conséquente l'effectif des vases d'accompagnement: ces récipients sont rarement isolés, notamment ceux de la famille S (cf. chap. 3, § 3.2.3.2). Bien entendu, la représentation de ces différents types de récipient varie avec l'importance du dépôt (fig. 237). Pour les tombes à un ou deux vases d'accompagnement, le gobelet apparaît comme la forme de prédilection puisque la moitié de ces tombes en sont pourvues au Causse et à Gourjade, les autres récipients étant peu usités. Les tombes qui contiennent entre trois et cinq vases d'accompagnement ont un recrutement plus varié. Les gobelets restent présents mais ne sont plus majoritaires, remplacés principalement par des coupes. Enfin lorsque le nombre de récipients devient supérieur à cinq, on observe une augmentation notable des coupes, des plats et des vases cylindriques ainsi qu'une diminution importante des gobelets qui finissent par ne plus être représentés dans les dépôts de plus de neuf vases. Cette tendance générale, très nette au Causse et à Gourjade, est moins affirmée au Martinet, ce qui s'explique par la très faible représentation de dépôts de moins de trois vases (moins de 5 %). Une autre particularité de cette nécropole est la présence quasi permanente de plats quelle que soit l'importance du dépôt.

70Au niveau de la disposition de ces vases dans la fosse, aucune constante n'a été décelée lorsqu'ils sont représentés en nombre. Ils peuvent former une couronne autour de l'urne si celle-ci est au centre de la fosse, et dans les cas contraires être regroupés à proximité de celle-ci ou rassemblés dans un secteur opposé. Bien que parfois très nombreux, ils n'occupent pas systématiquement la totalité de l'espace disponible et peuvent même être entassés les uns sur les autres alors que l'on observe des vides importants dans la fosse. Ces espaces, aujourd'hui vacants, pouvaient être occupés par des offrandes en matière périssable : pièces de viande désossées, aliments d'origine végétale, mobilier en bois, en cuir ou tissus, etc.

71Dans les sépultures où le vase cinéraire n'est accompagné que d'un seul gobelet –pour lesquelles la fosse est en général très exiguë– ce dernier est souvent placé, non pas au pied du vase cinéraire, mais au niveau de l'épaulement de celui-ci (fig. 238). À Gourjade, la disposition de ces petits récipients ne semble pas aléatoire : on a pu ainsi observer deux groupes de tombes où les gobelets sont mis dans un cas au nord de l'urne, et dans l'autre au sud-est (fig. 239). Il est également intéressant de remarquer que ces deux ensembles sont répartis dans deux secteurs distincts de la nécropole et semblent s'exclure. Aucune interprétation sérieuse à ces changements d'orientation, qui n'ont pas été constatés au Causse, ne peut être avancée.

72Bien que le nombre de vases soit probablement fonction de facteurs multiples et complexes, critères sur lesquels nous reviendrons, un simple examen fait apparaître, à l'échelle des nécropoles, d'importantes variations. Les sépultures, classées selon quatre groupes, obéissent ainsi à une répartition très nette au Causse et à Gourjade et mettent en valeur des zones bien distinctes.

73Au Causse (fig. 240), la partie centrale et la partie méridionale de la nécropole (carrés F-G9) sont occupées, pour l'essentiel, par des tombes dont le dépôt est composé au maximum d'un ou deux vases d'accompagnement. Entre ces deux secteurs le nombre de récipients augmente mais les sépultures comportant plus de cinq vases restent marginales. En revanche, dans les tombes implantées au nord-ouest et à l'est de la nécropole, on rencontre très souvent un grand nombre de céramiques avec des dépôts particulièrement importants en périphérie. Dans ces secteurs caractérisés par la présence d'entourages quadrangulaires coexistent également des tombes à simple ossuaire ou possédant un unique vase d'accompagnement qui correspondent à des sépultures très particulières définies comme tombes annexes (cf. infra).

74Un schéma identique se retrouve à Gourjade (fig. 241). La distribution des différentes sépultures est encore plus probante : plus on s'éloigne du centre de la nécropole et plus le nombre de vases d'accompagnement augmente, les dépôts de plus de neufs récipients se trouvant quasiment tous en périphérie de la nécropole.

75Au Martinet, en revanche, la carte de répartition de ces différents dépôts ne montre aucune véritable concentration (fig. 242). Tout au plus peut-on remarquer que les dépôts les moins importants, et parmi eux ceux renfermant moins de trois vases d'accompagnement, occupent préférentiellement la moitié septentrionale de la nécropole.

4.1.2.3 Le petit mobilier

76La pratique consistant à déposer hors du vase cinéraire du mobilier métallique ainsi que des objets divers tels que des fusaïoles, des perles, voire des coquillages, est de loin la plus courante. Elle est attestée dans 40 % des tombes dans chacune des nécropoles. Ce mode de dépôt n'est par ailleurs pas exclusif, une partie de ces tombes recelant également du mobilier à l'intérieur de l'ossuaire (cf. supra) : 20 % au Causse et à Gourjade, 30 % au Martinet.

Le métal

77Hormis les dépôts présents dans les ossuaires, les vases d'accompagnement ne contiennent qu'exceptionnellement des objets métalliques et c'est surtout sur le fond de la fosse, à même le sol, que l'on rencontre ces vestiges mobiliers. Très souvent présent en un unique exemplaire, il n'est cependant pas rare de rencontrer jusqu'à trois, voire quatre objets métalliques dans une même tombe. Certaines sépultures en renferment davantage mais elles demeurent peu nombreuses (fig. 243). Au Causse, quelques dépôts sont même abondants, dépassant une dizaine d'objets (T.318 et T.518 par exemple). Toutefois, il s'agit généralement de petits éléments tels que des perles ou des anneaux qui peuvent à l'origine avoir fait partie d'une seule et même pièce.

78À l'instar du mobilier métallique placé à l'intérieur des vases cinéraires, les éléments de parure et accessoires de vêtement constituent le type d'objet le plus fréquemment déposé dans la fosse. Viennent ensuite les outils, pour l'essentiel des couteaux, seuls ou par paires –et dans ce cas, il y a souvent un petit et un grand couteau ; puis les objets de toilette, notamment les rasoirs. Des dépôts d'armes sont également attestés mais ils restent rarissimes (fig. 244).

79Les cartes de répartition de ces dépôts montrent les mêmes variations que celles observées avec les objets métalliques des ossuaires mais à plus grande échelle (fig. 245, 246 et 247). Globalement, au Causse et à Gourjade, la proportion de tombes possédant des dépôts métalliques est très faible dans les zones centrales, puis augmente progressivement vers les périphéries des nécropoles, Ces mêmes zones s'individualisent nettement si l'on considère la nature du métal. Ainsi, on ne rencontre aucun objet en fer au centre des nécropoles et dans la partie méridionale du Causse. Ces derniers sont en revanche très fréquents au nord-ouest et à l'est du Causse et à l'est et au sud de Gourjade, seuls ou en association avec du bronze (fig. 245 et 246).

Les autres objets

80Le dépôt d'autres objets appartenant au registre du petit mobilier ne concerne que peu de tombes : une centaine au Causse, 25 à Gourjade et 12 au Martinet. Nous rappellerons ici brièvement leur nature et leur position au sein de la tombe, ces observations ainsi que leur distriburion spatiale ayant déjà été développées dans un chapitre précédant.

81Les fusaïoles ne se trouvent qu'exceptionnellement en deux exemplaires dans les tombes. Ces objets sont le plus souvent isolés sur le fond de la fosse. Les perles en ambre et en pâte de verre ainsi que les pendeloques en os ou en pierre, souvent regroupées en lot, peuvent être également déposées sur le fond de la fosse, parfois associées à des objets métalliques. Enfin, les valves de coquillage, présentes uniquement au Causse, sont souvent placées contre l'ossuaire.

4.1.2.4 Les offrandes animales

82Nous n'entrerons pas ici dans le détail de l'analyse de ces vestiges, étude que le lecteur trouvera dans le chapitre 7, mais nous nous limiterons à une présentation et à quelques considérations d'ordre général issues d'observations simples.

83L'état de conservation des offrandes animales non brûlées est très inégal d'une nécropole à l'autre. L'échantillon le plus complet provient du Causse où ces vestiges ont été manifestement mieux préservés (fig. 248). Au total, 215 tombes ont fourni des restes fauniques dans cette nécropole. À Gourjade, ces dépôts, attestés dans 75 tombes, sont en général en mauvais état, ce qui ne facilite pas leur détermination ; certains sont même réduits à l'état de traces à peine perceptibles. Au Martinet, leur conservation est encore plus catastrophique puisque seulement trois sépultures ont livré des dépôts en tombes, par ailleurs dans un état très médiocre.

84Le dépôt d'offrande carnée ne semble pas systématique pour autant qu'on puisse juger de leur présence ; certaines tombes ont pu en effet recevoir des pièces de viandes désossées, voire même des abats. Cette hypothèse reste difficilement vérifiable mais ne peut être totalement exclue (cf. chap. 7).

85Au Causse, si on ne considère que les sépultures intactes de la nécropole, un peu plus de la moitié d'entre elles contenaient des ossements animaux. Leur présence ou leur absence dans la tombe montre une distribution hétérogène sur l'ensemble de la nécropole (fig. 249). Ainsi, ces dépôts s'avèrent peu nombreux dans la partie centrale et méridionale du site où, en règle générale, ils ne correspondent qu'à une seule offrande. Le choix porte essentiellement sur les ovins-caprins et les bovins ; les porcins y sont particulièrement rares (3 cas seulement) mais ces derniers restent dans l'ensemble peu fréquents. En périphérie du site, au nord-ouest et à l'est, on observe, au contraire, souvent des associations. Toutes les espèces sont représentées et les offrandes animales deviennent non seulement omniprésentes mais aussi plus nombreuses.

86À Gourjade, en dépit d'un effectif réduit, des observations identiques peuvent être établies. On remarque en effet que les dépôts les plus importants et les plus variés ne se trouvent que dans des sépultures de la bordure orientale et occidentale de la nécropole (fig. 250).

87Ces variations, qui semblent donc bien réelles, signalent une évolution des pratiques funéraires : tout d'abord occasionnelles, les offrandes carnées deviennent systématiques et plus importantes.

4.1.2.5 Conclusion

88En conclusion, et en dépit de certaines absences liées à la taphonomie des sites, l'ensemble des sépultures présente entre elles des caractères généraux très homogènes qui témoignent d'une conduite bien établie du rituel funéraire. On peut ainsi relever bon nombre de constantes sur l'architecture des tombes où sur la constitution et l'organisation des dépôts funéraires. Les variations que nous avons pu observer, et qui semblent être liées au temps, se retrouvent également, pour la plupart, dans les trois nécropoles. Chacun de ces ensembles garde toutefois quelques caractères propres qui témoignent plus de contingences locales que de comportements volontairement différents.

4.1.3 Les aires de crémation

89Sur aucune des trois nécropoles n'a été observé de secteur spécialisé où auraient pu être réunis les bûchers funéraires. En revanche, on a pu observer, dans le cas où le sol protohistorique était conservé à l'emplacement des tombes, des traces de bûchers.

90À Gourjade, des nappes charbonneuses comportant des petits fragments d'ossements brûlés et des gouttelettes de bronze reposant sur une couche de terre rubéfiée, parfois épaisse de 1 à 3 cm, ont été découvertes dans un certain nombre d'entourages (T.182 et T.314 par exemple). Ces aires rubéfiées sont parfois perforées par la fosse qui contient le dépôt funéraire.

91Au Causse, la surface interne des entourages montre souvent les stigmates d'une chaleur intense, repérables aux teintes rosées à gris que prend le calcaire local lorsqu'il est fortement chauffé. En outre, le sol est systématiquement jonché de fragments de charbons de bois mêlés à des esquilles d'os humains brûlés et parfois à des gouttelettes de bronze fondu. On peut également rencontrer quelques tessons de céramiques épars qui ont subi l'action de la chaleur.

92La présence de ces divers témoignages ne semble pouvoir être interprétée que comme l'indice de bûchers funéraires installés sur le lieu même ou à proximité immédiate de la tombe. Par ailleurs, la conservation de ces vestiges aussi fragiles que les traces charbonneuses ou rubéfiées ne peut s'expliquer qu'à la condition qu'ils aient été protégés des divers facteurs d'altération et, par conséquent, qu'ils aient été recouverts peu de temps après leur dépôt. Ceci vient à nouveau conforter l'hypothèse de l'existence d'un véritable tumulus au-dessus des tombes.

4.1.4 Organisation générale des tombes à incinération

93L'analyse des plans généraux des sites et de l'emplacement des tombes montre que les nécropoles se sont développées de manière extensive, une sépulture n'étant jamais recoupée par l'installation d'une autre. Ce mode de développement qui induit, comme nous l'avons signalé précédemment, une signalisation des tombes en surface suffisamment pérenne pour être respectée durant toute la période d'utilisation des nécropoles, ne peut qu'avoir eu des conséquences notables sur l'organisation spatiale de celles‑ci. La documentation réunie à ce sujet –nous l'avons également vue précédemment– est inégale selon les sites et les secteurs, voire inexistante dans certains cas, et seules les structures d'entourage, que l'on doit assimiler à des tumulus « résiduels », pour reprendre l'expression de l'un d'entre nous (Janin 1998), permettent d 'entrevoir une organisation plus fine.

94Bien que l'on ignore les critères des regroupements traduits par ces structures (familiaux, sociaux, etc.), on sait grâce à leur présence que l'installation d'une tombe primitive donne le plus souvent lieu à la formation d'un îlot plus ou moins important pouvant regrouper plus d'une dizaine de sépultures. L'installation de ces différents îlots, et celle des différentes sépultures qui les composent, ne peuvent toutefois, faute de critères, être replacées dans une chronologie fine. Au Causse, l'image que l'on perçoit de l'organisation de ces secteurs n'est autre que celle donnée par l'état final de la nécropole, au terme de son fonctionnement (fig. 251). Dès lors, les alignements perceptibles résultent plus de certaines contraintes dues à la morphologie même des structures d'entourage, que d'espaces rigoureusement prédéfinis. En revanche, les variations sensibles d'orientation d'un alignement à un autre, le développement multidirectionnel de certains îlots –l'arrivée d'une nouvelle tombe se faisant souvent au détriment d'un alignement régulier– et le respect très relatif d'une distance régulière entre les tombes primaires, occasionnent de nombreux décalages et offrent une trame non orthonormée, presque désordonnée, bien loin de celle que pourrait induire une gestion rigoureuse de l'espace. Dans un même ordre d'idée, les axes de circulation préservés entre les tombes ne semblent pas être le résultat de l'établissement d'un réseau préétabli, l'augmentation de la taille des îlots faisant évoluer très souvent son tracé. Par ailleurs, ces cheminements peuvent être en partie utilisés pour l'installation d'une sépulture annexe : tombes à simple ossuaire au Causse et tombes satellites à Gourjade. En revanche, l'accessibilité à la tombe est toujours maintenue, quelle que soit l'évolution de son environnement topographique. Cette constante est nettement perceptible au Causse dans le secteur nord-ouest de la nécropole (carrés D.12 et D.13 par exemple), où toutes les sépultures sont desservies sur au moins un de leur côté par un axe de circulation (fig. 252). Il est bien entendu très séduisant de voir dans cette organisation une réelle volonté des vivants de se rapprocher des morts, ce qui peut signifier l'existence de Plan idéal du secteur nord-ouest de la nécropole du Causse pratiques ou de rites post-sépulcraux sur le lieu même de l'inhumation tels que des cérémonies ou des célébrations en hommage au défunt.

95En dehors des secteurs où les entourages sont bien conservés, et en particulier au Martinet où on ne dispose pas de ces éléments « architecturaux », l'organisation des sépultures ne peut être approchée qu'à partir de leur distribution spatiale. Dans les trois nécropoles, on peut ainsi observer de nombreux alignements, regroupant souvent plus d'une dizaine de sépultures. Ils s'inscrivent aussi bien dans le sens nord-est/sud-ouest que dans le sens sud-est/nord-ouest et constituent parfois de véritables réseaux en damier plus ou moins réguliers (carré F.G.9, G.H.8 au Causse ; carrés H.10.11 à Gourjade). Toutefois, toutes les tombes ne répondent pas à cette organisation linéaire. Par exemple, au Martinet, certaines sont implantées à proximité directe d'un alignement, parfois à moins de 1 m, ce qui peut suggérer l'existence de sépultures annexes (fig. 253). À l'inverse, des secteurs moins denses, en particulier en bordure des nécropoles, peuvent également signaler des implantations non menées à terme, destinées à être complétées.

96Au Causse, les densités observées pour ces tombes, en moyenne de 9 à 11 pour 100 m², et les distances qui séparent les fosses sépulcrales, le plus souvent entre 1,5 et 4 m, sont identiques aux données enregistrées dans les secteurs à entourages ; à Gourjade également, mais on note une implantation nettement plus lâche. On ne rencontre en effet que 5 à 6 tombes en moyenne pour 100 m², densité que l'on retrouve également au Martinet. Bien qu'il soit toujours possible que certaines tombes aient échappé à la fouille, les conditions de gisements étant plus favorables au Causse que dans les deux autres nécropoles, cette amplitude semble bien réelle, ce qui peut signifier une gestion différente de l'espace réservé à la sépulture.

97Ces différentes observations tendent à caractériser un développement spontané des nécropoles obéissant toutefois à certaines règles telles le respect de l'accessibilité à la tombe mais aussi à des précontraintes liées à la morphologie même du tertre funéraire.

4.2 Les inhumations

98Les neuf inhumations découvertes dans la moitié sud de la nécropole du Causse sont toutes des sépultures individuelles. Elles forment deux groupes distants de plus de 60 m. Le premier rassemble trois sépultures (T.70, T.339 et T.497) implantées non loin du centre de la nécropole. Le second regroupe six autres tombes (T.361, T .518, T.519, T.525, T.552 et T.557) localisées au sud du site, à proximité de la limite du secteur fouillé.

99Ces sépultures en fosse présentent un état de conservation inégal et dans l'ensemble assez médiocre. Outre le fait qu'elles ont toutes subi les effets de l'arasement général du site, certaines n'étant plus signalées que par quelques fragments osseux (T.361, T.519, T.557), les ossements sont extrêmement érodés et n'ont pas échappé à l'agression physico-chimique de la végétation. Ils sont le plus souvent réduits aux parties les plus compactes de l'os. On ne peut ainsi que constater l'absence de connexions strictes, le squelette n'étant bien souvent représenté que par les diaphyses des grands os longs et le crâne qui restent toutefois en position anatomique (fig. 254).

4.2.1 L'architecture des tombes

100Bien que le niveau d'arasement soit différent d'une sépulture à l'autre, il a toujours été suffisamment important pour éliminer toutes traces d'un éventuel aménagement en surface. Sur ce sujet, nous ne pouvons donc que constater l'absence de recoupement entre ces sépultures (parfois très proches : T.518 et T.519) et les tombes à incinérations.

101Les fosses les plus complètes (T.70, T.339, T.525 et T.552) sont de plan oblong ou quadrangulaire. Les dimensions qui ont pu être relevées sont comprises entre 1,90 et 2,45 m de long pour 0,40 à 0,80 m de large, la profondeur conservée n'excédant pas une vingtaine de centimètres. Le fond de la fosse, grossièrement aplani, est relié à des parois verticales ou légèrement évasées. Ces creusements présentent tous la même orientation générale sud-est/nord-ouest, cette situation pouvant toutefois varier de quelques degrés (T.518 et T.519 par exemple).

102Des éléments de couverture étaient bien conservés pour deux sépultures. Il s'agit de dalles et de pierres en calcaire, dont la plus grande dimension n'excède pas 0,20 m, vraisemblablement prélevées aux abords immédiats du lieu d'inhumation, peut-être tout simplement lors du creusement de la fosse. Dans la tombe 525, dalles et pierres forment une véritable carapace, recouvrant la sépulture dans son intégralité. En surface, ces matériaux, plus ou moins redressés, montraient de nombreux chevauchements avec des recouvrements partiels d'éléments extérieurs par des éléments intérieurs. En profondeur, de nombreuses pierres reposaient directement sur le fond de la fosse et sur le dépôt funéraire qui présentait des écrasements partiels. Ces dispositions évoquent un agencement ordonné des matériaux de la couverture dont l'effondrement dans la fosse signale la présence de vides après la fermeture de celle-ci. À l'instar des couvertures des tombes à incinérations, l'utilisation d'un plancher en matière périssable soutenant ces éléments est tout à fait envisageable. Les déplacements osseux observés ainsi que le basculement de certaines céramiques viennent également conforter l'hypothèse selon laquelle il n'y a pas eu colmatage volontaire de la fosse après mise en place du dépôt funéraire.

103Enfin, toujours au chapitre des aménagements, il convient de signaler la présence d'un gros bloc de granit, roche non disponible sur le site, dans la tombe 339 (fig. 255). Il n'est pas exclu que cet élément, long de plus d'une quarantaine de centimètres et épais de 0,15 m, ait eu une fonction particulière (stèle ?).

4.2.2 Le dépôt funéraire

4.2.2.1 Le corps dans la tombe

104Le décubitus dorsal semble être de règle, la position d'un sujet n'ayant pu être définie (T.361). Le corps du défunt est inhumé tête à l'est dans sept cas et à l'ouest dans un cas (T.557). Lorsque l'observation est possible, les membres inférieurs sont toujours en extension et parallèles, à l'exception d'un cas où les pieds sont croisés (T.339). La position des membres supérieurs ne semble pas présenter de variation, généralement en extension le long du corps avec les mains sur le bassin (T.525, T.552). La face d'apparition des crânes, qui ont pour la plupart basculé après l'évolution normale du cadavre dans la tombe (basculement latéral le plus souvent), ne nous apporte pas de renseignements supplémentaires quant à leur position originelle.

105Étant donné le mauvais état de conservation des ossements, nous ne pouvons que nous contenter d'émettre la possibilité de l'utilisation de systèmes de contention, notamment pour l'inhumé de la sépulture 552 dont la position des membres supérieurs évoque la présence d'une structure périssable non rigide pour autant qu'il y ait bien eu ici aussi décomposition en espace non colmaté (le colmatage différé étant toujours possible).

106La parure semble accompagner systématiquement le défunt dans sa tombe. Parmi les trois sépultures qui n'en ont pas fourni, deux étaient presque entièrement détruites (T.361 et T.519). Ces objets, dont la plupart étaient encore en place au moment de leur découverte, comprennent essentiellement des bracelets (quatre dans T.525, deux dans T.70 et T.518, un dans T.552 et T.557), des torques (T.339, T.518 et T.552), ainsi que des éléments de collier (anneaux et perles diverses dans T .70, lot d'une dizaine de perles en bronze dans T.518). Si les torques sont bien entendu toujours retrouvés au niveau du cou, en revanche le bracelet peut être également utilisé comme anneau de cheville (T.525).

4.2.2.2 Les dépôts de mobilier dans la tombe

107Le dépôt d'objet métallique utilitaire n'est attesté que dans une sépulture par une pincette placée à l'est du crâne (T.552).

108La céramique est représentée dans huit inhumations, en quantité variable, de un à cinq vases par sépulture. La présence d'un seul récipient doit toutefois être enregistrée avec prudence car il s'agit de tombes partiellement tronquées. Ces vases sont le plus souvent déposés à proximité du crâne sur le fond de la fosse, mais se rencontrent aussi dans la région inférieure du squelette (T.70, T.339). Bien qu'une grande partie de ces récipients reste de forme indéterminée, la plupart de ces sépultures contiennent au moins une urne et toujours un gobelet. Dans les tombes les plus complètes, ce gobelet est déposé dans une urne.

109Le dernier type d'objet que l'on peut rencontrer dans ces sépultures est la fusaïole, présente en un exemplaire dans deux tombes : T.70 et T.518. Dans cette dernière, sa position au niveau du cou, autour duquel était également placé un torque, témoigne peut-être de son utilisation comme élément de parure. En dépit de l'absence totale d'offrandes animales et de certains types d'objet (épingle notamment) souvent représentés dans les tombes à incinération, les dépôts rencontrés dans ces sépultures présentent les mêmes caractéristiques générales : part importante des objets de parure, urne accompagnée d'un gobelet.