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Une collecte d’images

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Steffen Haug

III. Correspondances. Les images du Livre des passages et l’exposé « Paris, capitale du XIXe siècle »

III.1. Fourier ou les passages

Full text

1Le chapitre d’introduction de l’exposé est dédié à l’objet qui fut longtemps au cœur du projet de Benjamin sur Paris : les passages. L’argumentation du texte se déploie en deux sections qui comptent chacune trois paragraphes. La première associe les passages et la construction en fer. La nouvelle technique naissante se trouve prise dans les formes traditionnelles d’une conception académique de l’architecture, et ce conflit entre une construction essentiellement moderne et une décoration extérieure historisante se perpétuera presque tout au long du xixe siècle. La seconde section est consacrée aux théories de l’un des premiers représentants du socialisme, Charles Fourier (1772-1837). Fourier énonce sa critique sociale en brossant le portrait d’une communauté utopique pour laquelle il imagine des maisons d’habitation sur le modèle des passages. Mais, lorsqu’elle critique l’industrialisation, son utopie se réclame aussi de vieilles idées comme celle du pays de Cocagne et l’on peut dire que ce n’est pas seulement dans l’architecture, mais aussi dans la doctrine de Fourier – et donc dans les domaines les plus divers – que le mélange de formes anciennes et nouvelles apparaît caractéristique des débuts de l’industrialisation au xixe siècle.

2Pour rédiger le premier chapitre de son exposé, Benjamin s’est surtout appuyé sur ses notes des liasses A « Passages », F « Construction en fer » et W « Fourier ». La liasse F a également été intégrée dans le troisième chapitre consacré aux expositions universelles. Aussi nous concentrerons-nous en particulier ici sur les images des liasses A et W.

Les passages et le développement de la construction en fer

3L’exposé débute par une esquisse rapide de l’architecture destinée au commerce des marchandises au xixe siècle :

  • 1 GS V, p. 45 ; Passages, p. 35.

« La plupart des passages de Paris se construisent dans les quinze années qui suivent 1822. […] Les “magasins de nouveautés”, les premiers établissements à entreposer en permanence à demeure des stocks considérables, font leur apparition. Ce sont les précurseurs des grands magasins1. »

4Benjamin reprend ensuite la description d’un Guide illustré de Paris :

  • 2 Ibid.

« Ces passages […] sont des couloirs au plafond vitré, aux entablements de marbre, qui courent à travers des blocs entiers d’immeubles dont les propriétaires se sont solidarisés pour ce genre de spéculation. Des deux côtés du passage, qui reçoit sa lumière d’en haut, s’alignent les magasins les plus élégants, de sorte qu’un tel passage est une ville, un monde en miniature2. »

  • 3 Sur le passage Véro-Dodat, voir Johann Friedrich Geist, Passagen. Ein Bautyp des 19. Jahrhunderts, (...)
  • 4 À propos de la perception, par les gens de l’époque, de la splendeur du passage Véro-Dodat, Benjami (...)

5C’est dans les passages qu’ont eu lieu les premiers essais d’éclairage au gaz, ajoute Benjamin. Le plus luxueux des passages construits après 1822 est le passage Véro-Dodat3, inauguré en 1826. De tous les passages parisiens, c’est celui qui est le plus souvent mentionné dans la liasse A4. Benjamin connaissait certainement de visu cette galerie, qui existe encore aujourd’hui. Il évoque à son sujet une gravure sur cuivre du Cabinet des estampes, avec le texte de commentaire qui met en particulier l’accent sur les effets de l’éclairage au gaz (fig. 31a-b) :

  • 5 [A 7, 1] GS V, p. 98 ; Passages, p. 77-78.

« À propos d’une gravure qui représente la façade d’un magasin, passage Véro-Dodat : “On ne peut trop louer cet ajustement, la pureté de ses profils, l’effet pittoresque et brillant que produisent les globes servant à l’éclairage par le gaz, qui sont placés entre les chapiteaux des deux pilastres accouplés limitant chaque boutique, et dont l’entre-deux est décoré d’une glace réfléchissante.” C<abinet> d<es> E<stampes>5 »

Fig. 31a François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024722 → [A 7, 1]

Fig. 31a François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024722 → [A 7, 1]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-230 (C)-FOL, A 024722, https://images.bnf.fr/​detail/​837137 ; voir ci-après la deuxième image de la page (A 024723), https://images.bnf.fr/​#/​detail/​811523/​3 ; pour la troisième image de la page, voir https://images.bnf.fr/​detail/​851031 ; pour l’ouvrage de François Thiollet, voir https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​bpt6k5739173j/​f62.item

Fig. 31b Commentaire de François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024723 → [A 7, 1]

Fig. 31b Commentaire de François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024723 → [A 7, 1]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-230 (C)-FOL, A 024723, https://images.bnf.fr/​#/​detail/​811523/​3

  • 6 « Le premier éclairage au gaz : en 1817, au passage des Panoramas » ([T 3a, 4] GS V, p. 705 ; Passa (...)

6Dans le recueil factice du département d’arts graphiques, le texte cité par Benjamin est collé sous la gravure ; il provient d’un manuel de 1837 à destination des architectes, avec des modèles de menuiseries et de décorations intérieures et extérieures. Il vante le splendide effet de l’éclairage au gaz, que redoublent les glaces réfléchissantes montées derrière les globes, qu’on aperçoit à droite et à gauche de l’image, placés à hauteur des chapiteaux entre les doubles pilastres. L’éclairage au gaz est une nouveauté technique qui a été employée pour la première fois, selon Benjamin, en 1817 dans le passage des Panoramas6. Voici ce qu’il indiquait déjà à cet égard dans « L’anneau de Saturne » :

  • 7 GS V, p. 1060-1061 ; Passages, p. 882.

« L’éclairage au gaz […] représentait à cette époque le comble du luxe et de l’apparat. […] On était habitué, au demeurant, à voir la fonte et le gaz réunis dans ces établissements élégants qui firent précisément leur apparition à cette époque, les passages7. »

7L’éclairage au gaz avait aussi une fonction structurelle, constitutive de la double nature des passages, entre rue et intérieur : tandis que la lumière du soleil y pénétrait pendant le jour en passant par le plafond vitré à travers lequel on apercevait le ciel, à la tombée de la nuit le passage s’éclairait de la clarté des becs de gaz, comme un intérieur. Dans son essai « Le Paris du Second Empire chez Baudelaire », Benjamin note :

  • 8 GS I, p. 552 ; Baudelaire, p. 745.

« Au cours de son récit [“L’homme des foules”], Poe fait tomber le soir. Il s’attarde dans la ville éclairée au gaz. L’apparition de la rue comme intérieur, qui résume à elle seule la fantasmagorie du flâneur, est difficilement dissociable de l’éclairage au gaz. Le premier éclairage au gaz a brûlé dans les passages. […] le ciel étoilé fut chassé de l’image de la grande ville […]8. »

  • 9 « Les contemporains ne se lassent pas de les admirer », note-t-il encore dans son exposé.

8Ces effets de lumière et d’espace que produit, entre intérieur et extérieur, l’action conjuguée de l’éclairage au gaz et des glaces réfléchissantes, Benjamin projetait sans doute de s’y intéresser de manière plus approfondie, puisque deux liasses des Passages leur sont consacrées : la liasse T « Types d’éclairage » et la liasse R « Miroirs ». Le texte de commentaire qu’il cite dans sa note ne contient aucune information factuelle qu’il eût encore ignorée ; sa description excessivement élogieuse apparaît plutôt comme un témoignage de la forte impression qu’exerça sur les esprits contemporains, au moment de l’invention des passages, la splendeur de ces nouveaux agencements mêlant lampadaires et miroirs9.

  • 10 Les fines colonnes métalliques dans les grandes vitrines n’ont pas de fonction portante. Au-dessus (...)
  • 11 La construction apparaît plus clairement sur une seconde gravure collée sur cette même page du recu (...)

9Le passage Véro-Dodat se laisse également rattacher au second paragraphe de l’exposé, qui traite des développements de la construction en fer en général. Au début du texte cité par Benjamin, on souligne « la pureté des profils » de cette architecture de boutiques. Or, la minceur des pilastres et des éléments structurant leurs devantures n’a pu être obtenue que grâce aux progrès de la nouvelle façon de bâtir10. La suite du texte évoque les globes lumineux placés entre les chapiteaux corinthiens, de sorte qu’ici aussi la technique vient s’inscrire dans un lexique décoratif antiquisant. Les miroirs sont en outre disposés à l’avant des piliers porteurs11, qui se trouvent ainsi « dématérialisés ». Les éléments statiques – le « principe constructif » – ne s’affichent pas en donnant forme à l’architecture, ils se dissimulent derrière les miroirs. L’analyse proposée par Benjamin dans son exposé s’applique parfaitement à l’agencement de la galerie Véro-Dodat :

  • 12 GS V, p. 46 ; Passages, p. 35-36.

« De même que Napoléon n’a pas perçu la nature fonctionnelle de l’État comme instrument de domination de la classe bourgeoise, les architectes de son époque n’ont pas perçu la nature fonctionnelle du fer grâce auquel le principe constructif a pu assurer sa domination sur l’architecture. Ces architectes dessinent des supports en prenant modèle sur la colonne pompéienne, […] comme plus tard les premières gares chercheront à imiter les chalets. “La construction joue le rôle du subconscient12.” »

  • 13 Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Berlin, sans date [1928] (trad. française (...)
  • 14 Giedion, Construire en France, 2000, p. 3.
  • 15 Pour Giedion, le pas décisif s’accomplit avec l’invention de la poutrelle métallique cintrée, emplo (...)

10La thèse énoncée dans la citation est empruntée à l’ouvrage de Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich (1928), qui expose l’évolution de la construction en fer en tant que préhistoire de l’architecture moderne, en particulier du courant dit du Neues Bauen en Allemagne13. Giedion y analyse de nombreux bâtiments qui, à en juger par leurs façades, n’ont certes pas l’air de précurseurs de l’architecture moderne, mais qui sont pourtant, par l’usage précoce qu’ils font du fer, à l’origine de l’évolution qui conduira aux constructions à ossature métallique. Au début de son livre, l’auteur voit dans cette discordance un trait caractéristique de l’époque : « Au xixe siècle, la construction tient le rôle du subconscient qui, extérieurement, continue de gagner en jouant le jeu du vieux pathos, tandis qu’en souterrain se constitue, à l’abri des façades, la base de notre être d’aujourd’hui14. » Giedion, il est vrai, ne revient pas sur cette notion de subconscient. Dans toute la première moitié de l’ouvrage, il s’applique à décrire la maîtrise technique et esthétique de ce nouveau matériau comme un processus progressif d’invention formelle consciente qui se prolongera pendant presque tout le siècle15. Benjamin a repris cette thèse capitale dans le premier chapitre de son exposé, en traitant des progrès accomplis par la construction en fer jusqu’au seuil de la modernité.

  • 16 Voir à ce sujet Bernard Marrey, Les Grands Magasins. Des origines à 1939, Paris, 1970 ; Geoffrey Cr (...)
  • 17 Sur les « magasins de nouveautés », voir Piedade da Silveira, Des magasins de nouveautés aux grands (...)
  • 18 [A 1, 3] GS V, p. 84 ; Passages, p. 66. Voir aussi Geist, Passagen, 1969, p. 81.

11L’époque de rayonnement des passages s’est achevée dans les années 1840, quand la vie publique s’est déplacée sur les boulevards, où, dans la seconde moitié du siècle, on allait construire les grands magasins16. Avant ses recherches au Cabinet des estampes, Benjamin a réuni plusieurs notes sur les passages et les magasins de nouveautés17 comme « précurseurs des grands magasins ». Il y observe que le premier pas de cette expansion se fait au moment où les boutiques installées dans les passages se mettent à louer aussi le premier étage, afin de pouvoir y stocker leurs marchandises18.

  • 19 [A 3, 9] GS V, p. 91 ; Passages, p. 72.
  • 20 Voir Josef Kurz, Die technische Entwicklung der Dampfwäscherei. Eine Chronik der gewerblichen Wäsch (...)

12Une autre image qu’il consigne montre comment la taille des commerces grandit sous le coup de l’industrialisation croissante, jusqu’à dépasser les possibilités d’espace dont ils disposaient à l’intérieur des passages. Il s’agit d’une lithographie de 1844 faisant la réclame pour la teinturerie Donnier, installée dans un bâtiment flambant neuf, près du passage Brady qui ne lui offrait plus suffisamment de place (fig. 32). L’invention du lavage chimique et du nettoyage à la vapeur, à la fin des années 1820, témoigne elle aussi des progrès constants de la technique. « Il y a dans chaque passage au moins un salon de nettoyage19 », constatait en 1845 un voyageur allemand ; l’essor de l’industrie textile favorisait aussi le développement de ce type d’activités secondaires – teintureries, blanchisseries – et leur diffusion dans le grand public20.

Fig. 32 Pierre-François Godard le jeune, tract de réclame pour la maison Donnier, teinturerie de la Ville de Paris, passage Brady, 1844 [BdF, 9 novembre 1844], lithographie, 32,5 × 38 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 39e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-290 (2)-Fol., H 73261 → [A 7, 2]

Fig. 32 Pierre-François Godard le jeune, tract de réclame pour la maison Donnier, teinturerie de la Ville de Paris, passage Brady, 1844 [BdF, 9 novembre 1844], lithographie, 32,5 × 38 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 39e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-290 (2)-Fol., H 73261 → [A 7, 2]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-290 (2)-FOL, H 73261, https://images.bnf.fr/​detail/​650040

13Une annonce immobilière collectée au Cabinet des estampes fournit un autre exemple précoce de ce phénomène de croissance des espaces commerciaux :

  • 21 [A 7, 4] GS V, p. 98 ; Passages, p. 78.

« Élévation et plan de situation du passage, 36, rue d’Hauteville, noir, bleu et rose, de l’année 1856, sur papier timbré. Un hôtel qui fait partie de l’ensemble est également représenté. En gras : “Propriété à louer”. C<abinet> d<es> E<stampes>21 »

  • 22 GS V, p. 45 ; Passages, p. 35.

14Est ici proposé à la location un ensemble immobilier composé d’un « hôtel moderne tout neuf » et de « vastes galeries et magasins » (fig. 33). La vue en élévation montre une construction en fer avec plafond vitré et double enfilade de boutiques latérales dans la tradition des passages. Le bâtiment dispose cependant de trois étages et des galeries ouvertes remplacent à présent les devantures fermées des anciennes boutiques, en multipliant les possibilités d’aménagement. Aux murs des galeries sont déjà fixés des rayonnages voués au rangement et au stockage des marchandises. Car ce qui fait désormais la différence entre les passages, considérés comme des « centres destinés au commerce des marchandises de luxe22 », et les grands magasins, c’est que ceux-ci sont en mesure d’offrir à leurs clients, en vertu de la quantité croissante des échanges marchands, les prix avantageux du négoce de gros, en élargissant l’éventail social de leur clientèle jusqu’aux couches de la petite bourgeoisie.

Fig. 33 Graveur inconnu, annonce pour une location rue d’Hauteville, 1856, lithographie coloriée à la main, 34,5 × 49 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (5)-Fol., H 72725 → [A 7, 4]

Fig. 33 Graveur inconnu, annonce pour une location rue d’Hauteville, 1856, lithographie coloriée à la main, 34,5 × 49 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (5)-Fol., H 72725 → [A 7, 4]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-289 (5)-FOL, H 72725, https://images.bnf.fr/​detail/​875820

15Benjamin évoque en outre le plan de situation qui souligne l’emplacement favorable de l’immeuble, « en face le passage Violet, près le boulevard Bonne-Nouvelle », dans la double proximité des anciens et des nouveaux centres du commerce. Frappé du sceau du ministère des Finances, le « papier timbré » garantit la véracité des indications fournies par l’annonce. Dans sa partie supérieure, l’affiche s’orne de deux images encadrées qui font ressortir le contraste entre la galerie intérieure et l’« hôtel », avec sa façade représentative de style néo-Renaissance, en illustrant la tension déjà mentionnée entre construction et décoration, caractéristique de l’architecture de cette époque.

16Contrairement aux passages et, plus tard, aux grands magasins, les immeubles commerciaux de taille moyenne comme celui-ci ont presque tous disparu, de sorte que cette annonce immobilière montrant un bâtiment vide, pas encore affecté à tel ou tel usage particulier, est effectivement l’une des rares sources qui nous renseignent sur ce type d’architecture.

  • 23 [U 11, 3] GS V, p. 729 ; Passages, p. 605. Le Grand Café parisien était le plus grand établissement (...)
  • 24 Ces grandes dimensions sont sans fonction pratique. Elles ne font qu’administrer la démonstration d (...)
  • 25 [F 4, 5] GS V, p. 222 ; Passages, p. 181.

17En conséquence des possibilités grandissantes de la technique, les dimensions des bâtiments s’accroissent, ce que Benjamin constate à l’exemple d’une planche du milieu du siècle : « “La nef du Grand Café parisien”, lit-on sous une gravure de 1856. De fait, la scène offerte par le public ressemble à celle qu’on aperçoit dans une nef d’église ou un passage23. » Si le schéma architectural du passage, avec ses arcades latérales, a subi ici un agrandissement, c’est au modèle de la nef d’église et à une ornementation mêlant Renaissance et baroque que l’on continue pourtant de se référer, au lieu de trouver une solution moderne (fig. 34)24. Benjamin avait déjà noté, à propos de l’architecture des passages, que « quelque chose de sacré, un souvenir de la nef d’église, s’attache encore à cette enfilade de marchandises qu’est le passage25 ».

Fig. 34 Étienne David, Nef du Grand Café parisien, 1856, lithographie, 42 × 49,5 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-Mat-75-Boîte Fol. → [U 11, 3]

Fig. 34 Étienne David, Nef du Grand Café parisien, 1856, lithographie, 42 × 49,5 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-Mat-75-Boîte Fol. → [U 11, 3]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-MAT-75-BOITE FOL, https://images.bnf.fr/​detail/​822024

  • 26 Le grand magasin « À la ville de Saint-Denis » dérive lui aussi d’une maison de nouveautés fondée e (...)

18Si l’on emboîte le pas à Benjamin, le développement des immeubles destinés aux activités commerciales se décrit en ces termes : les grands magasins parisiens que l’on connaît encore aujourd’hui voient le jour à partir des années 1870, leur cortège s’ouvrant par la construction du Bon Marché en 1876, dessiné par Louis-Charles Boileau et Gustave Eiffel. En 1880, le grand magasin « À la ville de Saint-Denis » reçoit une extension sous la forme d’une grande cour intérieure dotée d’un plafond vitré26. Au Cabinet des estampes, Benjamin collecte sur ce sujet des gravures qu’il trouve dans des magazines illustrés. Ces images mettent l’accent sur la fonction décorative de la présentation des marchandises :

  • 27 [A 7, 5] GS V, p. 98 ; Passages, p. 78.

« Les premiers grands magasins semblent s’inspirer des bazars orientaux. On voit sur des gravures <que>, vers 1880, en tout cas, la mode voulait qu’on couvrît de tapis les balustrades des étages qui donnaient sur la cour intérieure vitrée. Par exemple, au grand magasin “La Ville de Saint-Denis”. C<abinet> d<es> E<stampes>27 »

  • 28 Voir Mohamed Scharabi, Der Bazar. Das traditionelle Stadtzentrum im Nahen Osten und seine Handelsei (...)
  • 29 Voir [J 40, 8] GS V, p. 381 ; Passages, p. 315. Sur l’orientalisme à cette époque, voir John M. Mac (...)

19La galerie elle-même est dépourvue d’ornements architecturaux ; elle se pare uniquement des tapis mentionnés par Benjamin et d’autres soieries orientales (fig. 35). Sa disposition fait penser aux marchés publics des villes arabes, les bazars installés dans de vastes cours en plein air ou parfois couvertes28. On crée donc un décor exotique pour la vente des tissus et des tapis. Ce type de mise en scène s’inscrit dans le paysage plus général de l’orientalisme, un engouement qui fleurissait alors dans de nombreux domaines de la culture : au théâtre (fig. 81), dans la mode, les cafés (fig. 82) ou les beaux-arts29. Lors de l’Exposition universelle de Londres en 1851, le Crystal Palace avait été décoré de tapis et de draperies, « dans le goût des contes orientaux », comme l’écrit Benjamin (fig. 62). Dans la France du xixe siècle, l’intérêt pour l’exotisme était intimement lié à la politique économique : en 1880, la France n’était pas seulement un pays qui commerçait avec les contrées lointaines ; elle s’était hissée, au prix de décennies d’expéditions militaires, au rang de deuxième puissance coloniale du monde.

Fig. 35 Une page du recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier : boulevard Saint-Denis, rue du Faubourg-Saint-Denis », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (7)-Fol., H 72888 et H 72889 ; en haut : Auguste-Victor Deroy, La Ville de Saint-Denis – Nouveaux agrandissements : le hall, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans L’Illustration. Journal universel, no 1937, 10 avril 1880, p. 241 ; en bas : M. Scott (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Les nouveaux agrandissements des magasins de la Ville de Saint-Denis, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans Le Monde illustré, 10 avril 1880 (selon l’indication manuscrite sur l’exemplaire de la BnF) → [A 7, 5]

Fig. 35 Une page du recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier : boulevard Saint-Denis, rue du Faubourg-Saint-Denis », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (7)-Fol., H 72888 et H 72889 ; en haut : Auguste-Victor Deroy, La Ville de Saint-Denis – Nouveaux agrandissements : le hall, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans L’Illustration. Journal universel, no 1937, 10 avril 1880, p. 241 ; en bas : M. Scott (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Les nouveaux agrandissements des magasins de la Ville de Saint-Denis, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans Le Monde illustré, 10 avril 1880 (selon l’indication manuscrite sur l’exemplaire de la BnF) → [A 7, 5]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-289 (7)-FOL, H 72888, https://images.bnf.fr/​detail/​927707 et H 72889, https://images.bnf.fr/​detail/​811510

20À la fin du xixe siècle, l’opulente décoration intérieure des grands magasins servait de toile de fond aux produits offerts à la vente et les mettait en valeur. Benjamin aborde cet aspect dans une note sur le grand magasin « Au Printemps », en se référant à une image qui illustre l’ouvrage de Giedion :

  • 30 [A 3, 6] GS V, p. 91 ; Passages, p. 71.

« Giedion montre (Bauen in Frankreich, p. 35) comment le principe “Accueillir la foule et la retenir en la séduisant” (Science et Industrie, 1925, no 143, p. 6) conduit à des solutions architecturales vicieuses lors de la construction du Printemps (1881-89). Fonction du capital marchand30 ! »

  • 31 Giedion, Construire en France, 2000, p. 33.

21Pour illustrer le « principe » cité, Giedion publie une photographie du grand hall du Printemps, sans donner de plus amples explications (fig. 36). Comme Benjamin, il semble considérer que l’image est suffisamment parlante et ne requiert aucun commentaire. Si l’on veut pourtant comprendre plus précisément le lien entre cette photographie et le « principe » évoqué, il convient d’abord d’examiner le cadre dans lequel elle s’inscrit chez Giedion. Sur une double page, on y voit l’architecture du Printemps opposée, à titre d’exemple négatif, à celle du Bon Marché, dont l’élégante structure métallique de Boileau et Eiffel apparaît au grand jour. Giedion note : « L’ossature de fer permet de recourir, à l’intérieur, à de fins piliers31 », en étayant ce constat par des propos de l’architecte Louis-Charles Boileau, qui condamne l’usage des piliers massifs. Or, les piliers d’angle dessinés par Paul Sédille pour le Printemps sont monumentaux ; ils s’ornent en outre de chapiteaux avec des sphinges en bronze doré, demeurant ainsi attachés à une décoration historisante.

Fig. 36 Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 35 ; dans sa note, Benjamin fait référence à l’illustration du haut, une photographie (anonyme) montrant le grand hall du Printemps, construit par Paul Sédille entre 1881 et 1889 selon le principe « Accueillir la foule et la retenir en la séduisant », que Giedion traduit en allemand dans sa légende et dont il donne la source française en note de bas de page. → [A 3, 6]

Fig. 36 Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 35 ; dans sa note, Benjamin fait référence à l’illustration du haut, une photographie (anonyme) montrant le grand hall du Printemps, construit par Paul Sédille entre 1881 et 1889 selon le principe « Accueillir la foule et la retenir en la séduisant », que Giedion traduit en allemand dans sa légende et dont il donne la source française en note de bas de page. → [A 3, 6]

Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078

  • 32 Voir Julien Bastoen, « Le commerce mis en scène », in Béatrice de Andia et Caroline François (dir.) (...)

22Benjamin ne parle pas directement de la comparaison entre les deux grands magasins, mais il reprend le jugement de Giedion, en qualifiant de « vicieuses » les solutions architecturales mises en œuvre lors de la construction du Printemps. Il n’entre certes pas dans les détails, mais on ne peut manquer d’être frappé ici par l’escalier central d’inspiration baroque et par les balcons – autrement dit, par les aménagements intérieurs qui incitent le client à flâner et à s’attarder devant les étalages. L’architecture façonne les grands magasins comme un théâtre social32.

  • 33 Le « principe » cité par Giedion et Benjamin est tiré d’un article de 1925 sur la reconstruction du (...)

23Sur la planche du grand magasin « À la ville de Saint-Denis », on voit déjà de nombreux clients accoudés aux balustrades des galeries, absorbés dans le spectacle de la marchandise et du commerce. Selon le « principe » cité par Benjamin dans sa note, la façade néobaroque du Printemps (que Giedion reproduit sur la même page, sous la photographie du grand hall) a pour fonction d’« accueillir la foule », tandis que l’aménagement intérieur est censé « la retenir ». Quant à la « séduction », c’est à l’ornementation qu’il revient de l’assurer, en créant un cadre de richesse et de splendeur pour mieux faire valoir les produits offerts à la vente33. Benjamin voit dans le Printemps l’archétype d’une architecture plus soucieuse de faire parler les principes commerciaux du bâtiment que de révéler ses principes constructifs.

  • 34 Fondée en 1899, cette publication a paru jusqu’en 1985. Elle avait pour titre complet L’Information (...)
  • 35 [S 5, 4] GS V, p. 686 ; Passages, p. 569.

24Il mentionne ensuite, à titre de spécimen d’une architecture qui se tient sur le seuil du mouvement fonctionnel moderne, le siège du journal parisien L’Information34, construit en 1904 par Paul Chédanne : « La façade de l’immeuble de L’Information, rue Réaumur, est un exemple du Modern Style où l’on peut percevoir avec une clarté particulière la transformation ornementale des formes portantes35. » La « transformation ornementale » des éléments porteurs s’observe spécialement bien au rez-de-chaussée et dans les supports des encorbellements, avec leurs lignes courbes qui reprennent le lexique floral du style Art nouveau, en associant nature et technique (fig. 37). Mais, en même temps, les piliers et poutres métalliques apparaissent déjà ici à nu, sans aucun appareil qui viendrait les dissimuler.

Fig. 37 Immeuble du 124, rue Réaumur, ancien siège de la revue L’Information financière, économique et politique, puis du journal Le Parisien libéré, construit par Paul Chédanne en 1904, photographie vers 1950 → [S 5, 4]

Fig. 37 Immeuble du 124, rue Réaumur, ancien siège de la revue L’Information financière, économique et politique, puis du journal Le Parisien libéré, construit par Paul Chédanne en 1904, photographie vers 1950 → [S 5, 4]

Crédit/Source : Le Parisien

  • 36 Les photographies du pont transbordeur reproduites chez Giedion ont été prises par l’auteur lui-mêm (...)
  • 37 [N 1a, 1] GS V, p. 572 ; Passages, p. 475.
  • 38 GS V, p. 46 ; Passages, p. 36 : « En même temps, le champ d’application du verre dans l’architectur (...)

25Benjamin n’introduit aucun exemple d’architecture moderne. Il se contente de citer les descriptions que donne Giedion du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille, en faisant référence aux photographies qui illustrent son livre (fig. 38a-b)36. Dans une note de la liasse N, il rapporte ainsi ce jugement de l’historien de l’art : « C’est […] entre les poutres métalliques d’un “pont transbordeur” qu’on découvre l’expérience esthétique fondamentale de l’architecture d’aujourd’hui37. » S’y trouvent anticipés les principes d’une transition fluide entre les espaces, en particulier entre le dedans et le dehors, telle qu’elle sera réalisée une dizaine d’années plus tard dans les immeubles en verre et en acier, avec leurs plans ouverts et leurs grandes façades vitrées. Benjamin fait une brève allusion à l’architecture de verre tout à la fin du premier chapitre de son exposé38.

Fig. 38a Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 63, avec deux photographies prises par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]

Fig. 38a Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 63, avec deux photographies prises par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]

Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078

Fig. 38b Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 64, avec une photographie prise par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]

Fig. 38b Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 64, avec une photographie prise par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]

Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078

La compénétration de l’ancien et du nouveau

  • 39 Dans la liasse N « Réflexions théoriques sur la connaissance », Benjamin écrit : « Pour l’historien (...)
  • 40 Ainsi qualifie-t-il les décorations d’« encroûtements académiques » (ibid., p. 16).
  • 41 Benjamin formule ainsi la différence de leurs approches : « Tentative pour radicaliser la thèse de (...)

26Après cet exposé de l’évolution historique, il faut revenir à la thèse centrale de Giedion : la construction comme subconscient de l’architecture du xixe siècle. Son analyse permet de mieux comprendre le choix d’images opéré ici. Benjamin partageait l’opinion de Giedion, comme il adhérait à son idée de considérer le développement de l’architecture moderne en jetant un œil rétrospectif sur le passé, pour en établir la « préhistoire »39. Une différence cruciale les sépare pourtant : alors que Giedion estime que l’ornement est un fardeau historique dont il faut se défaire40, le regard de Benjamin se porte au contraire, dans plusieurs des images qu’il choisit, sur la décoration41 – par exemple, celle du passage Véro-Dodat ou celle du grand hall du magasin « À la ville de Saint-Denis ».

  • 42 [C 1, 1] GS V, p. 133 ; Passages, p. 71.

27Dans une autre note, il s’intéresse directement aux éléments décoratifs dont s’orne l’entrée de la galerie Vivienne, sans même mentionner le plafond de verre qui la couronne : « Passage Vivienne, des sculptures, sur le portail, représentent des allégories du Commerce42. » Une statue d’Hermès ou de Mercure, le dieu antique du commerce, trône au-dessus du porche (fig. 39), flanquée des deux emblèmes symboliques de la balance et de la poignée de main, donnant aux visiteurs l’assurance que c’est dans l’équité et la bonne entente que les affaires se concluent en ces lieux. Le langage visuel déployé sur la façade extérieure du passage établit un lien direct entre cette construction moderne dédiée au commerce et une iconographie classique. L’ornementation rattache le nouveau aux formes anciennes, en même temps qu’elle le valorise par le recours à la mythologie. Au début de la seconde section de son exposé, Benjamin souligne, de façon générale et théorique, que cette combinaison de formes anciennes et nouvelles est un trait caractéristique de la phase de transition vers la modernité :

  • 43 GS V, p. 46-47 ; Passages, p. 36.

« À la forme du nouveau moyen de production qui est encore au début dominée par celle de l’ancien (Marx) correspondent dans la conscience collective des images où le nouveau et l’ancien se compénètrent. Ces images sont des images de souhait <Wunschbilder> et en elles le collectif cherche tout ensemble à supprimer et à transfigurer l’inachèvement du produit social aussi bien que les carences de l’ordre social de production43. »

Fig. 39 Entrée de la galerie Vivienne, côté rue Vivienne, construite en 1824-1826 par François Jacques Delannoy, photographie de 2021 → [C 1, 1] et <E°, 21>

Fig. 39 Entrée de la galerie Vivienne, côté rue Vivienne, construite en 1824-1826 par François Jacques Delannoy, photographie de 2021 → [C 1, 1] et <E°, 21>

Crédit/Source : Markus Castor

  • 44 Benjamin cite intégralement cette idée de Marx dans une note de la liasse F « Construction en fer » (...)
  • 45 Voir Schöttker, Konstruktiver Fragmentarismus, 1999, p. 205-206.

28La formulation de Benjamin, qui repose sur une idée exprimée par Marx dans son Capital44, est à double fond : il y a un premier plan, où il observe que les formes anciennes et nouvelles « se compénètrent », et un second plan interprétatif, où il estime que ce recours à des formes anciennes procède à une « transfiguration » du présent. Benjamin passe ainsi du registre des phénomènes matériels à celui des représentations mentales ; il voit donc dans les ouvrages architecturaux, et dans d’autres aspects de la réalité concrète, l’expression de certaines images intérieures. On a beaucoup débattu de la façon dont on peut se figurer exactement ce transfert45. Pour ce qui nous regarde ici, il importe de signaler que Benjamin a examiné cette « compénétration » de l’ancien et du nouveau en s’appuyant sur une autre image trouvée au Cabinet des estampes (fig. 40). Voici en effet ce qu’il écrit à propos d’une illustration découpée dans un magazine :

  • 46 [F 5a, 5] GS V, p. 225 ; Passages, p. 184.

« Légende d’une gravure sur bois représentant un catafalque dressé gare du Nord : “Derniers honneurs rendus à Meyerbeer à Paris dans la gare du chemin de fer du Nord46.” »

Fig. 40 Auguste-Victor Deroy (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Derniers honneurs rendus à Meyerbeer à Paris, dans la gare du chemin de fer du Nord, 1864, gravure sur bois, 16,3 × 23 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 37e quartier : gare du Nord », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-288 (5)-Fol., H 72104 ; la page du recueil réunit deux autres gravures sur ce même sujet, mais seule celle que nous reproduisons ici correspond par sa légende à la note de Benjamin. → [F 5a, 5]

Fig. 40 Auguste-Victor Deroy (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Derniers honneurs rendus à Meyerbeer à Paris, dans la gare du chemin de fer du Nord, 1864, gravure sur bois, 16,3 × 23 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 37e quartier : gare du Nord », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-288 (5)-Fol., H 72104 ; la page du recueil réunit deux autres gravures sur ce même sujet, mais seule celle que nous reproduisons ici correspond par sa légende à la note de Benjamin. → [F 5a, 5]

Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-288 (5)-FOL, H 72104, https://images.bnf.fr/​#/​detail/​850293/​1

  • 47 Après avoir été nommé en 1842 directeur général de la musique de l’Opéra de Prusse à Berlin, Meyerb (...)

29À la suite de ses premiers triomphes sur la scène de l’Opéra de Paris en 1825, Giacomo Meyerbeer (de son vrai nom Jakob Liebmann Meyer Beer, 1791-1864) devient l’un des compositeurs les plus fêtés de son temps en France et en Allemagne47. Décédé à Paris le 2 juin 1864, il sera ramené outre-Rhin pour être inhumé au cimetière juif de Berlin. C’est avant ce transfert que le public parisien lui rendit un dernier hommage, lors d’une cérémonie grandiose organisée à la gare du Nord.

  • 48 La gare du Nord a été construite de 1861 à 1864 sur les plans de l’architecte Jacques Ignace Hittor (...)
  • 49 Benjamin a en outre mentionné, en lien avec le chemin de fer, un second ensemble de motifs que l’on (...)

30Le catafalque est dressé au milieu d’une grande halle dont on aperçoit les structures portantes laissées à nu, tandis que les parois s’ornent de somptueux rideaux s’ouvrant à l’italienne48. La juxtaposition de l’ancien et du nouveau s’affiche dans le contraste entre le caractère fonctionnel de la toiture et le luxe ornemental dont se revêtent le catafalque et l’espace entier, mais elle se donne aussi plus généralement à voir dans la cérémonie d’adieu : le « dernier voyage » de Meyerbeer, son départ pour l’au-delà, est l’occasion d’une mise en scène « opératique », tandis qu’ensuite on fera concrètement monter sa dépouille dans un train pour un ultime trajet jusqu’à Berlin. De gros nuages de fumée s’élèvent des vasques qui coiffent les colonnes décoratives disposées autour de l’estrade, en évoquant les offrandes d’encens ou en symbolisant l’âme du défunt. Lorsque le convoi funéraire prendra tout à l’heure le départ, de la fumée s’élèvera pareillement de la cheminée de la locomotive, mais ce ne sera alors que le simple produit physique d’une machine à combustion. Si Benjamin a retenu cette image, on peut supposer que c’est parce qu’elle lui permettait de montrer que la combinaison de la technique et du mythe n’avait rien de contradictoire pour les contemporains de Meyerbeer, qu’elle était même un trait caractéristique de leur époque49.

Une caricature des utopies de Fourier

  • 50 Sur Benjamin et Fourier, voir Wolfgang Asholt, « Benjamin und Fourier », in Garber et Rehm (dir.), (...)
  • 51 Voir Jonathan Beecher, Charles Fourier. The Visionary and His World, Berkeley, 1986.
  • 52 Fourier part de l’hypothèse de la diversité des caractères parmi les hommes, chaque individu ayant (...)
  • 53 GS V, p. 47 ; Passages, p. 37. Alors que les passages étaient pourtant des lieux publics, Fourier y (...)

31Dans le premier chapitre de son exposé, Benjamin conjugue deux thèmes : l’architecture des passages et les écrits de Charles Fourier50. De même que les passages comptent parmi les premières constructions en fer, les réflexions de Fourier se placent aux origines de la théorie du socialisme. Fourier a rédigé l’essentiel de ses écrits dans les années 1820, soit à l’époque où l’on a également construit la plupart des passages parisiens. Sa critique a pour point de départ l’industrialisation et son impact sur la société, en conséquence des contraintes économiques et morales qu’elle impose. Fourier réclamait au contraire que la vie de la communauté fût organisée de manière à satisfaire les besoins de l’être humain – et cela sur tous les plans, depuis le travail jusqu’aux désirs sexuels51. Partant de l’hypothèse que les passions humaines sont, par nature, réparties de façon parfaitement équilibrée, il pensait qu’il suffisait d’une bonne organisation pour y parvenir52. Sa communauté idéale, imagine-t-il ainsi, serait logée dans des « phalanstères » qui devraient regrouper organiquement tous les éléments nécessaires à une vie harmonieuse. Benjamin note à ce propos dans son exposé : « Fourier a vu dans les passages le paradigme architectural du “phalanstère”53. »

  • 54 [W 1a] GS V, p. 765-766 ; Passages, p. 636.
  • 55 Voir Beecher, Charles Fourier, 1986, p. 266-267 (« Note on Considerant’s “Fourierist Tail” »).

32Fourier a poussé sa critique sociale jusqu’à concevoir des utopies qu’il projette dans un avenir lointain. Il suppose que l’harmonie parfaite entre les hommes y libérera une telle énergie que la nature elle-même se transformera pour s’accorder pleinement à leurs besoins. Il affirme ainsi, note Benjamin, que les hommes atteindront au moins l’âge de cent quarante-quatre ans « dès que la mer se sera changée en limonade54 ». Signe de leur perfection, les hommes du futur seront en outre dotés d’un « archibras » – une queue se terminant par une troisième main. Fourier a certes veillé à ne jamais faire imprimer de telles élucubrations et ses disciples ont pris soin, à une date aussi tardive que 1848, de barrer ces passages dans ses manuscrits avant de les publier, pour ne pas exposer ses opinions politiques au ridicule55. Ces théories furent cependant colportées de bouche à oreille à partir du début des années 1840, et la caricature ne tarda pas à s’en emparer. Benjamin en a retenu un exemple, qui a été publié plus d’une décennie après la mort de Fourier et qui témoigne donc de la réception de ses idées (fig. 41). La note de la liasse W « Fourier » indique :

  • 56 [W 8a, 5] GS V, p. 781 ; Passages, p. 649.

« Des dessins d’inspiration érotique d’Émy dans Le Rire, en 1849, ont caricaturé les hommes à queue de Fourier. Pour expliquer les extravagances de Fourier, on doit évoquer Mickey Mouse, par qui s’est accomplie, tout à fait dans l’esprit des conceptions du premier, la mobilisation morale de la nature. Avec Mickey, l’humour met la politique à l’épreuve. Il montre combien Marx avait raison de voir chez Fourier surtout un grand humoriste. La rupture de la téléologie naturelle s’effectue selon le plan de l’humour56. »

Fig. 41 Eduard Fuchs, Die Karikatur der europäischen Völker [1901], 4e édition augmentée, Munich, 1921, t. II, p. 478-479, avec deux caricatures d’Henry Émy, tirées de la série « L’humanité perfectionnée, suivant le système de feu Fourier », parue dans Le Journal pour rire, no 40, novembre 1848 ; Benjamin reprend dans sa note la date erronée de 1849 donnée par Fuchs dans ses deux légendes. → [W 8a, 5]

Fig. 41 Eduard Fuchs, Die Karikatur der europäischen Völker [1901], 4e édition augmentée, Munich, 1921, t. II, p. 478-479, avec deux caricatures d’Henry Émy, tirées de la série « L’humanité perfectionnée, suivant le système de feu Fourier », parue dans Le Journal pour rire, no 40, novembre 1848 ; Benjamin reprend dans sa note la date erronée de 1849 donnée par Fuchs dans ses deux légendes. → [W 8a, 5]

Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, Tf-15 (C)-4 no 504 et 505, https://catalogue.bnf.fr/​ark:/12148/​cb403622217

  • 57 Beecher, Charles Fourier, 1986, p. 266-267 (« Note on Considerant’s “Fourierist Tail” ») : « The ey (...)
  • 58 Tel est du moins le commentaire de Fuchs sur ces deux dessins : « Les êtres jouissent ainsi d’un do (...)

33L’œil qui remplace la main au bout de la queue était une invention des caricaturistes ; elle devint rapidement populaire57. Les deux dessins d’Émy illustrent les avantages et les inconvénients de cet appendice pour la vie amoureuse : d’un côté, il permet aux amants de se contempler encore plus langoureusement ; de l’autre, il n’est plus d’infidélités qui ne puissent être ainsi découvertes derrière portes closes58. L’élément qui était chez Fourier la marque de la perfection est employé ici pour figurer des vices bien trop humains, et l’on fait une chute vertigineuse depuis les hauteurs d’une doctrine philosophique idéale jusqu’aux tréfonds d’une « réalité » plus scabreuse. Mais, pour Benjamin, la caricature est avant tout un point de départ : il s’en sert pour développer de nouvelles réflexions sur les affinités entre le dessin animé moderne et l’utopie de Fourier.

  • 59 Burkhardt Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin. Benjamins Utopie der Massenkunst », in Schöt (...)
  • 60 GS II, p. 218 ; Œuvres II, p. 364-372, ici p. 372.
  • 61 Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin », p. 150.
  • 62 GS I, p. 462 ; Œuvres III, p. 104.
  • 63 Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin », p. 151-155 (le chapitre « Massenkunst als Impfung »)

34Les courts métrages de Disney ont été projetés à partir de 1928 en avant-programme dans les salles de cinéma. Benjamin s’est immédiatement intéressé à ces films et a intégré la figure de Mickey Mouse à son essai sur l’œuvre d’art59. Dans « Expérience et pauvreté » (1933), il écrivait déjà à propos de ces œuvres : « La nature et la technique […] se confondent ici parfaitement60. » Dès Steamboat Willie, le premier court métrage où le personnage de Mickey entre en scène, les limites entre les deux domaines se brouillent. Dans la scène d’ouverture, les cheminées du bateau à vapeur sifflent comme des oiseaux ; on voit ensuite une chèvre se métamorphoser en orgue de Barbarie61. Dans « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » aussi, Benjamin examine le rapport entre nature et technique dans les films d’animation de Disney, qui traitent selon lui des « dangereuses tensions » causées par la mécanisation croissante et ses conséquences : nature et technique y échangent souvent leurs rôles de manière comique et c’est par l’humour, opérant comme une soupape, que les angoisses de la vie moderne sont ainsi évacuées dans « le rire collectif »62. L’humour de Mickey Mouse contribue donc à la « vaccination psychique63 » de la société moderne.

  • 64 GS I, p. 347 ; Origine du drame baroque allemand, p. 136-139.

35Ces réflexions, Benjamin entendait les appliquer à Fourier. À la fin de sa note, le terme de « téléologie naturelle » soulève la question de l’intentionnalité de la nature, dont il avait déjà traité dans son livre sur l’Origine du drame baroque allemand64. Ici, les caricatures d’Émy ne sont pas à proprement parler un objet d’étude ; elles servent simplement de point d’appui à la réflexion. L’association que Benjamin établit entre Fourier et Disney a sans doute été enclenchée par la queue, qui abolit la séparation entre l’homme et l’animal, par le dynamisme et l’humour des caricatures, en particulier celle qui évoque l’infidélité conjugale.

  • 65 [W 1a] GS V, p. 765 ; Passages, p. 636.

36En partant d’une analyse sociologique de la première industrialisation, Fourier a élaboré une utopie dans laquelle la réalité se trouve de plus en plus fortement reléguée à l’arrière-plan, au profit d’un monde imaginaire idéalisé. Telle est la base de la satire d’Émy. Benjamin fait observer dans une autre note que la façon dont Fourier est arrivé à ces utopies est « mathématiquement calculée65 ». Dans son exposé, il écrit par ailleurs :

  • 66 GS V, p. 47 ; Passages, p. 36-37.

« L’organisation extrêmement compliquée du phalanstère apparaît comme une machinerie. […] Cette machinerie faite d’hommes produit le pays de Cocagne, le très ancien symbole des désirs réalisés, auquel l’utopie de Fourier a donné une nouvelle vie66. »

  • 67 Sur les théories politiques dans les Passages, voir surtout Martin Blobel, Kosmos und Kosmopolis, v (...)

37De même qu’il a voulu étudier l’architecture moderne de son temps en se tournant vers le passé, de même est-ce en partant des théories marxistes avancées de son époque que Benjamin a vu en Fourier un précurseur de la doctrine socialiste67.

***

38Architecture des passages ou théories de Fourier, le premier chapitre de l’exposé fait clairement apparaître le point à partir duquel Benjamin va poursuivre son étude : il entend considérer les développements du xixe siècle comme une « préhistoire » de son propre temps. Dans la liasse N « Réflexions théoriques sur la connaissance », il note :

  • 68 [N 9a, 8] GS V, p. 593 ; Passages, p. 492.

« Pour l’historien matérialiste, l’époque dont il traite, quelle qu’elle soit, n’est que l’histoire antérieure de celle qui l’intéresse lui-même68. »

39Cela étant, Benjamin ne porte pas seulement attention, comme Giedion, aux éléments qui peuvent ramener à l’époque présente ; il s’agit plutôt de se pencher, dans le sens d’une analyse du xixe siècle, sur les aspects susceptibles d’exprimer les idées attachées aux débuts de l’industrialisation.

Endnotes

1 GS V, p. 45 ; Passages, p. 35.

2 Ibid.

3 Sur le passage Véro-Dodat, voir Johann Friedrich Geist, Passagen. Ein Bautyp des 19. Jahrhunderts, Munich, 1969, p. 278-279.

4 À propos de la perception, par les gens de l’époque, de la splendeur du passage Véro-Dodat, Benjamin relève ce jugement de 1835 : « Ce passage était “un beau morceau de l’art pris entre deux quartiers”. » [A 1a, 3] GS V, p. 89 ; Passages, p. 67.

5 [A 7, 1] GS V, p. 98 ; Passages, p. 77-78.

6 « Le premier éclairage au gaz : en 1817, au passage des Panoramas » ([T 3a, 4] GS V, p. 705 ; Passages, p. 584). Sur l’invention de l’éclairage au gaz, voir aussi Wolfgang Schivelbusch, Lichtblicke. Zur Geschichte der künstlichen Helligkeit im 19. Jahrhundert, Munich, 1983, p. 22-53 (le chapitre « Gaslicht »).

7 GS V, p. 1060-1061 ; Passages, p. 882.

8 GS I, p. 552 ; Baudelaire, p. 745.

9 « Les contemporains ne se lassent pas de les admirer », note-t-il encore dans son exposé.

10 Les fines colonnes métalliques dans les grandes vitrines n’ont pas de fonction portante. Au-dessus de la vitrine court en revanche une poutrelle d’acier qui prend appui sur les pilastres séparant les boutiques.

11 La construction apparaît plus clairement sur une seconde gravure collée sur cette même page du recueil, en dessous du texte. Elle complète la vue en élévation de la rangée de boutiques par un plan qui montre que les éléments de la structure portante sont tous disposés derrière les miroirs.

12 GS V, p. 46 ; Passages, p. 35-36.

13 Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Berlin, sans date [1928] (trad. française Construire en France. Construire en fer. Construire en béton, Paris, 2000). Sur la réception benjaminienne de Giedion, voir Heinz Brüggemann, « Walter Benjamin und Sigfried Giedion oder die Wege der Modernität », in Klaus Garber et Ludger Rehm (dir.), Global Benjamin. Internationaler Walter-Benjamin-Kongreß 1992, 3 vol., vol. 2, Munich, 1992, p. 717-744 ; Irving Wohlfarth, « Construction has the Role of the Subconscious: Phantasmagorias of the Master Builder (with Constant Reference to Giedion, Weber, Nietzsche, Ibsen, and Benjamin) », in id. et Alexandre Kostka (dir.), Nietzsche and « An Architecture of Our Minds », Los Angeles, 1999, p. 141-198 ; Philipp Ekardt, « Passage als Modell. Zu Walter Benjamins Architekturtheorie », Poetica. Zeitschrift für Sprach- und Literaturwissenschaft, vol. 37, 2005, no 3-4, p. 429-462 ; Beat Wyss, « Mit dem Fortschritt träumen – oder aufwachen? Giedion versus Benjamin », in id., Die Wiederkehr des Neuen, Hambourg, 2007, p. 81-89 ; Detlev Schöttker, « Raumerfahrung und Geschichtserkenntnis. Die “Architektur der Gesellschaft” aus Sicht der historisch-soziologischen Wahrnehmungstheorie: Giedion, Benjamin, Kracauer », in Joachim Fischer et Heike Delitz (dir.), Die Architektur der Gesellschaft. Theorien für eine Architektursoziologie, Bielefeld, 2009, p. 137-162.

14 Giedion, Construire en France, 2000, p. 3.

15 Pour Giedion, le pas décisif s’accomplit avec l’invention de la poutrelle métallique cintrée, employée pour la première fois lors de l’Exposition universelle de 1889. Elle remplace l’ancien principe de construction avec poutre et colonne par un élément unique. « La séparation de la charge et du support […] est abolie. L’ossature métallique a trouvé sa forme. […] La construction se fait expression. La construction devient mise en forme » (ibid., p. 58). À ce sujet, voir en outre Sokratis Gorgiadis, Sigfried Giedion. Eine intellektuelle Biographie, Zurich, 1989, p. 57.

16 Voir à ce sujet Bernard Marrey, Les Grands Magasins. Des origines à 1939, Paris, 1970 ; Geoffrey Crossick et Serge Jaumain (dir.), Cathedrals of Consumption. The European Department Store, 1850-1939, Aldershot, 1999.

17 Sur les « magasins de nouveautés », voir Piedade da Silveira, Des magasins de nouveautés aux grands magasins. Le magasin de nouveautés « À la ville de Paris », Fontenay-sous-Bois, 1994.

18 [A 1, 3] GS V, p. 84 ; Passages, p. 66. Voir aussi Geist, Passagen, 1969, p. 81.

19 [A 3, 9] GS V, p. 91 ; Passages, p. 72.

20 Voir Josef Kurz, Die technische Entwicklung der Dampfwäscherei. Eine Chronik der gewerblichen Wäscherei und Textilen Mietdienste, Heidelberg, 2007, p. 23 et suiv.

21 [A 7, 4] GS V, p. 98 ; Passages, p. 78.

22 GS V, p. 45 ; Passages, p. 35.

23 [U 11, 3] GS V, p. 729 ; Passages, p. 605. Le Grand Café parisien était le plus grand établissement de l’époque du Second Empire. Voir à ce sujet Alfred Delvau, Les Plaisirs de Paris. Guide pratique et illustré, Paris, 1867, p. 82.

24 Ces grandes dimensions sont sans fonction pratique. Elles ne font qu’administrer la démonstration des prouesses techniques dont le monde moderne industrialisé est désormais capable, en faisant en particulier étalage de la prospérité acquise par la bourgeoisie. Benjamin a intégré cette lithographie à la liasse U « Saint-Simon ». Saint-Simon a développé son socialisme utopique en l’associant à un culte quasi religieux de sa personne. De même, ce mélange entre le progrès industriel et les formes héritées de la religion à travers lesquelles il s’exprime a peut-être été déterminant pour le choix de cette note iconographique.

25 [F 4, 5] GS V, p. 222 ; Passages, p. 181.

26 Le grand magasin « À la ville de Saint-Denis » dérive lui aussi d’une maison de nouveautés fondée en 1847 et agrandie plusieurs fois par la suite.

27 [A 7, 5] GS V, p. 98 ; Passages, p. 78.

28 Voir Mohamed Scharabi, Der Bazar. Das traditionelle Stadtzentrum im Nahen Osten und seine Handelseinrichtungen, Tübingen, 1985. Voir aussi Geist, Passagen, 1969, p. 40 et suiv.

29 Voir [J 40, 8] GS V, p. 381 ; Passages, p. 315. Sur l’orientalisme à cette époque, voir John M. MacKenzie, Orientalism. History, Theory and the Arts, Manchester, 1995 ; Christine Peltre, Orientalisme, Paris, 2004.

30 [A 3, 6] GS V, p. 91 ; Passages, p. 71.

31 Giedion, Construire en France, 2000, p. 33.

32 Voir Julien Bastoen, « Le commerce mis en scène », in Béatrice de Andia et Caroline François (dir.), Les Cathédrales du commerce parisien. Grands magasins et enseignes, Paris, 2006, p. 97-108. Bastoen examine d’ailleurs ce que Benjamin dit des grands magasins.

33 Le « principe » cité par Giedion et Benjamin est tiré d’un article de 1925 sur la reconstruction du Printemps, après l’incendie du 28 septembre 1921 : Jacques Michaut [?], « Évolution des grands magasins de nouveautés », Science et Industrie, no 143, 1925, p. 6-28, ici p. 6-7. En introduction, l’auteur revient sur l’architecture de Paul Sédille.

34 Fondée en 1899, cette publication a paru jusqu’en 1985. Elle avait pour titre complet L’Information financière, économique et politique.

35 [S 5, 4] GS V, p. 686 ; Passages, p. 569.

36 Les photographies du pont transbordeur reproduites chez Giedion ont été prises par l’auteur lui-même. Benjamin renvoie aux illustrations 61 à 63 du livre. L’image 61 a été réalisée au moment de l’embarquement ; elle montre la rive opposée, à travers la structure métallique de l’un des pylônes du pont. On distingue clairement l’entrecroisement des poutrelles d’acier qui assurent la légèreté et la stabilité de l’ensemble. La photographie 62 est prise depuis le tablier du pont, à une hauteur de 51 mètres ; elle donne à voir la nacelle suspendue au ras des flots et les piliers prenant appui sur les fondations en béton qui s’enfoncent dans le bassin du port. L’illustration 63 est prise à l’extrémité du tablier supérieur, en direction de la ville. Elle montre un grand bâtiment sur la façade duquel la structure métallique du pylône projette son ombre, avec les rampes obliques des escaliers.

37 [N 1a, 1] GS V, p. 572 ; Passages, p. 475.

38 GS V, p. 46 ; Passages, p. 36 : « En même temps, le champ d’application du verre dans l’architecture s’élargit. Mais les conditions sociales requises pour qu’il soit employé à une plus large échelle ne se réaliseront qu’un siècle plus tard. » L’ossature métallique que font voir les photographies du pont transbordeur, Benjamin l’a également considérée comme métaphore de la théorie du montage littéraire. Voir à ce sujet Schöttker, Konstruktiver Fragmentarismus, 1999, p. 215-216.

39 Dans la liasse N « Réflexions théoriques sur la connaissance », Benjamin écrit : « Pour l’historien matérialiste, l’époque dont il traite, quelle qu’elle soit, n’est que l’histoire antérieure de celle qui l’intéresse lui-même » ([N 9a, 8] GS V, p. 593 ; Passages, p. 492). Dans Construire en France, Giedion indique : « La tâche de l’historien est aujourd’hui de s’appliquer à démêler l’énorme complexité du passé, il doit en faire surgir les éléments qui permettront au futur de prendre son essor » (p. 1). La tâche qu’il assigne à l’architecture de son temps, c’est de construire des habitations en fer et en béton (ibid., p. 2), et, pour l’avenir, il projette des constructions mobiles (ibid., p. 83).

40 Ainsi qualifie-t-il les décorations d’« encroûtements académiques » (ibid., p. 16).

41 Benjamin formule ainsi la différence de leurs approches : « Tentative pour radicaliser la thèse de Giedion. Celui-ci dit que “la construction joue au xixe siècle le rôle de l’inconscient”. Ne serait-il pas plus exact de dire qu’elle joue le rôle du processus corporel autour duquel les architectures “artistiques” viennent se poser comme des rêves autour de l’armature du processus physiologique ? » ([K 1a, 7] GS V, p. 494 ; Passages, p. 408). À ce sujet, voir en particulier Zumbusch, Wissenschaft in Bildern, 2004, p. 200-201.

42 [C 1, 1] GS V, p. 133 ; Passages, p. 71.

43 GS V, p. 46-47 ; Passages, p. 36.

44 Benjamin cite intégralement cette idée de Marx dans une note de la liasse F « Construction en fer » ([F 2a, 5] GS V, p. 217 ; Passages, p. 177). Sur la manière dont Benjamin pousse plus loin la critique économique qui s’énonce dans les propos de Marx, voir Ansgar Hillach, « Dialektisches Bild », in Opitz et Wizisla (dir.), Benjamins Begriffe, 2000, p. 186-229, ici p. 200-201.

45 Voir Schöttker, Konstruktiver Fragmentarismus, 1999, p. 205-206.

46 [F 5a, 5] GS V, p. 225 ; Passages, p. 184.

47 Après avoir été nommé en 1842 directeur général de la musique de l’Opéra de Prusse à Berlin, Meyerbeer a poursuivi sa carrière en travaillant en alternance dans les deux capitales.

48 La gare du Nord a été construite de 1861 à 1864 sur les plans de l’architecte Jacques Ignace Hittorff. La halle que l’on aperçoit sur la gravure semble plutôt être un édifice provisoire, spécialement bâti à l’occasion de cette cérémonie. Si l’on en juge d’après l’image, les piliers et la charpente du toit sont en bois ; les seuls éléments métalliques sont les minces poutrelles disposées entre les piliers médians et les murs, pour assurer la résistance de l’ouvrage aux pressions latérales. Le catafalque est composé d’un socle monumental, derrière la porte duquel était exposé le cercueil du compositeur. Au-dessus du socle, une pyramide s’élevant en gradins supporte un second cercueil symbolique vide, enveloppé de riches draperies. Le feston d’étoffe qui court sous le plafond tout autour de la salle s’orne de médaillons où s’inscrivent les titres des opéras de Meyerbeer, par exemple Le Pardon de Ploërmel (1859) en haut à gauche de l’image. Sur les autres gravures, ces médaillons se parent uniquement de l’initiale M.

49 Benjamin a en outre mentionné, en lien avec le chemin de fer, un second ensemble de motifs que l’on trouve dans des gravures de l’époque. Dans une note qui précède immédiatement celle sur Meyerbeer, il indique : « On voit sur les gravures de l’époque des chevaux caracoler dans les cours des gares et des diligences arriver dans des nuages de poussière » ([F 5a, 4] GS V, p. 225 ; Passages, p. 184). Il nous a été impossible d’identifier clairement les planches dont il parle. De sa description, on peut cependant tirer des réflexions analogues à celles inspirées par les vapeurs religieuses de l’encens et la fumée profane des locomotives : les chevaux caracolant devant les gares pourraient symboliser la disparition des moyens de transport traditionnels remplacés par la technique des machines, ceux qui arrivent en coche continuant ensuite leur voyage en chemin de fer. De même, les nuages de poussière soulevés par la force musculaire des chevaux contrastent avec la fumée produite par les locomotives à vapeur. Un même motif – les nuages qui s’élèvent en tourbillonnant – rendrait donc visible le remplacement d’un moyen de transport par un autre.

50 Sur Benjamin et Fourier, voir Wolfgang Asholt, « Benjamin und Fourier », in Garber et Rehm (dir.), Global Benjamin, 1992, vol. 2, p. 1032-1044 ; Lieven de Cauter, « “Fourier oder die Passagen”. The Arcade as Heterotopia », in Bernd Witte (dir.), Topographien der Erinnerung. Zu Walter Benjamins Passagen, Würzburg, 2008, p. 294-303.

51 Voir Jonathan Beecher, Charles Fourier. The Visionary and His World, Berkeley, 1986.

52 Fourier part de l’hypothèse de la diversité des caractères parmi les hommes, chaque individu ayant une préférence pour tel type de travail plutôt que pour tel autre. Il préconise en outre un changement constant des tâches : si l’on a récolté du miel pendant deux heures, on passera ensuite deux heures à établir des factures, etc. Du fait de ces activités librement choisies et variées, tous les travaux seront accomplis en suivant uniquement la règle de son bon plaisir.

53 GS V, p. 47 ; Passages, p. 37. Alors que les passages étaient pourtant des lieux publics, Fourier y voit selon Benjamin le modèle pour des espaces d’habitation privés, de sorte qu’il en méconnaît le caractère spécifique ; voir de Cauter, « “Fourier oder die Passagen” », 2008.

54 [W 1a] GS V, p. 765-766 ; Passages, p. 636.

55 Voir Beecher, Charles Fourier, 1986, p. 266-267 (« Note on Considerant’s “Fourierist Tail” »).

56 [W 8a, 5] GS V, p. 781 ; Passages, p. 649.

57 Beecher, Charles Fourier, 1986, p. 266-267 (« Note on Considerant’s “Fourierist Tail” ») : « The eye was the cartoonists’ invention – not Fourier’s and certainly not Considerant’s – but it became a permanent feature of Considerant’s tail. » Publiée dans Le Charivari du 22 février 1849, dans la série « Les représentants représentés », la caricature de Daumier montrant Victor Considerant doté d’une queue terminée par un œil devint particulièrement célèbre.

58 Tel est du moins le commentaire de Fuchs sur ces deux dessins : « Les êtres jouissent ainsi d’un double bonheur, car ce sont six yeux qui se plongent les uns dans les autres quand deux personnes s’aiment […], mais les soucis aussi s’additionnent. La voici dans son boudoir secret, qui va s’abandonner aux sollicitations pressantes de son amant, mais soudain quelque chose jaillit par le trou de la serrure et les fixe tous deux d’un air terrible. “Oh, mon Dieu, nous sommes perdus ! s’écrie-t-elle, l’œil de mon mari !” » (Eduard Fuchs, Die Karikatur der europäischen Völker, 4e édition augmentée, 2 vol., Munich, 1921, vol. 2, p. 474).

59 Burkhardt Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin. Benjamins Utopie der Massenkunst », in Schöttker (dir.), Schrift. Bilder. Denken, 2004, p. 144-155.

60 GS II, p. 218 ; Œuvres II, p. 364-372, ici p. 372.

61 Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin », p. 150.

62 GS I, p. 462 ; Œuvres III, p. 104.

63 Lindner, « Mickey Mouse und Charlie Chaplin », p. 151-155 (le chapitre « Massenkunst als Impfung »).

64 GS I, p. 347 ; Origine du drame baroque allemand, p. 136-139.

65 [W 1a] GS V, p. 765 ; Passages, p. 636.

66 GS V, p. 47 ; Passages, p. 36-37.

67 Sur les théories politiques dans les Passages, voir surtout Martin Blobel, Kosmos und Kosmopolis, vol. 2 : Politik im Kairos. Kritische Revue der politischen Bewegungen im Paris des neunzehnten Jahrhunderts in Walter Benjamins mittlerem « Passagenwerk », Würzburg, 2000 ; sur Fourier, en particulier p. 161-176 (le chapitre « Charles Fouriers phalanstère als kathartische Mimesis der Urgeschichte »).

68 [N 9a, 8] GS V, p. 593 ; Passages, p. 492.

List of illustrations

Title Fig. 31a François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024722 → [A 7, 1]
Credits Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-230 (C)-FOL, A 024722, https://images.bnf.fr/​detail/​837137 ; voir ci-après la deuxième image de la page (A 024723), https://images.bnf.fr/​#/​detail/​811523/​3 ; pour la troisième image de la page, voir https://images.bnf.fr/​detail/​851031 ; pour l’ouvrage de François Thiollet, voir https://gallica.bnf.fr/​ark:/12148/​bpt6k5739173j/​f62.item
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Title Fig. 31b Commentaire de François Thiollet, façade de boutique dans le passage Véro-Dodat, 1837, gravure sur cuivre, 18,5 × 25 cm, dans id., Nouveau Recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, Paris, Bance aîné, 1837, pl. 21, dans le recueil « Topographie de Paris. 1er arrondissement, 2e quartier : rues Saint-Honoré (l’Oratoire) à Vauvilliers », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-230 (C)-Fol., A 024723 → [A 7, 1]
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Title Fig. 32 Pierre-François Godard le jeune, tract de réclame pour la maison Donnier, teinturerie de la Ville de Paris, passage Brady, 1844 [BdF, 9 novembre 1844], lithographie, 32,5 × 38 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 39e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-290 (2)-Fol., H 73261 → [A 7, 2]
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Title Fig. 33 Graveur inconnu, annonce pour une location rue d’Hauteville, 1856, lithographie coloriée à la main, 34,5 × 49 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (5)-Fol., H 72725 → [A 7, 4]
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Title Fig. 34 Étienne David, Nef du Grand Café parisien, 1856, lithographie, 42 × 49,5 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-Mat-75-Boîte Fol. → [U 11, 3]
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Title Fig. 35 Une page du recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 38e quartier : boulevard Saint-Denis, rue du Faubourg-Saint-Denis », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-289 (7)-Fol., H 72888 et H 72889 ; en haut : Auguste-Victor Deroy, La Ville de Saint-Denis – Nouveaux agrandissements : le hall, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans L’Illustration. Journal universel, no 1937, 10 avril 1880, p. 241 ; en bas : M. Scott (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Les nouveaux agrandissements des magasins de la Ville de Saint-Denis, 1880, gravure sur bois, 17 × 22 cm, parue dans Le Monde illustré, 10 avril 1880 (selon l’indication manuscrite sur l’exemplaire de la BnF) → [A 7, 5]
Credits Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-289 (7)-FOL, H 72888, https://images.bnf.fr/​detail/​927707 et H 72889, https://images.bnf.fr/​detail/​811510
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Title Fig. 36 Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 35 ; dans sa note, Benjamin fait référence à l’illustration du haut, une photographie (anonyme) montrant le grand hall du Printemps, construit par Paul Sédille entre 1881 et 1889 selon le principe « Accueillir la foule et la retenir en la séduisant », que Giedion traduit en allemand dans sa légende et dont il donne la source française en note de bas de page. → [A 3, 6]
Credits Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078
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Title Fig. 37 Immeuble du 124, rue Réaumur, ancien siège de la revue L’Information financière, économique et politique, puis du journal Le Parisien libéré, construit par Paul Chédanne en 1904, photographie vers 1950 → [S 5, 4]
Credits Crédit/Source : Le Parisien
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Title Fig. 38a Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 63, avec deux photographies prises par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]
Credits Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078
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Title Fig. 38b Sigfried Giedion, Bauen in Frankreich. Eisen. Eisenbeton, Leipzig/Berlin, 1928, p. 64, avec une photographie prise par l’auteur du pont transbordeur construit en 1905 à Marseille → [F 3, 5] et [N 1a, 1]
Credits Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, 4-V-11045, http://ark.bnf.fr/​ark:/12148/​cb321643078
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Title Fig. 39 Entrée de la galerie Vivienne, côté rue Vivienne, construite en 1824-1826 par François Jacques Delannoy, photographie de 2021 → [C 1, 1] et <E°, 21>
Credits Crédit/Source : Markus Castor
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Title Fig. 40 Auguste-Victor Deroy (dessinateur) et Édouard Coste (graveur), Derniers honneurs rendus à Meyerbeer à Paris, dans la gare du chemin de fer du Nord, 1864, gravure sur bois, 16,3 × 23 cm, dans le recueil « Topographie de Paris. 10e arrondissement, 37e quartier : gare du Nord », Paris, BnF, Cabinet des estampes, Va-288 (5)-Fol., H 72104 ; la page du recueil réunit deux autres gravures sur ce même sujet, mais seule celle que nous reproduisons ici correspond par sa légende à la note de Benjamin. → [F 5a, 5]
Credits Crédit/Source : images.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, VA-288 (5)-FOL, H 72104, https://images.bnf.fr/​#/​detail/​850293/​1
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Title Fig. 41 Eduard Fuchs, Die Karikatur der europäischen Völker [1901], 4e édition augmentée, Munich, 1921, t. II, p. 478-479, avec deux caricatures d’Henry Émy, tirées de la série « L’humanité perfectionnée, suivant le système de feu Fourier », parue dans Le Journal pour rire, no 40, novembre 1848 ; Benjamin reprend dans sa note la date erronée de 1849 donnée par Fuchs dans ses deux légendes. → [W 8a, 5]
Credits Crédit/Source : Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, Tf-15 (C)-4 no 504 et 505, https://catalogue.bnf.fr/​ark:/12148/​cb403622217
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