Sur la crise de la critique littéraire

1Celui qui se retrouve en Allemagne après de longues années d’exil ressent la dégradation de la critique littéraire – mais il n’est pas exclu qu’en la matière on s’abuse soi-même. L’expulsé a tendance à idéaliser l’état spirituel de l’Allemagne d’avant l’époque hitlérienne et à refouler en pensée tout ce qu’en ce temps-là la barbarie fasciste couvait déjà de manière téléologique. Si l’on se rappelle le combat que Karl Kraus menait contre les mandarins de la critique littéraire, et la manière dont il produisait implacablement la preuve de leur conformisme, de leur incompétence, de leur négligence, de leur vantardise et de leur irresponsabilité, alors on devra bien se défaire de toute illusion au sujet de la grande agitation critique de l’époque. Mais c’est justement Karl Kraus qui a su distinguer, à l’intérieur du négatif, entre bêtise et méchanceté, médiocrité et infériorité, absence de scrupules et imbécillité. Il est dans le droit fil de ce discernement que de distinguer la s