Une résidence de la noblesse gauloise
|Chapitre 11. L’aristocratie du second âge du Fer et ses résidences
Chapter 11. The aristocracy of the Second Iron Age and its residences
Résumé
Dans ce chapitre, le terme d’aristocratie désignera les deux classes d’hommes qui, selon César, comptent et sont considérées en Gaule : celles des druides et celle des chevaliers.
Le terme de noblesse sera réservé à la haute aristocratie, aux personnes ayant exercé des magistratures ou le commandement dans la cité. Les rares textes évoquant les demeures de tels personnages fournissent quelques indices susceptibles de les caractériser. L’étude a porté principalement sur les habitats ruraux fouillés en Gaule celtique et belgique. Ont été pris en compte les vestiges immobiliers d’une part, les vestiges mobiliers d’autre part. Les critères retenus pour le classement des vestiges immobiliers [fig. 323] sont la superficie enclose, la taille des clôtures, la monumentalité des portes et celle des bâtiments, la présence de dépendances artisanales ou d’édifices de stockage nombreux ou vastes, de plans élaborés ou de sépultures remarquables. Pour le mobilier, la variété des objets ou les objets inhabituels, les objets en métal précieux, les armes, les pièces de harnachement, les témoins du banquet, ceux de la pratique de la chasse, les objets d’artisanat de qualité, la statuaire, les objets de toilette, les instruments d’écriture et les jeux seront considérés comme des éléments remarquables, susceptibles de différencier un site aristocratique d’un habitat du commun.
Parmi les 546 habitats ruraux qui ont été décrits de façon normalisée et intégrés dans une base de données (Malrain, Blancquaert, Lorho 2013), rares sont ceux qui présentent de telles particularités pour la période comprise entre le vie et le ive s. av. J.-C. [fig. 324]. Ils se signalent principalement –et c’est le cas de Paule– par la taille inhabituelle des maisons et le grand nombre de leurs dépendances, notamment de celles qui sont dédiées au stockage.
En revanche, les dix-sept critères de classification décrits ci-avant ont permis d’identifier, parmi les centaines d’habitats ruraux occupés entre le iiie et le ier s. av. J.-C., 49 sites susceptibles d’avoir servi de résidence à des membres de l’aristocratie gauloise. Le seuil retenu pour leur sélection a été le respect d’au moins deux de ces critères, car c’est plus l’accumulation de signes que le respect d’un seul qui semble pertinent en définitive.
Trois groupes ont été définis. Le premier est celui des habitats d’une superficie inférieure à l’hectare et qui présentent de deux à cinq traits qui les distinguent du commun, notamment les armes. Il est proposé d’y voir les résidences de la petite aristocratie, encore assez semblables à des fermes pour les plus modestes [fig. 325] mais déjà plus remarquables pour les plus vastes, celles qui répondent à cinq critères d’excellence [fig. 326]. Le deuxième groupe est constitué d’habitats enclos dont la surface est comprise entre 1,1 et 4,6 ha et qui présentent de cinq à douze traits caractéristiques [fig. 327-328]. Des porches, parfois des tours portières et de grands bâtiments confirment la présence de l’aristocratie en ces lieux, tout comme la diversité ou la richesse des objets qu’ils recèlent. Dans le troisième groupe ont été placées des enceintes quadrangulaires dont les clôtures et les dispositifs d’accès sont d’une particulière monumentalité [fig. 329] –c’est dans ce groupe que s’inscrit le site de Paule. L’abondance des vestiges de banquets, notamment les amphores, la qualité architecturale des bâtiments et les fragments de sculptures ou autres objets remarquables qui y sont découverts montrent qu’il s’agit vraisemblablement des résidences de la noblesse gauloise, celles des personnages de la haute aristocratie [fig. 330]. Lorsque des décapages de grande ampleur sont engagés autour de ces enceintes, ils mettent au jour, comme à Paule, de vastes zones d’occupation comprenant des habitations, des greniers ou des entrepôts, des voies et des dépendances [fig. 332].
À l’évidence, les habitats ainsi révélés s’intègrent difficilement dans la classification traditionnelle, fondée sur la terminologie de César, qui repose sur la distinction entre ædificia, vici et oppida. Plutôt que de leur accoler le terme de castella, mieux vaudrait utiliser l’appellation de « résidences aristocratiques » ou, pour les plus remarquables, de « résidences de la noblesse gauloise ». L’existence de tels sites dans d’autres régions d’Europe occidentale, en Angleterre [fig. 333], en Allemagne ou en République tchèque, est envisageable.
In this chapter, the term aristocracy designates the two classes of men in Gallic society that Caesar considered to be high-ranking and important: the Druids and the Knights. The term “nobility” is reserved for the high-aristocracy, and those who performed judiciary duties or commanded the society. The rare texts addressing the residences of such people provide a few elements that shed light on their nature. This study mainly concerns the rural settlements excavated in Celtic and Belgian Gaul. Both built structures and portable artifacts were considered. The criteria used to classify the built structures [fig. 323] are the enclosed surface areas, the size of the enclosures, the monumentality of the doors and the buildings, the presence of artisanal annexes or numerous or large storage buildings, elaborate plans, and remarkable human graves. Among the portable artifacts, diverse or unusual objects, precious metal objects, weapons, tack pieces, banquet-related objects, hunting equipment, high-quality craft objects, statues, toiletries, writing instruments and toys are considered as remarkable elements that can differentiate an aristocratic site from a common settlement.
Texte intégral
11.1. Aristocratie et noblesse
1« Étymologiquement, l’aristocratie désigne le gouvernement des meilleurs. Chez certains peuples […], le pouvoir est dévolu, soit aux guerriers les plus forts, soit aux vieillards les plus expérimentés […]. Puis cette aristocratie naturelle et mobile du début s’est transformée en une aristocratie de naissance et héréditaire » (Augé 1948a). La noblesse est, par contre, une « classe d’hommes qui, par leur naissance ou une concession du souverain, jouissent de certains privilèges ou possèdent seulement des titres qui les distinguent des autres citoyens. Il faut donc distinguer entre l’aristocratie et la noblesse : celle-là est la classe prééminente dans l’État, tandis que celle-ci peut se définir comme une classe sociale à laquelle le droit reconnaît des privilèges se transmettant héréditairement par le seul fait de la naissance » (Augé 1948b).
2À n’en juger que par ces définitions, extraites du Larousse universel, seul le terme d’aristocratie semble donc à retenir ici, en l’absence de texte précisant un éventuel statut juridique de la noblesse gauloise. Ce serait pourtant aller à l’encontre des auteurs antiques qui, à commencer par César, mentionnent fréquemment la nobilitas comme une qualité attachée à un individu ou à un groupe de la société gauloise. Il semble donc utile de ne pas se s’en tenir à cette définition restrictive, inspirée par l’Ancien Régime, et de tenter de cerner ce que recouvrait le terme de « noblesse » dans l’Antiquité.
3Martin Aurell (1996 : 5), a posé une autre définition de la noblesse : « le latin nobilis, qui désigne le noble à l’époque romaine, vient du terme noscere, “connaître”. Le noble […] est l’homme connu, jouissant de renommée, de prestige et de réputation. Cette notoriété, il la doit, en majeure partie, à ses parents ». Cette reconnaissance sociale, fondée sur la mémoire du peuple romain, semble avoir donné naissance « à une reconnaissance juridique, marquant un statut personnel appliqué au consul, magistrat suprême siégeant à la tête du sénat, ou à l’un de ses descendants. La signification de ce terme s’élargit ensuite, pour englober la postérité de n’importe lequel des sénateurs » (Aurell 1996 : 5). À une date que la tradition historiographique situe au ive s. av. J.-C., la nobilitas est donc bien, à Rome, à la fois une distinction personnelle et un groupe réunissant les familles dont un membre a exercé le consulat. Cependant, « cette qualité est définie par l’usage, et non par le droit. Réunis en comices chaque année, les citoyens romains savent quels magistrats furent élus, et s’il s’agit de magistratures conférant la noblesse » (Badel 2005 : 16). Cette conception romaine, différente de la conception médiévale ou moderne, a le mérite d’être celle d’une société contemporaine et voisine de celle de la Gaule indépendante. Elle ne peut pour autant être admise sans précaution. Que nous disent les textes antiques de la noblesse gauloise ?
4Dans le Bellum Gallicum de César, les occurrences des termes nobilis et nobilitas abondent, et si le premier renvoie à la notion de qualité personnelle, le second semble bien traduire, comme dans la société romaine, l’appartenance à un groupe. On mentionnera, à titre d’exemple, ce bref passage : « Orgétorix était, chez les Helvètes, le premier par sa naissance et par ses richesses. Sous le consulat de M. Messala et de M. Pison, cet homme, poussé par l’ambition, conjura avec la noblesse » (BG, I, 2).
- 1 César, BG, VI, 13 : « Dans toute la Gaule, il n’y a que deux classes d’hommes qui soient comptées p (...)
- 2 BG, VI, 31 : « Omnem nobilitatem, omnem senatum, omnem equitatum. »
5Toutefois, comme le souligne Christophe Badel (2005 : 51), la nobilitas n’apparaît pas dans le fameux tableau de la société gauloise brossé par César au livre VI1. Pour lui, l’aristocratie se divise entre les druides et les equites. On pourrait donc penser que la noblesse s’identifie aux equites, aux « chevaliers gaulois ». Cependant, cette identification n’est pas sans poser certains problèmes. À plusieurs reprises en effet, César distingue les nobles des equites dans des énumérations. Dans sa présentation des pertes éduennes face aux germains, Diviciacos énumère ainsi « toute la noblesse, tout le sénat, toute la cavalerie2 ». C. Badel (2005 : 52) considère donc que « la nobilitas gauloise s’identifie à la mince classe des dirigeants, les principes, détenteurs des plus hautes magistratures ou commandements, le cas échéant candidats potentiels à la royauté » ; l’étroitesse du groupe ainsi défini expliquerait qu’il ne figure pas parmi les grandes « classes » de la société gauloise décrites par César.
6Le terme d’aristocratie sera donc employé ici pour désigner les deux classes élitaires mentionnées par César : celle des druides et celle des chevaliers. Le terme de noblesse sera réservé à la haute aristocratie, la classe qui se distingue par l’exercice de la magistrature ou du commandement dans la cité gauloise.
7Est-il possible d’identifier, parmi les milliers d’habitats gaulois connus en France et les centaines de sites fouillés, les résidences de ces aristocrates ? Et, parmi celles-ci, est-il possible de déterminer celles d’une noblesse gauloise ? En l’absence de texte ou d’inscription reliant clairement ces habitats à l’un ou l’autre de leurs propriétaires, le défi semble difficile. Comme pour les travaux effectués sur les sépultures (Lambot 2002 ; Metzler 2002), l’analyse devra prendre en compte les sites « hors du commun », présentant les signes d’une certaine richesse ou d’une certaine puissance, tout en gardant à l’esprit que richesse et puissance ne vont pas toujours de pair et que, de surcroît, ni l’une ni l’autre ne s’expriment nécessairement au travers de l’habitat.
11.2. Les sources testimoniales
- 3 Surnommé Dion Chrysostome.
- 4 L’Histoire de Posidonios d’Apamée (dit également Posidonios de Rhodes) nous est connue par les extr (...)
8Les auteurs antiques ont longtemps été notre seule source d’information sur l’aristocratie gauloise. La compilation récente de ces textes (Perrin, Decourt 2002), et leur relecture à la lumière des découvertes de l’archéologie, a permis de progresser dans la connaissance que nous en avons (Guichard, Perrin 2002). Un texte de Dion de Pruse3 (Discours aux Alexandrins, XXXII, 49, 8) mentionne, à propos des rois, qu’ils siégeaient sur des trônes d’or, habitaient de grandes demeures et banquetaient somptueusement. Posidonios d’Apamée décrit quant à lui, dans un texte célèbre (Athénée, Les deipnosophistes, IV, 36)4, l’un de ces banquets : « Les Celtes […] présentent les mets en étendant dessous une couche de foin ou sur des tables basses. […] Lorsqu’ils dînent en assez grand nombre, ils s’asseyent en cercle, le plus important au milieu, comme un chef de chœur, qu’il l’emporte sur les autres par son habileté guerrière, sa naissance ou sa richesse. L’hôte se met à côté de lui, puis de chaque côté les autres selon leur rang ; ceux qui portent leurs boucliers sont debout derrière eux, mais ceux qui portent leurs lances, assis en cercle en face, participent aux festins comme leurs maîtres. Les serviteurs font circuler la boisson dans des vases semblables aux ambiques, en argile ou en argent. En effet, les plateaux sur lesquels ils présentent les mets sont pour certains en bronze, mais il y en a aussi en bois ou en vannerie. Quant à la boisson, c’est, pour les riches, le vin qu’on fait venir d’Italie ou de la région marseillaise, d’ordinaire servi pur, parfois mêlé d’un peu d’eau ».
- 5 César, BG, VI, 30 : « […] ce fut aussi pour lui un grand bonheur, qu’après s’être vu enlever tout l (...)
- 6 César, BG, V, 21 : « II apprit d’eux que la place où s’était retiré Cassivellaunos était à peu de d (...)
- 7 Tacite, Annales, IV, 73 : « On sut bientôt par les transfuges que neuf cents Romains avaient péri a (...)
9César évoque quant à lui, par deux fois, les domaines de certains nobles. Tout d’abord celui d’Ambiorix, roi des Éburons, dont la maison est entourée de bois, dit-il, comme il est d’usage en Gaule pour éviter la chaleur5. Il décrit également, de manière très sommaire, l’oppidum de Cassivellaunos, l’un des chefs bretons, défendu par des forêts et des marécages, entouré d’un retranchement et d’un fossé, et vers lequel ont convergé hommes et bétail comme le veut la tradition gauloise en cas d’attaque ennemie6. Mentionnons enfin l’évocation par Tacite, lors des événements de 28 ap. J.-C., de la demeure de Cruptorix chez les Frisons7.
10Ces textes nous fournissent donc déjà quelques indices, comme la tenue de banquets durant lesquels le vin est servi dans des récipients de bois, d’argile, de bronze ou d’argent. Dans le cadre d’événements guerriers, l’accent est mis sur la mise en défense de ces sites. La maison d’Ambiorix recèle des équipements militaires, des chars et des chevaux, et un passage resserré (une porte fortifiée ?) permet à ses hommes de résister un temps aux assauts des romains. Celle de Cassivellaunos accueille un nombre assez considérable d’hommes et de bétail, dans un espace défendu par un rempart précédé d’un fossé. Celle de Cruptorix, enfin, abrite une troupe de 400 hommes. Certains de ces domaines, propriétés des hommes les plus puissants de ce temps, sont donc décrits comme vastes et capables de résister un temps à l’attaque de troupes armées.
- 8 Athénée de Naucratis dans Les deipnosophistes, IV, 37, citant le XXIIIe livre de Posidonios d’Apamé (...)
11Mais ils nous renseignent également sur certains traits de la noblesse au second âge du Fer. Ils évoquent la grandeur, l’ancienneté ou la puissance des nobles et de leur famille, et le caractère illustre de leurs ancêtres, qui ont été rois ou ont exercé certaines magistratures (Perrin, Decourt 2002 : 344-347). Sur la classe aristocratique des chevaliers César (BG, VI, 15) précise en outre : « Quand il en est besoin et qu’il survient quelque guerre (ce qui, avant l’arrivée de César, avait lieu presque tous les ans, soit pour faire, soit pour repousser des incursions), ils prennent tous part à cette guerre, et proportionnent à l’éclat de leur naissance et de leurs richesses le nombre d’ambacts et de clients dont ils s’entourent. C’est pour eux la seule marque du crédit et de la puissance. » Quelques textes nous les dépeignent de manière plus précise. Posidonios d’Apamée évoque ainsi la richesse de Louernios, qui distribue nourriture et boissons, or et argent, et récompense largement un barde8. Appien (Cel., 12, 2-5) décrit quant à lui une ambassade du roi Bituitos, roi des Allobroges et fils de Louernios. « Des gardes du corps l’accompagnaient en tenue d’apparat et des chiens. […] Un musicien chantait, sur une musique barbare, le roi Bituitos, puis les Allobroges, puis l’ambassadeur lui-même, célébrant sa naissance, son courage et sa richesse. » Mentionnons également les deux passages d’Arrien qui nous renseignent sur les pratiques de chasse à courre avec des chiens de race : « Ceux des Celtes qui sont eux-mêmes riches et qui vivent dans la mollesse, chassent en envoyant, au point du jour, des hommes pour épier les endroits où ils suspectent qu’un lièvre pourrait se reposer. Ensuite on envoie un messager pour dire s’ils en ont vu, ou combien ils en ont vu. Alors les autres arrivent et, une fois qu’ils ont fait lever le gibier, ils relâchent les chiens tandis qu’eux-mêmes les suivent à cheval » (Cynégétique, XIX, 1) ; et « Certains Celtes délaissent les filets car ils ne tirent pas leur subsistance de la chasse : ils la pratiquent pour le plaisir même de chasser. Chez eux aussi il existe une race de chiens qui n’est pas moins habile que les races cariennes ou crétoises pour suivre les pistes » (Cynégétique, III). Enfin ce passage de Diodore de Sicile mentionnant que « les nobles se rasent les joues, et laissent pousser les moustaches, de manière qu’elles leur couvrent la bouche » (BH, V, 28). Des réserves de nourriture et de boisson en abondance, des métaux précieux, des tenues d’apparat et une apparence soignée, des chevaux et des chiens pour la guerre ou la chasse et un barde pour célébrer ses hauts faits et sa lignée sont donc signalés par les textes comme les caractéristiques essentielles d’un noble gaulois. Certaines peuvent aider à reconnaître une résidence de l’aristocratie tandis que d’autres, pourtant plus marquantes à l’époque, comme le nombre de membres que compte la famille ou le nombre d’ambacts et de clients, n’auront laissé aucune trace archéologique.
11.3. Le cadre de l’étude
12La Gaule celtique telle qu’elle est dépeinte par César dans le chapitre introductif de la Guerre des Gaules (I, 1) constitue le cadre privilégié de notre étude, qui sera toutefois élargie aux territoires des Belges lorsque cela sera nécessaire. La Gaule méridionale n’y est pas intégrée dans un premier temps : les formes de l’habitat y sont trop différentes de celles qui peuvent être observées en Bretagne. La période prise en compte aurait dû correspondre à celle de l’occupation de Paule, entre la fin du vie s. av. J.-C. et le début du ier s. ap. J.-C. Mais les données recueillies concernent plutôt les trois derniers siècles avant Jésus-Christ. Elle correspond également à celle où les données archéologiques et testimoniales sont les plus abondantes pour les régions considérées. La première phase de Paule sera toutefois brièvement évoquée, afin de la situer parmi les habitats contemporains.
13L’identification des résidences de l’aristocratie s’effectuera, de manière prioritaire, parmi les sites ruraux fouillés, principalement les habitats enclos appelés « fermes indigènes » qui, le plus souvent, n’abritent qu’une maison, plus rarement deux, et sont interprétés comme des propriétés à caractère familial (Menez 1996 : 205). L’appellation de « ferme » à longtemps réduit ces sites à de simples exploitations agricoles. Mais les fouilles ont mis en évidence leur très grande diversité en termes de surface, d’organisation ou d’activité, cette dernière ne se limitant pas à l’agriculture ou à l’élevage (Malrain et al. 2002). Comme dans l’habitat plus tardif, romain ou médiéval, la présence de l’aristocratie dans certaines de ces propriétés est vraisemblable. En effet, la société du second âge du fer apparaît, pour une grande part, inscrite dans la ruralité.
- 9 Cette enquête nationale, initiée dans le cadre des Axes de recherches de l’Inrap en 2006, était coo (...)
14Une enquête menée en 20069 sur les habitats ruraux de cette période a recensé 546 sites sur le territoire français, pour la plupart concentrés dans la moitié nord du pays (Malrain et al. 2013 : 13-23). C’est donc cette zone qui a été retenue comme cadre de l’étude. Il ne s’agit pas, ici, de définir un modèle « paulien » susceptible de caractériser ce que doit être une résidence aristocratique digne de ce nom. Il s’agit plus de tenter d’identifier, au sein d’un corpus d’habitats très divers, les signes permettant de repérer la présence aristocratique. Les 546 sites retenus étaient ceux dont la superficie fouillée était suffisante pour que la description des fondations ou du mobilier puisse être effectuée de manière normalisée et intégrée dans une base de données. Quelques habitats ruraux majeurs, récemment fouillés et non encore intégrés dans cette base de données, seront également pris en compte. Quant aux habitats groupés, fortifiés ou non, ils ne seront pas considérés car la présence de l’aristocratie, bien qu’elle y soit attestée par les textes, peine encore à être validée par l’archéologie.
11.4. Les signes de la richesse et du pouvoir : critères de classification de l’habitat rural enclos
15Dans un premier temps, en tenant compte des différents aspects de la vie aristocratique décrits par les textes antiques, conjugués aux traces identifiées à Paule comme distinguant ce site de la plupart des habitats armoricains, nous avons tenté d’identifier les traits susceptibles de caractériser, lors de la fouille, la résidence d’un membre de l’aristocratie. Rappelons à ce propos que les vestiges mis au jour peuvent être :
-
immobiliers, il s’agit alors des fondations des clôtures, des bâtiments ou d’autres constructions,
-
mobiliers, et ce sont des fragments d’objets ou des déchets, scories, ossements et débris végétaux.
16Pour chacune de ces deux catégories, nous avons tenté de distinguer ce qui relève du commun ou de l’exceptionnel, ou du moins d’un nombre restreint de sites.
17Puis nous avons confronté cette première « critérisation » aux champs descriptifs utilisés dans la base de données de l’enquête nationale décrite plus haut. Ces derniers y sont le plus souvent renseignés de façon élémentaire, en présence-absence. Ne sont assortis de données chiffrées que quelques indicateurs simples comme les surfaces encloses ou la profondeur des fossés de clôture. Seule la période d’extension maximale de l’occupation a été prise en compte pour les vestiges immobiliers, décrits par phases dans l’enquête. Les vestiges mobiliers ont également été envisagés de manière globale, car il est parfois difficile, sur ces sites arasés et plusieurs fois remaniés, d’associer tel ou tel objet à telle ou telle phase.
18On nous objectera qu’il est hasardeux de bâtir une grille d’analyse uniquement à partir des fondations profondes, les seules conservées sur les habitats de l’âge du Fer. Bien des disparités entre les sites devaient transparaître dans des éléments aujourd’hui disparus, tels les décors sculptés et peints, la qualité de l’assemblage des pièces de bois et le luxe de l’équipement des maisons, marqué par la qualité des tissus, des meubles et des fourrures. Malgré ces manques, et au-delà des particularités régionales, nous avons isolé dix-huit caractères susceptibles d’identifier un établissement aristocratique. Les deux premiers s’expriment en termes de seuil, les autres en termes de présence-absence.
11.4.1. Les vestiges immobiliers
11.4.1.1. La superficie (critère A)
19Le premier critère d’évaluation qui vient à l’esprit est celui de la superficie. Mais de quelle superficie parle-t-on ? Ces sites sont le plus souvent composés de plusieurs enclos qui s’emboîtent ou s’accolent, et autour desquels, de surcroît, se développe souvent un parcellaire. La surface prise en compte doit donc se limiter aux parties densément bâties, correspondant le plus souvent à la partie résidentielle complétée par une ou deux cours annexes. Seront exclues celles qui ne recèlent aucune fondation, qui sont interprétées comme des jardins, des champs ou des corrals.
20Or, la mise à l’échelle des plans généraux permet d’observer des disparités étonnantes : un monde sépare les petits habitats de La Chaîne ou de La Réculière à Écouflant (Maine-et-Loire) du vaste établissement des Genâts à Fontenay-le-Comte, en Vendée. À l’échelle de l’enquête, sur 546 sites, 78 % couvrent moins de 5 000 m2. Ceux dont la surface excède 1 ha représentent donc moins de 22 % du corpus. Cette superficie minimale de 1 ha –à laquelle renvoie d’ailleurs celle de l’enclos habité de la phase 1 de Paule, puis celle de l’enceinte quadrangulaire fortifiée des phases 2 à 5 une fois ôtées les parties immobilisées par les remparts et les fossés– sera donc retenue comme le seuil susceptible de signaler un site remarquable.
11.4.1.2. La dimension des clôtures (critère B)
21Des clôtures il ne nous reste, le plus souvent, que les fossés qui bordaient des talus plus ou moins imposants, parfois parementés ou armés de bois, ou des tranchées d’implantation de palissades dont les poteaux ont disparu. La fouille de Paule l’a montré : des fossés apparemment semblables, à la même section en V et également profonds de 2 m, peuvent correspondre à des clôtures d’allure très différente. Une réalité demeure néanmoins : l’ampleur des tranchées ou des fossés est parfois très différente d’un site à l’autre pour des substrats de compacité similaire. Les dispositifs les plus imposants ont nécessité des travaux considérables, forcément proportionnels à la main d’œuvre mobilisable et à la monumentalité que l’on souhaitait leur donner.
22Les multiples fouilles effectuées dans ces fossés, dans des remblais qui sont généralement plus faciles à creuser que le substrat, montrent qu’au-delà d’une profondeur de 2,50 m, même un pelleteur expérimenté a du mal à rejeter les terres de manière satisfaisante hors de l’excavation. Le travail devient alors plus contraignant et plus long : il s’effectue par paliers ou impose le transport régulier des déblais par paniers ou par seaux. De plus, le substrat devient souvent très compact, une fois les niveaux supérieurs d’altération enlevés. On peut donc considérer qu’il existe à 2,50 m un seuil technique au-delà duquel un travail assez simple se transforme en un chantier complexe.
23Parmi les 546 habitats du corpus, moins de 4 % sont délimités par des fossés excédant cette profondeur, qui sera donc prise comme seuil pour distinguer un site hors du commun. Notons toutefois que l’ampleur des clôtures varie fortement d’une région à l’autre et que cette approche devrait être modulée en fonction d’une norme régionale. Prenons l’exemple d’une zone où les habitats ne posséderaient aucune clôture : le simple fait d’en ériger une pourrait alors constituer une marque de distinction.
11.4.1.3. Des tours portières (critère C)
24Sur les habitats ruraux, les accès se présentent le plus souvent, en fondation, comme de simples interruptions dans les clôtures, sans trace d’un dispositif de fermeture, comme pour le premier habitat de Paule. Quelquefois, l’absence d’interruption montre qu’il a dû exister une passerelle jetée sur le fossé ; cela évitait la formation de flaques d’eau ou de boue au niveau du passage par temps de pluie.
25Bien que ce soit moins fréquent, on trouve également des porches. Ils sont marqués par deux vastes fosses de part et d’autre de l’entrée, le plus souvent en arrière du fossé. Ces fondations accueillaient des poteaux de forte section supportant un linteau et les battants d’une porte, le plus souvent cochère, qui permettait de clore l’habitat. Dans certaines régions, la Normandie par exemple, ces porches semblent trop fréquents pour constituer un signe d’appartenance aristocratique (Lepaumier, Giraud 2018 : 195-198). En conséquence, la présence d’un porche n’a pas été retenue comme critère de classement.
26De manière bien plus exceptionnelle, on note la présence de tours portières similaires à celles de Paule, sous la forme de vastes trous de poteau dessinant le plan d’une construction massive à la hauteur de la porte : seuls six sites sur les 546 de l’enquête en ont livré, auxquels il faut ajouter les quatre qui ont été intégrés au corpus après l’étude. Ce dispositif qui protège la porte des intempéries, et domine ou intégre le porche d’accès, va toujours de pair avec des clôtures monumentales, et marque vraisemblablement le statut particulier de l’habitat, qui s’exprime par un contrôle renforcé des entrées.
11.4.1.4. Des bâtiments hors du commun (critère D)
27L’ampleur des édifices révélés par les fouilles effectuées à Paule est, sans nul doute, une marque du statut particulier du site. Il semble donc pertinent de rechercher, dans le corpus des 546 habitats de l’enquête, ceux qui révèlent des bâtiments remarquables. Encore faudrait-il s’accorder sur ce qui serait la norme en matière d’habitat rural. Celle-ci risque de varier notablement d’une région à l’autre, comme le montrent les études d’architecture vernaculaire. De plus, la période considérée, qui prend en compte trois siècles, a certainement vu se succéder différentes manières de bâtir. Enfin, déterminer la superficie au sol de ces constructions dont les vestiges sont arasés, n’est pas toujours aisé. L’emplacement des parois a le plus souvent disparu et seules demeurent les fondations des poteaux les plus imposants, ceux qui supportaient la toiture ou l’étage et qui n’étaient pas nécessairement inclus dans les parois. La surface comprise entre ces excavations est donc une surface minimale, parfois très inférieure à celle qui était réellement occupée par l’édifice.
28Malgré ces réserves, il demeure possible de distinguer, parmi les centaines de fondations révélées par la fouille sur les 546 habitats du corpus, celles de bâtiments d’une ampleur exceptionnelle, interprétés le plus souvent comme des maisons ou des édifices dédiés au stockage, comme à Paule. Le plan de ces constructions, d’une superficie souvent supérieure à 100 m2, témoigne des bonnes connaissances architecturales de leurs bâtisseurs. Ce caractère se retrouve sur un nombre de sites limité qu’il distingue nettement du commun.
29Concrètement, n’ont été retenus comme bâtiments monumentaux que ceux qui se caractérisaient par une architecture soignée, matérialisée par la régularité de leurs fondations, et dont la superficie était sans commune mesure avec celle des constructions habituelles de même fonction : une habitation de plus de 100 m2 de surface au sol par exemple.
11.4.1.5. Un dispositif de stockage des récoltes (critère E)
30Disposer de nourriture en suffisance en entreposant les quantités nécessaires pour remédier aux aléas des mauvaises récoltes est un signe d’appartenance à l’élite dans les sociétés agricoles. Les céréales et les légumineuses constituant la base de cette nourriture, on s’efforçait de les stocker à l’abri de la lumière et des rongeurs. Pour l’Europe occidentale de l’âge du Fer, Frédéric Gransar (2002a) a distingué différents modes de conservation : les vases ou les coffres, disposés dans les maisons, les silos, les caves, les souterrains, les greniers ou les entrepôts. Tous ces dispositifs n’ont pas été utilisés de manière équivalente en France septentrionale. Certaines régions privilégient clairement, à certaines périodes, certains modes de stockage, comme le fait la péninsule Armoricaine avec les souterrains, qui sont en usage dès le vie s. mais deviennent obsolètes vers la fin du iiie s. (Bossard et al. 2018 : 378). Tel est également le cas de la Normandie, qui semble privilégier le stockage en cave, peut-être du fait d’une agriculture plus axée sur les légumineuses. Les silos et les greniers sont mieux répartis sur le territoire, mais dans des proportions et des volumes qui varient fortement d’une période à l’autre. On retiendra néanmoins comme indicateur d’un habitat « hors du commun » la présence de structures de stockage en abondance, ou dont l’ampleur permet d’envisager une abondance de récoltes engrangées sur le site.
31Le caractère inhabituel du dispositif de stockage des récoltes d’un site a été établi par estimation de la capacité volumique cumulée des structures d’entreposage. Cette capacité peut se répartir sur une dizaine de lieux –caves, souterrains, greniers–, ou se concentrer en une seule construction mais de grandes dimensions. Malgré toutes les difficultés à évaluer les volumes entreposés, qui ont dû fluctuer au fil des années sur ces sites arasés où ne subsistent le plus souvent que les fondations, une capacité de stockage supérieure à une vingtaine de mètres cubes pourra être considérée comme remarquable et susceptible de se distinguer du commun. Comme pour les clôtures, ce seuil doit néanmoins être adapté à chaque région, qui peut privilégier des modes de stockage différents, la production entreposée variant selon les sols et climats locaux. Les conditions requises pour le stockage des céréales, en gerbes ou en grains, ne sont pas celles qu’exige la conservation des produits issus de l’élevage par exemple. De plus, ce n’est pas le volume interne des édifices de stockage qui est ici en question, mais bien celui des produits entreposés, une fois déduit le volume nécessaire à la circulation dans le bâtiment et à la ventilation des denrées.
11.4.1.6. Des dépendances artisanales (critère F)
32Le plus souvent, dans la construction rurale du second âge du Fer, un bâtiment cumule plusieurs fonctions : la maison abrite la famille mais aussi quelques animaux, un métier à tisser et une resserre à outils. Les rejets domestiques retrouvés à proximité incluent souvent les traces, parfois très modestes, d’une activité artisanale : un ou deux pesons de métier à tisser, quelques fragments d’outils ou quelques déchets attestant un travail limité de réparation.
33Rares sont les habitats ruraux qui disposent de bâtiments artisanaux. Le plus souvent, il s’agit d’ateliers pour le travail du métal, comme à Ronchères / Le Bois de la Forge dans l’Yonne (Malrain 2003), plus rarement du sel. Ce caractère signale, là encore, un nombre limité de sites : 12 sur les 546 recensés.
11.4.1.7. Des sépultures « riches » ou un sanctuaire (critère G)
34Aux environs immédiats de certains habitats, on peut trouver des petites nécropoles qui réunissent un nombre limité de sépultures, moins d’une trentaine le plus souvent. Elles semblent correspondre à un groupe familial, celui de la maisonnée qui a vécu à proximité. Le nombre de sépultures retrouvées, comparé au nombre des personnes qui ont vécu ou œuvré dans ces habitats, semble en effet assez faible. « Le seul fait, pour un individu, d’avoir accès à une nécropole et donc à un rituel funéraire (semble être) déjà le marqueur d’appartenance à (la) classe […] aristocratique » (Guichard, Perrin 2002 : 325). De plus, ou trouve fréquemment, dans des silos ou les fossés de clôture, des corps qui ne semblent pas avoir bénéficié des mêmes attentions.
35Ces espaces funéraires ne semblent pas implantés au hasard. On les rencontre le plus souvent à proximité des chemins d’accès, tout près de l’habitat ou un peu à l’écart. Une certaine mise en scène architecturale est parfois perceptible dans la construction d’un enclos, de bâtiments ou de tertres.
36Les objets qui accompagnent le défunt peuvent être remarquables, et sont autant de marques de statut social ou d’aisance. Il peut s’agir d’une panoplie militaire, par exemple, ou encore d’un char superbement orné. Ces éléments doivent nécessairement être pris en compte pour évaluer le statut des habitats auxquels les sépultures sont associées. Mais les modes funéraires évoluent avec le temps. Si une sépulture particulièrement remarquable, par sa dimension ou sa richesse, signale vraisemblablement la présence de l’élite, les restes de certaines personnes aisées ont à l’inverse pu être inhumés très simplement.
- 10 César, BG, VI, 13 : « Les premiers, ministres des choses divines, sont chargés des sacrifices publi (...)
37Dans notre travail d’évaluation, parmi les sépultures ou les petites nécropoles associées à ces sites, seules seront prises en compte celles qui ont livré des dépôts funéraires ou des tombes à l’architecture inhabituelle, signes du statut particulier des défunts. Si des dépôts potentiellement rituels –par exemple des ensembles d’objets métalliques– ont parfois été signalés, la présence de sanctuaires dans l’habitat lui-même ou dans sa proximité immédiate est plus incertaine. Envisager que des bâtiments ou des espaces à vocation religieuse aient pu être associés à ces espaces privés ne semble pas impossible néanmoins, d’autant que les textes disent bien que les druides administrent à la fois les sacrifices publics et les sacrifices privés10. Ces sanctuaires devaient se présenter très différemment des grands sanctuaires publics étudiés ces dernières décennies, qui se caractérisent par l’enfouissement de dépouilles animales ou humaines et de panoplies guerrières (Brunaux, Méniel 1996). La découverte de personnages enterrés assis dans des fosses à côté de l’enceinte de Bâtilly-en-Gâtinais (Loiret) signale peut-être la proximité d’un sanctuaire de ce type (Liégard, Pecqueur 2014), tout comme les armes ou les ossements humains retrouvés à Montmartin (Oise).
11.4.1.8. Une mise en scène de l’espace (critère H)
38La fouille des habitats de l’âge du Fer met souvent en évidence une lente évolution, marquée par la construction progressive de bâtiments et d’un réseau de clôtures qu’il faut ensuite réparer, entretenir puis reconstruire, le plus souvent en engageant des travaux aussi limités que possible. Il en résulte souvent, sur les sites occupés durant plus d’un siècle, un plan un peu confus dans lequel les nouveaux enclos recoupent les anciens, ou s’agglomèrent à eux sous la forme d’excroissances.
39À l’inverse, certains sites étonnent par la régularité de leur plan et de leur organisation. On y remarque le souci d’une disposition harmonieuse des enclos et des bâtiments afin de dégager de vastes cours facilitant la circulation. Un usage particulier est affecté aux différents enclos pour éviter que des activités différentes ne se côtoient dans un même espace, avec la gêne que cela peut engendrer. Sur les sites les plus simples, une seconde cour, adossée ou englobant l’espace résidentiel, est dévolue aux dépendances ; là étaient entreposés le bétail, le matériel ou les récoltes ; là œuvraient et vivaient sans doute les dépendants, les personnes qui travaillaient sur ces exploitations. Sur les sites plus complexes, des espaces très spécifiques apparaissent, dévolus exclusivement au stockage des récoltes, aux activités artisanales, à des jardins… Sur les sites majeurs se distingue même une succession de cours et de clôtures, parfois disposées en enfilade et qu’il fallait successivement traverser, franchissant des clôtures et passant sous des porches pour atteindre la maison.
40Ce sont ces différences dans l’organisation de la vie de l’établissement qui transparaissent dans son plan. Sur certains sites, on observe même un souci de mise en scène qui valorise la demeure, avec un effet remarquable depuis l’entrée. Il est possible d’y voir une marque de statut social. Cette question de la mise en scène des espaces, difficile à estimer lorsque l’histoire du site est complexe, sera néanmoins retenue comme un critère discriminant. Estimer le niveau d’élaboration d’un plan et l’éventuelle volonté de mise en scène n’est pas toujours facile. Pourtant, même sur les sites habités durant plusieurs siècles, on peut les déduire de la disposition des clôtures et des concentrations de trous de poteau.
11.4.1.9. Les critères non retenus
La qualité des matériaux
41L’habitat protohistorique, fait pour l’essentiel de terre et de bois, n’a laissé que fort peu de traces. Pourtant, la fouille a montré que le sol pouvait être porteur d’informations sur l’emploi de ces matériaux. Ainsi, les habitats du commun se contentent le plus souvent de prélever aux alentours immédiats, sans trop de travail, les matériaux nécessaires à leur construction : la terre argileuse est extraite de fosses ou prélevée lors du creusement d’une mare ; les fondations, irrégulières en plan comme en profondeur, traduisent une adaptation aux troncs, de tailles et de formes différentes, qui arrivent sur le chantier. La portée des poutres, telle qu’elle peut être déterminée par la distance qui sépare les poteaux, est le plus souvent assez faible, de l’ordre de 3 à 6 m. Ces poteaux et ces poutres, souvent des troncs écorcés ou refendus, sont parfois taillés dans des essences de moins bonne qualité que le chêne, ou sont de faible section. À l’inverse, les résidences de l’élite bénéficiaient probablement, comme à Paule, de matériaux de qualité comme le chêne : les poutres et poteaux qui les soutiennent sont équarris, de forte section et de portée plus longue (de l’ordre de 8 m). Les décors peints sur les parois d’argile, qui sont signalés sur certains sites bien antérieurs à la Conquête tels celui de Bâtilly-en-Gâtinais (Loiret), ne semblent pas non plus être le fait du commun (Fichtl 2013). De même le chaume et le roseau ne sont pas les seuls matériaux de couverture : les bardeaux ou encore les tuiles apparaissent avant la Conquête dans les régions Rhône-Alpes, Bourgogne et Limousin, sur des sites qui renvoient indubitablement à la sphère aristocratique gauloise (Clément, Desbat 2019 : 367). L’utilisation de la pierre semble plus rare dans la construction, hormis dans le Sud de la France. Elle est le plus souvent extraite sur place et utilisée, comme à Paule, presque brute d’extraction. L’utilisation de pierres extraites à plusieurs kilomètres ou le fait qu’elles aient été régularisées pour servir au parementage, peut également signaler des capacités plus ou moins grandes en termes d’accès aux ressources ou de travail.
42Mais la qualité des matériaux ne peut être reconnue que si elle a été observée, ce qui n’est pas toujours le cas. De plus, son évaluation demande une bonne connaissance de l’environnement du site, et donc de la palette plus ou moins grande de ceux qui sont susceptibles d’y être utilisés. Elle peut donc venir en renfort, pour confirmer ou non la qualité d’un habitat déjà remarquable, mais ne peut pour autant constituer un critère de classification.
Un corral ou une pâture enclose : Le contrôle du bétail
43Assez fréquemment, englobant l’enclos d’habitation ou accolés à lui, étaient bâtis un ou plusieurs autres enclos sans traces de construction. La morphologie de certains, très étroits, tout en longueur, qui semblent malaisés à labourer, les longs corridors (des chemins étroits bordés de fossés et de clôtures, palissades et talus) qui précèdent parfois leurs entrées, ou encore la présence de mares, incitent à y voir des corrals ou des pâtures encloses plutôt que des espaces cultivés. De l’ampleur de ces espaces, on pourrait déduire celle du cheptel, marque de statut social si l’on en juge par les anciens textes irlandais et l’observation ethnologique. Mais, selon qu’il s’agit de parcelles utilisées en permanence ou plus ponctuellement (pour réunir son propre bétail ou également celui de ses voisins), la signification de ces enclos peut s’avérer très différente. D’autant qu’il est toujours possible d’imaginer l’existence de sites dont ce serait l’unique fonction que de regrouper le bétail, comme l’envisage Olivier Nillesse (2003a) pour certains enclos de Vendée. En définitive, malgré sa pertinence, le critère de la présence ou de l’absence de ce type de parcelle ne pourra servir à la définition du niveau de l’habitat dans la hiérarchie sociale. Il a donc été écarté.
11.4.2. Le mobilier
44Sur ces sites où les sols ont disparu, les principaux éléments de chronologie relative sont constitués par les quelques recoupements observés sur les fondations, qui ne permettent de sérier qu’une petite partie des excavations fouillées. Il est illusoire de vouloir rattacher la globalité des fragments recueillis à une phase déterminée. Les vestiges mobiliers choisis comme indicateurs et dont la liste suit, ont donc été envisagés de manière globale, sans qu’il soit tenu compte du phasage de l’occupation.
11.4.2.1. Des objets hors du commun (critère I)
45Ce qui pourrait sembler exprimer le mieux la richesse d’un habitat, c’est l’abondance des objets brisés puis enfouis que l’on y trouve. Mais l’expérience montre que c’est un indicateur à manier avec précaution. La plupart du temps, les déchets accumulés non loin des maisons devaient être régulièrement évacués : ce nettoyage, plus ou moins suivi sur les sites les plus modestes, devait être au contraire soigneusement effectué sur les habitats majeurs, qui devaient disposer d’une main-d’œuvre plus nombreuse et disponible pour ces tâches.
46En fait, c’est dans les excavations que les fragments d’objets s’avèrent les plus nombreux, dans des remblais qui résultent le plus souvent de l’abandon des structures au moment de réaménagements. C’est ainsi que les remblais les plus conséquents se rattachent à des phases de réorganisation. De ces faits ponctuels, étroitement dépendants de l’histoire d’un habitat, on ne peut déduire directement le statut de cet habitat. On peut même imaginer que ces réfections s’avéraient plus nécessaires sur des sites moins bien construits à l’origine, avec des matériaux de moins bonne qualité, que sur les habitats de l’élite où certains édifices étaient conçus pour résister durant des siècles. En conséquence, la quantité des fragments d’objets mis au jour ne sera d’aucune utilité pour une classification.
47Chercher les pièces inhabituelles ou remarquables dans le corpus mobilier apparaît plus pertinent. Dans le corpus céramique tout d’abord, qui en constitue l’essentiel. On constate en effet que la vaisselle gauloise ne présente que très peu de variations d’un site à l’autre. À Paule par exemple, le vaisselier ne diffère guère de celui des habitats fouillés dans la région, si ce n’est par une plus grande abondance de vases superbement ornés, au décor lustré, incisé ou estampé, aux parois brillantes, « graphitées » ou peintes en rouge. Si des récipients identiques étaient utilisés dans la plupart des fermes voisines, Paule reste, avec les habitats de Kerven Teignouse à Inguiniel et de Pouilladou à Prat, le site qui, en Bretagne, a livré le plus de vases ornés de motifs estampés (Cabanillas de La Torre à paraître). En définitive, rares sont les habitats sur lesquels on découvre des récipients d’une qualité remarquable par leur forme, leur décor ou leur matériau, comme de la vaisselle en lignite ou en bronze, ou des importations lointaines, comme la céramique campanienne.
48Ce critère sera jugé toutefois à l’aune des corpus d’objets habituellement mis au jour dans la région, la découverte d’un fragment de céramique campanienne n’ayant pas la même signification en Bretagne où un seul est connu, sur le site de Kerfloc’h à Plandren (Dufay-Garel 2018), que dans la région lyonnaise, par exemple, où ces objets sont plus communément retrouvés.
11.4.2.2. Des objets en métal précieux (critère J)
49La découverte d’objets en métal précieux n’est pas si fréquente, puisque, parmi les 546 habitats ruraux, seuls 21 ont livré des objets en or ou en argent, le plus souvent de petite taille comme le pendant mis au jour à Paule. La majeure partie de ces découvertes concerne le monnayage, sous la forme de pièces isolées ou de dépôts. Ainsi les habitats de Saint-Denis-lès-Sens (Yonne) et de Laniscat (Côtes-d’Armor) ont-ils livré respectivement 242 et 546 statères et quarts de statères en or allié. Ces dépôts signalent certainement, par leur valeur considérable, l’aisance du groupe familial qui contrôlait ces sites. Il doit en être de même des huit monnaies en or allié découvertes dans le fossé d’enclos de La Chaize-le-Vicomte (Vendée). Pour ce qui est des objets isolés, l’on imagine difficilement la perte de pièces de monnaie ou de bijoux en or et en argent dans l’habitation des plus humbles. Ceci étant, si leur présence sur un site peut attester de la relative richesse de ses occupants, leur absence ne peut être considérée comme significative.
50Les objets en métal précieux ne doivent pas être confondus avec les traces du travail de l’or, qui seront comptabilisées comme signes d’un travail artisanal sur le site (critère O ; cf. infra, § 11.4.2.8).
11.4.2.3. Des armes (critère K)
51Le pouvoir s’exprime également par les armes. Leur présence peut donc être considérée comme un indicateur. Sur ces sites enclos –qui, rappelons-le, étaient interprétés jusqu’à une date récente comme des fermes– il n’est finalement pas si rare d’en trouver : 45 sur 546 en ont livré. Les pièces susceptibles de se référer à la chasse, telles que les balles de frondes, ont été écartées. Parmi celles qui se rapportent sans conteste au combat, les plus fréquemment identifiées sont des fragments d’épées ou de leur système de suspension, c’est-à-dire du fourreau ou du ceinturon. Mais on note la présence d’un poignard sur le site de Lumbres / Les Sars (Pas-de-Calais). Des fragments de lances –des pointes, ou plus rarement des talons– sont également signalés. Viennent ensuite les restes de boucliers et, sur le site de La Grange des Moines à Braisne (Aisne), d’un casque.
52Tous ces vestiges signalent la présence d’hommes armés et probablement parfois la valorisation de l’activité guerrière par l’exposition de certains éléments, isolément, en panoplie ou en trophée.
11.4.2.4. Des restes de harnachement (critère L)
- 11 César (BG, V, 19), décrit ainsi la tactique de harcèlement à laquelle sont soumis les Romains en te (...)
53Les textes antiques le disaient déjà : les chefs de guerre gaulois utilisaient des chars de combat11. Ces textes, ainsi que le terme equites utilisé pour désigner cette partie de la société gauloise, incitent à rechercher sur le terrain les traces de la présence de chevaux d’attelage en plus des chevaux de monte, les uns et les autres s’incarnant dans les restes de leur harnachement.
54Ainsi, à proximité de certains sites d’habitat, au sein d’espaces funéraires qui leur sont clairement associés, ont été mises au jour des tombes à char. C’est le cas à Orval/Les Pleines, dans la Manche, par exemple (Lepaumier, Chanson 2007). Parfois, une simple clavette ou des fragments de bandage de roue peuvent signaler un de ces véhicules. Les traces de la présence de chevaux de monte sont plus fréquentes. Ainsi a-t-on retrouvé un mors de bride au Boisanne à Plouër-sur-Rance (Menez 1996 : pl. 18) et un éperon au Grand Aunay à Yvré-l’Évêque, dans la Sarthe (Vacher, Bernard 2003).
- 12 César, BG, IV, 2 : « Bien plus, ces chevaux étrangers qui plaisent tant dans la Gaule, et qu’on y p (...)
- 13 César, BG, I, 18 : « Magnum numerum equitatus suo sumptu semper alere et circum se habere = On le v (...)
55Signalons enfin, bien que cela n’ait pas été pris en compte dans notre étude, que les particularités squelettiques de certains chevaux retrouvés en fouille pourraient également être signifiantes. L’archéozoologie montre en effet qu’à l’âge du Fer, les bêtes sont plutôt petites et graciles, sans que cela constitue un défaut (Malrain et al. 2002). Au ier s. av. J.-C., en revanche, les aristocrates gaulois semblent apprécier les chevaux de grande taille (Méniel 2003), qu’ils montent avec passion12. La présence de grands chevaux sur un site pourrait donc, dans l’avenir, constituer un critère d’évaluation pertinent. D’autant que l’on sait que certains nobles, comme Dumnorix chez les Éduens, entretenaient une cavalerie13. L’identification probable d’une écurie sur le site de Paule demeure une exception.
11.4.2.5. Des objets liés au banquet (critère M)
56Jeannot Metzler (2002) puis Mathieu Poux (2004 : 222-225) ont proposé d’établir une hiérarchie des sépultures fondée sur le mobilier qui y a été déposé. L’hypothèse est que le contenu de la tombe refléterait la place de chacun parmi les convives du banquet de Posidonios (cf. supra, § 11.2, note 8). La sépulture des organisateurs recélerait les instruments destinés à la préparation des mets et des boissons ; celle des convives les plus riches quelques pièces du service à vin ou à libation, les plus modestes se contentant d’un vase à boire et d’un couteau. De cette façon, chacun pouvait participer selon son rang au banquet de l’au-delà.
- 14 César, BG, II, 15 : « César s’informa du caractère et des mœurs de ce peuple, et apprit que chez eu (...)
57Si la qualité aristocratique du défunt s’illustre dans le mobilier qui l’accompagne dans la tombe, alors elle doit se traduire par la découverte de ce même mobilier sur son lieu d’habitation. Ce serait l’ultime trace des banquets qui s’y sont déroulés. Les amphores tout d’abord. Elles sont un premier signe, mais celui-ci n’est opérant que pour les deux derniers siècles avant Jésus-Christ, quand se répand l’habitude de consommer du vin dans les hautes classes de la Gaule chevelue. De plus les quantités varient fortement, selon la période et la région, en fonction du volume des arrivages. Sans compter que certaines cités gauloises proscrivaient en effet la consommation de vin, comme le mentionne César à propos des Nerviens14.
58Il n’en demeure pas moins que la présence de tessons d’amphores demeure assez peu fréquente dans le Nord de la France : seuls 103 sites sur les 546 considérés en ont livré. Mais ce n’est pas leur simple présence sur un habitat qui doit être considérée, car elle est trop fréquente (plus de 20 %) pour constituer un marqueur fiable (Olmer 2018 : 462). C’est leur quantité inhabituelle sur un habitat au regard des déchets communément retrouvés dans la région [fig. 178], surtout si elle est corrélée à d’autres indicateurs, qui doit être tenue pour significative. La vaisselle associée au banquet telle qu’elle a pu être identifiée par l’étude de certains caveaux funéraires aristocratiques constitue également un critère de classement : vaisselle céramique et récipients de métal venus d’Italie le plus souvent, mais aussi vaisselle de bois richement ornée, comme le vase récemment découvert sur le site de La Morandais à Trémuson (Côtes-d’Armor).
59Mais les vestiges de ces repas collectifs ne se limitent pas à ces récipients. Peuvent également être considérés comme révélateurs des ustensiles en fer très spécifiques de la préparation de ces banquets, comme les chaudrons, crémaillères, grils, broches à rôtir, fourchettes à chaudron, également retrouvés dans les caveaux aristocratiques. Seuls 36 sites sur 546 en ont livré.
11.4.2.6. Des témoins de la pratique de la chasse (critère N)
60Au second âge du Fer, la chasse est intimement liée au mode de vie aristocratique, en tant qu’exercice physique et préparation à la guerre. Des ossements de faune sauvage ont été signalés sur 26 sites, ce qui correspond à moins de 5 % du corpus. La chasse aristocratique gauloise semble avant tout être celle des grands animaux. C’est à elle qu’il faut sans doute rapporter la présence d’os de cerf sur le site du Boisanne à Plouër-sur-Rance (Menez 1996), ou de chevreuil, de cerf et de sanglier sur celui de Sennecé-lès-Mâcon (Ramponi et al. 2006).
- 15 Arrien, Cynég., XXI : « Les Gaulois ont deux espèces de chiens pour cette chasse [la chasse au lièv (...)
- 16 Strabon (Géogr., IV, 5, 2) à propos de la Bretagne : « Elle produit du blé, du bétail, de l’or, de (...)
- 17 Arrien, Cynég., XXXIV : « Les tribus gauloises ont coutume d’offrir chaque année des sacrifices à D (...)
61Cette chasse, qui pouvait également concerner d’autres espèces, était sans doute pratiquée à cheval et à l’aide de chiens suffisamment sélectionnés pour qu’il en existe différentes races. Arrien par exemple, dans la sa description de la chasse au lièvre en Gaule (Cynég., III), nous décrit les chiens Ségusiens, « hirsutes et de vilain aspect » et dont « on dit que les plus laids sont les meilleurs ». Plus loin, il nous parle de deux espèces de chiens utilisées pour la chasse au lièvre, avec chacune sa spécialité15. Ils sont d’ailleurs source de revenus pour certains peuples qui en font le commerce : les Ségusiens, donc, et les Bretons16. Symbole de l’estime dans lequel ils sont tenus, ils sont mis à l’honneur chaque année à l’occasion de la fête de Diane chasseresse. Ils sont alors associés aux sacrifices et portent des couronnes17.
- 18 Appien, Cel., 12, 2-5 : « Au moment où ce général [Gnaeus Domitius] quittait le territoire des Saly (...)
62Chiens de chasse ou chiens de combat, ils accompagnent les chefs de guerre dans leurs déplacements. C’est ainsi qu’ils sont présents dans l’ambassade de Bituitos au même titre que ses gardes armés18.
63Sur les fiches de l’enquête nationale, les indices d’une activité de chasse sont juste signalés sans plus de précision. C’est pourquoi, sauf cas particulier, nous ne préciserons pas s’il s’agit d’ossements ou d’objets.
11.4.2.7. Les traces d’un artisanat développé (critère O)
64Sur presque tous les sites du corpus, on remarque que l’activité artisanale est limitée. Sur 546 sites, 123 présentent ainsi les traces, parfois très fugaces, d’une petite métallurgie du fer, le plus souvent le forgeage, qui pouvait être pratiquée par des non-spécialistes pour des travaux assez simples, ou par des forgerons itinérants, se déplaçant d’un habitat à l’autre pour entretenir ou fabriquer de l’outillage, sans qu’aucun bâtiment soit dédié à ces activités (Zaour et al. 2014 : 177-178). Ceux où l’on a découvert des ateliers ou des déchets en nombre suffisant pour attester la présence à demeure d’artisans sont bien plus rares. À Paule, deux activités principales sont attestées : le tissage et la métallurgie : du fer pour l’essentiel, mais également des alliages cuivreux (plus rares sur les habitats ; Zaour et al. 2014 : 171) et de l’or. Un travail ponctuel du verre n’est pas exclu, à partir d’un matériau importé sous forme de plaques de verre incolore qui ont pu être chauffées et colorées pour fabriquer de la verroterie : des perles ou des bracelets le plus souvent, ou encore de l’émail pour ornementer de prestigieux objets de métal.
65Le tissage est initialement une activité domestique, au même titre que le filage. Cela dépend toutefois du nombre des métiers et de la nature des tissus réalisés. Les preuves d’un artisanat textile développé –qu’appuie la présence d’ateliers et de pesons en nombre–, doit donc alerter sur la possible fabrication à demeure de tissus soignés, marque d’un statut social au quotidien. Le travail des métaux est également essentiel, notamment celui du fer, tant pour l’outillage que pour l’armement. L’élite gauloise avait besoin, en permanence, de faire fabriquer ou réparer des objets et des constructions. Cela justifiait la présence à demeure d’artisans, qui pouvaient en outre écouler le surplus de leur production aux alentours (Orengo 2003 : 165-166).
66Les traces d’activités artisanales diversifiées et pratiquées à demeure peuvent donc également être un signe de statut social ou de richesse.
11.4.2.8. De la statuaire ou des objets décorés (critère P)
67Les sculptures mises au jour à Paule sont là pour nous le rappeler : la présence de tels objets dans un habitat constitue un signe fort de différenciation sociale, notamment s’il s’agit de pérenniser la mémoire familiale par l’érection de stèles ou de statues (Menez 1999). Ce phénomène apparaît dans les espaces funéraires des élites dès le premier âge du Fer, parfois à proximité immédiate de leurs résidences mais toujours à l’extérieur. Puis, à partir du iiie s. av. J.-C., dans l’enceinte même de l’habitat. Les bustes semblables à ceux de Paule constituent l’un des types caractéristiques de cette statuaire, qui compte également des figurations de personnages assis en tailleur. Les études engagées montrent qu’il s’agit d’ouvrages de commande intégrés dans des dispositifs architecturaux et destinés à l’affirmation d’un statut (Arcelin, Congès 2004 ; Aranegui Gascó 2004 : 108-110 ; Arcelin 2005 : 163-164).
68Les objets du quotidien eux aussi peuvent revêtir un caractère luxueux par leur traitement esthétique : les attributs typiques des equites tout d’abord, armes et garnitures de char, les objets du banquet ensuite, chaudrons ou autres récipients de bronze, les objets plus humbles enfin, en céramique ou en bois. La présence sur un site d’œuvres de qualité, fabriquées par des artisans expérimentés, tout comme les quantités inhabituelles d’objets du quotidien ornés, sont également un bon indicateur d’occupation aristocratique. Mentionnons enfin l’ornementation des édifices –peinture ou sculpture– dont il ne subsiste aujourd’hui presque aucune trace, à l’exception d’une gueule de carnassier sculptée dans le bois sur le site de La Porte Allain à Trégueux (Allen et al. 2012). Il est difficile de savoir si ces objets d’art étaient produits au sein même de chaque résidence ou s’il faut y voir des travaux de commande (Green 1996).
11.4.2.9. Des ustensiles de toilette (critère Q) et des traces d’écriture (critère R)
69Il faut ajouter à ces critères d’excellence certains objets rarement signalés : les ustensiles de toilette tout d’abord, cure-ongles et cure-oreilles, rasoirs ou petites forces, qui permettaient de soigner son apparence, tout comme les cuves mentionnées par les textes et qui ont parfois été déposées dans les chambres funéraires (Ferdière, Villard 1993), les signes de la maîtrise de l’écriture ensuite, sous la forme de styles ou d’inscriptions, portées le plus souvent sur des vases.
70Le souci de l’apparence se voit sur les sculptures qui montrent des visages d’hommes à la chevelure apprêtée et le plus souvent rasés, parfois moustachus et barbus comme à Trémuson. Ceci renvoie à la remarque de Diodore sur le rasage et la moustache gauloise (cf. supra, § 11.2).
11.4.2.10. Les critères non retenus
La qualité de la nourriture consommée sur le site
71La consommation d’une viande de qualité devrait se traduire, dans les rejets au sein de ces habitats, par des ossements issus d’animaux jeunes, aux viandes plus tendres que celles des animaux de réforme et correspondant aux meilleurs morceaux. L’hétérogénéité des données et des situations sur le territoire, avec une conservation des ossements et des études archéozoologiques assez différentes d’une région à l’autre, rend la prise en compte de ce paramètre trop délicate pour qu’il soit retenu dans cette enquête, d’autant que la disparition presque totale des restes animaux à Paule n’incitait pas à l’envisager.
Les esclaves
- 19 Varron, De Agr., I, 17 : « Je vais parler maintenant de la pratique, où quelques-uns veulent faire (...)
72Parmi les critères non retenus, il faut également mentionner les esclaves, considérés comme du matériel par les Romains19, qui n’ont laissé presque aucune trace archéologique, si ce n’est une entrave sur le site de Fontaines à Herblay (Loire-Atlantique).
11.4.2.11. Un certain un art de vivre
- 20 Christian-J. Guyonvarc’h (1994 : 55) propose une traduction renouvelée de ce texte méconnu : « On l (...)
73Ainsi recensés, les critères susceptibles de permettre d’identifier la qualité aristocratique d’un habitat par le mobilier, rappellent une autre énumération, celle de La Razzia des vaches de Cooley20. Dans ce récit fondateur de l’Irlande, dont la plus ancienne transcription connue date du xie s. mais qui relève d’une tradition pré-chrétienne, sont comparées la fortune de la reine Medb et celle du roi Ailill. Cette fortune s’exprime, dans l’ordre croissant de sa valeur, en ustensiles du banquet, bijoux, objets d’or et tissus, moutons (avec, au sommet, les béliers reproducteurs), chevaux et attelages, porcs (avec, au sommet, les verrats reproducteurs) et enfin bovins (avec, au sommet, les taureaux reproducteurs). La possession de ces biens, auxquels il faudrait ajouter les armes, permet à chacun de tenir son rang.
11.5. L’application de la grille d’évaluation aux habitats ruraux du Nord de la Gaule
11.5.1. Principe de l’analyse
74Les 16 critères d’excellence retenus ont permis de bâtir une grille d’analyse qui a été appliquée de manière systématique aux 546 habitats ruraux identifiés dans la base de données de l’enquête nationale, complétés par de quelques habitats supplémentaires identifiés depuis 2009 comme de vraisemblables résidences aristocratiques par le dépouillement des publications. Le seuil défini pour retenir un site dans cette enquête a été la satisfaction à deux critères minimum. À l’issue de ce travail, 48 sites avaient été sélectionnés [fig. 323]. Cela représente moins de 9 % du corpus. Une « diagonalisation » du tableau à 16 colonnes et 48 lignes ainsi obtenu a alors été tentée. Les lignes et les colonnes ont été déplacées, afin que les sites présentant le moins de caractéristiques soient repoussés vers le bas, ceux qui en présentaient le plus étant regroupés vers le haut. Les critères auxquels les sites satisfaisaient les plus souvent, qui sont donc apparus comme les moins significatifs d’une hiérarchie, se retrouvent à droite, et ceux auxquels ne satisfaisaient qu’un nombre limité de sites, à l’opposé. La mention de datation [fig.323 : colonne « occupation »] et les critères exprimés en termes de seuil, c’est-à-dire la superficie de la zone construite enclose et la profondeur des fossés [fig. 323 : colonnes A et B], ont été maintenus à gauche, hors diagonalisation.

FIG. 323. Répartition des habitats ruraux enclos susceptibles d’avoir été des résidences aristocratiques au second âge du Fer dans la moitié nord de la France. Leur qualité aristocratique est déterminée sur la base de dix-huit critères. Les deux premiers s’expriment en termes de seuil : A leur superficie construite enclose (avec un seuil établi à 1,1 ha) ; B la puissance de leur clôture (avec un seuil de profondeur des fossés fixé à 2,6m). Les seize suivants s’expriment en termes de présence-absence : C les porches d’entrée ou tours portières ; D les bâtiments hors du commun ; E les dispositifs de stockage des récoltes ; F les dépendances artisanales ; G des sépultures « riches » ou un sanctuaire ; H la mise en scène de l’espace ; I la grande variété des objets ou des objets inhabituels ; J les objets en métal précieux ; K les armes ; L les pièces de harnachement ; M les objets liés au banquet ; N les témoins de la pratique de la chasse ; O les traces mobilières d’un artisanat développé ; P la statuaire et les objets décorés ; Q les objets de toilette ; R les instruments d’écriture et les jeux (resp. responsable). Les colonnes C à T ont été « diagonalisées ». La colonne « groupe » (gr.) présente le classement des sites selon leur niveau de réponse à la critérisation.
Distribution of the rural enclosed settlements that could have been aristocratic residences during the Second Iron Age in the northern half of France. The aristocratic nature is determined based on eighteen criteria. The first two are expressed as thresholds : A their enclosed constructed surface area (with a threshold of 1.1ha) ; B the size of their enclosure (with a ditch depth threshold set at 2.6 m). The sixteen following criteria are expressed in terms of presence-absence : C entrance porches or door towers ; D unusual buildings ; E harvest storage facilities ; F artisanal annexes ; “G rich”graves or a sanctuary ; H a staging of the space : I the variety of objects or unusual objects ; J precious metal objects ; K weapons ; L tack pieces ; M banquet-related objects ; N evidence for hunting activities ; O portable artifacts showing developed craftsmanship ; P statues and decorated objects ; Q toiletries ; R writing instruments and games (resp. responsible). Columns C to T were “diagonalized.” The column “group” (gr.) shows the classification of of sites according to their level of adherence to the criteria.
11.5.2. Les habitats de la période vie‑ive s. av. J.‑C. : des données encore insuffisantes
75À la période ancienne, celle de la première phase de Paule, se rattache un nombre de sites fouillés limité, qui livrent de surcroît peu d’objets et parmi lesquels il est plus difficile d’établir une hiérarchie. En conséquence, les rares habitats ruraux de cette période qui semblaient « hors du commun » n’ont pas été pris en compte dans le cadre de cette étude. On signalera cependant deux sites remarquables, qui se distinguent par une superficie excédant l’hectare : celui de La Fosse Touzé à Courseulles-sur-Mer, dans la Manche [fig. 324b] (Jahier 2011 : 64) et celui des Terres du Bois Mortier à Grisy-sur-Seine, en Seine-et-Marne [fig. 324c] (Gouge, Leconte 1999 ; Marion 2004 : 339). La taille des maisons y est inhabituelle, aussi bien pour la maison circulaire de Courseulles-sur-Mer que pour celle de Grisy-sur-Seine [fig. 13b], qui est semblable à celle de Paule. Les structures destinées au stockage, réparties dans les enclos ou autour des maisons, sont particulièrement nombreuses sur ces habitats, sous la forme de multiples greniers ou silos et probablement, pour celui de Grisy-sur-Seine, d’entrepôts. À côté des résidences princières identifiées dans d’autres régions existent donc bien, dès cette période, quelques domaines aristocratiques qui se présentent comme des exploitations agricoles plus vastes que les autres. Le cas de la première phase de Paule n’est donc pas isolé dans la partie septentrionale de la Gaule. Toutefois, les exemples fouillés demeurent encore trop rares pour qu’une hiérarchisation puisse en être tentée.

FIG. 324. Habitats ruraux de la fin du premier et du début du second âge du Fer présentant certaines particularités typiques d’une occupation aristocratique : une superficie supérieure à 1 ha, une grande habitation et de nombreuses structures de stockage : a Paule / Saint-Symphorien, phase 1 ; b Courseulles-sur-Mer / La Fosse Touzé, Calvados ; c Grisy-sur-Seine / Les Terres du Bois Mortier, Seine-et-Marne.
Rural settlements from the end of the First and start of the Second Iron Age displaying some features typical of an aristocratic occupation : a surface area greater than 1 ha, a large dwelling, and several storage facilities : a Paule / Saint-Symphorien, phase 1 ; b Courseulles-sur-Mer / La Fosse Touzé, Calvados ; c Grisy-sur-Seine / Les Terres du Bois Mortier, Seine-et-Marne.
11.5.3. Les habitats de la période iiie-ier s. av. J.-C.
76Tel n’est pas le cas pour la période comprise entre le iiie et le ier s. av. J.-C. pour laquelle, comme nous le disions précédemment, au sein d’un corpus de plusieurs centaines de sites, 48 satisfaisaient à deux critères de qualité au moins, et ont par conséquent été identifiés comme des résidences aristocratiques. Ces habitats ont été répartis en trois groupes [fig. 323 : colonne gr.].
11.5.3.1. Le groupe 1 : des habitats ruraux qui se distinguent déjà du commun
77Vingt-cinq habitats enclos satisfont entre deux et cinq des critères précédemment définis. Quatre n’ont toutefois bénéficié que de fouilles très partielles. Trois sont des enceintes quadrangulaires assez semblables à celle de Paule ; il s’agit de Barzan, très peu étudiée, qui est recouverte par un sanctuaire romain, et de Bauné et Bricqueville-la-Blouette, qui ont fait l’objet de sondages sans que de réelles fouilles aient été engagées. Le quatrième est Arnac-La-Poste, qui a fait l’objet d’une fouille un peu plus étendue mais néanmoins très partielle. Au regard des connaissances aujourd’hui accumulées, il est vraisemblable qu’une étude approfondie de ces sites, qui apparaissaient déjà comme très particuliers au moment des interventions, aurait permis de les faire passer dans un autre groupe. Une fois ces quatre sites écartés, on peut dire que le groupe 1 est constitué de 21 habitats enclos assez semblables à ceux habituellement fouillés, mais s’en distinguant par deux à cinq particularités [fig. 323 : groupe 1].
78Ce sont des armes le plus souvent, telles que le poignard retrouvé à Lumbres (site no 46), le fourreau et les deux épées de La Réculière à Écouflant (Nillesse 2004a) [site no 48 : fig. 325] ou encore la lance et l’épée de La Chaîne (Nillesse, Bryand 2000 : fig. 6), dans la même commune [site no 47 : fig. 325]. Les armes offensives, épées, fourreaux ou lances, sont plus nombreuses que les armes défensives, boucliers ou casques, sur les sites d’Herblay (Valais 1994) [site no 41 : fig. 325] et Gurgy (site no 39), comme sur ceux du Pâtural à Clermont-Ferrand (Deberge et al. 2007) [site no 36 : fig. 325], Yvré-L’Évêque (Vacher, Bernard 2003) [site no 29 : fig. 325] ou Chevigny-Saint-Sauveur (site no 45). Ces quelques objets suffisent-ils pour ériger ces habitats au rang de résidence aristocratique ?

FIG. 325. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 1, celui des sites de moins de 1,1 ha présentant de deux à cinq signes de présence aristocratique (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 29 Yvré-l’Evêque / Le Grand Aunay, Sarthe ; 32 La Chaize-le-Vicomte / La Chapellière ; 34 Cholet / La Bleure, Maine-et-Loire ; 36 Clermont-Ferrand / Le Pâtural, Puy-de-Dôme ; 41 Herblay / Les Fontaines, Val d’Oise ; 47 Écouflant / La Chaîne, Maine-et-Loire ; 48 Écouflant / La Réculière, Maine-et-Loire.
Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 1, that of sites of less than 1.1ha and displaying two to five signs of aristocratic presence (the site numbers refer to fig.323) : 29 Yvré-l’Evêque / Le Grand Aunay, Sarthe ; 32 La Chaize-le-Vicomte / La Chapellière ; 34 Cholet / La Bleure, Maine-et-Loire ; 36 Clermont-Ferrand / Le Pâtural, Puy-de-Dôme ; 41 Herblay / Les Fontaines, Val d’Oise ; 47 Écouflant / La Chaîne, Maine-et-Loire ; 48 Écouflant / La Réculière, Maine-et-Loire.
79La composante guerrière de l’aristocratie est attestée par les textes (cf. supra, § 11.2), et le terme même d’equites valorise l’aptitude de ses membres à combattre à cheval. Mais cette classe ne semble pas, pour autant, avoir eu l’exclusive du maniement des armes. César (BG, III, 17) mentionne ainsi, parmi les troupes de Viridorix, « une multitude d’hommes perdus et de brigands venus de tous les coins de la Gaule, que l’espoir du pillage et la passion de la guerre avaient arrachés à l’agriculture et à leurs travaux journaliers. » Certes, il s’agit là d’une société désorganisée par la guerre, mais il est vraisemblable que d’autres hommes que les aristocrates aient participé aux combats. Sur un habitat d’aspect assez ordinaire par ailleurs, un fragment d’arme est certes un indice mais il ne peut, à lui seul, suffire à identifier une présence aristocratique.
80Certains de ces sites ne présentent que peu d’autres particularités [fig. 323 : partie basse du tableau], à part des traces d’artisanat, une certaine mise en scène des espaces avec une ou plusieurs cours et des bâtiments disposés le long des clôtures, ou encore des fragments d’amphores vinaires dans une quantité un peu supérieure à celle que l’on retrouve habituellement dans la région. Mais ces indices sont parfois renforcés par d’autres. À Ifs (site no 40) ont ainsi été mis au jour une pince à épiler et un dépôt de 67 monnaies dont une partie en argent et en or allié (Le Goff et al. 2007). Et à Yvré-L’Évêque (site no 29), ce sont un éperon en bronze et les déchets d’une activité de fonte de l’argent qui ont été découverts. D’autres sites livrent les traces des banquets qui s’y sont tenus ; on pense aux 15 770 tessons d’amphores, aux fragments de céramiques campaniennes et à la fourchette à chaudron du Pâtural à Clermont-Ferrand (site no 36), aux 1 391 tessons d’amphores de La Pièce de Bildoux à Vivoin (site no 37) et aux 134 kg de fragments de ces récipients de Chevigny-Saint-Sauveur (site no 45), mais aussi au gril et au service à boire en céramique d’Yvré-L’Évêque. Tous ces sites présentent également quelques particularités d’organisation, avec des édifices soigneusement disposés autour d’une cour, comme à La Bleure près de Cholet (Sandoz 1999 : pl. 3) [site no 34 : fig. 325] où le nombre inhabituel des greniers témoigne de la grande quantité des denrées qui y étaient entreposées, ou à La Chaize-le-Vicomte (Maguer et al. 2005 : 25) [site no 32 : fig. 325] qui a également livré huit monnaies en or allié.
81Si une présence aristocratique est simplement possible dans les habitats les plus modestes du premier groupe, ceux qui ne présentent que deux ou trois particularités, elle est vraisemblable en revanche pour les sites présentant quatre ou cinq particularités, malgré un schéma d’organisation encore assez proche des habitats ruraux habituellement étudiés.
11.5.3.2. Le groupe 2 : de vastes habitats très particuliers
82Aux 23 sites qui répondent à six critères au moins, on ajoute les quatre que l’on a précédemment extraits du groupe 1. Il est possible alors de distinguer deux grands ensembles : celui des enceintes quadrangulaires délimitées par de profonds fossés semblables à celle de Paule, constituera le groupe 3 ; celui des autres habitats, généralement vastes et dont les plans sont plus variés, constituera le groupe 2. Ce dernier ensemble regroupe 17 sites [fig. 323 : groupe 2].
83Ces établissements paraissent répondre à un projet ambitieux, avec une organisation plus complexe sur des superficies parfois considérables : 3 ha pour Le Chemin Chevaleret à Échiré dans les Deux-Sèvres (Cornec 2000) [site no 12 : fig. 326] et 4,6 ha pour Les Teuilles à Benet, en Vendée (site no 30), par exemple. La superficie bâtie de tous ces sites excède largement l’hectare puisque, même lorsque l’enclos résidentiel est petit, comme à Braine (Auxiette et al. 2000 : fig. 4) [site no 19 : fig. 326], des constructions ont été édifiées dans de vastes parcelles tout autour. L’organisation des espaces clôturés, le plus souvent rigoureuse, peut être de plan assez simple. C’est le cas à Braine ou encore à Varennes-sur-Seine / La Justice (Séguier 2008 : 56) [site no 7 : fig. 326] et à Arnac-la-Poste (Toledo i Mur 1998 : 111) [site no 24 : fig. 327], où un enclos recelant les dépendances s’adosse à la clôture de la partie proprement résidentielle. Sur d’autres habitats, comme ceux d’Échiré [site no 12 : fig. 326] ou de Dissay-sous-Courcillon (Nillesse 2004b : fig. 4) [site no 18 : fig. 326], les cours annexes entourent la partie résidentielle. Parfois, comme à Orval, dans la Manche (Lepaumier, Giazzon 2007) [site no 8 : fig. 326], la disposition des enclos mélange les deux principes d’organisation, avec une petite cour en avant de la partie résidentielle et d’autres enclos de part et d’autre. Sur ce site, une tombe à char a été mise au jour près de l’entrée, le long d’un chemin.

FIG. 326. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2 et présentant au moins cinq traits typiques d’une occupation aristocratique, sous-groupe des plans complexes (les numéros de site renvoient à la fig.323) : 12 Échiré / Le Chemin Chevaleret, Deux-Sèvres ; 7 Varennes-sur-Seine / La Justice, Seine-et-Marne ; 8 Orval / Les Pleines, Manche ; 18 Dissay-sous-Courcillon / Beauregard, Sarthe ; 19 Braine / La Grange des Moines, Aisne.
Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2, that of sites greater than 1.1 ha and displaying at least five features typical of an aristocratic occupation, sub-group of simple plans with two adjoined enclosures (the site numbers refer to fig.323) : 12 Échiré / Le Chemin Chevaleret, Deux-Sèvres ; 7 Varennes-sur-Seine / La Justice, Seine-et-Marne ; 8 Orval / Les Pleines, Manche ; 18 Dissay-sous-Courcillon / Beauregard, Sarthe ; 19 Braine / La Grange des Moines, Aisne.
84La présence, sur les sites du groupe 2, d’un large portail maintenu par deux poteaux profondément ancrés dans le sol, est fréquente, par exemple à Fontenay-le-Comte (Nillesse 2003b) [site no 2 : fig. 328]. L’intégration de ces porches dans des tours portières qui les commandent et protègent des intempéries les vantaux de la porte est plus rare. Elle est attestée à Trémuson dans les Côtes-d’Armor [site no 16 : fig. 327], à Inguiniel [site no 13 : fig. 319b], à Saint-Georges-les-Baillargeaux dans la Vienne (Maguer 2015) [site no 9 : fig. 327] et à Bazoches-sur-Vesles dans l’Aisne (Gransar, Pommepuy 2005 : fig. 2) [site no 4 : fig. 328]. La profondeur des fossés qui ceinturent ces enclos varie. Elle peut excéder 2,50 m de part et d’autre de l’entrée, dont la façade devait présenter une architecture soignée et monumentale. Tel est le cas, par exemple, à Échiré dans les Deux-Sèvres [no 12 : fig. 326] ou à Varennes-sur-Seine en Seine-et-Marne [no 7 : fig. 326] où, malgré l’érosion, on discerne encore la disposition régulière de nombreux bâtiments harmonieusement disposés le long des clôtures. Les spécificités architecturales des sites du groupe 2 se trouvent parfois confirmées par l’utilisation de matériaux inhabituels sur certains des bâtiments de l’enclos. Ainsi, le bâtiment d’Arnac-la-Poste, dont la surface est de 220 m2, est-il construit en adobe sur solin maçonné avant même la conquête de la Gaule, et couvert de tuiles (Clément 2013 : 72-73, 167-170).

FIG. 327. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2, celui des sites de 1,1 ha et plus présentant au moins cinq particularités typiques d’une occupation aristocratique, sous-groupe des plans simples à deux enclos accolés (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 9 Saint-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains, Vienne ; 11 Coulon / Les Grands Champs, Deux-Sèvres ; 16 Trémuson / La Morandais, Côtes-d’Armor ; 24 Arnac-la-Poste / La Croix du Buis, Haute-Vienne.
Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2 and displaying at least five features typical of an aristocratic occupation, sub-group of complex plans (the site numbers refer to fig. 323) : 9 Saint-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains, Vienne ; 11 Coulon / Les Grands Champs, Deux-Sèvres ; 16 Trémuson / La Morandais, Côtes-d’Armor ; 24 Arnac-la-Poste / La Croix du Buis, Haute-Vienne.

FIG. 328. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2 et présentant dix à douze traits typiques d’une occupation aristocratique (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 2 Fontenay-le-Comte / Les Genâts, Vendée ; 4 Bazoches-sur-Vesles / Les Chantraines, Aisne.
Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2 and displaying ten to twelve features typical of an aristocratic occupation (the site numbers refer to fig. 323) : 2 Fontenay-le-Comte / Les Genâts, Vendée ; 4 Bazoches-sur-Vesles / Les Chantraines, Aisne.
85Les armes ne sont pas plus nombreuses sur ces sites que sur ceux du groupe 1. En revanche, on y trouve des éléments de harnachement –à Varennes-sur-Seine par exemple, ou à Bazoches-sur-Velles– qui attestent la présence de cavaliers. Et l’on y trouve parfois des restes de chars comme celui, superbement orné, qui a été mis au jour dans une tombe à l’entrée de l’établissement d’Orval.
86Les vestiges mobiliers témoignant de la tenue de banquets, déjà présents sur les sites du groupe 1, sont plus nombreux et plus variés sur les sites du groupe 2 : les fragments d’amphores y sont en quantités inhabituelles pour la partie nord de la Gaule à Arnac-la-Poste (10 500), à Benet en Vendée (1 127) et à Échiré (3 135). Cet indice est parfois confirmé par la présence de vaisselle d’importation, comme les céramiques campaniennes de Bazoches-lès-Bray, ou les objets caractéristiques de la préparation du banquet, comme le chaudron, le gril et la broche à rôtir découverts à Braine. Signes d’une certaine qualité de vie, on note également la perte sur ces sites d’outils métalliques pour la toilette : des rasoirs le plus souvent, ou des cure-oreilles. La présence, à Inguiniel ou Échiré, de pilons à fard traduit également cet attrait pour l’esthétique. La découverte de stylets, comme à Braine, voire de quelques lettres inscrites sur un vase ou d’autres objets montre également la maîtrise de l’écriture, réservée à l’élite. Autre signe caractéristique, la présence de sculptures, à Trémuson par exemple, ou à Coulon (Baigl 2012 : 9) [site no 11 : fig. 327].
87Ces sites diffèrent clairement de Paule par leur plan et leur organisation générale. Ils cumulent néanmoins l’ensemble des caractéristiques d’une présence aristocratique, qui s’exprime tant dans l’architecture que dans les objets recueillis. Les nombreuses structures de stockage, les enclos destinés au bétail ou l’outillage qui y a été découvert montrent qu’ils constituaient le siège d’exploitations agricoles qui dégageaient des surplus importants. Mais les déchets qu’ils ont produits montrent que la vie ne s’y résumait pas à cela : certaines zones étaient affectées spécifiquement à l’activité artisanale, on s’y préparait à la guerre par le maniement des armes, on y montait à cheval, on y conduisait des chars, on y pratiquait la chasse des grands mammifères. On y sent également un certain art de vivre, marqué par la maîtrise de l’écriture, les soins apportés au corps et l’organisation de banquets. Le volume des denrées entreposées témoigne d’un bon degré de sécurité alimentaire, et l’enfouissement ou la perte d’objets précieux trahit une richesse d’accumulation.
11.5.3.3. Le groupe 3 : des enceintes quadrangulaires semblables à celle de Paule
88Un troisième groupe se distingue : celui des enceintes quadrangulaires délimitées par des fossés d’une profondeur inhabituelle, de l’ordre de 3 m, parfois plus, bordés d’un large talus qui s’apparente à un petit rempart. En intégrant les sites de Bauné et de Barzan, qui ne présentent que trois critères parce que les recherches y ont été limitées, se réduisant à quelques sondages, ce groupe est actuellement restreint à dix sites, le plus souvent eux aussi partiellement fouillés.
89L’un des plus complètement étudiés, après Paule, est celui des Pierrières à Batilly-en-Gâtinais dans le Loiret (Fichtl 2014 : 10-11) [site no 3 : fig. 329]. Il est constitué d’une enceinte quadrangulaire plus vaste que celle de Paule, qui s’étend sur 1,9 ha et est occupée durant les deux derniers siècles avant notre ère (Fichtl 2014). Cette enceinte enserre de nombreuses parcelles clôturées et des bâtiments qui se distinguent par les dimensions de leurs fondations et la régularité de leur plan. La découverte de fragments de torchis peints confirme la qualité inhabituelle de certaines de ces constructions. L’accès à l’enclos s’effectuait par un pont jeté sur le fossé et dominé par une tour portière [fig. 330]. Les nombreux fragments d’amphores indiquent que l’on y a tenu des banquets. Il en est de même, vraisemblablement, des chaudrons dont quelques fragments ont été retrouvés et d’une exceptionnelle figurine en bronze : une anse en forme de chouette provenant d’un luxueux récipient de bois ou de bronze. Il faut également souligner la découverte d’un fer à cheval, rare à cette période.

FIG. 329. Habitats enclos du groupe 3 : enceintes de forme quadrangulaire dont les fossés sont d’une particulière profondeur (> 2,80 m) et qui par conséquent pourraient correspondre à des résidences, celles de la haute aristocratie du second âge du Fer (les numéros de site renvoient à la fig.323) : 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, Côtes-d’Armor, phase 5 ; 3 Batilly-en-Gâtinais / Les Pierrières, Loiret ; 5 Arras / La Corette, Pas-de-Calais ; 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 10 Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor ; 14 Sennecé-les-Mâcon / Emputet, Saône-et-Loire ; 15 Le Puy-Saint-Bonnet / Les Natteries, phase récente, Maine-et-Loire ; 20 Lyon / Rue du Souvenir, Rhône ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire ; 43 Barzan / Le Fâ, Charente-Maritime.
Group 3 settlements : quadrangular enclosures with deep ditches (> 2.80 m), which could thus correspond to residences of the high aristocracy of the Second Iron Age (the site numbers refer to fig. 323) : 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, Côtes-d’Armor, phase 5 ; 3 Batilly-en-Gâtinais / Les Pierrières, Loiret ; 5 Arras / La Corette, Pas-de-Calais ; 6 Bourguébus / La Main Delle, Côtes-d’Armor ; 10 Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor ; 14 Sennecé-les-Mâcon / Emputet, Saône-et-Loire ; 15 Le Puy-Saint-Bonnet / Les Natteries, phase récente, Maine-et-Loire ; 20 Lyon / Rue du Souvenir, Rhône ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire ; 43 Barzan / Le Fâ, Charente-Maritime.

FIG. 330. Restitution de l’habitat enclos des Pierrières à Batilly-en-Gâtinais, Loiret. Reconstruction of the enclosed settlement of Pierrières at Batilly-en-Gâtinais, Loiret.
Image Court-Jus Production.
90La seconde enceinte, elle aussi en grande partie fouillée, est celle de La Porte Allain à Trégueux dans les Côtes-d’Armor [site no 10 : fig. 329], que nous avons déjà évoquée (cf. supra, § 10.4.3 et § 10.4.5). Elle s’étend sur 0,6 ha. On y accédait par un pont jeté sur un fossé profond de plus de 5,4 m à cet endroit et que dominait une tour portière. Probablement édifiée vers la fin du iiie s. av. J.-C., elle abritait, au ier s. ap. J.-C., une maison à galerie de façade occupée jusqu’au iie s. ap. J.-C. On y a découvert 637 tessons d’amphores, ce qui constitue une quantité remarquable, comparée à celles qui sont habituellement retrouvées sur les habitats de Bretagne Nord [fig. 178]. Les activités artisanales que l’on y pratiquait (on a notamment retrouvé des traces d’or allié dans une lingotière), quelques fragments d’armes, un crâne humain et une partie d’une sculpture animalière en bois découverts au niveau de l’entrée constituent des particularités rarement constatées sur les habitats gaulois dans cette région.
91La troisième, complètement fouillée est celle d’Arras / La Corette, dans le Pas-de-Calais, qui a été interprétée comme une installation militaire romaine (Jacques, Prilaux 2007 : 202) [site no 5 : fig. 329]. D’apparence assez semblable à celle de Trégueux malgré une profondeur plus faible du fossé et une embase moins large du rempart, peut-être du fait d’une architecture différente du talus, elle peut également être vue comme un habitat gaulois qui aurait été occupé par des militaires romains ou des troupes auxiliaires de l’armée romaine vers le milieu du ier s. av. J.-C. Une tour d’angle y est signalée. À l’intérieur de l’espace ainsi protégé, les fondations de vastes bâtiments ont été mises au jour, ainsi qu’un puits de 20 m de profondeur. Parmi les objets qui y ont été découverts, on note des tessons d’amphores vinaires en abondance, de type Dressel 1A et Dressel 1B, et, pour la fin du ier s. av. J.-C. et le début du ier s. ap. J.-C., des céramiques à paroi fine et d’autres à pâte claire. Le mobilier métallique atteste l’organisation de banquets. Les fragments de harnachement, les accessoires de toilette –cure-oreilles et pince à épiler– et des traces d’écriture confirment les particularités de ce site au moins durant la période augustéenne. D’assez nombreux fragments d’armes ou d’équipements militaires ont été retrouvés (Jacques, Prilaux 2008). À proximité, une riche tombe datée de la première moitié du iers. ap. J.-C. recelait les restes d’un siège curule (Raepsaet, Raepsaet-Charlier 2014). Il est difficile, en l’absence de publication monographique, de déterminer si ces spécificités signalent un habitat aristocratique antérieur à la Conquête, comme le laisseraient penser son architecture et les vestiges éparpillés aux alentours, ou s’il s’agit d’une construction à vocation exclusivement militaire.
92L’enceinte des Natteries au Puy-Saint-Bonnet, dans le Maine-et-Loire [site no 15 : fig. 329] a été moins complètement fouillée (Maguer 2000 ; 2007). Au iiie s. av. J.-C., est fondé un vaste habitat de 11 000 m2 de superficie. Il prend la forme d’un enclos curviligne qui correspond à sa partie résidentielle, englobé dans un second enclos vraisemblablement non bâti [site no 15 : fig. 329]. Sa dernière phase d’occupation, celle du iie s. av. J.‑C., qui nous intéresse ici, est marquée par l’édification d’une enceinte de 1,3 ha, délimitée par un fossé profond de 2,7 m. Les nombreux greniers regroupés à l’extérieur (à l’ouest) constituent un espace réservé au stockage des récoltes. Le site semble avoir été abandonné au cours du ier s. av. J.-C. Il se distingue par le nombre des tessons d’amphores que l’on y a recueilli : 2 178, correspondant à un minimum de 99 récipients. Les activités artisanales y sont également présentes, avec le tissage et le forgeage. Une construction imposante, à trois corps disposés en U autour d’une cour, a été fouillée immédiatement à l’est de l’enceinte. D’autres bâtiments, au plan régulier et à la surface au sol parfois supérieure à 100 m2 ont été découverts dans et à l’extérieur de l’enceinte (Maguer 2007).
93Le site de La Main Delle à Bourguébus [site no 6 : fig. 329], dans le Calvados, a été récemment fouillé (Lefort 2019). Fondé au iie s. av. J.-C., il se compose d’une enceinte quadrangulaire monumentale, délimitée par un fossé profond de 3,5 m et dotée de deux tours portières dominant des ponts, qui semble presque vide de construction. Adossé à cette enceinte, un enclos quadrangulaire délimité par un fossé moins profond protège une série de bâtiments, pour certains monumentaux et dotés d’une cave ou d’un souterrain, ce qui témoigne de capacités de stockage peu communes dans la région. La découverte de fragments d’armes ou de crânes humains, notamment au niveau des entrées, illustre le caractère remarquable de ce site, comme celle des fragments d’une coupe en verre d’origine méditerranéenne. La métallurgie des alliages cuivreux et du fer y était pratiquée.
94On constate que ces quelques habitats, fouillés sur une partie significative de leur surface, présentent de nombreuses similitudes avec celui de Paule, et au premier chef :
-
la forme quadrangulaire de leurs enceintes,
-
des fossés de section triangulaire dont la profondeur est supérieure à 3 m,
-
la remarquable abondance des fragments d’amphores au regard des quantités habituellement retrouvées dans la région.
95La grille de classification mise en œuvre nous autorise donc à proposer d’intégrer au groupe 3 cinq autres enceintes, sans doute de même niveau mais très peu fouillées :
-
Celle du Moulin du Fâ à Barzan (Charente-Maritime), à l’embouchure de la Gironde [site no 43 : fig. 329], est connue pour son sanctuaire antique et l’agglomération qui l’environne. Sous le sanctuaire a été mis au jour un fossé imposant, profond de plus de 3 m, qui délimite un enclos quadrangulaire d’une superficie légèrement inférieure à 1 ha. Des sondages réalisés autour de l’enceinte ont mis au jour, partiellement scellés sous l’agglomération antique, les vestiges d’une occupation du second âge du Fer s’étendant sur plusieurs hectares. Les niveaux les plus anciens, datés des ve et ive s. av. J.‑C., ont livré un mobilier remarquable, notamment une anse d’un bassin étrusque. L’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’un habitat aristocratique du second âge du Fer a été posée (Robin 2007 ; Robin, Trézéguet 2018). Il est possible –sans que cela puisse être démontré– que l’enceinte quadrangulaire en constitue un second état, probablement attribuable aux deux ou trois derniers siècles précédant notre ère. Cette enceinte est environnée d’une occupation qui s’étend, d’après les sondages, sur environ 7 ha.
-
Celle du Haut-Soulage à Bauné, dans le Maine-et-Loire [site no 42 : fig. 329], a été détruite par le passage de l’autoroute sans qu’une réelle fouille préventive ait pu être effectuée (Mare, Valais 1995). Des décapages ponctuels ont toutefois permis d’attester l’occupation de l’enceinte durant les iie et ier s. av. J.-C., et d’identifier des trous de poteau sous les édifices maçonnés gallo-romains qui y ont ensuite été édifiés, comme à Trégueux.
-
Celle de Sennecé-lès-Macon, en Saône-et-Loire [site no 14 : fig. 329], a été occupée durant les iie et ier s. av. J.-C. (Ramponi et al. 2006). Son fossé, profond de 3m, a livré de nombreux objets typiques d’une occupation aristocratique. Mais surtout, 144 kg de tuiles de toiture ont été mis au jour, dans des contextes datés, pour les plus anciens, du dernier quart du iie s. av. J.-C. Ils révèlent l’adoption précoce, par l’élite rurale gauloise, de la couverture à tegulæ et imbrices caractéristique de l’Italie romaine (Clément 2013 : 109, 145-151). Les greniers et ateliers installés tout autour montrent la la dévolution de cette zone au stockage et aux activités artisanales, notamment le travail de forge. Près de 6000 tessons d’amphores, représentant un nombre minimum de 192 récipients, ont été retrouvés. Les études archéozoologiques ont également mis en évidence la présence de chevaux de grande taille, ainsi que des restes de cerfs, de chevreuils et de sangliers chassés et consommés. Malgré l’absence de constructions dans la partie fouillée de l’enceinte, comme à Bourguébus, le site de Sennecé présente donc, lui aussi, quelque ressemblance avec l’habitat de Paule.
-
Celle de la Rue du Souvenir à Lyon [site no 20 : fig. 329] (Desbat, Plassot 2000 ; Plassot, Desbat 2003 ; Poux 2004 : 534), probablement très vaste (entre 0,75 et 2,5 ha), n’a été que partiellement dégagée sur sa façade orientale. L’établissement, qui apparaît délimité par un fossé de plus de 7 m d’ouverture et d’une profondeur de 2,80 m, a été occupé durant le iie s. et détruit vers le début du ier s. av. J.-C. Au débouché d’une voie, un pont permettait à cet endroit de franchir le fossé. Il était dominé, à l’ouest, par une tour portière quadrangulaire dont la base maçonnée, large de 4,60 m et longue de 7 m, a été mise au jour. Sa hauteur est estimée à 4 ou 5 m d’après le volume des matériaux effondrés (Clément, Desbat 2019 : 363). Comme à Paule, les élévations en bois et terre de cette tour ont été détruites par un incendie. À l’intérieur de l’enceinte, le long de la voie, les vestiges d’un bâtiment monumental ont été partiellement dégagés sur une longueur de 32 m et une largeur de 9 m. La section des poteaux, profondément implantés dans le sol, allait de 0,38 à 0,50 m. Ces poteaux étaient reliés par des poutres sablières qui supportaient une paroi de terre dont la partie basse était enduite de blanc, la partie supérieure ornée d’un décor polychrome du premier style pompéien (Le Bot-Helly, Bodellec 2003). L’édifice était doté d’une couverture de tuiles de type méditerranéen, à tegulæ et imbrices (Desbat 2003 ; Clément 2013 : 132-136). Le site se distingue par une quantité inhabituelle de tessons d’amphores (13954, représentant un nombre minimum de 761 récipients) et de tessons de céramique campanienne. La surface très limitée des fouilles rend l’interprétation difficile, mais les caractéristiques les plus remarquables d’un établissement comme Paule semblent une fois encore réunies.
96Cette dizaine de sites où des fouilles plus ou moins extensives ont été pratiquées ne constituent sans doute qu’une infime partie des enceintes quadrangulaires qui devaient quadriller le territoire. Les recherches menées en Champagne berrichonne par Olivier Buchsenschutz le laissent pressentir (Batardy et al. 2001 : 58-60), notamment les prospections et relevés effectués sur les enceintes de Meunet-Planches et de Luant, dans l’Indre. Elles ont révélé par exemple que la seconde était dotée d’une porte rentrante et d’un rempart à poutrage de type murus gallicus.
97Les décapages effectués autour de certaines de ces enceintes quadrangulaires ont livré les vestiges d’occupations semblables à celles observées à Paule. Ainsi, sur le site de La Porte Allain à Trégueux, déjà évoqué (cf. supra, § 10.4.5), a-t-on mis au jour un bâtiment monumental protégé par un enclos à l’est duquel se développe un habitat groupé, la superficie totale du site avoisinant probablement la dizaine d’hectares [site no 6 : fig. 321c]. Sur le site des Natteries au Puy-Saint-Bonnet [site no 15 : fig. 331], les fouilles ont révélé sur plusieurs hectares des dépendances et autres constructions aux alentours immédiats de l’enceinte, sans que les limites du site aient été reconnues. De multiples parcelles encloses ont également été observées lors de prospections aériennes autour de l’enceinte de La Main Delle à Bourguébus [site no 6 : fig. 331]. À Bauné [site no 42 : fig. 331], deux enclos accolés à l’enceinte abritaient certainement les vestiges de constructions gauloises. Dans l’Ouest de la France, ces enceintes constituent donc la partie la plus monumentale et la plus immédiatement perceptible de sites étendus que seules des fouilles extensives sont à même de révéler.

FIG. 331. Quelques ensembles de bâtiments et d’enclos mis au jour lors de fouilles extensives effectuées autour d’enceintes quadrangulaires du groupe 3 (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 15 Le Puy-Saint- Bonnet / Les Natteries, Maine-et- Loire ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire.
A few groups of buildings and enclosures uncovered during the extensive excavations made around the quadrangular enclosures of Group 3 (the site numbers refer to fig. 323): 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 15 Le Puy-Saint- Bonnet / Les Natteries, Maine-et- Loire ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire.
98Qu’en est-il dans le reste de la zone d’étude définie par l’enquête nationale ? Sur le site de Sennecé-lès-Macon, la découverte de fondations de bâtiments et de multiples déchets issus de la vie quotidienne et d’activités agricoles ou artisanales permet également de poser l’hypothèse que des dépendances, intégrées ou non dans une agglomération, occupaient la zone située à l’ouest de l’enceinte. À Bâtilly-en-Gâtinais [site no 3 : fig. 332], une seconde enceinte qui englobe la première se developpe très loin au devant elle, créant une vaste cour bordée, au nord et au sud, de parcelles clôturées par des palissades et intégrant de nombreux bâtiments. À l’est, cinq inhumations en position assise (Liégard, Pecqueur 2014) semblables à celles d’Acy-Romance (Ardennes) pourraient signaler la présence d’un sanctuaire. À Lyon, sur l’Îlot Cordier, à 500 m de la Rue du Souvenir, deux petits fossés rectilignes comblés d’ossements animaux et de près de 10 000 tessons d’amphores ont été découverts. Ce mobilier et leur orientation, identique à celle de l’enceinte quadrangulaire voisine, permettent d’évoquer là encore une vaste zone occupée durant le second âge du Fer (Jacquet 2007). À Arras, les fouilles extensives effectuées autour de l’enceinte de La Corette ont également révélé une occupation très étendue de la fin du second âge du Fer et du début de l’Antiquité [site no 5 : fig. 332]. De part et d’autre d’une voie s’égrènent de multiples greniers, certains monumentaux. D’autres, en plus grand nombre encore, étaient regroupés dans un grand enclos bordant une seconde voie (Jacques, Prilaux 2007). Au sud, un autre enclos pourrait être une résidence aristocratique plus ancienne que l’enceinte. Au nord-est, d’autres habitats ont été repérés le long de la voie, ainsi que des nécropoles.

FIG. 332. Deux ensembles particulièrement vastes entourant des enceintes du groupe 3 (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 3 la cour bordée de bâtiments à l’avant de l’enceinte des Pierrières à Batilly-en-Gâtinais, Loiret ; 5 le complexe qui se développe autour de l’enceinte quadrangulaire de La Corette à Arras, Pas-de-Calais ; l’enceinte pourrait être un habitat de l’âge du Fer transformé par les Romains en poste militaire fortifié.
Two vast groups surrounding Group 3 enclosures (the site numbers refer to fig. 323) : 3 the courtyard bordered by buildings in front of the Pierrières enclosure at Batilly-en-Gâtinais enclosure, Loiret ; 5 the complex located around the quadrangular enclosure of La Corette enclosure at Arras, Pas-de-Calais ; the enclosure could be a Second Iron Age settlement transformed by the Romans into a fortified military post.
99Pour conclure, on peut dire que lorsque des fouilles ont été engagées sur de vastes superficies autour des enceintes du groupe 3, elles ont systématiquement mis en évidence des dépendances, notamment des entrepôts et des ateliers, parfois même des bourgades de quelques hectares de superficie, comme à Paule. La présence d’au moins une voie importante à proximité immédiate de l’enceinte a été observée sur les sites de Trégueux, du Puy-Saint-Bonnet, de Bourguébus et d’Arras. Ceci vient appuyer l’hypothèse selon laquelle ces sites ont le contrôle des axes de circulation.
11.5.4. Une aristocratie présente à des degrés divers en différents types d’habitat
100La classification en groupes constitue avant tout un artifice de présentation commode. En fait, on note une progression continue de la superficie, de la monumentalité et de la richesse des habitats, sans que jamais n’apparaissent des seuils significatifs entre les groupes. Ceci rend difficile l’approche de ces sites, dont les plus modestes ressemblent à de simples exploitations agricoles et dont les plus puissants semblent être à la tête de vastes complexes pouvant s’apparenter à un habitat groupé.
101D’une façon générale, les habitats du groupe 1 sont ceints de clôtures de dimensions modestes, parfois dotées d’un porche d’entrée sans dispositif de protection. Les bâtiments qu’ils recèlent apparaissent encore assez semblables à ceux des exploitations agricoles voisines, dont ils ne diffèrent que par quelques objets : des vestiges d’armes, les traces de banquets, quelques monnaies d’or ou d’argent… Ce regard est certainement fortement biaisé par la disparition de la quasi-totalité des élévations, dont seules subsistent les fondations les plus profondes. La spécificité de ces sites a dû apparaître de manière bien plus évidente aux contemporains, par la qualité des matériaux utilisés ou l’ornementation d’édifices aujourd’hui disparus.
102Les habitats du groupe 2 diffèrent plus clairement du commun par leur ampleur, par l’étendue des cours qui encadrent ou précèdent la partie résidentielle, ainsi que par des bâtiments souvent plus grands et mieux construits, certains dédiés à l’artisanat. Même vus d’avion, uniquement par le tracé de leurs clôtures, ces sites se distinguent déjà de ceux qui sont habituellement révélés par les prospections aériennes dans les régions considérées. Cela est confirmé lorsque des fouilles peuvent y être engagées, par le caractère particulièrement soigné du plan des maisons, à Coulon ou Saint-Georges-les-Baillargeaux par exemple, ou par la présence fréquente de porches d’entrée, profondément implantés dans le sol, sur une façade rendue parfois plus imposante par un fossé plus profond et un talus plus élevé. La qualité et la diversité des objets retrouvés est également plus importante que sur les habitats du premier groupe, avec des indices plus fréquents de la tenue de banquets et d’une pratique équestre ou de la chasse.
103Les enceintes quadrangulaires du groupe 3 semblent plus rares et bien spécifiques. Il a fallu en chercher les moindres indices dans des sites parfois peu fouillés, en tout cas bien moins que ceux des deux premiers groupes qui ont bénéficié pour la plupart de décapages extensifs. Presque toutes ont été découvertes lors d’opérations préventives, leur spécificité étant marquée, dès les premiers sondages, par des fossés de section triangulaire d’une profondeur très inhabituelle pour les habitats de cette période, de l’ordre de 3 m le plus souvent, parfois beaucoup plus : 4,5 m à Paule, 5,4 m à Trégueux. Cette monumentalité des clôtures va généralement de pair avec des dispositifs d’entrée élaborés constitués de ponts ou de porches solidement construits. Ces passages sont surmontés de constructions qui les protègent des intempéries, et prennent parfois l’aspect de tours portières qui les commandent. Les fouilles ont presque toujours livré, aussi bien à l’intérieur de l’enceinte qu’à l’extérieur, dans les cours annexes, les vestiges de bâtiments monumentaux. Il peut s’agir de maisons de plus de 100 m2 au sol, aux fondations profondes et que l’on imagine parfois dotées d’étages, mais également de dépendances, comme à Paule. Deux enceintes, celles de Sennecé-lès-Mâcon et de Bourguébus, apparaissent comme presque « vides » de constructions, malgré les déchets rejetés dans les fossés et les bâtiments édifiés aux alentours. Cela signale peut-être un usage spécifique de ces lieux, pour des assemblées ou des marchés par exemple, à moins que l’absence de fondations profondes ne résulte de choix différents pour l’architecture des bâtiments édifiés dans la cour monumentale. Ce sont là des particularités étonnantes, difficiles à expliquer tant que le corpus des sites fouillés ne sera pas plus étoffé.
104Sur certains de ces sites, la quantité de tessons d’amphores est également apparue comme inhabituelle, dès les premiers sondages. En effet, durant les deux derniers siècles avant notre ère, la consommation de vin en quantité était un marqueur de l’élite en Gaule rurale. Le critère d’excellence que constitue la consommation abondante de vin ne s’incarne pas toutefois dans certains territoires, ceux qui semblent n’avoir pas été touchés par ce commerce du fait de leur éloignement des grands axes ou par choix culturel, et ceux où ce breuvage, sans doute moins cher car moins difficile à faire venir, ne constituait plus un signe de distinction. Les objets caractéristiques d’un certain art de vivre sont communs aux habitats des groupes 2 et 3, qui ne diffèrent que par leur architecture. On y retrouve en effet les mêmes bustes d’ancêtres (à Paule, Trémuson ou Coulon), et les mêmes ustensiles du banquet, parfois somptueusement ornés d’appliques en alliages cuivreux (la chouette de Bâtilly-en-Gâtinais, le seau en douelles d’if orné de triscèles de Trémuson, le pommeau d’un couteau en forme tête de bovidé de Varennes-sur-Seine). Les témoignages d’une chasse aux grands mammifères sont tout aussi fréquent dans les habitats des deux derniers groupes, tout comme ceux de la pratique équestre.
105Parmi plus d’un demi-millier d’habitats ruraux fouillés, une cinquantaine semble donc pouvoir être interprétés comme des résidences de l’aristocratie gauloise. Celles du groupe 1, encore très proches par leur architecture des habitats ruraux repérés par dizaines de milliers par les prospections aériennes surtout dans la moitié Nord de la France, ont dû appartenir à une petite aristocratie, exploitant ses terres mais participant à la guerre et –sous l’autorité des personnages les plus importants– aux assemblées et à l’encadrement des campagnes. Celles des groupes 2 et 3, plus remarquables, ont dû constituer les résidences principales de familles aristocratiques plus riches et plus puissantes. Les dernières se différencient clairement par la monumentalité d’une des enceintes qui les composent, l’ampleur des installations qui les environnent et leur position de contrôle du réseau viaire. Il faut vraisemblablement voir dans ces deux groupes les résidences rurales de la noblesse gauloise des trois derniers siècles avant notre ère, et dans les résidences du groupe 3 celles des familles aristocratiques les plus éminentes qui, participant à la constitution et l’organisation des cités, se dotaient des attributs du pouvoir et des installations d’usage collectif nécessaires à l’exercice de leurs missions.
106Une telle classification peut s’avérer utile, à ce stade des recherches, pour mieux comprendre l’extrême diversité des habitats ruraux gaulois que révèlent les prospections et les fouilles et que le terme de « ferme » ne suffit plus à caractériser. Gardons toutefois à l’esprit que cette classification ne peut que caricaturer un monde plus complexe où ces sites, tous interdépendants, constituent les cellules d’une société fonctionnant en réseau. Ce schéma n’a, à ce stade, presque pas laissé de place à des sites d’éperons barrés comme Montmartin, et aucune aux habitats groupés plus ou moins vastes où l’on peine à identifier les demeures de l’aristocratie gauloise qui doivent pourtant s’y trouver.
11.6. Oppida, vici, castella et ædificia
107Comment intégrer ces sites dans les classifications anciennement établies, qui reposent peu ou prou sur les termes oppidum, vicus et ædificium utilisés par César ? Dès les travaux de Camille Jullian, repris par Albert Grenier, ils ont servi à décrire trois types d’habitat.
108Très tôt, le mot oppidum a été utilisé pour désigner un ensemble d’enceintes de superficies, de morphologies et vraisemblablement de fonctions très diverses mises au jour en Europe occidentale. Les archéologues qui ont depuis étudié ces sites ont donc établi toute une série de critères susceptibles d’en limiter l’utilisation. Ainsi, Wolfgang Dehn (1962) a proposé de ne l’employer que pour des enceintes d’une superficie minimale de 30 ha, édifiées durant les iie et ier s av J.-C. sur des sites de hauteur ou en plaine ; le rempart, comportant un poutrage, doit être continu de préférence et ne tient pas toujours compte du relief ; il possède des portes monumentales, à ailes rentrantes le plus souvent. Cette définition a été plusieurs fois débattue car elle s’applique difficilement à la diversité des enceintes de cette période reconnues dans les différentes parties de l’Europe. Stephan Fichtl (2005) a récemment fait le point sur cette question : le terme d’oppidum est aujourd’hui employé pour désigner de vastes agglomérations fortifiées, des villes d’une superficie minimale d’au moins 20 ou 30 ha, édifiées durant les iie et ier s. av. J.-C. et contrôlant des territoires de plusieurs dizaines de kilomètres de rayon, qui peuvent correspondre aux pagi mentionnés par César (Buchsenschutz 2007 : 249).
109Le terme de vicus a été peu utilisé pour le second âge du Fer. Les sites qu’il est supposé recouvrir –différents des oppida– ont été décrits comme des agglomérations non fortifiées regroupant sur plusieurs hectares –et plus rarement sur des superficies comparables à celle des oppida– de nombreuses maisons, des édifices de stockage et des bâtiments artisanaux. L’exemple le plus complètement étudié est le village d’Acy-Romance dans les Ardennes (Lambot 1999 ; 2005).
110Le terme d’ædificium a quant à lui désigné, dès les premières photographies effectuées par Roger Agache en Picardie, des habitats enclos du second âge du Fer révélés par les prospections aériennes. Très tôt, les dangers de l’emploi de ce terme latin pour un type spécifique de site archéologique ont été soulignés (Ferdière 1981 ; Buchsenschutz, Ralston 1986). César l’utilise en effet dans plusieurs sens : pour un bâtiment isolé, une grange, les maisons d’un village, des cabanes rapidement édifiées dans l’oppidum de Cenabum ou encore la demeure d’Ambiorix. Sa polysémie est donc flagrante. Il continue néanmoins à être utilisé, comme synonyme de ferme, pour désigner les habitats enclos dispersés dans les campagnes gauloises, révélés par les prospections aériennes ou les fouilles.
- 21 César, BG, II, 29 : « Ayant abandonné leurs oppida et leurs castella, ils se retirèrent avec tout c (...)
111À l’évidence, il est difficile d’intégrer les enceintes quadrangulaires –dont Paule fait partie– dans cette classification tripartite, pourtant consacrée par son origine antique et des décennies de recherche. La tentation serait grande d’associer à ces enceintes le terme de castellum, oublié des classifications mais pourtant bel et bien utilisé par César, à propos des Atuatuques qui les abandonnent lors du conflit de 5721. L’archéologue tchèque Jirí Waldhauser (1984) semble pourtant être le seul à avoir utilisé ce terme pour désigner des enceintes de hauteur plus petites que les oppida. D’une superficie comprise entre 0,3 et 9,3 ha, le plus souvent entre 0,4 et 3,2 ha, ces sites occupés durant les trois derniers siècles avant Jésus-Christ par des communautés peu nombreuses, probablement les familles aristocratiques, auraient contrôlé des voies de communication et des gisements de matières premières. Le parallèle flagrant entre ces caractéristiques et celles qui ont été identifiées à Paule pourrait inciter à appeler castella les petites enceintes du groupe 3 de notre classification (cf. supra, § 11.5.3.3). Ce serait une erreur.
112En effet, si la terminologie latine s’est avérée utile dans un premier temps, il convient aujourd’hui d’y renoncer, comme le soulignait Gilbert Kaenel (2006 : 22) à propos des oppida, car elle ne suffit plus à traduire la diversité des types d’habitat révélés par les prospections et les fouilles : « Il semble donc nécessaire de reprendre la documentation accumulée de manière critique, en tenant compte de la morphologie des sites, de leur superficie, de leur implantation topographique, de leur chronologie et des objets qui y ont été recueillis, en développant des études au plan régional et, si possible, de la civitas ou du pagus ». Le risque est grand, en effet, d’extrapoler à un ensemble de sites réunis arbitrairement sous un même type les caractères véritablement reconnus dans le petit nombre d’habitats que l’on aura pris la peine d’étudier.
113Mieux vaudrait donc qualifier d’habitats aristocratiques ceux qui ont livré des caractéristiques en nombre suffisant et, pour les sites majeurs, monumentaux ou fortifiés, parler de résidences de la haute aristocratie ou de la noblesse gauloise.
11.7. Qu’en est-il ailleurs ?
11.7.1. Dans le Midi de la France
114Les sites du second âge du Fer du Midi de la France diffèrent notablement de ceux qui ont été mis au jour plus au nord. Par les matériaux de construction utilisés, tout d’abord, qui privilégient la pierre et l’argile, alors que le Nord préfère le bois. Par la prédominance de l’habitat groupé sur l’habitat dispersé ensuite, au cours de la période considérée. Malgré ces différences, Patrice Arcelin (1999 ; 2001) a tenté d’identifier, en tenant compte des découvertes effectuées plus au nord, de possibles résidences aristocratiques dans cette région. Et en effet, dans les habitats groupés fortifiés, où l’architecture des maisons apparaît comme relativement uniforme, quelques unités édifiées au cours du iie s. av. J.-C. se distinguent par leur superficie et leur plan. Composées de plusieurs pièces disposées autour d’une cour ou d’un péristyle et surmontées vraisemblablement d’un étage, elles sont bâties à proximité immédiate du centre monumental sur les sites d’Entremont, de Glanum, de Nîmes ou de Lattes, et pourraient correspondre aux demeures urbaines de familles aristocratiques (Arcelin 1999 : 452). L’hypothèse est soutenue par la présence constante d’une statuaire représentant ces élites, ce qui atteste clairement de leur présence sur ces sites.
115L’identification de résidences rurales qui seraient installées sur des domaines analogues à ceux de la France septentrionale est plus problématique, du fait du caractère limité de la recherche sur cette question dans ces régions. Nous nous contenterons ici d’en présenter deux exemples, laissant au lecteur le soin de se reporter à Arcelin 1999 pour une documentation plus complète.
116Le premier est celui de Coudounèu, à Lançon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône (Verdin 1996). Sur un éperon rocheux d’une superficie de 1 000 m2, l’établissement, doté d’une avant-cour fortifiée et d’une porte avec superstructure en bois, a été occupé durant le ve s. av. J.-C., et est détruit par un incendie au début du ive s. Les vestiges sont ceux d’une rue desservant de nombreuses pièces de stockage ; c’est pourquoi il a été interprété comme un grenier fortifié. Toutefois, la présence possible de pièces en étage, implantées pour partie sur la terrasse supérieure, et la découverte de bijoux en argent et en bronze dont un fragment de torque, conduisent Patrice Arcelin (1999 : 465-467) à poser l’hypothèse qu’il s’agit-là d’une résidence aristocratique, dont la partie d’habitation serait installée sur la partie sommitale de l’éperon, au-dessus des resserres.
117Le second est celui de Roquepertuse à Velaux, également dans les Bouches-du-Rhône (Boissinot 2004). Implanté à l’extrémité d’un plateau et occupé depuis le ve s. av. J.-C. jusqu’à sa destruction vers -200, il couvre une superficie minimale de 5 000 m2. La partie sommitale, protégée par un rempart doté de tours et de portes fortifiées, occupe une superficie proche de celle de Coudounèu : 1 500 m2. En contrebas, un quartier d’habitation installé le long d’une rue a été mis au jour. La découverte de zones de stockage, de déchets de métallurgie, de statues de personnages assis en tailleur disposées sous un portique sculpté et peint, et de crânes incrustés dans ce portique ou exposés à l’emplacement de portes fortifiées conduisent à penser que nous sommes en présence d’un habitat à caractère aristocratique.
118Dans les deux cas, il s’agit de petits sites dont les défenses naturelles ont été complétées par l’édification d’une enceinte percée de portes fortifiées, celle-ci protégeant une aire très réduite de 1 000 à 2 000 m2 qui abrite une zone de stockage et la demeure proprement dite, installée en étage au sommet du plateau. L’allure de ces résidences, potentiellement aristocratiques selon l’hypothèse de Patrice Arcelin, diffère donc notablement de celle des habitats découverts plus au nord. Elle s’avère par contre assez similaire à celle de résidences aristocratiques mises au jour en Espagne, ces dernières se caractérisant, de la même manière, par des accès protégés, des pièces de stockage en rez-de-chaussée et des pièces résidentielles à l’étage (Rodríguez Diaz et al. 2000).
11.7.2. En Grande Bretagne
119Les prospections aériennes et les fouilles effectuées en Angleterre ont révélé, comme dans le Nord de la France, de multiples habitats enclos de superficies diverses, délimités par des clôtures au tracé le plus souvent curviligne. Ces enclos abritent une ou plusieurs maisons de plan circulaire, entourées de leurs dépendances. Comme dans la péninsule Armoricaine, certains sont occupés durant plusieurs siècles entre la fin du premier et le second âge du Fer, sans interruption ou bouleversement majeur (Collis 1990). Ils sont assez semblables à ceux qui ont pu être étudiés de ce côté-ci de la Manche, dans les Gaules celtique et belgique. La dimension des constructions semble varier d’un site à l’autre, tout comme les objets qu’ils recèlent. Ceux-ci signalent que l’on y pratiquait d’autres activités que celles, agropastorales, que l’on imagine trouver dans une exploitation agricole. Il peut s’agir de déchets de bronziers, issus de la fabrication de splendides éléments de harnachement ou de chars, comme sur le site de Gussage all Saints, ou de fragments d’armes. L’hypothèse d’une présence aristocratique dans certains de ces établissements ruraux doit donc être posée.
120Existent également des forteresses de hauteur abritant un habitat groupé et de nombreuses structures de stockage, greniers et silos (Cunliffe 1991), ainsi que quelques grandes enceintes quadrangulaires qui ne sont pas sans rappeler celle de Paule.
11.7.2.1. L’enceinte de Verulamium
- 22 La rivière a donné son nom à l’oppidum.
121Installée au sommet d’un plateau, l’enceinte de Gorhambury à Saint Albans, dans le Hertfordshire, est un enclos de 1,6 ha en deux parties délimité par un fossé profond de 2,20 m et adossé à l’oppidum de Verlamion-Verulamium (Selkirk 1983 ; Neal et al. 1990) [fig. 333]. Il s’agit d’un habitat, fondé dès le ier s. av. J.-C., qui deviendra par la suite une importante villa romaine. Les vestiges de l’âge du Fer n’ont donc pu être mis au jour que sur des superficies limitées. On notera toutefois la présence d’une vaste grange de 28 × 10 m très semblable à celle de Paule, et d’une tour portière à l’extrémité est du site. La position de cet habitat s’avère particulièrement remarquable : il ouvre sur la double enceinte de l’oppidum de Verlamion, dont la partie nord-ouest s’est conservée et porte aujourd’hui le nom de Devil’s Dyke. Mais l’oppidum se prolonge en fait sur une grande distance le long de la Ver22. Et sur l’emplacement du forum de la ville antique se trouvent les vestiges d’une seconde enceinte quadrangulaire, d’une superficie de 2 ha.
- 23 Tasciovanos a régné sur les Catuvellaunes à partir de -25 environ, succédant à son père Cassivellau (...)
122L’enceinte quadrangulaire de Gorhambury pourrait avoir été le lieu de résidence de Tasciovanos, puissant roi des Catuvellaunes, bien connu par les monnaies frappées à son effigie (Haselgrove 2000)23. L’argument est appuyé par une autre découverte remarquable : de l’autre côté de la rivière, sur les hauteurs qui dominent l’oppidum au nord-est, un enclos de 110 × 80 m délimité par un fossé profond de 3 m a été mis au jour au lieudit Folly Lane [fig. 333]. Il recelait le bûcher et le caveau funénaire d’un puissant personnage dont le corps a été incinéré avec un exceptionnel mobilier, comprenant des chars, des éléments de harnachement, des chenets, de la vaisselle de bronze, un casque et une cotte de maille, ainsi qu’un divan ou un trône orné de pieds de bronze et de placages d’ivoire (Niblett 1992 ; 2002). Un sanctuaire a été fondé à cet endroit. Jusqu’au ive s. ap. J.-C., il a perpétué la mémoire de la sépulture.

FIG. 333. Site de Verlamion-Verulamium à Saint Albans (Hertfordshire, Angleterre) : l’habitat de Gorhambury et la tombe princière de Folly Lane.
The site of Verlamion-Verulamium at Saint Albans (Hertfordshire, England) : the Gorhambury settlement and the Folly Lane princely tomb.
Dessin A. Dagand.
11.7.2.2. L’enceinte de Camulodunum
123Détectée en prospection aérienne, l’enceinte trapézoïdale à large fossé de Gosbecks à Colchester, dans l’Essex, mesure environ 130 m de côté. Elle est installée au cœur d’un réseau de fossés particulièrement vaste, complexe et dense, au sein duquel viennent s’implanter, après la Conquête, un fort romain, un théâtre et un temple (Crummy 1980). La ville romaine de Camulodunum sera quant à elle fondée à 4 km au nord-est, en bordure de la rivière, à l’emplacement d’un camp légionnaire d’époque claudienne (Crummy 2002). En l’absence de fouilles, il demeure difficile de l’interpréter, car elle diffère notablement, dans sa morphologie, de la plupart des habitats britanniques et s’apparente, en revanche, aux enceintes quadrangulaires du Continent. Les systèmes de remparts repérés aux alentours s’étendent sur des distances considérables, de plusieurs kilomètres. Et là aussi, non loin de l’enceinte (4 km à l’ouest), ont été mises au jour des tombes aristocratiques : celles de Lexden et Stanway.
- 24 Suétone (Caligula, 44, 2) parlant de Caligula : « Il se borna, pour tout exploit, à recevoir la sou (...)
124Le caractère exceptionnel de ces aménagements a conduit à penser qu’il s’agit d’une résidence royale, probablement celle de Cunobellinos, qui succéda à Tasciovanos et régna sur le Sud-Est de l’Angleterre sous Tibère et Caligula, jusqu’en 40 ap J.-C.24.
- 25 César, BG, VII, 76 : « C’était ce même Commus dont César, ainsi que nous l’avons dit plus haut, s’é (...)
125Colin Haselgrove (2000) a attiré l’attention sur la morphologie très particulière de certains « oppida » anglais, qui se présentent comme de vastes complexes incluant parfois des enceintes quadrangulaires ou ovalaires de 1 ou 2 ha. Le monnayage découvert sur celui de Silchester, l’ancienne Calleva Atrebatum, montre que le site fut d’abord placé sous l’autorité de Commios, que César fit roi des Atrébates25.
126Ces quelques exemples montrent le développement progressif de vastes habitats groupés autour d’enceintes qui paraissent être les résidences de personnages majeurs de l’aristocratie, et de sites satellites, qui seraient la propriété de personnages de rang moins élevé (Haselgrove 1987). Ils livrent les traces d’un commerce et d’activités artisanales particulièrement développés. Ils doivent donc attirer notre attention sur le rôle qu’on pu jouer les résidences nobles dans la formation de certains sites d’habitat groupé.
11.7.3. En Allemagne
127En Allemagne, aucune enceinte quadrangulaire comparable à celle de Paule n’a, pour le moment, été signalée. Des habitats de hauteur d’une superficie similaire, comprise entre 1 et 4 ha, ont bien été datés de la fin du premier et du second âge du Fer, mais ils ne présentent pas la même morphologie. Deux sites méritent néanmoins d’être cités.
128Le premier est celui du Goldberg (Nördlinger Ries, Bade-Wurtemberg), édifié vers la fin du Hallstatt au sommet d’une colline dominant la plaine, qui fut occupé jusqu’au ive s. av. J.-C. Les fondations d’une quarantaine de bâtiments y ont été identifiées (Bersu 1930). Un secteur de quelques centaines de mètres carrés, adossé au rempart et isolé par une palissade, abritait deux bâtiments aux fondations imposantes. Ces édifices d’une taille inhabituelle, qui ont pu comporter un étage, peuvent correspondre à la partie résidentielle d’un habitat aristocratique, entourée de dépendances et de maisons construites à l’abri des remparts.
129Le second est celui de l’Altburg à Bundenbach (Hunsrück, Sarre), un éperon barré de 1,5 ha édifié au cours du iiie s. et occupé jusque durant le ier s. av. J.-C. À l’arrière du rempart, à proximité immédiate de la porte qui permettait d’entrer dans la zone fortifiée, a été mis au jour un enclos quadrangulaire de 80 × 50 m délimité par une palissade (Schindler 1977 : 98). Cet espace est organisé en deux cours, séparées par une palissade et reliées par un passage dominé par un édifice supporté par quatre poteaux, vraisemblablement une tour portière. Cet enclos abritait les restes de constructions particulièrement imposantes : des habitations et leurs dépendances, notamment quelques greniers et une cave ou une citerne profonde de 1,70 m creusée dans le rocher. Sur le reste de l’éperon ont été mis au jour les vestiges d’autres habitations et près d’une centaine de greniers sur quatre ou neuf poteaux. Reinhard Schindler interprète cet habitat comme la résidence fortifiée d’un membre de l’aristocratie, abritant de nombreuses structures de stockage.
130Ces deux sites de hauteur, qui rappellent l’éperon barré de l’Aleburg, près de Befort, au Luxembourg, témoignent que des résidences fortifiées aristocratiques ont continué d’exister en Allemagne après l’abandon des forteresses « princières » de la fin du Hallstatt et du début de La Tène. Le statut particulier de ces sites s’exprime avant tout dans la spécificité de leur organisation, marquée par l’isolement d’une partie résidentielle imposante entourée d’ateliers et de nombreuses structures de stockage. Le mobilier livré par ces sites de hauteur, fortement arasés, ne diffère pas notablement de celui des autres habitats de la même époque.
131Dans ce pays, et particulièrement en Bavière, on assiste également, à la fin du Hallstatt et au début de La Tène, à la fondation d’établissements dispersés enclos. Les clôtures, particulièrement développées, se présentent parfois sous la forme d’une succession de fossés ou de palissades, comme c’est le cas à Holsten. Les prospections aériennes ont mis en évidence plus de 200 habitats de ce type et les sondages effectués sur une trentaine d’entre-eux ont confirmé leur datation (Buchsenschutz 2007 : 86). Les bâtiments dont les fondations ont été mises au jour sont relativement imposants. Ces sites, d’une qualité architecturale indéniable, sont interprétés comme des Herrenhöfe, des résidences seigneuriales. Comme en France, les iie et ier s. av. J.-C. voient l’essor de ce type d’habitat, enclos et de plan quadrangulaire. La clôture est désormais constituée d’un fossé plus profond que les tranchées de palissade des sites plus anciens, et il est doublé d’un talus édifié à l’aide des matériaux qui en sont extraits. Ces sites, les Viereckschanzen, sont désormais interprétés comme des demeures rurales aristocratiques. Les fossés en « V », profonds de 1 à 2 m, étaient franchis par des ponts dominés par des tours portières (deux beaux exemples : Riedlingen et Ehningen). Cette clôture abritait une maison assez imposante, d’une surface au sol parfois supérieure à 100 m2, qui pouvait comporter un étage si l’on en juge par les dimensions de certaines fondations. La maison était le plus souvent disposée en face de la porte majeure de l’enclos. Autour étaient disposées les dépendances et parfois un puits. Certains sont tout à fait semblables à ceux de la phase 2 de Paule mais aucune enceinte quadrangulaire comparable à celle des phases ultérieures n’a, pour le moment, été signalée.
132Autour du Herrenhof d’Enkering près de Kinding (Bavière) et de la Viereckschanze de Bopfingen (Bade-Wurtemberg), les fouilles ont révélé que se développait un habitat particulièrement dense et complexe, dont le quadrilatère enclos ne constituait que la partie visible d’avion. Le site d’Enkering, étudié de 1995 à 1999 sur 3,3 ha, a livré, dans sa partie sud, les vestiges d’une occupation plus ancienne datée du Néolithique final et de l’âge du Bronze ancien. Mais, au nord-ouest de l’enclos du Hallstatt final, qui est délimité par une quadruple ligne de fossés et de tranchées de palissade, ont été détectés les vestiges d’un enclos quadrangulaire du premier âge du Fer délimité par une palissade, partiellement détruit lors de la construction du Herrenhof et, aux alentours, les fondations de nombreux bâtiments (Rieder, Schaich 1998). Le second site, celui de Bopfingen, a été fouillé sur 4,5 ha. Il a livré de multiples vestiges correspondant aux phases successives d’évolution d’un habitat. La clôture la plus ancienne, datée du début du ive s. av. J.-C., délimite un enclos curviligne d’une superficie de 1,5 ha. Au cours du iiie s., une nouvelle palissade délimite un nouvel enclos de 50 m de côté au centre du précédent. Puis, au cours du iie s., un nouvel enclos de type Viereckschanze, délimité par un large fossé bordé d’un talus, vient partiellement détruire les anciennes clôtures. Les orientations des multiples bâtiments dont les fondations ont été mises au jour ont permis d’en rattacher certains à l’enclos carré de la seconde phase et d’autres à l’enclos quadrangulaire de la dernière phase. Il est manifeste, toutefois, que de nombreuses constructions ont été édifiées hors de ces enclos, dans la vaste enceinte palissadée au tracé curviligne, mais également, pour certains d’entre eux, à l’extérieur.
133De la comparaison avec ces sites allemands, qui ne sont pas si différents de ceux du Nord de la France, notamment pour ceux des deux derniers siècles avant notre ère, il faut retenir l’hypothèse des résidences aristocratiques. Le plan de certaines tours portières identifiées sur ces enclos rappelle étrangement celles qui ont été édifiées en phase 2 du site de Paule, entre -300 et -250. Certains plans de bâtiments semblent également extrêmement proches, tout comme la structure de certains puits. Notons enfin que les deux phases constatées dans l’expansion de ce type d’habitat dispersé, avec une première série de fondations à la fin du premier et au début du second âge du Fer, puis un essor durant les deux derniers siècles qui précèdent notre ère, rappelle également des faits observés dans la plupart des régions de la moitié Nord de la France.
11.7.4. En Bohème
134L’enceinte de Mšecké Žehrovice, en Bohème centrale (République tchèque), a été rendue célèbre par la découverte d’une tête de statue superbement sculptée, datée de la première phase d’occupation du site. Il est désormais assuré que celui-ci a connu de multiples phases d’évolution entre le iiie et le iers.av.J.-C. (Venclová 1989a ; 1989b ; 1998). La superficie couverte par l’enceinte, la puissance des clôtures et la découverte des fondations de bâtiments monumentaux, dont la surface au sol excède 150 m2, attestent le caractère majeur de cet habitat. Il en est de même de la découverte de parures en verre, de céramiques graphitées en quantités inhabituelles, de pièces de chars, de déchets issus du travail des métaux et du lignite, sans oublier celle de la sculpture. Tous ces indices plaident désormais pour que l’on y reconnaisse une résidence aristocratique.
135Par sa morphologie, sa position topographique et le développement d’un vaste complexe d’habitat et d’activités artisanales à l’est de l’enceinte, ce site rappelle beaucoup celui de Paule. Il doit attirer notre attention sur la possibilité de découvrir le même type d’enceintes à des milliers de kilomètres de la zone atlantique. De telles enceintes ne semblent donc pas spécifiques à la Gaule. Il semble désormais possible d’envisager qu’il y en ait eu, entre le iiie et le ier s. av. J.-C., dans toutes les régions caractérisées par la présence d’oppida autour desquels s’égrènent un chapelet de demeures rurales et autres exploitations encloses.
Notes
1 César, BG, VI, 13 : « Dans toute la Gaule, il n’y a que deux classes d’hommes qui soient comptées pour quelque chose et qui soient honorées ; car la multitude n’a guère que le rang des esclaves, n’osant rien par elle-même, et n’étant admise à aucun conseil. La plupart, accablés de dettes, d’impôts énormes, et de vexations de la part des grands, se livrent eux-mêmes en servitude à des nobles qui exercent sur eux tous les droits des maîtres sur les esclaves. Des deux classes privilégiées, l’une est celle des druides, l’autre celle des chevaliers. »
2 BG, VI, 31 : « Omnem nobilitatem, omnem senatum, omnem equitatum. »
3 Surnommé Dion Chrysostome.
4 L’Histoire de Posidonios d’Apamée (dit également Posidonios de Rhodes) nous est connue par les extraits qu’Athénée de Naucratis en a intégrés dans ses Deipnosophistes. La traduction utilisée ici est celle de Perrin, Decourt (2002 : 386).
5 César, BG, VI, 30 : « […] ce fut aussi pour lui un grand bonheur, qu’après s’être vu enlever tout l’attirail de guerre qu’il avait autour de lui, et prendre ses chars et ses chevaux, il pût échapper à la mort. C’est pourtant ce qui arriva, parce que sa maison étant située au milieu des bois (comme le sont généralement celles des Gaulois qui, pour éviter la chaleur, cherchent le voisinage des forêts et des fleuves), ses compagnons et ses amis purent soutenir quelque temps, dans un défilé, le choc de nos cavaliers. »
6 César, BG, V, 21 : « II apprit d’eux que la place où s’était retiré Cassivellaunos était à peu de distance, qu’elle était défendue par des bois et des marais, et qu’un assez grand nombre d’hommes et de bestiaux s’y étaient rassemblés. Les Bretons donnent le nom d’oppidum à un bois épais qu’ils ont entouré d’un retranchement et d’un fossé et qui est leur retraite accoutumée contre les incursions de l’ennemi. César y mène les légions : il trouve le lieu parfaitement défendu par la nature et par l’art. Cependant il essaie de l’attaquer sur deux points. Les ennemis, après quelque résistance, ne purent supporter le choc de nos soldats et s’enfuirent par une autre partie de la place. On y trouva beaucoup de bétail, et un grand nombre de Barbares furent pris ou tués dans leur fuite. »
7 Tacite, Annales, IV, 73 : « On sut bientôt par les transfuges que neuf cents Romains avaient péri auprès du bois de Baduhenne, après avoir prolongé le combat jusqu’au lendemain, et que quatre cents autres, voulant se défendre dans une maison dont le maître, nommé Cruptorix, avait servi dans nos armées, avaient craint d’être trahis, et s’étaient mutuellement donné la mort. »
8 Athénée de Naucratis dans Les deipnosophistes, IV, 37, citant le XXIIIe livre de Posidonios d’Apamée (trad. Lefèbvre de Villebrune) : « Posidonios, détaillant quelles étaient les richesses de Luernios, père de ce Bituitos que les Romains tuèrent, dit que, pour capter la bienveillance du peuple, il parcourait les campagnes sur un char, répandant de l’or et de l’argent à des myriades de Celtes qui le suivaient. Il fit une enceinte carrée de douze stades, où l’on tint, toutes pleines, des cuves d’excellente boisson, et une si grande quantité de choses à manger que pendant nombre de jours ceux qui voulurent y entrer eurent la liberté de se repaître de ces aliments, étant servis sans interruption. Une fois que ce même prince avait donné un grand festin à un jour fixé d’avance, un poète de chez ces barbares était arrivé trop tard. Il alla au-devant de Luernios avec un chant où il célébrait sa grandeur, mais en gémissant du retard dont il portait la peine. Le prince, amusé par ses vers, demanda une bourse d’or et la jeta au barde courant à côté (de son char), lequel la ramassa et fit entendre un nouveau chant disant que les traces laissées sur la terre par le char du prince étaient des sillons qui portaient pour les hommes de l’or et des bienfaits. »
9 Cette enquête nationale, initiée dans le cadre des Axes de recherches de l’Inrap en 2006, était coordonnée par François Malrain et Gertrude Blancquaert de l’Inrap et Thierry Lorho. Nous y avons participé pour la Bretagne.
10 César, BG, VI, 13 : « Les premiers, ministres des choses divines, sont chargés des sacrifices publics et particuliers, et sont les interprètes des doctrines religieuses. »
11 César (BG, V, 19), décrit ainsi la tactique de harcèlement à laquelle sont soumis les Romains en territoire breton : « Cassivellaunos, comme nous l’avons dit plus haut, désespérant de nous vaincre en bataille rangée, renvoya la plus grande partie de ses troupes, ne garda guère que quatre mille hommes montés sur des chars, et se borna à observer notre marche, se tenant à quelque distance de notre route, se cachant dans les lieux de difficile accès et dans les bois, faisant retirer dans les forêts le bétail et les habitants des pays par lesquels il savait que nous devions passer. Puis, lorsque nos cavaliers s’aventuraient dans des campagnes éloignées pour fourrager et butiner, il sortait des bois avec ses chariots armés, par tous les chemins et sentiers qui lui étaient bien connus, et mettait en grand péril notre cavalerie, que la crainte de ces attaques empêchait de se répandre au loin. »
12 César, BG, IV, 2 : « Bien plus, ces chevaux étrangers qui plaisent tant dans la Gaule, et qu’on y paie à si haut prix, les Germains ne s’en servent pas. Les leurs sont mauvais et difformes […]. »
13 César, BG, I, 18 : « Magnum numerum equitatus suo sumptu semper alere et circum se habere = On le voyait entouré d’une cavalerie nombreuse, entretenue à ses frais. »
14 César, BG, II, 15 : « César s’informa du caractère et des mœurs de ce peuple, et apprit que chez eux tout accès était interdit aux marchands étrangers ; qu’ils proscrivaient l’usage du vin et des autres superfluités, les regardant comme propres à énerver leurs âmes et à amollir le courage. »
15 Arrien, Cynég., XXI : « Les Gaulois ont deux espèces de chiens pour cette chasse [la chasse au lièvre] : les premiers sont des “rapporteurs”, lents et fins de nez. Les autres sont tenus en laisse et ne sont découplés qu’après le départ du lièvre. » Cette technique de chasse est toujours en usage en Angleterre (Hillaud 1909 : 17).
16 Strabon (Géogr., IV, 5, 2) à propos de la Bretagne : « Elle produit du blé, du bétail, de l’or, de l’argent, du fer, et ce sont là ses principaux articles d’exportation joints à des cuirs, à des esclaves et à d’excellents chiens de chasse, que les Celtes utilisent également pour la guerre, comme ils le font de leurs races indigènes. »
17 Arrien, Cynég., XXXIV : « Les tribus gauloises ont coutume d’offrir chaque année des sacrifices à Diane. Les uns donnent le produit d’une quête, pour un lièvre on met dans le tronc deux oboles, pour un renard une drachme parce que c’est un animal rusé, le fléau des lièvres ; aussi donne-t-on pour lui d’avantage, comme lorsqu’on s’empare d’un ennemi. Le jour de la fête de Diane on ouvre le tronc et, de l’argent qu’il renferme on achète une brebis, une chèvre ou même un veau si la somme est assez forte. Après l’acomplissement des rites sacrés, quand les victimes ont été offertes à Diane chasseresse, les chasseurs, accompagnés de leurs chiens, font des libations à leur génie protecteur. Ces jours-là, les chiens portent des couronnes de feuillages, afin de bien montrer qu’ils sont les héros de la fête. »
18 Appien, Cel., 12, 2-5 : « Au moment où ce général [Gnaeus Domitius] quittait le territoire des Salyes, un ambassadeur de Bitoïtos, roi des Allobroges, en somptueux équipage, vint au devant de lui ; il était escorté de gardes richement vêtus et de chiens. Les barbares en ces contrées ont aussi une garde de chiens. »
19 Varron, De Agr., I, 17 : « Je vais parler maintenant de la pratique, où quelques-uns veulent faire la distinction de deux parties, à savoir les bras qui travaillent, et les instruments sans lesquels ils ne peuvent travailler ; ce sont les instruments que d’autres veulent diviser en trois genres, savoir le genre parlant qui comprend les esclaves, le genre voix inarticulée qui comprend les bœufs, le genre muet qui comprend les véhicules. »
20 Christian-J. Guyonvarc’h (1994 : 55) propose une traduction renouvelée de ce texte méconnu : « On leur apporta ce qui avait le moins de valeur de leurs richesses, afin qu’ils sussent lequel des deux avait le plus de richesses, de trésors et de biens. On leur apporta leurs seaux et leurs cuveaux, leurs récipients de fer, leurs cuves et leurs cuvettes. On leur apporta leurs anneaux et leurs bracelets, leurs objets d’or et leurs vêtements, soit pourpres, soit bleus, noirs et verts, jaunes, bariolés, gris, bruns, tachetés et rayés. On leur amena leurs nombreux troupeaux de moutons des champs, des prairies et des plaines. On compta, on recompta et on reconnut qu’ils étaient de même poids, de même taille et de même nombre, si ce n’est qu’il se trouvait un bélier très beau parmi les moutons de Medb. […] On leur amena leurs chevaux, leurs attelages et leurs troupeaux de chevaux des prairies et des pâturages. […] On leur amena aussi leurs nombreux troupeaux de porcs des forêts, des vallées retirées et des taillis. On évalua, on compta et on reconnut qu’il y avait un très beau verrat chez Medb. […] On leur amena leurs troupeaux de vaches, leur cheptel et leur bétail des forêts et des lieux sauvages de la province. On évalua, on compta et on reconnut qu’ils avaient le même poids, la même taille et le même nombre, si ce n’est qu’il y avait un très beau taureau parmi les vaches d’Ailill […]. »
21 César, BG, II, 29 : « Ayant abandonné leurs oppida et leurs castella, ils se retirèrent avec tout ce qu’ils possédaient dans un seul oppidum, admirablement fortifié par la nature. » Et plus loin (BG, VI, 32) : « […] il envoya les bagages de toutes les légions à Atuatuca. C’est le nom d’un castellum, il est situé presque au milieu du pays des Éburons. » Sa relation des manœuvres gauloises pour reprendre la place nous apporte quelques précisions sur le dispositif fortifié dudit castellum (BG, VI, 35) : « […] la garde est si faible qu’elle ne pourrait même pas couvrir le murus […]. »
22 La rivière a donné son nom à l’oppidum.
23 Tasciovanos a régné sur les Catuvellaunes à partir de -25 environ, succédant à son père Cassivellaunos, qui avait affronté Jules César lors de son incursion en Bretagne en -54. Après avoir signé un traité d’alliance avec Auguste, il devint roi de Bretagne et le resta jusqu’à sa mort, en -9. Verlamion serait sa capitale, que lui-même (juste après avoir conquis la cité des Trinovantes en -10) ou son fils Cunobellinos (plus tard, après -9) aurait déplacée à Camulodunon (Camulodunum).
24 Suétone (Caligula, 44, 2) parlant de Caligula : « Il se borna, pour tout exploit, à recevoir la soumission d’Adminius, fils de Cunobellinus, roi des Bretons, qui, chassé par son père, s’était réfugié auprès de lui avec une suite peu nombreuse. »
25 César, BG, VII, 76 : « C’était ce même Commus dont César, ainsi que nous l’avons dit plus haut, s’était servi comme d’un agent fidèle et utile dans la guerre de Bretagne, quelques années auparavant ; et en reconnaissance de ses services, César avait affranchi sa nation de tout tribut, lui avait rendu ses droits et ses lois et assujetti les Morins. »
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
Légende | FIG. 323. Répartition des habitats ruraux enclos susceptibles d’avoir été des résidences aristocratiques au second âge du Fer dans la moitié nord de la France. Leur qualité aristocratique est déterminée sur la base de dix-huit critères. Les deux premiers s’expriment en termes de seuil : A leur superficie construite enclose (avec un seuil établi à 1,1 ha) ; B la puissance de leur clôture (avec un seuil de profondeur des fossés fixé à 2,6m). Les seize suivants s’expriment en termes de présence-absence : C les porches d’entrée ou tours portières ; D les bâtiments hors du commun ; E les dispositifs de stockage des récoltes ; F les dépendances artisanales ; G des sépultures « riches » ou un sanctuaire ; H la mise en scène de l’espace ; I la grande variété des objets ou des objets inhabituels ; J les objets en métal précieux ; K les armes ; L les pièces de harnachement ; M les objets liés au banquet ; N les témoins de la pratique de la chasse ; O les traces mobilières d’un artisanat développé ; P la statuaire et les objets décorés ; Q les objets de toilette ; R les instruments d’écriture et les jeux (resp. responsable). Les colonnes C à T ont été « diagonalisées ». La colonne « groupe » (gr.) présente le classement des sites selon leur niveau de réponse à la critérisation. Distribution of the rural enclosed settlements that could have been aristocratic residences during the Second Iron Age in the northern half of France. The aristocratic nature is determined based on eighteen criteria. The first two are expressed as thresholds : A their enclosed constructed surface area (with a threshold of 1.1ha) ; B the size of their enclosure (with a ditch depth threshold set at 2.6 m). The sixteen following criteria are expressed in terms of presence-absence : C entrance porches or door towers ; D unusual buildings ; E harvest storage facilities ; F artisanal annexes ; “G rich”graves or a sanctuary ; H a staging of the space : I the variety of objects or unusual objects ; J precious metal objects ; K weapons ; L tack pieces ; M banquet-related objects ; N evidence for hunting activities ; O portable artifacts showing developed craftsmanship ; P statues and decorated objects ; Q toiletries ; R writing instruments and games (resp. responsible). Columns C to T were “diagonalized.” The column “group” (gr.) shows the classification of of sites according to their level of adherence to the criteria. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 275k |
![]() | |
Légende | FIG. 324. Habitats ruraux de la fin du premier et du début du second âge du Fer présentant certaines particularités typiques d’une occupation aristocratique : une superficie supérieure à 1 ha, une grande habitation et de nombreuses structures de stockage : a Paule / Saint-Symphorien, phase 1 ; b Courseulles-sur-Mer / La Fosse Touzé, Calvados ; c Grisy-sur-Seine / Les Terres du Bois Mortier, Seine-et-Marne. Rural settlements from the end of the First and start of the Second Iron Age displaying some features typical of an aristocratic occupation : a surface area greater than 1 ha, a large dwelling, and several storage facilities : a Paule / Saint-Symphorien, phase 1 ; b Courseulles-sur-Mer / La Fosse Touzé, Calvados ; c Grisy-sur-Seine / Les Terres du Bois Mortier, Seine-et-Marne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 58k |
![]() | |
Légende | FIG. 325. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 1, celui des sites de moins de 1,1 ha présentant de deux à cinq signes de présence aristocratique (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 29 Yvré-l’Evêque / Le Grand Aunay, Sarthe ; 32 La Chaize-le-Vicomte / La Chapellière ; 34 Cholet / La Bleure, Maine-et-Loire ; 36 Clermont-Ferrand / Le Pâtural, Puy-de-Dôme ; 41 Herblay / Les Fontaines, Val d’Oise ; 47 Écouflant / La Chaîne, Maine-et-Loire ; 48 Écouflant / La Réculière, Maine-et-Loire. Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 1, that of sites of less than 1.1ha and displaying two to five signs of aristocratic presence (the site numbers refer to fig.323) : 29 Yvré-l’Evêque / Le Grand Aunay, Sarthe ; 32 La Chaize-le-Vicomte / La Chapellière ; 34 Cholet / La Bleure, Maine-et-Loire ; 36 Clermont-Ferrand / Le Pâtural, Puy-de-Dôme ; 41 Herblay / Les Fontaines, Val d’Oise ; 47 Écouflant / La Chaîne, Maine-et-Loire ; 48 Écouflant / La Réculière, Maine-et-Loire. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 179k |
![]() | |
Légende | FIG. 326. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2 et présentant au moins cinq traits typiques d’une occupation aristocratique, sous-groupe des plans complexes (les numéros de site renvoient à la fig.323) : 12 Échiré / Le Chemin Chevaleret, Deux-Sèvres ; 7 Varennes-sur-Seine / La Justice, Seine-et-Marne ; 8 Orval / Les Pleines, Manche ; 18 Dissay-sous-Courcillon / Beauregard, Sarthe ; 19 Braine / La Grange des Moines, Aisne. Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2, that of sites greater than 1.1 ha and displaying at least five features typical of an aristocratic occupation, sub-group of simple plans with two adjoined enclosures (the site numbers refer to fig.323) : 12 Échiré / Le Chemin Chevaleret, Deux-Sèvres ; 7 Varennes-sur-Seine / La Justice, Seine-et-Marne ; 8 Orval / Les Pleines, Manche ; 18 Dissay-sous-Courcillon / Beauregard, Sarthe ; 19 Braine / La Grange des Moines, Aisne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 218k |
![]() | |
Légende | FIG. 327. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2, celui des sites de 1,1 ha et plus présentant au moins cinq particularités typiques d’une occupation aristocratique, sous-groupe des plans simples à deux enclos accolés (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 9 Saint-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains, Vienne ; 11 Coulon / Les Grands Champs, Deux-Sèvres ; 16 Trémuson / La Morandais, Côtes-d’Armor ; 24 Arnac-la-Poste / La Croix du Buis, Haute-Vienne. Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2 and displaying at least five features typical of an aristocratic occupation, sub-group of complex plans (the site numbers refer to fig. 323) : 9 Saint-Georges-les-Baillargeaux / Les Gains, Vienne ; 11 Coulon / Les Grands Champs, Deux-Sèvres ; 16 Trémuson / La Morandais, Côtes-d’Armor ; 24 Arnac-la-Poste / La Croix du Buis, Haute-Vienne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 123k |
![]() | |
Légende | FIG. 328. Habitats enclos du second âge du Fer classés dans le groupe 2 et présentant dix à douze traits typiques d’une occupation aristocratique (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 2 Fontenay-le-Comte / Les Genâts, Vendée ; 4 Bazoches-sur-Vesles / Les Chantraines, Aisne. Second Iron Age enclosed settlements classed in Group 2 and displaying ten to twelve features typical of an aristocratic occupation (the site numbers refer to fig. 323) : 2 Fontenay-le-Comte / Les Genâts, Vendée ; 4 Bazoches-sur-Vesles / Les Chantraines, Aisne. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 146k |
![]() | |
Légende | FIG. 329. Habitats enclos du groupe 3 : enceintes de forme quadrangulaire dont les fossés sont d’une particulière profondeur (> 2,80 m) et qui par conséquent pourraient correspondre à des résidences, celles de la haute aristocratie du second âge du Fer (les numéros de site renvoient à la fig.323) : 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, Côtes-d’Armor, phase 5 ; 3 Batilly-en-Gâtinais / Les Pierrières, Loiret ; 5 Arras / La Corette, Pas-de-Calais ; 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 10 Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor ; 14 Sennecé-les-Mâcon / Emputet, Saône-et-Loire ; 15 Le Puy-Saint-Bonnet / Les Natteries, phase récente, Maine-et-Loire ; 20 Lyon / Rue du Souvenir, Rhône ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire ; 43 Barzan / Le Fâ, Charente-Maritime. Group 3 settlements : quadrangular enclosures with deep ditches (> 2.80 m), which could thus correspond to residences of the high aristocracy of the Second Iron Age (the site numbers refer to fig. 323) : 1 Paule / Camp de Saint-Symphorien, Côtes-d’Armor, phase 5 ; 3 Batilly-en-Gâtinais / Les Pierrières, Loiret ; 5 Arras / La Corette, Pas-de-Calais ; 6 Bourguébus / La Main Delle, Côtes-d’Armor ; 10 Trégueux / La Porte Allain, Côtes-d’Armor ; 14 Sennecé-les-Mâcon / Emputet, Saône-et-Loire ; 15 Le Puy-Saint-Bonnet / Les Natteries, phase récente, Maine-et-Loire ; 20 Lyon / Rue du Souvenir, Rhône ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire ; 43 Barzan / Le Fâ, Charente-Maritime. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 287k |
![]() | |
Légende | FIG. 330. Restitution de l’habitat enclos des Pierrières à Batilly-en-Gâtinais, Loiret. Reconstruction of the enclosed settlement of Pierrières at Batilly-en-Gâtinais, Loiret. |
Crédits | Image Court-Jus Production. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 102k |
![]() | |
Légende | FIG. 331. Quelques ensembles de bâtiments et d’enclos mis au jour lors de fouilles extensives effectuées autour d’enceintes quadrangulaires du groupe 3 (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 15 Le Puy-Saint- Bonnet / Les Natteries, Maine-et- Loire ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire. A few groups of buildings and enclosures uncovered during the extensive excavations made around the quadrangular enclosures of Group 3 (the site numbers refer to fig. 323): 6 Bourguébus / La Main Delle, Calvados ; 15 Le Puy-Saint- Bonnet / Les Natteries, Maine-et- Loire ; 42 Bauné / Le Haut Soulage, Maine-et-Loire. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 77k |
![]() | |
Légende | FIG. 332. Deux ensembles particulièrement vastes entourant des enceintes du groupe 3 (les numéros de site renvoient à la fig. 323) : 3 la cour bordée de bâtiments à l’avant de l’enceinte des Pierrières à Batilly-en-Gâtinais, Loiret ; 5 le complexe qui se développe autour de l’enceinte quadrangulaire de La Corette à Arras, Pas-de-Calais ; l’enceinte pourrait être un habitat de l’âge du Fer transformé par les Romains en poste militaire fortifié. Two vast groups surrounding Group 3 enclosures (the site numbers refer to fig. 323) : 3 the courtyard bordered by buildings in front of the Pierrières enclosure at Batilly-en-Gâtinais enclosure, Loiret ; 5 the complex located around the quadrangular enclosure of La Corette enclosure at Arras, Pas-de-Calais ; the enclosure could be a Second Iron Age settlement transformed by the Romans into a fortified military post. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 113k |
![]() | |
Légende | FIG. 333. Site de Verlamion-Verulamium à Saint Albans (Hertfordshire, Angleterre) : l’habitat de Gorhambury et la tombe princière de Folly Lane. The site of Verlamion-Verulamium at Saint Albans (Hertfordshire, England) : the Gorhambury settlement and the Folly Lane princely tomb. |
URL | http://books.openedition.org/editionsmsh/docannexe/image/48805/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 85k |
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021